Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

Septembre 2001, l’Amérique sombre dans la terreur. Octobre 2001, l’administration Bush signe le Patriot Act. Novembre 2001 Microsoft lance sa première console de jeu vidéo et l’Armée américaine s’infiltre sans scrupule dans l’industrie du jeu vidéo.

Huit ans plus tard l’Amérique a presque gagné cette bataille là. Le bouillonnement créatif et technologique du jeu vidéo a quitté le Japon pour les États-Unis et le jeu vidéo dans ce qu’il a de plus spectaculaire s’est totalement militarisé. Le succès commercial et inculturé de Call of Duty : Modern Warfare 2 en est le point culminant. Malgré son avance technologique, le jeu vidéo confirme son retard sur l’histoire…

Call of Duty Bush 02

Du très sérieux Civilization qui privilégiait dès 1991 sur PC les scénarios de conquête militaire aux colonisations pacifiques, jusqu’aux missions en hélicoptères de combat de Desert Strike sur la console Megadrive en 1992, le jeu vidéo n’a évidemment pas attendu les temps modernes pour se frotter aux frissons de la guerre virtuelle. L’arrivée de la 3D au début des années 90 a même ouvert le champ d’action à bien des combats, et les jeux de guerre ont peu à peu occupé une place privilégiée dans le catalogue des éditeurs. La révélation des pouvoirs d’immersion en vue subjective sur un champ de bataille arriva franchement avec le premier Medal of Honor réalisé par Electronic Arts en coordination avec Dreamworks Interactive en 1999, et directement inspiré par l’immersion évocative du film Il faut Sauver le Soldat Ryan. Puisant plus directement encore dans la mise en scène tétanisante de La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, la très efficace série Call of Duty, elle aussi située exclusivement pendant la Seconde Guerre Mondiale, finit par reprendre le flambeau jusqu’à l’épisode Modern Warfare de 2007 déplaçant, contre l’avis de son éditeur, l’action de nos jours.

Infiltration

Rejeton récupéré parmi d’autres du Patriot Act de l’administration Bush, le jeu vidéo s’est retrouvé plus ou moins discrètement instrumentalisé par l’armée au cours des années 2000. Décomplexée au même titre que le reste de l’Amérique entrée en résistance contre le monde, l’armée US lançait sans gêne ni critique son propre jeu de guerre en ligne accessible gratuitement. Aujourd’hui encore elle inspire nombre de productions en offrant ses conseils et l’accès à son arsenal sans qu’aucune instance ne discute et remette en question la présence physique et virale des moyens et des valeurs de l’armée américaine dans l’industrie du jeu vidéo qui, rappelons-le, vise en premier lieu une population masculine entre 12 et 35 ans (nos chiffres d’observation, pas ceux d’un institut mandaté).

Propagande ouverte et sans freins

Le début des années 2000 devint l’époque, par exemple, où le gentil éditeur français Ubisoft et son Rayman vedette sentit le vent venir et commença à tisser des liens privilégiés avec l’armée devenue conseiller militaire, sur ses productions Tom Clancy notamment. Ubisoft prit l’habitude étrange et fort dérangeante de faire intervenir d’anciens militaires braillant des ordres dans ses présentations presse de jeux comme Brother’s in Arms ou Haze sans que cela offusque, il faut le préciser, les journalistes spécialisés conviés à ces messes obscènes. C’est l’époque où l’armée américaine commanda et supervisa auprès du studio Pandemic (qui vient de fermer ses portes suite à la restructuration d’Electronic Arts) un Full Spectrum Warrior, jeu dans le commerce et véritable support d’entrainement aux troupes, redonnant de la dignité et de l’éthique à la simulation militaire virtuelle malmenée par les productions anarchiques du jeu vidéo. Un comble et une honte non bue pour le milieu. Non seulement l’armée s’infiltrait insidieusement dans la production de jeux devenue instrument de propagande (d’un état d’esprit) mais elle donnait, et de belle manière, des leçons de conduite et d’honneur aux faiseurs de jeu. C’est aussi l’époque où l’américain Microsoft est entré de force dans l’industrie du jeu vidéo sur console en injectant et brûlant des milliards de dollars. Huit ans après la sortie de la première Xbox en novembre 2001, deux mois après le 11 septembre, forcément un hasard mais un symbole aujourd’hui stupéfiant, l’OPA américaine non déclarée sur le jeu vidéo a presque totalement réussi. La scène japonaise du jeu vidéo lutte désormais pour survivre face aux gros studios américains capables de toutes les prouesses technologiques. Et le jeu vidéo, comme le reste du monde, subit la politique va-t-en guerre américaine.

Le jeu vidéo en retard sur l’histoire

Au moment où l’Europe et le monde saluent l’anniversaire de la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, où Barack Obama inclut le jeu vidéo dans un nouveau programme d’éducation lié au STEM, qui verra, entre autres initiatives, le jeu Little Big Planet rejoindre les bibliothèques, la partie la plus bruyante et émergée du jeu vidéo et des joueurs célèbre un Modern Warfare 2 qui rejoue très sérieusement une guerre pseudo contemporaine entre américains patriotiques et russes odieux. Dans le jeu, une séquence plus imbécile encore que les autres conduit un américain infiltré au sein d’un commando russe à participer à un massacre de civils dans un aéroport. Une séquence « choc » facultative puisque le jeu offre dès le début le choix – forcément hypocrite et aiguiseur de curiosité – de jouer une version sans les scènes « pouvant choquer », et repose la question avant la scène en question en précisant bien, au moins ça, que le score du joueur ne sera pas pénalisé s’il saute comme proposé cette séquence. Qui aura acheté son jeu 70 € et contournera sérieusement un chapitre ? Manette en mains, confirmons que l’on peut « jouer » la scène en ne tirant soi-même pas un seul coup de feu. Ce qui n’empêche pas d’être obligé de suivre et d’assister pendant de longues minutes au spectacle du massacre à la mitraillette totalement gratuit. Aveugle à lui-même, le scénariste Jesse Stern déclare dans une interview auto satisfaite avoir là exercé son droit à repousser les limites de la narration interactive ! Sans y croire, nous avons essayé de lutter contre le programme en restant totalement immobile – impossible – ou en cherchant à éliminer ses pseudos partenaires russes – impossible également, cela conduit systématiquement à sa propre mort, c’est-à-dire au début de la séquence. Après un moment de stupeur, « absolument tous les joueurs invités à tester le jeu ont fini par tirer sur la foule », révèle le scénariste, « parce que c’est la nature humaine » et que ce n’est qu’un jeu vidéo.

Vieux démons

La réussite des scènes d’action, des spectaculaires mise en en scène et mise en action de COD : MW2 cache une ignorance ou une indifférence crasse des faits du monde par le studio de développement californien Infinity Ward. Une bêtise doublée d’une indélicatesse diplomatique d’un autre âge, pour ne pas dire autre chose, digne des faucons de l’ère Bush, qui a conduit la Russie, honneur oblige et non la censure, à réclamer le retrait de la vente du jeu dans le pays. Une version sans l’épisode en question pourrait y être commercialisée. Aujourd’hui, des associations humanitaires suisses recensent tous les crimes de guerre perpétrés dans les jeux vidéo et demandent publiquement aux développeurs et éditeurs de respecter les règles humanitaires internationales dans leurs productions.

Score de rattrapage

Ultime hypocrisie qui voudrait passer l’éponge, en compagnie de Microsoft et de la chaine de magasins Game, l’éditeur organise en Grande-Bretagne une session de jeux en réseaux de COD : MW2 dont la présence massive de joueurs conditionnera la remise d’une somme à l’association War Child (150 000 £ si 600 000 joueurs se connectent, plus 25 000 £ tous les 100 000 joueurs supplémentaires).
À la pointe de la technologie dès sa naissance dans les années 70, précurseur de la révolution numérique et interactive, le jeu vidéo devenu adulte du côté box office continue en réalité une crise d’adolescence et d’identité qui le laisse à la merci de la première autorité venue. Le service militaire a beau ne plus être obligatoire, à presque 40 ans le jeu vidéo continue de faire ses classes. Dernière minute, Activision confirme la réussite de l’invasion. Depuis son premier épisode, la série Call of Duty s’est vendue à 55 millions d’exemplaires et a généré 3 milliards de $ de recettes. On attend désormais le retrait des troupes promis par Barack Obama.

À lire 1ère partie : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush

François Bliss de la Boissière

(Publié le 29 novembre 2009 sur Electron Libre)

Quelques réflexions inégales mais intéressantes sur la guerre dans le jeu vidéo dans le n°1 des Cahiers du jeu vidéo chez Pix’n Love éditions

Lire également, comment COD : MW 2 a influencé le traditionnel calendrier des sorties de Noël…


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UNCHARTED 2 AMONG THIEVES : Le syndrome du 2

La grosse production exclusive de fin d’année sur PlayStation 3 a bien des qualités que n’importe quel joueur saura sans aucun doute apprécier lui-même manette en main. Le consensus critique autour de cette suite étant cette fois total et indiscutable, rien ne sert de rallier la foule pour dire la même chose. Il reste toujours de la place pour la critique. Dans une longue conversation à distance, Éric Simonovici (alias Garou, ancien pilier d’Overgame) se penchent sur une expérience pas tout à fait vécue de la même façon…

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Bliss : Puisqu’on arrive après la tempête, que tout le monde s’entend pour dire qu’Uncharted 2 est génial et que nous allons le dire aussi, il me semble nécessaire d’émettre quelques remarques critiques. Un regret qui s’adresse autant à l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble qu’au public gamer. A quelques exceptions près, tout le système fait preuve d’une quasi incapacité à reconnaître une réussite au premier jet. Il faut une suite pour vraiment rallier tous les suffrages. Et c’est ce qui arrive à Uncharted 2, salué timidement en 2007 et tout à coup devenu révélation au 2e épisode. Un syndrome assez proche du cinéma d’ailleurs où les numéros 2 et les suivants font généralement bien mieux techniquement et commercialement que le premier épisode, même quand celui-ci est un succès. C’est un phénomène de masse assez désagréable où l’ajout du chiffre 2 conforte le public et même, dans la presse jeu vidéo, la critique installée. Les ventes de de Modern Warfare 2 et Assassin’s Creed II dépassant de très loin celles de leurs premiers épisodes confirment, hélas, à nouveau cet embarrassant systématisme.
Tout ça pour dire que Uncharted 2 est vraiment bien et que c’est la moindre des choses puisque le premier Uncharted était déjà génial. Du touché minutieux à l’exploration presque libre, des gunfights aux corps à corps au ralenti, des escalades à la Tomb Raider, des cascades à la Pitfall, des courses-poursuites en véhicules et, bien sûr, les super crédibles scènes d’acting parfaitement glissées entre les phases de gameplay, tout y était. C’est pour remettre tout cela en mémoire que j’ai justement publié nos avis sur le premier jeu en 2007 et notamment la liste des best of auxquels Uncharted Drake’s Fortune pouvait prétendre. Ce deuxième Uncharted semble cette fois faire vraiment le consensus critique et commercial, tant mieux, mais le jeu ne fait que jouer la surenchère technique du premier, ce qui est logique et attendu.

Éric : C’est logique et attendu mais, en même temps, on sent dans terme « surenchère technique » une connotation légèrement péjorative, l’idée que le nouveau jeu est simplement « le même en plus spectaculaire » et que, quelque part, il ne mérite pas la même attention qu’une suite introduisant des éléments de gameplay supplémentaires. Ce qui est intéressant avec Uncharted 2, pourtant, c’est la capacité de Naughty Dog à tirer parti de la technologie pour créer des situations inédites. La fantastique séquence du train, par exemple, injecte de nouveaux challenges et impose au joueur de repenser temporairement la partie plateformes du gameplay. L’attaque de l’hélicoptère culminant en la dégringolade d’un bâtiment entier met le joueur face à un challenge certes bref mais complètement différent de ce qu’il a pu rencontrer jusqu’alors. Loin de n’être qu’un simple cracheur de polygones, le studio affiche un talent rare : il sait mettre la technologie au service direct de l’expérience plutôt que de se contenter d’embellir des arrière-plans et des décors (ce que Naughty Dog fait cependant aussi avec grand talent). En poussant le raisonnement encore plus loin, on peut même voir dans Uncharted 2 le premier jeu parvenant enfin à concrétiser pleinement la « vision » PS3 : une machine démontrant que la technologie est indissociable de l’expérience, dont la puissance permettrait de brouiller les pistes entre spectacle et interactivité, cinéma et jeu vidéo.

Bliss : Bien sûr, et, encore une fois, heureusement. Et, en effet, Naughty Dog devient un des studios qui réussit le mieux cette fusion des outils technos et artistiques à la disposition du jeu vidéo. Même si cela reste encore du collage, du « mashup », et que les séquences cinématiques, d’acting donc, se contentent de raccrocher les wagons d’un scénario totalement abracadabrant et ne faisant rien d’autres que donner le prétexte de zapper d’une séquence d’action à l’autre, d’un pays à l’autre. En évitant de tomber dans le blasé mais en gardant un certain degré d’exigence et d’ambition pour le jeu vidéo, les qualités de ce Uncharted 2 me réjouissent mais ne me surprennent pas parce qu’en jouant le premier jeu, le joueur y apprenait implicitement que l’accomplissement technique et artistique du studio Naughty Dog sur PlayStation 3 était tel que n’importe quel autre projet, suite ou autre création, ne pouvait être que égal ou supérieur à ce premier exemple. Je reproche le retard à l’allumage du public, et de la presse la plupart du temps, qui se méfie d’un premier titre pour se ruer et crier au génie sur la suite parce qu’il débouche sur toute une logistique commerciale de bégaiement. Alors que, dans une certaine conception de la création artistique à laquelle appartient sans aucun doute les meilleurs jeux, et donc Uncharted, une « suite » n’est jamais que l’écho d’une première œuvre. Même lorsqu’il s’agit de divertissement haut de gamme. J’entends bien que les technologies liées au jeu vidéo encouragent un amortissement budgétaire sur plusieurs épisodes mais cette raison industrielle alimentée par les besoins marketings n’a aucune raison d’être encouragée par la critique et le public à priori non concernés par les coulisses de la fabrication.
C’est ce phénomène du « syndrome du 2 » que je dénonce ici et qui va coûter la vie à un certain nombre de créations originales d’Electronic Arts comme Mirror’s Edge qui n’auront peut-être pas la chance de profiter d’un second round au box office. Je prédis ainsi sans gros effort que cette latence du marché qui freine les créations originales au profit d’un flot de suites se répercutera sur la suite d’inFAMOUS. Le premier jeu sorti cette année est absolument admirable sous tous rapports, porte en lui un vrai génie créatif du jeu vidéo, est fignolé comme un projet accouché dans l’amour pendant des années. Et si les critiques sont bonnes et les ventes sans doute convenables, personne n’a affirmé qu’il s’agissait d’un jeu vraiment « important », qui aura, par exemple, une influence sur les autres développeurs de jeu. Quand inFAMOUS 2 arrivera inévitablement, les superlatifs seront lâchés pour de bon et le marché hurlera sans doute, avec un train de retard, au génie. Je ne défends pas ici une extralucidité qui n’en n’est pas une, mais je souffre de la paresse généralisée qui encourage à la facilité un médium qui peut faire bien mieux. S’il est maintenu comme annoncé, je ne me remets pas encore du 2 derrière le prochain Super Mario Galaxy. Une facilité marketing que Nintendo avait jusque là contourné à coups de jeux concepts. Le marché et sa vision à deux temps semblent avoir gagné.

Éric : Je suis d’accord pour dire qu’il y a souvent des cas où une suite rencontre plus de succès que l’original. En revanche, je trouve assez injuste de mettre systématiquement le phénomène sur le dos d’une critique ou d’un public joueur frileux. N’y ayant pas joué depuis sa sortie en 2007, je n’ai que très peu de souvenirs d’Uncharted (ce qui, en soi, en dit probablement long). Mais la description que j’en faisais dans un article de l’époque – soit un titre sympathique mais un peu dispensable – me semble coller. Si le second volet fait à ce point l’unanimité, j’aime à penser que c’est tout simplement parce qu’il s’agit d’un meilleur jeu, phénomène relativement naturel quand on y pense. Combien de premiers jets ont finalement été qualifiés de « brouillon » quand la suite est sortie (c’est encore le cas tout récemment d’Assassin’s Creed, dans une critique du numéro deux rédigée par Joystiq) ? Puisque les studios démarrent le développement de la seconde version avec l’expérience et le savoir faire que leur a procuré le développement de la première, n’est-il pas logique de constater une différence qualitative entre les deux, différence pouvant parfois être assez significative pour recueillir – peut-être tardivement, comme tu l’estimes – le plébiscite critique et public ? Dans le cas d’Uncharted 2, il me semble que Naughty Dog réussit beaucoup mieux à concrétiser des ambitions certes déjà présentes dans le premier volet : une expérience cinématique inspirée du grand film d’aventures, un jeu mélangeant harmonieusement exploration, résolution d’énigmes, plateformes et action. Non pas que le premier était déméritant puisque, comme tu le dis, tous les composants de base étaient là ; mais le studio les assemble désormais avec un sens du rythme beaucoup plus affuté, tu ne trouves pas ?

Bliss : Absolument. Pour un studio du niveau de Naughty Dog, dont le travail qualitatif se vérifie de génération en génération, de Crash Bandicoot sur PSone à Jak and Daxter sur PS2, puis Uncharted sur PS3, le progrès d’une suite à l’autre n’est pas que technique. Tous les postes en profitent. Le sens du rythme narratif se retrouve dans la construction en flash-back d’Uncharted 2 par exemple. Le jeu démarre mystérieusement sur une séquence ultra spectaculaire avant de remonter les évènements ayant conduit à cet instant, à la façon du film Mission Impossible III de J.J. Abrams. Un procédé emprunté au cinéma lui-même venu des séries TV qui fonctionne très bien dans le genre « serial » où évolue Uncharted. Gageons que cette méthode trouvera des émules dans le jeu vidéo. Par contre je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’idée de « premier jeu brouillon » qui ne serait que la répétition maladroite du jeu n°2 qui aurait toutes les qualités seulement esquissées dans le premier. Probablement vrai dans certaines productions mal produites et sans le sou, cela ne s’applique pas à Uncharted. Naughty Dog a travaillé des années sur le premier Uncharted. Le studio aurait même dû être en première ligne pour représenter la PS3 à son lancement. Sony a eu l’intelligence de laisser le temps au temps et Naughty Dog a pris celui nécessaire pour maîtriser la PS3 et développer son jeu dans les moindres détails. Il y a dans Uncharted 2 des petites approximations de collision, de distance (Nathan s’accroupit pour ramasser des munitions à 3 mètres de lui), des raccourcis grossiers de pathfinding du 2e personnage non contrôlable et même un gros bug d’affichage (Nathan passe à travers le décor brusquement inexistant) croisé par accident qui n’existaient pas dans le premier Uncharted. Probablement grâce à une période de débogage originale beaucoup plus longue que celle qui sépare les 2 années entre les 2 jeux. Et, évidemment, moins de séquences aussi complexes. En terme de gameplay, le touché du premier jeu était parfait. Les gunfights avaient déjà toute leur précision, de même que les phases d’acrobaties. Je considère par exemple une déception que la possibilité de se balancer au bout d’une corde soit aussi raide et limitée dans Uncharted 2 que dans le premier alors qu’elle devrait désormais faire partie des aptitudes de base du héros. D’après ce que je peux remarquer, ce sont les bagarres au corps à corps qui ont subit l’amélioration la plus sensible du gameplay original. Ralentis, richesses des gestuelles, anticipation des intentions du joueur, l’effet cinétique et sensoriel de ces échanges de coup de poings – très proches de ce que fait à répétition Batman dans Arkham Asylum – se vivent et se jouent de manières d’autant plus agréables qu’elles restent occasionnelles, voire facultatives. En plus, il semble y avoir un nombre assez déroutant d’animations liées à ces corps à corps. Je me suis vu en train d’accomplir une chorégraphie totalement inédite de coup de poings/coup de pieds dans la dernière partie du jeu ! Tu remarques d’autres franches améliorations du gameplay à part l’évidente intelligence des situations spatiales, de l’architecture des niveaux ?

Éric : Mis à part ce que tu cites déjà, je n’ai pas été noté l’introduction d’éléments de gameplay radicalement différents par rapport à la première version. Ce qui, quand on y pense, est tout à l’honneur de Naughty Dog. Je lisais il y a quelques semaines un excellent article à propos du « minimalisme d’Uncharted 2 », presque un titre clin d’œil vu le tour de force technique que représente le jeu. Mais si effectivement les développeurs semblent complètement se lâcher côté visuels et sons, le mot d’ordre semble avoir été less is more pour le gameplay. Pas de séquence RTS, de skill tree, d’inventaire extravagant à gérer… On sent que Naughty Dog a démarré avec une idée extrêmement claire du concept et, durant le développement, a pris garde de ne pas s’éparpiller ou bien de compromettre inutilement cette vision, une rigueur et une discipline rare (aux antipodes d’un Brütal Legend, pour ne citer que lui) qui a laissé aux designers le temps de peaufiner chaque élément jusqu’à la quasi-perfection. Si Uncharted 2 démontre quelque chose, c’est d’abord la puissance du fameux polish.

Bliss : Comme dans le premier Uncharted, le son a une présence aussi remarquable que le visuel. J’adore toujours le bruit singulier de noisettes croquées au ramassage des munitions. Je le disais déjà pour le 1, ça rejoint le niveau culte de celui des recharges de Half-Life. La partition musicale, éminemment cinématographique, pique beaucoup d’accords à droite à gauche au cinéma. Un best of émotionnel surjouant la dramatisation de certaines séquences qui n’en méritent pas tant en terme de situations. En fait, cela réveil en nous des conditionnements émotionnels liés à l’utilisation de la musique au cinéma mais, dans l’absolu narratif, vu l’absurde de chaque scène, la réalisation en fait beaucoup trop. En même temps, manette en mains, essoufflé après telle ou telle séquence spectaculaire, on a tellement envie d’y croire jusqu’au bout qu’on finit par accepter ces outrances grossières.

Éric : Ce qui m’a surtout frappé de ce côté, c’est le menu d’options presque aussi détaillé que celui d’un disque Blu-Ray : piste 5.1 ou 7.1, son plus ou moins compressé… La possibilité de sélectionner la taille de son enceinte centrale est même présente. Ces détails n’intéresseront peut-être qu’une minorité de geeks, certes, mais cette irruption du home cinéma dans le monde du gaming confirme la volonté de Naughty Dog de faire d’Uncharted 2 une expérience cinématique à part entière – et, encore une fois, concrétise pleinement les ambitions hybrides ciné/jeu vidéo de Sony. Sans oublier la pure satisfaction que procure la dynamique incroyable de la bande-son, laquelle implique presque physiquement le joueur au sein de l’univers virtuel lorsqu’une explosion ou un glissement de terrain fait littéralement trembler son salon. Il est vrai que c’est parfois un peu sur-joué, mais le résultat reste cohérent vu le sujet : les créateurs ne visent pas la sélection cannoise mais les pulp fictions et le roman de gare. S’il faut reprocher quelque chose à Uncharted 2, c’est, comme tu l’as suggéré plus tôt, de se contenter une fois de plus (à l’instar d’une grande majorité de la production jeu vidéo blockbuster) des conventions archi-rabattues du cinéma de genre : science-fiction, fantasy, aventures, guerre, etc. Peut-être le médium n’est-il pas encore assez mûr, adolescent avide de bruit et de situations bigger than life afin de (se) prouver qu’il peut faire aussi extravagant que son modèle avoué ? Peut-être qu’une fois cette étape nécessaire franchie, une nouvelle production se dessinera, plus singulière et plus sophistiquée ? On ne peut que spéculer bien sûr mais si le ciné-jeu d’inspiration série B doit un jour tomber en désuétude, Uncharted 2 restera certainement comme l’un de ses représentants les plus mémorables.

Bliss : Et si nous donnions un exemple précis de scène réussie ? Car il faut bien l’avouer, si chaque petite portion interactive a rarement une grande originalité, l’enchaînement des instants de jeu capables de passer du plus petit événement au plus grand pour créer une longue et haletante séquence a quelque chose d’unique. Un peu forcé dans l’ensemble, je trouve, le chapitre d’infiltration dans un palais oriental a des faiblesses (les gardes ont une vision courte en cône à la MGS, les boitiers de déverrouillage des portes sont quasiment au-dessus des grilles… !) que l’on ne retrouve pas vraiment ailleurs. Une longue séquence sur le toit d’un train en marche notamment laisse des traces. A tel point que sa conclusion apparaît au début du jeu avant d’être rejouée plus tard dans son intégralité. J’y ai particulièrement apprécié le fait que le décor change pendant le long trajet pour vraiment conduire quelque part. On part de la jungle pour finir dans les montagnes enneigées avec une cohérence géographique faisant bien illusion. Surtout sans interruption. Et puis bien sûr, joué dans la profondeur de l’écran plutôt qu’en scrolling latéral, l’exercice classique de sauts de wagons en wagons renouvelle la chose tout en envoyant bien des clins d’œil. Notamment au cinéma, les westerns habituels mais aussi le long périple dans la neige de l’excellent Runaway Train de Konchalovsky (1985). Une bagarre aux coups de poing sur le toit d’un train en marche ça marche toujours. Surtout quand il faut baisser la tête ou se suspendre in extremis sur le côté des wagons pour éviter les obstacles. La séquence enchaîne toutes sortes de micros actions avec une approche physique presque toujours inédite et spectaculaire qui fait qu’on y croit à chaque instant. Y compris des passages et des échanges de coups de feu et de poings à l’intérieur des wagons, des tirs au sniper alors que le train s’engage sur un parcours sinueux rendant les cibles fuyantes… Très malin à plusieurs niveaux, le clou du show où Nathan, toujours entrainé par le train fou, doit éliminer un hélico qui le canarde à distance, apporte la preuve tangible que le paysage traversé depuis des kilomètres a une véritable existence spatiale et ne se réduit pas à un trompe l’oeil. Mine de rien, cela valide tout le trajet et ses péripéties.

Éric : Je garde particulièrement en mémoire (comme beaucoup de joueurs, probablement) l’attaque de l’hélicoptère durant l’exploration des immeubles du chapitre six, pour le spectaculaire bien sûr mais aussi parce qu’elle me semble illustrer à la perfection une partie de l’approche adoptée par Naughty Dog. On a déjà parlé de rythme pour qualifier Uncharted 2 et s’il est effectivement important de savoir l’établir, il est également crucial de savoir quand le brutaliser. Dès les premières minutes, l’imprévu est là : les tuyaux plient et se tordent, les lianes cassent, la pierre sur laquelle on avait prise s’effrite… Constamment, le jeu semble montrer la voie et présenter « la » solution avant d’atomiser celle-ci d’une manière ou d’autre, déjouant les attentes et forçant à repenser immédiatement sa stratégie. On pourra donc voir dans l’irruption de cet hélicoptère la manifestation presque littérale du designer sadique bombardant ses propres niveaux afin de saboter les projets du joueur. On pourra aussi y voir une séquence action à la construction exemplaire : un puzzle plateforme à priori simple voit son rythme inexorablement accélérer alors que les roquettes fusent et que les murs s’écroulent. Un crescendo destructeur qui atteindra son paroxysme avec l’effondrement d’un étage entier, tour de force technique présentant le challenge ultime : quelques secondes seulement pour prendre la bonne décision – ou mourir.

François Bliss de la Boissière et Éric Simonovici

 


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Avatar joue à cache-cache sur le Xbox Live, où comment faire dire ce qu’on veut aux absents

Depuis quelques jours un extrait exclusif du film Avatar joue les effarouchés sur le Xbox Live. Annoncé par Microsoft pour une diffusion exclusive pendant trois jours entre les 17 et 21 novembre pour mettre en scène la transition des services de VOD de la Xbox 360 en streaming qualité HD version « Zune », le dit extrait n’a en réalité été disponible que pendant 24H avant de se volatiliser sans explications. Coût humain de la recherche de l’Avatar fantôme ? Deux siècles. ENQUÊTE (de geek)…

La disparition d’un élément digital dans la profusion disponible sur de multiples plateformes peut sembler un détail, mais un détail à rendre fou quand il s’agit de chercher dans la multitude d’onglets et d’accès transversaux des menus de la Xbox 360. Surtout quand l’objet de la recherche, présent un jour, absent le lendemain malgré les annonces datées, disparaît sans prévenir. Aussitôt parti en quête de réponses en bon journaliste nouvelle génération geek, la petite enquête a vite tourné au jeu de ping-pong entre avatars de Ponce Pilate. « C’est la faute à personne. Vous êtes sûr ? Et puis, quelle importance ? ». Ah il était effectivement très beau l’extrait de 4 minutes du film Avatar. Une scène quasi complète de course poursuite dans la jungle de Pandora vraiment disponible nulle part ailleurs (elle traine désormais en petite définition sur le net), réellement lisible au format HD 1080p (conditionnée à la qualité de la bande passante), curieusement recadré au format 1.78 alors que le film en salle de cinéma sera en cinémascope, mais en pure VO avec des sous-titres français. Une exclusivité en ligne et gratuite à faire rougir la PlayStation 3 de Sony, ses beaux disques Blu-ray et son tout nouveau catalogue de VOD qui ne comprend pas, lui, d’extrait d’Avatar.

Dommage et désintérêts

Aller poser la question avec insistance du pourquoi de la disparition d’un simple extrait de film aux éventuels et insaisissables responsables ne serait que dérisoire et obsessionnel si les enjeux derrière ce genre d’exclusivité n’étaient pas aussi considérables. Avec ses 500 millions de budget estimé et sa révolution technologique 3D attendue, le film de James Cameron EST l’événement incontournable de fin d’année, avec ou sans le push marketing. Tout le monde connecté a été forcément sensibilisé au teaser lâché sur Internet en août dernier simultanément aux 15 minutes projetées gratuitement dans une douzaine de salles de cinéma en France. Quand Microsoft fait valoir son exclusivité Avatar dans un communiqué de presse qui sera repris par les magazines spécialisés puis par tous les passionnés, ce n’est pas anodin. Faudrait-il aller jusqu’à réclamer des dommages et intérêts pour effet d’annonce exagérée, promesse non tenue et désinformation de sa clientèle ? Sans compter la déception émotionnelle des passionnés déboutés. « Sans doute un problème technique, pas de quoi s’inquiéter » lâchent les porte-paroles de Microsoft en plein mini black-out Avatar qui ne concernerait, au fond, pas grand monde.

La faute à qui ?

« Un problème de droit peut-être, de malentendu sur la durée de l’exclusivité », tente le journaliste en quête de goûteux ratages de communication entre big companies. « Le deal est prévu de longue date, ce n’est pas une improvisation » lui rappelle-t-on. Oui mais le reste des nouveaux services de VOD fonctionne très bien. Qu’une défaillance technique tombe justement sur Avatar paraît tout aussi improbable. « De toutes façons tout est décidé et conçu des États-Unis ». Classique, et sans doute vrai. Même indifférence, prudence, puis renvoi aux puissants américains où tout se joue, du côté de la Fox, distributrice du film. « Il faut demander à Microsoft, c’est leur exclusivité ». On insiste, tant pis pour la réputation de geek. Une deuxième voix lève un peu le voile sur une procédure technique qui implique bien un minimum la France. « Les bureaux de la Fox à Los Angeles nous ont fait parvenir l’extrait que nous avons localisé (placements de sous-titres français) avant de leur renvoyer » avoue Fox France. Microsoft prend alors le relai de la mise en ligne mondiale. Une esquisse de making-of qui ne dit pas qui est responsable du retrait de l’extrait et pourquoi. « Le contrat d’exclusivité comprenait peut-être trois jours pour n connexions » avance avec une belle pertinence le représentant de la Fox. Le nombre de consultations autorisées par l’accord a peut-être été atteint en 24H. D’où le retrait de l’extrait avant l’écoulement des trois jours annoncés. Voilà au moins une logique. Il manque les explications publiques qui éviteraient de penser que Microsoft et la Fox essaient de faire passer l’incident inaperçu.

Distribution de chiffres

Au jeu comptable que Microsoft ne manque pas d’exploiter pour se féliciter de la popularité de son Xbox Live, il suffit d’imaginer que si la moitié seulement des 20 millions de connectés au Xbox Live (recensement de mai 2008) a tenté, en vain comme nous, de lire cet extrait en le cherchant pendant, au moins, 10 minutes, cela totalise 1 million six cent soixante six mille six cent six heures de temps perdu. Revenons à l’essentiel. 1,66 millions d’heures de vie humaine gaspillées en vain, c’est à dire 69 444 jours, où 190 ans. Presque deux siècles ! Un détail. En d’autres circonstances moins obscures, un communiqué triomphant aurait pu annoncer qu’avec n millions de lectures de l’extrait d’Avatar sur Xbox Live par n millions d’utilisateurs, le XBL fait la preuve de son efficacité sur la concurrence. Cette annonce là ne verra sans doute jamais le jour.

Absence exclusive

Actuellement, l’onglet Avatar résiduel de notre Xbox 360 ne donne accès qu’à un message d’explication : « La licence de cet élément a expiré. Pour le relire, relouez-le sur le Marché vidéo. Status code : 803c0009. » Un message standardisé, on l’aura compris, puisque l’extrait ne se loue ni se télécharge mais se consultait en streaming. Un nombre limité de fois ? Sur une durée limitée dans le temps par utilisateur ? Peut-être, mais rien ne le dit nulle part.
Aligné comme chaque année sur le Thanksgiving festif américain, Microsoft lance aujourd’hui son Xtival d’hiver qui donne accès à de nombreuses activités musicales, ludiques et sociales sur le réseau Xbox Live. Des réductions de prix et un accès Gold temporaire à tout visiteur permet de goûter les services. Au paragraphe film du communiqué des festivités, Microsoft annonce, et sans plus d’explications sur le précédent disfonctionnement, la présence d’un trailer de 4 minutes du film Avatar à partir du 27 novembre jusqu’au 29 ! S’agira-t-il du même extrait ? Le mot employé est différent, l’adjectif exclusivité a disparu mais la durée de 4 minutes reste identique.
Disparition mystérieuse de l’extrait, absence d’explications publiques, réapparition opportuniste et encore fumeuse, toujours sans explications… à défaut d’être fiable et en 3D, Avatar sur Xbox 360 flirte déjà avec la 4e dimension.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 27 novembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (1ère partie)

La production interactive d’Activision-Blizzard, filiale de Vivendi, vient de battre les records de sortie d’un jeu vidéo, et plus. Chiffres et communiqués nous martèlent que, depuis sa sortie le 10 novembre, les ventes sur Xbox 360, PlayStation 3 et PC ont explosé tous les records de lancement d’un produit de divertissement. Cinéma compris. Seul hic dans ce triomphalisme ambiant, le jeu en question est un jeu de guerre. Et les chiffres ne disent pas tout. Techniquement impeccable mais scénaristiquement imbécile, il rejoue le tête-à-tête russo-américain de l’après guerre au moment où l’on célèbre la chute du mur de Berlin…

Call of Duty Bush 01

Pas de quoi se réjouir pour une industrie du jeu vidéo en mal de reconnaissance culturelle et artistique. COD : MW2, petit nom agréé du 7e chapitre d’une série lancée en 2003, bat au box office la sortie du jeu vidéo Grand Theft Auto 4, dernier record en date. Un jeu de guerre succède donc à un jeu de gangsters (précisons-le avant lapidation, l’un et l’autre sont loin du niveau de films comme La Ligne Rouge de Terence Malick, ou du Parrain de Francis Ford Coppola). Soit, selon les chiffres de GFK reportés par l’éditeur : 376 000 exemplaires et 25,5 M€ de recettes générés en cinq jours en France pour COD : MW2 (1,7 millions d’exemplaires vendus en une semaine en Grande-Bretagne, 3 millions en Amérique du Nord), contre 320 000 exemplaires de Grand Theft Auto IV en 2008 pour 24 M€. Et l’éditeur d’aligner les comparaisons en France avec le DVD de Bienvenue chez les Chtis (17,1 M€) et le dernier tome d’Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (12,6 M€). Puis dans le monde. 550 millions de $ de recettes en cinq jours qui battent les films Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (394 M$) et The Dark Knight (203,8 M$) et, enfin, le jeu, tenant du titre, Grand Theft Auto IV (500 M$ pour 6 millions d’exemplaires). La réalisation de COD : MW2 aurait coûtée entre 40 et 50 M$ là où celle de Grand Thef Auto est réputée avoir atteint les 100 M$.

Comment faire parler les chiffres

Petit rappel démographique devant ces chiffres tsunami intellectuels. À 70 € le prix de vente en moyenne, les 25,5 M€ de recettes du jeu Call of Duty : Modern Warfare 2 en France représentent une population d’à peu près 360 000 acheteurs comme le dit le communiqué de l’éditeur. À 20 € en moyenne le prix de vente du DVD, les 17,1 M€ de recettes de Bienvenue chez les chtis correspondent à 850 000 acheteurs environ, et au moins autant de spectateurs familiaux associés, soit 2 à 4 fois plus de personnes que le jeu vidéo qui bat tous les records. L’impact du lancement tonitruant du jeu a plus d’effet dans les médias que dans la population. Et les records chassant l’autre, la sortie du 2e chapitre Twilight au cinéma mercredi 18 novembre bat les records d’entrées aux USA (72,7 M$ dès le premier jour, « 3e meilleur démarrage de tous les temps », 258,5 M$ en fin de week-end, juste derrière le record de The Dark Knight) et, en France, 2,1 millions d’entrées en 5 jours qui le place en 2e place des records de sortie. Le jeu Assassin’s Creed II sorti la semaine dernière s’est écoulé lui-même à 1,6 millions d’exemplaires dans le monde en 7 jours.

Dérive culturelle

Le pouvoir éblouissant du box office et tout serait dit. Les records mondiaux de ventes de jeux vidéo à leur sortie se félicitent ainsi de voir une simulation de troufions, littéralement aux ordres pendant le jeu, embarqués sur différents fronts russo-américains imaginaires succéder à une simulation de vie de gangsters dans un New York outlaw. Ces jeux officiellement pour « adultes » sans autre vertu que le pouvoir du spectacle et de la violence interactive provoquent la ruée simultanée de millions de jeunes hommes dans les boutiques. Ainsi, 5,2 millions d’heures de jeu en réseau auraient été enregistrées sur le Xbox Live dès le premier jour. Soit 2 millions de joueurs se jetant à cœur (et intellect) perdu les uns contre les autres, en équipe ou pas, dans une guerre virtuelle qui les réjouit. Comment le jeu vidéo que l’on croyait enfantin, représenté pendant ses 20 premières années par des mascottes animalières (Sonic) ou inoffensives (Mario) en est-il arrivé là ?

Descente aux enfers

Même relativisé, le succès colossal de ce Modern Warfare 2, ultime représentant du jeu vidéo adoubé par ses chiffres de vente, descend ainsi d’une tragique évolution du jeu vidéo qui n’aurait peut-être pas atteint ce déplacé paroxysme du box office militaire si le cours de la grande histoire avait pris une autre tournure. Même si la tendance à la militarisation du jeu vidéo était déjà sensible à la fin des années 90, le choc du 11 septembre 2001 se répercuta très vite dans les allées de l’E3, le – alors – fameux salon annuel du jeu vidéo de Los Angeles. Pas du tout menaçante mais en promotion permanente, la présence de l’armée s’y manifesta de plus en plus ouvertement. Véritable hélicoptère posé sur l’esplanade, descente en rappel de militaires à partir d’un hélico en suspension, stand de l’armée à peine camouflé au milieu de ceux de jeux eux aussi décorés en forts retranchés… Au point de ne plus savoir si le militaire en uniforme circulant dans les allées du salon aux côtés des trolls, dragons, guerrières dénudées et autres peluches géantes de Pac-Man ou Mario, étaient de vrais soldats ou des figurants déguisés.

Drapeau blanc

Lors d’une rencontre à cette époque avec Shigeru Miyamoto, grand maître d’œuvre créatif de Nintendo, nous lui avions demandé ce qu’il pensait de voir le salon du jeu vidéo se transformer de plus en plus en warzone et l’industrie prendre ainsi les armes. Polie, sa réponse resta évasive et diplomatique, rappelant simplement que Nintendo s’intéressait à d’autres voies. Aujourd’hui, la réponse radicale de Nintendo à cet état de crise hystérique du jeu vidéo et le drapeau blanc tendu entre les joueurs se nomme DS et Wii et a pris la forme d’une démocratisation du jeu vidéo en social gaming.

Lire aussi… : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes / le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

François Bliss de la Boissière

(publié le 27 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Sauve-qui-peut Electronic Arts

Licenciements, recrutement, fermeture de studio mais aussi acquisition de nouvelle structure, changement radical de politique éditoriale, depuis une vingtaine de jours l’ex n°1 du jeu vidéo accumule des mesures azimutées. Officiellement, tout va bien.

saboteur EA

Déconcertant comment le discours d’une entreprise se voulant rassurant et en plein contrôle pour les marchés financiers donne l’impression de gérer au coup par coup un sauve-qui-peut généralisé. Hier n°1 mondial du jeu vidéo avec ses Sims, ses licences de sport, et autres Spore, candidat glouton débouté à l’OPA sur notre presque national Ubisoft en 2004 puis au rachat de Take-Two Interactive en 2008 (où se niche la pépite Grand Theft Auto), Electronic Arts (EA) cherche aujourd’hui sa voie et à économiser 100 millions de $ par an. Début 2009, l’entreprise fondée en 1982 par le vénéré et dynamique Trip Hawkins depuis longtemps parti voir ailleurs, annonçait une réduction d’effectifs de 11 % (1100 emplois) et la fermeture de 12 bureaux. Le bilan sera plus lourd encore.

Emplois « abolits » pour raisons professionnelles

Du côté ressources humaines avec ses 1500 licenciements (1300 faisant partie d’un plan de « restructuration »), dont une bonne partie d’emplois « abolits » au Canada, comme le formulent nos amis québécois, la réduction de 17 % des effectifs d’ici fin mars 2010 coûte cher dès aujourd’hui.
Du côté consommateurs, gamers donc, premières cibles de l’éditeur, les réductions de personnels visant des équipes bien connues ou les fermetures niées puis avérées de plusieurs studios n’envoient pas un message aimable non plus. Les licenciements ou parfois mutations ont, semble-t-il, affecté des studios comme Maxis ayant travaillé sur Les Sims puis Spore du bien aimé Will Wright ayant quitté le bateau dès avril 2009, Mythic Entertainment (Ultima et Warhammer Online), Black Box (Skate, Need for Speed), EA Tiburon (Madden, Tiger Woods), l’équipe de Command & Conquer. On sait que la production de jeux vidéo fonctionne de plus en plus comme celle des films et que les équipes se constituent et grossissent autour des projets avant de se disperser. Mais chaperonnées par les éditeurs, les structures des studios se maintiennent généralement pendant que les talents circulent d’un projet à l’autre. Venus en tournée promotionnelle à Paris le mois dernier, les créateurs du jeu Saboteur vont pourtant se retrouver sans foyer professionnel aussitôt le jeu dans le commerce le 10 décembre. La décision quand même hasardeuse de sortir une nouvelle IP (Intellectual Property) comme The Saboteur juste avant Noël appartenait bien à EA nous avait confié Chris Hunt, responsable artistique de Pandemic Studios crée en 1998, acheté par EA en 2007 et dont la majorité des 200 employés vont chercher du travail puisque ce studio fait partie de ceux qui ferment leurs portes. Qui sabote qui est-on tenté de demander. But entrepreneurial de la manœuvre : « Réduire la taille de son portfolio et se concentrer sur des opportunités offrant plus de marge ». Avec de la paumade quand même. « Licencier des employés et fermer des installations n’est jamais plaisant, » a tenté le CEO John Riccitiello à la recherche d’une pilule anti douleur à faire avaler, « nous avons beaucoup de compassion pour ceux concernés, mais ses coupes sont essentielles pour transformer notre société ».

Dans l’espace commercial personne ne vous entend crier

Douze titres originellement prévus ne verront pas le jour et, puisque le mystère court encore sur les titres concernés, suites ou projets jamais annoncés, le pire reste à craindre. Depuis le retour en 2007 du vétéran d’EA John Riccitiello avec cette fois les pleins pouvoirs, forcé à muter suite à l’essoufflement des licences annuelles, de son fonctionnement pyramidale nivelant les talents comme l’avouait Riccitiello en prenant ses fonctions, et à la montée en puissance d’Activision que la fusion avec Vivendi et Blizzard (et ses 12 millions d’abonnés à World of Warcraft) en 2007 a propulsé n°1 du secteur, l’éditeur américain avait engagé une réjouissante politique d’édition. Dans le registre de ces nouveaux chefs d’entreprises jouant les mea culpa et l’empathie, Riccitiello avait en quelque sorte entériné l’échec des suites à répétition et prôné la créativité. Les forces vives d’EA ont ainsi pu être en position de lancer, pour la première fois et de façon presque massive, plusieurs nouvelles IP (Intellectual Property). L’accueil public timide de ces échappées se cristallisa fin 2008 autour des ventes insuffisantes du pourtant innovant Mirror’s Edge et des difficultés à imposer un Dead Space à l’accueil critique légitimement dithyrambique. Parallèle aggravant, dans le flux de nouveaux projets, EA avouera ne pas avoir saisi assez vite l’importance de la Wii et a basculé trop tardivement un nombre conséquent de ressources au marché familial ouvert par Nintendo.

Le blockbuster vaincu par le social gaming

L’annonce, en plein maelström humain, de l’acquisition pour 300 millions de $ de la société Playfish spécialisée dans le développement de jeux sociaux à petits budgets (Pet Society, Restaurant City… 150 millions de jeux installés et joués dans le monde) sur MySpace, Facebook, Google et iPhone, indique bien un revirement vers un système de productions plus modestes et moins coûteuses. Playfish fonctionnera dans la structure EA Interactive de la société qui travaille déjà sur des jeux web et mobiles. Est-ce le début de la fin de productions à la rentabilité désormais trop risquée de blockbusters à gros budgets chez EA ? Les ventes encore une fois trop paisibles d’un jeu mature sur Wii avec le récent Dead Space Extraction signera sans doute déjà l’arrêt de ce type de tentatives sur la console de Nintendo. Toujours pas officiellement confirmée, la suite officielle high-tech du célébré Dead Space devrait néanmoins être mise en chantier puisque toute l’équipe de Visceral Games autour de cette production initiale ne s’est apparemment pas volatilisée, mieux, elle recrute (les professionnels de la profession apprécieront). Mais plusieurs projets de jeux ambitieux avec Steven Spielberg ne donnent justement plus de nouvelles depuis des mois. Plus dramatique encore, c’est la politique de création de nouvelles franchises et donc de prise de risques qui devrait être la première remise en question. « It’s in the Game » scande depuis des années les pubs EA. Retour aux affaires, 2007-2009, le quart d’heure américain d’Electronic Arts n’aura duré que deux petites années.

François Bliss de la Boissière

(publié le 25 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Le fol échiquier des sorties jeux vidéo d’un Noël qui n’en finit pas

Tel un pion capital sur un échiquier virtuel, Sega vient de placer la sortie de son important jeu japonais Bayonetta sur la date du 8 janvier en se vantant d’être le premier jeu de qualité AAA à sortir en 2010. Il rejoint en réalité un bataillon effroyable de blockbusters ayant esquivé Noël pour se tasser, cette fois, au premier trimestre de l’année. La gestion un peu folle du calendrier pourtant capital des sorties de jeux vidéo ressemble à un jeu d’échec qui chercherait encore une règle du jeu commune.

échiquier

C’est une tradition pas unique au jeu vidéo mais bien incrustée dans les mœurs de l’industrie interactive depuis au moins 20 ans. La ruée vers l’or collective a lieu dans les semaines précédant Noël. Un jackpot qui représentait il y a encore quelques années 60 % du chiffre d’affaire annuel. Un cauchemar économique et culturel pour les gamers réguliers qui voyaient les meilleurs titres se bousculer pendant une seule même période. Une tragédie aussi pour les créateurs de jeux obligés de boucler leur production dans des délais déraisonnables. Et, souvent, un drame pour les éditeurs lâchant leurs meilleurs titres dans une mêlée ouverte arbitrée non pas par les gamers presque érudits mais par le public familial qui achète un ou deux jeux par an, pratiquement au hasard. Allant jusqu’à quadrupler leurs rayons jeux vidéo avant et pendant Noël, les grands magasins réduisaient comme peau de chagrin leur achalandage dès janvier. Jeux vidéo et confiseries chocolatées, même combat. Une aberration qui était suivie, tout aussi traditionnellement, d’une déprimante période de creux à la sortie de l’hiver et au début du printemps.

L’âge ingrat

Le passage à l’âge adulte de la technologie et – moins perceptible malgré les tags + 18 ans du Pegi – du contenu, a tout de même fini par lisser cette folie. Après le coup de poker réussit de quelques sorties importantes hors créneaux habituels (le 1er Halo de Microsoft, alors challenger, sorti en mars 2002, puis Halo 3 en septembre 2007. Metal Gear Solid 2 et 3 en mars 2002 puis 2005…) les éditeurs ont fini par réaliser que tous les coups étaient permis sur les 12 cases du calendrier. Ou presque. Autant à l’écoute de leurs actionnaires que de leurs fans, les éditeurs ont repoussé la date limite, et suicidaire, du 25 décembre, se jouant surtout en novembre, à celle de la fin de leur année fiscale, fin mars. Une curiosité cette fois bien spécifique au jeu vidéo. Quand un éditeur s’engage auprès du marché et des consommateurs à sortir un jeu avant la « fin de l’année » il faut entendre, qu’elle soit explicitée ou pas, « avant la fin de l’année… fiscale » et non la calendaire qui régule la vie de la cité. Voilà une des raisons aussi qui explique pourquoi la presse spécialisée jeu vidéo se mêle autant de l’économie des entreprises du jeu vidéo. Un phénomène qui n’existe pas dans la presse cinéma voisine, par exemple, où les budgets des films et le cachet des acteurs suffisent à alimenter les fantasmes. La régulation des sorties de films calées, voire verrouillées par les productions US, des années à l’avance, ne provoque pas le suspens des dates de sortie des jeux vidéo, indécises ou fluctuantes quelques mois avant leur commercialisation. Étalée sur plusieurs années, la durée exacte de conception d’un jeu vidéo n’est pas encore planifiable de façon sûr. Intimement lié à l’évolution des technologies, celui-ci avance le plus souvent en terra incognita.

« Shock and awe »

Autre anomalie de ce marché atypique, attendre, comme on a pu le lire ici et là, que le guerroyeur Call of Duty Modern Warfare 2 du 10 novembre devienne la VENTE de « Noël ». « Des réservations records » triomphe l’éditeur Activision en s’abstenant bien de révéler des chiffres. 10 millions d’exemplaires et plus au 4e trimestre pour 500 millions de dollars de recettes en une semaine prédisent des analystes. Qu’une large frange de core gamers accrocs aux parties de guerre virtuelle en ligne réponde massivement à l’appel, peut-être, mais à l’heure où le public familial rejoint dans les boutiques un core gamer en voie de disparition ou, disons, de pacification, il y a de fortes chances pour qu’en terme de volumes, le nouveau Super Mario sur Wii ou le nouveau Pokémon Donjon Mystère sur DS fasse beaucoup mieux, sionon sur le moment, du moins dans la durée (le parc de consoles Wii cumule encore celui des Xbox 360 PS3 réunies, quant aux 114 millions de DS dans le monde…). Sans compter les jeux musicaux comme Guitar Hero 5, DJ Hero, Band Hero, Lego Rock Band ou Rockband Beatles qui font le cross over culturel et trustent les charts même lorsqu’ils donnent des signes d’essoufflement.

BANG à retardement

Un Call of Duty Modern Warfare 2 qui aura en tous cas réussi sa campagne médiatique. Au point d’autoriser son éditeur, en Grande-Bretagne, à vendre son jeu plus cher que d’habitude sans craindre de représailles. Au point aussi d’avoir fait fuir au 1er trimestre tous les candidats potentiels qui se seraient arc-boutés avant Noël les années précédentes. Une fuite en avant confortée par l’exemple du premier trimestre 2008 (d’une année fiscale commencée en avril donc) où une poignée de blockbusters prêts à tout (Grand Theft Auto IV, Mario Kart Wii, Wii Fit, Race Driver Grid, Rock Band, Metal Gear Solid 4) en pleine période creuse habituelle a boosté de façon spectaculaire les comptes des éditeurs. La plupart d’entre eux renvoie d’ailleurs, aujourd’hui, la chute des résultats du premier trimestre 2009 à l’absence de titres marquants en début d’année… fiscale. Si 2009 ne finit pas sur un BANG, ce ne sera pas la faute à l’absence de jeux de qualité cette fois-ci. Il faut d’ailleurs se demander si, en ce qui concerne le jeu vidéo, le meilleur cadeau de ce Noël 2009 ne serait pas de recevoir de l’argent de poche à dépenser après les fêtes.

Tsunami en 2 vagues

Restent ainsi en lice pour ce Noël, les jeux aux épaules assez larges pour attirer tous les regards. Les jeux de Nintendo déjà évoqués et dans leur élément naturel à cette période, y compris un Zelda sur DS, ou de Sega (Mario & Sonic aux Jeux Olympiques d’Hiver), les suites de blockbusters déjà affirmés comme Uncharted 2, Assassin’s Creed II, Ninja Gaiden Sigma 2 ou Left for Dead 2, et le nouveau chapitre The Ballad of Gay Tony de Grand Theft Auto. Les jeux de sports évidemment comme Colin McRae Dirt 2, Pro Evolution Soccer 2010, FIFA 10 et Forza Motorsport 3, et les adaptations à fuir de films et séries TV ou dessins animés. Quelques courageux, ou hyper pointus ou hyper kamikazes, comme les inédits et du coup intrigants Borderlands ou Brütal Legend, Dragon Age : Originis et The Saboteur chez un Electronic Arts beaucoup plus audacieux qu’il y a quelques années. Une lignée de jeux qui vaut déjà, pour ceux cités, son pesant d’or. Et qui ne font qu’esquisser la déferlante post Noël qui commence donc fièrement dès potron-minet en janvier, comme le claironne Sega, par l’inédit Bayonetta du respecté créateur japonais Hideki Kamiya, suivi par le poids lourd Army of Two : Le 40ème jour, l’inédit Dark Void de Capcom et l’ambitieux Mass Effect 2 chez Microsoft. À peine une petite respiration et les festivités reprennent avec, encore, des incontournables poids lourds comme BioShock 2, le culotté Dante’s Inferno et le bien connu Splinter Cell Conviction après plusieurs années d’absentéisme. En mars, les importants Battle Field : Bad Company 2 et Gran Turismo 5 tenteront de conclure, en attendant d’autres candidats potentiels qui pourraient se déclarer (Alan Wake, Max Payne 3, No More Heroes 2, God of War III…) cette fameuse année fiscale du jeu vidéo. Le bras de fer de Noël et la gueule de bois virtuelle n’auront jamais duré aussi longtemps.

François Bliss de la Boissière

(publié le 8 novembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Rappel des faits : UNCHARTED DRAKE’S FORTUNE (les archives d’O.)

Il y a deux ans, le premier Uncharted faisait déjà l’événement. Et l’accueil, généralement bon, fut plus réservé que prévu. Deux manières d’approcher le jeu cohabitaient déjà. Y voir le premier jeu PlayStation 3 d’un brillant studio, ou une compilation aimable mais sans franche originalité de tout ce qui existe déjà dans le jeu vidéo ou au cinéma. Sur Overgame le même clivage eut lieu silencieusement entre l’avis réservé émis à la sortie du jeu et le best of par catégorie enthousiaste publié quelques semaines plus tard.

Uncharted : Drake's Fortune

Avant de se pencher sur Uncharted 2 et de creuser un peu le pourquoi d’un accueil cette fois unanime, voici ce que je disais sur Overgame à l’époque…

Uncharted Drake’s Fortune : L’avis enthousiaste décortiqué par le best of de fin d’année 2007…
5e place au palmarès 2007 (derrière Bioshock, Super Mario Galaxy, Half-Life 2 : Orange Box, Metroid Prime 3 : Corruption)…

Pourquoi en faire des tonnes (save the world ?) comme tout le monde et ne pas se concentrer sur une bonne petite histoire de série B à la Indiana Jones ? L’important étant moins les enjeux que la manière dont ils sont mis en scène. Et là, Naughty Dog réussit un superbe mixe action, aventure et histoire. Contrairement à quelques autres productions plus tapageuses mises dans le commerce sans être terminées, Uncharted est une production fignolée jusqu’au bout. D’une fluidité de tous les instants les cutscenes vives et plaisantes n’interrompent pas le gameplay qui lui-même enchaîne, sans rupture, exploration, acrobaties à la Lara Croft et gunfights cache-cache à la Gears of War. En passant, la qualité graphique, dont les incroyables textures haute résolution, prouve, après les premiers jeux PS3 graphiquement douteux (et les portages Xbox 360), que la PS3 est tout a fait capable d’en afficher et éloigne le spectre de la PlayStation 2 et sa célèbre mémoire de textures insuffisante.

Meilleures cutscenes
Si un jeu vidéo veut se la jouer cinéma avec saynètes non interactives, scènes d’action, petits sketches et scènes de dialogues, la grammaire du grand écran s’impose. Naughty Dog l’a bien compris et, non seulement les cutscenes sont brèves et intégrées sans accroc aux séquences interactives, mais elles sont montées (champ et contre-champ) et cadrées (valeurs des plans) avec beaucoup de savoir faire. À tel point qu’on oublie totalement d’essayer de les passer.

Meilleures pistes audio
Le bruissement de la jungle et des cours d’eau pourrait être plus dense encore pour s’aligner avec les visuels florissants. En l’état, ils participent tout de même parfaitement à la reconstitution du Panama de série B du jeu. Plus précisément, la gamme des sons liés aux armes à feu (tirs et recharges, le cliquetis quand Nathan ramasse des munitions au sol, bruit des holsters en cuir quand il change d’arme…) est une des plus contrôlées et sophistiquées jamais réalisées. Les bruits restent en mémoire comme ceux, hyper identifiables, de la série Half-Life…

Meilleurs scénarios et dialogues
Drake’s Fortune : Sans manière, vif, bien écrit dans le sens où ce que disent les personnages sonnent justes dans leurs bouches, correspond à leur attitude et aux situations avec un minimum d’intention. Pas de répliques aléatoires ici, chaque mot est écrit pour la scène. La VO sous-titrée française est officiellement accessible dans les options, un plus en plus.

Meilleurs bonus
Il faut jouer, tout de même, pour débloquer plusieurs généreux documentaires making-of et de splendides galeries de dessins, mais, comme ceux de Half-Life 2 : Orange Box, pas besoin d’acheter une version collector. Tout est en superbe HD et VO sous-titrées français et on découvre avec des split-screens comment ont été tournées les scènes de motion capture avec de vrais comédiens.

Meilleure nouvelle personnalité
Nathan Drake : Il a de subtiles expressions faciales comiques héritées de Jak (and Daxter) et son «Oh Boy !» (en VO) quand une grenade atterrit à proximité confirme un flegme et une cool attitude irrésistibles.

François Bliss de la Boissière

 


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