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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

Septembre 2001, l’Amérique sombre dans la terreur. Octobre 2001, l’administration Bush signe le Patriot Act. Novembre 2001 Microsoft lance sa première console de jeu vidéo et l’Armée américaine s’infiltre sans scrupule dans l’industrie du jeu vidéo.

Huit ans plus tard l’Amérique a presque gagné cette bataille là. Le bouillonnement créatif et technologique du jeu vidéo a quitté le Japon pour les États-Unis et le jeu vidéo dans ce qu’il a de plus spectaculaire s’est totalement militarisé. Le succès commercial et inculturé de Call of Duty : Modern Warfare 2 en est le point culminant. Malgré son avance technologique, le jeu vidéo confirme son retard sur l’histoire…

Call of Duty Bush 02

Du très sérieux Civilization qui privilégiait dès 1991 sur PC les scénarios de conquête militaire aux colonisations pacifiques, jusqu’aux missions en hélicoptères de combat de Desert Strike sur la console Megadrive en 1992, le jeu vidéo n’a évidemment pas attendu les temps modernes pour se frotter aux frissons de la guerre virtuelle. L’arrivée de la 3D au début des années 90 a même ouvert le champ d’action à bien des combats, et les jeux de guerre ont peu à peu occupé une place privilégiée dans le catalogue des éditeurs. La révélation des pouvoirs d’immersion en vue subjective sur un champ de bataille arriva franchement avec le premier Medal of Honor réalisé par Electronic Arts en coordination avec Dreamworks Interactive en 1999, et directement inspiré par l’immersion évocative du film Il faut Sauver le Soldat Ryan. Puisant plus directement encore dans la mise en scène tétanisante de La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, la très efficace série Call of Duty, elle aussi située exclusivement pendant la Seconde Guerre Mondiale, finit par reprendre le flambeau jusqu’à l’épisode Modern Warfare de 2007 déplaçant, contre l’avis de son éditeur, l’action de nos jours.

Infiltration

Rejeton récupéré parmi d’autres du Patriot Act de l’administration Bush, le jeu vidéo s’est retrouvé plus ou moins discrètement instrumentalisé par l’armée au cours des années 2000. Décomplexée au même titre que le reste de l’Amérique entrée en résistance contre le monde, l’armée US lançait sans gêne ni critique son propre jeu de guerre en ligne accessible gratuitement. Aujourd’hui encore elle inspire nombre de productions en offrant ses conseils et l’accès à son arsenal sans qu’aucune instance ne discute et remette en question la présence physique et virale des moyens et des valeurs de l’armée américaine dans l’industrie du jeu vidéo qui, rappelons-le, vise en premier lieu une population masculine entre 12 et 35 ans (nos chiffres d’observation, pas ceux d’un institut mandaté).

Propagande ouverte et sans freins

Le début des années 2000 devint l’époque, par exemple, où le gentil éditeur français Ubisoft et son Rayman vedette sentit le vent venir et commença à tisser des liens privilégiés avec l’armée devenue conseiller militaire, sur ses productions Tom Clancy notamment. Ubisoft prit l’habitude étrange et fort dérangeante de faire intervenir d’anciens militaires braillant des ordres dans ses présentations presse de jeux comme Brother’s in Arms ou Haze sans que cela offusque, il faut le préciser, les journalistes spécialisés conviés à ces messes obscènes. C’est l’époque où l’armée américaine commanda et supervisa auprès du studio Pandemic (qui vient de fermer ses portes suite à la restructuration d’Electronic Arts) un Full Spectrum Warrior, jeu dans le commerce et véritable support d’entrainement aux troupes, redonnant de la dignité et de l’éthique à la simulation militaire virtuelle malmenée par les productions anarchiques du jeu vidéo. Un comble et une honte non bue pour le milieu. Non seulement l’armée s’infiltrait insidieusement dans la production de jeux devenue instrument de propagande (d’un état d’esprit) mais elle donnait, et de belle manière, des leçons de conduite et d’honneur aux faiseurs de jeu. C’est aussi l’époque où l’américain Microsoft est entré de force dans l’industrie du jeu vidéo sur console en injectant et brûlant des milliards de dollars. Huit ans après la sortie de la première Xbox en novembre 2001, deux mois après le 11 septembre, forcément un hasard mais un symbole aujourd’hui stupéfiant, l’OPA américaine non déclarée sur le jeu vidéo a presque totalement réussi. La scène japonaise du jeu vidéo lutte désormais pour survivre face aux gros studios américains capables de toutes les prouesses technologiques. Et le jeu vidéo, comme le reste du monde, subit la politique va-t-en guerre américaine.

Le jeu vidéo en retard sur l’histoire

Au moment où l’Europe et le monde saluent l’anniversaire de la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, où Barack Obama inclut le jeu vidéo dans un nouveau programme d’éducation lié au STEM, qui verra, entre autres initiatives, le jeu Little Big Planet rejoindre les bibliothèques, la partie la plus bruyante et émergée du jeu vidéo et des joueurs célèbre un Modern Warfare 2 qui rejoue très sérieusement une guerre pseudo contemporaine entre américains patriotiques et russes odieux. Dans le jeu, une séquence plus imbécile encore que les autres conduit un américain infiltré au sein d’un commando russe à participer à un massacre de civils dans un aéroport. Une séquence « choc » facultative puisque le jeu offre dès le début le choix – forcément hypocrite et aiguiseur de curiosité – de jouer une version sans les scènes « pouvant choquer », et repose la question avant la scène en question en précisant bien, au moins ça, que le score du joueur ne sera pas pénalisé s’il saute comme proposé cette séquence. Qui aura acheté son jeu 70 € et contournera sérieusement un chapitre ? Manette en mains, confirmons que l’on peut « jouer » la scène en ne tirant soi-même pas un seul coup de feu. Ce qui n’empêche pas d’être obligé de suivre et d’assister pendant de longues minutes au spectacle du massacre à la mitraillette totalement gratuit. Aveugle à lui-même, le scénariste Jesse Stern déclare dans une interview auto satisfaite avoir là exercé son droit à repousser les limites de la narration interactive ! Sans y croire, nous avons essayé de lutter contre le programme en restant totalement immobile – impossible – ou en cherchant à éliminer ses pseudos partenaires russes – impossible également, cela conduit systématiquement à sa propre mort, c’est-à-dire au début de la séquence. Après un moment de stupeur, « absolument tous les joueurs invités à tester le jeu ont fini par tirer sur la foule », révèle le scénariste, « parce que c’est la nature humaine » et que ce n’est qu’un jeu vidéo.

Vieux démons

La réussite des scènes d’action, des spectaculaires mise en en scène et mise en action de COD : MW2 cache une ignorance ou une indifférence crasse des faits du monde par le studio de développement californien Infinity Ward. Une bêtise doublée d’une indélicatesse diplomatique d’un autre âge, pour ne pas dire autre chose, digne des faucons de l’ère Bush, qui a conduit la Russie, honneur oblige et non la censure, à réclamer le retrait de la vente du jeu dans le pays. Une version sans l’épisode en question pourrait y être commercialisée. Aujourd’hui, des associations humanitaires suisses recensent tous les crimes de guerre perpétrés dans les jeux vidéo et demandent publiquement aux développeurs et éditeurs de respecter les règles humanitaires internationales dans leurs productions.

Score de rattrapage

Ultime hypocrisie qui voudrait passer l’éponge, en compagnie de Microsoft et de la chaine de magasins Game, l’éditeur organise en Grande-Bretagne une session de jeux en réseaux de COD : MW2 dont la présence massive de joueurs conditionnera la remise d’une somme à l’association War Child (150 000 £ si 600 000 joueurs se connectent, plus 25 000 £ tous les 100 000 joueurs supplémentaires).
À la pointe de la technologie dès sa naissance dans les années 70, précurseur de la révolution numérique et interactive, le jeu vidéo devenu adulte du côté box office continue en réalité une crise d’adolescence et d’identité qui le laisse à la merci de la première autorité venue. Le service militaire a beau ne plus être obligatoire, à presque 40 ans le jeu vidéo continue de faire ses classes. Dernière minute, Activision confirme la réussite de l’invasion. Depuis son premier épisode, la série Call of Duty s’est vendue à 55 millions d’exemplaires et a généré 3 milliards de $ de recettes. On attend désormais le retrait des troupes promis par Barack Obama.

À lire 1ère partie : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush

François Bliss de la Boissière

(Publié le 29 novembre 2009 sur Electron Libre)

Quelques réflexions inégales mais intéressantes sur la guerre dans le jeu vidéo dans le n°1 des Cahiers du jeu vidéo chez Pix’n Love éditions

Lire également, comment COD : MW 2 a influencé le traditionnel calendrier des sorties de Noël…


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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (1ère partie)

La production interactive d’Activision-Blizzard, filiale de Vivendi, vient de battre les records de sortie d’un jeu vidéo, et plus. Chiffres et communiqués nous martèlent que, depuis sa sortie le 10 novembre, les ventes sur Xbox 360, PlayStation 3 et PC ont explosé tous les records de lancement d’un produit de divertissement. Cinéma compris. Seul hic dans ce triomphalisme ambiant, le jeu en question est un jeu de guerre. Et les chiffres ne disent pas tout. Techniquement impeccable mais scénaristiquement imbécile, il rejoue le tête-à-tête russo-américain de l’après guerre au moment où l’on célèbre la chute du mur de Berlin…

Call of Duty Bush 01

Pas de quoi se réjouir pour une industrie du jeu vidéo en mal de reconnaissance culturelle et artistique. COD : MW2, petit nom agréé du 7e chapitre d’une série lancée en 2003, bat au box office la sortie du jeu vidéo Grand Theft Auto 4, dernier record en date. Un jeu de guerre succède donc à un jeu de gangsters (précisons-le avant lapidation, l’un et l’autre sont loin du niveau de films comme La Ligne Rouge de Terence Malick, ou du Parrain de Francis Ford Coppola). Soit, selon les chiffres de GFK reportés par l’éditeur : 376 000 exemplaires et 25,5 M€ de recettes générés en cinq jours en France pour COD : MW2 (1,7 millions d’exemplaires vendus en une semaine en Grande-Bretagne, 3 millions en Amérique du Nord), contre 320 000 exemplaires de Grand Theft Auto IV en 2008 pour 24 M€. Et l’éditeur d’aligner les comparaisons en France avec le DVD de Bienvenue chez les Chtis (17,1 M€) et le dernier tome d’Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (12,6 M€). Puis dans le monde. 550 millions de $ de recettes en cinq jours qui battent les films Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (394 M$) et The Dark Knight (203,8 M$) et, enfin, le jeu, tenant du titre, Grand Theft Auto IV (500 M$ pour 6 millions d’exemplaires). La réalisation de COD : MW2 aurait coûtée entre 40 et 50 M$ là où celle de Grand Thef Auto est réputée avoir atteint les 100 M$.

Comment faire parler les chiffres

Petit rappel démographique devant ces chiffres tsunami intellectuels. À 70 € le prix de vente en moyenne, les 25,5 M€ de recettes du jeu Call of Duty : Modern Warfare 2 en France représentent une population d’à peu près 360 000 acheteurs comme le dit le communiqué de l’éditeur. À 20 € en moyenne le prix de vente du DVD, les 17,1 M€ de recettes de Bienvenue chez les chtis correspondent à 850 000 acheteurs environ, et au moins autant de spectateurs familiaux associés, soit 2 à 4 fois plus de personnes que le jeu vidéo qui bat tous les records. L’impact du lancement tonitruant du jeu a plus d’effet dans les médias que dans la population. Et les records chassant l’autre, la sortie du 2e chapitre Twilight au cinéma mercredi 18 novembre bat les records d’entrées aux USA (72,7 M$ dès le premier jour, « 3e meilleur démarrage de tous les temps », 258,5 M$ en fin de week-end, juste derrière le record de The Dark Knight) et, en France, 2,1 millions d’entrées en 5 jours qui le place en 2e place des records de sortie. Le jeu Assassin’s Creed II sorti la semaine dernière s’est écoulé lui-même à 1,6 millions d’exemplaires dans le monde en 7 jours.

Dérive culturelle

Le pouvoir éblouissant du box office et tout serait dit. Les records mondiaux de ventes de jeux vidéo à leur sortie se félicitent ainsi de voir une simulation de troufions, littéralement aux ordres pendant le jeu, embarqués sur différents fronts russo-américains imaginaires succéder à une simulation de vie de gangsters dans un New York outlaw. Ces jeux officiellement pour « adultes » sans autre vertu que le pouvoir du spectacle et de la violence interactive provoquent la ruée simultanée de millions de jeunes hommes dans les boutiques. Ainsi, 5,2 millions d’heures de jeu en réseau auraient été enregistrées sur le Xbox Live dès le premier jour. Soit 2 millions de joueurs se jetant à cœur (et intellect) perdu les uns contre les autres, en équipe ou pas, dans une guerre virtuelle qui les réjouit. Comment le jeu vidéo que l’on croyait enfantin, représenté pendant ses 20 premières années par des mascottes animalières (Sonic) ou inoffensives (Mario) en est-il arrivé là ?

Descente aux enfers

Même relativisé, le succès colossal de ce Modern Warfare 2, ultime représentant du jeu vidéo adoubé par ses chiffres de vente, descend ainsi d’une tragique évolution du jeu vidéo qui n’aurait peut-être pas atteint ce déplacé paroxysme du box office militaire si le cours de la grande histoire avait pris une autre tournure. Même si la tendance à la militarisation du jeu vidéo était déjà sensible à la fin des années 90, le choc du 11 septembre 2001 se répercuta très vite dans les allées de l’E3, le – alors – fameux salon annuel du jeu vidéo de Los Angeles. Pas du tout menaçante mais en promotion permanente, la présence de l’armée s’y manifesta de plus en plus ouvertement. Véritable hélicoptère posé sur l’esplanade, descente en rappel de militaires à partir d’un hélico en suspension, stand de l’armée à peine camouflé au milieu de ceux de jeux eux aussi décorés en forts retranchés… Au point de ne plus savoir si le militaire en uniforme circulant dans les allées du salon aux côtés des trolls, dragons, guerrières dénudées et autres peluches géantes de Pac-Man ou Mario, étaient de vrais soldats ou des figurants déguisés.

Drapeau blanc

Lors d’une rencontre à cette époque avec Shigeru Miyamoto, grand maître d’œuvre créatif de Nintendo, nous lui avions demandé ce qu’il pensait de voir le salon du jeu vidéo se transformer de plus en plus en warzone et l’industrie prendre ainsi les armes. Polie, sa réponse resta évasive et diplomatique, rappelant simplement que Nintendo s’intéressait à d’autres voies. Aujourd’hui, la réponse radicale de Nintendo à cet état de crise hystérique du jeu vidéo et le drapeau blanc tendu entre les joueurs se nomme DS et Wii et a pris la forme d’une démocratisation du jeu vidéo en social gaming.

Lire aussi… : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes / le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

François Bliss de la Boissière

(publié le 27 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Le fol échiquier des sorties jeux vidéo d’un Noël qui n’en finit pas

Tel un pion capital sur un échiquier virtuel, Sega vient de placer la sortie de son important jeu japonais Bayonetta sur la date du 8 janvier en se vantant d’être le premier jeu de qualité AAA à sortir en 2010. Il rejoint en réalité un bataillon effroyable de blockbusters ayant esquivé Noël pour se tasser, cette fois, au premier trimestre de l’année. La gestion un peu folle du calendrier pourtant capital des sorties de jeux vidéo ressemble à un jeu d’échec qui chercherait encore une règle du jeu commune.

échiquier

C’est une tradition pas unique au jeu vidéo mais bien incrustée dans les mœurs de l’industrie interactive depuis au moins 20 ans. La ruée vers l’or collective a lieu dans les semaines précédant Noël. Un jackpot qui représentait il y a encore quelques années 60 % du chiffre d’affaire annuel. Un cauchemar économique et culturel pour les gamers réguliers qui voyaient les meilleurs titres se bousculer pendant une seule même période. Une tragédie aussi pour les créateurs de jeux obligés de boucler leur production dans des délais déraisonnables. Et, souvent, un drame pour les éditeurs lâchant leurs meilleurs titres dans une mêlée ouverte arbitrée non pas par les gamers presque érudits mais par le public familial qui achète un ou deux jeux par an, pratiquement au hasard. Allant jusqu’à quadrupler leurs rayons jeux vidéo avant et pendant Noël, les grands magasins réduisaient comme peau de chagrin leur achalandage dès janvier. Jeux vidéo et confiseries chocolatées, même combat. Une aberration qui était suivie, tout aussi traditionnellement, d’une déprimante période de creux à la sortie de l’hiver et au début du printemps.

L’âge ingrat

Le passage à l’âge adulte de la technologie et – moins perceptible malgré les tags + 18 ans du Pegi – du contenu, a tout de même fini par lisser cette folie. Après le coup de poker réussit de quelques sorties importantes hors créneaux habituels (le 1er Halo de Microsoft, alors challenger, sorti en mars 2002, puis Halo 3 en septembre 2007. Metal Gear Solid 2 et 3 en mars 2002 puis 2005…) les éditeurs ont fini par réaliser que tous les coups étaient permis sur les 12 cases du calendrier. Ou presque. Autant à l’écoute de leurs actionnaires que de leurs fans, les éditeurs ont repoussé la date limite, et suicidaire, du 25 décembre, se jouant surtout en novembre, à celle de la fin de leur année fiscale, fin mars. Une curiosité cette fois bien spécifique au jeu vidéo. Quand un éditeur s’engage auprès du marché et des consommateurs à sortir un jeu avant la « fin de l’année » il faut entendre, qu’elle soit explicitée ou pas, « avant la fin de l’année… fiscale » et non la calendaire qui régule la vie de la cité. Voilà une des raisons aussi qui explique pourquoi la presse spécialisée jeu vidéo se mêle autant de l’économie des entreprises du jeu vidéo. Un phénomène qui n’existe pas dans la presse cinéma voisine, par exemple, où les budgets des films et le cachet des acteurs suffisent à alimenter les fantasmes. La régulation des sorties de films calées, voire verrouillées par les productions US, des années à l’avance, ne provoque pas le suspens des dates de sortie des jeux vidéo, indécises ou fluctuantes quelques mois avant leur commercialisation. Étalée sur plusieurs années, la durée exacte de conception d’un jeu vidéo n’est pas encore planifiable de façon sûr. Intimement lié à l’évolution des technologies, celui-ci avance le plus souvent en terra incognita.

« Shock and awe »

Autre anomalie de ce marché atypique, attendre, comme on a pu le lire ici et là, que le guerroyeur Call of Duty Modern Warfare 2 du 10 novembre devienne la VENTE de « Noël ». « Des réservations records » triomphe l’éditeur Activision en s’abstenant bien de révéler des chiffres. 10 millions d’exemplaires et plus au 4e trimestre pour 500 millions de dollars de recettes en une semaine prédisent des analystes. Qu’une large frange de core gamers accrocs aux parties de guerre virtuelle en ligne réponde massivement à l’appel, peut-être, mais à l’heure où le public familial rejoint dans les boutiques un core gamer en voie de disparition ou, disons, de pacification, il y a de fortes chances pour qu’en terme de volumes, le nouveau Super Mario sur Wii ou le nouveau Pokémon Donjon Mystère sur DS fasse beaucoup mieux, sionon sur le moment, du moins dans la durée (le parc de consoles Wii cumule encore celui des Xbox 360 PS3 réunies, quant aux 114 millions de DS dans le monde…). Sans compter les jeux musicaux comme Guitar Hero 5, DJ Hero, Band Hero, Lego Rock Band ou Rockband Beatles qui font le cross over culturel et trustent les charts même lorsqu’ils donnent des signes d’essoufflement.

BANG à retardement

Un Call of Duty Modern Warfare 2 qui aura en tous cas réussi sa campagne médiatique. Au point d’autoriser son éditeur, en Grande-Bretagne, à vendre son jeu plus cher que d’habitude sans craindre de représailles. Au point aussi d’avoir fait fuir au 1er trimestre tous les candidats potentiels qui se seraient arc-boutés avant Noël les années précédentes. Une fuite en avant confortée par l’exemple du premier trimestre 2008 (d’une année fiscale commencée en avril donc) où une poignée de blockbusters prêts à tout (Grand Theft Auto IV, Mario Kart Wii, Wii Fit, Race Driver Grid, Rock Band, Metal Gear Solid 4) en pleine période creuse habituelle a boosté de façon spectaculaire les comptes des éditeurs. La plupart d’entre eux renvoie d’ailleurs, aujourd’hui, la chute des résultats du premier trimestre 2009 à l’absence de titres marquants en début d’année… fiscale. Si 2009 ne finit pas sur un BANG, ce ne sera pas la faute à l’absence de jeux de qualité cette fois-ci. Il faut d’ailleurs se demander si, en ce qui concerne le jeu vidéo, le meilleur cadeau de ce Noël 2009 ne serait pas de recevoir de l’argent de poche à dépenser après les fêtes.

Tsunami en 2 vagues

Restent ainsi en lice pour ce Noël, les jeux aux épaules assez larges pour attirer tous les regards. Les jeux de Nintendo déjà évoqués et dans leur élément naturel à cette période, y compris un Zelda sur DS, ou de Sega (Mario & Sonic aux Jeux Olympiques d’Hiver), les suites de blockbusters déjà affirmés comme Uncharted 2, Assassin’s Creed II, Ninja Gaiden Sigma 2 ou Left for Dead 2, et le nouveau chapitre The Ballad of Gay Tony de Grand Theft Auto. Les jeux de sports évidemment comme Colin McRae Dirt 2, Pro Evolution Soccer 2010, FIFA 10 et Forza Motorsport 3, et les adaptations à fuir de films et séries TV ou dessins animés. Quelques courageux, ou hyper pointus ou hyper kamikazes, comme les inédits et du coup intrigants Borderlands ou Brütal Legend, Dragon Age : Originis et The Saboteur chez un Electronic Arts beaucoup plus audacieux qu’il y a quelques années. Une lignée de jeux qui vaut déjà, pour ceux cités, son pesant d’or. Et qui ne font qu’esquisser la déferlante post Noël qui commence donc fièrement dès potron-minet en janvier, comme le claironne Sega, par l’inédit Bayonetta du respecté créateur japonais Hideki Kamiya, suivi par le poids lourd Army of Two : Le 40ème jour, l’inédit Dark Void de Capcom et l’ambitieux Mass Effect 2 chez Microsoft. À peine une petite respiration et les festivités reprennent avec, encore, des incontournables poids lourds comme BioShock 2, le culotté Dante’s Inferno et le bien connu Splinter Cell Conviction après plusieurs années d’absentéisme. En mars, les importants Battle Field : Bad Company 2 et Gran Turismo 5 tenteront de conclure, en attendant d’autres candidats potentiels qui pourraient se déclarer (Alan Wake, Max Payne 3, No More Heroes 2, God of War III…) cette fameuse année fiscale du jeu vidéo. Le bras de fer de Noël et la gueule de bois virtuelle n’auront jamais duré aussi longtemps.

François Bliss de la Boissière

(publié le 8 novembre 2009 sur Electron Libre)

 


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