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Best of séries 2023 : et la série recréa la femme

Est-ce un choix personnel involontaire, ou une tendance générale ? La grande majorité des séries passionnantes et originales de l’année 2023 mettent en avant le woman power. Soit elles prennent une revanche justifiée sur les affreux bonshommes (Copenhagen Cowboy, The Lost Flowers of Alice Hart…) soit, quels que soient le lieu ou l’époque, elles résistent de toutes leurs forces et qualités au patriarcat (The Diplomate, The Morning Show, The Offer…) Dans tous les cas, alors que la société occidentale peine encore à vraiment donner la parole aux femmes au même titre que les hommes, les rôles les plus forts dans les séries sont ceux des femmes. Et c’est tant mieux.

Cette année j’ai regardé 38 séries parues en 2023, presque toutes jusqu’au bout. Et puisque l’exercice annuel du cinéphage consiste à faire le tri, voici…

Mes 10 + 5 séries préférées de 2023

  • Copenhagen Cowboy (mini série)
  • The Last of US (saison 1)
  • Fargo (saison 5 – en cours de diffusion US)
  • The Diplomate (saison 1)
  • The Morning Show (saison 4)
  • Love & Death (mini série)
  • Dear Edward [N’oublie pas de vivre] (mini série)
  • Black Mirror (saison 6)
  • The Lost Flowers of Alice Hart [Les Fleurs sauvages] (mini série)
  • The Offer (mini série)

Autant la première mini série Too Old to Die Young (2019) du réalisateur danois culte radical (et parfois incompris) Nicolas Winding Refn nous avait laissés sur le carreau, autant Copenhagen Cowboy nous a impressionnés. Formellement de toute beauté, les 6 épisodes de Copenhagen Cowboy sont un choc mental et esthétique monumental.
Les connaisseurs du monstrueusement émotionnel jeu vidéo The Last of Us du studio Naughty Dog avaient tout à craindre d’une adaptation télévisuelle et, miracle, la collaboration de l’auteur du jeu Neil Druckmann avec le showrunner Craig Mazin célébré pour la série Chernobyl, ont réussi leur pari. Le jeu vidéo et la série se répondent désormais sans se faire honte ni de l’ombre.

Surprise de cette fin d’année sur Netflix, la série politique La Diplomate devient instantanément la meilleure héritière de l’estimée série The West Wing des années 2000. D’une densité incroyable et juste, les dialogues de La Diplomate renvoient en effet à ceux de Aaron Sorkin. Sans lui, la showrunneuse, également scénariste, Debora Cahn déjà présente sur The West Wing (ce n’est donc pas un hasard) réussit un captivant tour de force intellectuel, féministe et donc moderne.

À la limite du ridicule, les deux premiers épisodes hystériques de la saison 4 de The Morning Show n’auguraient rien de bon. La suite, plus calme et raisonnée heureusement, remet la série sur le bon rail dramatique. La présence insidieusement dangereuse de Jon Hamm en gourou capitaliste-tech à la Elon Musk (qui se reconnaitra ici et là) prêt à en découvre avec les médias « traditionnels » confirme un nouveau souffle en méchant dans la carrière de l’ex Mad Men en chef. Le même Jon Hamm en affreux shérif patriarcal sécessionniste du Dakota dans la génialement tordue 5e saison de Fargo ne s’oublie pas de sitôt. De même que la présence incroyablement physique de la pourtant miniature Juno Temple.

Les desesperate housewives des suburbs américains n’ont définitivement pas fini de livrer leurs lourds secrets. Entourés d’hommes tellement engourdis – Jesse Plemons en amant involontaire comme le mari placide Patrick Fugit (le gamin devenu grand de Almost Famous, 2000), l’extravertie superficielle femme au foyer Elisabeth Olson de Love & Death prend une initiative naïve qui conduira au drame. Une nouvelle déconstruction réussie du rêve américain vendu des années 50 jusqu’au début des années 70.

À l’époque où, parmi nous, de trop nombreuses personnes vivent avec le traumatisme d’avoir survécu à un attentat ou même un accident, les tourments du jeune protagoniste de Dear Edward seul survivant d’un accident d’avion devient vite une affaire collective et pourtant intime : pourquoi moi ? La série qui s’intéresse également au traumatisme interrogatif des familles qui n’étaient pas dans l’avion garde assez de distance avec le mélodramatique pour ne pas sombrer dans l’excès.

En mélangeant high-tech et horreur, la saison 6 de Black Mirror s’éloigne un peu des saisons précédentes plus froides sans pour autant perdre sa force conceptuelle. Chaque épisode dérange comme il faut en partant du banal jusqu’à une bascule horrifique.

Dans le très étrange The Lost Flowers of Alice Hart, une Sigourney Weaver revêche jusqu’à la laideur, livre une de ses prestations les plus courageuses. Car s’il s’agit bien au coeur du récit de dénoncer une nouvelle fois (il le faut) l’horreur du comportement de l’homme /fils/frère/mari vis-à-vis des femmes, celles-ci ne sont pas du tout exemptes de défauts. Tout en célébrant une sororité salvatrice, la série fait la démonstration qu’une communauté uniquement constituées de femmes peut à son tour récréer, même en voulant bien faire, une hiérarchie de dominants et de dominés.

Osons la formule mise en abîme, aucun cinéphile ne peut refuser l’offre proposée par la série The Offer : rejouer la genèse du film Le Parrain de Coppola. Façon The Player de Robert Altman (1992), le récit nous entraine dans les coulisses de la fabrication du film, des tractations financières à l’implication de la vraie mafia, des coups de génie aux coups bas. Plaisir additionnel, là encore, comme dans la saison 5 de Fargo, l’actrice Juno Temple surnage au-dessus d’une mêlée de mâles plus arrogants les uns que les autres.

Les frenchies…

Sans les moyens des productions US, les séries françaises flanchent souvent sur la forme et la photographie mais peuvent, comme celles-ci, se rattraper avec des sujets forts, des comédien·ne·s haut de gamme, ancienne comme nouvelle génération et une mise en scène vive…

  • Salade grecque (mini série)
  • Tout va bien (mini-série)
  • B.R.I. (saison 1)
  • Pax Massilia (saison 1)
  • Bardot (mini série)

On n’aurait pas donné cher à une biosérie sur Brigitte Bardot, monument déchu d’une époque (elles ne vieillissent pas bien nos vedettes, cinéma ou chanson, des années 60-70, n’est-ce pas ?). Et puis, finalement, la réalisation et l’interprétation rassasient notre curiosité sur le personnage et l’époque qui avait, elle aussi, ses travers de moeurs au nom d’une carrière. Avec une très jolie troupe d’acteur·rices la Salade grecque de Klapisch réussit, sans forcer, à prolonger sur 8 épisodes la vibration jeune génération squatters Erasmus lancée par L’Auberge espagnole il y a … 21 ans. Et si le mélo Tout va bien nous installe avec douleur très longtemps dans l’hôpital Robert-Debré et son quartier du nord de Paris pas si fréquemment usité par le cinéma, le talent du casting nous fait vivre, démunis, les affres insurmontables d’une famille blessée collectivement. Profitant à fond de leur contexte urbain, Paris puis Marseille, le réalisme cru des deux néo polars français B.R.I. – le plus contrôlé, et Pax Massilia – aux péripéties trop vite enchainées, redonnent une belle énergie hexagonale au genre. Les suites sont attendues avec enthousiasme.

François Bliss de la Boissière

Illustration : Copenhagen Cowboy
Relecture danybliss

Best of jeux 2023 : Sur la terre comme au ciel (et en enfer)

2023 année exceptionnelle nous dit-on. Vraiment ? Peut-on encore faire l’autruche et apprécier les jeux vidéo en dehors de leur contexte social-économique ? Le grand public qui consomme deux, trois jeux par an, peut-être. Pour les autres, passionnés automatiquement engagés, les leaks crapuleux, les licenciements, les fermetures de studios, les rachats ogresques qui rebattent les cartes du jeu d’une industrie qui se cherche toujours, laissent un goût amer. Le plaisir du jeu a un coût et ce n’est pas seulement celui payé à la caisse par le gamer. En même temps (hum), le jeu vidéo continue d’être le plus efficace loisir échappatoire (escapism). Sa diversité et son impact culturel dépassent largement ceux du cinéma spectacle à bout de souffle. Parce qu’il nous engage physiquement, mentalement et artistiquement, chaque jeu laisse en nous une marque indélébile là où la plupart des films s’estompent de la mémoire comme un rêve éveillé. Le rituel des best of de fin d’année se veut néanmoins un moment de célébration plutôt que de doléances. Première année où je ne chronique pas professionnellement chaque mois des jeux vidéo depuis 25 ans, j’ai curieusement pratiqué 81 jeux, contre 58 en 2022 ! Dans le tas, un peu moins de nouveautés et plus de jeux sortis avant 2023 non terminés ou réédités sur un support ou un autre. Dernier jeu lancé : Assassin’s Creed : Mirage. Non, il ne rentre dans aucune liste.

Mes 10 jeux préférés de 2023

  • Zelda : Tears of the Kingdom
  • Atomic Heart
  • Star Wars : Jedi Survivor
  • Dead Space Remake + Resident Evil 4 Remake + Metroid Prime Remaster
  • Super Mario Bros Wonder
  • Sonic Superstars
  • Alan Wake 2
  • Forza Motorsport
  • Starfield
  • Wild Hearts


Si Zelda Tears of the Kingdom ne se retrouve pas en tête de tous les best of de l’année 2023, c’est sans doute à cause de Breath of the Wild. Le premier Zelda open-world avait fait tellement l’unanimité en 2017 que replacer Tears of the Kingdom – présenté comme une suite – tout en haut du podium 2023 pourrait sembler radoter pour une rédaction de JV, même six ans plus tard. Et puis il paraît que Baldur’s Gate 3 fait mieux. Pourtant, grands dieux, ce dernier Zelda explose tous les repères soit-disant acquis dans Breath of the Wild et des jeux d’aventure-action tout court. De la terre d’Hyrule remodelée, au ciel aérien jusqu’aux enfers des mystérieux sous-sols, il y a désormais trois terrains de jeux ! Trois surfaces de jeu et une multitude de manières de jouer et d’appréhender les situations. À partir du canevas de Breath of the Wild, l’équipe de Fujibayashi (directeur) et Aonuma (producteur) a repoussé les limites créatives d’un gameplay que l’on croyait déjà au sommet. Vivement les rééditions optimisées (4k / 60hz svp) de Breath of the Wild et Tears of the Kingdom sur le successeur de la Switch.

Le cas problématique Atomic Heart.

Le jeu n’apparait dans aucun top de l’année et presque plus personne n’en parle depuis sa sortie, y compris moi-même. Si la raison est politique, comme, encore une fois, moi-même, c’est légitime. Parce que, en effet, Atomic Heart est conçu par un jeune studio… russe (Mundfish) financé, semble-t-il en partie, par des investisseurs liés à l’État russe et que, en agressant l’Ukraine, la Russie est devenue de facto un état paria ouvertement criminel. Autant pris en otage de cette guerre que le reste du monde, le studio Mundfish n’a pas dénoncé ouvertement l’invasion russe en se contentant d’un tweet générique à valeur pacifique. Mieux que rien mais évidemment insuffisant. Et, pour ne rien simplifier, le jeu joue, comme Bioshock et Bioshock Infinite avant lui avec l’Amérique, sur un terrain de politique fiction glissant en mettant en scène une Union Soviétique rétro futuriste surpuissante des années 50 qui s’enfonce peu à peu en dystopie d’apparence colorée. Car il s’agit bien d’une uchronie satirique. J’ai pratiqué le jeu longuement, très aux aguets du moindre dérapage pro russe in game qui infiltrerait une propagande soviétique irrecevable en 2023. Bien qu’il soit quand même difficile de visiter depuis 2022 une Union soviétique même fantaisiste, je n’ai rien ressenti ni observé de condamnable. Je crois qu’en réalité l’aventure serait, avec plus ou moins de subtilité, plutôt subversive vis-à-vis de son sujet. Et de toutes façons, même quand la Russie sera condamnée internationalement pour cette tentative d’annexion de l’Ukraine, la culture russe ne sera pas « effacée ». Il faudra bien, culturellement et historiquement, continuer à la regarder.
Pour le reste, du côté ludique, gameplay, interface, gestion des armes et cyber pouvoirs, comme ses bandes-annonces le laissaient présager, Atomic Heart est bien le FPS le plus créatif et innovant depuis… Bioshock. L’inventivité visuelle et interactive est permanente. Les bruitages et bandes-son vraiment originaux, les décors souvent dingues, voire psychédéliques, des puzzles environnementaux s’invitent dans des environnements extérieurs et intérieurs jamais vus auparavant. Question originalité, trouvailles et qualité de réalisation (ambition artistique et technique parce que hyper fluide sur consoles), Atomic Heart n’a pas d’égal à part Zelda en 2023 (non, bien que valide, le tour par tour d’un Baldur’s Gate – comme d’un JRPG, n’a pas du tout le même enjeu interactif).

Les autres en un mot ou presque…

Avec sa réalisation plus qu’impeccable, ses personnages plus qu’attachants, son gameplay dynamique et fiable, son semi open world qui le transforme en terrain d’exploration, Jedi Survivor remet Star Wars (lui aussi fatigué au cinéma et en multiples séries) au centre du game. Le studio Respawn porte tellement bien son nom.
Assez ironiquement les sorties quasi jumelées de Super Mario Wonder et de Sonic Superstars au moment où les deux héros rejouent la partition 2D qui les a vus s’affronter et se rendre célèbres dans les 90s plaident plutôt en leur faveur. Évidemment que le Mario Wonder a plus d’idées à la minute que ce Sonic Superstars qui finit par nous perdre dans des labyrinthes aux parcours trop vite injustes. Il n’empêche que les deux icônes Nintendo et Sega vont trop bien ensemble pour les séparer. Que Mario et Sonic tracent encore leur route et continuent d’écrire côte à côte l’histoire du jeu vidéo c’est quand même éminemment sympathique.

Les poids (trop) lourds

Ô comme j’attendais aimer Alan Wake 2 comme son prédécesseur et, surtout, comme CONTROL, le dernier jeu du studio finlandais Remedy. Hélas, à trop vouloir en faire, le labyrinthe mental du scénariste mis en abîme plusieurs fois qui mélange pensée et écriture créative entraine le joueur manipulé dans une enquête qu’il ne contrôle absolument pas, où l’accumulation de mots et de pistes obscurantistes qui se collent seules au mur inhibent toute initiative. Noyés sous les mots, et les pseudo surcouches de réalité ou de cauchemar, le joueur subit l’intrigue, les décors, les twists, sans jamais rien maîtriser. Visuellement et d’un point de vue sonore, rien à dire, c’est impressionnant.
Pas grand chose à reprocher non plus à l’édition 2023 à vocation durable comme un game service de Forza Motorsport. En surface en tout cas. Les voitures sont impeccablement modélisées, les pistes aussi et le plaisir d’une conduite pointue et maitrisable aussi. Pourtant, spoilé sans doute par les magnifiques routes du Mexique de Forza Horizon 5, on s’y ennuie trop vite.
Et Starfield et son champ d’étoiles infini ? Je ne me lasse pas devant le spectacle des décollages et atterrissages de son vaisseau, plutôt chouette aussi à l’intérieur (le style nasapunk on prend !) comme à l’extérieur (moins cool quand même que celui de Jedi Survivor) mais bon sang, avant de viser l’horizon cosmique, Bethesda aurait pu s’occuper de l’humanité de ses personnages aux visages totalement désincarnés. Leurs regards reflètent le vide cosmique de l’aventure. Cet atterrissage là est plus dur.
Et, oui, hors jeux Nintendo et Sega à valeur universelle, le seul nouveau jeu japo-japonais de ma liste est un original (c’est même le label officiel) édité par Electronic Arts qui n’aurait pas marché commercialement. Dommage, parce que dans le genre action médiéval japonais archi -rabattu, Wild Hearts sort du lot avec son système de machines de combats et le style graphique singulier d’un magnifique bestiaire.

Rééditions de luxe 

Indispensables à ce niveau de qualité si on a l’estomac bien accroché, les remakes de Dead Space et Resident Evil 4 laissent sans voix. Les gameplay originaux sont complètement respectés tout en y ajoutant des améliorations de « qualité de vie » comme on dit en anglais. Et bien sûr les aptitudes graphiques contemporaines permettent de donner vie à ces univers avec une puissance d’évocation incroyable. Malgré son étouffante ambiance claustrophobe, j’ai une préférence marquée pour l’univers industriel rétro-futuriste spatial de Dead Space. Surtout que, cela ne me semble pas assez soulevé – certains diront que cela fait partie de son « charme » – la violence de Resident Evil 4 et de ses villageois hispaniques sous amok dégagent une ambiance beaucoup plus malsaine, malaisante même que le déjà pourtant peu ragoûtant Dead Space. Tirer sur des êtres humains avec autant de réalisme graphique ne peut pas se qualifier de « fun ». Le joueur ressent éventuellement une sorte de jouissance exutoire (on défend sa peau après tout) mais ce « plaisir » reste discutable. On préférera alors les loup-garous de Resident Evil Village.

De son côté, la sortie surprise de la réédition remasterisée plus modeste de Metroid Prime rappelle combien cette première version en vue subjective de la série Metroid était en avance sur son temps sur GameCube. Le level design intriqué et la prise en mains avec ses contraintes restent uniques. Et la réédition optimisée sur Switch est irréprochable.

Extensions

  • Cyberpunk 2077 : Phantom Liberty
    Mis à niveau next gen à plusieurs reprises dès 2022, il n’y avait pas besoin d’attendre le storytelling médiatisé de la renaissance de Cyberpunk 2077 fin 2023 pour le classer au top de l’année dès… 2022.
  • God of War Ragnarock : Valhalla

INDÉS

  • Planet of Lana
  • The Talos Principle II
  • Toem : A Photo Adventure
  • Viewfinder
  • Cocoon
  • Season : A Letter to the Future

Petit up courageux dans l’expérience narrative pour…

  • Fort Solis
    et
  • The Invincible

Mentions spéciales aux jeux PSVR2…

Sony a bien sorti le meilleur casque grand public, et plus agréable à porter, installer, lancer, et utiliser avec ses manettes façon DualSense haptiques. Mais aussi, que fait Sony à pratiquer un tarif hors sol pour son casque VR ? Quel dommage de ne viser qu’un marché de « niche » parce que, vraiment, les versions VR de GT7 et RE Village envoient du lourd en réalité virtuelle (et sûrement aussi le récent Resident Evil 4 en VR). Si l’on ne souffre pas de motion sickness / cinétose agravée, ce qui est hélas devenu mon cas. Avant de lâcher le casque j’ai quand même eu le temps, contre toute attente, de prendre un pied phénoménal avec le jeu de tir Pistol Whip qui se hisse, à ma grand surprise, aux côtés de Beat Saber comme meilleur jeu de réflexe, immersion, musical, ambiance et visée en VR. Ébloui par Beat Saber et le jeu de tir « bullet time » voisin Super Hot VR, on avait raté Pistol Whip sur les casques Oculus Rift et le premier casque PlayStation VR. Le choc fut alors d’autant plus grand de découvrir l’énergisant gameplay de Pistol Whip encore plus beau dans sa version améliorée sur le casque PlayStation VR2.

  • Pistol Whip
  • Horizon Call of the Mountain
  • Gran Turismo 7
  • Resident Evil Village

François Bliss de la Boissière

Illustration de Une : The Legend of Zelda : Tears of The Kingdom
Relecture danybliss

Best of films 2023 : le cinéma, c’est trop d’émotions, punaise !

Alors que l’on avait prudemment retrouvé le chemin des salles en compagnie du public après le long épisode Covid, voilà que les punaises de lit s’immiscent à leur tour entre nous et les grands écrans.
Cela tourne à la malédiction. D’aucuns bien équipés cinéma à domicile diront que cela confirme l’agonie progressive du modèle cinéma dans les salles. Si on ajoute à l’hygiène, et à l’accueil discutable, des complexes de cinéma comme des salles indépendantes, le prix d’entrée et les films grand spectacle hollywoodiens et même français (Astérix ?) plus vains les uns que les autres, il devient difficile de défendre les salles trop obscures pour être honnêtes. Si, parmi l’hécatombe des blockbusters, on a été content de voir le réussi (ouf) Gardiens de la Galaxie Vol 3 et le très acceptable Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan en salles (alors qu’ils sont très bien aussi à domicile sur écran OLED), on ne peut pas en dire autant des autres très bon films de l’année. Dès que le film se fait plus intimiste, il devient tout à fait calibré pour le cinéma à domicile (évidemment pas sur smartphones ou tablettes, là, il s’agit d’une autre population de spectateurs, comme celle des avions). Et d’ailleurs, parmi mes 10 films préférés de 2023, trois inédits n’existent que sur plateformes de streaming. Au-delà de cette liste plus subjective que jamais (parmi les 107 films de 2023 vus), je mets aussi en avant quelques listes thématisées, des films ouvertement indés aux nanars qui s’ignorent…

Mes 10 films préférés de 2023…

  • Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 (de James Gunn)
  • Women Talking (de Sarah Polley)
  • Super Mario Bros.  / Spider-Man: Across the Spider-Verse (ex aequo)
  • Le Monde après nous (de Sam Esmail)
  • Je verrai toujours vos visages (de Jeanne Herry)
  • Hawaii (de Melissa Drigeard)
  • Une Nuit (de Alex Lutz) 
  • Les Trois mousquetaires : d’Artagnan (de Martin Bourboulon)
  • The Covenant (de Guy Ritchie)
  • Traquée [No One Will Save You] (de Brain Duffield)

Je ne sais pas si le talent de James Gunn ira jusqu’à nous intéresser à un reboot du DC Univers après sa version kamikaze de Suicide Squad et la dernière ligne droite de mauvais films de super-héros mais il est certain qu’il a réussi à boucler à lui tout seul et de belle manière le Marvel Univers sans queue ni tête (surtout) auquel, entre nous, Les Gardiens « de la Galaxie » n’appartiennent pas vraiment (ou au forceps en-dehors de la trilogie à leur nom). Le dernier opus des Gardiens de la Galaxy a ainsi toutes les vertus attendues, spectaculaire bien sûr, burlesque, cabotin mais aussi et surtout extrêmement touchant. À ce point frôlant la sensiblerie, on ne s’y attendait pas. Devenue réalisatrice, Sarah Polley présente un des plus puissants films de femmes de l’ère moderne (post Metoo ?) avec le très maîtrisé Women Talking dont on ne parle pas assez en cette fin d’année damnée par le scandaleux Depardieu.

Plus paranoïaque que jamais et tout à fait dans l’air du temps complotiste, l’auteur Sam Esmail de la série Mr Robot propose avec Le Monde après nous le bad trip mental qui confirme en forme de faux huit-clos toutes nos frayeurs du moment. Dans The Covenant, Guy Ritchie surprend en oubliant tous ses tics de mise en scène pour capter une impossible amitié militaire en Afghanistan mâtinée d’un petit message politique envers l’Amérique. Bien plus culotté et déroutant dans le genre fantastique que le dernier Shyamalan (Knock at the Cabin), l’inattendu Traquée (exclusivité Disney+), ne lâche pas son emprise sur l’unique actrice (épatante Kaitlyn Dever) et le spectateur pendant 90mn. Une réussite formelle doublée d’un beau suspens.

Je verrai toujours vos visages, Une Nuit… ces films français vus, y compris le dépaysant et faux film de vacances inattendu Hawaï (et d’autres encore à voir, comme Le Règne Animal), offrent de magnifiques plongées dans l’âme humaine. Merci le cinéma français pour ça. Malgré sa naïveté de réalisation, on ne boudera pas par snobisme le spectacle français trop rare des Trois Mousquetaires : D’Artagnan de Martin Bourboulon. Les combats en plan séquence font presque mouche et on adopte très vite les acteurs dans leurs rôles iconiques de mousquetaires. Sans compter les participations réjouissantes du finaud Louis Garrel en Louis XIII et de la digne Vicky Krieps en Anne d’Autriche.

Les deux cartons cartoons enfin, Super Mario The Movie et l’extravagance graphique Spider-Man Across the Spider-Verse redonnent du souffle au film d’animation là où, aussi, les champions du genre n’avancent plus vraiment. Et au double titre de gamer (voir mon Best of jeux 2023) et cinéphage passionné, je me réjouis de la transposition réussie de l’univers des jeux Mario de Nintendo en grand film intéressant. Et pourquoi la chanson Peaches interprétée par Jack Black / Bowser n’est pas sélectionnable aux Oscars ? Pourquoi ?

Mentions spéciales…

Des indés inspirés et surtout portés à bout de bras par de puissantes, voire bouleversantes, interprétations…

  • Stars at Noon (Margaret Qualley), une étrange dérive en Amérique du sud signée de l’habituée du genre : Claire Denis
  • Winter Break [The Holdovers] (Paul Giammati) entre Dead Poets Society et Breakfast Club version 70s par Alexander Payne
  • The Whale (Brendan Fraser) Le retour littéralement monstrueux de Brendan Fraser par un Darren Aronofsky à la filmo décidément indéchiffrable
  • Reality (Sydney Sweeney) Même sans maquillage et bikini, Sydney Sweeney fascine et prouve son talent d’actrice
  • Vivre (Bill Nighty) On savait déjà (depuis au moins depuis Love Actually) que Billy Nighty avait un coeur gros comme ça
  • Flora and Son (Eve Hewson) La découverte (tardive) d’une actrice au fort tempérament
  • Emily (Emma Mackey) Emma Mackey porte décidément bien le costume d’époque, même pourtant celui bien usé d’Emily Brontë
  • Are You There God? It’s Me Margaret (tout le casting). Un joli film choral de « coming of age » comme on n’en voyait plus depuis… ?

Des Ovnis cinématographiques…

  • Saltburn de Emerald Fennell. Tout juste diffusé en exclusivité sur Prime Vidéo fin décembre, encore sous le choc, on ne sait pas où ranger dans sa psyché ce film tordu et beau, beaucoup écrit et beaucoup improvisé !
  • Barbie. Greta Gerwig à la réalisation et Margot Robbie à la production réussissent le hold-up de l’année avec cette improbable ode à la femme libre à partir d’une poupée sans âme. Chapeau.
  • Oppenheimer. Masculiniste et boursoufflé d’ambition thématique et formelle, le succès improbable du biopic plutôt classique et lourdaud de Christopher Nolan se regarde avec une certaine incrédulité.

Des réalisateurs haut de gamme qui s’enlisent à privilégier la forme…

  • Asteroid City de Wes Anderson
  • Empire of Light de Sam Mendes
  • The Killer de David Fincher
  • Babylon de Damien Chazelle (vu en 2022 mais sorti en 2023 en France)

Des films dits de prestige qui laissent froid, ou énervé, notamment à cause de personnages détestables, ouvertement égocentrés, et que l’on rejette pendant tout le récit…

Rien de pire que les films qui cherchent à nous faire adhérer pendant la majorité du métrage à des personnages aux comportements odieux, sous couvert de dénonciation. La palme à ce titre à Martin Scorcese indécrottablement fasciné par les sales types (de Raging Bull à Wall Street en passant par Les Affranchis ou Casino) au point de, à nouveau, donner la vedette pendant 3h aux odieux bourreaux de Killers of the Flower Moon (voir dans ce même sens l’avis de Paul Schrader sur le jeu pénible de DiCaprio associée à la longueur excessive du film) avant de consacrer seulement 20mn à leur condamnation. Et Lily Gladstone est bien plus vivante et intelligente en vraie (voir la conférence de presse du Festival de Cannes) que dans son rôle inexpressif de femme Osage cruellement passive. En ce qui me concerne, il s’agit de cinéma torture porn.
Une larme pour l’inspiration perdue de Sofia Coppola confirmée, après Les Proies et On the Rocks, avec le lisse et inutile portrait d’une Priscilla sans intérêt auprès d’un Elvis toujours aussi cliché et insupportable.
Le célébré Anatomie d’une chute maintient certes le spectateur en tension, mais enfin son filmage téléfilm, son sujet fait divers familial qui vire en film de procès théatreux figé, mérite vraiment autant d’attention ? Saluer la prestation de Cate Blanchett, forcément, mais détester le personnage jusqu’au bout de Tár aussi.
Évidemment que les films ne peuvent se contenter de portraits confortables et de situations cosy. De la même manière le spectateur peut aussi trouver pénible de se voir rabâcher de scène en scène combien tel personnage est un monstre social, mais attention, avec un talent (séparer l’artiste de l’humain, suivez mon regard). Surtout quand cela est ouvertement visible dès la première scène. Au-delà, le spectateur subit et pour moi, il s’agit de complaisance de metteurs en scène fascinés devant le détestable. Ainsi, il faudrait aimer le Leonard Bernstein de Bradley Cooper ? La forme du film Maestro oui; la pauvre Carey Mulligan victimisée, oui; le chef d’orchestre égocentrique grimaçant baguette à la main, non. Idem avec le personnage extraverti égotiste interprété par Annette Bening dans Insubmersible. Combien de fois tous ces films donnent envie de hurler aux autres personnages : attention individu toxique à fuir !

  • Killers of the Flower Moon
  • Priscilla (sortie en janvier 2024 en France)
  • Maestro
  • Anatomie d’une chute
  • Tár (vu en 2022 mais sorti en 2023 en France)
  • Insubmersible

Des Nanars vus parce qu’on aime le cinéma jusqu’au bout de la nuit…

  • Flash (pour Michael – « let’s get nuts » – Keaton)
  • Rebel Moon (pour Zack – Sucker Punch – Snider)
  • 65 Millions (pour Adam – Ferrari – Driver)
  • Astérix & Obélix : L’Empire du Milieu (pour…. rien, le patrimoine ?)
  • Indiana Jones et le Cadran de la destinée (pour James Mangold, si si)
  • Mission Impossible : Dead Reckoning part 1 (pour Maverick)
  • Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur (pour… les fringues)

François Bliss de la Boissière

Illustration de Une : Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3
Relecture danybliss

Best of films 2022 : De l’ombre à la lumière

Retour en grâce du cinéma dans les salles ? Qui sait ? En tous cas les films eux se sont bien portés en 2022 où qu’ils soient diffusés. Après avoir vu 132 films de cette année, je me plie comme tous les ans au rituel du pire et du meilleur. Exercice aussi ridicule qu’une remise de récompenses qu’indispensable pour s’y retrouver. Alors Batman ou Blonde ? Athena ou Cyrano ? Faut-il vraiment choisir ?

En 2022, aucun film ne s’impose indiscutablement, quelles que soient les cultures cinématographiques. Il suffit de lire ici ou là les listes des 10 films préférés des médias et rédactions pour se demander si tout le monde a traversé la même année cinématographique. Il faut dire que la dissémination des supports disperse et dilue autant l’accès que les opinions. Étant moi-même plateforme agnostique et me donnant les moyens d’avoir accès à tous les films sortants (c’est du boulot), en m’assurant de les voir dans de bonnes conditions techniques (c’est un investissement), pas de snobisme, je ne fais pas de hiérarchie entre les films projetés en salle, disponibles directement en VOD ou en streaming. De la même manière, n’appartenant à aucune chapelle, sinon celle du cinéphage, je mélange sans snobisme films d’auteurs et films de divertissement, films indés américains et films sociaux français. J’avoue ne pas (encore) avoir vu les films internationaux autre qu’anglo-saxons, salués ailleurs.

N’ayant pas non plus à négocier mes choix avec une rédaction, ma liste de 10 films 2022 correspond clairement à mes goûts du moment. La hiérarchie est aisément interchangeable après… The Batman.

Plus bas, parce que le rituel du podium des 10 préférés est toujours trop court et ridicule, je continue le jeu des listes en m’inventant des rubriques « Mentions spéciales » qui permettent de ranger un peu une production cinématographique naturellement et heureusement azimutée …

Mes 10 films préférés de 2022…

Parmi les 132 films vus et sortis, sauf erreur, en 2022 (voir ma liste ici) je retiens donc ceux-ci en priorité…

  • The Batman
  • Athena
  • Blonde
  • Vesper Chronicles
  • A l’Ouest, rien de nouveau
  • Revoir Paris
  • Men
  • Cyrano
  • Les Nageuses
  • Causeway

Épuisé (comme tout le monde ?) des films de super-héros numériques sans queue ni tête ou rejouant sans cesse la même partition, je n’attendais vraiment rien de ce énième Batman. La surprise fut d’autant plus grande de découvrir un vrai grand film. Un bel essai visuel d’abord qui, culotté en 2022, égratigne l’esthétique passe-partout numérique actuellement répandue en salopant sciemment l’image. Résultat, chaque plan devient un tableau, sensuel, sombre et insaisissable comme ses personnages jamais nets. Le spleen général et la neurasthénie du personnage principal transforment ce Batman en grand film malade (c’est un compliment), comme le précédent Joker de Todd Philips. Alors malgré des échecs, on ne rêve certainement pas d’un DCU similaire au MCU. De Zack Snyder à Matt Reeves en passant par Todd Philips, surtout, surtout…, que chaque film reste un prototype unique signé par des cinéastes auteurs.

Certains longs métrages se retiennent pour leur énergie et leur brio technique (Athena), d’autres pour leur poésie (Blonde, Vesper) et leur interprétation à fleur de peau (Blonde – qui élève définitivement Ana de Armas au rang des grandes actrices, et Causeway qui rappelle l’immense présence de Jennifer Lawrence même dans un rôle tout en retenue). Le sidérant À l’Ouest, rien de nouveau prouve, lui, que le film de guerre ne s’est arrêté ni à Dunkerque ni en 1917.
En revenant à une proposition plus modeste et introspective, le film de SF anticipation retrouve enfin du sens et de l’humain grâce au surprenant de justesse formelle et thématique Vesper Chronicles. Si Novembre frappe fort en restant un peu trop dans les clous du film d’enquête, le véritable ressenti d’un attentat est indéniablement le poignant Revoir Paris d’Alice Winocour qui laisse sonné et en larmes comme son héroïne. Avec le toxique et contagieux Men, Alex Garland signe un grand film lynchien féministe bien utile à dénoncer le masculinisme toujours en vigueur dans nos sociétés. La musique nous sauvera toujours, alors on défendra becs et ongles contre la critique boudeuse l’élégant Cyrano lalaland avec Peter Dinklage et Haley Bennett. Pépite socio-géo-politique cachée sur Netflix, écho tragique de la sisuation en Ukraine, Les Nageuses de Syrie débarque à point pour rappeler l’horreur de l’exil forcé d’un pays en guerre.

Mentions spéciales :

Parce qu’une seule liste ne suffit pas…

La (bonne) cause des femmes…

Directement ou indirectement, ces films redonnent aux femmes le pouvoir que les hommes ne cessent de lui enlever…

  • She Said
  • Don’t Worry Darling
  • Emily the criminal
  • Spencer

Les Ovni…

Inclassables, évidemment prestigieux vu les auteurs, pas forcément agréables à voir, un tantinet auto complaisants avec leurs mises en scène et leurs dialogues, ils marquent quand même au fer rouge…

  • Nope
  • Bardo, Fausse chronique de quelques vérités
  • Les Banshees d’Inisherin
  • Triangle of Sadness (Sans filtre)

Prisonniers de leur nostalgie…

Des films techniquement brillants mais qui exploitent outrageusement le passé, y compris l’ex futuriste suite d’Avatar mâtinée Disney qui rhabille nombre de scènes clés du premier film. Un exercice de régurgitation qui fonctionne mieux avec Top Gun Maverick parce que distant de 35 ans du premier opus contre les « seulement » 13 ans qui séparent les deux Avatar (vu et revu le vénéré Avatar de 2009 un nombre incalculable de fois). Et quand les trois grands cinéastes, Spielberg, James Gray et Kenneth Branagh racontent leur enfance, leur talent s’exprime toujours mais transforme plus que jamais le spectateur en voyeur en peu gêné devant leur déballage familial personnel…

  • Avatar The Way of Water
  • Top Gun Maverick
  • The Fabelmans
  • Armageddon Time
  • Belfast

La France mordante…

Au-delà de ses gros auteurs attitrés, le cinéma français continue heureusement de nourrir un cinéma social, voire, plus rarement mais ici bien réussi, politique…  Certains de ces films atteignent même une sorte de psycho trance (En Roue libre, Inexorable, Selon la police), mettant à jour une psycho France… 

  • Les Promesses
  • Un Autre monde
  • Le Monde d’hier
  • En Roue libre
  • Selon la police
  • Ouistreham
  • Inexorable

La faute à qui ?

Dans la tendance lourdingue des whodunit transformés en grosses farces théâtrales prétexte à rassembler (et vendre) plein d’acteurs sur une même affiche jusqu’au crash d’Amsterdam (pas encore vu en entier tellement le cabotinage insupporte), je retiens ces deux films plus discrets et pourtant encore mieux ficelés. Ceux-là, on ne les voit vraiment pas venir…

  • The Outfit avec un Mark Rylance plus subtil que jamais
  • Contrecoups, où entourée d’un Jesse Plemons inhabituel et d’un Jason Segel fidèle à lui-même, une Lily Collins désemparée montre mieux son talent d’actrice sur Netflix que dans Emily in Paris.

Les nanars big time

On les a vu, parce qu’on aime le cinéma toutes catégories, mais trop c’est trop (et on oublie les Marvel annuels tout aussi boursoufflés et vides)…

  • The Gray Man
  • Uncharted
  • Ambulance
  • Moonfall
  • Le Samaritain
  • Bullet Train
  • Ticket to Paradise
  • Lost city (Le Secret de la cité perdue)

Les films trop appuyés

Avec une flamboyance visuelle indiscutable, ils en font des tonnes pour dire ce qu’ils ont à dire, voire pour ne rien dire du tout, ou alors en en faisant trop pour en dire peu ou rien de nouveau…

Rendez-vous manqués

On les attendait en particulier, ils sont arrivés, et ils ont laissé froid comme si formes et sujets ne se rejoignaient pas…

  • The Northman
  • Les Olympiades

François Bliss de la Boissière

Best of jeux 2022 : Cyber gods & rings

De Scorn à Kirby, en passant par GT7, le grand écart thématique auquel conduit la passion jeu vidéo est plus énorme que jamais. Bien vécu, le jeu vidéo entraîne une agilité pas seulement de prise en main mais d’intérêts, de curiosité, de capacité d’absorption d’ambiances et d’univers. Surtout que le joueur est acteur de son environnement.

Les big winners au sommet de l’Olympe annuelle du jeu vidéo 2022 sont facilement identifiables. Mais cette année plus que d’autres encore, les qualités de ces productions sont telles que prétendre que l’une est supérieure à l’autre est absurde. 

Puisque l’exercice annuel consiste néanmoins à les empiler, en sachant que j’ai au total pratiqué 57 jeux 2022 sortis en 2022, y compris quelques démos ou jeux essayés, notamment, via le Xbox Game Pass, voilà…

Mes 10 jeux préférés de 2022

Justement, question goût, centre d’intérêts et thématiques avec peut-être du sens, je botte en touche, désolé, tous les vains scénarios d’heroic fantasy (et différentes quêtes d’un anneau) qui brassent du vent entre religion, superstition et satanisme (ah les dragons) et même ceux qui ruminent les mythologies déjà établies. Si un jeu doit m’intéresser à sa fiction au point d’en lire toutes les entrées, je préfère que l’on me présente une proposition de vision futuriste de notre société. À ce titre, bien loin de ses déboires de lancement, Cyberpunk 2077 met en scène une société future crédible et fascinante grâce à ses visuels, bien sûr, et aussi et peut-être surtout grâce à son écriture. Et je félicite en passant une version française des textes absolument remarquable qui ne fait pas regretter l’originale qu’elle soit anglaise ou polonaise.

Car oui il y a beaucoup à lire dans Cyberpunk et le « lore » comme on dit même en français, n’a presque rien de gratuit. Tout y passe, guerre des méga entreprises, augmentation physique et mentale à partir de greffes d’organes, IA… De fond comme de forme, Night City offre une coupe politique et sociale d’une mégalopole future tout à fait concrète et pensée, y compris dans son érotomanie exacerbée. En y regardant de près, Cyberpunk 2077 était en accès anticipé non déclaré depuis sa fausse sortie douteuse fin 2020. La vraie sortie à valeur commerciale date en réalité de la mise à jour next-gen (PS5, Xbox Series X et sans doute aussi PC) de … février 2022. Je le comptabilise donc cette année et il prend naturellement la première place.

De la même manière je pose Scorn et Stray au-dessus du trio de AAA consensuel parce qu’ils osent et surprennent vraiment là où les autres prolongent (de belle manière sans aucun doute) leurs propres recettes déjà établies et éprouvées. Elden Ring a bien évidemment aussi surpris par sa richesse et la capacité de l’équipe des Souls à faire évoluer leur série linéaire vers une formule monde ouvert. Mais Elden Ring reste un jeu à la difficulté punitive, un jeu qui à mes yeux rejette plutôt que d’accueillir. Je dis ça tout en saluant le culot du récit insaisissable quasi muet à l’opposé d’un Horizon : Forbidden West bien trop bavard. Nouvelle preuve que la narration par le décor peut largement suffire dans un jeu vidéo et qu’il n’est pas nécessaire de servir des louches de soupe in game pour y faire croire.

À ce petit jeu du « je ne dis rien » et je laisse le joueur essayer de comprendre où il est et pourquoi il bouge, le volontairement hermétique Scorn a tout compris et tout réussi. La vraie nouveauté d’Elden Ring consiste toutefois à pouvoir aller cette fois pleinement à la rencontre visuelle de cet univers sans se cogner à un seul obstacle infranchissable. J’ai donc voyagé et bataillé totalement fasciné à travers (et souvent sous) L’Entre-terre plusieurs dizaines d’heures grâce à la possibilité d’éviter les plus gros boss. Je n’ai malheureusement pas tout vu ni affronté, mais j’en ai vécu assez pour prendre la mesure d’un jeu tout à fait monstrueux.

On peut aussi reprocher leur difficulté à, par exemple, Scorn et The Callisto Protocol aux combats mal équilibrés ici ou là. Dans les deux cas il me semble qu’elle se justifie et ce n’est pas parce que, moi, je finis par lâcher la manette avant the end du jeu que je les condamne (pas plus que Returnal l’année dernière). L’important est de pouvoir jouer une bonne partie de l’aventure avant d’être bloqué (ce qui dépend de chacun en plus). Scorn devient doucereusement plus rêche dans sa dernière partie pour accentuer la pression et, me semble-t-il, la rudesse exagérée de certains boss de The Callisto Protocol renvoie à ses modèles assumés des années 90 comme les Resident Evil. Dont acte.

Particulièrement réjouis de voir, les deux productions françaises Stray et Sifu rejoindre le top des meilleurs jeux de l’année, auquel j’aurais eu plaisir d’ajouter A Plague Tale : Requiem si seulement l’inclusion d’un mode performance à 60 i/s me permettait d’y jouer sereinement. On peut s’intéresser en priorité à la démarche artistique d’un jeu vidéo tout en gardant une exigence technique. Ainsi s’apprécie l’art interactif.

Autre satisfaction, le retour de Sonic dans une véritable percée conceptuelle. Oui les pop-ups d’affichage du décor renvoient 15 ans en arrière mais pour le reste, fluidité, créativité, trouvailles, level design, ce Sonic Frontiers en monde ouvert devient l’héritier légitime du Sonic Adventure de la Dreamcast que l’on n’attendait plus.

Et aussi…

Rééditions de luxe 

Derrière le haut du panier des productions inédites, il faut depuis quelques années aussi comptabiliser les remakes devenus des productions très haut de gamme. On ne discutera pas ici du bien fondé ou pas de tels remakes, surtout si peu de temps après l’original. Les éditeurs et studios connaissent leur marché et leur économie, et aucun gamer n’est obligé de repasser à la caisse pour un remake s’il ne le souhaite pas. À la suite également, parce qu’il ne faut oublier personne, un petit listing des meilleures extensions et des jeux indés joués et qui m’ont particulièrement épatés. Il y aurait encore tellement à dire…

  • The Last of Us part I
  • Portal Companion Collection sur Switch
  • The Stanley Parable : Ultra Deluxe
  • Uncharted Legacy of Thieves Collection
  • The Witcher 3 Wild Hunt

Extensions

  • Forza Horizon 5 : Hot Wheels
  • Destiny 2 : Witch Queen

INDÉS

  • Tunic
  • Far : Changing Tides
  • Silt
  • Ghost Song
  • Somerville
  • High on Life

Best of séries 2022 : Riches & pervers

Reine, impératrice, millionnaires de la tech ou du rap, oui ils sont riches, célèbres, oisifs et le plus souvent odieux. Les séries ordinaires célèbrent le bling et le glam. Les grandes séries prennent les mêmes VIP par les tripes et les détruisent, gold brick by gold brick. L’année 2022 en séries a aussi et surtout donné naissance à plusieurs magnifiques portraits de femmes.

La fin des confinements à domicile n’a heureusement pas signé la fin du tsunami des bonnes séries. Discerner les passionnantes des quelconques, se jeter dans les inédites et laisser tomber les anciennes interminables fait partie de l’exercice et du plaisir. Choisir, essayer, zapper, trancher et, de temps en temps, rester. Presque pas de saison 2 dans ma sélection 2022 même si, comme toutes les générations, on s’est laissé entraîner dans l’interminable et lourdaude saison 4 de Stranger Things et que Yellowstone s’essouffle et s’auto exploite au moment même où la série atteint la célébrité internationale, dommage. Pas de miracle, derrière les bonnes séries se cache presque toujours un auteur, et non pas juste un showrunner.

Mes 11 séries préférées et indispensables de 2022 (et vues jusqu’au dernier épisode)

  • The White Lotus (S02)
  • 1883 (mini série)
  • Atlanta (S03 & 4)
  • L’Impératrice (S01)
  • The Old Man (S01)
  • Tokyo Vice (S01)
  • The First Lady (mini série)
  • Les Papillons noirs (mini série)
  • The Dropout (mini série)
  • The Serpent Queen (S01)
  • Les Hautes herbes (mini-série)

Champions récidivistes

En récidivant sans faiblir et même en s’améliorant, Mike White, Taylor Sheridan et Donald Glover ont élevé les séries White Lotus, 1883 et Atlanta à un niveau d’écriture sidérant.
Les qualités de la première saison de White Lotus ne laissaient pas imaginer une suite aussi puissante, inédite, iconoclaste et corrosive. Sorte de Tarantino showrunner, son auteur Mike White cumule portraits et monologues mordants avec l’envie d’aller chercher des acteurs méconnus ou trop vite oubliés par Hollywood. Avec en tête, le coup de génie du retour au casting de l’extravagante Jennifer Coolidge.

Déjà spécialiste des femmes à têtes dures dans Yellowstone, Taylor Sheridan profite de la traversée de l’Ouest par des pionniers en 1883 – dont la première génération Dutton qui fondera Yellowstone – pour offrir à la jeune actrice Isabel May une voix intérieure d’une force qui ne s’oubliera pas de sitôt. Brûlants, à la vie à la mort et à l’amour, scénario et dialogues de Sheridan grattent cette fois directement l’os et donc l’âme. Il y a dans cette fuite remarquable à travers l’Ouest sauvage un jusqu’au boutisme à la Dernier des Mohicans de Michael Mann et du Hostiles de Scott Cooper (2017).

Les Dudes

La nonchalance naturelle de Donald – Childish Gambino – Glover et de sa petite troupe d’Atlanta, dont le désormais incontournable Brian Tyree Henry (Causeway, 2022), cache une acuité thématique et formelle inouïe. Unique et concept, chaque épisode vire au haïku. Tout n’est pas dit ni même résolu, et pourtant chaque petit récit, parfois surréaliste, en dit long sur les personnages et le monde en suspension qui les entoure, le nôtre. Sensation de vertige après chaque épisode.

La nonchalance de Jeff – The Dude – Bridges, que l’on croit un bon moment être le Old Man du titre de la série qui le met en vedette, cache lui aussi une narration puissante au style proche de la première saison de True Detective. Quel meilleur pedigree ? Le scénario ne va jamais là où il est attendu, les dialogues ou monologues sont aussi utiles qu’introspectifs, voire meta (le scénariste-dialoguiste commente insidieusement sa propre posture devant le récit incertain). Quand l’action survient parfois dans de brillants longs plans séquences inattendus, tout le rythme bascule sans alerte dans le chaos avant de redevenir un objet d’auto réflexion. Grosse surprise.

Viril et virevoltant, immersif et saisissant, le premier épisode de Tokyo Vice dirigé par Michael Mann en personne rejoint (mieux que ses derniers films) le niveau qualitatif de la filmographie du maitre du cinéma caméra à l’épaule des années 90-2000. Sans sa patte, les épisodes suivants perdent ce brio formel mais l’élan est donné, sujet et acteurs avec Tokyo en toile de fond restent extrêmement prenants.

Portraits de fame

Adieu les impératrices froufrouteuses ciné-télévisuelles des années 50 et 60 (respect à Romy Schneider), depuis le film A Royal Affair de 2012 et le wake-up call post Metoo, les cours royales abritent hommes lubriques pitoyables, et femmes fortes à l’affût du pouvoir et avides d’apprendre. Dans la foulée de la série The Great de 2021 où Elle Fanning en Catherine de Russie domine Nicholas Hoult en idiot royal, The Serpent Queen transforme la géniale Samantha Morton en une Catherine de Médicis impitoyable au centre d’un parterre d’hommes imbéciles imbus d’eux-mêmes. Enfin mis à jour, le ridicule des hommes de pouvoir consterne et réjouit terriblement. Idem dans L’Impératrice où la jeune princesse de Bavière (Sissi de son vrai surnom) apprend peu à peu à s’émanciper du patriarcat royal, à respirer, exister et, peut-être, prendre le pouvoir. Contrairement à la trop passive Marie-Antoinette de Sofia Coppola, cette princesse là devrait s’en sortir la tête haute. On espère en tous cas qu’une deuxième saison le confirmera.

Et, au 20e siècle, les épouses de Présidents sont-elles encore des princesses de procuration ? En portraiturant trois de ces épouses catapultées premières dames à la Maison Blanche, Eleanor Roosevelt, Betty Ford, Michelle Obama (respectivement jouées par Gillian Anderson, Michelle Pfeiffer, Viola Davis, excusez du peu), la prestigieuse mini-série The First Lady nous fait découvrir trois femmes bien plus puissantes et volontaires que les apparences laissent croire, tandis que les conventions et le mobilier de la Maison Blanche les tiennent tel un corset, . Une belle plongée dans les coulisses d’un pouvoir qui ne se partage qu’à l’arraché, même dans l’intimité d’un couple.

Portrait de shame

Retour à la réalité cependant avec la série contemporaine The Dropout qui décrit cette fois l’abus de pouvoir qu’une femme peut aussi exercer. Royauté auto promue de la Silicon Valley, pour de bon condamnée à la prison par la justice en 2022, le portrait implacable de l’escroc millionnaire de la tech Elizabeth Holmes par Amanda Seyfried en devient encore plus glaçant.

France insondable

S’il est plus difficile d’adhérer au style plus télévisuel que cinématographique des séries françaises, il n’est pas interdit de tomber sur des pépites, notamment noires. Le tête-à-tête Duvauchelle / Arestrup des Papillons noirs pèse très lourd. Le sujet bateau rabâché et violent du serial killer prend une tournure littéraire et féministe tout en cultivant une photographie dense et granuleuse particulièrement réussie. Seule lumière dans Les Hautes Herbes qui dissimulent, la quête de vérité d’Emmanuelle Devos révèle, comme il se doit, des secrets que seuls les habitants d’un village savent enterrer. Une France profonde que la série creuse et sonde avec beaucoup d’intelligence.

François Bliss de la Boissière

(relecture et corrections Danybliss)

Illustration de Une : The White Lotus @ HBO

Best of Series 2021 : Drames d’intérieurs

Que dire sur les séries réussies et essentiellement adultes sinon qu’elles font la démonstration que le cinéma ne suffit plus. En tous cas pas, sans le nommer, celui trop numérique qui essaie de remplir les salles. 

Même en osant l’hérésie d’un intouchable remake tout en inversant le propos (Scenes from a Marriage), une saison 2 (The Morning show), un western contemporain faussement réac (Yellowstone enfin en France), des pseudos vacances à la plage (The White Lotus) ou pauses thérapeutiques (Nine Perfect Strangers et le tétanisant En Thérapie français), ces séries là ont plongé dans l’âme humaine avec une force incisive peu commune.

Dialogues, mise en scène, photogénie n’ont absolument rien à envier au meilleur du cinéma. Et quand les sujets et les showrunners font venir les acteurs/actrices du grand écran – avec des statuts de co producteurs, donc pour entendre leur opinion créative – on obtient des objets cinématographiques qui ne se contentent plus de 1h30 ou 2h de projection.

En passant, de Yellowstone en 4 saisons (2 seulement accessibles en France ? Allons !), au récent préquel 1883 (pas encore en France ? Allons !), Taylor Sheridan s’installe aux côtés de Aaron Sorkin comme un des plus importants scénariste/dialoguiste au monde (au style concis et mordant à la James Cameron). Sans compter qu’il met aussi en scène films et nombreux épisodes. Très fort aussi, tout en valorisant le masculin, il développe des personnages féminins hors du commun. Dans Yellowstone, Sheridan offre à l’actrice britannique Kelly Reilly (que le public français avait tant aimé dans L’ Auberge espagnole et Les Poupées russes de Cédric Klapisch) un rôle d’une puissance telle que son talent explose à l’écran d’épisodes en épisodes.

Un petit regret enfin avec la disparition du réalisateur Jean-Marc Vallée cette année. Il laisse derrière lui, avec un style particulier de filmage et de montage, deux formidables séries (Big Little Lies saison 1, et Sharp Objects) ainsi que, moins connu dans sa filmographie, le long métrage Demolition qui, avec beaucoup d’élégance, en dit long sur la mort et le deuil.

Mes 10 séries préférées (et vues jusqu’au bout) de 2021

  • Scenes from a Marriage
  • En thérapie
  • Yellowstone
  • Colin in B&W
  • Cry Wolf
  • The White Lotus
  • Nine Perfect Strangers
  • Mare of Easttown
  • The Morning show 2
  • Dopesick

Mention spéciale

  • The Beatles : Get Back. Signée Peter Jackson, la vertigineuse réhabilitation de l’enregistrement du Get Back des Beatles redonne vie à toute une époque. Et laisse voir de très près le processus créatif des Fab Four. Magique.

François Bliss de la Boissière

Kelly Reilly dans Yellowstone

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Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Best of Jeux 2021 : Les canons du succès

Same player shoot shoot and shoot again, les canons du jeu vidéo sont de retour en 2021. On a beau être farouchement pacifique et anti militariste dans la vraie vie, impossible de ne pas en passer par les armes virtuelles pour goûter au meilleur du jeu vidéo. En 2021 plus que jamais.

D’avantage que d’autres années sans doute, la difficulté d’un tel classement ne consiste pas à repérer les meilleurs jeux de l’année mais à établir un pseudo ordre de préférence. Quand on a l’opportunité volontaire de pratiquer tous les jeux significatifs, les bons et très bons s’imposent d’eux-mêmes. En revanche, au niveau d’achèvement technique et artistique atteint par tous ces titres, au nom de cet exercice annuel de synthèse, s’imposer un classement décroissant vire à l’injustice subjective. Je veux dire par là que les 10 jeux retenus ci-dessous, AAA déclarés et jeux dits indés dont la réalisation s’apparente à un AAA, méritent de s’aligner sur un seul et même podium.

Une sélection à vocation politiquement correct

Mon tri affiché cette année se veut en plus citoyen politiquement correct du jeu vidéo. Sans passer nécessairement par la case pseudo intello du jeu vidéo. En tant qu’expérience sensorielle complète, le jeu vidéo au sens plein et immersif reste encore physique et organique. Utiles et nécessaires à défricher le terrain, les propositions interactives froides et juste malignes, voire auteurisantes, ne suffisent pas à représenter le jeu vidéo qui passionne. Les très jolis JETT et Sable laissent par exemple un peu sur le bas-côté (et je n’ai pas, encore, joué à Psychonauts 2 dont le retour réchauffé « pour les fans » m’inquiète, sans doute à tort). Ce n’est pas tous les ans que Jonathan Blow sort un Braid ou un The Witness qui rejoignent, comme très rarement, les deux qualités, intellectuelles (ou cérébrales) et interactives. Tout cela pour dire que, par raison, instinct et culture croisée du cinéma, je privilégie d’abord les grands spectacles audiovisuels. D’autres chemins sont évidemment possibles du côté universitaire.

Plafonds de verre

Ainsi, pour, sciemment, éviter de mettre en avant les shooters 2021 (sauf l’inédit Returnal qui ne vise que des lumières) qui atteignent pourtant des sommets de jouabilité excentrique et raffinée, je pose donc les tout aussi remarquables Ratchet & Clank et Kena en haut de la liste. Cela évite aussi d’avouer avoir joué bien plus longtemps que raisonnable aux campagnes de tel ou tel classieux shooter. On aimerait aussi ne garder en tête que les titres totalement originaux comme l’éblouissant Returnal – dont je ne verrai jamais le bout, ou Deathloop qui malgré son génie fait beaucoup tourner en rond. Mais quand les suites brisent des plafonds de verre jusqu’à surclasser magistralement la qualité même des épisodes précédents, celles-ci deviennent des entités quasi autonomes, des reboots auto légitimés, de nouveaux repères qualitatifs. On pense bien sûr aux stupéfiants Forza 5, Ratchet & Clank, Resident Evil Village, Metroid Dread et même, encore plus inattendu après le psycho drame de 2020, Halo Infinite. Oui, en 2021, le jeu vidéo a été plus immersif et absorbant que jamais.

Mes 10 jeux vidéo préférés de 2021

1/ Returnal (avis ici)

2/ Forza Horizon 5

3/ Ratchet & Clank : Rift Apart (avis ici)

4/ Kena : Bridge of Spirits (avis ici)

5/ Resident Evil Village (avis ici)

6/ Metroid Dread (avis ici)

7/ Halo Infinite

8/ Deathloop (avis ici)

9/ The Ascent (avis ici)

10/ Marvel’s Guardians of the Galaxy (avis ici)

Indés au top aussi

Quand ils ne jouent pas la carte ouvertement rétro pixel, la frontière qui sépare jeux indés et grosses productions devient de plus en plus ténue. Ambitieux et réussis sur tous les plans, Kena et The Ascent par exemple n’ont absolument pas l’air de jeux indé. Les sept ci-dessous ne représentent qu’une infime partie de la production indé de l’année bien sûr. Mais j’ai bien joué ceux-là et ils m’ont presque autant estomaqué que les précédents listés en AAA. Sorti tardivement en décembre, White Shadows par exemple reprend avec brio le flambeau de INSIDE ou même Oddworld, et propose une vision à son tour bien personnelle du monde à travers un jeu de plateforme et de puzzle classique mais réinventé. Encore en early access, l’imprononçable (essayer en boucle) Arcadegeddon dégage une rétro énergie de l’arcade à Nintendo en passant par le Sega des 90s qui, frappée de rythmes hip-hop, le rend tout à fait moderne et digne de détourner la jeune population de Fortnite.

  • Little Nightmares 2
  • Death’s Door
  • White Shadows
  • It Takes Two
  • The Pedestrian
  • Arcadegeddon
  • The Gunk

Mention spéciale 2021

Sortis en 2021 et totalement réussis comme l’aventure principale, les 2 derniers DLC de Immortals Fenyx Rising (avis ici) ont permis à l’inédit d’Ubisoft Québec de prolonger sa formidable aventure à la Zelda.

François Bliss de la Boissière

White Shadows
White Shadows

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Best of Films 2021 : un air de victoire

Bons et mauvais films, la liste 2021 va être longue car malgré les sorties limitées en salle et la pandémie en cours, les films arrivent jusqu’à nous généreusement par tous les canaux. J’ai donc eu la chance de voir 106 films datés de 2021 (liste ici). En voici une rapide synthèse.

Les reports 2020 enfin sortis en 2021 révèlent des réussites inégales, en tous cas qui ne méritaient pas de tenir en haleine tant de mois. Sans plaisir de bouder, les Black Widow, Matrix Resurrections et autre « dernier » James Bond sont aussi boursouflés d’orgueil, d’auto-citation, et donc de vide, que les blockbusters direct-to-vidéo (c’était le terme auparavant) récupérés ou produits par les plateformes de streaming. On en liste ci-dessous avec carton rouge. Pas encore vu le Spider-Man sous-titré sans doute méta « No Way Home « (pas projeté à domicile donc) mais celui-ci joue autant le recyclage et le fan-service que Matrix Resurrections. Donc méfiance…

Malgré le prestige annoncé, les longs métrages inédits d’Apple TV + plus nombreux que l’année précédente (Palmer, La Mission, Cherry, Finch, Swan Song, le remake Coda) tombent la plupart à plat et à côté de leurs trop bonnes intentions affichées. Les blockbusters à effets spéciaux déclarés chez Amazon Prime Vidéo (The Tomorrow war, Sans aucun remords, Infinite…) ou Netflix ont l’air plus ridicules encore sur nos beaux écrans à domicile, qu’au cinéma si l’occasion leur avait été donné.

Alors si le cocktail effets spéciaux et mega stars ne suffit plus à donner le là du cinéma, il reste heureusement les drames humains et l’écriture. Et même si d’évidence, les séries prennent de plus en plus la vedette sur ce terrain plus dramaturgique et psychologique (ma sélection 2021 bientôt en ligne…), le cinéma d’auteur et de hauteur sait encore exprimer le meilleur. Et, très bonne nouvelle, les films français en particulier renouent avec une intensité pas si fréquemment au rendez-vous.

Mes 16 films préférés de 2021…

  • Annette
  • Suprêmes
  • The Father
  • Mes frères et moi
  • Ammonite
  • The World to come
  • Land
  • Oxygène (Netflix)
  • Malcom & Marie (Netflix)
  • Comment je suis devenu super-héros
  • Cruella
  • Les fantasmes
  • Supernova

Où l’on remarque une majorité de films français. Deux films français semi musicaux, Annette, l’un opéra-rock qui signe le retour au top du top de Leos Carax, l’autre, Suprêmes, rap de rue (forcément), qui s’arrachent enfin au syndrome Jacques Demy. Des films sociaux entre satire et réelle dénonciation (Présidents, La Fracture, France) qui donnent autant à rire qu’à réfléchir, et à compatir. Des intrusions sans concession dans les douleurs des familles avec The Father et Mes Frères et moi. Des films puissants de femmes sur les femmes (Ammonite, The World to Come, Land) qui rappellent que la dignité de la solitude n’est, évidemment pas, l’apanage de l’homme comme, du cow-boy au flic ténébreux, trop de récits l’ont fait croire. Des films quasi expérimentaux culottés sur Netflix avec Oxygène et Malcom & Marie où le spectateur est invité dans la tête de belles (et un beau) actrices en pleine crise introspective. Les meilleurs films de super-héros de l’année, vraiment, avec l’Unbreakable français Comment je suis devenu super-héros et l’explosif fashion victim Cruella. Et des revisitations de l’amour par l’intimité du sexe avec Les Fantasmes et jusqu’au bout de la vie avec Supernova.

Mention spéciale…

  • Dune. Trop de froideur sans doute, grosse impression de redite sur de nombreuses scènes vues dans le Dune de David Lynch. Les récits de messies de Superman à Néo/Matrix sont-ils encore utiles ? Et puis surtout, une moitié d’histoire. On attend la suite pour saisir tout l’ensemble.
  • Le Dernier Duel. Sujet fort et malin d’actualité mais le principe de la répétition des mêmes faits sous trois versions donnent quand même l’impression de radoter. Et, défaut récurrent depuis Kingdom of Heaven, les montages de plus en plus elliptiques, et donc à trous, de Ridley Scott nuisent à la compréhension et à la logique du récit et des personnages.
  • Sans un bruit 2. Pas aussi puissant que le premier arrivé par surprise mais qui confirme le talent de metteur en scène de John Krasinski.
  • Oranges sanguines. Une claque redoutable, un humour noir et sang qui ronge l’os jusqu’à la moelle. Une satire punk et donc destroy qui décape la comédie française.
  • Clair-obscur (Netflix). Un noir et blanc sublime pour un sujet féministe et racial fort.
  • The Lost Daughter (Netflix). Premier long métrage mature et maitrisé de l’actrice Maggie Gyllenhaal avec une Olivia Colman encore stupéfiante d’intériorité et une Dakota Johnson quasi méconnaissable.
  • Pieces of a Woman (Netflix). Encore un très beau film sur les femmes avec une poignée d’actrices hyper intenses dont Vanessa Kirby et Molly Parker.
  • Zack Snyder’s Justice League (VOD). Le (re)montage signé Snyder méritait d’exister ne serait-ce que pour la curiosité et le format plein 4/3 inédit au format numérique
  • Guermantes (salles). Un bel essai entre cinéma, théâtre, Covid-19, impros individuelles et en troupe. Pour moi le meilleur film de Christophe Honoré.

Gros ratage

  • Chaos Walking
  • Godzilla vs Kong

Embarrassant plus qu’autre chose

  • Benedetta
  • OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
  • Matrix Resurrections

François Bliss de la Boissière

Dune
Dune de Denis Villeneuve (2021)

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Billet : Vous n’aurez pas la peau de Jet Set Radio !

Non non et non, il faut dire stop. Mettre les taggers urbains de Jet Set Radio dans le même  sac à censure que les jeux dits gores et violents serait une grave erreur culturelle. Un amalgame qui, s’il s’installe aux Etats-Unis (voir Actu et article du Mercury News), en dit encore long sur l’ignorance, en général, de l’essence même du jeu vidéo. 

La philosophie ferait bien d’intervenir

Sous la double casquette de joueur passionné et de journaliste spécialisé dans les jeux vidéo, c’est toujours avec prudence qu’il faut aborder la polémique de la violence dans les jeux et sa réprobation populaire.
Avec, d’un côté, les défenseurs de l’ordre moral, qui radicalisent leurs discours en affirmant que la violence dans les jeux provoquent des comportements violents dans la réalité, et les joueurs, de l’autre, candides et convaincus que la violence virtuelle est totalement déconnectée du monde réel, il faut bien avouer que chacun a un peu raison et beaucoup tort.

Répétons le une énième fois, l’humanité n’a pas attendu les jeux vidéo pour être violente. S’il se trouve tant de concepteurs à faire des jeux à contenu brutal, et autant de public à l’apprécier, c’est bien que la violence est en chacun de nous. Aucun vecteur extérieur particulier n’est nécessaire pour la faire naître et, puisqu’elle est là, autant apprécier les loisirs immatériels tels la télévision, le cinéma, et les jeux vidéo comme des exutoires psychiques propices à l’évacuation de cette violence innée.

Le débat socioculturel fait rage, les institutions et entreprises privées s’organisent, la polémique fera encore les Unes des journaux, nous ne prendrons pas parti aujourd’hui, cette discussion aurait sans doute plus sa place en philosophie. Mais pourquoi Jet Set Radio risque-t-il de se retrouver dans le tourbillon ?

Pas question de laisser faire !

Circonspect sur la violence, nous ne laisserons pas, en revanche, les ligues de vertu américaines laminer Jet Set Radio sans réagir. Car cette fois, en dénigrant ce formidable jeu japonais, c’est au principe même de liberté de créer et de jouer qu’elles s’attaquent.

Les jeux vidéo ne sont pas là pour recréer un monde modèle et lisse. Tant de puissance technologique au service du virtuel pour recréer le monde déjà visible derrière sa fenêtre serait absurde et vain. Les jeux vidéo sont d’abord là pour témoigner de l’imagination, le virtuel permet de donner corps aux fantasmes, en attendant de leur donner une âme.
Dans une industrie vidéoludique progressivement formatée par les lois du marché, la formidable anarchie créatrice des jeux vidéo est « naturellement » de plus en plus étouffée. Cela fait sans doute partie du processus de maturation, malgré l’hégémonie hollywoodienne, le grand frère cinéma a réussi à s’en accommoder. Respectons donc le rythme de croissance du jeu vidéo dans l’adolescence et, surtout, ne laissons pas des associations systématiquement réactionnaires s’approprier son éducation.

Conserver l’Amérique belle à n’importe quel prix

Si l’inquiétude de l’association Keep America Beautiful citée par le Mercury News (voir Actu) concernant le vandalisme des taggers de rues est légitime (le nettoyage des graffitis aux USA coûtent des millions de dollars !), il ne faudrait pas pour autant qu’elle jette le jeu Jet Set Radio au bûcher. Oui, il est possible de graffiter furtivement les murs de Tokyo dans ce jeu Dreamcast. Oui, les jeunes taggers acrobates bravent les forces de police en glissant sur leurs rollers skates. Et, oui, ce sont des activités répréhensibles dans le réel. C’est justement tout l’intérêt de ce jeu.
Comme nous l’expliquons ci-dessus, les jeux vidéo sont des sortes de rêves de pixels, il donne accès à du merveilleux et permettent de faire des choses impossibles à un être humain dans le monde réel. Au-delà des fameux graffitis, Jet Set Radio est surtout un magnifique exemple de la liberté éprouvée dans un monde virtuel. Les personnages circulent où bon leur semble dans les rues, les skates futuristes leur permettent de jouer les équilibristes sur les rambardes jusqu’aux toîts des immeubles. Un peu à la manière des superhéros, les personnages ont la capacité de traverser une ville en ne respectant pas les moyens de locomotions traditionnels, en s’affranchissant de la pesanteur. La sensation de pouvoir accomplir toutes les prouesses physiques et aériennes d’un acrobate est le point fort de ce soft, avant tout autre objectif proposé par le jeu.

Les graffitis à appliquer sur les murs viennent se greffer tout naturellement sur cette liberté de déplacement. Dans les années 80, une même tentative mettait aux commandes d’un malheureux « Paper Boy » à vélo distribuant les journaux du matin. En 2000, l’air du temps est aux skates et aux tags et Jet Set Radio appartient à son époque.

Jet Set Radio est un des meilleurs exemples du jeu vidéo dans son essence

Jet Set Radio respecte donc totalement le médium jeu vidéo. Il redonne même l’exemple. Extension de la réalité, monde aussi identifiable qu’improbable (les forces de l’ordre pourchassent un seul skater à bord de tanks ou d’hélicoptères !!), ce jeu en particulier exprime toute la liberté de ton et de création que nous sommes en droit d’attendre d’une industrie qui, pour l’instant, se répète. Civile, la version japonaise actuellement disponible prévient dès le premier écran qu’il est interdit de graffiter n’importe où. La TV et les comics américains n’ont pas autant de scrupules pour prévenir son auditoire de ses aberrations.
Est-il concevable de vouloir transformer les jeux vidéo en Disney Land virtuel où rien ne doit choquer ni déranger ? Si le médium jeu vidéo atteint un jour la stature « noble » (comme un Art) dont il a le potentiel, il devra savoir aborder tous les sujets, avoir toutes les audaces, bousculer les idées reçues. Quitte à « déranger » de temps en temps.
Un jeu vidéo n’incitera pas à faire dans la réalité ce qu’il propose dans le virtuel si sa réalisation et ses idées vont bien au-delà du monde réel. Si le jeu rassasie en lui-même, toute tentative dans le réel ferait pâle figure et avorterait aussitôt. Du moins dans l’esprit de toute personne censée.

Le débat du risque de contamination de la violence du virtuel au réel ne sera sans doute jamais clos, ce n’est pas une raison pour y attacher un jeu qui ne respecte pas le « politiquement correct », surtout s’il est fondamentalement pacifique (les seules armes de Jet Set Radio sont le graffitiet l’agilité). Si, grands médias et défenseurs d’un certain ordre moral, vous voulez être entendus chez les joueurs, ne faîtes surtout pas un amalgame qui dénoncerait votre incompréhension de l’essence même du jeu vidéo. C’est justement parce que Jet Set Radio égratigne un petit peu les « lois citoyennes », et qu’il offre une véritable nouvelle expérience physique, qu’il a de la valeur artistique et mérite le respect.

La liberté d’expression et de création doit être préservée dans les jeux vidéo

Vous l’a-t-on dit ? Jet Set Radio n’a pas du tout les allures d’un jeu bâclé et opportuniste surfant sur des tabous pour se faire remarquer. Coloré et animé comme nulle part ailleurs, JSR est d’abord un petit miracle de réalisation artistique. L’éditeur de graffitis inclus dans le soft est à lui seul un logiciel de création, il incite au dessin et à la peinture. Qui veut tuer cet aspect 100% positif d’un jeu ? Vous comprendrez bien que juguler l’ensemble de ce travail pour respecter un ordre moral qui n’a pas sa place dans le virtuel, reviendrait à frapper des artistes japonais en plein cœur. Sans compter l’éventuel coup de frein aux nouvelles idées dont les jeux vidéo ont pourtant bien besoin. 
Conscient de l’originalité de son jeu, Sega of America semble prêt à défendre becs et ongles Jet Grind Radio aux Etats-Unis. Il faut espérer que Sega Europe saura aussi faire face aux grognements qui ne manqueront pas de surgir en France peu après. S’il faut défendre Jet Set Radio, Overgame n’hésitera pas à monter au créneau. Autant de fois qu’il le faudra.

François Bliss de la Boissière

Publié le 25 07 2000 sur Overgame

 


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Best of films 2018 : La France fait de la résistance

À quel point le soulèvement populaire des Gilets jaunes était-il prévisible ? Dans la rue, dans les campagnes, et au cinéma. De très rares hommes politiques l’avaient plus ou moins anticipé, et certains cinéastes aussi si l’on en croit un retour très marqué du cinéma social politique en France. Stéphane Brizé en tête avec Vincent Lindon qui, après La Loi du Marché en 2015 et En Guerre cette année ont littéralement montré sur grand écran tous les symptômes du malaise et de la misère dans les entreprises made in France. Il suffisait d’ouvrir les yeux pour le voir. Dommage que le jury international de Cannes ait plébiscité les films jetant un coup de loupe sur les problèmes ailleurs dans le monde avec notamment BacKkKlansman aux États-Unis, Capharnaüm au Liban et Une Affaire de famille au Japon, tout en oubliant le En Guerre français, qui évoquait une urgence sociale finalement bien plus proche et bien plus brûlante comme le prouve l’actualité dans les rues de France à peine six mois plus tard. Il est vrai que le Festival de Cannes, son tapis rouge entre les palaces et les conférences de presse n’est pas le meilleur endroit pour observer le monde à ses pieds.

Le retour du cinéma français social ?

Grâce à quelques films marquants, souvent réussis même, pertinents à chaque fois, le cinéma français semble enfin plus près du monde du travail que de la petite bourgeoisie où s’enferme désormais le cinéma d’Agnès Jaoui (Place Publique et Les Bonnes Intentions) et Jean-Pierre Bacri (qui cumule aussi Place Publique et Le Sens de la fête). Ces films français à valeur sociale-réaliste (voir la liste non exhaustive ci-dessous) ne sont pas tous dans le haut de ma liste des films préférés de 2018, parce que l’écran de cinéma cherche à filmer (même sur Netflix) un monde plus grand que celui qui se déroule sous nos fenêtres. Néanmoins, les évènements de cette fin d’année tumultueuse m’incitent à mettre sans tergiverser le En Guerre de Brizé en première place. Quand le cinéma fait mouche à ce point, on s’incline.

Le cinéma français si souvent décrié pour son côté tantôt téléfilm, nombriliste, franchouillard ou littéraire (trop ostensible dans L’Homme fidèle de Louis Garrel, si immense et indispensable avec La Douleur d’après Duras), offre tout de même une planche de salut pour le cinéma mondial. Entre la violence gratuite du cinéma nord-américain, la violence sourde ou explicite du cinéma social de presque tout le reste du monde, le cinéma français arrive à osciller entre (grosse) détente, intellectualisme et social-politique. Encore un miracle en 2018.

Mes films préférés de 2018
(ma liste complète films vus ici)

1/ En Guerre

2/ La Forme de l’eau

3/ Three Billboards Outside Ebbing, Missouri

4/ Le Grand bain

5 / Sans un bruit

5/ Hostiles

6/ Roma

7/ First Man

8/ Ready Player One (voir ma chronique)

9/ La Douleur

10/ Sparring

Les productions US féministes ou militantes ?

Sally Hawkins in the film THE SHAPE OF WATER.

Quitter le cinéma français des yeux renvoie assez vite aux États-Unis, inévitablement avec des films qui les uns après les autres fournissent du cinéma plus grand que la vie et pourtant si proche de l’humain. Guillermo del Toro a peut-être pondu un film français à la Jean-Pierre Jeunet avec La Forme de l’eau et alors ? La réussite de la fusion entre son univers de monstres et le rétro fétichisme de Jeunet ne contrariera que les grincheux quand la synthèse est aussi flamboyante, plastique et touchante. Étonnamment, La Forme de l’eau est rejoint par le presque subversif Three Billboards, sans doute aussi Hostiles, et enfin Roma pour former un quatuor de films offrant des rôles centraux à des personnages féminins forts interprétés par des actrices aussi puissantes que leurs rôles. Même s’ils ont été réalisés et produits avant le mouvement Metoo, ils arrivent au bon moment pour démontrer l’évidence du bon sens, oui, les rôles de femmes comptent autant que les hommes. Il paraît que, aux États-Unis (et sur le continent Africain même), le Black Panther de Marvel fait aussi la démonstration que les rôles de femmes, de surcroît noires comme tout le casting et le réalisateur, sert la même cause féminine en plus de celle des afro-américains à Hollywood. On s’en réjouit tout en restant circonspect qu’il faille, pour légitimer sa place à Hollywood, le succès d’un film de super-héros tout de même bien puéril. Un procès d’infantilisation trumpesque qui vaut pour tous les autres films de super-héros (dont je suis client depuis l’enfance, Stan Lee était un de mes mentors putatif). Y compris cette année le boursoufflé Avengers : Infinity War qui, lui, veut nous faire avaler une dramaturgie cosmique 1er degré après que la lumière se soit rallumée dans la salle. Les films de super-héros restent des films de pop-corn, tout à fait honorables, mais chercher à y voir un reflet des problèmes dans le monde est faire insulte à la réalité souffrante.

Les naufrages de classe A ou de série B, et Netflix 

Un mot encore pour évoquer quelques gros ratages pas toujours attendus. Complètement raplapla et factice malgré le « reacting » des vrais soldats, Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood a failli écorner le mythe du réalisateur intouchable. Le bien-aimé Terry Gilliam fait lui aussi naufrage avec L’Homme qui tua Don Quichotte qui aurait dû rester ce mystérieux projet jamais abouti. Mis à part l’incroyable et languissant Roma du si brillant Alfonso Cuaron, la majorité des gros films inédits Netflix (achetés ou produits) qui, nous dit-on, bousculent Hollywood, sont ou ratés ou des navets navrants. S’il faut des noms… Le récent Bird Box de Suzanne Bier au scénario avançant aussi en aveugle que sa protagoniste. Le Mute irregardable du pourtant motivé Duncan Jones. Le Zoé avec un casting haut de gamme Erwan McGregor et Léa Seydoux… The Cloverfield Paradox qui n’a aucun sens ni intérêt. Le Annihilation du culte Alex Garland qui part au ralenti dans tous les sens sans en développer un. Seuls les frères Cohen, heureusement pour tout le monde, s’en sortent avec un inégal mais néanmoins fascinant western à sketchs : La Balade de Buster Scruggs. En salles, du côté politique et social sérieux, le cinéma américain est sauvé par Pentagon Papers de Spielberg, Last Flag Flying de Richard Linklater, et Lean on Pete (la Route sauvage).

Des films français qui ont remis en 2018 la question vie sociale au coeur du cinéma, ou inversement…

/ Comme des rois, sur la débrouille du travail au noir

/ Normandie Nue, sur la paysannerie confrontée à la prétention des villes (chronique caricaturale mais qui prolonge le très sérieux Petit Paysan de 2017)

/ Nos Batailles, sur les conditions de travail dans un grand entrepôt façon Amazon

/ Première année, sur la folie de la première année de médecine et de la pression que subissent les étudiants bien avant d’intégrer le monde du travail

/ Roulez jeunesse avec un Eric Judor, garagiste provincial, confronté à la détresse d’enfants sans parents

/ Amanda, sur l’impact du terrorisme dans la vie de tous les jours à Paris

/ I feel good, sur la vie dans une communauté Emmaüs

/ Les Invisibles (en salle le 9 janvier 2019) où le quotidien d’un centre d’accueil pour femmes SDF

On peut aussi y inclure dans cette coupe transversale de la France de tous les jours…

/ Pupille pour suivre d’une manière presque pédagogique le parcours d’adoption

/ L’Apparition pour voir l’impact social et économique d’un lieu de pèlerinage

Quelques coups de coeur 2018

/ Love, Simon 

/ La Fête des mères

/ Lean on Pete (La Route sauvage)

/ Figlia Mia (Ma fille)

/ Désobéissance

/ Mademoiselle de Joncquières

François Bliss de la Boissière

Roma Netflix Alfonso Cuaron

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Best of Films 2017 : L’horizon dans le rétroviseur

Le radotage du cinéma est passé de mode à tendance lourde en 2017. Lourde dans les deux sens : omnipotente et pénible. Où comment l’industrie du cinéma a transformé la nécessaire mémoire culturelle en tiroir caisse sans fond. Regarder en arrière est devenu un business. L’arrivée des femmes aux commandes sauvera-t-elle le cinéma et les hommes par la même occasion ?

Mes 10 films préférés de 2017 *

  1. Blade Runner 2049
  2. La La Land
  3. Dunkerque
  4. Borg McEnroe
  5. Mother!
  6. Les Gardiennes
  7. Les Figures de l’ombre
  8. Wind River
  9. Le Prix du succès
  10. Crash Test Aglaé

*Liste complète des 101 films sortis en 2017, vus en majorité en salle ou en numérique à domicile, est consultable ici

Témoin muet lové derrière sa douce modestie de surface, le singulier A Ghost Story témoigne et même symbolise l’incapacité de la culture pop du XXIe siècle à lâcher prise de son passé. Si jeune et déjà repliée sur elle-même. Le cinéma, en soi, de par son miracle technologique, a toujours été une histoire de fantômes, de théâtres d’ombres humaines capturées pour toujours par une lanterne magique. La tragicomédie humaine enregistrée et prête à être rejouer indéfiniment. Ce cinéma là avait commencé à témoigner de la vie humaine et de ses fantasmes. Depuis plusieurs années, le cinéma se transforme en miroir de lui-même. Malgré, ou à cause de ses moyens technologiques désormais sans limite, l’industrie piétine et peine à inventer un avenir neuf. Inspiration soufflée par le gouffre des possibles, ou cynisme financier surfant sur l’anxiété du monde, entrainent tous les moyens créatifs et techniques du cinéma à ruminer son propre passé. La Terre tourne apparemment trop vite pour le cinéma lui-même.

Be Kind Rewind (Soyez sympas, rembobinez)

Le culotté Mother! moebius de Darren Aronofsky confirme sur grand écran ce que le succès de la série Stranger Things a mis pour de bon au grand jour sur Netflix. Le cinéma « moderne » est devenu une cassette VHS folle qui se rembobine et se relance toute seule, encore, encore et encore. Personne n’appuie sciemment sur la touche Replay mais l’inconscient collectif si, et tout se rejoue en boucle. Pour le meilleur et le pire.
Quand le cinéma rejoue le titanesque match de tennis entre Björn Borg et John McEnroe, magnifie les tristes traces télévisuelles d’époque, réactualise un fait historique exemplaire et offre à la Suède la statue cinématographique que son héros méritait, on dit bravo. Une histoire édifiante a été inscrite au patrimoine cinématographique de l’humanité. Quand un tout jeune metteur en scène brasse les comédies musicales de l’âge d’or avec les bluettes musicales de Jacques Demy/Michel Legrand pour en faire un La La Land déchirant le coeur de la vocation d’artiste, on s’incline. L’intégrité artistique et la culture ont été valorisées. Quand Christopher Nolan fait vivre le siège de Dunkerque de manière si émotionnelle et donc inoubliable, et quand Xavier Beauvois réhabilite froidement le rôle des femmes des campagnes pendant la guerre de 14-18 dans Les Gardiennes, on dit chapeau et merci pour la mémorable double leçon d’histoire et de cinéma. Mais quoi dire devant les retours mercantiles d’Alien, de Kong, des Jedi et des Blade Runner ? Bon film (devinette il n’y en a qu’un parmi ces remakes/reboots/revisitations/fan service/melancolexploitation) ou pas, ce cinéma là n’a aucune autre raison d’être que financière. Ce n’est pas une nouvelle fraiche, c’est un coming out personnel de l’auteur de ces lignes qui condamne en bonne et dû forme la pratique. Le même auteur passionné de cinéma et de SF place l’hyper maîtrisé et haut de gamme Blade Runner 2049 en tête du podium 2017. Tout en critiquant ici-même l’objet qu’il représente. Il faudrait inventer un sobriquet pour qualifier le cinéma d’exploitation de la nostalgie. Il existe peut-être à Hollywood.

Me too

Et les femmes dans tout ça ? Curieusement, inattendu et non prémédité, c’est au genre féminin que profite ce regard en arrière de l’entertainment. Le scandale Weinstein oblige pour de bon à relire les filmographies, en particulier celles de Miramax et celles d’actrices aux carrières mystérieusement enlisées. L’enjeu est devenu réel et concret après avoir émergé sur pellicule. Il était temps. Depuis plusieurs années quelques films (Zero Dark Thirty par exemple) et surtout des séries exceptionnelles labourent le terrain (de Mad Men à Big Little Lies en passant par The Honorable Woman) et plantent des graines crues mais fertiles tel Masters of Sex et même l’ambigu The Girlfriend Experience. Millimètre par millimètre elles ont ouvert la porte au coming out libérateur des femmes du #MeToo et #Balancetonporc venu d’abord d’Hollywood la Babylone. Et la même année où les prédateurs sexuels masculins sont enfin dénoncés, des films magnifiques ou agaçants, tant pis, redonnent la parole et le pouvoir aux femmes.

Homo homini lupus est

Qui en doutait ? Si on leur donne l’occasion, ou plutôt si elles s’en saisissent, les femmes au pouvoir peuvent devenir des requins comme les autres. Demandez à la vraie Margaret Thatcher ou à la Claire Underwood de fiction de House of Cards. Et alors ? Quand les femmes seront vraiment les égales de l’homme dans toutes les pratiques de la société, il y a aura, comme chez les hommes, des monstres et des wonder women. Parmi les monstres, l’insupportable castratrice Miss Sloane interprétée par Jessica Chastain n’a rien à envier au premier parvenu masculin. L’intraitable Nathalie Baye chef de famille des Gardiennes en arrive à dominer les hommes à peine bons à guerroyer et courtiser. Comme dans Le Grand jeu de Aaron Sorkin avec la même Jessica Chastain, le Numéro Une de Tonie Marshall avec Emmanuelle Devos et dans une moindre mesure la Katharine Graham des Pentagon Papers incarnée par Meryl Streep (sortie en janvier), le cinéma place enfin avec succès les femmes au centre du jeu et parfois même aux commandes. Quitte à reprofiler au plus intime et remettre au centre avec le film Jackie une personnalité dont l’Histoire croit tout savoir.

Battle of the sexes

Parmi les wonder women, cachées derrière une facture cinématographique classique, Les Figures de l’ombre sont une révélation. Le film désamorce toutes les innommables problématiques et omissions de l’histoire américaine et met en lumière des femmes scientifiques qui ont concrètement et intellectuellement participé aux programmes de la conquête spatiale et de la conquête des femmes dans la société. Plus exemplaire et jouissif à regarder est impossible en 2017 au moment ou Elon Musk remet la conquête spatiale au goût du jour. Plus discret et sérieusement drôle, le Crash Test Aglaé français arrive lui aussi à éclairer d’une lumière salvatrice les femmes qui prennent leur destin en main. Car elles ont encore de la route à faire. Cela tombe bien, Crash Test Aglaé est un road movie. À travers un duel de tennis féminin/masculin Billie Jean King vs Bobby Riggs improbable et pourtant bien réel dans les 70s, Battle of the Sexes met ouvertement sur la table l’enjeu d’aujourd’hui comme d’hier, dans la société et dans le cinéma : les femmes ont tout à fait leur chance d’atteindre leur place légitime dans la société quand elles viennent sur le terrain des hommes. Les hommes accrochés à leur pouvoir de vieux singes peuvent s’en inquiéter.

Tout le monde redouble

Si l’industrie du cinéma regarde tant dans son rétroviseur c’est bien sûr parce que la civilisation humaine elle-même ne voit plus son avenir sereinement et se réfugie dans le passé. On se rassure comme l’on peut. Si le cinéma américain précédé par les séries du câble et du streaming, commence à laisser des femmes aux commandes devant et derrière la caméra*, c’est aussi parce qu’avec l’élection d’un Donal Trump notoirement machiste (entre autres qualités d’un autre âge), la société intellectuelle et culturelle américaine devient en partie militante.
Les cinéphiles et cinéphages passionnés se laissent aller à penser que le cinéma est une extension de la vraie vie, qu’il reflète la société. La preuve en VHS inusable cette année plus que les autres encore.

*La France a la chance et la fierté d’avoir de nombreuses femmes réalisatrices en activité. Présidente de Lucasfilm depuis 2012, Kathleen Kennedy contrôle d’une main de fer le destin des Jedi.

Coups de coeur

Des coups de coeur pour des films de série B super léchés, pas vraiment justifiables côté scénario mais dont la force de conviction, l’amour du cadre, l’envie d’en découdre avec des mythes de la pop culture tout en lui rendant hommage en font des moments goûteux de pur cinéma. Le Star Wars : The Last Jedi a les mêmes intentions et aurait sa place s’il n’était pas aussi foutraque et prétentieux simultanément.

  • Kong : Skull Island
  • Life : Origine Inconnue
  • Logan
  • Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2
  • Wonder Woman

et aussi…

  • A Ghost Story
  • Battle of the sexes
  • Good Time
  • Okja

Des films insupportables malgré eux et indéfendables…

  • Gold
  • Carbone
  • Atomic Blonde
  • Bright
  • La Momie
  • Split
  • The Lost City of Z
  • Les Fantômes d’Ismaël
  • Le Fidèle

François Bliss de la Boissière

Borg/McEnroe © Pretty Pictures


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BEST OF JEUX 2016 : Voyages intérieurs

De la VR aux meilleurs jeux d’auteur, l’année 2016 peut se regarder comme un véritable trip intérieur. Au sens sensoriel cérébral et existentiel. Des voyages intérieurs physiques avec les casques de réalité virtuelle qui isolent du réel pour entrainer presque concrètement (le cerveau le croit) vers les mondes imaginaires et donc intériorisés. Et des parcours existentiels solitaires – et donc des trips introspectifs – avec les 3 jeux chefs d’oeuvre qui à mes yeux font l’année 2016 et qu’on installe au top du podium annuel sans les hiérarchiser

Ex aequo…
1 – INSIDE / The Witness / The Last Guardian
(Playdead/ Thekla Inc/ SIE & genDESIGN)
Une quête commune de découverte de soi et du monde dans lequel tout un chacun est enfermé, fut-il sombre, coloré ou immémorial. Trois oeuvres signées en toute liberté artistique par trois créateurs hors du commun : Art Jensen, Jonathan Blow et Fumito Ueda.

2 – Dishonored 2 (Arkane Studios)
Avouons avoir craint sur cette suite l’absence de l’illustrateur Viktor Antonov dont la patte graphique picturale avait tant marqué l’univers de Dishonored. Stupéfait devant un Dishonored 2 visuellement plus brillant encore que son prédécesseur, rendons aux césars, en l’occurence le directeur artistique Sébastien Mitton, le directeur Harvey Smith et tout Arkane Studios, ce qui leur appartient. Oui Dishonored 2 est un monstre visuel et de gameplay. L’architecture de la ville et le level design atteignent là un niveau d’esthétique et de cohérence inégalé.

3 – Titanfall 2 (Respawn Entertainment)
On croyait au projet dès le premier Titanfall et ce, même en l’absence inacceptable de campagne solo, parce qu’il faut toujours suivre la piste de ceux qui font et inventent plutôt que le nom d’une production qui passe de mains en mains (Call of Duty en ligne de mire). Et on aura donc eu raison de parier sur la maturité du talent du tandem Vince Zampella et Jason West qui donne avec Titanfall 2 une leçon de game et de level design à tous les FPS. On n’avait pas goûté une telle intégration depuis sans doute la série Half-Life, avec une campagne solo entre parkour en vue subjective, jeu de robots japonais et jeu de tir qui font un plaisir fou dans les mains et la tête.

4 – Dragon Quest Builders (Square Enix)
Le jeu made in Square Enix qui réveille par surprise la scène quasi moribonde du jeu vidéo japonais (pour se fâcher avec cette notion et l’auteur c’est par là). Rien d’original ici et même un projet commercial opportuniste très suspect à vouloir mélanger Minecraft avec la série Dragon Quest. Le résultat, si vous avez au moins essayé la démo gratuite, s’impose aussitôt. Une réalisation hyper soignée, un mélange en effet de Minecraft et de Dragon Quest, mais aussi, et peut-être surtout, une sensation d’avoir entre les mains un mini Zelda. Le truc ni fait ni à faire mais si bien conçu qu’on ne peut que craquer.

5 – Rise of The Tomb Raider : 20e anniversaire  (Crystal Dynamics)
Dès la fin 2015 sur Xbox One, la nouvelle Lara Croft semblait en mesure de battre Nathan Drake sur son propre terrain. Avec la version PS4 enfin jouable par tous, et en particulier en mode PS4 Pro 4K, je continue de penser que ce Tomb Raider fait mieux que le pourtant brillant Uncharted 4. Du moins question gameplay et level design. Ce Tomb Raider jette dans le mix action/aventure des doses d’open world qui laissent le joueur bien plus libre que dans les grands couloirs d’Uncharted 4.

6 – Uncharted 4 (Naughty Dog)
Clairement l’aboutissement technique de la vision de la série entre cinéma et jeu vidéo. Il n’y a guère que Naughty Dog capable de réussir cet exploit tenté par d’autres. Les scènes cinématiques sont assez bien jouées et écrites pour être regardées sans regret comme un spectacle passif, et les scènes d’action complètement dingues ne cessent de surprendre. Et puis Naughty Dog arrive à arracher à la PS4 des prouesses d’affichage inédites.

7 – Doom (id Software)
Une pure folie cinétique qui transforme ce bon vieux Doom en un FPS d’une grande modernité. Un level design extrêmement soigné avec des espaces intriqués et un touché de génie. Un jeu totalement rock.

8 – The Division (Ubisoft Massive)
Un gros choc esthétique que ce New York effondré sous la neige et les détritus visité presque tranquillement arme au point. Jusqu’à ce qu’on se cogne à la difficulté violente de la Darkzone, The Division est sans doute le meilleur héritier, en version urbaine, du concept de shooter partagé lancé par Destiny. Et puis, quel touché à la manette !

Dedans soi

Il est tout à fait étonnant que des jeux aussi singuliers et longs à accoucher que INSIDE (5 ans), The Witness (8 ans) et The Last Guardian (9 ans) sortent la même année. Une coïncidence improbable, surtout si l’on y ajoute l’avènement de la réalité virtuelle. La démonstration est ainsi faite, que même au-delà des drames planétaires, écologiques, politiques et du quota inhabituel de disparitions de célébrités du show-business, l’année 2016 aura été une année spéciale. Les astronomes nous expliqueront peut-être un jour ce qui dans les étoiles aura été si puissant pour impacter ainsi la fourmilière terrienne (on n’attendra pas un énième patch de No Man’s Sky pour la réponse). En attendant, mystère. Et du petit côté de la lorgnette industrielle du jeu vidéo, faut-il inclure dans ce bouleversement mondial, la naissance inédite de consoles next gen 2.5 avec la Xbox One S et la PS4 Pro qui va changer le tempo technologique attendu du monde console ? Le dépôt des armes de Nintendo aux pieds du marché mobile et en particulier d’Apple (je crois que mon appel fin 2015 au rassemblement complet des 2 entreprises est en bonne voie) ?

Aux antipodes interactifs et également raffinés, INSIDE et The Witness partagent une maîtrise technique et artistique totale du médium jeu vidéo. The Last Guardian accuse quelques hoquets ergonomiques mais l’objectif de son auteur Fumito Ueda de faire naître une relation empathique crédible entre un animal et un petit garçon est totalement atteint. Au point que l’on peut se demander si les trébuchements du petit garçon et les résistances agaçantes de Trico ne participent pas en réalité à créer ce triumvirat organique unique entre les 2 êtres virtuels et le joueur. Malgré tout le soin des animations, le petit garçon sans visage de INSIDE a lui aussi des hésitations. Là également ces pseudos imperfections provoquent sciemment chez le joueur un surcroit d’attachement et de responsabilité. Dans The Last Guardian et INSIDE la relation avec les créatures virtuelles devient symbiotique. Il ne s’agit plus de franchir des obstacles comme dans Uncharted ou Tomb Raider, mais de créer du lien, du relationnel, de l’affectif. Autant dire qu’il s’agit là d’un des Graal, de l’animation tout court (des Pixar aux Avatars précalculés de James Cameron), et du jeu vidéo qui, lui, vit l’action, et donc l’émotion, en temps réel.

Nous sommes évidemment ici à l’autre extrémité du spectre du jeu vidéo. À l’opposé de celui des personnages et avatars aux vertus d’abord statistiques, des affrontements multijoueur, de l’eSport désormais officialisé en France, et du succès emblématique cette année des orgies cartoons d’Overwatch. Ces nouveaux jeux du cirque sont totalement légitimes, on ne les conteste pas. Mais si vous êtes encore en train de lire ces lignes, vous saurez où le coeur et le cerveau de ce blog penchent. Les arènes de combats existent depuis l’antiquité au moins et ne surprennent pas plus en chair et en os qu’en pixels et polygones. En revanche,  faire naitre une relation complexe et presque humaine avec une créature virtuelle est inédit et donc un objectif de création fascinant. Et tant pis si personne ne sait vraiment aujourd’hui à quel vertige entre l’homme et la machine cela va conduire (sauf James – toujours lui – Cameron bien sûr). Et quand on tend vraiment l’oreille, même les aventures extérieures de Uncharted 4 et Rise of The Tomb Raider de 2016 entrainent leurs personnages principaux vers des interrogations existentielles intérieures. Qui suis-je dans l’univers ? Quel est mon rôle ? La fille et seulement la fille de mon père dont je suis les traces pour Lara Croft ? Suis-je un aventurier ? Un bon frère ? Un mauvais mari pour Nathan Drake ? Quand le jeu vidéo est à la hauteur comme il le fut plusieurs fois en 2016, à l’éternelle interrogation du que suis-je ou qui-suis-je propre à l’homme, le médium interactif répond comme les autres arts auparavant, avec la même et entière légitimité : je suis la question.

Les grands n’importe quoi…

On aurait tellement voulu les aimer sans condition…

Final Fantasy XV
Évidemment qu’une population de joueurs acharnés attachés à la culture japonaise, notamment en France, y trouvera son compte. Mais là où les 9 ans de The Last Guardian ont permis à son auteur d’aller au bout d’une vision unique simple mais extrêmement périlleuse à concrétiser, les 10 ans de rafistolage du projet Final Fantasy n’aboutissent qu’à un immense collage de gameplays et de styles de jeu sans queue ni tête. L’humour et la pseudo parodie ne compensent pas l’absence de direction artistique et interactive. On doit déjà savoir ce que je pense de l’ex scène du jeu vidéo japonais dont voilà un des derniers tristes exemples, je n’insisterai pas.

Mirror’s Edge Catalyst
La réussite du premier jeu expérimental (quasiment devenu culte) était donc un accident. Cette suite n’est qu’un foutoir glacé dont le gameplay rigide et les visuels sans âme arrivent trop tard dans la chronologie du jeu vidéo.

StarFox Zero
Nintendo achève là lui-même (enfin en déportant le crash sur Platinum games) le concept de jeu asymétrique. Le regard perdu entre deux écrans (celui de la télé et/ou du Gamepad) le joueur ne sait plus où donner de la tête pour piloter son engin. Sans compter une réalisation datée.

Quantum Break
Le jeu fait très propre dans les yeux et les mains mais, non, le collage série TV et jeu vidéo ne fonctionne que sur le papier et, dans le cas de Quantum Break, dans la tête des gens du marketing de la première Xbox TV-TV-TV One.

No Man’s Sky
Inutile de tirer sur l’ambulance cosmique. Seul un dieu est capable de concevoir un univers en quelques jours. Tout le monde sait ça sauf les humains de Hello Games apparemment. Il fut agréable d’y croire.

Battlefield 1
D’accord la licence artistique a tous les droits. Mais de là à mettre en vedette et couverture d’une simulation de la Première Guerre Mondiale qui a décimé les populations d’Europe un bataillon de soldats afroaméricains quand même minoritaire tout en zappant les armées françaises (sauf dans un DLC tardif et payant) et russes sous prétexte de « fun » est un peu léger et irresponsable. Les développeurs de jeu feraient bien de se responsabiliser un peu plus, leur audience peut être constituée de jeunes joueurs internationaux prenant pour argent content l’Histoire présentée dans leurs jeux vidéo. Une re visitation que l’on avait également dénoncée dans l’Assassin’s Creed Unity dédié à la Révolution Française.

Les jeux de courses automobiles en VR
Rien à faire, malgré les efforts sincères des développeurs pour s’adapter (Driveclub, Project Cars…) le mal au coeur est permanent, et la réduction de la qualité visuelle pour s’aligner avec la résolution des casques est une insulte au niveau qualitatif spectaculaire initial.

Coups de coeur

  • Pokémon Go
  • Zelda Twilight Princess HD
  • Dirt Rally
  • Forza Horizon 3
  • Paper Mario Color Splash
  • Far Cry Primal
  • Hyper Light Drifter
  • Gravity Rush Remastered

François Bliss de la Boissière


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BEST OF FILMS 2016 : Seigneurs des plaines et du cosmos

Fin 2015, je saluais le nouvel âge d’or de la SF si cher à la génération des débuts de la conquête de l’espace et à la génération geek. Et bien que la tendance continue grâce au numérique, ce sont assez curieusement les films avec l’humanité au centre qui ont repris la main en 2016. Des films d’anticipation SF comme Arrival et Passengers se concentrent ainsi d’abord sur l’humain plutôt que les effets spéciaux. Doit-on attendre pour autant une accalmie dans le tsunami des trucages numériques et des super-héros casse-briques ? Sans doute pas. Mais en 2016, au moment même où le monde perd de nombreuses personnalités qui ont façonné la culture populaire et même parfois le paysage politique (on pense à Mohamed Ali notamment), il faudra apprécier cette capacité du cinéma à venir compenser, voire combler, les repères perdus. Ainsi le portrait aussi ambivalent que flatteur de Steve Jobs capable d’offrir au monde à la fois une représentation tangible du secret patron d’Apple et un exercice de cinéma d’autant plus éblouissant qu’il est exclusivement constitué de dialogues et même de monologues. Et donc aux antipodes des films d’action numérique agités.

Mes 10 films de 2016 *

 

  1. Steve Jobs (Danny Boyle / Aaron Sorkin)
  2. Captain Fantastic (Matt Ross)
  3. Arrival (Denis Villeneuve)
  4. Hell or High Water (Comancheria) (David Mackenzie)
  5. Carol (Todd Haynes) / Danish Girl (Tom Hooper)
  6. The Revenant (Alexandro G. Inarritu)
  7. Sing Street (John Carney)
  8. Busanhaeng (Dernier Train pour Busan) (Sang-ho Yeon)
  9. Juste la fin du monde (Xavier Dolan)
  10. La Danseuse (Stéphanie Di Giusto)

*Liste complète des 126 films 2016 vus en salle ou en numérique à domicile consultable ici

Tous égaux devant l’humanité

Pour une fois, en ce qui me concerne, la hiérarchie de ce « top » films 2016 ne s’impose pas du tout comme les années précédentes (l’indiscutable Mad Max : Fury Road en 2015 par exemple). Tous les films de cette liste sont exceptionnels dans leur fond et leur forme et les différencier est essentiellement une histoire de goût.

Malgré la présence de plus en plus grande de films d’anticipation et de SF sur grand écran, ce sont des histoires d’hommes et de femmes (ou entre les deux : troublants et nécessaires Carol et Danish Girl) qui marquent vraiment le cinéma de l’année 2016. La multiplication des films importants remettant au coeur de leur thème le facteur humain montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une lecture personnelle de l’année cinéma 2016. Il y en a même assez pour que mes « coups de coeur » (ci-dessous) retiennent aussi un bon nombre de portraits d’hommes et de femmes uniques devant l’adversité.

Les sobres journalistes de Spotlight qui refont croire à l’utilité de ce beau métier. La résilience inattendue du personnage de Blake Lively seule face à un requin dans The Shallows comme celui de Leonardo Di Caprio dans le tourneboulant The Revenant. Le voyage intérieur du deuil de Jake Gyllenhaal dans Demolition. Le scepticisme salutaire d’un seul homme face à l’endoctrinement communautaire dans l’inattendu The Invitation. L’obstination amoureuse de Samir Guesmi dans le si délicat L’Effet aquatique… Tous ces films renouent avec l’humain qui est en nous et le besoin vital de sortir de soi-même. Et ce sans passer par la case improbable de super héros littéral. C’est évidemment le cas des 10 premiers films de cette liste.

Danny Boyle et Aaron Sorkin transforment le portrait de Steve Jobs en un exercice de synthèse vertigineux et trouble. Viggo Mortensen et l’acteur réalisateur Matt Ross, qu’on n’a pas vu venir à ce niveau d’intelligence, inventent avec Captain Fantastic un héros des temps modernes, un résistant idéal qui dénonce le monde d’aujourd’hui sans tomber pour autant dans le fatalisme et le repli sur soi.. Le temps d’un long métrage, les deux frères de Hell or High Water passent de l’état de losers à héros magnifiques (pas près d’oublier ces Lords of the plains). Arrival, bien sûr, parle d’abord d’une mère – ambassadrice emphatique pour nous les hommes – seule apte à communiquer avec les seigneurs du cosmos. On peut y voir un parallèle avec la mère prisonnière de Room qui cherche elle aussi à comprendre et digérer le langage de l’homme – alien à la condition humaine – qui la séquestre avec son enfant.

Le cinéma de 2016, celui qu’on regarde avec attention, serait donc revenu aux fondamentaux, à savoir le coeur (ou l’âme) des hommes et des femmes. À travers la fiction (la famille en résistance alternative de Captain Fantastic, le couple dans le vide métaphysique de Passengers…) ou le réel avec le biopic Steve Jobs (auquel on pourrait rajouter celui de The Founder de fastfood McDonald); les bouleversants enfants musiciens de Sing Street, La danseuse obstinée de l’ombre à la lumière et la famille décalée de Juste la fin du monde.
Si l’on ajoute au wake up call global du cinéma de 2016 le Dernier Train pour Busan, où le personnage de trader absent à lui-même et aux autres doit être submergé par une foule de zombies pour se réveiller, on voit bien que le cinéma mondial aspire, comme la population de tous les pays, à une secousse générale. Pas besoin de filmer des bagarres numériques ou une révolution sanglante pour faire passer le message.

Quelques navets qui n’auraient pas dû en être à ce point et donc sans excuses…

  • 13 Hours
  • Allied
  • Ben-Hur
  • L’outsider
  • Tarzan
  • The Nice Guys

Beaucoup de coups de coeur, et donc à voir sans hésiter (dans le désordre)…

  • Demolition
  • Passengers
  • Manchester by the Sea
  • Room
  • Elvis & Nixon
  • Spotlight
  • Victoria
  • Les Chevaliers blancs
  • The Invitation
  • L’effet aquatique
  • Equals
  • The Shallows (Instinct de survie)
  • Blood Father
  • Nerve
  • 10 Cloverfield Lane
  • Sully
  • Le fondateur

François Bliss de la Boissière


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RIP le jeu vidéo japonais : fin de la parenthèse enchantée

Devinette pamphlétaire : Pourquoi Bloodborne, Metal Gear Solid V, Xenoblade Chronicles X, Splatoon et Mario Maker n’apparaissent pas dans mon best of jeux 2015 ? Interrogation légitime et réponse directe sulfureuse malgré elle : parce que j’assume ouvertement en tant que joueur, puis en tant que critique, ne plus me reconnaître dans le toucher perclus de rhumatismes et d’arthrose de la majorité des productions japonaises.
Mieux, je le conteste et le dénonce aussi bien en tant qu’oeuvre (ou ce qu’il en subsiste) qu’en tant qu’objet de consommation hors de prix. Y compris ce qu’il reste des plus haut de gamme. C’était déjà vrai les années précédentes, c’est devenu une certitude maintenant que la dernière grosse production made in Konami malgré elle, est sortie. Et, même si on nous dit que, en chiffres, tout va bien chez Mario,  Nintendo a perdu son mojo.

Fin du jeu punitif et masochiste à la japonaise

Bien sûr MGSV est une réalisation soignée nettement plus accessible que les précédents MGS… pour un jeu japonais. Car, comparé à des équivalents occidentaux, la prise en main et les situations de jeu continuent de se réduire à des exercices de constriction et de masochisme plutôt que de générosité et d’élan vers l’avant. Pour une raison ou une autre, volontaire ou pas (technique, UI, gameplay…), il faut à chaque fois lutter CONTRE les jeux japonais pour y jouer. Aucun des bugs pourtant grossiers de Just Cause 3 ne heurtent autant le joueur et le plaisir de jeu que les hoquets techniques permanents et dilués dans le gameplay de Xenoblade Chronicles X ou la difficulté castratrice de Bloodborne. Les puristes indécrottables du jeu vidéo made in Japan s’accrochent et revendiquent des difficultés à leur mesure sans faire le distingo entre jeu d’adresse voulu par les auteurs, programmations mal fichues et culture de l’auto flagellation qui souvent s’additionnent. Grand bien leur fasse. En réalité, ni le marché planétaire ni les gamers dernières générations encore silencieux ne soutiennent cette culture dépassée du passé arcade.

Shadows of the colossus

Dans un jeu moderne, actuel donc, les développeurs ont la responsabilité auprès du public/consommateur de proposer un dosage de difficulté modulable et non d’imposer un mur infranchissable ou exigeant des efforts excessifs. Je considère cela comme une politesse minimum due au client. L’interface technique doit être au service du joueur et non faire plier celui-ci à ses exigences mal formulées ou mal programmées (oui, l’américain Fallout 4 en est aussi coupable en 2015). Nintendo en personne a fini par le comprendre en introduisant le Super Guide dans ses Mario en 2D. Les bacs d’occasions se remplissent trop vite de ces jeux survendus par une pseudo élite du jeu vidéo érigée en porte-parole collectif. Erreur incestueuse d’un milieu qui s’accroche à ce qu’il connaît, ou croit devoir reconnaître comme un passe indispensable, et fige le présent dans l’ombre des statues du passé. Si on comprend et partage l’amour et le respect du jeu vidéo japonais qui a donné sa seconde chance à une industrie mort née au début des années 80 (on l’a accompagné et même participé à sa reconnaissance transculturelle au tournant des années 90-2000 et jusqu’à il y a peu encore) il faut aussi admettre l’évidence même quand elle embarrasse. Même quand elle gagne peu à peu aussi l’intouchable Nintendo. Même s’il y aura encore de beaux restes. Même si Atsushi Morita, le président de Sony Computer Japon espère réveiller la scène japonaise à l’international. Ce que plusieurs créateurs japonais ont eux-même prédit et annoncé ces dernières années doit désormais être acté : le jeu vidéo japonais, en particulier sur console de salon, est mort*.

Nintendo rejoue Sega ?

Quand de mon petit coin du web j’appelle Nintendo à s’allier à Apple avant qu’il ne soit pour de bon trop tard, c’est un appel au secours raisonnable : il faut sauver le petit soldat Nintendo ! Il faut que Nintendo se sauve lui-même de lui-même. Splatoon et Super Mario Maker sont absolument adorables et ne souffrent pas des grincements mécaniques d’autres productions japonaises (encore que, sur Wii U, les limites se ressentent vite). Mais d’un point de vue créatif, Nintendo tourne en rond et se délite jeu après jeu. Dans aucun conte de fées il n’est acceptable que le bonheur se rémunère en argent comme l’a osé honteusement Tomodachi Life en 2014, entérinant malgré lui l’innocence perdue de Nintendo. Le storytelling Nintendo nous raconte que Splatoon a été conçu en interne par une nouvelle génération de développeurs. Sauf qu’on jurerait que Splatoon a été conçu par le Sega des années 2000. Les jeunes créateurs japonais chez Nintendo n’auraient donc pas d’autre porte de sortie créative que de singer le style de l’ex grand concurrent ?

Nintendo botte en touche

Que reprocher à Mario Maker à part arriver après (x3) LittleBigPlanet aux même fonctions « make it yourself » ? De déléguer aux joueurs la pseudo réalisation d’un nouveau Mario au lieu d’en concevoir un lui-même. Oui cela sonne comme de la mauvaise foi. Pas tout à fait. Offrir au peuple un piano à chacun ressemble en effet à un geste de générosité démocratique. Quel meilleur moyen pour déclencher des vocations, trouver le prochain Chopin ou, pour rester dans notre domaine, le prochain Miyamoto ou Yugi Naka ? Sauf que Nintendo n’est pas fabricant de pianos. Nintendo est le compositeur de génie dont on attend la prochaine mélodie, la prochaine symphonie. La critique en place a beaucoup raillé Wii Music qui allait déjà chercher la créativité du joueur au lieu d’offrir un jeu au sens traditionnel. J’avais salué l’insaisissable Wii Music, je grinche à ce Mario Maker industriel qui autorise Nintendo à botter en touche et à nous balader dans des « stages » de bric et de broc en attendant la NX et, on l’espère encore, un vrai et innovant Mario… Si possible à jouer, pas à faire soi-même maladroitement en kit. Mais, ok, that’s me.

Mettre pavillon bas

Voilà trop d’années maintenant que l’on se sent obligé d’expliquer régulièrement que le jeu vidéo japonais n’est plus que le souvenir de lui-même. Avec cette impression très désagréable de bégayer les mêmes faits et arguments (principe de base épuisant du journalisme), d’avoir à justifier, et donc de radoter. Sans doute parce que, même si les chiffres de ventes confirment * déjà (hors l’insulaire Japon et son boum sur mobiles s’entend) depuis longtemps le déclin populaire des productions japonaises (voir par exemple le dernier relevé des ventes dématérialisées), la culture manga-anime japonaise est si forte en France qu’elle continue d’irriguer les influenceurs et intellectuels du jeu vidéo incapables de remettre en question cette tranche de leur culture. Elle appartient pourtant désormais au passé et au rétrogaming. Après l’ultime effondrement de Konami et Kojima cette année, à quoi s’ajoute un Nintendo en perte ou en quête d’identité – on ne sait plus, je vais pour ma part considérer le dossier jeu vidéo japonais clos. Quelle que soit l’autorité que l’on me prête, ou pas, sur la culture du jeu vidéo, il ne m’appartient évidemment pas à moi seul de tirer le rideau sur tout un pan de la culture qui continuera d’exister dans nos coeurs, nos mémoires et nos musées. Mais puisque je prends la parole régulièrement, et parfois encore professionnellement, je m’engage à ne plus rappeler l’évidence en brandissant le même drapeau rouge d’alerte au soleil levant devenu couchant. Pour ne plus braquer ou blesser le lecteur désormais averti, et ne plus se trouver dans la posture du ruminant.

Âge d’or et dernières salutations

On essaiera avec curiosité, respect, et même amusement, les prochaines productions japonaises et en particulier les StarFox Zero, Dark Souls III, Final Fantasy XV, Street Fighter V et l’incongru remake Final Fantasy VII prévus en 2016. Mais sans en attendre rien de plus que précédemment. Et pour les « critiquer » on n’invoquera plus toute l’histoire du jeu vidéo pour tenter de ménager l’affection désormais hors sujet de la culture passéiste du jeu vidéo japonais. Pour tout dire, l’espoir (à dissocier du désir) qu’il nous reste encore vis-à-vis de The Last Guardian repose essentiellement sur le fait qu’un certain Mark Cerny et ses équipes sont venus à la rescousse (technique) de la Team Ico et Fumito Ueda. Et, oui, même si on a été échaudé par les limites techniques de Twilight Princess et Skyward Sword, on croit encore au prochain Zelda Wii U ou, surtout, NX.
Il faut sans doute encore un peu de recul pour refermer sans douleur la blessure. Mais peut-être qu’après l’avoir précisément datée, les historiens qualifieront la parenthèse enchantée pendant laquelle le Japon était maître du jeu comme le 2e Âge d’Or du jeu vidéo après celui des origines. L’histoire du jeu vidéo d’aujourd’hui et de demain s’écrit en Amérique du Nord et en Europe. Deal with it.

François Bliss de la Boissière

* Et sans doute aussi au Japon si l’on en croit le suivi méticuleux des chiffres de vente de Oscar Lemaire 

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BEST OF FILMS 2015 : Rétrofuturs (la tête dans les étoiles)

Quelle période faste pour les amateurs de SF ! Ce qui était hier le plaisir des ados, geeks et autres nerds, est devenu le genre le plus attractif des salles de cinéma. Star Wars rattrape ainsi le record de Avatar au box office mondial et confirme l’aspiration populaire à décoller vers le futur et l’imaginaire. Beaucoup se plaignent de l’omniprésence des effets spéciaux numériques, et « beaucoup » a raison quand ils prennent la vedette sur les acteurs et l’humain. En réalité, puisque tout semble désormais possible à l’écran, le cinéma est vraiment en train d’atteindre la magie totale qu’on lui accordait un peu prématurément au siècle dernier. Et inévitablement, le cinéma redevient ce phénomène de foire délirant de ses débuts avec des orgies de trucages, cette fois numériques, plus ou moins spectaculaires ou de bon goût. Je crois que Méliès serait ravi de nos jours et s’amuserait comme un fou.

Mes 10 films de 2015 *

 

  1. Mad Max: Fury Road (George Miller)

  2. Ex Machina (Alex Garland)

  3. The Martian (Ridley Scott)

  4. Birdman (Alejandro Gonzalez Inarritu)

  5. Bridge of Spies (Steven Spielberg)

  6. La Belle Saison (Catherine Corsini)

  7. Maryland (Alice Winocour)

  8. Mon Roi (Maïwenn) / La Tête Haute (Isabelle Bercot)

  9. Dheepan (Jacques Audiard)

  10. Star Wars : The Force Awakens (J.J. Abrams) / Jurassic World (Colin Trevorrow)

Réalisateurs, vieux de la vieille et up & down

Si la carrière de J.J. Abrams est désormais totalement en orbite intergalactique (qui en doutait ?), le cinéma a perdu hélas en 2015 deux cinéastes majeurs des 90-2000. Michael Mann et P. T. Anderson ne sont évidemment pas morts, mais leurs derniers films ne sont plus que la caricature de leur cinéma. Six ans après le déjà discutable Public Ennemies, la présentation vieillotte des menaces cyber de Hacker dans un emballage superficiel de thriller file un terrible coup de vieux au cinéma de Michael Mann. Si l’on accordait le bénéfice du doute aux bizarreries indigestes mais si bien filmées en 70 mm de The Master, le décousu, pénible, lambin et complaisant Inherent Vice ne fait plus rire. P. T. Anderson s’enfonce ainsi dans un cinéma d’auteur private joke qui ne parle qu’à lui même et à ses acteurs. Avec l’incongru Knight of Cups (quête existentielle au coeur d’Hollywood blingbling ?), le soporifique Terrence Malick confirme qu’il ne prie plus que pour lui-même.
En parallèle, Ridley Scott (78 ans !) ne s’essouffle pas et continue de filmer des blockbusters à une cadence invraisemblable. Et tous les 3 ou 4 films il en réussi un vraiment bon. Tel The Martian que la Fox lui a proposé et qu’il a accepté en 24h. Après Alien, Blade Runner et Prometheus, et avant même la sortie de Alien Covenant, cela fait de lui devant Spielberg et J.J. Abrams le plus grand réalisateur de SF au monde avec James Cameron. Galon qu’il gardera probablement jusqu’à la sortie des 3 prochains Avatar.
Un peu dépassé par les évènements et la vague super-héros mais toujours actif contrairement au grincheux et déconnecté George Lucas, Spielberg, de son côté, lâche tranquillement un Bridge of Spies incroyablement pertinent à l’heure des frontières redevenues floues. Il rejoint sur le tard le classicisme historique visant la postérité de Clint Eastwood.

Coming out

2015 est l’année où des doubles talents aspirants réalisateurs ont réussi à s’exprimer avec leur premier film.  Avec Ex Machina le scénariste Alex Garland tape en plein dans le mille des problématiques de notre prochaine cohabitation avec l’Intelligence Artificielle. Cette version peut-être douce et cérébrale de Terminator aura certainement plu à Elon Musk. L’industriel s’est fendu d’un appel collectif à se méfier de la naissance incontrôlée d’une prochaine l’I.A potentiellement supérieure à l’homme.  Ryan Gosling a su prouver qu’il n’était pas seulement une belle gueule et un bon acteur avec son premier film Lost River entre David Lynch et Jim Jarmusch. Une carrière de réalisateur à la Sean Penn est à sa portée. Plus quelconque mais tout de même digne d’attention dans la veine des films parlés de Richard Linklater, le premier long métrage de Chris Evans réalisateur (Before we go) lui ouvre sans doute d’autres portes que celles gagnées à la force des muscles de Captain America.

Elles pour toutes

Les bonnes étoiles du 7e art ont aussi offert en  2015 une belle année, « saison », pour les femmes au cinéma, plus seulement devant mais derrière la caméra et dans les esprits. Ainsi, tout naturellement, 4 magnifiques films de réalisatrices qui frappent au ventre autant qu’à la tête s’installent dans mon palmarès pourtant plus orienté vers l’imaginaire que les drames quotidiens. Oui le cinéma français est visuellement plus modeste et plus terre à terre que le cinéma américain et ses gros moyens (sauf les films tellement stylés de Jacques Audiard) mais quand il réussit une étude de caractère, le cinéma français reste sans égal.  À l’écran, la place de la femme dans la société à plusieurs époques a été au centre d’un nombre inhabituel de films. Même si parfois maladroits, les Suffragette, Wild, Journal d’une femme de chambre, Les jardins du Roi, Far from the Madding Crowd, La Femme au tableau, Ricki and the Flash, Testament of Youth, Joy et même Big Eyes ont fait leur maximum pour rendre hommage au talent et à la détermination des femmes qui n’ont, évidemment, rien à envier aux hommes. Et qui d’autre que la guerrière Furiosa prend le pouvoir sur le monde des hommes-bêtes de Mad Max : Fury Road ?

It’s a Mad Mad Mad Mad World

Contrairement à d’autres, contemporains ou anciens, George Miller est sans doute un réalisateur économe qui prend son temps. Mais quand il sort un film, comme James Cameron d’ailleurs, il change le langage même du cinéma. Bien plus qu’une suite ou un reboot opportuniste que les producteurs espéraient sans doute, Mad Max : Fury Road, comme le nom de sa vraie héroïne Furiosa le dit, est une furieuse claque de cinéma dans une décennie cinématographique un tantinet désabusée et ronronnante à l’abri des boucliers numériques. Aussi énervé et sauvage que esthétique, Fury Road n’avait même pas besoin d’être en plus intelligent et porteur d’un message (écolo, féministe) pour balancer à la tête du monde une leçon de cinéma d’une pureté rock enfantine rare.
Finalement, le copié-collé assumé du metamodernisme** existe aussi au cinéma et ce de manière particulièrement flagrante en 2015. Les 4 reboots/remakes/relectures (comment les qualifier réellement ?) de Jurassic World, Terminator Genisys, Star Wars et même Mad Max installent un cinéma de la régurgitation, de l’auto citation, du recyclage à peine masqué. Ils ressemblent à cette époque trois-pas-en-avant-deux-pas-en-arrière, celle qui cherche à avancer avec tous les moyens technologiques du futur et n’arrive qu’à regarder et revivre le passé.

* Sur 89 vus en très grande majorité en salles (liste ici) Avec regret, on reportera au palmarès 2016 le fulgurant Steve Jobs de Danny Boyle/Aaron Sorkin et le monstrueux The Revenant de Inarritu. Futurs oscarisés que les distributeurs français déconnectés du 21e siècle n’ont pas jugé bons de sortir en 2015 en France. Ils font la joie et la tristesse du téléchargement improvisé. On retournera les voir en salle plutôt deux fois qu’une.

** « Today, we are nostalgists as much as we are futurists » (Metamodernisme Manifesto)

Quelques navets irrécupérables/inexcusables

  • Everest
  • The Walk
  • Le Tout nouveau Testament
  • In The Heart of the Sea
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François Bliss de la Boissière

 


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BEST OF JEUX 2015 : Réincarnations

Si 2015 est une sorte d’année de transition malgré elle en attendant de grosses pointures repoussées à 2016 (vous les connaissez), 2015 est aussi une année de consolidation industrielle, technique et sans doute artistique comme je commençais à l’expliquer ici. Plusieurs éléments concordants l’indiquent.

À l’affût

Des productions indépendantes atteignent désormais la qualité et l’ambition des blockbusters produits par de gros éditeurs (voir les 3 premiers de ma liste). Les (trop ?) nombreuses rééditions HD ont permis à certaines équipes de se familiariser avec les besoins et capacité des dernières consoles. Les prochaines grosses productions devraient profiter de cette expérience. Le report assumé et donc planifié à 2016 de plusieurs gros titres me semblent démontrer une forme d’assurance plutôt que de dérapages incontrôlables comme le jeu vidéo en a si fréquemment connu. Même Ubisoft a su redresser la barre dans les temps avec un Assassin’s Creed annuel (Syndicate) techniquement presque irréprochable malgré quelques craintes.

Nouvelle ère

L’assurance indiscutable de Destiny 2.0 avec ses extensions pas si corrompues rassure aussi sur l’ambition et les capacités de Bungie dont on a failli douter… Même si mal compris par les gamers qui confondent qualité intrinsèque et temps de jeu à la minute, la maîtrise visuelle de The Order : 1886 et Until Dawn entérine l’ambition graphique de Sony Computer et promet un bel avenir à la fusion jeu vidéo et cinéma qui se prolongera forcément avec le casque PlayStation VR. Et puis 2015 est aussi sans doute la dernière année d’une certaine idée du jeu vidéo. La lecture de la séquence en deux temps qui voit en 2015 la confirmation de l’effondrement du jeu vidéo japonais (Konami en tête, on y revient prochainement en détails) juste avant le débarquement de la réalité virtuelle en 2016 (même avec des freins tarifaires) annonce l’ouverture d’un nouveau chapitre dans la folle histoire du jeu vidéo.

Mes 10 jeux de 2015

 

  1. The Witcher 3 : Wild Hunt (CD project Red)

  2. Ori and The Blind Forest (Moon Studios)

  3. SOMA (Frictional Games)

  4. Rise of the Tomb Raider (Crystal Dynamics)

  5. The Order : 1886 (Ready at Dawn)

  6. The Talos Principle : édition deluxe (Croteam) PS4 et Mac

  7. Mad Max (Avalanche Studios)

  8. Destiny : Le Roi des Corrompus (Bungie)

  9. Until Dawn (Supermassive Games)

  10. Rare Replay/Zelda Majora’s Mask/Uncharted : The Nathan Drake Collection

Quand on a la chance de jouer à une majorité des jeux sortis dans une année, en retenir 3 ou 5 dans un top est vraiment insuffisant. On s’y efforce sous la demande, par exemple en 2014 et en 2015, mais la frustration est grande. Surtout parce qu’une courte sélection ne suffit pas à représenter l’étendue des expériences vécues dans une année jeu vidéo.

Indés au top

Au-delà du goût et du plaisir éventuellement subjectif, les trois premiers jeux de ma liste couvrent étonnamment le spectre des possibles du jeu vidéo d’aujourd’hui. L’open world maitrisé et non pas juste exploité en mode remplissage avec The Witcher 3 ; la régurgitation artistiquement rehaussée – et non bêtement rejouée – des fondamentaux du jeu japonais avec Ori and The Blind Forest ; la maturité de l’immersion sensorielle en vue subjective dont vont hériter directement les prochaines expériences en réalité virtuelle avec le tétanisant SOMA. Ces 3 jeux portent plusieurs messages. Ceux de leurs thématiques explicites ou en creux : la mise au premier plan de la valeur physique et temporel de l’espace et des éléments, la poésie et l’animisme intégrée au gameplay, évolution de l’être humain en milieu technologique ; et ceux de leurs réussites : 3 jeux haut de gamme développés par des studios indépendants. Ces 3 projets hyper soignées ont réussi à fusionner le fond et la forme, sont allés au bout de leur ambition. Et, signe du futur au présent, deux d’entre eux n’existent qu’en format dématérialisé.

L’horizon est la limite

Malgré toutes les pubs intrusives, Rise of the Tomb Raider n’a pas fait l’évènement qu’il mérite confiné sur Xbox One et pourtant, voilà un des jeux les mieux conçu et réalisé au monde. Sorti fin décembre 2014 sur PC puis en mai sur Mac et récemment sur PlayStation 4, The Talos Principle et son extension Road To Gehenna est non seulement un époustouflant puzzle game en vue subjective (l’imminent The Witness de Jonathan Blow sera mesuré à cet exploit) mais un objet interactif à thèse d’une intelligence et d’un humour rares. Plus fini et sérieux que le rigolo foutraque Just Cause 3, Mad Max est comme The Witcher 3 d’abord une expérience sur l’espace, la nature et ses éléments, l’horizon, connu et inconnu. Celui, justement, que le jeu vidéo repousse chaque année un peu plus.

Les maux de la fin

Un petit mot sur les jeux Nintendo dont toutes les franchises connues sont sorties sous une forme (exploitative) ou une autre sans qu’aucune ne retienne l’attention plus que la réédition de Majora’s Mask. Oui Super Mario Maker et Splatoon sont funs et intéressants mais toutes les autres productions Nintendo sont en dessous du standard de la marque (on en parle ici). Difficile de savoir si cette année aussi de transition (et de tristesse) pour Nintendo conduira à un retour en force ou à un repli sur le marché Japonais entièrement dévoué au jeu mobile low-tech.
Toutes les rééditions HD occidentales sont méritantes. Pour évacuer les polémiques à l’exploitation mercantile, rappelons qu’elles visent d’abord les nouveaux propriétaires de consoles « nextgen », les switchers (une grosse génération Xbox 360 a basculé vers la PS4, n’est-ce pas ?) et les esthètes qui apprécient un rehaut graphique et technique (j’en suis). Celles retenues ex aequo dans ma liste sont particulièrement exemplaires et indispensables pour toutes sortes de raisons historiques. Rare Replay offre enfin l’occasion de revisiter l’histoire du studio anglais manettes en main (et ça fait parfois mal). La réédition très classieuse de la trilogie Uncharted parfaitement jouable sur PS4 anticipe bien Uncharted 4 et offre l’occasion d’une relecture après la secousse The Last of Us du même Naughty Dog. Et bien entendu, pouvoir enfin relancer le trésor Zelda Majora’s Mask quand bon nous semble ne se discute même pas.

François Bliss de la Boissière


Illustration de Une : The Talos principle / Road to Gehenna


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Nintendo et Apple : l’heure du grand rassemblement a sonné

Les deux grandes marques aux coeurs de métier symbiotiques sont désormais orphelines, et au même moment. Apple sort une console Apple TV sans jeu vidéo phare. Avec une Wii U éteinte, Nintendo ne sait plus où et comment faire exister ses personnages chéris dans le salon. Après 20 ans d’esquive, il est cette fois temps que Nintendo et Apple se réunissent. Pour le meilleur et pour le meilleur. Opinion.

Logo Apple WiiU Bliss

Voilà longtemps déjà que je défends deux thèses jusque là dissociées.

L’une présente l’Apple TV – l’ancien même avec ses limites et définitivement le nouveau – comme une « bombe » à retardement sous le téléviseur dès qu’Apple décide d’en faire une machine à jouer. C’est fait. L’Apple TV 4e génération est bel et bien une console de jeux vidéo. Apple en personne n’hésite plus à le revendiquer. La question n’est désormais plus « et si » Apple s’y mettait, mais « quand ». Quand les développeurs et studios de jeux vidéo comprendront qu’il faut s’y mettre sérieusement. Les outils Apple sont désormais à leur disposition pour se jeter sur la TV. Les paris sont donc ouverts.

L’autre thèse, plus ancienne encore, concerne Nintendo. De nombreux prévisionnistes, sérieux ou à la petite semaine, ont régulièrement suggéré que Nintendo se résigne à lâcher, comme jadis Sega, la fabrication de consoles et développe ses jeux sur tous les appareils mobiles ou de salon du marché. Je n’ai jamais cru cela envisageable parce que l’ADN connu et revendiqué de Nintendo consiste à développer en symbiose jeux et hardware. Avec comme objectif indiscutable de garantir un gameplay aussi optimum que le plaisir qui lui est associé.

Chacun de leur côté du Pacifique, Apple et Nintendo fonctionnent depuis toujours avec la même philosophie et la même logistique. Contrôler hardware et software est la seule manière de garantir la meilleure expérience utilisateur. Que cela soit pour les interfaces et les logiciels comme pour les jeux vidéo. À voir et subir l’inconstance des appareils informatiques et des interfaces de toutes les autres marques, on ne peut que donner raison aux deux entreprises.

Apple épouse le modèle Wii

Mais comme le chantait le Bob Dylan qu’a affectionné et influencé Steve Jobs jusqu’à sa mort : «  The Times They Are A-Changin’ » . Les temps changent, les mutations sont inévitables. L’homme, la société doit savoir s’adapter à son époque. Les entreprises aussi. Depuis le décès de Steve Jobs, Apple a déjà changé et trouvé une seconde vie sans son mentor. Derrière son air dégagé et supérieur, le Apple de 2015 cherche ainsi à convaincre avec des mots et des démonstrations agitées très Wii de 2006 (près de 10 ans de retard sur le timing gamer !) que son nouvel Apple TV à tout faire audiovisuel est aussi une console privilégiée de jeux vidéo (voir mon dossier « L’Apple TV est-elle oui ou non une console de jeux vidéo ? »). L’Apple TV 2015 ressemble surtout furieusement à une Wii U Plus.

Nintendo en crise

En pleine crise économique, technologique et identitaire comme toute la scène du jeu vidéo japonaise, et endeuillé par le décès prématuré du respecté PDG Saturo Iwata, le Nintendo de cette deuxième partie des années 2010 va devoir changer à son tour, a déjà changé. Une mutation indéfinissable de l’extérieure et peut-être même de l’intérieur, allez savoir, est déjà en cours chez Nintendo ces dernières années. L’investissement et le déménagement dans un nouveau bâtiment où la R&D est en bonne place a forcément bousculé des habitudes malgré le secret qui l’entoure. Une tentative pour l’instant vaporeuse de diversification vers la conception d’appareils et d’applis liés à la santé reste en suspens. Et, après des années de dénégation bravache, le développement sur appareils mobiles tiers, au Japon en tous cas, est acté. Des personnages Nintendo vont donc bientôt apparaître sur des appareils mobiles d’autres marques. Les Mii pour l’instant, cela suffira bien. Mais le tabou est levé. Nintendo n’a plus vraiment de frontières nettes. Comme ses personnages ubiquitaires qui apparaissent partout et nulle part dans Hyrule Warriors, Mario Kart, Super Smash Bros et même, sous forme de vêtements (!), dans le dernier Project Zero. Sans compter les Amiibo, ses jouets-jeux vidéo copieurs tardifs de Skylanders. Nintendo ne sait plus à qui se vendre.

Mariage de raison

Nintendo sans plus d’appui hardware crédible *, Apple sans icône vidéoludique historique et sérieuse… Faut-il vraiment faire appel aux actionnaires, aux analystes de marché et autres grands clercs attitrés pour voir là le mariage idéal ? Culturel, technologique et économique. Celui qui assoirait pour de bon et sans discuter la crédibilité jeux vidéo à Apple. Celui qui garantirait enfin un support hardware (et marketing) universel permanent à Nintendo. Celui qui rendrait jaloux et repousserait les voraces économiques du secteur de loisirs : les Activision capable d’engloutir des King, les Vivendi boulimiques jusqu’à vouloir à tout prix une part du « phare » breton Ubisoft…

Association de bienfaiteurs

Apple et Nintendo ensemble ne serait pas une affaire de malfaiteurs comme tant d’autres mais une association de bienfaiteurs. L’intégrité artistique, technologique et même économique de l’un et de l’autre serait enfin réunie vers un objectif commun et idoine. Ce n’est pas de l’angélisme. Ces deux ADN là sont faits depuis longtemps pour accoucher d’un nouvel embryon. Seule l’histoire personnelle des entreprises, l’orgueil de leurs dirigeants fondateurs ont interdit d’imaginer sérieusement de telles fiançailles. Mais on l’a vu, Tim Cook le diplomate n’est pas Steve Jobs. Ses accords avec les ennemis jurés IBM et Microsoft suffiront à le prouver. Banquier et gestionnaire d’abord, Tatsumi Kimishima le nouveau responsable de Nintendo n’a sûrement rien à voir avec le redoutable stratège indépendant que fut Hiroshi Yamauchi ni avec le gentil et fidèle héritier Saturo Iwata. Avec ces nouveaux décideurs plus pragmatiques que leurs flamboyants prédécesseurs, tout devient à nouveau possible.

Le meilleur des deux mondes

Depuis novembre 2015, le positionnement et l’écosystème du nouvel Apple TV rend un rapprochement entre Apple et Nintendo tangible. Nintendo pourrait développer ses jeux, Mario, Zelda, Pikmin, sur Apple TV sans rien changer de son savoir faire. Pour garantir jusqu’au joueur son savoir faire ergonomique, Nintendo n’aurait qu’à fabriquer une de ses manettes innovantes dont elle a le secret et autant d’accessoires souhaités compatibles MFI : Apple TV et même iPhone et iPad dans la foulée. Le joueur récupérerait le meilleur des deux mondes. Apple nous a par exemple confirmé que chaque développeur de jeu est libre d’utiliser ses propres serveurs pour les parties multijoueur ou d’exploiter ceux d’Apple. Loin d’être au top, l’infrastructure réseau de Nintendo profiterait alors aussi là des moyens techniques d’Apple pour ne plus avoir qu’à se consacrer à sa magie interactive liée aux jeux vidéo.
Le mariage Apple et Nintendo n’est plus une hypothèse, ni un compromis, ni un souhait, juste une évidence. Et peut-être même une urgence. Pour l’un et l’autre.

* Le presque fameux commentateur Michael Pachter vient encore de condamner Nintendo et sa prochaine console NX et donne raison en creux à mon appel au rassemblement.

François Bliss de la Boissière


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Faut-il avoir peur du nouvel Assassin’s Creed ?

Bugs techniques, polémiques historiques, le dernier Assassin’s Creed a été révolutionnaire là où on ne l’attendait pas. L’épisode 2015 londonnien a donc pour double vocation de corriger le tir, d’abord médiatique, puis de réussir encore une fois un pari conceptuel et technique. Mais bonne volonté, compétences et énergies décuplées dont ne manquaient sûrement pas ACUnity suffiront-ils à garantir un produit sans défaut le jour de la sortie ? Là est la question.

Assassin's Creed Syndicate © Ubisoft

Note : Ceci n’est pas un papier « preview ».

Le nouvel Assassin’s Creed sort ce vendredi 23 octobre et en joueur avide des mondes parallèles, j’ai très très envie de plonger dans le Londres de la révolution industrielle. Très envie mais aussi très peur.
La sortie laborieuse de Unity fin 2014 avec tous ses problèmes techniques laisse un souvenir mitigé. De la même manière que, d’un point de vue historique et politique, le traitement un peu léger (si l’on se fie aux historiens et spécialistes) de notre Révolution laisse un goût amer. Pourtant, une fois passés tous les débats techniques, commerciaux et intellectuels que mérite le jeu vidéo au même titre que n’importe quel autre produit culturel qui, notamment, revisite l’histoire, il faut bien reconnaître que, un an plus tard, la reconstitution historique de Paris de Unity continue de laisser un souvenir impérissable.
Grâce au travail phénoménal des studios Ubisoft, le Paris de 1789-93 ne me quittera plus jamais. Et je m’apprête à y retourner régulièrement, oui, en voyageur du temps / touriste virtuel. Cette immersion interactive dans les rues de la capitale au milieu d’une population de braillards en loques ou huppée a rejoint dans ma représentation réalistico-fantasmatique du monde passé les films Barry Lindon, Dangerous Liaisons, The Age of Innocence, Marie-Antoinette (Coppola), A Royal Affair, Les Adieux à la Reine qu’il faut avoir vu… (eh, non, pas Les Mariés de L’an deux de Jean-Paul Rappeneau, ni l’opéra rock La Révolution Française). Après le fantastique voyage turquoise dans les caraïbes de Black Flag et la traversée de Paris sous la révolution, je n’attends pas moins de l’immersion dans le Londres enfumé de 1868.

Damage control

Ubisoft a indiscutablement un savoir-faire unique dans sa capacité à coordonner le travail de plusieurs de ses studios internationaux autour de ses plus gros projets. Mais au delà de ses envies et besoins créatifs intrinsèques, cet Assassin’s Creed londonien piloté par Ubisoft Québec (8 autres studios Ubisoft y sont attachés) a forcément été obligé de prendre à son compte un sérieux cahier des charges en réaction à l’épisode pas aussi révolutionnaire que prévu de 2014 piloté, lui, par Ubisoft… Montréal. Ainsi, en théorie, Syndicate doit autant être une opération de cautérisation des blessures techniques de Unity que de réconciliation avec le public et les médias. Même sans être officiellement déclarée, et sans forcément avoir repéré chaque détail, l’opération de communication, parfois vraiment intégrée au gameplay, a bien démarré. À commencer par la plus voyante et tout à fait bienvenue malgré son ostentation…

Elle et lui et l’inconnu technologique

En réponse aux accusations de ne pas avoir de personnages féminins parmi la troupe d’Assassins de Unity, Ubisoft réussit le tour de force logistique et scénaristique d’inventer un couple de héros jumeaux garçon et fille dans Syndicate. Pour circonscrire les dysfonctionnements techniques, l’aventure à Londres se passe de tout mode multijoueur (on ne s’en plaindra surtout pas ici). L’absence d’une appli compagnon déportée sur tablettes devrait aussi avoir simplifié le travail des développeurs auxquels, jusqu’à l’année dernière, on demandait plus à chaque épisode. Et cette fois, en l’absence de développement sur PS3 et Xbox 360, le moteur graphique « next-gen » d’Assassins semble entièrement dédié à la PS4 et à la Xbox One. Mais quid de la version PC disponible un mois plus tard et désormais dernier maillon technique faible des blockbusters (Batman Arkham Knights et quelques autres) ? Même en admettant que ces différentes solutions techniques et créatives permettent au jeu de trouver un meilleur équilibre, il reste encore des questions en suspens.

Racolage par la violence

Malgré tout leur prestige, les super productions Ubisoft exploitent par exemple presque toujours une violence graphique ou actée au-delà du nécessaire. Sans doute pour se garantir (facilement ?) un certain public, à défaut d’un public certain. L’introduction des armes à feu et des bagarres à mains nues de la révolution industrielle va-t-elle déclencher de nouveaux paliers de violence ou de brutalités gratuites ? Juste pour le « show » ?
Car avec sa série historique, Ubisoft sur le fil du rasoir joue toujours un double jeu : celui de la référence historique et culturel (un nouvel hors série du mensuel Historia vient cette année encore cautionner la reconstitution du Londres de la fin du 19e siècle) et le simulateur de meurtre. Un procès d’intention qui n’appartient pas seulement à l’éditeur franco-canadien évidemment. Sauf que les ambitions artistiques et culturelles affichées, reconnues et appréciés des productions Ubisoft (Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre en est le meilleur dernier exemple) appellent un peu plus chaque année à réconcilier les deux extrêmes. On ne désespère pas même si, d’évidence, le concept « assassins « oblige un peu. Et, justement, dans le même ordre d’idée d’exploitation un peu trop facile de la violence, ne faut-il pas déjà s’inquiéter des diverses extensions qui, pour se vendre, risquent de racoler nos plus bas instincts ? Notamment l’extension Jack L’Éventreur associée au passe saisonnier qui, sous couvert de réalité du personnage historique, risque potentiellement de se laisser aller aux pires dérives sanglantes ?

Qui est responsable de quoi ?

Même si Ubisoft Québec a participé activement à plusieurs Assassin’s Creed et extensions, Syndicate sera le premier jeu sous l’entière responsabilité du studio québécois. Et si l’on veut bien croire au talent de la nouvelle équipe aux manettes, cette notion de production haut de gamme originale capable de changer de réalisateur sans perdre de sa substance et de sa personnalité reste encore une des grandes problématiques du jeu vidéo. On se souviendra que le premier Assassin’s Creed a été signé Patrice Désilets et que depuis, si ma mémoire est bonne, aucun autre nom n’est resté attaché à la série à part celui de la productrice Jade Raymond. Tous deux ont d’ailleurs quitté Ubisoft. En cela le jeu vidéo épouse le cinéma de producteurs des années 2010. Les réalisateurs connus ou pas se mettent au service de licences plus fortes qu’eux où leur nom ou singularité disparait. Tout le monde ne s’appelle pas JJ Abrams. (…)

London revisited et Machine de guerre marketing… suite et fin de l’article ici sur Gameblog.fr

François Bliss de la Boissière

(Publié le 20 octobre 2015 sur gameblog.fr)

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Obduction retardé : Kickstarter et les promesses dans le vent

Cyan vient d’annoncer que la sortie de leur nouveau jeu Obduction serait reporté à 2016 au lieu de fin 2015. Le problème ? Obduction a été produit par un Kickstarter à succès et que la plus basique des promesses, la période de sortie, n’a pas été tenue. Et pourtant les créateurs de Myst/Riven font partie des vétérans de l’industrie du jeu vidéo.

Obduction logo

Ceci n’est pas une enquête Kickstarter.

Il n’y a pas de crime de lèse-majesté. J’ai moi-même modestement kickstarté Obduction et le report de 3 ou même 6 mois du jeu ne me gêne pas plus que cela. Il faut toujours retenir la magnifique phrase de Shigeru Miyamoto : « un mauvais jeu à l’heure restera un mauvais jeu, un bon jeu qui sort en retard est un bon jeu pour toujours ». Si cela s’applique ici, pas de regret.

Mauvais cas d’école

Les explications énumérées par Rand Miller et les décisions qu’elles décrivent ou sous-entendent trahissent en revanche les enjeux d’un projet financé par Kickstarter. Sans douter de la tentative de transparence dans la communication de Cyan avec ses 22 195 contributeurs, le couple d’emails reçu après des mois de silence le 2 octobre 2015 puis le 20 octobre démontre plusieurs faiblesses d’appréciation grossières chez Cyan, certaines avouées, d’autres en creux.

Le 2 octobre Rand Miller, grand manitou de Cyan, co créateur de Myst et Riven, s’excuse de ne pas avoir communiqué sur Obduction depuis un moment tout en annonçant que tout va très bien et une prochaine belle annonce. Le 20 octobre, Rand Miller reconnait sa « honte » d’avoir cru une nouvelle fois en la parole d’un éditeur qui n’aura pas tenu ses engagements et a disparu au moment de signer un contrat !

Aveu de faiblesses

Ainsi donc, Cyan a été tenté de trouver de l’argent dans les circuits traditionnels en plus de l’argent récolté auprès de son public ? Cyan a donc envisagé de ne pas respecter l’accord tacite signé avec ses contributeurs de faire le jeu en totale indépendance. Cyan a attrapé le syndrome des yeux plus grands que le ventre si commun au développement de jeux vidéo. Cyan a cru pouvoir débloquer de l’argent d’un investisseur sans compromission avant de se faire balader plusieurs mois par le dit investisseur jusqu’à ce qu’il se défile à la dernière minute. Cyan a donc revu sa production à la hausse pendant plusieurs mois comme si l’arrivée d’argent frais était assurée. Cyan annonce maintenant relancer le jeu en mode planning Kickstarter, c’est à dire en moins ambitieux dorénavant. Il y a dans cette énumération non exhaustive tellement de fautes d’appréciations personnelles et collectives que s’il s’agissait d’un petit nouveau dans le milieu on le traiterait presque d’amateur ou de newbie, n’est-ce pas ? Mais Rand Miller a 24 ans d’expérience du développement de jeu.

C’est quoi le deal Kickstarter ?

Parfois explicite mais presque toujours implicite, le pacte Kickstarter jeu vidéo entre les initiateurs de projets et les contributeurs, dit en substance : « Je ne trouve pas de producteurs pour financer mon jeu alors si vous voulez le voir exister, donnez moi votre argent », ou : « Je ne veux plus passer par un éditeur qui va me dicter le contenu et je vous demande de l’argent pour mener à bien ce projet comme je l’entends ». Deal.

Trahison

Quand Cyan nous apprend au moment où le jeu devrait sortir, deux ans après le Kickstarter réussi à hauteur de 1,3 M$, que le jeu est reporté parce que le « petit » éditeur avec lequel il négociait pour obtenir une rallonge s’est défilé après plusieurs mois de tergiversations, il y a trahison et même violation du pacte tacite avec ses contributeurs. Le constat d’adultère serait identique si le deal avec le distributeur/producteur avait fonctionné. Qui dit financier professionnel dit contraintes et réclamations commerciales pas forcément liées aux aspirations créatives. Les contributeurs que nous sommes avaient pourtant donné carte blanche créative à Cyan. Rand Miller avoue candidement avoir jusqu’au bout tenter de baisser ses exigences (officiellement économiques, mais quoi d’autres ?) pour être finalement abandonné par le « petit éditeur ».

Mégalomanie ordinaire du jeu vidéo

Pour quelles raisons Cyan était prêt à des compromissions auprès d’un corps étranger au projet édifié avec enthousiasme directement auprès de ses « fans » ? Pour faire un jeu « plus grand et plus en rapport avec l’ambition découverte en le faisant ». Rand Miller explique dans sa lettre du 20 octobre que, 6 mois plus tôt, Obduction avait évolué avec assez de contenu pour prétendre devenir une expérience plus grande que le projet Kickstarter planifié ». Cet aveu révèle à quel point naïveté et mégalomanie vont de paire. Le jeu en cours de production selon le planning Kickstarter était donc de petit calibre ? Les 1,3 M$ collectés (soit 200 000 $ de plus que la somme réclamée au départ) grâce à Kickstarter fin 2013 ne laissaient pas entendre « petit jeu petit budget ». Petite équipe dévouée très heureuse d’avoir décroché le jackpot pour faire le jeu de leur rêve, oui ça on l’avait compris.

Rand Miller, homme sérieux et débonnaire

J’étais allé au devant de Rand Miller en janvier 2014 pour lui poser quelques questions juste après la réussite du financement (interview ici-même). J’avais déjà eu le privilège de le rencontrer en personne lors de la sortie de Uru : Ages Beyond Myst. J’avais découvert un homme sérieux et tranquille, débonnaire et concentré. Clairement pas un homme du marketing mais, évidemment, tout à fait capable de « vendre » son projet ». À la question candide que je lui posais : « Sur Kickstarter aucune promesse n’est contractuelle. Comment garantissez-vous la sortie du jeu à 2015 ?», Rand Miller m’avait répondu 3 mois après Obduction lancé par Kickstarter : «  Nous essayons d’être réaliste avec un planning réfléchi. Nous avons l’expérience de ce type de production. Nous avons moins de chance d’être surpris que d’autres pendant toute la procédure ».

Déception banalisée

Qu’on ne nous lise pas de travers. Contrairement à d’autres projets Kickstarter avortés ou volatilisés, il n’y a pas eu vol, détournement ou mensonge. On accorde tout à fait le bénéfice de la sincérité à Rand Miller et son équipe. Mais si un des pionniers du jeu vidéo à succès n’arrive pas lui-même à tenir sans délirer ou dériver les rênes d’une production proche de Myst et donc de ce qu’il sait faire, ni donc à tenir ses engagements auprès de son public Kickstarter captif et dévoué, alors à qui se fier ?
Dans le jeu vidéo ou ailleurs, le financement participatif reste une belle idée. Mais comme la démocratie en perdition, les élus ne tiennent pas souvent leurs promesses. Notre attente de Obduction est donc elle aussi revue à la baisse.

François Bliss de la Boissière

 


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J’ai ça à dire à propos… de Fleur Pellerin et C+

J’ai ça à dire à propos de… la séquence du Petit – oui petit – Journal de Canal + dans le bureau de Fleur Pellerin du 8 septembre dernier qui donne prétexte aux médias et éditorialistes cyniques ou populistes, voire implicitement phallocratiques, et aux réseaux sociaux dans la foulée, d’y voir la preuve d’un manque de compétence de la Ministre de la Culture…

Fleur Pellerin C+ 08 09 2015

Conclure à l’incompétence de Fleur Pellerin à la suite du pseudo reportage réaliste anglé comique dans le bureau du ministère qu’elle occupe comme ses prédécesseurs est injustifié.

Le montage des plans retenus par le Petit Journal provoque volontairement un effet tragi-comique – merci la télé spectacle – devant son soit disant échec à faire fonctionner telle ou telle machine ou à bien identifier tous les objets de son bureau.

En réalité, contrairement à ce que laisse entendre le ton badin de l’émission d’infotainment en réalité inquisiteur, le comportement de Fleur Pellerin implique surtout de sa part : sa bonne grâce à jouer le jeu des fails à répétition ; qu’elle n’occupe pas ce bureau comme une reine qui contrôlerait tout ; qu’elle ne fait sans doute pas appel à des larbins numériques comme ses homologues masculins au moment d’utiliser des appareils ; qu’elle ne s’abrite pas derrière un orgueil (masculin) qui botterait en touche l’intérêt de l’usage de ces machines ou des questions saugrenues et faussement enfantines qu’on lui pose devant caméra ; qu’elle ne regarde pas la télé en boucle pendant qu’elle travaille ; qu’elle n’appelle pas au secours oncle Hollande pour un oui ou pour un non ou pour geindre juste parce qu’elle a une ligne directe qui l’autorise ; qu’elle ne prétend pas avoir lu des livres qu’elle n’a pas lu (suivez mon regard) ; qu’elle n’a, justement, pas réaménagé le bureau en petit théâtre hypocrite de la maîtrise du « pouvoir » pour recevoir les gros bras de la télé…

Quelqu’un a vérifié la poussière qu’elle n’aurait pas faite aussi ? Parce que ce test de « compétences » domestiques dans l’exercice de ses fonctions est-il aussi demandé aux autres ministres… masculins ? Et j’en passe.

Je trouve plus rassurant de voir quelqu’un assez occupé par ses fonctions pour ne pas avoir à faire semblant de jouer avec le cadre éphémère que lui impose sa fonction. Et je ne fais pas d’angélisme, ou de « féminisme », non. La télé et son filtre déformant est le pire ennemi du… peuple spectateur.

François Bliss de la Boissière

 


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Bliss is here. Please stop by.

Guess what ? Work in progress…

 

Note d’intention et mode d’emploi…

Un peu idéaliste, j’ai toujours voulu croire qu’une aventure de presse (critique) était une affaire collective. Que pour être digne de son ambition celle-ci devait s’enrichir d’opinions variées mais complémentaires, allant dans le même sens, tel en papier le Starfix cinéma des années 80, ou le mensuel britannique du jeu vidéo Edge encore en résistance.

J’ai aussi milité pour un identique effort collectif regroupé sur Internet quand il m’est apparu évident au milieu des années 90 que l’avenir de la presse était là. Sur papier ou sur Internet, à condition que le casting de journalistes soit cohérent, un magazine profite des opinions de chacun, celles-ci se complètent, s’enrichissent l’une l’autre, pas seulement pour le lecteur mais pour l’équipe elle-même. Le Overgame.com des années 2000 tel que nous avons réussi à l’animer pendant quelques courtes années allait dans ce sens.

Depuis, bien sûr, la dématérialisation a fait voler en éclats le mode de fonctionnement de presque toutes les rédactions devenues fantômes avec le modèle économique traditionnel de la presse. Il n’y guère que Mediapart, en tous cas en France, pour avoir réussi à renouer sur Internet avec cet effort intellectuel collectif, à la fois individuel et concerté.

Depuis Overgame.com j’ai approché et collaboré de plus ou moins près à de trop nombreux périodiques papiers et Internet. Assez en tous cas pour prendre la mesure d’un milieu (des grands groupes de presse aux fanzines) qui ne coagule plus. La pseudo chute des idéologies (pour ne pas dire idéaux) et des modèles économiques (lequel a vraiment engendré l’autre ?) a rendu cynique et indifférent la majorité des participants, des petits et grands « patrons » de presse jusqu’aux journalistes sans point d’ancrage (presque un jeu de mots) et donc en roue libre. La récente et tragique enquête de Laurent Mauduit confirme en détails ce que tout le monde sait : la presse telle qu’elle a été refondée après guerre n’existe plus. Et il ne faut pas en douter, ce qui se passe dans les « grands médias » nationaux se reproduit à petite échelle dans toutes les publications.

Dont acte

Après avoir résisté pendant des années à prendre sérieusement la plume en mode solo et passer par le « je » égo-narcissique à l’origine tabou dans la presse écrite, je suis bien obligé de constater que c’est à quoi les outils numériques et la déliquescence de la presse conduisent exclusivement depuis plusieurs années déjà.

Fervent croyant et défenseur dans les mutations et toujours excité par les marqueurs de l’évolution quand on a la chance de les repérer, je suis éventuellement fâché contre l’esprit chagrin et rétrograde d’une partie de mes contemporains (notamment ceux qui partagent les mêmes passions culturelles) mais je ne suis pas du tout désabusé ni même amer. Au contraire. Pour moi, chaque courant d’air, chaque changement culturel, sociologique et technologique (plus que jamais liés) est l’annonce d’un nouveau monde plein de surprises.

J’ai donc entrepris dans un premier temps de regrouper sur ce « blog » à mon nom tous les articles que j’ai écrit et essaimé ici et là dans la presse papier et Internet depuis 17 (!) ans. Ce Bliss Corner met donc mon « vault » à la disposition de tous.

En postant petit à petit tous ces articles, notamment sur le jeu vidéo, je me suis rendu compte que ces archives à la fois personnelles et professionnelles constituent, en toute modestie et malgré moi, un petit historique de l’histoire du jeu vidéo de la fin des années 90 à nos jours vue de la France. Les mots clés, le moteur de recherche et la liste des archives mois par mois devraient aider à s’y retrouver.

Si ce que vous lisez ici, sur le jeu vidéo, le cinéma ou la vie numérique et biologique en général vous distrait un peu ou vous sert de références dans vos études et articles, n’hésitez pas à le faire savoir et à partager. Un bouton jaune FAIRE UN DON très vulgaire mais sécurisé, ici… 

… mais aussi dans la marge de gauche et, normalement, en bas de chaque page, vous permet même d’aller un peu plus loin en m’aidant financièrement à continuer ce travail de manière autonome. Si, si. Plus on est de fous…
Et si les idées et l’énergie me viennent au-delà des 140 signes twitter, j’écrirais sans doute ici ce qui me passera par la tête.

François Bliss de la Boissière

English/Français

Driven by 3 genuine passions and cultures (movies, US and European comics and videogames), professional journalist since 1993, François Bliss de la Boissière started writing about videogames in 1998 and never stopped since.

His numerous international reports, deep interviews, analysis and reviews on the French daily online www.Overgame.com have been noticed by the game community and readers from 1998 thru 2002. After his departure in 2002, FBdelaB aka Bliss have contributed to many mainstream and specialized magazines including weekly national magazine VSD, weekly news Le Nouvel Observateur, starting movie magazine Score, monthly Internet culture magazines Transfert and Chronic’art and professional computer and internet online magazine www.01net.com. He kept contributing for videogame magazines: an analysis column in monthly Gaming, a blog-like “Aliasaka Journal” in french monthly GameFan, and reports for online US and UK references Gamasutra, Next Generation and Gamesindustry.biz.

From 2004 to 2008, French edition of movie magazine Premiere has given him the responsibility for the first ever videogame page critic. 

From 2003 to 2011, FBdelaB was part of the editorial staff of the monthly DVD/Blu-ray Home-cinema magazine Les Années Laser where he reviewed around 2000 movies and shows while interviewing key players of the video and movie industries. This is his vault and blog.

François Bliss de la Boissière est journaliste critique jeu vidéo et cinéma depuis 1998. Franc-tireur de la critique, il a participé à l’aventure pionnière Overgame.com au début des années 2000 sous le vrai/faux pseudonyme « bliss » et a écrit notamment pour les magazines papiers et Internet : Amusement, Chronic’art, Electron Libre, Gamasutra, GameFan (pseudo : Aliasaka), Games Industry Biz, Gaming, Gameweb, Hitphone.fr, Première, TéléCinéOb, Le Parisien Magazine,… Il participe actuellement au mensuel Comment ça marche (Fleurus), et occasionnellement au site Gameblog.fr. Après avoir alimenté capricieusement le blog Overjeu il s’exprime en temps réel sur le jeu vidéo sur Twitter @Overgamevoice. Ceci est son « vault » et son blog.

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Rappel légal : Selon l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, les articles publiés ici sont @ leur auteur François Bliss de la Boissière car « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous ». Détails législatifs ici.


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Zelda Wii U : ce sera tout ou rien

ÉDITO. La Wii U a besoin d’un sauveur et, en 2015, son nom est Link. Quels que soient les jeux à venir, seul le prestige d’un Legend of Zelda remettra la Wii U et Nintendo dans la lumière et les coeurs. Mais à quoi faut-il s’attendre exactement ?

Note: Le Zelda en question sera finalement Breath of The Wild qui sortira simultanément sur Wii U et sur Switch. Soit comme avec Twilight Princess  à la fois en guise de crépuscule d’une console et d’aube pour une autre !

Zelda Wii U : horizon dégagé

Après le fantastique remake HD de Wind Waker, la commercialisation de celui de Majora’s Mask attendu avec une impatience renouvelée depuis au moins l’apparition clin d’oeil du masque de Majora accroché à un mur de Zelda : A Link Between Worlds, laisse désormais la place libre au projet Zelda sur Wii U. Même si Nintendo continue de surveiller l’exploitation commerciale quasi sacrilège de parcelles d’Hyrule distribuées vers Mario Kart (Link en moto ? Aussi cool qu’hérétique), Hyrule Warriors ou en Amiibo, Aonuma et son équipe principale peuvent et doivent désormais se concentrer uniquement à ce Zelda version Wii U, et donc, à l’échelle Nintendo : nextgen. Toute la planète jeu a évidemment frémi devant l’extrait du jeu présenté à l’E3 2014, et en particulier face, tout bêtement, à l’écran immobile montrant un Link à cheval en train de regarder tranquillement l’horizon au milieu de plaines verdoyantes. Les extraits de gameplay ont ensuite révélé en décembre ce que au fond, chacun attend au minimum : un jeu parfaitement animé, détaillé, fluide, lumineux, généreux. Généreux… comme un monde ouvert, ont promis Aonuma et Miyamoto mais ouvert jusqu’où ? La démo révèle que Link est capable de se jeter d’une montagne et de planer en temps réel jusqu’à un point très éloigné de la carte. Les paysages dessinés à l’horizon seraient tous accessibles en temps réel, nous dit-on. Sans surprise, alors qu’il prétend ne jouer que pendant ses heures de travail, Aonuma a confié dans une interview récente jouer à… Far Cry 4 pendant ses loisirs. Cela n’a rien d’un hasard…

Une légende vraiment à l’épreuve du temps

Tous ceux qui s’y sont essayés le confirmeront (et ils sont nombreux désormais), écrire sur les jeux Zelda s’avère aussi facile que compliqué. La passion pour la saga de Link au royaume d’Hyrule injecte mille souvenirs dans les doigts sur le clavier. Mais chaque aventure fait désormais aussi l’objet de mille observations, de déconstructions thématiques comme mécaniques (ah les vilains speed runners sacrilèges et pourtant si plein d’amour pour donner autant de leur temps à bégayer et raccourcir le trajet de Link). Après des années de silence culturel autour du jeu vidéo, les livres sur le jeu vidéo ne manquent plus, et les ouvrages sur Zelda en particulier non plus. Nintendo lui-même commercialise une encyclopédie Zelda (Hyrule Historia) évidemment incontournable.
Malgré la profusion d’infos, quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre des détails inédits et parfois mêmes croustillants à propos d’Ocarina of Time et Majora Mask’s à l’occasion de la dernière table ronde Iwata Asks consacrée au remake 3DS de Majora ? Sans forcément lever le voile sur tous les secrets intimes de la création et du fonctionnement de l’entreprise Nintendo, Eiji Aonuma nous apprend tout de même la pression que lui a imposé le déjà tout puissant Miyamoto pour concevoir Majora en une année seulement après Ocarina, qui en deviendront deux. Saturo Iwata souligne à ce sujet et non sans cynisme que le remake 3DS pris en charge par Grezzo a été conçu en 3 ans lui, soit en plus de temps que l’original ! Un luxe nécessaire et qui permet bien entendu à Nintendo de faire coïncider la sortie de Majora’s Mask avec celle de la New 3DS comme Ocarina of Time 3D avait fait décoller la 3DS quelques mois après sa commercialisation. Nouvelle preuve, s’il en fallait, de la synergie hardware/software indissociable du savoir faire Nintendo.

Zelda porte-drapeau hardware de Nintendo

Depuis quelques années, les jeux Zelda ont pris le relai des jeux Mario pour jouer les ambassadeurs hardware. Conçu pour la GameCube, Twilight Princess a été retravaillé et repoussé d’une année pour sortir avec la Wii et faire la démonstration du couple Wiimote/Nunchuk. Les jeux de l’épée de Skyward Sword ont été raffinés pour mettre en valeur le Wii Motion Plus avant d’être intégré dans les Wiimote. Link’s Crossbow Training a été conçu pour le Wii Zapper. Les remakes de Ocarina of Time puis Majora’s Mask ont été chacun leur tour les ambassadeurs technologiques premium de la 3DS puis de la New 3DS. Que va-t-il se passer alors avec le Zelda Wii U ? Le jeu va-t-il nous présenter lui aussi un nouvel accessoire ? Sinon, il s’agira du premier Zelda depuis des années à interrompre cette logique (si l’on exclu le remake HD de Wind Waker qui faisait néanmoins implicitement la preuve des qualités graphiques de la Wii U).
Dans leur présentation de fin décembre, le couple Aonuma/Miyamoto a fait la démonstration du Zelda Wii U en s’appuyant surtout sur les fonctionnalités du Gamepad tenu en mains. Utiliser tout le potentiel créatif du Gamepad vanté par Nintendo mais au fond si peu exploité pourrait suffire à soutenir le nouveau Zelda. D’autant que sans forcément le citer, Saturo Iwata a récemment réaffirmé la volonté de Nintendo de démontrer toutes les possibilités du Gamepad. Néanmoins, les derniers usagers Wii U devraient le confirmer, une fois la nouveauté passée, le Gamepad entre les mains devient vite crispant. La position écartée des mains forcée par l’écran du Gamepad ne crée pas la même sensation de contrôle intime d’une manette traditionnelle comme le rappelle le triste et heureux retour de la manette GameCube pour Smash Bros. De fait, Wind Waker HD utilise déjà de manière complémentaire le Gamepad. Pour surprendre, le nouveau Zelda est condamné à faire mieux que de présenter la carte d’Hyrule, même interactive, de permettre la gestion des objets, ou de viser façon vue subjective gyroscopique de la 3DS.

Link, le nouveau joker de la Wii U

Puisque Link défend désormais le hardware, Zelda arrivera forcément et naturellement dans le rôle du sauveur Noël 2015 d’une Wii U abandonnée par les éditeurs tiers (sauf le fidèle mais déçu Ubisoft). Comme l’anglais le dit mieux : ce devrait être le « second coming » de la Wii U. Depuis des mois Nintendo s’arc-boute sur son business modèle Wii U, rejoue des partitions bien connues avec des Mario Kart et des Smash Bros calibrés qui font tourner les moteurs et les tirelires. Mais le gamer avide d’inédits ambitieux made in Nintendo ne s’y trompera pas. L’excellent Captain Toad qui sera suivi d’ici la fin 2015 par les non moins prometteurs (faut-il douter du Nintendo Seal of Quality ?) Splatoon, Mario Maker, Yoshi Woolly World et Star Fox (supervisé par Miyamoto lui-même) éviteront à la Wii U de trop s’engourdir. Mais qu’on se le dise, ces jeux là ne seront que des amuse-gueules. Le vrai morceau, l’unique morceau – de bravoure qui illuminera la Wii U et qui fait que l’on s’accroche encore aujourd’hui au Gamepad comme à une bouteille à la mer, est bel et bien le Zelda nextgen conçu uniquement pour la Wii U.

Le monde a besoin d’un Zelda king size, sur grand écran, à la hauteur des puissances d’affichages d’aujourd’hui. Skyrim, Dragon Age Inquisition, Far Cry 4 et même les Assassin’s Creed ou le prochain The Witcher sont autant d’exemples à suivre. Y compris parce ceux-ci descendent tous du tout premier Zelda de la NES/Famicom puis, en version 3D, d’Ocarina of Time. Il serait donc temps que Nintendo rattrape ses héritiers et leur montre, pourquoi pas, de nouveaux horizons. Parce que, il faut le reconnaître, les centaines d’heures englouties dans tous ces jeux open world fourmillants d’activités n’abritent pas tant que ça de trouvailles de gameplay. Ils fonctionnent tous sur des boucles de gameplay, combats/loot/xp/repeat… tout juste rhabillés de décors et de contextes. À ce jour, même si en retard techniquement, les Zelda restent encore les patrons du gameplay évolutif ou chaque geste appris conduit à une nouvelle situation qui elle-même déclenche de nouvelles sollicitations physiques et mentales. Mais quels genres de bonnes et mauvaises surprises nous prépare Nintendo avec ce Zelda ?

Hyrule : futur royaume des animaux ?

Aonuma l’avoue donc indirectement, le monde ouvert et sauvage du Far Cry (4) d’Ubisoft est un objet d’étude pour la team Zelda chez Nintendo. Le deltaplane de Far Cry qui laisse survoler les vallées jusqu’à un point d’atterrissage, la vie sauvage en liberté, la chasse aux prédateurs, le contrôle plus ou moins indirect des animaux pour attaquer, voilà autant de moments fous et convaincants de Far Cry 4 à reproduire voire, si Nintendo a encore la magic touch, à améliorer. En tous cas à adapter au gameplay souple et pacifique de Zelda. Après tout, cavalier émérite et déjà en bonnes relations avec le royaume animal, Link fréquente depuis longtemps les chats et les poules, les cochons et les vaches, les oiseaux et les abeilles, sait déjà pêcher, attraper les papillons, jouer au cow-boy fermier avec des chèvres et sympathiser avec les petits singes… Mais que va donc faire Link obligé de caresser dans le sens du poil un hardware pur et dur innovant et un animal kingdom douillet et, en général, rassurant ?

Alerte game design : éviter les mêmes erreurs

On n’aura surtout pas l’outrecuidance de prétendre donner des leçons de game design à Nintendo. Toutefois, les intentions déclarées de Aonuma concernant ce Zelda Wii U et les grossièretés flagrantes non esquivées des derniers Zelda console de salon, Twilight Princess et Skyward Sword, laissent planer quelques inquiétudes. Pour plusieurs raisons ces deux derniers Zelda (ils mériteraient déjà des remakes complets, mais c’est une autre histoire) n’ont pas été tout à fait à la hauteur de la légende. Cherchant à vendre un Zelda plus « mature » avec une apparence plus proche des RPG occidentaux (moins de couleurs donc), et coincé par les limites de la GameCube, Twilight Princess est devenu un des Zelda les plus moches et graphiquement antidatés de son histoire. Nintendo y privilégie les grandes étendues et les grands décors au détriment des détails. Tout y semble en carton, à commencé par la nature et les arbres figés. Plus coloré et quand même mieux animé, Skyward Sword développé vraiment pour la Wii souffre, lui, d’un préambule bavard et interminable. À l’échelle du savoir-faire Nintendo, ce long tunnel obligatoire avant de s’envoler ressemble fort à une erreur de game design. De mémoire, il semble que Nintendo se soit plus ou moins excusé auprès des joueurs de cette trop longue introduction. Heureusement, la suite spirituelle de A Link to the Past sur 3DS a remis les pendules à l’heure. Zelda reprend enfin toutes ses couleurs dans A Link Between Worlds et l’idée consistant à mettre tous les objets et armes à disposition dès le début de l’aventure ressemble fort à une révolution conceptuelle. Quels défauts et quelles qualités va donc hériter le Zelda Wii U ? Graphiquement, même sans le style marqué toon shading de Wind Waker, ni le magnifique style tissu du mini Zelda de Nintendoland, le nouveau Zelda semble parfaitement animé et coloré.

Alerte game design : open world à trop tout faire

Aonuma a déjà prévenu que, façon open world, Hyrule serait toujours ouvert à l’exploration, sans doute sur le modèle de A Link Between Worlds, à grand échelle bien sûr. Mais qui dit open world, dit syndrome GTA et Assassin’s Creed. Faut-il craindre un Zelda éparpillé en centaines de mini quêtes et activités de remplissage (la fastidieuse pêche aux coffres et à la Triforce du Wind Waker GameCube original a laissé quelques marques indélébiles) ? De Nintendoland à Captain Toad, Nintendo a justement tendance ces dernières années à privilégier dans ses projets consoles de salon les mini games aux jeux de grande haleine. Quitte à casser l’élan de la course de Mario lui-même dans Super Mario 3D World. Sans doute un héritage du développement de jeux sur 3DS mobile. Encore une fois, du point de vue exploration tranquille et infinie de vastes contrées fantastiques, les modèles et repères gamers se nomment désormais The Elder Scrolls, Oblivion, ou Skyrim, Dragon Age (Inquisition) ou Far Cry et sans doute bientôt The Witcher. Déjà à l’époque du projet Ocarina of Time quand les mondes virtuels en 3D commençaient tout juste à naître, tout le monde se demandait avec quoi le joueur allait s’occuper dans tant d’espace vide. L’exploration émotionnelle de l’espace et des architectures n’était pas encore née, ni donc vécue. Aujourd’hui encore malgré les qualités avérées de ce type d’expérience contemplative (assumée par exemple par Journey) la peur du vide incite les développeurs à surcharger leurs jeux open world d’activités répétitives. Depuis A Link to the Past, l’expérience physique de l’espace et du temps qui se hume (chronologique et météorologique) fait partie de l’ADN de Zelda.

Alerte game design : le multi à tous prix

Autre tendance cette fois piochée dans le reste de l’industrie du jeu vidéo, Zelda pourrait aussi se diriger vers des modes multijoueur en ligne, notamment coopératif. Pionnier là comme ailleurs, Nintendo en avait déjà fait l’expérience avec un Wind Waker jouable sur GameCube avec un partenaire connecté en même temps avec la Game Boy Advance. Zelda Four Swords Adventures a ensuite poussé jusqu’au bout le concept d’un Zelda multi avec 4 joueurs Game Boy Advance réunis sur GameCube. Même si Link a toujours été pour l’essentiel un personnage partant seul à l’aventure, il y a de fortes chances que Nintendo inclut de manière plus ou moins optionnelle, un mode compagnonnage occasionnel à la Dragon Age Inquisition. Là aussi, l’ADN de Zelda est ailleurs mais…

Alerte game design : le piège Musou

Dans les extraits de gameplay du Zelda Wii U montrés par Aonuma et Miyamoto, Link chevauche sans contrainte les plaines d’Hyrule, et même la forêt en esquivant les arbres automatiquement. À cheval il peut frapper les ennemis à terre comme dans Twilight Princess, et le tir à l’arc bascule en mode bullet time pour mieux viser dans un joli ralenti. Autant de mécaniques de gameplay que Nintendo fignolera sans aucun doute. Dans le même temps Aonuma déclare fièrement à un Miyamoto qui joue les candides que Link peut ainsi chevaucher 3 à 4 mn sans discontinuer tellement les distances de terrain sont grandes. On se souviendra que, à pieds ou au galop, la grande plaine de Twilight Princess était bien vide. Pour donner vie aux plaines et collines du Hyrule nextgen et pour occuper Link sur son trajet, il ne faudrait pas que Nintendo rejoue le projet Hyrule Warriors et glisse entre deux donjons classiques des combats hack & slash à la Dynasty Warriors juste parce que la Wii U peut afficher des centaines de créatures passives à l’écran en même temps. Quand on pense que même Dragon Quest (Heroes) se la joue beat’em all énervé à la Dynasty Warriors, tout est à craindre de cette tendance Musou m’as-tu-vu.

Place au mystère

De ce nouveau Zelda inévitablement géant on ne sait rien, au fond. Aonuma déclare vouloir tenter de redéfinir les « conventions » bien connues de gameplay, revenir à une exploration et une approche des donjons moins dirigistes. Après la revisitation réussie de ces mêmes conventions dans A Link Between Worlds, rien ne laisse supposer que Nintendo ne trouvera pas la bonne nouvelle formule. À condition de ne pas tomber dans tous les pièges évoqués ci-dessus par un simple observateur passionné et tous ceux que seuls les professionnels de la profession savent voir et affronter. À la métaphore dépressive du demi verre vide ou plein on préférera, pour regarder venir en grand optimiste ce nouveau Zelda, le demi verre vide. Ce que l’on ne sait pas encore de ce Zelda est sans doute le meilleur : Zelda « hospitalier » comme Ocarina of Time ou « challenge » comme Majora’s Mask (voir Iwata Asks) ? Nouvel accessoire ou réinvention vraiment ludique du Gamepad Wii U ? Après le dark world, le voyage dans le temps, la musique et la chevauchée, l’éternel retour et les masques, le vent et la mer, la mutation en loup et le vol d’oiseau, quel est donc le nouveau concept FORT qui portera le Zelda Wii U ? Derrière ces mystères se cachent justement la continuation de la légende. Celle de Zelda, de Nintendo et de toute l’industrie du jeu vidéo forcément à l’affut.

François Bliss de la Boissière

(Publié en mars 2015 sur Gameblog)

 


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BEST OF JEUX 2014 : 5 jeux sinon rien

L’exercice annuel du best of passe d’abord et trop souvent par une simplification. Top 3, top 5… Top 10 ? Rarement. Réduction 2014 presque indépendante de notre volonté…

Destiny

Manque de place dans un magazine imprimé, réduction arbitraire sur un site Internet qui essaie de donner un cadre à ses rédacteurs spécialisés, tout concourt à une réduction de la synthèse annuelle au moment où, au contraire, elle devrait en profiter pour être analyser en profondeur. L’exercice serait « obligé » et incontournable, faisons le, sincèrement, personne n’en doute, mais superficiellement, bénévolement d’ailleurs tellement l’exercice est aisé… Alors de là à s’appliquer. Le marronnier de fin d’année révèle en général un manque d’imagination et de souffle sur un exercice qui, potentiellement, devrait donner toute la mesure créative d’une année jeu vidéo et de chaque rédacteur au minimum passionné. Le top 5 ci-dessous m’a été demandé par le bimestriel Games pour être publié sur le site web du magazine. Un désaccord formel avec la rédaction m’a poussé à faire dépublier le dit top tel qu’il avait été modifié sans mon accord. Le revoici en version originale. Le classement, bien sûr, ne surprendra pas, l’exercice annuel n’implique pas de faire la révolution et de bouder les grosses productions au top. Au contraire, il s’agit de réintégrer dans le même flux « objectif », oui « objectif », les blockbusters et les petites productions. Parce que les uns et les autres, les uns après les autres dans leur chronologie de parution, racontent une même histoire : celle d’une année jeu vidéo.

Les quelques lecteurs qui auront croisé mes Best of jeux naturellement étendus des années précédentes sauront ce que je veux dire (liens en bas de page). Ayant écrit plusieurs dossiers éditos pour le site enthousiaste Gameblog.fr en 2014, celui-ci m’a également aimablement proposé, comme en 2013, de participer à leur top/flop annuel. À lire en attendant une républication ici même. J’ai pu m’y étendre tout de même d’avantage.

BEST OF 2014 : 5 jeux sinon rien

1 – Destiny

Une justesse interactive quasi occulte du moment de jeu, une remise en scène du jeu du chat et de la souris entamé avec Halo et raffiné jusqu’à l’extrême 13 ans plus tard dans Destiny. Une science aussi de la terre tangible sous les pieds et du regard dirigé, de la narration par les décors et les cieux, muets mais si parlants. On va sur Vénus ou Mars, et, happé, on y reste.

2 – Infamous : Second Son

Dans le registre open world urbain on préférera toujours le plus aérien, le plus dynamique, le plus chaleureux et le moins graveleux, le plus esthétique aussi, de l’aube au crépuscule en passant par la nuit. Avec ses ballets au-dessus des toits et ses jets de néons éphémères, InFamous sur PS4 est un peu le Jakson Pollock digital du jeu vidéo.

3 – P.T.

Depuis longtemps, la plus intelligente démonstration du potentiel du jeu vidéo : surprendre le joueur, les habitudes marketing, les clichés de l’épouvante, de la narration et du gameplay. À l’heure du blockbuster qui fait tout péter, du gore qui salit tout et des démos bêtas qui avilissent, le duo de complices Kojima et del Toro l’affirment, dans le jeu vidéo aussi : qui peut le plus, peut le moins.

4 – Monument Valley

Citons sans trop de gène ce qui ne saurait être mieux reformulé après avoir été imprimé dans Games #3 : Dans ses vallées de cathédrales devenues mausolées où « il ne reste plus personne pour nous pardonner », avec douceur et délicatesse, Monument Valley convie le jeu vidéo à refaire ses humanités.

5 – Metro Redux / Oddworld New ‘n’ Tasty (ex aequo)

2014, l’année des « remasterisations » qui auront sauvé la next-gen de sa honteuse descente en enfer connecté. Enfin en série A (+ A +A), le si bien écrit et joué diptyque ukrainien devient l’écho sous-terrain du dernier conflit russo-ukrainien. Et le retour d’Oddworld, et de son créateur Lorne Lanning, confirme que obstination auteuriste et vision durable ont aussi tous les droits dans le jeu vidéo.

BEST OF JEUX 2013 : L’année à couper le souffle
BEST OF JEUX 2012 : L’année du loot
BEST OF JEUX 2011 : L’enfance de l’art
BEST OF JEUX 2010 : Une sélection militante
BEST OF 2009 : Les jeux, les jeux, les jeux

François Bliss de la Boissière

(Publié puis dépublié en décembre 2014 sur le site du bimestriel Games)

 


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Le business des remastérisations next-gen : racket ou réhabilitation artistique ? 2/2

Malgré le soupçon commercial qui les accompagne, jusqu’ici tout va bien, les remastérisations ne volent pas leur nom et ont au moins comme vertu de faire rentrer certains jeux dans une histoire culturelle durable du jeu vidéo. Même si, d’un point de vue consommateur, le prix d’entrée n’est pas toujours adéquat.

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Témoignage artistique durable avant tout

Jeux entre les mains et exigence bien affutée grâce à un équipement audiovisuel assez performant pour témoigner dans le détail des améliorations supposées, la plupart des rééditions sorties jusque là (début du mois d’août 2014) en majorité sur PS4 méritent toute leur attention et rendent bel et bien hommage au travail artistique accompli par les développeurs. Ainsi sur PS4, en attendant Journey, les immenses flOw et Flower de Jenova Chen y gagnent encore en clarté et beauté éblouissante. Le gore mais humoristiquement connoté Dead Nation : Apocalypse Edition transforme le shooter aride en stupéfiant jeu de sons et lumières donnant chair à la vue rétro top-down. Également rétro, la série compilée des déjà classieux PixelJunk Shooter prend elle aussi sur PS4 une épaisseur tangible transformant les matières et tous les fluides en étonnement permanent. Revenu littéralement d’entre les morts, le remake totalement New ’n’ Tasty de Oddworld : L’Odyssée d’Abe s’approche au plus près de l’ambition artistique originale après laquelle l’exigeant Lorne Lanning court depuis les années 90. Le plus que jamais intimidant The Last of Us confirme, parmi cent autres détails, le méticuleux travail de reconstitution d’une Amérique rendue à la végétation. À la rentrée, le viral phénomène Minecraft continuera sa contagion sur PS4 en étalant un terrain de fouille 36 fois plus grand que sur PS3. Et même le plus ouvertement opportuniste recueil de jeux Halo sur Xbox One, d’abord utile à combler l’attente d’un Halo 5 à la date anniversaire du 11 novembre, s’ingénie à réinventer l’exercice de la compilation en organisant un accès horizontal « open bar » inédit à chacun des jeux de la série. Pour le gamer esthète le plaisir plastique espéré est jusqu’ici confirmé. Les textures hautes résolutions affichent effectivement plus de détails de près comme de loin et provoquent un accroissement de la proximité avec les personnages et les décors et une augmentation de la distance de vue qui agrandit alors, dans les jeux en 3D, le terrain de jeu ou d’exploration. Pour le gamer performatif, le cap d’un affichage garantissant 60 images/seconde rend chaque geste plus fluide, plus fiable, plus responsif aux prouesses physiques imposées par le gameplay ou la course au score. Dans tous les cas les vertiges de l’immersion augmentent et la carte de visite comparative next-gen/last-gen devient explicite.

Opportunisme

Preuve s’il en fallait des nouveaux enjeux économiques et symboliques de ces remasterisations haut de gamme de jeux – rappelons-le – récents et non oubliés par l’histoire technologique, l’annonce officielle de la sortie d’une version next-gen du monstre Grand Theft Auto V a eu lieu pendant la conférence Sony de l’E3 2014. Bien qu’attendue par l’industrie, le choc des conditions de l’annonce fut tel que l’hypothèse d’une exclusivité PS4 de GTAV a même fait tourner à vide les médias quelques heures avant que Rockstar ne confirme une sortie simultanée sur Xbox One et PC. Rockstar n’ayant pas pour habitude de surexploiter ses productions singulières couvées pendant des années, la réédition en super HD de GTAV ne peut qu’être respectueuse de la gigantesque communauté de fans de la série. Mais avec plus de 35 millions d’exemplaires du jeu vendus sur Xbox 360 et PS3, cette édition de luxe conduit forcément à une évidence : elle visera un grand pourcentage de gamers ayant déjà acheté le jeu sur last-gen. Les conditions tarifaires pour passer à la version next-gen de GTAV ne sont pas encore officialisées (versions PS4 et Xbox One affichées à ce jour plein tarif à 60 €) mais en revanche Rockstar a confirmé que les sauvegardes PS3 et Xbox 360 (progression du jeu principal et multi) seront transférables sur PC, PS4 et Xbox One. Pour obtenir totalement le respect des joueurs-consommateurs prêts à jouer le jeu, les « remasterisations » pourraient commencer en effet par là.

À lire, 1ère partie…
Le business des remastérisations next-gen : racket ou réhabilitation artistique ? 1/2


Remasterisations next-gen : le tsunami opportuniste

En 2014, face à un calendrier frugal de jeux next-gen originaux et de nombreux reports à 2015, les rééditions dites remasterisées sur consoles next-gen ont pris la vedette. Blockbusters et jeux indés réédités se succèdent pour combler le vide et faire valoir les nouvelles consoles. *

Déjà sortis…

  • Tomb Raider : Definitive Edition
  • Dead Nation : Apocalypse Edition
  • flOw
  • Flower
  • Fez
  • PixelJunk Shooter Ultimate
  • Another World 20e anniversaire
  • Guacamelee! Super Turbo Championship Edition
  • Oddworld : New ’n’ Tasty
  • The Last of Us Remastered

Prochainement…

  • Metro Redux
  • Halo : The Master Chief Collection
  • Minecraft
  • Grand Theft Auto V
  • Grim Fandango HD
  • Resident Evil
  • Sleeping Dogs

Rumeurs…

  • Beyond Two Souls Director’s Cut
  • The Unfinished Swan
  • Mass Effect Trilogy
  • Call of Duty : Modern Warfare Collection
  • Journey

* Liste non exhaustive, des annonces tombent chaque semaine


François Bliss de la Boissière

(Publié en sept-oct 2014 dans le bimestriel Games)

 


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GAMES_05 ok Remasterisations

Le business des remastérisations next-gen : racket ou réhabilitation artistique ? 1/2

Le nombre de rééditions de prestige avec comme premier prétexte un rehaut technique s’allonge chaque jour et mélange dans le grand fourre-tout du jeu vidéo : blockbusters sur disques et jeux indés haut de gamme à télécharger. Pour qui et pourquoi faire ?

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The Last of Us, Halo, Grand Theft Auto V, Metro : Last Light, et même Zelda : The Wind Waker sur Wii U… les rééditions hier occasionnelles sur PS3 et Xbox 360 virent au phénomène de masse sur consoles next-gen. Alors qu’un tel procédé éditorial propice à controverses (revendre un produit déjà commercialisé, risque d’altération tactile et plastique du projet original) pourrait se contenter comme ces dernières années sur PS3, Xbox 360, PS Vita, d’un calendrier de rééditions anecdotiques (date anniversaire d’un jeu célèbre ou injustement oublié, accompagnement d’un nouveau titre d’une série, compilation…), l’afflux inédit à cette échelle de rééditions en mode « haut de gamme » sur consoles PS4 et, dans une moindre mesure, Xbox One, dans la toute première année de leur existence, soulève quelques questions. Le jeu vidéo entretient-il tout seul son histoire culturelle ou exploite-t-il sans scrupule commercial son catalogue ? La réponse, forcément, ne s’affichera pas plus clairement en 60i/s et 1080p.

Business is business

En 5 ou 6 ans (entre les sorties du premier iPhone, 2007, et du premier iPad, 2010, déclencheurs à deux déflagrations du big bang des jeux dématérialisés et indépendants), l’industrie du jeu vidéo a basculé d’une culture volatile attachée à des supports technologiques physiques voués à disparaître régulièrement, vers une culture dématérialisée durable puisque se propageant de manière virale d’une génération de matériel à une autre sans plus vraiment de limites ou de frontières physiques. La crainte de voir disparaître un jeu vidéo avec son support physique d’origine n’existe presque plus. Même le plus obscur des jeux devient susceptible d’une renaissance sur un support ou un autre. Le business des rééditions HD sur PS3 et Xbox 360 (voire sur iPhone et iPad) de jeux PSOne, PS2 et Xbox a été entrepris et entretenu avec un bonheur inégal d’abord et surtout par les éditeurs japonais soucieux de capitaliser sur leurs licences historiques en perte de vitesse. Dans ce prolongement logique d’exploitation, Square Enix a été le premier à commercialiser une réédition améliorée du reboot de Tomb Raider sur la nouvelle génération de consoles quelques mois seulement après sa sortie. Entérinant une résurrection technique et artistique inattendue de Lara Croft, la bonne réception critique et commerciale de la réédition rapide sur PS4 et Xbox One du reboot Tomb Raider aura donc ouvert grand la voie aux rééditions de productions… occidentales ! Car toujours empêtrés dans leur décalage culturel et technologique, les japonais continuent de rééditer leurs productions last-last-gen sur last-gen laissant seul Capcom annoncer tristement un énième remake de Resident Evil sur toutes les consoles, y compris PS4 et Xbox One.

Logique d’exploitation

Le phénomène des « remasterisations » dérive de plusieurs facteurs techno-économiques mais aussi culturels plus ou moins contrôlés. Pour la première fois depuis longtemps, une nouvelle génération de consoles ne propose pas de rétro compatibilité avec les jeux de la génération précédente. Un manquement culturel fondamental de la PS4 et de la Xbox One que les constructeurs justifient avec des arguments techniques et commerciaux spécieux (économiser le coût de fabrication des nouvelles consoles aux technologies si « avant-gardistes »). Le peu de remous populaire devant cette carence technique confirme peut-être un désintérêt avéré pour une rétro compatibilité hier symbolique réclamée à grands cris à défaut d’être totalement vitale. Il y a quelques années, un responsable Microsoft avait déclaré, presque dépité, qu’un très faible pourcentage de joueurs Xbox 360 relançait des jeux Xbox sur une Xbox 360 pourtant rétro compatible. La vague de rééditions dites HD pour des jeux en théorie déjà HD, « remasterisés » sonne alors mieux, dès la première année de la PS4 et de la Xbox One mais si elle laisse pourtant trainer quelques soupçons. À quel point la suppression de la rétro compatibilité n’est pas d’abord l’instrumentalisation de nouvelles formes de commercialisation ? Avec peine Sony essaie par exemple déjà de faire exister sous abonnement prohibitif un procédé de pratique en streaming de jeux du catalogue PS1, PS2 et même PS3 (PlayStation Now, en expérimentation seulement aux USA). Et la prolifération de rééditions si tôt dans le cycle de nouvelles consoles laisse entendre qu’une clientèle existe. Il faudrait aujourd’hui alors demander au courageux Nintendo encore attaché à ce « vieux » concept de rétrocompatibilité combien de joueurs lancent des jeux Wii sur Wii U.

Jargon technico-commercial discutable

Le techno mantra supposé transformer chaque réédition en célébration high-tech se livre sous une formule en forme d’équation à vocation magique : 60 i/s et 1080p enfin réunis sans faillir sur l’autel des nouvelles consoles, PlayStation 4 en tête. Même s’il faut rester vigilant devant cette hyperbole technologique croissante, l’escroquerie commerciale crainte n’a pas encore eu lieu en 2014. Les jeux plus ou moins indés concernés sont soit offerts aux abonnés PSN, et même parfois Xbox Live, soit accessibles contre une dime mesurée. Et les grosses productions arrivent dans des packaging qualité-quantité-prix honorables, si l’on fait l’impasse, bien entendu, sur le fait de l’avoir déjà acheté sur autres consoles. Bien que la ressortie d’une version améliorée d’un jeu populaire ou reconnu semble viser un public averti déjà conquis, qui sont les acheteurs réellement ciblés ? Josh Walker, Product Manager chez Sony Computer, avance une théorie selon laquelle la remasterisation de The Last of Us, par exemple, viserait un grand nombre de propriétaires de PS4 qui « n’auraient pas joué au jeu sur PS3 » (big brother is watching you gamer, ndr). Quel serait le profil de ces early adopters Sony/PS4 capables de rater le dernier grand jeu de la PS3 ? Peut-être et très probablement les switchers Xbox 360 revenus en masse dans le giron Sony grâce à la PS4. Pour les fidèles Sony venus en ligne droite de la PS3, pas de récompense cependant. Si Sony vend cette remasterisation un peu moins chère que le prix de vente initial du jeu PS3 (50 € aujourd’hui contre 70 € hier, DLC inclus) l’éditeur ne propose pas de réduction aux acheteurs de la version PS3. Si problème il y a vis à vis des rééditions de qualité et donc tentantes de blockbusters, c’est bien la politique tarifaire qui entretient l’idée qu’il est normal de racheter un produit déjà payé. Le système d’upgrade d’une poignée de jeux PS3 vers PS4 contre une dizaine d’euros proposé au lancement de la console de Sony avait pourtant montré le bon exemple.


Nintendo, le cas toujours à part

Sur Wii U, le remake du toujours magique Zelda : The Wind Waker de la GameCube a certes valeur d’exemplarité artistique mais s’inscrit dans une approche éditoriale exceptionnelle chez Nintendo. Les rééditions nombreuses d’anciens titres Nintendo sur DS, 3DS, Wii puis Wii U passent essentiellement par une émulation littérale des jeux d’époque, pour le pire comme pour le meilleur du témoignage historique. En réalité, même s’il cherche d’abord et surtout à combler le manque de sorties originales sur Wii U, The Wind Waker HD appartient, après les déjà lointains upgrades de Super Mario 64 sur DS puis de Ocarina of Time 3DS, aux pépites intemporelles que Nintendo décident de réhabiliter parcimonieusement de façon à être jouable aux normes techniques du jour. Assez d’indices conduisent à penser aujourd’hui que Majora’s Mask devrait à son tour subir un prochain lifting à la Ocarina sur 3DS.


Suite…

Le business des remastérisations next-gen : racket ou réhabilitation artistique ? 2/2

 François Bliss de la Boissière

(Publié en sept-oct 2014 dans le bimestriel Games)

 


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BEST OF JEUX 2013 : L’année à couper le souffle

Chaque année une ou plusieurs tendances technique ou artistique se dégagent, discrètes ou « in your face ». Comme si les créateurs se passaient le mot. En 2013 l’utilisation appuyée de la respiration haletante du personnage principal a brusquement fait basculer l’usage jusque là occasionnel à la surexploitation, à la limite du ridicule dans certaines productions ou situations à force d’être aussi appuyée.

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Surjouée comme à chaque trouvaille du jeu vidéo, l’utilisation de la respiration comme outil de ponctuation ou d’amplification sonore se justifie pourtant chaque jour un peu plus pour donner vie aux personnages virtuels. Et elle s’explique de plusieurs façons. Par-delà le suspens et l’excitation de l’action, le jeu vidéo cherche désormais à provoquer, ou plutôt à faire vivre, des émotions affectives à travers des héros à l’apparence et aux réactions de plus en plus proches des êtres de chair et de sang. Faire entendre, quitte à en rajouter dans la ventilation, tous les rythmes de la respiration doit déclencher chez le joueur une empathie charnelle, rendre crédible par mimétisme biologique les situations. Et donc faire croire à ce que vit et subit son héros de polygones. Après des années de motion capture où des acteurs récitaient leur texte derrière un micro, la performance capture s’est généralisée à la plupart des grosses productions. Sur le modèle défendu par Avatar au cinéma et Naughty Dog et Quantic Dream dans le jeu vidéo, les acteurs jouent ensemble et physiquement les situations dans un studio avec des accessoires. Quand un acteur grimpe une échelle ou se hisse sur un échafaudage, il suffit de lui demander de bien faire entendre son effort pour que son souffle enregistré devienne un outil sonore de mise en scène à part entière. Au cinéma cela serait surjoué, dans un jeu vidéo avec des personnages de cire numérique, cela aide à y croire davantage. La nouvelle Lara Croft en particulier, soit disant moins sexualisée (c’est tout l’inverse !) fait entendre de façon très explicite inspirations et expirations à tout moment. Sa respiration ponctue chacun de ses gestes, les plus intimes comme sa réaction démesurée aux cascades spectaculaires provoquées par le décor. Derrière elle, les Nilin de Remember Me, Elllie et Joel de The Last of Us et, bien sûr, la Jodie de Beyond : Two Souls, soupirent et grognent à qui mieux mieux. Et parfois sanglotent. Mélangé à des effets d’ambiance assez raffinés pour oser les silences et des partitions musicales de plus en plus nuancées et inspirées, le jeu des acteurs (en VO) a également nettement progressé cette année. Malgré quelques excès, 2013 est aussi l’année de la maturité sonore. Même les dialogues des NPC de Assassin’s Creed IV sont désormais justes et bien placés dans l’espace.

Et cela tombe bien que cette année 2013 exceptionnelle (millésime même) à tous points de vue soit aussi essoufflante à entendre qu’à vivre. Malgré d’ultimes chefs d’œuvre, les consoles PS3 et Xbox 360 étaient arrivées à bout de souffle. Et, à force d’accélération, tous les halètements entendus dans l’année ont fini par accoucher… d’une nouvelle génération de consoles de salon. Après tant de contractions, le soupir d’aise est de rigueur.

Mode d’emploi de ce best of : Sur le modèle du cinéma qui ne compare pas les longs métrages et les courts métrages, productions à gros budgets, jeux dits indés et jeux portables ont chacun leur top, même si les frontières sont poreuses. Toujours militant pour davantage de créations originales et moins de suites, les jeux inédits et les suites (identifiées comme telles) sont classés à part. Ce à quoi vient s’ajouter – pourquoi faire simple ? – une nouvelle tendance/catégorie indentifiable et à suivre : les reboots (où se glisse – parce qu’il fallait bien trancher – Bioshock Infinite) dont la réussite et la perche tendue par les nouvelles consoles vont forcément déclencher un mouvement général (Thief, Zelda ?, Prey ?…). Pour des raisons indépendantes de notre volonté, jeux Xbox One pas encore pratiqués en longueur, mais, pour les avoir essayés, aucun des trois premiers jeux Microsoft ne serait apparu dans ces tops. D’une manière générale, dans la volonté d’élever le jeu vidéo au-dessus de sa condition de défouloir et de série B ou Z, même si réussis, les jeux à base de violence excessive et souvent gratuite, ne peuvent pas devenir les symboles principaux d’une année jeu vidéo. L’absence de titres célèbres dans ces listes n’est donc pas accidentelle.

Top jeux inédits 2013

Autre tendance majeure installée dans la majorité des blockbusters : pouvoir détecter à distance les ennemis et objets d’intérêts et, tant qu’à faire, y compris à travers les murs. Hier réservé à l’équipement high-tech d’un Sam Fisher dans Splinter Cell, ou à la magie noire de Dishonored, toutes les excuses sont maintenant bonnes pour offrir au joueur un super pouvoir proche du méta game : vision d’aigle dans Assassin’s Creed, ouï hyper sensible dans The Last of Us, créature commandée à distance dans Beyond, magie ou hyper sensibilité de Lara Croft dans Tomb Raider ? Une aptitude toute au service du gameplay qui se double d’une dimension esthétique puisqu’elle offre une nouvelle interprétation visuelle du décor, souvent dans de jolis noirs et blancs éthérés. Le joueur est de plus en plus dans le jeu et au-dessus du jeu. Raison de plus pour prendre de la hauteur…

1 / Beyond : Two Souls
Au-delà des polémiques stériles autour d’un gameplay qui ne serait pas ci ou ça, Beyond est une œuvre cohérente à tous les niveaux : narratif, intellectuel, interactif. Il y a quelque chose de complet, d’autonome, dans l’expérience Beyond. David Cage est sur une piste qu’il faut encourager plutôt que critiquer. Elle n’élimine pas le reste de l’industrie aux arguments interactifs plus traditionnels.
(Quantic Dream / PS3)

2 / Remember Me
Sans doute le jeu le plus visionnaire (aux côtés de Bioshock Infinite) avec son néo Paris de 2084 tagué d’étiquettes virtuelles comme si tout le monde portait déjà des Google Glass 4egénération. Histoire et background particulièrement bien écrits et thème sur l’exploitation de la mémoire pour le coup vraiment adulte. Descendant plus qu’honorable des beat’em all japonais, le touché est un peu fuyant mais toujours fiable par rapport aux besoins du jeu. Avec regrets, Remember Me semble avoir rejoint les plus célèbres incompris de ces dernières années (Mirror’s Edge, Enslaved…). Ce qui promet une prochaine réhabilitation puis un culte.
(Dont Nod Entertainment / Xbox 360, PS3, PC)

3 / The Last of Us
Dommage que le talent tout terrain de Naughty Dog se laisse aller à la surenchère de violence gore sous prétexte de générer de l’empathie. Quel joueur adulte trouvera crédible une petite fille (mineure) capable de flinguer et poignarder à tours de bras et au corps à corps des humains (en plus des « infectés ») ? Surtout que, oui, Naughty Dog a aussi réussi à concrétiser dramatiquement les échanges de coups au corps à corps. Ce qui restera surtout au-delà du jeu des comédiens impeccables dans les cinématiques (en VO) : le stupéfiant « road movie » interactif qui présente une coupe transversale de l’Amérique traversée de villes en bourgades dévastées, d’universités abandonnées en lodges perdus dans la nature. L’énorme et minutieux travail architectural à partir de lieux réels laisse vraiment l’impression d’avoir visité tous ces endroits.
(Naughty Dog / PS3)

4 / Ni no Kuni : La Vengeance de la sorcière Céleste
Le double pedigree Level-5 et studio Ghibli ne suffit pas tout à fait à expliquer la douce magie qui émane de ce vibrant hommage aux jeux de rôles japonais. Tous les clichés y sont revisités mais transcendés et allégés des lourdeurs du JRPG traditionnel (combats tour par tour semi temps réel, exploration libre…). Une splendeur visuelle intemporelle, une interactivité sophistiquée mais accessible. Un conte appréciable par les enfants ET les adultes.
(Level-5 / PS3)

5 / Zelda : The Wind Waker HD
Pas « inédit » au sens commercial puisque déjà sorti sur GameCube en 2002 (soit au moins deux générations de nouveaux gamers en arrière), mais à jamais unique, s’agit-il là d’une suite, d’un reboot, d’un remake ? Un peu tout cela et bien plus. Car voilà surtout la preuve qu’il s’agit là, comme un dessin animé de Myazaki, d’un jeu indémodable, intemporel, transgénérationnel, transtechnologie, transcontinental… qu’il fallait absolument rendre accessible à tous sur une console contemporaine. La première et suffisante raison d’acheter une Wii U.
(Nintendo / Wii U)

Top suites AAA 2013

1 / Assassin’s Creed IV : Black Flag
Le choc inattendu d’une série trop vite essoufflée par des sorties annualisées. Sur la PlayStation 4 où tout l’espace terre-mer se dévoile sans pudeur, ce Blag Flag devient le descendant adulte de Wind Waker : orages et tornades en mer compris. Au point de filer presque un coup de vieux au chef d’œuvre pourtant indémodable de Nintendo.
(Ubisoft / PS4, Xbox One, PC, PS3, Xbox 360)

2 / Gran Turismo 6
Après un Gran Turismo 5 au bord de l’apoplexie et de l’accident industriel plombé par une interface inabordable, GT6 retrouve de manière totalement inespérée sa couronne de Real Driving Simulator. Non seulement parce que les menus se laissent enfin découvrir sans écueils majeurs, mais parce que la conduite a fait un grand bond en avant avec une gestion bien plus souple et organique des amortisseurs et des dérapages scotchant à la route.
(Polyphony Digital / PS3)

3 / Super Mario 3D World
2D et 3D modérée se confondent dans un festival d’épreuves plutôt courtes faisant à chaque seconde la démonstration de l’inventivité sans fin de Nintendo. Épuisant de créativité.
(Nintendo / Wii U)

4 / Pikmin 3
Sans doute la version définitive du concept de RTS à la sauce Nintendo amorcé il y a déjà bien longtemps sur GameCube. Sans surprise, un peu tard dans la grande chronologie du jeu vidéo mais irrésistible sur Wii U et son rendu photo réaliste.
(Nintendo / Wii U)

5 / Battlefield 4
En laissant de côté les différents bugs, dont ceux liés aux modes multijoueur, la campagne solo de Battlefield 4 déroule morceaux de bravoure sur morceaux de bravoure. Bien sûr les triggers happy pressés de s’éprouver en ligne n’y verront, comme dans le dernier et plutôt réussi aussi Call of Duty : Ghosts, qu’une succession de rides sans grands enjeux. Et pourtant, pour le joueur « ordinaire » de FPS qui prendra le temps d’apprécier le décor et la mise en scène autour de lui, chaque tableau est vraiment épique, la claque physique énorme. Sans compter l’esthétique classieuse saturée unique du moteur Frostbite.
(DICE / PS4, Xbox One, PC, PS3, Xbox 360)

Top reboot 2013

1 / Tomb Raider
Après des trailers maladroits et des polémiques mal venues, le projet de reboot de Tomb Raider a fait très peur, jusqu’à ce que, une fois en mains, le jeu fasse ses preuves, et quelles preuves ! Plus cascadeuse de haut vol qu’Indiana Jones, cette nouvelle Lara emprunte le meilleur de tous les trucs des blockbusters de ces dernières années avec, là surgit le choc le plus important, un aplomb et un polish interactif inédit dans la série.
(Crystal Dynamics / Xbox 360, PS3, PC, Mac, à venir : PS4, Xbox One)

2 / Bioshock Infinite
Autant caser dans la section « reboot » ce Bioshock au contexte complètement réinventé qui ne retient du premier épisode qu’une partie du gameplay FPS/RPG US. Ken Levine vise clairement très haut, trébuche avec des séquences de tir absurdes qui finissent par écorner le monde si méticuleusement édifié. Il n’empêche, après Rapture sous les eaux, la cité dans le ciel de Columbia a d’ores et déjà marqué pour toujours le jeu vidéo.
(Irrational Games / Xbox 360, PS3, PC, Mac)

3 / DmC Devil May Cry
Deux choses importantes à retenir de cette fabuleuse réinvention aussi jouable que splendide à voir, une double confirmation : le savoir-faire japonais en jeu d’action est bel et bien totalement dépassé par celui de l’occident ; le studio Ninja Theory est un des meilleurs monde, et sans doute le plus chic (Enslaved).
(Ninja Theory / Xbox 360, PS3, PC)

Top jeux indés 2013

La notion de jeux indés devient chaque jour un peu plus flou. Curaté par Steam ou en accès libre autonome sur ordinateur ? Publié par Microsoft sur Xbox Live… Arcade (appellation souvent déplacée, Brothers, qui s’y trouve, n’est pas un jeu « d’arcade ») ? Soutenu par Sony Computer ? Portable ou sur appareils de salon ? Une ligne pointillée sépare désormais tous ces jeux dont le véritable point commun serait d’avoir été créé avec un « petit » budget là aussi très variable.

1 / Brothers : A Tale of Two Sons
La démonstration bouleversante qu’un jeu vidéo peut émouvoir par le gameplay, et c’est un réalisateur de cinéma qui vient la faire en collaboration avec un studio de jeu vidéo.
(Starbreeze / XBLA, PSN, PC)

2 / Luxuria Superbia
Il suffit de toucher ce jeu ventouse sur iPad pour ne plus resté bloqué aux scènes de douche ou de lap dance en substituts de scènes de sexe censurées des grosses productions. Le sexe en jeu vidéo, c’est possible finalement. Même sur l’App Store Apple, qui l’eu cru ?
(Tale of Tales / IOS, Android, PC, Mac, Linux)

3 / The Stanley Parable
Une mise en abime complice, physique et mentale étonnante du joueur et du créateur. L’équipe de Galactic Cafe a visiblement bien retenu les pistes lancées par Portal et Portal 2… (Partie encore en cours mais déjà manipulé par le jeu de façon magistrale).
(Galactic Cafe / Mac, PC)

4 / Gone Home
Un descendant indoor de Myst, plus matérialiste et midinette, mais aussi plus proche de la vie réelle, plus psychologique. L’introspection en jeu vidéo a désormais un nom. Les nostalgiques des années 90 sont tombés les premiers amoureux de ce touchant hommage à une époque grunge chérie avant d’entrainer d’autres publics. Dommage que, techniquement, le jeu donne du fil à retordre à des gros iMac (PC ?) pas plus vieux que 2009.
(The Fullbright Company / PC, Mac, Linux)

5 / The Cave
Pas si classique ce revival du puzzle exploration de Ron Gilbert, drôlement malin et bien animé. On en rit encore.
(Double Fine Productions / XBLA, PSN, IOS, Android, PC, Mac, Linux)
Top jeux portables 2013

1 / Zelda : A Link Between Worlds
L’impact émotionnel de ce revival du classique SuperNintendo ne peut vraiment pas s’apprécier sereinement tellement il bouleverse les sens et fait trembler les doigts. Le plus beau compliment qu’on puisse lui faire consiste sans doute à craindre que toute l’énergie créatrice de ce A Link Between Worlds hyper dynamique sur 3DS rende très difficile de relancer l’original.
(Nintendo / 3DS)

2 / Luigi’s Mansion 2
L’original GameCube était et reste un jeu vraiment unique. Cette suite baptisée Dark Moon en VO (sans le chiffre 2 peut-être rassurant pour le marché européen, mais, au fond, insultant) confirme un mélange d’action, exploration, puzzle et ambiance vraiment fun, toujours surprenant et fondamentalement stupéfiant. Personne en 12 ans ne semble avoir exploité le système impayable de pêche à la ligne aux fantômes. Bulletstorm en avait peut-être trouvé une déclinaison en forme de FPS…
(Nintendo / 3DS)

3 / Tearaway
Comme LittleBigPlanet avant lui, Tearaway ne peut pas exister sans le talent poétique du studio Media Molecule seul capable d’injecter dans un jeu plein de surprises, de poésie, de folie douce, d’humour premier et énième degré. Un jeu capable de mélanger des concepts abstraits tout en exploitant toute la panoplie interactive tactile disponible sur PlayStation Vita.
(Media Molecule / PS Vita)

4 / Badland
Magnifique à regarder, étonnant à jouer, seul et même à plusieurs, le tout avec un seul doigt sur iPad. Une des plus complètes production artistique sur iPad avec un gameplay vraiment organique sans cesse surprenant.
(Frogmind / IOS, Android)

5 / Ridiculous Fishing
Dans la catégorie des jeux idiots (Angry Birds quelqu’un ?) faussement simpliste, Ridiculous (c’est dans le titre) Fishing remporte le pompon. Achever ses poissons au shotgun façon ball-trap après les avoir pêchés en eaux profondes, ça ne s’explique pas.
(Vlambeer / IOS, Android)

Top DLC 2013

Hier systématiquement réservés aux parties multi-joueurs en ligne au grand désarroi des amateurs de jeux narratifs prêts à prolonger l’histoire, les DLC de jeux d’action à vocation narrative auront eu droit en 2013 à de vrais chapitres additionnels. Mention spéciale au culotté et quasi high-concept Blood Dragon vaguement accroché à Far Cry 3.
> Dishonored : La Lame de Dunwall
> Dishonored : Les sorcières de Brigmore
> Far Cry 3 : Blood Dragon
> Bioshock Infinite : Buried at sea
> DmC Devil May Cry : La chute de Vergil

Le mot de la fin.

En 2013, la conclusion de trois jeux importants ont confirmé la maturité grandissante du jeu vidéo en général. (GARANTI SANS SPOILERS) Les dernières images et ultimes mots ou silences de Beyond : Two Souls, Brothers et The Last of Us impressionnent grandement par leur audace et capacité à prolonger leur vibration interne au-delà du mot FIN. Chacun de ces jeux se concluent logiquement en même temps que leur histoire, ferment bien leur boucle narrative et émotionnelle, et pourtant, ils continuent de résonner dans le joueur/spectateur bien après la dernière ligne du générique. Les trois jeux osent un véritable coming out au moment de leur conclusion, révèlent tout à coup une ambition thématique et un propos supérieur qui offrent au jeu vidéo, après Journey, une dimension intellectuelle et philosophique que les guetteurs du jeu vidéo vraiment adulte sauront apprécier.

François Bliss de la Boissière

 


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Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 3/3 : Reality check

Nouvelles techno pour quoi faire (de mieux) ? 3e et dernière partie d’une réflexion sur un conflit entre marques et constructeurs qui n’a plus de raisons d’être qu’en surface. Dans leurs entrailles technologiques, les 3 concurrents en lice jouent le même jeu ou presque.

Next-Gen DR

Dur

La PlayStation 4 et la Xbox One sont équipées de processeurs AMD comme la Wii U avant elles. Le ventre de toutes les nouvelles consoles ressemblent désormais à celui d’un PC haut de gamme. Les nuances des différences techniques entre les consoles Microsoft et Sony ne parlent qu’aux développeurs les plus pointus. Premier argument de séduction, les qualités graphiques augmentées des unes et des autres se vérifieront empiriquement et devront sans doute attendre la deuxième vague de jeux. La Xbox One est cette fois équipée d’un lecteur Blu-ray, les jeux tiendront (enfin) sur un seul disque comme sur PlayStation 3 et 4.

Futur proof

Les consoles sont de facto compatibles 3D stéréoscopique et, potentiellement, UltraHD (résolution 4K : 3840×2160), le nouveau super format des écrans TV disponibles en magasins et appelés à se démocratiser les prochaines années. Tactile. Les changements les plus tangibles viennent des manettes. Celle de la Xbox One équipe pour la première fois les gâchettes de moteurs de vibrations et de résistances indépendants aptes à rendre plus palpables encore les mondes virtuels. La Dualshock 4 change radicalement de prise en main et de design avec des sticks et des gâchettes ne glissant plus. Elle incorpore un mini pad tactile cliquable aux possibilités inattendues.

Social

La grosse révolution au potentiel viral incalculable associée à l’accès aux réseaux sociaux consiste à pouvoir capturer et enregistrer des extraits images ou vidéo de sapartie et à les partager. Contrôle à distance. Xbox One et PS4 sont en théorie plus autonomes, capables de télécharger de lourds fichiers (jeux et films) en tâche de fond, en mode veille, se pilotent à distance par Internet ou des applis mobiles. Les caméras associées à chaque console permettent de manipuler des éléments par le geste, d’apparaître en pied dans l’écran et de reconnaître la manette du joueur et sa position dans la pièce.

Point noir

Aucune console n’est spontanément rétro compatible avec les jeux des générations précédentes.

 

Lire aussi…
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 1/3 : endémique
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 2/3 : à pomme  et à vapeur

François Bliss de la Boissière

(Aurait dû être publié en décembre 2013 dans le bimestriel Games sauf que l’encadré imprimé par erreur sur la page de Games #1 ci-dessous ne contient pas le texte prévu. Celui-ci est donc lisible ici-même.)

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Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 2/3 : à pomme et à vapeur

La PlayStation 4 et la Xbox One semblent siffler le top départ de la 8e génération de consoles de salon fin 2013 alors qu’en réalité, dilué, le palier générationnel a déjà été franchi il y a de longs mois. Réflexions en 3 parties autour d’un conflit chronique depuis… toujours.

Next-Gen DR

Trop low-tech pour flasher les esprits, la Wii U a ainsi été la première fin 2012 à mettre entre les mains une tablette permettant de jouer en coordination avec l’écran du téléviseur. Une innovation doucement complexe et next-gen tellement évidente que les deux concurrents Sony et Microsoft n’auront de cesse, encore une fois, d’imiter Nintendo et de proposer des contrôles similaires via des applis sur tablettes ou même en passant par la PSVita devenue manette auxiliaire avec écran tactile de la PlayStation 4. Mais, pour la première fois, ces trouvailles de gameplay et de contrôles tactiles désormais répandus n’ont pas été inventées par un des acteurs du jeu vidéo.

La pomme…

Le premier vrai danger pour l’industrie historique du jeu vidéo vient de l’extérieur et s’appellent Apple, et dans une moindre mesure, Android. Un flux ininterrompu d’applis interactives tactiles, jeux vidéo en tête, alimente sans tarir les 250 millions d’iPhone, les 153 millions d’iPad et les 500 millions de smartphones et tablettes Android. Des appareils mobiles potentiellement capables de communiquer avec le téléviseur, d’y faire afficher leur contenu et donc leurs jeux. Initiées par des start-ups qui confondent encore bonnes intentions et savoir-faire (nombre de prétendant aux consoles de salon se sont cassées les dents au fil des âges : 3DO, Jaguar, Pippin, Phantom…), les mini consoles Android à glisser sous le téléviseur ne sont pour l’instant que de pales imitations de consoles de salon. Google en personne, grand maître de l’écosystème Android, fera peut-être mieux en sortant une console à son nom. C’est prévu. En cachant le mieux ses ambitions, le concurrent le plus inquiétant de Nintendo, Sony et Microsoft se nomme donc Apple. La marque devenue la plus populaire au monde devant Coca-Cola et Google a déjà posé une bombe à retardement sous le téléviseur. Il suffirait d’une mise à jour logicielle pour que le discret galet Apple TV qui diffuse pour l’instant des chaînes de VOD devienne apte à afficher des applis et donc des jeux. Une mise à jour suffirait pour transformer un Apple TV qui ne coûte que 109 € en console de salon. Les iPhone et iPad déjà dans les foyers devenant de facto des manettes tactiles.

… et la vapeur

Alors que ces challengers sont bien connus, l’arrivée récente du projet Steam Machine du bien aimé et fortuné studio Valve ouvre une porte inattendue. Si passer des jeux PC/Mac à la moulinette Linux pour les afficher dans un PC tout en un à brancher sous le téléviseur s’avère une solution aujourd’hui incertaine, la révélation surprise de la manette tactile SteamOS osant éradiquer les sticks analogiques, concrétise l’ambition de Steam de conquérir à son tour le salon. Une chose est sûre, ultra puissantes, polyvalentes, aussi ouvertes sur le monde virtuel, le nuage que le salon, toutes ces machines sont aptes à évoluer en temps réel, à se diriger de façon organique là où les joueurs et les consommateurs iront. Dans 3 ou 5 ans, la même console dans la même boite n’offrira sans doute pas le même service qu’aujourd’hui.

À suivre…
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 1/3 : endémique
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 3/3 : reality check

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2013 dans le bimestriel Games)

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Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 1/3 : endémique

La 8e génération de consoles de salon est là, plus grosse, plus lourde, plus bruyante, plus chère que jamais. Et encore une fois elle défie toutes les conjectures. Réflexions en 3 parties sur un conflit chronique depuis… toujours.

next-gen DR

Il n’y a pas si longtemps, les prévisionnistes de la high-tech annonçaient les PlayStation 3 et Xbox 360 comme étant la dernière génération de consoles de jeux vidéo. Leurs descendantes allaient devenir des petites « box » donnant uniquement accès à des services dématérialisés, dont le jeu vidéo. C’était mettre la charrue avant les bœufs, confondre les emballements sans gravité de la Loi de Moore et la pesanteur naturelle de la population et du marché physique. C’était oublier que dans l’exercice de la démocratie directe générée par Internet, les gamers sont au premier rang, qu’ils défendent leur histoire, leurs droits de consommateur et un certain savoir-jouir attaché à leur console, objet affectif, fétiche et de nos jours pièce à collection. Comme l’aura démontré à son corps défendant le précurseur Onlive et sa tentative de proposer du jeu (PC) en streaming, ni le marché, ni la technologie, ni les réseaux ne sont prêts. Les consoles de salon réduites en mini box ce sera peut-être pour la prochaine génération, dans 7 ou 10 ans. En 2013, les nouvelles consoles rejouent alors la carte de la puissance ici et maintenant et se contentent de rêver l’amorce d’une vie éternelle de services dans le nuage. En espérant que les joueurs les suivent.

Rédemption et inceste

Depuis sa renaissance inespérée après le crash de 1983 qui a vraiment failli étouffer l’embryon, l’industrie interactive s’autorégule. Le jeu vidéo cultive l’égo du joueur mais dès que le succès d’une marque prend le dessus et trop d’assurance sur la concurrence, le marché remet la pendule des orgueils à l’heure. Sega est venu défier Nintendo qui caracolait seul en tête dans les années 90. La PlayStation 2 de Sony s’est épanouie sur les cendres fumantes de la Dreamcast de Sega. L’outsider Xbox 360 a pris la place du cœur des core gamers devant l’arrogante PlayStation 3. L’histoire est connue, au point de devenir prévisible, et pourtant elle se répète. En déclarant la Xbox One maîtresse des services télé et des chaînes de sport, Microsoft a cru pouvoir impunément faire le coming out du « media center » refoulé depuis les années 2000. Aveuglé par le succès (80 millions de Xbox 360 vendues), l’arriviste Microsoft a le premier oublié les fondamentaux du jeu vidéo à vocation exclusive que les vétérans Nintendo et Sony entretiennent jalousement, quitte à masquer leurs intentions. Les trois fabricants chassent pourtant les mêmes chimères de convergences audiovisuelles : le GamePad Wii U pilote la télévision, les PlayStation 3 et 4, Xbox 360 et One proposent des services de VOD et d’écoute de musique… Et le jeu vidéo dans tout ça ? Pour les nostalgiques de l’âge d’or du jeu vidéo, l’époque bénie des consoles uniquement dédiées au jeu vidéo est révolue et marque la fin d’une ère. Machines hybrides à tout faire, les nouvelles consoles auraient perdu leur vocation initiale et donc leur personnalité. Le conflit entre les marques traditionnelles n’a pourtant jamais été aussi saignant, les enjeux économiques et technologiques aussi importants. Surtout que les nouveaux challengers Apple et Steam viennent à leur tour défier les monstres sacrés du jeu vidéo.

À suivre…
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 2/3 : à pomme et à vapeur
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 3/3 : reality check

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2013 dans le bimestriel Games)

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Naissance de blissTUBE

Comme quelques images valent plus que bien des mots et en attendant de prochains articles (on ne se l’interdit pas), rendez-vous sur…

blissTUBE sur YouTube pour consulter des vidéos made in « exclusives »

blissTube

Et…

blissTUBE sur Tumblr pour consulter des photos chics & softs 

tumblr blissTube

Opinions et news à suivre également sur Twitter @Bliss_voice

 


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BEST OF JEUX 2012 : L’année du loot

Sans rire, ni pleurer, ni – comme d’habitude – s’interroger, le jeu vidéo s’est inventé en 2012 un nouvel argument commercial ridicule : le « loot ».

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Des RPG aux FPS, la pratique utilitaire bien banale du jeu vidéo consistant à ramasser sur sa route des orbs, des pièces de monnaie, des flacons, de la magie et des munitions s’est transformée en pratique de masse. Au point de devenir un argument marketing à part entière. Un bon jeu solo aujourd’hui doit garantir une grosse dose de… looting, c’est à dire, en bonne traduction de… pillage ! Après les assassinats et autres descentes militaires en piqué, le jeu vidéo continue de cultiver le bon goût. Fouiller ou fracasser les placards, caisses ou coffres ne suffit plus. Pour trouver sa dose de subsistances ou de pseudo richesses, il faut impérativement dépouiller le cadavre d’un civil, d’un soldat, d’un maniaque, ou d’un monster, gentil ou méchant peu importe. L’important étant qu’il soit à terre, criblé de balles, égorgé, nuque brisée, brûlé vif, mort si possible, mais pas forcément. L’agonie lente, voire perpétuelle à moins d’un coup de crosse final, fait désormais aussi partie du folklore obligé…

Sans connaître par cœur ni les règles de guerre ni les lois de la cité, il semble connu de tous que, dans la vie, le pillage et la fouille de dépouilles sont strictement forbidden sous peine de… Sans même parler du code de l’honneur, de la dignité ou du dégoût pur et simple. Une critique mesquine et déplacée parce que, bien sûr, le jeu vidéo aurait comme vertu cathartique d’autoriser ce qui serait « tabou ». Sauf que dans le jeu vidéo les lignes rouges virtuelles – mais intellectuelles – se franchissent sans le savoir, en toute tranquillité. Il n’y a donc pas là transgression consciente ni bras d’honneur d’insoumis, mais une banalisation de la bêtise humaine transformée en activité virtuelle sans queue ni tête. Le jeu vidéo du jour brouille les pistes d’un monde réel de plus en plus flouté au lieu de l’éclairer comme il en a le potentiel (merci éternel à Journey justement). Mariée au level-up, la collecte d’items divers existe évidemment depuis longtemps dans certains jeux très spécialisés comme les jeux de rôle japonais, américains ou massivement multijoueur en ligne. Mais elle se retrouve aujourd’hui au premier plan aussi des jeux d’action avec, en plus, une surenchère quantitative conduisant à l’absurde organisationnel et scénaristique : stockage mobile arbitraire et de toutes façons jamais suffisant qui oblige à abandonner au hasard son butin sur la route. La fusion des genres, RPG + action ou FPS, et la combinaison de la puissance de calculs et de l’absence d’imagination conduisent à un remplissage du vide par le… looting.

Symbole plus rigolo mais tout aussi tragique de cette fuite en avant vers la surconsommation en substitut d’action, au lieu de se réinventer un gameplay, Mario lui même oblige désormais à courir après 1 million de pièces jaunes sur 3DS ! Sans (ouf !) toucher au cadavre encore fumant d’un ennemi. Quoi que, les koopas tout de même…

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Top Jeux inédits 2012

Au sens figuré, le pillage culturel du jeu vidéo s’est aussi normalisé en son sein. Les clins d’œil et autres hommages au début joliment qualifiés de rétro gaming respectueux sont surtout devenus prétexte à fabriquer aujourd’hui à la chaîne des jeux pas très chers à partir des codes graphiques et interactifs d’hier. La frontière reste fine entre réimagination et pillage du patrimoine. Il n’empêche, dans les best-of des jeux inédits retenus (les suites à chiffres ont leur propre palmarès ci-après), le nombre de jeux uniquement créés et vendus en dématérialisé a explosé. Bien qu’il faille bien un peu déplorer la fin prochaine des jeux et boutiques physiques, le jeu vidéo en tant que moyen d’expression, lui, a déjà trouvé son nouveau terreau.

1 / Journey (That Game Company)
Un jeu-Monde comme il n’en existait pas encore. Après flow et Flower, le jeu vidéo tient réellement en Jenova Chen le nouveau phare lumineux du médium interactif. Celui qui ouvre la voie et l’horizon, celui qui comprend le jeu vidéo traditionnel et refuse de le soumettre aux diktats barbares contemporains et aux conventions archaïques. L’œuvre de Jenova Chen compense en la complétant l’absence de celle de Fumito Ueda et de son Last Guardian qui manque toujours à l’appel. Le voyage espéré en début d’année a fait plus que se confirmer. Nouvelle preuve de la marque durable de cette œuvre majeure, Journey a été nominé 11 fois aux prochaines récompenses de The Academy of interactive Arts & Sciences (DICE).

2 / Dishonored (Arkane Studios)
Depuis le premier Assassin’s Creed on n’avait pas vu lancement médiatique aussi assourdissant. À tel point que la méfiance devenait de facto un pré requis. Sur le terrain, c’est à dire entre les murs et sur les toits de la cité de Dunwall imaginée par Viktor Antonov, le buzz collectif pénible se transforme en joie solitaire. Depuis Bioshock on n’avait pas vu ça, une telle cohérence entre le fond et la forme, les visuels et le level design, le scénario et les dialogues, un tel équilibre entre contraintes et liberté d’action. Seul le titre cloche. Honored aurait été plus à sa hauteur.

3 / Gravity Rush (Sony Computer Japon)
Double choc 2012. Un des jeux les plus innovants et enthousiasmants de l’année existe uniquement sur la déjà mal aimée PlayStation Vita et a été conçu par une équipe japonaise en pleine forme créative ! Deux atouts improbables à l’aube des années 2010 et pourtant. Réalisation graphique audacieuse, canons du beat-em all à la japonaise respectés mais pas seulement, l’aérien Gravity Rush dynamise l’exploration libre de la magnifique ville suspendue grâce à la manipulation de la pesanteur et les commandes singulières de la nouvelle console Sony. Un jeu signé Keiichiro Toyama (Silent Hill 1, Forbidden Siren) qu’il ne faudra désormais plus lâcher.

4 / Sound Shapes (Queasy Games)
Trop passé inaperçu, ce jeu de plateforme néo rétro hyper design et jouable au choix sur PlayStation 3 et/ou PS Vita fusionne avec un culot réussi plusieurs milieux artistiques : graphistes, musiciens et concepteurs de jeu. Le touché quasi parfait du gameplay met en scène des décors dessinés faussement abstraits d’une grande pureté plastique et des musiques électro d’un grand chic.

5 / Deadlight (Tequila Works)
L’héritier direct et responsable de Another World, Flashback, Prince of Persia (original), Oddworld : Abe’s Oddysee et donc un jeu de plate-forme/action en scrolling horizontal profitant de l’Unreal Engine pour fignoler tous les détails visuels et d’animation à la hauteur d’un blockbuster en 3D. L’ambiance générale, le rythme posé, l’assurance du gameplay, l’écriture et les dialogues, dont les voix américaines très solides, en font un jeu d’une grande maturité. Au point d’arriver à faire pardonner l’exploitation rabâchée des zombies. Réduits à l’état de silhouettes noires ils sont judicieusement baptisés « ombre ». Sans doute un contre-point au titre du jeu. Version furtivité plus cartoon, le brillant Mark of the Ninja le talonne.

6 / Little Inferno (TomorrowCorporation)
Quand on pense aux mille efforts des blockbusters pour se donner l’air transgressif alors qu’il suffit d’un feu de cheminée pour foutre le feu aux bonnes manières ! Tous supports physiques ou dématérialisés confondus, la plus étonnante pépite de la Wii U se cache pour l’instant dans le tout nouvel eShop Nintendo avant de sortir, comme il était prévu, sur iPad (dispo aussi sur PC/Mac et Linux). Les créateurs du fantastique World of Goo accouchent d’un jeu au plan fixe sur une cheminée où le joueur jette tout ce qu’il trouve dans des catalogues inutiles, y compris des nounours en peluche. Dans un plaisir forcément hautement subversif, tout est consommé jusqu’aux cendres. Y compris l’enfance et l’amour.

7 / Papo & Yo (Minority)
Le jeu a clairement quelques raideurs techniques mais l’intention derrière ce projet mérite toutes les louanges. Il fallait oser glisser le joueur dans la peau d’un petit garçon se faufilant dans une favela brésilienne. Il fallait oser lui associer, sans perdre son sérieux, une créature géante rose tantôt docile ou colérique. Il fallait oser y glisser une métaphore du fils et du père sous l’emprise de l’alcool.

8 / Escape Plan (Fun Bits Interactive)
L’ambiance gothique cartoon noir et blanc encre de chine vaut tous les messages dans ce jeu de réflexion-action pas si sobre qui exploite malignement le dos tactile de la PS Vita. Comme dans un film muet, le mélange de cruauté et de candeur met en valeur les deux personnages que l’on peut qualifier de Laurel & Hardy du jeu vidéo. C’est un compliment.

9 / Little Big Planet PS Vita (DoubleEleven)
Sans trop de surprise sinon une bonne, entre les mains d’un nouveau studio, le bébé de Media Molecule continue sa belle route créative et n »oublie pas de mettre en valeur les fonctions tactiles recto-verso de la PS Vita. Le jeu redevient expérimental pour le plus grand plaisir.

10 / The Walking Dead (Telltale Games)
Malgré de gros soucis technique et même ergonomique, le jeu émotionnellement presque digne de la série marque les esprits et l’industrie du jeu vidéo en réussissant d’une pierre deux coup (et 5 épisodes) ce qui échappait jusque là au médium : à savoir un modèle dramatique interactif et un modèle économique interdépendant. La progression dramatique réussie entretient le format épisodique à rebondissements et, réciproquement, le fractionnement en épisodes génère une tension et un désir d’en savoir plus. Un certain David Cage qui espérait déjà accoucher de ce modèle au début des années 2000 avec Fahrenheit doit grincer des dents, ou être content d’avoir eu raison. Et, pour faire bonne mesure, le jeu trouve aussi toute sa place sur l’écran tactile de l’iPad.

Top suites 2012

Elles sont là, ronflantes, rassurantes pour la population gamer qui en veut pour son argent, obligées par l’économie et la technologie qu’il faut amortir d’épisodes en épisodes, équipées quasi systématiquement de multijoueur pour, toujours, les mêmes joueurs, au détriment de ceux continuant à valoriser les aventures scénarisées. Et, quitte à soupirer devant la répétition, il faut les jouer parce que les blockbusters, avec leurs défauts et leurs rengaines, restent encore aujourd’hui le fleuron technologique de l’industrie du jeu vidéo. Et parfois, oui parfois, dans les suites, les auteurs arrivent à se réinventer. Ainsi dans ces trois jeux qui s’appuient sur leur concept initial pour aller un peu plus loin…

1 / Darksiders II (Vigil Games)
La production over ambitieuse provoque quelques hoquets techniques mais rien qui freine le gameplay en temps réel. Cette suite accentue très franchement la partie exploration/puzzle des donjons au détriment du hack & slash – de toutes façons plus sophistiqués que God of War grâce à l’équipement – et rapproche ainsi plus ouvertement le jeu du modèle Zelda. Plus complet, plus intense, bien écrit, bien joué, et totalement authentique avec, en plus, une version Wii U aux qualités certaines comme celle de donner accès directement au donjon du DLC inclus.

2 / The Darkness II (Digital Extremes)
Oui le FPS fonctionne un peu trop en couloir mais scénaristiquement les trajets restent logiques. Et surtout, la réalisation flamboyante, des visuels aux bruitages, de la narration off aux dialogues en anglais presque dignes, cette fois, du cinéma, placent cette production au top des réussites. Prise en main comprise. Le gore, condamnable parce que inutile dans tant d’autres productions, a ici toute sa place grâce à l’autodérision qu’il implique. Rarement la schizophrénie a été aussi bien mise en scène dans un jeu vidéo.

3 / Far Cry 3 (Ubisoft Montreal)
La bonne surprise est arrivée presque sans alerte. Suite ou pas, ce Far Cry efface les précédents velléitaires et devient la référence du FPS open world en milieu sauvage. Là aussi l’acting VO au top et un touché remarquable combiné à un joli sens topographique donnent corps et presque âme à un terrain de jeu/chasse saisissant. Cette fois, le joueur n’a plus besoin de rugir pour jouer au prédateur, il l’est, tout simplement. Et, il faut le signaler, en dehors des impeccables Rayman 2D, voilà un des rares jeux Ubisoft dont la prise en mains est non seulement totalement fiable mais vraiment jouissive.

Mentions spéciales à…

Spec Ops : The Line (Yager Development)
Pour ses couleurs, son sable rouge, son épatante mise en scène de l’introduction et, bien sûr, son décor inédit tout en verticalités de la ville de Dubai, ce TPS militaire s’impose artistiquement malgré une violence parfois crasseuse et au fond inutile.

Black Knight Sword (Grass Hopper)
Il faut quand même du génie pour mener à bien un tel concept et fondre un jeu de plateforme/hack & slash dans un décor de théâtre macabre en carton où le héros se déplace vraiment sur scène, devant le rideau ! Le jeu vidéo dans son ensemble avance de deux cases créatives grâce à ce projet dingue et réussi.

Catherine (Atlus Persona Team)
Totalement inclassable, c’est sa force, aux côtés de Gravity Rush et du récent Black Knight Sword, cet OVNI nippon sorti tardivement (mais courageusement) en Europe redonne foi en la scène japonaise. Même, et surtout, si l’on ne comprend pas tout. Il y a des sentiments, un peu, de l’érotisme, pas plus, de l’ésotérisme, pas trop, de la dérision, pas mal, et une partie action étrange où il faut grimper un escalier jusqu’aux cieux, à moins que cela ne soit l’enfer. Indescriptible donc.

> Okami HD (Capcom)
La réédition en HD sur PlayStation 3 avec ou sans le PS Move, redonne toute sa glory au jeu flamboyant de ex Clover Studio et confirme ce que les initiés savaient déjà depuis la PlayStation 2. À savoir qu’il s’agit là d’un des monuments du jeu vidéo et donc à entretenir absolument. Merci Capcom et Sony.

> Consoles Sony
La majorité des gamers hardcore s’active plutôt sur Xbox 360 et Xbox Live, mais comme le soulignent les tops ci-dessus, les jeux les plus créatifs et les plus innovants sont apparus cette année sur le PlayStation Network de la PlayStation 3 et sur la PlayStation Vita ! Un paradoxe terrible qui fait craindre que les consoles Sony ne deviennent des appareils arty pour happy fews avertis. Alors s’il fallait faire un vœu pour 2013 : rallumons nos PS3 et PS Vita et osons les jeux vidéo audacieux exclusifs, ils ne coûtent pas très cher, eux, et entretiennent bien plus sérieusement la culture du jeu vidéo.

> iPad Mini
Oublions les petites haines et jalousies partisanes héritières de la tradition consoles, car le futur du jeu vidéo pourrait bien être là (le GamePad Wii U en atteste en tous cas). Parfait compromis ergonomique entre l’iPod Touch/iPhone et l’iPad standard, l’iPad Mini a surtout le potentiel vertigineux de supplanter toutes les autres consoles de jeux portables. Même en se passant des si pratiques boutons tradis des PS Vita et 3DS. Sans le ressentir soi-même, il suffit de bien regarder sur quel appareil se ruent en priorité les enfants qui ont accès aux trois machines. Indice : ce n’est ni une machine Sony, ni une machine Nintendo. Alimenté par un App Store de plus en plus fourni en « vrais » jeux, l’outsider Apple d’hier est chaque jour mieux armé pour prendre la première place. Pour ne pas s’en inquiéter, après tout, il suffit de ce saisir de ce nouvel outil interactif. Le reste, c’est à dire le plaisir et la prise de conscience, viendront tout seul…

8 jeux IOS inédits incontournables

– Rayman Jungle Run
– The Walking Dead
– Lili
– Nihilumbra
– MotoHeroz
– The Room
– Tentacles Enter the Dolphin
– Vectrex Regeneration

François Bliss de la Boissière

 


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iPad Mini : Extension du domaine du jeu

Sans être tout à fait une surprise, l’iPad Mini révèle un potentiel sans limite repérable. Nouveau standard de tablette, remplaçant de l’iPad traditionnel, tueur de liseuses numériques et des mini tablettes Android ? Tout cela et même plus, comme d’être en situation de devenir la console portable du marché qui renversera pour de bon les autres. Ce qui déchainera les passions…

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Sidération…

Steve Jobs n’en voulait pas et il faut continuer de donner raison à son intuition visionnaire. Deux ans et demi séparent ses déclarations et la sortie de l’iPad Mini. Une éternité sous le tempo du tic-tac emballé de l’horloge numérique. Aujourd’hui, l’évidence physiologique de l’iPad Mini contredit moins le gourou d’Apple qu’elle ne conforte et prolonge son flair. À chaque moment du temps et de l’espace son point de convergence. L’iPad 1 avait sa raison d’être dans le paysage numérique il y a deux ans, l’iPad Mini a la sienne aujourd’hui. Steve Jobs en aurait sans doute convenu. L’entreprise orpheline Apple a en tous cas pris sans lui cette décision importante à plus d’un titre. L’iPad Mini est notamment la première création d’un appareil Apple qui n’aura été ni souhaité ni conçu par Steve Jobs. Même si bien d’autres considérations économiques sont à l’origine de la naissance de l’iPad Mini, du point de vue simplement empirique de l’utilisateur, Apple a eu raison de s’émanciper. Car après la stupeur de tenir un iPad aussi léger, nait la réalité bien concrète de l’usage. Et, contre toute attente, l’iPad Mini trouve sa place dans le quotidien de la vie numérique sans nécessairement phagocyter l’iPhone ou l’iPad traditionnel.

Logique de la généalogie numérique

Quand le premier iPad a été présenté au monde en 2010, l’ambassadeur d’un futur post… ordinateur de bureau (attention à ne plus vexer les ténors du monde PC au risque de les pousser à refaire… Surface) devait frapper l’esprit et les sens. Son généreux format A4 entre les mains affirmait sans conteste la « magie » de ce nouvel avatar de la révolution numérique en cours. Le rapport surface d’écran et finesse de la machine (y compris du lourdaud premier iPad sans équivalent en 2010) avait le pouvoir de créer un choc sensoriel, de bousculer la programmation des cerveaux calés sur le format des écrans de smartphones ou d’ordinateurs de bureau. Tout à coup les magazines, les eBooks, Youtube, Internet dans son intégralité (sauf le controversé Adobe Flash bien entendu) et les jeux vidéo s’affichaient dans une toute nouvelle splendeur digitale, surtout intimement saisie par les mains. Le statut naturel de cahier numérique endossé par l’iPad réduisait le populaire iPhone à l’état de carnet de notes et s’imposait, pour les consommateurs assidus de contenus digitaux, comme un grand frère complémentaire chez soi, au bureau, ou au café. Une évidence pratique qui se découvre chaque jour en se substituant carrément à des usages professionnels : présentateur TV équipé d’un iPad (maquillé) à la place d’une pile de fiches, chef d’entreprise lisant son discours sur un iPad, conférenciers, médecins, aviateurs, banquiers, commerciaux, photographes, artistes… et bien d’autres. Quelques 100 millions d’exemplaires vendus plus tard, l’iPad est devenu un standard du monde informatique, c’est à dire de l’usage quotidien du numérique.
Néanmoins, malgré son apparente portabilité, notamment depuis la version 2 plus franchement slim, la taille et le poids (601 à 652 g) de la tablette 9,7 Apple deviennent handicaps au moment de vraiment l’utiliser en mobilité. L’iPad se transporte d’un endroit à l’autre pour être utiliser à un endroit ou à un autre mais malgré de nombreuses tentatives, il n’arrive pas sincèrement à rejoindre un usage mobile. Trop lourd trop encombrant trop voyant. Dès qu’il met la main sur un iPad Mini, un usager d’iPad standard ressent un choc physique presque irréel. Les dimensions si radicalement réduites d’un outil si familier (presque moitié moins lourd) déclenche un premier rejet d’incrédulité avant d’ouvrir grand les fenêtres de possibles déçues de l’iPad 1 et 2.

Tablette reboot

Qu’Apple l’ait envisagé ou pas, l’iPad Mini déclenche une totale réévaluation des usages de l’iPad traditionnel. Le mini offrant exactement les mêmes services à travers le même catalogue de 275 000 applis, il ne faut pas longtemps pour mesurer celles qui gagnent au change de la réduction. Première évidence, la lecture de livres numériques. Le format 200 x 134,7 mm le rapproche de celui d’un livre et son demi poids, plus léger encore en ressenti que sa pesée réelle (308 g), permet vraiment de le tenir d’une main sans fatigue. Y compris en position horizontale puisque le cadre étroit ne laisse pas beaucoup de marge pour le tenir en vertical. Les sessions de lecture allongé sur canapé ou dans le lit avec un iPad normal deviennent brusquement des souvenirs douloureux. Testé dans la rue grâce au partage de connexion 3G via Wi-Fi d’un iPhone, l’iPad Mini, même seulement Wi-Fi, devient de facto l’écran GPS de préférence. Facile à dégainer d’un sac à main, beaucoup plus intuitif à tenir là aussi d’une main que l’iPad, il n’encombre pas la marche à pied ni les mains. Son écran nettement plus généreux que l’iPhone devient, tel un GPS automobile de luxe, un vrai guide visuel en marchant là où le petit écran de l’iPhone oblige l’utilisateur à se crisper sur son écran au lieu de regarder son trajet. Grâce à de nombreuses applis, l’iPad fait également office de télécommande d’une installation audiovisuelle à domicile. Les mêmes aptitudes de l’iPad Mini, sans l’encombrement sur la table du salon ou sur les genoux, réinventent et facilitent là aussi l’usage domestique. D’une manière générale, le Mini passe de mains en mains beaucoup plus facilement, s’attrape et se trimballe d’une pièce à l’autre avec une décontraction que ne supporte pas l’autre iPad. L’iPad Mini craint sans doute autant la chute que son grand frère mais sa légèreté la rend moins probable, sa prise en main plus assurée. Chaque nouveau jour de cohabitation une scission naturelle distingue peu à peu les usages avérés et potentiels de chaque appareil.

Mini problèmes

Plus évident à la lecture d’eBooks et d’un certain nombre d’autres pratiques, l’iPad Mini trouve quand même ses limites. Par exemple dans la lecture de magazines ou de quotidiens (le grand argument contre une tablette petit format de Steve Jobs justement). Le ratio d’écran du Mini étant le même que l’iPad 2 non rétina (1028×768 px), les éléments graphiques s’affichent en petit format et, dans le cas de certains boutons de commandes (les + et x de la navigation sur Safari notamment), deviennent plus délicats à déclencher. Rien de choquant pour un utilisateur déjà bien habitué aux miniatures sur iPhone, mais crispant par rapport à l’accessibilité spontanée du « grand » iPad. La saisie de texte au mini clavier virtuel cumule, elle, des avantages et des inconvénients. Les touches plus petites imposent là aussi un exercice de légèreté que sauront maîtriser sans problème les forcenés du speed texto sur Smartphones mais qui éloignent encore une fois l’iPad de la convivialité d’un clavier physique pour la saisie de texte au kilomètre. En revanche, grâce à ses dimensions plus resserrées, les touches du clavier alphanumérique s’accèdent plus facilement et donc plus vite. En particulier celles regroupées au centre de l’écran en position horizontale qui obligent à parfois allonger la main sur iPad traditionnel. Et il en va de même pour toutes les commandes et prompteurs placés au milieu de l’écran. Les audaces ergonomiques du jeu vidéo offrent à ce titre un bon test.

Game changer

Voilà déjà plusieurs années que l’iPhone et son pendant iPhone Touch se comportent comme des consoles portables, quand bien même personne n’ose l’affirmer ainsi, en particulier Apple. Dans leur foulée, les premières générations d’iPad ont magnifié le catalogue de jeux de l’AppStore qui couvre désormais tous les genres, tous les styles et toutes les époques. En s’immisçant entre le petit écran des iPhone/iPod Touch et les grands écrans de l’iPad, le Mini semble encore une fois redondant, bâtard le cul entre deux chaires. À l’usage pourtant, dégager en touche l’iPad Mini s’avère une plus grosse erreur théorique encore concernant le jeu vidéo. Car en réalité, de Angry Birds à Secret of Mana, de Another World à Skylanders, de Lazy Raiders à Need forSpeed, l’iPad Mini devient la première vraie console de jeu Apple susceptible de supplanter toutes les autres. Un danger d’autant plus sérieux pour la concurrence que ce damné iPad Mini arrive encore une fois non déclaré sur le terrain du jeu vidéo. Et que les enfants, déjà scotchés aux iPad et iPhone, ne vont pas s’embarrasser de scrupules culturels made in jeux vidéo traditionnels pour se ruer sur l’irrésistible l’écran de l’iPad Mini.

Le jeu vidéo traditionnel sous pression

L’affaire est grave pour les constructeurs historiques Sony et Nintendo, et dans une moindre mesure Microsoft, que tous les gamers du monde affectionnent, même si officiellement ils nient la menace. En particulier un Nintendo qui joue à l’aveugle de surface tout en allumant des contre-feu aux propositions Apple (3D sur 3DS, manette tablette sur Wii U, écosystème favorable aux développeurs indes sur eShop…). Quelques minutes de jeux sur iPad Mini suffisent sans aucun doute à donner un énorme coup de vieux à la PlayStation Vita et à la 3DS. Et même au GamePad de la Wii U qui se la joue console portable de salon. Nul besoin de se déclarer expert en ergonomie pour saisir à quel point la simplicité, l’éclat et la réactivité de l’iPad Mini remplacent d’une seule vitre lisse tous les efforts « boutonneux » de la concurrence. La finesse de l’appareil entre les doigts, sa vitre à tout faire, son impression de légèreté presque déraisonnable compensée par la sensation de solidité procurée par la coque métallisée, rendent l’appareil bien plus malléable que toutes les autres solutions tout à coup vulgairement mécaniques des constructeurs historiques. Presque n’importe quel jeu devient une évidence sur iPad Mini. La taille de l’écran ouvrant grand, mais pas trop, le jeu, l’écartement des mains et donc la prise en mains bien plus crédible et proportionnée que celle de l’iPad tradi… Toutes les manipulations et formes de contrôle à une ou deux mains deviennent intuitives, mieux, agréables. Si les consoles portables traditionnelles étaient comparées à des épées versatiles prêtes à tous les combats, l’iPad Mini serait un sabre de samouraï. Sous l’autorité de son design, tous les jeux se transforment en expériences pures. Même avec les jeux quelconques, rudimentaires ou mal fagotés. Et, à fortiori, avec un bon jeu, même compliqué par les ersatzs de contrôles analogiques sur la vitre. Une limite ergonomique de moins en moins sensible grâce au génie des créateurs de jeu qui s’adaptent de mieux en mieux à ces nouvelles contraintes et réinventent petit à petit de nouvelles interfaces ou façons de jouer.

Mario acculé

Bien sûr, comme le démontre encore une fois le GamePad de la Wii U, les sticks analogiques et boutons physiques offrent l’expérience de jeu la plus riche. Mais cet héritage ergonomique mécanique des années 80-90 est voué à disparaître. Même si Nintendo semble faire deux pas en arrière avec les interfaces de jeux traditionnelles associées à la Wii U à moitié portable, le GamePad propose bien de jouer, comme la DS et 3DS, en touchant une vitre au doigt ou au stylet. La PS Vita de Sony inclut toujours des boutons mais un jeu Vita porte réellement son nom et son ambition quand il use et abuse de fonctions tactiles rétro verso comme l’attendu Tearaway de Media Molecule. Il suffit de regarder autour de soi pour apercevoir toute une génération de joueurs naître dans et avec les interfaces tactiles. Sans compter le fond désormais commun d’aptitudes gyroscopiques et de reconnaissance de mouvements des appareils dans l’espace, et pas seulement des manettes. À ce petit jeu vidéoludique non déclaré, l’iPad Mini prend instantanément la pole position. Aussi rudimentaires soient-ils aujourd’hui, les jeux de course de l’App Store deviennent de redoutables concurrents avec un iPad Mini jouant parfaitement au volant sans fil là où la taille de l’iPhone ridiculise le geste, et le poids de l’iPad normal plombe l’exercice au-delà de la curiosité. Et puis, tout simplement, l’écran 7,9′ et le piqué (même non Retina) de l’iPad Mini tournent en dérision ceux pourtant courageux de la 3DS XL, de la PS Vita et du GamePad Wii U. Au-delà du matériel, ils restent aujourd’hui encore à Nintendo et Sony des arguments de poids du nom de Mario, Zelda, Pokémon ou Uncharted, Little Big Planet, Gran Turismo qui garantissent, pour l’instant, la fidélité d’une clientèle. Mais Sega, Square Enix, Microsoft, Ubisoft, Capcom, Epic et bien d’autres encore éditent et développent des jeu sur l’AppStore, anciens ou inédits. À quoi s’ajoute une scène indé de plus en plus libre et présente, composée de vétérans du jeux vidéo et de nouveaux venus.

Détournement de tsunami

Même si la première vocation de l’iPad Mini consiste à endiguer le raz de marée de tablettes mini formats inventées par la concurrence, quelques semaines de cohabitation quotidienne avec le petit iPad révèlent avec assez de certitude que le barrage défensif d’Apple va très vite se transformer en détournement du courant. Et ce, encore une fois, contre la plupart des pronostics et le scepticisme à vue courte où se rejoignent professionnels blasés du commentaire et population indifférente ou mal informée et donc légitimement, elle, méfiante. Au cœur d’un modèle de vie numérique actif, bien entendu, les deux modèles d’iPad se révèlent complémentaires au lieu de se concurrencer. L’un et l’autre format ne font que ventiler vers l’écran le plus adapté et le plus accessible sur le moment les apps et services communs de l’écosystème Apple. Logées à la même enseigne que les consoles de jeux vidéo portables, malgré leurs efforts depuis un an pour occuper un terrain ignoré par Apple, toutes les tablettes Android au format 7′ prennent instantanément un coup de vieux avec l’arrivée de l’iPad Mini. Plus lourdes, habillées tristement de coques noires et de plastiques douteux, d’écrans en densité de pixels parfois plus importante que le Mini mais aux contrastes et colorimétries farfelues, animées par un OS Android plus ou moins optimisé mais jamais au point d’offrir une ergonomie et des services fluides, les ardoises numériques Android vont devoir revoir leur plan de conquête. Car l’avantage artificiel d’un prix de vente moins élevé que l’iPad Mini, aujourd’hui, ne résistera pas aux désillusions du vécu lors de l’inévitable renouvellement de l’appareil.

Shock and awe

Contrairement au choc culturel du premier iPad, la stupeur physique et mentale provoquée par l’iPad Mini n’est pas due à son existence proprement dite et programmée par le marché. L’étonnement surgit dans la prise de conscience qu’il reste encore des actes à jouer, que le support tablette n’a pas encore révélé tout son potentiel et que, même en mode conservateur, Apple a visiblement encore seul le pouvoir industriel de changer la donne. Que l’on s’en réjouisse ou s’en inquiète. Une chose plus certaine encore que d’autres, le prochain iPad est condamné à trouver lui aussi cet équilibre matériel improbable entre surface d’affichage, épaisseur, et poids relatif de transport. Un « sweet spot » qu’atteint du premier coup l’iPad Mini en se donnant, en plus, une allure de bijou de poche grâce à son cadre biseauté qui attrape et renvoie, comme l’iPhone 5, des éclats de lumière diamantaire.

Sans jamais vraiment se déclarer plus apte à telle ou telle pratique, sans renier ni l’iPhone ni l’iPad standard, l’iPad Mini s’installe tout naturellement en nouvelle verrière idéale derrière laquelle fouiller le terreau fertile de l’écosystème sous serre de l’AppStore. Une évidence qui fait frémir.

François Bliss de la Boissière

 


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3DS sous X L : la taille compte-t-elle ?

Ou 10 détails qui plaisent et déplaisent … et que vous n’aurez pas forcément lu ailleurs…

Il faut bien l’avouer, il est loin le temps de la manette GameCube aux formes rondes et matières caoutchouteuses. La Wiimote est devenue cet objet froid et rigide, si peu féminin dans sa prise en main. Nintendo oblige à tendre le bras et le stylet mais, au fond, ne fait plus bander. Ainsi, née nacrée, l’apparemment plus féminine 3DS peine à s’affirmer et, un an plus tard, Nintendo sort un modèle king size sobre et sec comme un recadrage d’entreprise. À l’ère des tentations Apple, même en rajoutant un X et un L, Nintendo n’est plus érotique.

3DS XL Warhol

La 3DS XL porte sur elle quelques curieuses contradictions…

Son revêtement mat la rend moins précieuse, sans doute moins prétentieuse, mais aussi plus ordinaire et passe-partout. La surface noire et aussi mate de l’intérieur met en effet mieux en avant les deux écrans mais toute cette surface assombrie apparait triste et peu high-tech. Malgré ses mensurations plus généreuses, la 3DS XL ne fait guère sexy pour un gadget à prétention haut de gamme (écrin inédit d’un relief sans lunette) du XXIe siècle.
Le son plastique des écrans que l’on touche de l’ongle ou du stylet font toc parce qu’ils n’ont pas ce rendu dur et glacé des écrans des iPhone et iPad du, désormais, standard Apple. Quand l’un s’invente objet futuriste, l’autre redevient jouet. Moitié plastique moitié verre au touché, le point de contact de la PS Vita, lui, se situe entre les deux. Et en plus, quitte à racoler un peu trop, la proposition Sony brille, elle, et se laisse tripoter dessus et dessous.
Néanmoins, de façon rationnellement incompréhensible, la 3DS XL refermée semble plus mobile et moins incongrue à transporter que la 3DS malgré taille et poids évidemment bien supérieurs. Moins angulaire, avec un capot légèrement biseauté comme un Mac Book Air, et des formes franchement plus arrondies, la 3DS XL ressemble plus à un gros portefeuille qui pourrait se glisser dans une poche intérieure de blouson là où la 3DS irait flotter en se laissant tomber jusqu’au fond comme un caillou. La suppression du glacis doit aussi inconsciemment rassurer quant à la solidité de l’ensemble. Moins compact et donc plus étendu, l’objet se rend étonnamment plus accessible. Effacée et donc pour tous ?

5 détails déplaisants…

Écrans moins lumineux
> Si le piqué de l’image semble moins sûr qu’avec la 3DS puisque la résolution reste la même pour des écrans bien plus grands, la baisse de luminosité de l’ensemble frappe plus que les éventuels effets d’escaliers et d’aliasing pas si flagrants (la console se révèle même plus agréable avec les jeux DS que son prédécesseur DSi XL). Les deux écrans affichent des images plus ternes, notamment celui du bas qui blanchit assez facilement dès qu’il n’est pas dans l’axe du regard. Après vérification, par défaut, le réglage de luminosité de la 3DS XL est calé à 5 sur 5 tandis que la 3DS l’était à 4 sur 5 pour un effet déjà claquant. Donc à plein régime la 3DS XL brille nettement moins et il ne sera pas possible d’augmenter sa luminosité en cas de fort éclairage autour de soi. Une déception qui n’affectera, peut-être, que les utilisateurs de la première 3DS, pas les nouveaux.

Le transfert 3DS > 3DS XL
> La présence des adorables Pikmin en courageux déménageurs ne masque pas la chose, le transfert des données d’une 3DS (et probablement de n’importe quel autre modèle de DS/i) vers une 3DS XL n’a rien d’intuitif. La procédure est assez longue et limite absconse. Nintendo lui-même réserve pas moins de 5 pages de documentation à la procédure, un record. Nous avons suivi celle-ci mise généreusement en ligne pour découvrir que la procédure conduit à tout sauvegarder sur la carte SD de 2Go de la 3DS utilisable ensuite sur la 3DS XL. Sauf que la 3DS XL est livrée avec une carte de 4Go ! Une autre page de doc Nintendo explique le transfert de données d’une carte SD à l’autre en passant par un ordinateur et un lecteur de carte SD… Reste à mettre la main sur le dit lecteur multicarte pour tout finaliser…
Dans le même ordre de lourdeur ergonomique virtuelle… dans la circulation entre les logiciels de jeux et de services (pour ne pas les appeler « applis »), la console toujours pas multitâche continue de demander au lancement de chaque nouveau jeu l’autorisation de « quitter un logiciel en suspens » pour ouvrir celui que l’on souhaite. La console réclame ainsi systématiquement à l’utilisateur de « quitter » un programme au moment même où il veut en ouvrir un. Absurde et curieux pour un produit entre les mains d’un grand public pas forcément enclin à apprécier les nuances de ces interros négations.
Et, malheureusement, à la lourdeur logicielle vient s’ajouter la lourdeur physique… Nintendo doit absolument arrêter l’effroyable habitude consistant à livrer le même packaging pour 5 pays européens dont la France. La pile de documentation en 5 langues pèse plus lourd et occupe plus de place que la console elle-même dans la boite !

Le clang! tonitruant de l’écran du haut
> La 3DS XL fait entendre 3 claquements vraiment disgracieux correspondant à chaque cran de calage pour positionner l’écran du haut là où la 3DS n’en faisait entendre qu’un seul pour la position la plus ouverte. Les signaux sonores semblent avoir apparus nécessaires à Nintendo mais l’effet est particulièrement grossier puisque, à l’usage, on change assez souvent de position selon les prises en main.
Parmi les autres détails physionomiques semblant disgracieux en l’absence de justification technique des concepteurs : le curieux jour à l’amorce des jointures gauche et droite là où la jointure de la 3DS reste pleine et fait robuste. Le cadre de l’écran du haut est désormais à fond perdu et perd le petit rebord qui le rendait intime sur 3DS. Nintendo a alors placé deux picots de chaque côté de l’œil de la caméra qui servent de butoir lors de la fermeture. Mais refermée, la console huitre semble moins protégée des intempéries.

Pas de vibration
> Qui n’en comprend pas l’avantage physique sensoriel la coupe dans les options. Qui craint pour l’autonomie de la batterie, la coupe dans les options. Dans tous les cas cette absence réaffirmée d’un mode vibration sur la 3DS XL ne s’explique toujours pas du point de vue utilisateur, celui que Nintendo lui-même a éduqué au retour sensible avec le monde virtuel pour de bon vibrant depuis la Nintendo 64. Ce manquement à la prise de possession physique du jeu vidéo vient contredire la tentative d’immersion approfondie du relief. À moins que vibrations, écran tactile et 3D ne fassent pas bon ménage ? Mais les améliorations ne devraient-elles pas être additionnelles et non soustractives ?

Pas de multitouch
> Nintendo n’allait évidemment pas changer le concept design de sa console avec le modèle XL au risque de rendre impraticable tous les projets déjà sortis ou en cours de développement. Ni changer radicalement son apparence en lui ajoutant le deuxième circle gamepad réclamé par tous (il faut racheter un modèle plus grand du Circle Pad pro). Il n’empêche, le diagnostique reste toujours valable, la console Nintendo et son écran mono touch au stylet se ressent comme limité alors que n’importe quel smartphone d’aujourd’hui supporte un contact direct et multiple. La « Nintendo différence » qui faisait de l’entreprise japonaise une pionnière non déclarée de la high-tech dans les années 90-2000 (mais que tous les amateurs avaient bien remarqué) sonne aujourd’hui comme une Nintendo défiance de toutes choses trop « modernes ».

5 détails plaisants…

Le relief, vertiges des sens
> Rien n’y fait, les contraintes et limites de la 3D sans lunettes restent toujours aussi délicates, avec toutefois un peu d’amélioration grâce à la taille XL de l’écran du haut. Comme sur 3DS, déplacer la tête ou la console de manière même infime vers la gauche et la droite crée instantanément des ombres verticales, un décrochement de l’effet de relief et un dédoublement de l’image la rendant illisible. En revanche la taille de l’écran offre plus de marge dans les mouvements verticaux. Celui-ci peut être plus ou moins incliné sans provoquer d’annulation du relief même si celui-ci s’estompe avec la diminution de l’éclairage qui va avec l’inclinaison de l’écran du haut comme du bas. Cela facilite et encourage à observer le décor en inclinant un peu l’écran de haut en bas avec la fonction gyroscopique, mais surtout pas de gauche à droite sauf à éteindre totalement l’effet relief avec la mollette. Dans tous les cas, relief à zéro, regarder autour de soi avec ce presque gigantesque écran fait partie des vertiges de ce nouveau modèle. La surface visible agrandie du décor associée à l’instantanéité de la coordination des mouvements dans l’espace réel et ceux du jeu amplifient la délicieuse sensation de fenêtre sur un autre monde. Et dans certaines limites, le grand écran autorise aussi mieux de viser en vue subjective avec, au hasard, le lance-pierre ou l’arc de Link dans Zelda Ocarina of Time.

La stéréo, auditorium de poche
> Peu le souligne et pourtant, l’espacement des deux petits haut-parleurs en façade de la 3DS originale crée une stéréo bien supérieure à sa condition mini. Les bruitages et dialogues gauche-droite se perçoivent nettement et ouvrent avec plaisir l’espace de jeu et d’écoute. Une restitution sonore de bien meilleure qualité que celle de l’iPhone et de l’iPad qui revandiquent pourtant la jouissance de la musique au premier plan. L’élargissement sonore devient pour de bon frappant sur 3DS XL. Même s’il manque bien sûr un soutien de basses, la moindre musique symphonique prend une ampleur étonnante en se propageant bien au-delà de l’écran. Effet remarquable mais aussi troublant jusqu’au risque de décalage avec, par exemple, le récent Kingdom Hearts 3D. La musique large et vraiment généreuse suggère quelque chose de bien plus grand que les visuels bien sages et polygonaux du jeu. Le point fort, et sans doute caché, de la 3DS XL pourrait se situer dans sa remarquable aptitude à la stéréo.

L’écran XL du bas, à l’œil et au doigt
> Lui aussi nettement moins lumineux, l’écran du bas – on en parle moins, également beaucoup plus large – permet plus facilement d’appuyer du pouce sur les icônes ou menus de gestion d’un Zelda comme d’un Kingdom Hearts sans changer sa prise en main générale. Les icones et points d’impacts sont nettement plus larges, se cherchent moins et nécessitent moins la pointe du stylet pour être activés. L’avantage se ressent nettement même si la réactivité du contact à l’ongle ou du bout du doigt n’a pas celui du stylet ou d’un écran multitouch Apple (voir plus bas).

La prise en mains, plus douce et moelleuse
> La console tient sans aucun doute mieux en mains, en tous cas dans celles d’adultes. Les coins arrondis laissent les angles du bas se poser dans le creux des paumes avec un certain confort et même un effet réassurant de tenue sure comme une manette traditionnelle. Curieusement, l’écran entre les mains crée une illusion d’écartement plus optique que réelle mais qui, à ce titre, mime la prise en mains de la 3DS XL avec celle de la manette tablette Wii U. Osons ce rapprochement : la convergence physique du matériel est en train de rejoindre la convergence virtuelle des programmes.
Au rayon des petites améliorations ergonomiques : la molette de variation de l’intensité de la 3D a désormais un cran pour signaler la position off totale. Le cerveau garde ainsi mieux le souvenir de la position off retenue qui rassure quand la 3D fuyante finit par lasser les yeux. Les 3 boutons de façade cette fois franchement découpés et le stylet qui se dégaine du côté droit sans effort permettent de mieux jongler avec les métas commandes. Le stylet tout noir et plastique perd lui aussi son design clinquant (on peut récupérer celui, télescopique et chromé, de la 3DS et l’insérer dans la glissière de la 3DS XL, il tient en place sur deux positions crantées !). Ultime petit détail remarqué que vous ne lirez peut-être pas ailleurs, Nintendo a installé 4 minis picots sous la console. Quatre micro pieds qui la fixent un peu sur une surface dure et l’empêche de glisser là où la 3DS dérape à qui mieux mieux.

L’envie de (re) jouer
> Il ne faut jamais le négliger et Nintendo ne l’a jamais oublié, le gamer incorrigible, même pas forcément fan de Nintendo, adore les nouvelles consoles, surtout si elles restent rétro compatibles. Le goût du neuf plus le plaisir de redécouvrir tout son catalogue sous un nouvel éclairage créent une dynamique que Sony et Microsoft ont un peu oublié avec leur plan de consoles sur 10 ans. Le choc général visuel du double écran de la 3DS XL provoque sans aucun doute cet effet nouveauté. Dès la laborieuse maintenance de lancement terminée, l’envie insatiable de relancer tous les jeux DS, 3DS ou DSiWare de sa collection occupe pleinement les premières heures. Et l’effet grands écrans jouent à plein. Sans aucun doute cette 3DS XL reste perfectible et en dessous de ce que l’on croit pouvoir attendre du légendaire Nintendo. Mais tout aussi sûrement, le plaisir de redécouvrir ses jeux préférés, anciens ou tout récents, devient vite viscéralement plus important que toutes les réserves critiques que la raison veut trouver.

François Bliss de la Boissière

3DS XL, sortie officielle 28 juillet 2012, prix généralement constaté environ 200 € sans chargeur (celui de la 3DS est compatible mais pas le socle)

Illustration © Bliss : Nintendo + Andy Warhol

 


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2012 : Les grands rendez-vous du jeu vidéo (que le voyage commence)

Que serait une année jeux vidéo sans d’abord une année de désirs et d’anticipations. La chambre d’écho d’Internet le confirme tous les jours, le jeu vidéo fait couler beaucoup d’encre virtuelle avant même d’être joué. On soupçonne même qu’une majorité en parle avec la même passion frénétique qu’un pratiquant quotidien sans forcément y jouer encore (le temps, l’argent, les responsabilités…). Un peu comme le sexe quoi. Il faut aussi avouer que, capable d’entretenir le suspens pendant deux ou trois années autour d’une production respectant à priori son calendrier (Bioshock Infinite, et ça commence tout juste pour The Last of us), l’industrie du jeu vidéo est passée maître du teasing. Un suspens qui devient plus délicat à entretenir positivement quand les jeux à auteur et à hauteurs (ça marche dans les deux sens) repoussent sans cesse leurs dates de sortie. Ainsi d’un insaisissable Last Guardian qui finit par se transformer en nouvelle arlésienne quand producteur et créateur quittent, ou presque, le navire, ou même d’un Journey ou d’un Amy dont les vocations artisanales-dématérialisées provoquent à moindre échelle (les mois remplacent les années des grosses prods) la même fuite en avant. Planifié ou pas, le buzz des jeux vidéo reste une histoire sans fin. Et s’il faut poser, en priant que tout se passe bien, son regard plein de désir sur les incontournables de 2012 en esquivant les trop télégraphiés (pourquoi les citer, ils seront au rendez-vous pour sûr, eux), voilà les bons repères sur lesquels compter… *
 

> Les grosses productions

Alan Wake’s American Nightmare : Comme on a l’impression de ne pas avoir été au bout du potentiel d’une histoire d’écrivain maudit perdu dans les forêts nord-américaines, il y a de quoi replonger. Surtout, que presque qualifiable de jeu d’auteur – voir ci-dessous – les gars de Remedy y mettent certainement tout leur cœur.

– Darksiders II : Le nouveau et plus sombre design à la Soul Reaver ne rassure pas sur la direction artistique mais le premier jeu n’était pas visuellement novateur. Par contre le gameplay complet du premier donne toute confiance dans une suite.

– Aliens : Colonel Marines : Après le énième échec du dernier jeu Aliens (vs Predators) et les réussites inégales de Gearbox (Borderland ok, Duke Nukem pas ok), plus aucune raison de se faire d’illusions sauf que, si, on croira toujours possible un jeu Aliens réussi (il y en a bien eu deux au moyen-âge du jeu vidéo : sur 3DO et SuperNintendo). Et puis c’est l’année de Prometheus.

– Asura’s Wrath : Pas certain que le gameplay, trop techno-jap, suive le délire de la mise en scène, mais c’est tellement énorme qu’il faut y aller.

Catherine : Il paraît que ça parle de sexe, de drague, et peut-être d’amour ? Si seulement ça pouvait vraiment être jouable. C’est japonais, tout devrait s’expliquer.

DmC (Devil May Cry) : L’heure de gloire du studio Ninja Theory (Enslaved) finira bien par arriver, dommage que cela doive passer par le reboot d’une licence qui ne leur appartient pas, mais tant mieux pour Devil May Cry.

Fortnite : Epic (Gears of War) lance une nouvelle licence et ose quelque chose de différent visuellement et techniquement. Il y a du Valve dans l’air et c’est tant mieux.

– Grand Theft Auto V : Le retour dans un Los Angeles mille fois visités déçoit clairement, mais le savoir-faire et la patte RockStar restent inimitables et incontournables.

– Luigi’s Mansion 2 (3DS) : Même si réalisation et prise en main semblent très proches de l’original GameCube, limite remake, et qu’il aurait été plus judicieux de le trouver sur Wii avec Wiimote, on ne boudera pas cette suite d’un des jeux Miyamoto les moins reconnus (et à tort).

– Mass Effect 3 : Si le gigantesque bon qualitatif entre le 1 et le 2 se renouvelle avec le trois, alors toutes les bonnes raisons seront réunies pour retourner dans l’espace. Mais svp BioWare/EA, que la version originale anglaise soit incluse avec la VF (« localisation » de toutes façons inutiles > voir l’énorme succès des GTA non doublés).

– Paper Mario (3DS) : Même si on ne voit pas le rapport avec la 3D puisque de base le jeu fonctionne en aplats (mais le concept de la version Wii qui basculait de la 3D à la 2D devrait s’y retrouver), les Mario Paper abritent toujours un vivier de trouvailles graphiques ou conceptuelles.

Prey 2 : Le virage Blade Runner et ce que l’on devine du gameplay ne reflètent plus grand chose du premier Prey mais ce dernier avait des qualités et des audaces si uniques à l’époque (et mal reçues faut pas bousculer les habitudes surtout) qu’on n’aura pas le choix.

– SSX : Il y a une petite chance qu’EA réussisse à exploiter correctement l’énorme potentiel sport extrême + altitudes + gigantisme des décors, et il ne faudrait pas la laisser passer.

– Steel Battalion : Heavy Armor : Le premier Steel Battalion avait laissé une lourde trace indélébile il y a (déjà) dix ans avec son gigantesque accessoire tableau de bord. Cette fois, entre réalisme et technomégafolie, la simulation utilisera le Kinect de la Xbox 360, c’est à dire rien dans les mains ? Et le Wireless Speed Wheel alors ?

– The Last of us : Naughty Dog fatigue à chasser sur le terrain du gros cinéma, et à se lancer dans un vulgaire survival avec enfant aux prises à des loques humaines (pas des zombies paraît-il), mais Naughty Dog reste en première ligne de cette tendance. Il faut donc y être.

Tomb Raider (reboot) : Mais quand est-ce qu’ils vont comprendre qu’il faut caster Evangeline Lilly dans le rôle titre, en jeu vidéo ou en film qui se passera bien de l’A. Jolie (même si Olivia Wilde est une bonne idée aussi).

– Uncharted : Golden Abyss (PS Vita) : L’un des deux jeux qui fera la démonstration des capacités de la PS Vita. Forcément indispensable.

– WipEout 2048 (PS Vita) : Le deuxième.


> Les jeux d’auteur (avec ou sans grosse équipe derrière)

Ceux-là on les respecte avec leurs défauts et leurs qualités parce qu’ils représenteront la volonté et le travail de personnalités uniques. Dans ces jeux (et il y en aura d’autres en 2012 qu’on ne connait pas encore) de petite, moyenne et grosse échelle, des créateurs expriment en direct leur vision du monde et du jeu vidéo qu’ils commentent forcément plus ou moins explicitement. Culturellement capital.

> Amy (Paul Cuisset) : Si on se passerait bien d’un énième survival horror avec des morts-vivants dedans, on ira chercher dans le gameplay à vocation émotionnelle cette production artisanale d’un français presque célèbre couvé par un autre français à suivre : Éric Viennot devenu producteur pour l’occasion avec son studio Lexis Numérique.

– Bioshock Infinite (Ken Levine) : Une femme devant l’écran, une ville au tournant du XXe siècle, après les abysses, les cieux, Ken Levine continue son étonnant chemin politique tout en donnant à jouer des productions monumentales. Un des grands rendez-vous de l’année 2012.

– Journey (Jenova Chen) : Après flOw et Flower, le 3e jeu contemplatif et pacifiant de Jenova Chen confirmera l’indispensable singularité de sa démarche.

– The Last Guardian (Fumito Ueda) : Littéralement un des derniers représentants d’un jeu d’auteur aux choix artistiques radicaux et ambitieux. Pour nous les joueurs, et pour l’exemple, il doit réussir à aller au bout de son haletant projet.

The Witness (Jonathan Blow) : L’auteur de Braid prend son temps, comme il se doit, et devrait apporter une nouvelle pierre solide à la maison jeu vidéo même si son projet reste encore incompréhensible (ce que l’on qualifiera de bon signe).

 

> PlayStation Vita : la courageuse

Pas sortie en occident et déjà en perte de vitesse (la 3DS en a vu d’autre avant de décoller), la nouvelle portable Sony devra se découvrir en mains dès le 22 février en occident. À son crédit, l’écran OLED flashy et les contrôles multitouch recto et verso qui devront déclencher de belles trouvailles avantageuses sur la 3DS et son écran tristement monotouch. À son détriment, un prix élevé qui pourrait être revu à la baisse d’ici la sortie européenne et les Memory Card propriétaires coûteuses et pourtant indispensables. De la poignée de jeux déjà planifiée, seules deux grosses adaptations portables s’annoncent incontournables. Moins pour leur originalité que pour leur efficacité technique garantie. La suite dépendra de l’imagination des développeurs sur lesquels on peut presque toujours compter.

 

> Wii U : l’énorme joker

Si découvrir une nouvelle console Nintendo est en soit le must total en jeu vidéo et transforme déjà l’année 2012 en évènement, le meilleur doit s’abriter derrière les jeux vidéo made in Kyoto qui en feront la démonstration. Las, avec deux Mario et deux Zelda tous majeurs sortis fin 2011, il ne faudra pas compter sur eux pour défendre la Wii U à sa sortie. S’il faut craindre les jeux casuals démonstratifs à la Wii U Play/Sports/Dogs, on peut aussi espérer que Nintendo vise d’abord les core gamers et introduise de nouvelles franchises guidées par la lumière, par exemple, d’un nouveau Pikmin. Le salon E3 de cet été devrait donner le la de la U.

 

> Trois outsiders qui peuvent créer la surprise…

Minecraft (Xbox Live) : Après avoir abasourdi avec une version pourtant light sur iPad, le phénomène et réellement phénoménal Minecraft va enfin se retrouver entre les mains de la grande population Xbox 360. Le monde ne sera plus pareil après.

– Fez (Polytron) : Le magazine Edge a braqué ses feux sur cette production étrange et minimaliste qui réinterprète à sa façon l’ère 8 et 16 bits et, après observation des vidéos, il y a là en effet quelque chose de spécial à surveiller de près.

– Quantum Conundrum (Airtight Games) : Publié par Square Enix mais surtout conçu par Kim Swift, ex jeune étudiante devenu lead designer chez Valve après avoir présenté le concept de Portal, ce projet inédit de FPS puzzle game révèlera peut-être pour de bon l’auteur qui sommeille dans Kim Swift. S’il ne ressemble pas trop à… Portal.

 

> Ils feront mal à la tête

Trop télégraphiés, trop opportunistes, trop détournés, on y jouera mais on n’en n’attend rien de spécial malgré l’infernal buzz collectif qui affirme déjà le contraire… Quant aux productions japonaises, notamment la vague de beat’em up plus ou moins remixés, si on ne doute pas de leur qualité technique, il serait temps qu’elles s’arrachent aux années 90-2000…

– The Darkness II

– Max Payne 3

– Halo 4

– Syndicate

et…

– Final Fantasy XIII-2

– Soul Calibur V

– Street Fighter x Tekken

– Ninja Gaiden III

* Dans l’ordre alphabétique, sélection non exhaustive. Jeux exclusivement PC non compris, sorry.

Pour une liste presque plus complète et complaisante, voir ici

 François Bliss de la Boissière


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

BEST OF JEUX 2011 : L’enfance de l’art

La prouesse et le m’as-tu-vu (pyro)technique des productions AAA cachent un vide d’inspiration que révèlent un peu plus chaque jour les mille et une trouvailles des jeux dits indépendants sur IOS, XBLA et PSN. Gamer averti ou critique attitré d’aujourd’hui doivent se la jouer schizophrène, être capable d’encaisser sans vomir les roller coasters interactifs téléguidés qu’on lui jette à la face à coups de plans médias assourdissants, et garder assez d’attention pour entendre la petite musique vraiment inédite qui peut surnager dans la multitude des « mini » games. Pour ne pas avoir la tapageuse impression que tout a déjà été dit dans le jeu vidéo il faut ainsi se prendre par la main et aller chercher dans les méandres des plateformes de téléchargements la production innovante qui redonne foi au médium. Au-delà de l’entretien d’une culture noble du jeu vidéo, de 0,79 € à 70 € la proposition de jeu, en période de crise économique et artistique, le joueur, comme le citoyen, a le devoir de choisir responsable. 

Portal 2

> Jeux neufs ou presque en 2011…

Le premier Portal était un prologue, chaque Zelda une réinvention. Portal 2 et Skyward Sword (aussi le plus mauvais intitulé de la série) sont bel et bien des originaux allant chercher au plus profond de leurs entrailles leurs potentiels d’imagination et de gameplay. Au double titre de leur dramaturgie émotionnelle et intellectuelle fondues et prolongées par leurs prises en main, ils atteignent un niveau de maturité thématique et interactif inouï et unique. Quant aux clins d’œil supérieurs et irrévérencieux de El Shaddai et de Bulletstorm, ils citent ouvertement leurs inspirations avant de les imploser de l’intérieur. Du hack’n slash plate-forme élégant et arty au FPS bourrin, l’humour décalé ou flagrant dézinguent avec truculence tous ces jeux d’action décérébrés qui se prennent si au sérieux. Minecraft enfin, réinvente à lui tout seul la notion de jeu bac à sable que l’on croyait connaître. Même la version light sur iPad créé ce vacuum incompréhensible dans lequel le joueur chute dans un puis sans fin. Sans la rubrique jeux indés, cela ne ferait dont que 5 jeux originaux surnageant au milieu des suites convenues et des rééditions. Le jeu vidéo avance toujours mais en radotant à grande échelle. Et la critique suit.

1 / Portal 2 (Valve)

2 / Zelda : Skyward Sword (Nintendo)

3 / El Shaddai : Ascension of the Metatron (Ignition Entertainment)

4 / Bulletstorm (People Can Fly)

5 / Minecraft (Mojang > PC / Mac version finale / iPad version Pocket)

 

> Super redoublants ou plus en 2011…

Pourquoi Uncharted 3 ne rejoint pas ce peloton de mises à jour faisant mieux que les précédentes ? Parce qu’ici nous pleurons toujours le plus serein Uncharted 1 et qu’à force de vouloir marier cinéma et jeux vidéo Uncharted 3 franchit la ligne rouge en prenant systématiquement le pouvoir sur le gamer réduit à jouer à un descendant haut de gamme de Dragon’s Lair. Pour comprendre la plénitude d’un gameplay ouvert et fourmillant au sein d’une narration et d’une dramatisation crédible, voir tout simplement le dernier Zelda Skyward Skword qui remet les pendules à l’heure du joueur et pas seulement du spectacle.

– Dead Space 2

– Forza Motorsport 4

– Killzone 3

– Gears of War 3

– inFamous 2

– Little Big Planet 2

– Mario Kart 7 (3DS)

 

> Les créas indés, tous supports confondus…

Ce n’est plus un frémissement, cette fois l’originalité se trouve vraiment là, dans les coulisses de la Xbox 360 et de la PS3 et en pleine face sur iPad (ou en version mini sur iPhone/iPod Touch bien sûr). La première liberté retrouvée de ces productions décidées par leurs auteurs et non des plans marketings ? Une aspiration artistique (visuelle, sonore, intellectuelle) qui repousse les frontières trop balisées de l’esthétique du jeu vidéo.

Superbrothers : Sword & Sworcery EP (iPad)

– Insanely Twisted Shadow Planet (XBLA)

– Ilomilo (XBLA)

– Outland (XBLA/PSN)

Magnetic Billiards (iPhone)

 

> Les à côtés de la plaque de 2011…

Ils nous ont annoncé des réinventions, des révolutions même, et ils ont offert des banalités, des approximations techniques et thématiques… À quoi bon recopier pour faire moins bien ?

– Deus Ex Human revolution

– Child of Eden

– Resistance 3

 

> Les crashs et pire de 2011…

De patchs en DLC en autojustifications publiques, ceux là ont définitivement raté leurs objectifs (on ne parle pas des ventes) et provoquent de la douleur à tous les niveaux…

– Brink

– Duke Nukem Forever

– Homefront

– Test Drive Unlimited 2

 

> Top rééditions 2011…

On les rachète encore sans problème dans ces conditions techniques honorables… Note à Square Enix : les rééditions de jeux SuperNintendo au prix fort sur IOS c’est du mauvais jeu (Chrono Trigger) et sûrement du mauvais business.

Zelda : Ocarina of Time 3D (3DS)

Ico & Shadow of the Colossus Classics HD (PS3)

– Beyond Good & Evil (PSN/XBLA)

Another World (iPad)

World of Goo (iPad)

– Oddworld : La Colère de l’Étranger (PSN)

 

> Accessoire star de l’année 2011…

– Wireless Speed Wheel (Xbox 360) : Sans conteste le gadget gamer de l’année. Non seulement le design fer à cheval high-tech ventouse les mains mais la technologie embarquée version volant Mario Kart XXL garantit une prise en mains miraculeuse avec Forza 4. Rien à voir avec les impraticables volants à retour de force, bien mieux qu’un contrôle à la manette qu’il ridiculise, le volant sans fil Microsoft devient d’office la référence des jeux de course (même sans les boutons RB et LB qui manquent parfois dans les menus). Parfait sur Forza 4, compatible avec Dirt 3 (le jeu identifie un volant classique et permet au moins de paramétrer le nouvel accessoire) mais hélas pas Need for Speed : Shift, le Wireless Wheel qui vibre et clignote serait potentiellement parfait pour une simulation de méchas, de tanks ou d’avions de chasse… Pire, on rêverait d’en profiter sur un WipEout PS3. Mais Sony, et sa manette Dual Shock gyroscopique qui ne sert pas, s’est complètement laissé doubler à droite sur ce coup là… Coûteux au détail (50 €), il suffit de trouver les enseignes qui vendent Forza 4 en demandant un petit euro de plus pour fournir le volant avec ! Faut-il en dire plus ?

François Bliss de la Boissière

 


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Être plus : l’instinct interactif

La pratique du jeu vidéo s’apparente fort à l’apprentissage d’un futur virtuel indéfini mais de plus en plus inexorable. Prothèses malhabiles d’hier, les claviers, souris, joypads et stylets sont-ils autre chose que des mains tendues entre le monde virtuel et l’homme ?

Être plus ou l'Instinct interactif

Sommes-nous génétiquement codifiés pour l’au-delà virtuel ? Infatigable et inconscient explorateur, l’homme du XXIe siècle touche presque du doigt l’espace digital encore planqué derrière la vitre. À tel point que la place – la géolocalisation – du réel peut être remise en question comme jamais depuis la révolution copernicienne et les Lumières. Une nouvelle théorie signée du physicien Nikodem Poplawski laisse entendre que notre univers existerait à l’intérieur d’un Trou Noir installé dans un autre méga univers. Ce que l’homme observe autour de lui ne serait que la fille, le rejeton anecdotique, d’un univers Mère. Un au-delà cosmique pour toujours inaccessible qui expliquerait, à coups de torsions spatio-temporelles, notre perception forcément subjective du temps et de la matière. À moins que le monde mathématique en phase de gélification numérique accélérée depuis 20 ans ne permette à l’homme de perméabiliser les deux univers.

Les enfants : l’inconscient cognitif

Si un enfant de 2, 3 ou 4 ans passe devant un écran où un jeu vidéo est en train de se déployer, il se mettra en arrêt comme un chien de chasse ayant aperçu son gibier. Il suffit de lui montrer la manette, la souris ou le stylet tenu entre les mains de l’adulte puis ce qui se passe dans l’écran pour que, instinctivement, le gamin y saisisse une relation de cause à effet. Il semble moins découvrir les principes de l’interactivité que les reconnaître. Un inconscient cognitif s’éveille en lui et déclenche une familiarité, une prédisposition, voire un savoir-faire, quasi préenregistré. Qu’on lui glisse une manette entre les mains et très vite elle lui deviendra indispensable. Au point de déclencher une frustration primale s’il ne parvient pas à manipuler ce qui se passe à l’écran. Dans un foyer où les jeux vidéo sur consoles ou PC sont accessibles, la poussée de l’instinct de jeu électronique est aussi forte chez un enfant que celle de vouloir marcher tout seul. Depuis qu’il existe, le jeu vidéo s’est installé sans ménagement en tête de liste des outils prioritaires de conquêtes d’autonomie et de puissance de l’enfant. Celui-ci donne l’impression de développer au contact des jeux vidéo une potentialité larvée, comme si, une fois déclenché, un marqueur de départ ouvrait une porte vers un infini. Les enfants savent-ils quelque chose que les adultes ignorent et qui émerge aujourd’hui ? Sont-ils préprogrammés, avons-nous toujours été programmés pour le jeu vidéo, ou plutôt pour les mondes virtuels auxquels ceux-ci nous préparent en passant par le divertissement ?

Papa : réalité augmentée et pénétrée

De Tron à Matrix, toujours, de Harcèlement, où Michael Douglas visite en 1994 le vault d’une entreprise avec un gant virtuel, à Minority Report en 2002, du combattant virtuel d’arcade de The Last Star Fighter, recruté par les E.T. dès 1984, à l’armée réelle couchée dans des simulateurs de Clones (Surrogates) en 2009, voilà longtemps déjà que le spectateur se projette de l’autre côté du miroir argentique dans un monde simulé. Une fatale attraction qui va jusqu’à tolérer d’insupportables intermédiaires mécaniques. Dans les salles d’arcade de Piccadilly Circus, les premiers casques de réalité virtuelle ont créé l’attraction pendant des années malgré leur inconfort et leurs effets discutables. Les grossiers cabinets de simulation automobile ou de ski animent encore les salles d’arcade pourtant ringardisées par l’irruption intimiste du virtuel dans les foyers. Depuis le début il est inconsciemment question de chercher un passage, de justifier une juxtaposition entre les mondes physiques tangibles et immatériels projetés par les ordinateurs. Toujours à la recherche de puissance, la relation fonctionne encore sur le mode du coït. Mais là où l’homme croit voir une réalité augmentée, celle-ci serait plutôt pénétrée. Monde tangible, monde dématérialisé, qui sait qui fonde l’autre ?

Maman : langage des signes

Après la course à la puissance, l’évolution de l’informatique passe désormais par ses mutations ergonomiques. Un chemin déjà défriché par le jeu vidéo dont le succès a toujours dépendu des capacités évolutives de ses manettes. Mais les interfaces judicieuses d’hier révèlent de plus en plus vite leur obsolescence. À l’heure du touché et des effleurements tactiles sur les « Magic » Track Pad, Mouse ou vitres les plus transparentes possibles d’appareils mobiles aux surfaces lisses presque invisibles, les célèbres manettes de jeu multiboutonneuses et autres claviers perforés et souris à roulettes révèlent brusquement leur incongruité. Comme à bord des caravelles du XVe siècle ou des fusées du XXe, la découverte et l’abordage du nouveau monde se sont placés sous les signes habituels de la masculinité qui domine : écrans verticaux dressés devant l’utilisateur, joysticks simulateurs de pouvoir et de maîtrise. Aujourd’hui ils disparaissent au profit d’interfaces horizontales, planes et pacifiques. La discussion engagée par la force entre l’homme et la machine devient négociation et diplomatie interactive féminine. La machine alors s’efface et révèle sa vraie nature de portail vers l’autre monde.

1 ou 0 : l’origine de l’homme

Avant de savoir écrire, un môme peut compléter n’importe quel jeu Nintendo avec un stylet sur console DS. Un symptôme marquant de l’élan constitutif et peut-être vital de l’homme vers le virtuel. S’il réfléchissait encore au XXIe siècle, Schopenhauer entendrait-il dans les appels des sirènes des mondes virtuels un prolongement de la Volonté dans la nature ? Le Surhomme réclamé par Nietzsche ne trouve-t-il pas enfin son développement dans la conquête du virtuel ? Au lendemain de l’ère industrielle on pouvait imaginer, comme Jules Vernes, Philip K. Dick, ou James Cameron, que l’homme (cyber) mécanique succéderait à l’homme biologique, que la biosphère chère à James Lovelock accoucherait sans dommage d’une high-technosphère (cf  Connected people 2.0). Depuis la naissance de l’intelligence artificielle puis de l’espace virtuel, la technosphère, l’esquisse d’un monde cybernétique gibsonien bâtard, se réduit à son tour à une étape vers une nouvelle mutation vaguement identifiée par les projections de l’esprit numérique. Le nouvel horizon du darwinisme ou de l’évolution créatrice de Bergson devra mélanger ADN, 0 et 1. Quand la Chapelle Sixtine sera entièrement numérisée, que voudra signifier le doigt de Dieu tendu vers Adam qu’a peint Michel-Ange ? Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt, dit le proverbe. Que fait l’homme quand il valide, clic, appuie, touche et effleure les outils numériques sinon se familiariser de façon rudimentaire avec une nouvelle condition humaine.

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2011 dans Chronic’art)

 


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Jeux vidéo : Japon made in USA

À la dérive depuis plusieurs années, le jeu vidéo japonais essaie de se réinventer en s’appuyant sur l’efficacité technologique de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Comment le Japon, bien aimée force vive du jeu vidéo mondial ressuscité au milieu des années 80 grâce à la première console Nintendo en est-il arrivé là ?

drapeau-japonais

« Je crois que le marché du jeu vidéo japonais finira bientôt comme l’industrie du film japonais« , dénonçait le développeur star de la Team Ninja, Tomonobu Itagaki, en 2009. « Ce que fait actuellement l’industrie japonaise du jeu vidéo est une forme moderne de sakoku (politique isolationniste du Japon du XVIIe siècle, NDR). » Voilà plusieurs années déjà que le déclin de la puissance fédératrice du jeu vidéo japonais est amorcée. Aujourd’hui, le jeu made in Japan représente moins de 10 % quand il pesait encore 50 % du marché mondial en 2002 ! Les causes sont multiples : débarquement massif de l’américain Microsoft dans le marché du jeu sur consoles qui a imposé à coup de budgets marketing et de développement le règne du blockbuster (Lire à ce sujet : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush) ; petit pas de côté d’un Nintendo affaibli au début des années 2000 qui a encouragé des productions économiques plus vite rentables sur DS et Wii ; conservatisme chronique des développeurs de jeu vidéo japonais au service d’un public insulaire imperméables aux productions venues d’ailleurs.

Ni Xbox 360, ni PlayStation 3

En 2007, l’atypique producteur Atsushi Inaba (Steel Battalion, Viewtifull Joe, Okami…) commençait à exprimer le malaise, tiraillé entre deux consoles nouvelles générations surpuissantes : « Travailler pour la Xbox 360 peut conduire à un succès aux USA mais pas au Japon où la console ne se vend pas » regrettait-il, « Le pouvoir de la marque PlayStation est bien en place au Japon mais la PS3 n’est pas répandue ailleurs« . Devant le foudroyant God of War américain au « goût de jeu japonais sans l’être », Inaba stigmatisait déjà un savoir-faire en perdition : « Vous ne voyez pas beaucoup de jeux japonais avoir du succès à l’étranger. » À la même époque le producteur et compositeur de Silent Hill, Akira Yamaoka, avouait son admiration pour les développeurs américains développant sous sa supervision l’épisode 5 du survival horror : « Leurs aptitudes graphiques et technologiques sont incroyables » disait-il alors. Handicap bêtement trivial : les puissants moteurs graphiques américains de plus en plus répandus dans les grosses productions 3D (Quake, Unreal…) étaient difficilement accessibles aux développeurs japonais parce que non traduits en japonais ! « Pendant qu’on attend la traduction, nous prenons une étape de retard par rapport à ceux qui comprennent l’anglais« . Fin 2009, Keiji Inafune, la star de Mega Man et Onimusha, enfonce le clou au Tokyo Game Show : « Le Japon est fini. Nous sommes fichus. Notre industrie est finie« . « Le Japon a au moins 5 ans de retard sur l’ouest » diagnostique ainsi le responsable de la recherche et du développement de Capcom.

Citoyen-Japonais du monde

Pour réussir dans le jeu vidéo aujourd’hui « il faut être un terrien d’abord et un japonais ensuite » affirme Tomonobu Itagaki. Même si les effets ne se font pas encore sentir, l’industrie japonaise a commencé à réagir. De façon spectaculaire avec l’acquisition en 2009 de l’éditeur britannique Eidos (Tomb Raider, le prochain Deus Ex…) par le méga éditeur Square-Enix jusque là grand spécialiste des jeux de rôles japonais (Final Fantasy, Dragon Quest). Et plus discrètement avec des éditeurs nippons envisageant sérieusement l’achat d’équipes occidentales ayant fait leurs preuves. Capcom vient ainsi de devenir majoritaire dans le studio canadien Blue Castle développeur de la suite de Dead Rising qui a réussi l’exploit de se vendre à 2 millions d’exemplaires en un mois. Échaudé par l’échec technique et commercial de Dark Void, une création, et de Bionic Commando, une re-création contemporaine, délégués à des studios respectivement américains et suédois, le même Capcom annonce en mai dernier qu’il ne confiera désormais que des suites de franchises bien établies à des studios occidentaux. Réincarné dans un héros aux cheveux noirs d’encre qui a choqué les puristes de la série, le prochain Devil May Cry est en cours de réalisation au sein du talentueux studio anglais Ninja Theory (Enslaved : Oddyssey to the West). Une méthode de collaboration est-ouest que Nintendo, là aussi précurseur, avait déjà tenté et réussi dans les années 90 et 2000 avec les anglais de Rare (GoldenEye 007, Donkey Kong…) et les texans de Retro Studios sur la série Metroid Prime et le prochain Donkey Kong Country Returns sur Wii. Aujourd’hui sur les étalages, à côté du transfuge Dead Rising 2, le nouveau Castlevania : Lords of Shadow de Konami a été réalisé par les espagnols de Mercury Steam sous la supervision de la star japonaise Hideo Kojima (Metal Gear Solid).

Néo cross-over

La mutation s’avère plus douloureuse du côté des développeurs japonais ambitieux encore indépendants. Malgré de gros efforts d’occidentalisation de leurs nouvelles créations. Les très américanisés Mad World de PlatinumGames et No More Heroes de Grasshopper ont fait un four sur Wii. Et il faudra guetter l’accueil mondial de l’étonnant, mais bâtard, Vanquish qui greffe, jusqu’à frôler la parodie high-tech, le modèle Gears of War à des affrontements mécha japonais. Son auteur, justement, l’insaisissable Shinji Mikami, a accepté de rejoindre l’éditeur américain Zenimax/Bethesda en compagnie de son studio attitré tokyoïte Tango Gameworks. L’auteur de Resident Evil côtoie ainsi les créateurs de Doom et Quake. Une situation inédite qui annonce peut-être une migration opportuniste vers l’ouest de quelques pointures japonaises courant après un vrai succès international. La crise identitaire du jeu vidéo à la japonaise s’apprête ainsi à donner naissance à un nouveau melting-pot économique et culturel américano-japonais sans que l’on sache très bien à qui il va profiter.

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2011 dans Chronic’art)

 


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Connected people 2.0

Un multi connecté d’aujourd’hui participe activement à une transformation qui concerne l’humain, sans doute, mais aussi physique au sens large, et donc, inévitablement, métaphysique.

Matrix connected people

L’accélération technologique nous rapproche chaque minute d’un éventuel nouvel indice répondant aux grandes énigmes cosmiques et existentielles du comment et du pour qui ou quoi. Son emballement incontrôlable peut par exemple conduire à l’éventuelle « singularité » technologique envisagée par quelques penseurs qui provoquerait une mutation brusque de l’évolution grâce à l’intelligence artificielle. Ou elle peut simplement nous permettre de regarder le monde avec de nouveaux yeux.

W.I.P digital

L’utilisation quotidienne de tous les outils connectés aujourd’hui fait participer l’humain ordinaire à un énorme work in progress. Il le place sur le cadre mouvant d’une œuvre en devenir que personne n’est en mesure d’imaginer. Nul ne sait où conduit la révolution numérique. Le jeune Mark Zuckerberg refuse de prendre le risque de verrouiller son projet Facebook en appliquant les modèles économiques classiques parce qu’il ne sait pas encore lui-même ce qu’est Facebook, jusqu’où et en quoi ce germe de réseau social planétaire peut évoluer. Hier l’exponentielle puissance informatique faisait rêver à des super androïdes rêvant, eux, de moutons électriques. Aujourd’hui la contagion numérique dématérialise rapidement toutes les couches du réel que l’on croyait jusque là tangible et repousse encore l’horizon. Les rouages digitaux qui se développent et se structurent à grande vitesse, des puces aux logiciels, de l’archivage des données aux réseaux sociaux en temps réel, ne sont que les petits jalons d’un autre monde en construction pour l’instant caché derrière un écran. Le basculement du monde observable vers une autre manifestation du réel est amorcée depuis une poignée de décennies seulement. Après avoir augmenté les capacités intellectuelles de l’homme avec l’ordinateur, le numérique se propage en un espace non quantifiable qui duplique le monde réel. Là, quelque part de l’autre côté de l’écran se retrouve notre vie familiale en photos ou en vidéo, notre travail, passivement stocké ou actif sous forme de programme invisible ou d’interactivité de surface. Vingt ans seulement après sa naissance, le nouvel océan numérique a déjà la capacité d’absorber toutes les images et tous les sons, la parole et la musique, l’intelligence et la bêtise humaine. Concrètement, la musique n’existe plus dans l’univers physique que par habitude. L’image et les livres ont aussi permuté. Le transfuge des corps est imminent. Les grossiers avatars d’aujourd’hui proposés par les jeux ou les réseaux sociaux vont vite être remplacés par des doubles numérique plus sérieux. Les techniques de motion-capture du cinéma et du jeu vidéo s’y emploient sans le revendiquer. Comme toutes les formes vidéoludiques d’interactivité et la récente 3D stéréoscopique. Bienvenue à la Google Earth.

Trou noir numérique

Que les idées soulevées par Matrix ou Avatar fassent l’objet de thèses pourraient faire sourire si les astrophysiciens les plus sérieux ne conceptualisaient pas eux-mêmes à coups de calculs mathématiques des phénomènes de SF comme les trous noirs impossibles à observer. Un gouffre où la matière disparaît pour muter en… anti-matière ? Où va donc l’humanité et ses accessoires en se projetant d’abord psychiquement puis de plus en plus physiquement vers le numérique dématérialisé ? Qui sait vraiment comment naît un trou noir ? Ce glissement vers un monde miroir amorce peut-être l’éternel retour Nietzschéen devenu un Big Crunch entre les mains des scientifiques. Ceux-ci déduisent qu’après le Big Bang expansif, une contraction physique symétrique de l’univers redistribuerait une nouvelle fois les cartes cosmiques. Un jeu de rôle à répétition. L’éclosion introspective digitale a déclenché une fuite de la matière du monde vécu vers un espace mathématique de plus en plus abstrait, de moins en moins observable de notre point de vue purement biologique. Ce nouveau monde là se manifeste pour l’instant à l’homme sous forme horizontale, à plat, et justifie la multiplication des écrans, seule interface à notre portée. Encore plus depuis qu’ils deviennent tactiles et permettent de garder encore le contact en l’effleurant du doigt.

Vivre le futur

Là, maintenant, la multiplication des objets intelligents communicants, ceux qui relient intimement les êtres humains en faisant circuler entre eux et sans délai leur production intellectuelle, anticipe sur l’internet des objets où tout matériau sera en mesure de communiquer d’une manière ou d’une autre. Instrument de cette hyper réalité, l’homme va ainsi donner aux objets inertes de son choix ce qu’il cherchait déjà dans l’eau ou la roche : au minimum une mémoire, au plus une intelligence contextuelle. Comment ne pas voir dans cette explosion de communications multidirectionnelles, réellement transgenre, transclasse, transmatériaux et intentions, le bouillonnement d’un cerveau d’enfant où l’on sait que naissent des millions de nouvelles connexions synaptiques par seconde. Nombres d’entre elles ne servent à rien mais des routes s’ouvrent, des passerelles et des raccourcis se modélisent chaque seconde de façon à ce que le cerveau devienne cet organe capable de comprendre, apprendre, communiquer, imaginer et donner naissance à une forme d’auto-conscience.
Pour devenir vraiment consciente, la biosphère hippie de James Lovelock va peut-être devoir passer par une étape technosphère. La croute technologique de mère Gaïa protègerait temporairement un noyau numérique infinitésimal où serait condensée l’activité humaine. Une fois tombée, la chrysalide technologique révélerait une nouvelle entité numérique. Un transhumain pourrait en sortir. Ou, plus probablement puisque la Terre n’est pas plate ni l’humain central, un nouveau phénomène cosmologique qui n’aura fait qu’utiliser l’homme-outil pour exister. Avant d’en arriver là, si les 6 milliards de SMS envoyés depuis le début de l’année ne ressemblent pas pour vous, comme les mails avant eux, puis le tchat instantané, à de la télépathie assistée, alors oui, déconnectez-vous comme l’ordonne Douglas Rushkoff et continuez de parler tout haut sur la place de votre village. Le brouhaha et l’oreille du monde sont désormais numérique et globaux. Se déconnecter est devenu impensable. à moins de fermer la porte à l’évolution et à un futur de plus en plus proche.

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2011 dans Chronic’art)

 


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La petite musique des jeux vidéo

De ses débuts il y a tout juste 30 ans jusqu’à aujourd’hui, le jeu vidéo a évolué très vite, techniquement et artistiquement. La musique illustrant les jeux vidéo est par exemple passée des sons bip bip 8-Bits de ses débuts aux compositions orchestrales d’aujourd’hui. La technologie a suivi cette évolution mais pas toujours la législation. Surtout en France où l’exception culturelle qui protège les auteurs-compositeurs au risque de compromette l’équilibre budgétaire nécessaire à la conception d’un jeu vidéo.

L’âge adulte artistique

Bien que restitués avec des moyens techniques alors limités à sa naissance dans les années 70 aux années 90, les thèmes musicaux des premiers jeux vidéo ont acquis une célébrité jusqu’à devenir des classiques et être interprétés par des orchestres symphoniques. L’apparition du support CD sur ordinateur, puis la première console PlayStation de Sony, a changé les choses au milieu des années 90 en permettant d’illustrer l’environnement sonore et musical des jeux avec une qualité optimale de reproduction. Habitué à concevoir des musiques synthétiques plus économiques à produire, l’industrie dans son entier n’a pas immédiatement basculée vers des compositions acoustiques. Aujourd’hui néanmoins, les mélodies que l’on entend sur les derniers jeux Mario sur Wii (Super Mario Galaxy…) ont été enregistrées par un vrai orchestre symphonique et s’apprécient dans toute leur grâce pendant que le joueur saute de planètes en planètes. 

Avec l’arrivée des ambitieuses consoles PlayStation 2 et Xbox dans les années 2000, les jeux vidéo ont commencé à se mettre en scène et à se dramatiser avec des partitions musicales dignes de productions hollywoodiennes. Certains compositeurs travaillent d’ailleurs dans les deux industries. Un des plus connus, Harry Gregson-Williams, a composé la musique du jeu Metal Gear Solid et des films Shrek, Narnia, Kingdom of Heaven… Immédiatement identifiables, les thèmes des séries de jeux japonais Dragon Quest, ou Final Fantasy, composé par le respecté Nobuo Uematsu, et américains, Halo composé par Martin O’Donnell, génèrent, comme ceux des films Star Wars, Indiana Jones ou Superman un culte lié à toute l’émotion que les notes de musique peuvent provoquer.

La musique de jeux vidéo en tournée

Depuis 2005, un orchestre symphonique dirigé par la baguette de deux chefs d’orchestre compositeurs de musique de jeux, Tommy Tallarico (Earthworm Jim, Prince of Persia…) et Jack Wall (Myst III et IV, Splinter Cell, Mass Effect 1 et 2…), interprète en public dans les plus prestigieuses salles de concert du monde les thèmes d’une sélection de jeux vidéo célèbres. Déjà passée deux fois à Paris, la dernière prestation de la tournée Video Games Live a eu lieu dans le Palais des Congrès de la capitale le 17 décembre dernier avec un nouveau chef d’orchestre, l’italien Emmanuel Fratianni, compositeur co-crédité sur le jeu Advent Rising. Ponctuellement, des invités rejoignent les prestations live. Kinuyo Yamashita, la compositrice japonaise du jeu Castlevania a par exemple participé aux concert donnés à Newark aux USA fin décembre 2010. Lors de la première représentation à Paris en 2009, le créateur français du jeu Rayman, Michel Ancel, est monté sur scène avec deux musiciens pour jouer en live le thème de son prochain jeu Beyond Good and Evil 2. Une captation du concert existe en CD Audio et il est possible d’écouter des extraits gratuits en streaming sur Deezer.

L’élite des OST

Réservés à une élite de passionnés qui devaient acheter à prix d’or des versions imports, les OST (Original Sound Tracks), ou bandes originales de jeux vidéo, ont commencé à être éditée en CD Audio. D’abord au Japon grâce aux compositions très appréciées sur les jeux de rôle des éditeurs Square et Enix, puis, peu à peu dans le reste du monde. De nos jours, les OST ne sont plus rares et se trouvent presque facilement dans le commerce en France. À commencer par les magasins de musique dématérialisée accessible sur les stores d’Amazon ou d’Apple. La musique des jeux Mass Effect 1 et 2 signée Jack Wall est par exemple disponible en 6 albums sur iTunes. Le store Apple référence également 10 OST des jeux vidéo japonais Final Fantasy : des bandes originales complètes ou des réinterprétations orchestrales ou au piano.

Musique étouffée en France

En pleine effervescence, la création de musique pour jeu vidéo est freinée en France par une situation juridique aujourd’hui bloquée. Encore considéré comme un simple logiciel informatique, le jeu vidéo ne peut pas s’appuyer sur un réel statut législatif et culturel. Un trouble légal qui peut créer des situations dramatiques comme le raconte Emmanuel Forsans, un ancien producteur de jeux vidéo en France, actuellement responsable de l’Agence Française pour le Jeu Vidéo (AFJV).

« Les sociétés de jeux vidéo français ne veulent plus faire travailler les compositeurs français pour des raisons de droits d’auteurs inquantifiables à payer » explique Emmanuel Forsans. « Le jeu vidéo étant depuis son origine considéré juridiquement comme un logiciel et non une œuvre, l’usage jusqu’ici avait été de payer le travail d’un compositeur de musique de jeu vidéo une somme forfaitaire nette. Mais il y a quelque temps, un compositeur français est revenu sur cette convention et les tribunaux lui ont reconnu, comme pour les compositeurs de musique de films, un droit de propriété intellectuelle sur sa musique qui l’autorise à percevoir des droits d’auteurs, c’est à dire un fort pourcentage sur les ventes du jeu. Le studio de développement qui l’avait déjà payé une somme nette a été obligé de lui régler une somme rétroactive si élevée que l’entreprise a été mise en grande difficulté financière. Depuis, dans le milieu, plus personne n’ose faire travailler un musicien français. Même si la loi n’a pas été modifiée et que du côté de la Sacem (l’organisme qui collecte et redistribue les droits d’auteurs aux artistes), le jeu vidéo reste un logiciel, ce premier cas peut faire jurisprudence.« 

Musique de chambre entre le CNC, le SELL, le SNJV et la SACEM

Depuis plusieurs années et encore à ce jour, des discussions sont en cours entre la Sacem et le SELL (instance de représentation des éditeurs de jeux et de logiciels) autour de la définition du jeu vidéo et de ses composantes artistiques. Donnent-elles, ou pas, droit, à des rémunérations spécifiques liées à la propriété intellectuelle ? Déjà engagé dans le dossier jeu vidéo, le CNC (Centre National de la Cinématographie) arriverait un peu mieux plus à faire avancer les choses selon Emmanuel Forsans. Au cœur de cette négociation, c’est la définition même de ce qu’est le loisir interactif qui se pose. « Le jeu vidéo est un ensemble hétéroclite d’images, de sons, d’interactions » expliquait en 2009 Nicolas Gaume actuel Président du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo), « il n’a pas de statut juridique mais des jurisprudences contradictoires« .

« On a un peu surprotégé les musiciens en France« 

Programme informatique composé d’éléments rudimentaires animés et bruités à ses débuts, le jeu vidéo a évolué vers un ensemble composite faisant appel à des talents dans de nombreuses disciplines, en plus des programmeurs informatiques : illustrateurs, graphistes, animateurs, scénaristes, dialoguistes, acteurs, cascadeurs, compositeurs et musiciens. Avec sa singularité interactive, l’assemblage des disciplines autour de la création d’un jeu vidéo ressemble de plus en plus à son grand frère le cinéma. Pour cet ancien producteur de jeux néanmoins, « on a un peu surprotégé les musiciens en France« . Dommage collatéral de ce flou juridique qui gèle les relations de travail, les éditeurs de jeux vidéo font appel à des compositeurs résidant ailleurs qu’en France. Installé dans de nombreux pays, le français Ubisoft utilise par exemple, sur sa série de jeux Assassin’s Creed, le talent du compositeur danois Jesper Kid installé à New York. Un imbroglio juridique autour de la notion d’auteurs et de leurs droits sur le point de se complexifier avant d’être résolu en France. Les jeux les plus récents commencent à faire participer le joueur dans la création de contenu utilisable à l’infini par d’autres joueurs en ligne (LittleBigPlanet2 sur PS3 par exemple). Le joueur participatif devient, de fait, co-auteur. Sera-t-il un jour en droit de réclamer des droits d’auteur ?

Note complémentaire : La chance aux chansons

Le succès des jeux de rythme musicaux Guitar Hero et Rock Band a créé une nouvelle économie florissante entre l’industrie musicale et le jeu vidéo. Chaque chanson pop ou rock incluse dans les jeux ou vendue au détail sur les magasins PlayStation ou Xbox en ligne rapporte quelques centimes aux auteurs. Pas de quoi changer la carrière des stars de la musique sauf que, les musiciens concernés, dont des rockeurs un peu oubliés, ont eu la satisfaction de voir naître un regain d’intérêt pour leur albums grâce aux jeux vidéo musicaux. Les comptes semblent ici bon pour tout le monde jusqu’à ce qu’un éditeur de jeu ait eu la curieuse idée d’utiliser les silhouettes des dites stars de la musique en omettant d’obtenir leur autorisation et donc de payer cette présence célèbre par avatar interposé. Des procès de plusieurs millions de dollars sont maintenant en cours. Mais c’est une autre chanson.

François Bliss de la Boissière

(Enquête publiée (ou pas) dans le mensuel Comment ça Marche #9 de mars 2011)

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BEST OF JEUX 2010 : Une sélection militante

Le jeu vidéo repose sur des formules, des concepts et des gameplays qui évoluent beaucoup plus lentement que les technologies qui les supportent. La stabilisation hardware du côté des consoles en place depuis 4-5 ans permet aux studios de mieux finaliser leurs productions et, parfois, d’ouvrir la porte vers de nouvelles expériences…
 

Militant comme toujours ici pour un jeu vidéo digne de lui-même, on s’obstinera à ne vouloir reconnaître que dans les premiers jets les jeux les plus légitimes. Même si elles sont techniquement supérieures au premier essai, les suites numérotées sont toujours coupables de naître d’un plan d’amortissement sur plusieurs années et non d’une pure volonté artistique. Si le jeu n°2 est « enfin » abouti cela implique que le premier été commercialisé sans l’être. Si le jeu n°3 révèle enfin le potentiel de la série c’est que les créateurs ont échoué à bien s’exprimer dans le premier. Que l’on entende bien, le work in progress artistique est tout à fait admissible, même s’il prend le joueur en otage de ses recherches et errements. En revanche, le procédé économique qui consiste à transformer le consommateur payant plein pot en béta testeur (un métier normalement rémunéré) ne devrait pas exister. Ce qui est vrai pour un artiste-concepteur comme Jonathan Blow qui a consacré deux années pleines à finaliser la mécanique du gameplay de son Braid alors que le jeu aurait pu être commercialisé bien avant, devrait l’être pour des grosses productions avec des budgets colossaux. Le modèle freemium aujourd’hui généralisé dans les jeux sociaux sera peut-être celui du jeu vidéo tout court demain.

Best of 2010 : Les jeux originaux

1 / Limbo (Playdead/Xbox Live) : Pourquoi ce jeu dit « indépendant » en tête de tous les jeux cette année et non Braid, flOw ou Flower les années précédentes ? Parce que contrairement aux propositions mettant en scène un gameplay/concept à la limite de l’abstraction, Limbo place l’humain au cœur du projet. Limbo ne se présente pas comme un pur objet interactif mais comme une œuvre qui réussit à intégrer l’interactivité à un ensemble de moyens d’expressions artistiques. Du noir et blanc expressionniste à la bande son minimaliste et enveloppante à la David Lynch, de l’absence de mode d’emploi aux mouvements discrets de caméra vers l’avant ou l’arrière, chaque élément appartient à une même sphère narrative émotionnelle et cérébrale. Le participant pénètre dans un univers complet de conte macabre par les yeux d’un petit garçon qui se réveille et dont l’éveil au monde, en quelque sorte, est naturellement fantasmatique et craintif. Un exemple parmi d’autre de la maîtrise artistique intime, aussi importante que le reste, la mise à mort chronique du personnage suggère elle aussi un commentaire à plusieurs niveaux. La lenteur de la fermeture au noir qui la conclut a déjà valeur d’ultime expiration et sert, comme le reste, à rythmer les palpitations du récit muet. Sa répétition cruelle et inévitable, chagrinante d’un point de vue émotionnel, mais non pénalisante en terme de jeu, distille un commentaire tragicomique sur ce principe mort/résurrection si fondamental au jeu vidéo tel qu’il existe depuis 30 ans. L’échec éventuel, la perplexité devant les décors en forme d’impasse ou de gouffre génèrent du récit. Ce temps de réserve individualise la relation psychique et somatique qu’entretiennent le joueur et le petit garçon à l’écran. Limbo fait preuve d’une énorme maturité d’expression physique et métaphysique non pas parce qu’il a le culot de mettre en scène des petits enfants suicidaires, mais parce qu’il réussit à concrétiser et à projeter devant nous la psyché sans garde-fou d’un enfant. Complètement référentiel (on pense à Another World), mais aussi tourné vers le futur artistique du jeu vidéo, Limbo n’est plus que du « jeu ».

2 / Heavy Rain (Quantic Dream/PS3) : Encore bancale et trop consciente d’elle-même en tant que jeu dans l’obligation de faire jouer, l’expérience ciné-interactive Heavy Rain laisse néanmoins une marque indélébile dans la mémoire du participant et la généalogie du jeu vidéo en général. Comme dans Fahrenheit, articuler le récit sur une histoire de psycho killer reste une solution bien racoleuse en direction, sans doute, des gamers, et finalement hors champ quand l’essentiel qualitatif se joue dans l’ordinaire des relations des personnages avec leur environnement proche. A ce titre, Heavy Rain réussit pleinement son pari de générer un suspens psychologique à la minute avec des choses banales et à créer une densité émotionnelle entre les personnages et le joueur.

3 / Enslaved : Odyssey to the West (Ninja Theory/PS3, Xbox 360, PC) : En quelques minutes explosives, Enslaved donne vie à deux personnages charismatiques, et à un monde complet avec ses ruines inédites, ses robots et drôles de machines tout aussi inoubliables. Enslaved s’approprie avec intelligence beaucoup de clichés avec une volonté de les transcender et de se rendre accessible à tous. Frustrant un moment pour un gamer averti, les rognages qui enlèvent du gameplay (esquisses de QTE à la God of War avec les boss, survol automatique des drones qui pourraient être pilotés par le joueur) sont autant au service de grand public que d’un récit initiatique qui ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. Ce qui n’empêche pas de tomber sur des séquences retorses et des zones de creux. D’une manière générale, le chic et l’élégance, la générosité et l’envie d’en découdre avec les décors, le gameplay, le jeu des acteurs et la mise en scène, envoient mille signaux de bienvenue en direction d’un jeu vidéo respectueux et en quête de réinvention.

4 / Darksiders (Vigil Games/PS3, Xbox 360, PC) : L’outsider qui cache sans doute un des gameplay les plus complets et les plus sophistiqués de l’année derrière un design D&D trop souvent vu. Exploration, simili plate-forme, vol, combats à l’épée hack’n slash, progression des pouvoirs et gestion manuelle des améliorations, absolument chaque rouage du gameplay donne satisfaction aux bouts des doigts et du mental comme un jeu Rare ou Nintendo. C’est cette présence tactile fiable et stimulante au fil d’environnements et d’architectures sophistiqués qui permet de supporter le contexte gothico-démoniaque grandiloquent.

5 / Kirby Au fil de l’aventure (Good-Feel, Nintendo/ Wii, disponible USA, sortie 25 février Europe) : La Wii ne se porte jamais aussi bien que quand elle joue en 2D à réinventer les chartes graphiques normatives et oublie (hélas ?) les fonctionnalités de reconnaissance dans l’espace de la Wiimote. Bien plus qu’un simple décor qui ferait tapisserie, les fils à couture, cordages, boutons, fermetures éclairs et autres tissages (dessinés et non photo réalistes comme dans LittleBigPlanet qui l’inspire un peu) donnent prétexte à une multitude de trouvailles graphiques au service du gameplay. Devenu petite voiture ou tank géant, le transformiste Kirby continue un parcours de plate-forme à mi-chemin de l’expérimental et du grand public. Un grand classique comme le restent encore Yoshi’s Story sur Nintendo 64 ou les (Super) Mario Paper sur GameCube et Wii.

6 / Alan Wake (Remedy/Xbox 360) : Encore une grande envie de réconcilier cinéma et jeu vidéo qui n’arrive pas à proposer mieux qu’une cohabitation alternée. Mais, assez bien jouée et mise en scène, la tentative est ici belle et prenante parce qu’elle s’appuie sur un environnement naturel particulièrement bien restitué. Personnage central du jeu, la forêt nord-américaine, ses ombres, son vent, sa brume, ses chalets en bois et ses rivières dégagent une présence organique inédite. La puissance d’évocation est si forte qu’elle rend crédible les situations les plus gauches.

7 / Red Dead Redemption (Rockstar San Diego/PS3, Xbox 360) : Le jeu de l’année choisi par la majorité des édiles du jeu vidéo, Red Dead Redemption impressionne surtout parce qu’il réussit quelque chose que l’on croyait impossible : un GTA western où les paysages horizontaux remplacent ceux des buildings verticaux. Cette prouesse technique admise il reste un jeu d’aventure en manque flagrant de personnalité. RDR décline tous les clichés du western classique qu’on ne supporterait plus au cinéma, comme si le western spaghetti des années 70 n’était pas passé par là. Habité de beaucoup trop de figures génériques (et de raideurs et de bugs décidemment indécrottables des free roaming games), ce premier western interactif démontre surtout qu’il va être possible – une fois cette surprise passée – d’en créer bientôt un avec une vraie personnalité.

8 / Bayonetta/Vanquish (PlatinumGames/PS3, Xbox 360) : Il faut regrouper ces deux jeux dans le même bouillonnement créatif halluciné du « jeune » studio PlatinumGames qui balance sur le marché à une cadence improbable des jeux fous et énormes qui demanderaient des années à n’importe quelle autre équipe japonaise ou occidentale. Hyper racoleur, les deux projets manquent de finesse mais pas d’imagination. Toujours au service d’un gameplay fouillé à la japonaise malgré des compromis d’accessibilités plus ou moins bien amenés, les tourbillons graphiques et sonores sexués et ultra fétichistes entrainent le joueur dans un spectacle interactif proche de l’ivresse.

9 / Sports Champions/The Shoot (Zindagi Games/Sony/PS3) : Il fallait faire la preuve de la pertinence du PlayStation Move, vis à vis de la Wiimote de Nintendo qu’il plagie, par le jeu et non par un plan de communication massif. Et ce sont justement deux jeux d’allure modeste qui font totalement l’affaire. Tennis de table où le gamer retrouve ses tics et faiblesses de vrai joueur de ping-pong, lancé de frisbees hyper raffiné et, surtout, tir à l’arc incroyablement tangible, offrent une précision de jeu HD dans la compile Sports Champions qui renvoie l’approximatif Wii Sports à ses balbutiements de nouveau né. Quant aux supers plateaux de cinéma thématiques de The Shoot et son accessoire ultra kitsch PS Move Zapper, ils développent un superbe jeu de tir sur rails que le tir au canard de Wii Play n’avait fait qu’esquisser sans concrétisation sérieuse il y a déjà quatre ans. Le jeu à reconnaissance dans l’espace trouve ici la maturité technique qui va permettre aux gamers de se livrer avec confiance à de sérieux jeux comme le prochain Killzone 3.

Best of 2010 : La suite au prochain numéro

– Super Mario Galaxy 2 (Nintendo/Wii ) : La concession commerciale du chiffre 2 fait mal chez un Nintendo qui ne cache plus son jeu marketing. Totalement vertigineux et sans doute intimidant pour tous les créateurs du monde, le jeu laisse sur place toute la concurrence d’une galaxie à l’autre.

– Mass Effect 2 (Bioware/Xbox 360, PC, PS3 le 23 janvier) : Avec une partie action cette fois vraiment travaillée en accord avec ses visuels somptueux et son histoire fouillée, et non intrusive, Mass Effect 2 devient le jeu d’aventure total entrevu dans le premier épisode. Gros point noir : en l’absence d’option alternative, la VF insupportable oblige les anglophiles à mettre la main sur un exemplaire en VO (en provenance d’Angleterre par exemple).

– Rock Band 3 (Harmonix/PS3, Xbox 360) : Le clavier musical est une merveille (bien que trop cher) même si l’apprentissage difficile. Comme les modes pro qui entrainent les joueurs vers un véritable apprentissage des instruments de musique. Peut-être le chant du cygne du genre musical en désamour, mais quel chant !

– God of War III (Santa Monica Studio/PS3) : L’énorme sens du spectacle fait avaler un gameplay solide qui ne change pas plus que les enjeux.

– Halo Reach (Bungie/Xbox 360) : C’est léché, fluide, efficace, toujours bien accompagné musicalement mais enfin, combien de campagnes faut-il avant de passer à autre chose ? Bungie a en tous cas compris et change justement de camp. Ce qui n’empêchera pas de continuer à voir débarquer des jeux Halo…

Best of 2010 : Jeux indépendants (ou presque)

– Les Mésaventures de P.B. Winterbottom (XBL, PC) : Héritier direct des concepts mentaux de Braid mélangeant espace et temps et manipulations au millimètre, mais pas suiveur, ces mésaventures là se la jouent burlesque comme un film muet avec un cachet et un raffinement artistique qui en dit à son tour long sur les possibles audaces artistiques du jeu vidéo.

– Super Meat Boy (XBL, PC) : Une vivifiante revisitation de la mécanique de précision des jeux de plate-forme au touché aussi impeccable que l’humour moitié trash moitié gamin. Adulte sans le dire.

– 3D Dot Game Heroes (PS3) : Commercialisé en boite et en magasin, ce vibrant hommage à Zelda a Link to the Past aurait aussi bien pu se vendre directement en ligne dans la catégorie indé. Inégal mais à voir absolument, ce duplicata en pixel art du monde de Zelda souligne, en passant, combien un vrai Zelda innovant manque au monde du jeu vidéo depuis The Wind Waker.

– Lazy Raiders (XBL) : Une grande folie concentrée que ce puzzle-game plate-forme qui mélange design à l’ancienne, gameplay tourneboulant bien plus fouillé qu’il n’en a l’air, et animations à faire craquer toutes les générations.

– And Yet it Moves (Wiiware, aussi sur Mac) : Limite aride, presque trop sec, mais innovant, le concept aperçu sur Mac d’un jeu de plate-forme en papier froissé où il faut faire tourner le décor pour que le personnage progresse, est enfin devenu presque jouable grâce à la Wiimote.

– Saving Private Sheep (iPad, iPhone, iPod Touch) : Angry Birds par ci, Angry Birds par là, dans la même catégorie puzzle-destruction des décors on peut préférer les bêlements irrésistibles des moutons casqués et les regards hilarants du loup aux aguets.

Le meilleur du pire 2010 : les déceptions

– Gran Turismo 5 (PS3) : Psychorigide jusqu’à l’absurde, interface étouffée par une gaine d’un autre âge, techniquement en retard sur la concurrence (Need for Speed : Shift notamment), GT5 stigmatise, avec FFXIII, tout le retard technique et culturel pris par les développeurs japonais face à l’occident. La fin d’un mythe.

– Final Fantasy XIII (PS3) : Un autre symbole majeur du jeu vidéo japonais s’effondre. 15 ou 20 heures de jeu en couloir où les combats au tour par tour se pratiquent en boucle avant d’apprécier un jeu qui s’ouvrirait d’avantage ? Les aficionados patients de la série acceptent aveuglément cette aberration mais le marché, lui, ne suit pas, et il a cette fois raison. 6 mois plus tard, tristesse, le jeu se brade déjà au tiers de son prix initial. (On ne classera pas le MMORPG Final Fantasy XIV sur PC dans cette liste mais les innombrables problèmes techniques au démarrage confirment de graves déficiences de conception chez Square Enix).

– Epic Mickey (Wii) : Survendu par un vétéran du jeu vidéo PC qui n’a pas su recréer le touché interactif des modèles Nintendo qu’il visait.

– Steam sur Mac : Un mariage contre-nature qui ne prend pas encore (voir détails ici).

– Wii Party (Wii) : La laideur passe-partout et les innombrables messages expliquant en longueur des séquences de jeu qui ne durent que quelques secondes laissent plus que perplexe : indifférent.

– Dark Void (PS3, Xbox 360, PC) : Encore un des jeux ambitieux et totalement ratés téléguidés à l’extérieur par Capcom qui oblige l’éditeur à se replier au Japon.

– Sonic the Hedgehog 4 : Episode 1 (PSN, XBL, WiiWare) : La différence avec tous les jeux Sonic annuels est que tout le monde a cru à la réussite de celui-là. Et patatras.

– Game Room (XBL) : La salle d’arcade virtuelle façon PlayStation Home rétrogaming promise par Microsoft sur Xbox 360 se retrouve plombée par des interfaces laborieuses et une ambiance sans âme. Voir une première visite ici.

– Lost Planet 2 (PS3, Xbox 360, PC) : Capcom a autant de problèmes à piloter ses productions à l’étranger (cf Dark Void cette année) qu’en interne au Japon. En voulant chasser sur ses terres le gamer occidental supposément fan des jeux multijoueur, Lost Planet 2 perd une grande partie de ce qui faisait la qualité du premier jeu.

– Split/Second Velocity / Blur (PS3, Xbox 360, PC) : Ratage presque total de repositionnement pour deux studios spécialistes de la simulation d’arcade qui tentent des jeux de courses purement arcade et sans sens de la simulation. On s’y ennuie sans savoir vraiment pourquoi.

– Crackdown 2 (Xbox 360 ) : Une déception inattendue tellement le premier jeu assurait bien ses arrières. Comme quoi les suites peuvent parfois faire moins bien, techniquement et conceptuellement.

– Metroid Other M (Wii) : Encore un exemple d’une réussite japonaise originale qui perd son essence à vouloir s’occidentaliser. Quelle mauvaise idée de (mal) scénariser les péripéties, d’automatiser la visée et de transformer en bonne idée sur le papier en exercice pénible le changement de prise en main de la Wiimote (vue subjective/vue à la 3e personne) en plein combats de boss. Et visuellement, ce projet Wii n’est pas non plus à hauteur de la série.

– Dante’s Inferno (PS3) : Du culot, de l’effronterie même à vouloir arracher de force un gameplay à L’Enfer de Dante, sauf que le gameplay ressemble comme deux gouttes de sang à God of War. Les gamers qui connaissent depuis longtemps l’enfer mais pas la Divine Comédie ne se sont pas laissés impressionner.

– Aliens vs Predator (PS3, Xbox 360 PC) : L’aura des monstres et le capital interactif de leurs mondes restent si grands qu’on veut y croire à chaque fois, et puis, comme pour Sonic de l’autre côté du spectre : patatras. À ce niveau de ratages systématiques, on peut parler de malédiction.

Best of 2010 : Rééditions

Ils le méritaient bien, surtout de si belle manière…

– Grand Theft Auto : Chinatown Wars HD (iPad)

– God of War Collection (PS2 > PS3)

– Hydro Thunder Hurricane (Dreamcast > XBL)

– ChuChu Rocket HD ! (Dreamcast > iPad)

– Prince of Persia Retro (iPad)

– Sly Trilogy (PS2 > PS3)

Hors concours en 2010 :

Le PC et sa galaxie Blizzard, StarCraft II, WoW Expansion

– COD Black Ops, Medal of Honor, Battlefield Bad Company 2 : RAS same players shoot again and again (voir ici pour les échauffourées)

DS et PSP : Totalement effacées par les mobiles Apple, de l’iPod Touch à l’iPad. La relève est indispensable, et vite.

François Bliss de la Boissière

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

2010 : The iPad Experience

Quand l’iPad a débarqué au domicile, elle s’est moquée, comme souvent, avant de hausser les épaules et de regarder ailleurs. Entre l’iMac géant sur le bureau familial, l’iPhone mini tout le temps dans les mains et le PowerBook lourdaud mais encore actif, cette histoire de tablette ne pouvait avoir un intérêt que pour les geeks chroniques et les habituels fans Apple. C’est vrai qu’elle est joliment plate cette tablette, que les photos rendent bien sur l’écran, et qu’elle ne fait pas de bruit, mais enfin, elle fait double, triple ou quadruple emploi avec les autres gros gadgets de la maison. « Les hommes ont toujours besoin d’un nouveau joujou » soupire-t-elle en pardonnant.

SteveJobs iPad

Miroir, joli miroir, dis moi qui est la plus belle…

Six mois plus tard, il y a deux iPad en circulation dans la maison. Le partage de plus en plus conflictuel d’une seule tablette n’était plus tenable et Noël a été la bonne occasion. Elle ne l’avouera jamais, pourtant le premier iPad arrivé en mai dernier est devenu très vite sa chose. Après les premiers jours rigolos où elle a négligemment apprivoisé l’engin dans le désordre, comme tout le monde, elle a commencé à privilégier la tablette pour regarder ses mails. Le soir d’abord, puis, peu à peu, le matin aussi. Jusque-là, elle ne le faisait qu’occasionnellement avec l’ordinateur.

Ce n’était que le début d’une longue liste de nouveaux comportements et de besoins qui ont peu à peu révélé que, malgré son abord convivial et universel, l’iPad appartient en réalité à la sphère des objets individuels, personnels, tel une sorte d’assistant numérique personnel haut de gamme. Regarder à plusieurs des diaporamas ou des vidéos ou faire passer la machine de mains en mains, pour essayer un jeu ou lire une page de magazine, prouve d’abord que la tablette que l’on partage appartient bel et bien à une personne et n’est communautaire que le temps de quelques démonstrations. Faites la tourner, et elle revient immanquablement à son propriétaire, attitré ou symbolique. Quand elle s’est abonnée à l’édition numérique du quotidien Libération qu’elle peut enfin recevoir (télécharger donc) tous les matins à domicile, il était devenu clair que l’iPad, aussi devenu liseuse, ne la quitterait plus jamais longtemps.

Impact transgénérationnel

Une des surprises fut de découvrir que l’iPad était devenue pour elle une machine à jouer. Ou, plutôt, une machine à faire jouer ensemble. Elle ne s’est pas transformée du jour au lendemain en gameuse à cause de l’iPad mais, tel un aimant social, la machine et ses jeux lui ont permis de développer de nouveaux liens privilégiés transgénérationnels. Elle a réalisé par exemple que les jeux vidéo installés dans la tablette attiraient immanquablement son petit neveu de 5 ans. Comme il ne sait pas encore lire et respecte encore l’ordre adulte, il l’a sollicite régulièrement pour lancer les jeux et se faire expliquer tel ou tel mode d’emploi. Elle découvre ses aptitudes innées au jeu vidéo et l’enfant et l’adulte, réunis autour d’un même espace-temps digital qui se touche, apprécient tous les deux cette complicité et l’intimité du jeu partagé avec l’iPad entre les mains ou sur les genoux.

Plus inattendu encore, elle a découvert que sa grand-mère était capable de s’intéresser plus que sérieusement au vénérable Scrabble relifté sur l’iPad. Non seulement cette grand-mère s’amuse toute seule sans problème à lancer des parties de Scrabble sur la tablette mais elle a la patience et l’envie de participer à la connexion des iPhone et iPod Touch devenus chevalets qui permettent de jouer à plusieurs. Ce n’est plus une vue de l’esprit d’un gourou de la Silicon Valley ou un vœu pieux marketing : autour du jeu et de son hypnotique écran à portée de mains et du coeur, l’iPad cautérise les fractures numériques et comble les gouffres générationnels.

Services à la personne

Des mails aux réseaux sociaux, il n’y qu’un pas que l’iPad a réduit d’un ou deux effleurements de la main. Puisque quelques légers gestes tactiles suffisent pour basculer de l’appli Mail à Safari, elle a fini par prendre l’habitude de consulter et publier presque aussi régulièrement sur Facebook. Elle contemple le soir les photos qu’elle a postées à partir de son iPhone dans la journée. Nul doute que le fait de pouvoir regarder intimement son profil Facebook, sans craindre un regard par dessus son épaule comme sur l’ordinateur, a décuplé sa présence sur le réseau social. En haut de son profil, les trottoirs enneigés de Paris et la Seine au bord de la crue ont remplacé les feuillages automnaux et l’iPad est sa tribune populaire.

Après insistant conseil extérieur cette fois, parce qu’il lui était difficile d’imaginer se séparer de ses prestigieux tirages photographiques constituant son book photo professionnel, l’iPad est enfin devenu son book numérique idéal. Fini les visites dans les galeries et agences encombrées de gigantesques cartons à dessin. Tendance, discret et surtout, aussi réactif sous les doigts que démonstratif, l’iPad est devenue sa meilleure carte de visite. Sans en avoir l’air.

TV réinventée

Parmi les pratiques inimaginables avant qu’elles se concrétisent, la consultation de programmes vidéos a été beaucoup plus loin que prévu avec l’iPad. Bien sûr, elle s’est fait un peu aider au début pour se familiariser aux différentes astuces de synchronisation entre iTunes et l’iPad mais depuis, merci tout va bien, elle n’oublie jamais de louer un film ou quelques épisodes de séries TV sur l’iTunes Store avant de prendre le train vers le Sud. Bien sûr, également, chaque soir, les dernières vidéos trouvailles Youtube ne manquent pas de tourner sur le canapé. Parfois remplacées par les archives de la télévision française d’hier ou d’aujourd’hui puisées sur Dailymotion. Mais le choc et le vrai glissement est apparu en même temps que les applis diffusant des programmes de télévision en direct live sur l’iPad grâce au Wi-Fi. Au début simple curiosité anecdotique, la TV sur iPad devient chaque jour plus indispensable non seulement pour les infos en direct mais aussi pour les fonctions de TV de rattrapage, comme celle que propose l’appli M6 notamment.

Avec l’iPad, il y a désormais une télévision dans la cuisine, à l’heure des repas ou, dans le lit, avant l’extinction des feux. Une télévision réinventée, de proximité, que l’on touche physiquement du doigt pour faire taire, les pubs par exemple, que l’on pose n’importe où, négligemment même, à côté de soi, proche de soi si l’on veut. Plus rien à voir avec l’objet lourd et fixe qui trône au-dessus des meubles et diffuse ses programmes d’un ton docte et distant. Cette nouvelle intimité créé un nouveau lien, complice et décontracté, fidèle mais pas autoritaire. Quand elle se déplace d’une pièce à l’autre avec le programme TV en cours entre les mains grâce à l’iPad, il s’agit moins d’une dépendance que d’une nouvelle forme de contrôle. Et de toutes façons, regarder un film, une émission de variété ou un talk show en le tenant entre ses mains et, éventuellement, en marchant, réintroduit de la magie dans une pratique que l’on croyait aussi surannée que l’ORTF.

L’avenir entre ses mains

Chaque mois, l’iPad génère de nouveaux usages. Tantôt provoqués par l’apparition de nouvelles applis que l’on ne concevait pas hier, tantôt parce que l’iPad s’ouvre à toutes sortes de personnalités venues à lui. La tablette Apple ne contient pas une liste magique de fonctionnalités qui serviront à tout le monde. L’iPad se situe au-dessus de ça, en amont même. Son universalité repose sur le fait qu’il permette de consommer sans effort, voire, il faut le revendiquer, paresseusement, du contenu numérique. Il permet d’oublier la grosse case ordinateur, son clavier, sa souris, son écran vertical intimidant, son fauteuil plus ou moins bien ajusté. Littéralement et au figuré, l’iPad remet tout à plat. Oui, en 2010 – cela tombe bien pour lancer une décade vers le futur – l’iPad est entré dans nos vies comme une tornade douce qui dépoussière chaque jour nos vieilles habitudes. Maintenant qu’elle a le sien propre, avec ses mots de passe, ses petits secrets et le confort de savoir qu’elle en est bien la propriétaire mais aussi le maître, ce n’est plus elle qui dira le contraire.

Note : Ce texte agrège les pratiques réelles de plusieurs personnes et non d’une seule.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 31/12/2010 sur Hitphone.fr)

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Les nouvelles frontières du jeu vidéo

Nul n’est censé ignorer le largage public du jeu Halo Reach par Microsoft le 14 septembre dernier pas plus que celui de Mafia II de Take-Two qui a pris la tête des affichages kiosques et des charts pendant trois semaines. Entre les deux Nintendo a mis le paquet médiatique sur la sortie de Metroid : Other M et aujourd’hui Sony agite les bras à qui mieux mieux pour accompagner la sortie de son nouvel accessoire PlayStation Move. Oui, les drapeaux blancs sont en berne, la saison des blockbusters du jeu vidéo est ouverte et, comme l’année dernière, elle s’étendra jusqu’au premier trimestre 2011. Dans la ligne de mire : les gamers toute catégorie. DÉCRYPTAGES…

Enslaved

C’est entendu, depuis le succès presque inattendu du premier trimestre 2008, l’industrie du jeu vidéo a pris note de deux phénomènes assez importants pour devenir méthodologie. Toujours privilégiée en terme de ventes, les fêtes de fin d’année ne sont plus tout à fait le seul moment où le jackpot se ramasse. Surtout que Noël peut aussi signer la mort de titres essayant de se frayer une place au milieu des licences déjà connues. Il y a encore quelques années, un jeu ratant le rendez-vous de Noël se voyait peu à peu repoussé jusqu’à la fin du printemps. L’hiver était mortel. Désormais, la sortie en janvier, février, ou mars (avant la fin de l’exercice fiscal annuel des sociétés) de titres forts devient alternative marketing crédible. Prévu pour le mois de novembre, et donc Noël, le jeu éminemment festif LittleBigPlanet 2 sur PS3 vient d’être reporté par exemple à janvier 2011 (pour raisons créatives) et non à mai-juin comme le voulait l’usage. Dans le jeu vidéo, la saison des « fêtes », et des affrontements, court désormais sans temps mort de septembre à mars. Soit, finalement 7 mois sur 12. Un progrès par rapport à la concentration sur environ trois mois des décades précédentes.

Le gamer le couteau sous la gorge 

L’exercice, pour le consommateur gourmand, reste dramatique. Contrairement à un passionné de cinéma qui peut assouvir sa passion de façon relativement économique avec un abonnement mensuel de 20 € donnant accès à un nombre illimité de films en salles, le passionné de jeux ne peut sérieusement envisager de jouer à tous les bons ou jeux importants sur une telle période. La location de jeux vidéo reste interdite en France (autorisée aux USA), le gamerphage ne peut que se rabattre sur le marché de l’occasion, non régulé, et proche d’un racket national. Une passion encore plus ruineuse, si, en gamer averti, le consommateur s’est équipé progressivement des consoles concurrentes au fur et à mesure de leur sortie ou de leurs baisses de prix. Seule condition pour accéder à des exclusivités associées à chaque marque comme, cette année, les attendus Epic Mickey sur Wii, Fable III sur Xbox 360, Dragon Quest IX sur DS, Halo Reach sur Xbox 360, Gran Turismo 5 sur PlayStation 3. La convergence des services audio-vidéo et interactifs lissent bien un peu plus chaque jour les différences entre chaque console, mais il reste encore des poignées de productions incontournables exclusives à chaque marque. Même si, depuis que le parc de machines vendues s’uniformisent (PS3 et Xbox 360 vont atteindre peu ou prou ensemble la barre des 40 millions d’unités vendues, la tendance s’inverse. Certains studios, Quantic Dream (Heavy Rain), Bungie (Halo) ont notamment repris leur liberté après avoir fourni leur exclusivité à quand console : Heavy rain sur PS3, Halo Reach sur Xbox 360. Eux et quelques autres ne voient plus l’intérêt de rater une grande partie du public gamer en ne sortant pas sur toutes les consoles.

Blasons & écussons

Certains jeux clés continueront néanmoins d’être exclusifs parce qu’au delà même du succès commercial, ils marquent le territoire de chaque fabriquant de consoles ou de chaque éditeur. Même si les mascottes des années 90 comme le Sonic de Sega ont perdu leur fonction de locomotive, Mario reste l’icône indétrônable de Nintendo. Alors qu’aucun jeu Mario ne fait l’actualité de cet automne, la société japonaise qui a pourtant bien d’autres cordes à son arc depuis la Wii, cherche à créer l’événement médiatique en saluant les 25 ans, non pas de la naissance du plombier moustachu sorti de la cuisse de Donkey Kong en 1981, mais du premier jeu phénomène à part entière Super Mario Bros commercialisé en 1985. Avec le nouveau et dernier Halo signé par le studio Bungie signataire de la série, Microsoft saisit à bras le corps, quitte à forcer le trait, l’occasion de le brandir en étendard de la marque (surtout à domicile, aux USA). Et de prendre les devants sur les sorties imminents des FPS (First-Person Shooters) militaires concurrents en annonçant quelques records dont les mises en perspectives auto satisfaites restent aussi discutables que celles de la concurrence les années précédentes. Halo Reach aurait ainsi rapporté 200 millions de $ de recettes le jour de sa sortie là où Halo 3 en avait gagné 170 millions en 2007. Sans qu’aucune allusion à l’inflation des prix, aux coûts de développement et de marketing n’y soit associée. Microsoft consolide ainsi sa base de hardcore gamers avant d’attaquer, au mois de novembre, le public familial avec son procédé de jeu sans manette Kinect.

L’étendard sanglant est levé

Situé entre les deux extrêmes que sont devenues la Xbox 360 pro gamers, et la Wii, pro grand public, la PlayStation 3 choisit de commencer par aller chercher d’abord le public familial avec la manette PS Move, fac-similé de Wiimote, et sa gamme de jeux touts publics (Sports Champions, Start The Party, Eye Pet…) copiant là aussi le catalogue Wii. Sony consolidera sa base tout de suite après avec l’hyper ambitieux jeu de course Gran Turismo 5 (sur la ligne de départ depuis au moins 5 ans) en novembre, puis Killzone 3 en février 2011 puisque, encore une fois, le 25 décembre n’est plus une frontière. Du côté des purs éditeurs de jeux qui ventilent leurs productions sur toutes les consoles du marché, la bataille des plus importants va se jouer aussi sur quelques titres devenus iconiques, à défaut d’être toujours recommandables. Totalement dominant le champ de bataille des FPS avec la série Call of Duty, Activision va chercher à recréer l’événement de 2009 avec l’épisode Black Ops en novembre bien que les créateurs originaux aient pris bruyamment le maquis cette année. En 2010 cependant, le concurrent direct Electronic Arts, ex numéro 1, cherche à reprendre la main sur le terrain militaire en redonnant vie à la série Medal of Honor originale mise en sommeil depuis plusieurs années. Bien décidé à retrouver une place sur le podium des campagnes militaires, Electronic Arts ne fait pas dans la demi-mesure et avance ses soldats/pions en plein Afghanistan. En allant au devant des polémiques – tout à fait officieusement parce que les porte-paroles nient en bloc toute intention maligne – l’éditeur américain compte bien attirer les regards, et le porte-monnaie des gamers toujours à l’affut d’un nouveau terrain d’affrontement en ligne.

Noël rock’n roll

La trêve de Noël n’aura donc pas lieu dans le jeu vidéo bien que le calendrier des sorties soit presque immaculé en décembre. Même les pacifiques jeux musicaux vont devoir s’affronter. Pour faire face à un Rockband 3 particulièrement novateur d’Electronic Arts (introduction d’un clavier, d’une presque véritable guitare et rapprochement avec un vrai logiciel d’apprentissage musical), Activision radicalise le 6e Guitar Hero en mettant en scène des « Warriors of Rock », avec Philippe Manœuvre en bateleur, et cherche à passer en force à coups de beats et de mashups son DJ Hero 2 dont la première tentative n’avait pas pris en 2009. Particulièrement singulier, le premier trimestre 2010 se retrouve en position de chanter un deuxième couplet vers le succès pour des jeux reconnus par la critique lors de leur première exploitation sans que le public n’ait suivi en masse. De janvier à mars, le chiffre 2 derrière Dead Space 2, LittleBigPlanet 2, inFamous 2 et Portal 2 devrait guider, en deux temps comme cela réussit à Uncharted….2, les consommateurs frileux devant l’inconnu et valider financièrement le talent des équipes à la tâche.

Nouveaux héros

Au milieu de cet interminable débarquement où même Les Sims seront de la partie sur consoles de salon (Les Sims 3), et un historique Civilisation V essaiera de raviver jeu sur PC, les outsiders, inconnus hier, auront encore une fois bien dû mal à exister, voire à s’imposer, quelles que soient leurs qualités. Pourtant, grâce aux démos jouables offertes sur consoles, le joueur consommateur n’a plus guère l’excuse de se laisser conditionner par les plans médias en oubliant de partir lui-même en reconnaissance, manettes en mains. Pour un énième Call of Duty ruminant, Star Wars radotant (Le Pouvoir de la Force II), Assassin’s Creed bégayant (Brotherhood), Fable III fabulateur, ou Sonic tournant en rond (Sonic Colours), combien de courageux et étonnants Vanquish (Sega), Epic Mickey (Wii), Kirby’s Epic Yarn (Wii) ou, notre grand favori 2010 : Enslaved : Odyssey to the West (Namco-Bandai) se casseront les dents ? Bien qu’ils s’appuient encore sur des repères fondateurs rigides, les éditeurs de jeux vidéo ont quand même entendu la rumeur publique des années passées et ont assoupli leur règle du jeu. Aux gamers maintenant de saisir les nouvelles opportunités et d’inventer de nouveaux horizons, de jeux, de consommation et d’attention.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 24 septembre 2010 sur Electron Libre)

 


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Comète Mario à l’approche : une 3D toujours prisonnière de la 2D

Les 2 Super Mario Galaxy ont beau jouer avec les perspectives et les volumes comme nulle part ailleurs sur cette planète, ils s’attellent à contraindre Mario, et le joueur, dans de grands couloirs, ou des petites bulles. En 2008 nous pointions du doigt ce concept camouflé en regrettant la perte de liberté goutée avec Super Mario 64 et Super Mario Sunshine. En 2010 Shigeru Miyamoto en personne avalise la notion (merci à lui) et explique tout haut ce concept de gameplay 2D encapsulé dans un monde visuellement en 3D…
Mario Galaxy 2

En pleine euphorie consensuelle autour du premier Super Mario Galaxy en 2008, nous avions jugé nécessaire de lancer un débat qui n’avait pas lieu en qualifiant le jeu de « meilleur jeu 2,5 D de tous les temps ». Nous écrivions alors…

Mario Galaxy enlève au joueur la liberté d’explorer que lui avait donné Mario Sunshine et même, dans une moindre mesure, Mario 64. À ce titre, Mario Galaxy se donne visiblement le même objectif que Zelda Twilight Princess sur Wii : reconquérir coûte que coûte le cœur et les mains des gamers fidèles dont les variations 3D un tantinet relâchées ont fini par perturber, et donc décevoir. Un revirement à double tranchant. Les parcours hyper concentrés et pratiquement sans détour des niveaux de Mario Galaxy sont bien dignes des versions 2D. Mais après Mario Sunshine il s’agit d’un retour en arrière. Depuis toujours, les jeux Mario, Zelda et Metroid cumulent à chaque épisode les acquis des précédents. Une véritable gageure réussie par Nintendo de la 2D à la 3D. Pourtant, l’Observatoire de l’espace de Mario Galaxy n’est qu’un petit carrefour fonctionnel à côté du château de Mario 64 et de l’île Delfino de Mario Sunshine regorgeant de secrets. Quelques uns des niveaux de Mario 64 laissaient déjà un peu d’espace à une exploration vraiment libre (avant la sortie du jeu et en regardant les screens, les observateurs se demandaient déjà en quoi ces espaces «vides» auraient une pertinence ludique et interactive !). Puisque la 3D était acquise et les moyens d’occuper l’espace virtuel aussi, un bon nombre des niveaux de Mario Sunshine permettait de se «promener», de visiter les décors tout en allant à la découverte des surprises dissimulées. Une liberté d’aller et venir qui semblerait ne pas avoir tout à fait convenu à la majorité. Dans Mario Galaxy les parcours sont tous explicitement des trajets d’un point de départ (sans retour en arrière possible) à un point d’arrivée. Les quelques rares planètes permettant un peu de flânerie sont bien trop petites pour dégager un sentiment d’exploration. En réalité, un niveau (une «galaxie») est fragmenté en plusieurs mini planètes dont l’ensemble n’est jamais préhensible ni à pieds ni d’un regard (ce qui fait partie du charme et du mystère). Mario est redevenu le champion, certes tarabiscoté, du parcours A-B.

Cherchant à comprendre pourquoi, dans l’évolution de Mario, Nintendo avait jugé bon de brider la liberté de la 3D, nous poursuivions…

Pour reconquérir son public, Zelda Twilight Princess ramenait Link dans les lieux du jeu référent Ocarina of Time et compilait toutes les aptitudes précédentes. Dans Mario Galaxy, le retour aux valeurs sûres se fait en supprimant la liberté de déplacement du petit bonhomme en salopette et en inhibant le contrôle de la caméra dans une grande majorité de situations. Sans clairement identifier pourquoi, la pensée dominante considère donc que Mario Galaxy a retrouvé toutes ses qualités originales (que n’avait apparemment pas Mario Sunshine), qu’il est même le vrai descendant de Mario 64.

Avant de nous indigner…

Est-ce à dire que Mario ne s’exprimait pas comme il faut dans l’espace 3D plus ouvert de Sunshine ? Qu’il s’éloignait trop de son essence ? Que la réalisation était mal adaptée ? Ne serait-ce pas plutôt le public qui n’a pas su ou voulu suivre l’évolution de Mario vers plus de liberté et de responsabilité ? Car dans Sunshine Mario ne faisait pas que courir après la Princesse Peach. Condamné à tort au nettoyage de l’environnement, par les autorités de l’île où il comptait passer ses vacances, le plombier oisif se retrouvait avec des responsabilités écologiques et civiques. Le pistolet à eau donnait au Jump Man de Miyamoto une prise sur le monde qu’il n’avait jamais eu auparavant. Pour la première fois Mario pouvait impacter sur son environnement avec d’autres outils que son ventre, quand il glisse, son postérieur et sa tête, quand il saute. L’opinion générale a donc rejeté ce Mario presque administré, libre de circuler mais, interdit de vacances, enfin utile. Alors, rejeté par une humanité encore primitive qui n’a pas voulu de lui parmi elle, Mario, le petit prince déguisé en crapaud depuis toujours, s’est arraché à la pesanteur terrestre et s’en est allé tout là-haut voir si son destin ne serait pas finalement plus cosmique que terre-à-terre.

Puis de rendre hommage au talent…

Le génie total de Nintendo est de (presque) réussir à faire oublier que Mario Galaxy est un retour en arrière par rapport à Mario Sunshine. Le vire-voltage permanent du personnage d’une planète à l’autre – et cette fois il vole vraiment comme Superman, mais sans le contrôle du joueur –, la constante impression de sens-dessus-dessous, la folie visuelle provoquée par toutes sortes de mécanismes aux lois physiques autonomes, alimentent une ivresse jouissive, fiévreuse et aveuglante. Mario s’agite beaucoup mais pris dans un perpétuel effet d’entrainement il ne contrôle rien. Quand il a l’opportunité de courir librement, il tourne littéralement en rond sur de petites planètes dont il fait vite le tour. Les seules vraies occasions de franchir du terrain, ou plutôt de l’espace, sont automatisées. Quand le joueur a la main, il est merveilleusement et inexorablement guidé vers un objectif. Sauf à croiser le chemin de planètes « blagueuses » plus challenges, les parcours se font sans chronomètre, il reste donc possible de prendre son temps, de regarder alentour. Sauf que la caméra garde souvent une position prédéterminée et fixe et que la vue subjective, elle aussi pas systématiquement possible, ne laisse pas voir grand-chose puisque les petites surfaces des planètes sont courbes. Au mieux peut-on observer quelques amas de planètes suspendues dans le vide lointain comme le petit Link de Wind Waker repérait au loin une île perdue dans l’immensité de l’océan. Link pouvait alors décider de s’y rendre, Mario lui, doit subir le diktat du jeu.

Et de conclure…

Si la raison d’être ontologique de la 3D virtuelle est d’offrir un espace à arpenter ou posséder, à l’instar d’un Pandemonium ou d’un Crash Bandicoot, Mario Galaxy et ses parcours fléchés dans le cosmos ne serait-il pas le summum du jeu 2D camouflé dans un environnement 3D ? Est-ce que cela lui enlève ses qualités, son inventivité, sa folie ? Non, bien sûr.

Aujourd’hui, Super Mario Galaxy 2 prolonge et sans doute surclasse Galaxy 1. Et au moment où, à nouveau, personne ne soulève la question d’une 3D téléguidée allant chercher dans un monde en volume l’essence d’un gameplay en 2D, Shigeru Miyamoto explique publiquement son projet d’accommoder la 3D à un gameplay en 2D. Voici quelques extraits de son échange avec Satoru Iwata désormais disponible en bonne VF…

« Jouer un jeu en 3D comme s’il s’agissait de 2D »

Satoru Iwata : J’ai l’impression que les gens disent souvent “J’ai tendance à me perdre dans un Mario en 3D alors que ça ne m’arrive jamais avec les jeux en 2D ” ou encore “Les Mario en 3D sont plus difficiles que les Mario en 2D, je ne peux pas y jouer”. J’ai le sentiment que vous avez voulu attaquer ce problème de front.

Shigeru Miyamoto : Oui, mais je pense aussi que nous avons résolu certains problèmes liés aux Mario en 3D avec le premier Mario Galaxy. Vous arpentez des sphères, par conséquent, si vous marchez tout droit, vous finirez toujours par revenir à votre point de départ.

Satoru Iwata : Vous ne pouvez pas vous perdre.

Shigeru Miyamoto : Voilà. Nous avons remarqué autre chose durant le développement de Mario Galaxy 2. On parle souvent des jeux Mario en 3D, mais en fait, c’est simplement le monde qui vous entoure qui est en 3D. Les aspects les plus amusants du gameplay sont liés à la 2D.

Satoru Iwata : Qu’entendez-vous par là ?

Shigeru Miyamoto : Eh bien, même si le terrain est en 3D, il contient de nombreux objets ainsi que le personnage de Mario. Si vous observez le terrain du dessus, il est plat.

Satoru Iwata : Ah, je vois. Si la caméra est placée au-dessus de votre tête ou sur le côté, vous pouvez y jouer comme s’il s’agissait d’un titre en 2D.

Shigeru Miyamoto : Voilà. Contrairement aux Mario en 2D qui ne proposent qu’une vue de côté, les jeux en 3D offrent un changement bienvenu, car ils ne comportent pas seulement une surface plane, mais incluent également de la profondeur.

(…)

Satoru Iwata : Le monde est en 3D, mais vous avez mis de côté tous les aspects propres à la 3D qui risquaient de dérouter ou de déstabiliser le joueur. Vous avez consciemment développé le jeu pour que la 2D soit son principal atout.

Shigeru Miyamoto : Oui, c’est pour ça que je pense qu’il est facile à prendre en main.

François Bliss de la Boissière


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Gameloft, 10 ans de mobilité et en quête d’identité

En mai 2010, Gameloft fêtait en grandes pompes à Paris ses 10 années d’exercice. La presse était conviée et j’en avais fait un rapport mi figue mi raisin en ligne. À tel point qu’il m’avait valu par la suite une conversation avec les représentants médias de l’entreprise sans doute surpris que leur plan de communication ne suscite pas que des articles 100 % positifs. Rien de grave, tout le monde faisait à l’époque en âme et conscience son travail.
Au moment où, 6 ans et un mois plus tard, Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré, prend le contrôle hostile de Gameloft et que la démission de son PDG  Michel Guillemot est attendue, il me semble intéressant de revisiter ce que représentait alors l’entreprise au faîte de sa gloire.

Compte-rendu publié en mai 2010…

Pour fêter ses 10 ans, la société française spécialiste du développement de jeux vidéo sur supports mobiles a investi la Cité de la Mode et du Design. Un espace encore vierge amarré au quai d’Austerlitz et toujours en attente d’inauguration officielle qui ressemble, sans que cela soit prémédité, à la société Gameloft qui l’occupe un soir. Une coquille vide où une entreprise en quête de reconnaissance vient chercher à grands renforts d’invitations franco internationales et d’une balade sur la Seine, une nouvelle identité et, peut-être, un nouvel horizon. ABORDAGE…

Avec ses 330 millions de jeux vendus par téléchargement à travers 80 pays, ses 4000 employés répartis à travers le monde, après avoir essentiellement occupé l’agenda de l’industrie du téléphone mobile, la succès story Gameloft commence tout juste à prendre une place significative dans le paysage jeux vidéo. La soirée anniversaire de ce jeudi soir 6 mai 2010 semblait valider, certes les 10 premières années de prospérité de l’entreprise, mais aussi le passage à une nouvelle étape vers un futur peut-être plus noble. Les jeunes commerciaux faisant la démonstration sur place des jeux sur iPhone, téléphone Android ou, en exclusivité, sur iPad, le concèdent silencieusement face à une nouvelle audience cette fois plus avertie. La plupart des jeux du catalogue ne fait que cloner des titres forts du monde du vrai jeu vidéo, celui qui se joue sur les historiques consoles de salon ou portables. Cela passait et à fort bien réussi à l’entreprise pour nourrir les millions de téléphones mobiles au public peu exigeant en matière de jeux vidéo. Cela devient flagrant et chaque jour plus embarrassant en se rapprochant de la véritable industrie interactive.

Des titres de noblesse achetés

En ne ratant pas le virage Apple, en développant très vite sur iPhone et iPod Touch (65 titres) puis, maintenant, leader sur iPad avec 15 jeux (les ventes sur appareils mobiles Apple comptent pour 21 % des ventes de l’entreprise au premier trimestre), Gameloft gagne chaque jour de nouvelles lettres de noblesse. Une poignée de jeux déclinés aussi sur les DSiWare et WiiWare Nintendo, sur Xbox Live Arcade et PlayStation Network, participe à une irrésistible montée en réputation. Quand bien même son catalogue continue de fourbir des copies de jeux à succès et des licences de films sans plus d’intérêts que celles des autres acteurs du marché. Mais la création de jeu singulier ou à teneur artistique fait encore défaut. La première force vive de cette société continue d’être la fuite en avant vers l’innovation. En 10 ans Gameloft a dû s’adapter à plus de plateformes que le reste de l’industrie du jeu vidéo pourtant elle aussi habituée à se renouveler fréquemment. Dans son communiqué, la société annonce ainsi se positionner au plus vite sur les nouveaux Smartphones, les tablettes et les interfaces 3D à l’arrivée imminente.

L’entreprise à la fête

C’est à la fin du discours, ponctué de vidéos auto satisfaites, de l’attachant PDG Michel Guillemot que la réunion nocturne révèle sa vraie nature. Les médias, à la présence tout à coup déplacée, participent à une soirée d’entreprise où les employés sont majoritaires, hurlent en reconnaissant les collègues intervenants en vidéo et lèvent leurs verres de champagne à la santé d’un bien qui leur semble commun alors qu’un seul homme a droit à un podium et aux projecteurs. Le speech aimablement dit dans un anglais très français, se contente de saluer l’entreprise et son parcours sur 10 ans. Le message plus galvanisateur que médiatique vise les salariés. Un discours dont la gentille insignifiance ressemble à peine étrangement au catalogue de l’éditeur. Lisse, sans personnalité, reprenant des formules existantes à droite et à gauche, ou tout simplement dans l’espace public. Au détour de ces propos sans aspérité lu sur un iPad discrètement posé sur un pupitre, lui aussi translucide, Michel Guillemot tente de présenter un nouveau logo Gameloft, symbole d’un nouvel élan, qui tombe à son tour à plat.

Entre deux eaux

À l’ombre des grands du jeu vidéo, jumeau officieux d’Ubisoft tenu par son frère Yves Guillemot, Gameloft a clairement besoin d’une identité. Un nouveau logo est un début. D’évidence, des jeux vraiment originaux et solides que le public associerait sans équivoque à la marque pourraient suffire tellement la société contrôle déjà tout le reste de sa chaine de fabrication et de distribution. Bien que très générique, le FPS N.O.V.A. développé pour iPhone puis upgradé sur iPad a déjà fait tourner la tête des gamers. Pour l’instant les jeux les plus prestigieux du catalogue Gameloft copient celui du frère Ubisoft : l’Avatar de James Cameron (développé, nous affirme-t-on, indépendamment de la version Ubisoft), Assassin’s Creed, Prince of Persia, Tom Clancy’s HAWX. Mais, frère ou pas, Ubisoft semble déjà engagé dans la reprise en main de ses licences et devrait développer lui-même des versions portables de ses titres les plus prestigieux. Même si c’est énorme en âge techno-numérique, à dix ans seulement, qu’elle le souhaite ou non, poussée en avant, entre autre, par le nouveau vent Apple, l’embarcation Gameloft va devoir totalement s’émanciper, se trouver un vrai écusson à coudre sur son pavillon, quitter les bords de la Seine et prendre pour de bon le grand large si elle veut rejoindre les côtes mythiques où s’affrontent déjà les géants du jeu vidéo.

François Bliss de la Boissière

Photo de Une © Bliss : Michel Guillemot et le nouveau logo Gameloft

(Publié le 11 mai 2010 sur Electron Libre)

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Game Room Microsoft : rien ne va (déjà) plus

Inauguré il y a tout juste un mois sur Xbox 360 et PC avec des petits problèmes techniques inattendus au sein de services en ligne Microsoft réputés exemplaires, le projet Game Room ne donne aucun significatif signe de vie autre que le licenciement des équipes y ayant contribué. GROS PLAN…

GameRoom Microsoft

Fusion sans honte du service Console Virtuelle de Nintendo qui permet de télécharger et jouer sur Wii à des jeux anciens, et du Home de Sony, où les avatars 3D des joueurs se rencontrent dans des espaces virtuels thématiques, façon Second Life sur PlayStation 3, la Game Room de Microsoft s’est révélée problématique dès les premières minutes de sa naissance fin mars. Bugs à l’allumage reconnus et plus ou moins corrigés depuis par Microsoft et, plus ennuyeux parce que durables, une accessibilité et une ergonomie des plus discutables pour un service qui se voulait convivial et tout public. Un mois plus tard, Microsoft ne donne aucune nouvelle franche sur son service, son fonctionnement, son taux de fréquentation, ses mises à jour et n’encourage guère, depuis son lancement, à télécharger l’application au-delà d’une newsletter envoyé aux abonnées Xbox Live mi avril. Un silence incongru un mois après le lancement d’un nouveau service à vocation populaire qui, en l’absence de traces et surtout de communiqués triomphants comme le milieu en a l’habitude quand tout se passe bien, laisse deviner un probable mini fiasco.

Silence, on ne tourne pas

Un échec présumé lors de ce premier acte manqué qui se rattrapera peut-être si Microsoft porte à bout de bras et contre vents et marées son projet, comme Sony continue vaillamment à entretenir un Home dont les médias parlent peu, qui a lui aussi fait flop au lancement fin 2008 et qui peine toujours à trouver ses marques et le large public envisagé. Le millier de jeux rétro promis d’ici trois ans sur la Game Room, à raison de 7 nouveaux titres par semaine, se résume pour l’instant à 30 titres laborieusement accessibles édités entre 1978 et 1987 par Atari, Intellivision et Konami. L’arrivée prévue de nouveaux titres fin avril a été repoussée sans date. En attendant de savoir jusqu’où Microsoft va pousser sa propre expérience, les seules nouvelles sérieuses en provenance de la Game Room se réduisent au licenciement d’une grande partie de l’équipe australienne ayant développé l’espace virtuel au nom de Microsoft. Après une première série de licenciements entrepris en novembre déjà par le studio australien Krome comprenant 400 personnes réparties en trois équipes dont celle de Brisbane travaillant en quasi exclusivité sur la Game Room pour Microsoft, entre 30 et 50 personnes parmi l’équipe de Brisbane auraient ainsi été remerciées cette semaine.

Mauvaises aptitudes

Selon un site spécialisé jeux vidéo australien, la mauvaise réception critique des derniers jeux conçus par Krome et ses équipes aurait conduit le groupement australien d’entreprises à la perte de la licence d’un prochain jeu Star Wars (The Force Unleashed 2) et à trop dépendre de fonds gouvernementaux en l’absence de liquidités. La raideur inattendue de l’espace Game Room et les problèmes techniques au lancement, et encore persistants selon des tests spécialisés, semblent correspondre aux aptitudes techniques bancales de l’équipe de développement. À prendre sous condition, plusieurs témoignages dans un forum de salariés, ou de personnes au courant de la situation, dénoncent des problèmes de management et de prises de décision au sein de Krome Studios. Comme beaucoup d’autres entreprises du jeu vidéo, celui-ci fait partie de ces équipes presque anonymes qui déclinent à la commande des versions multiplateformes de jeux créés par d’autres studios. Les équipes de Krome Studios ont ainsi développé des adaptations sans âmes de Viva Pinata (Rare), Spyro Le Dragon (Insomniac Games) ou de Star Wars The Clone Wars : Les Héros de la République (LucasArts). Et Microsoft leur a confié le développement de cette Game Room au coming out peu convaincant.

Les mystères de la dématérialisation

Assez inhabituellement sur un secteur de ventes dématérialisées peu ou pas documentées par les éditeurs et les développeurs, une étude externe crédite des ventes records dans la section dite « Arcade » du Xbox Live au mois de mars 2010. Selon ces estimations (que Microsoft ne veut confirmer ni dans un sens ni dans l’autre), boostée par une opération commerciale virtuelle baptisée House Party sur Xbox Live pendant le mois de mars, des jeux récents comme Toy Soldiers auraient été vendus et donc téléchargés 209 000 fois, et Perfect Dark, le remixe HD de la légende de la Nintendo 64, à 161 000 exemplaires. Loin derrière, des valeurs sûres tels Trials HD ou Battlefield 1943 s’écouleraient encore à 53 000 et 37 000 exemplaires. Le téléchargement, elle gratuite, de l’application Game Room se classerait juste après, mais sans chiffre de référence. Selon Microsoft tout de même, les activités en ligne de la Game Room (pas de parties en multijoueur mais des publications de scores et visites virtuelles des espaces entres « amis » connectés) se situerait au 20e rang derrière les batailleuses locomotives habituelles Halo, Call of Duty ou Battlefield.

À la dérive

Sans davantage donner de chiffres exacts, le dernier relevé officiel des ventes hebdomadaires des jeux sur Xbox Live du 19 avril place les ventes cumulées de parties de rétro jeux de la Game Room en 2e position derrière le jeu After Burner Climax de Sega. Au total, les téléchargements XBL auraient représentés 10,6 millions de $ en mars, soit une progression de 41 % par rapport à mars 2009. Au milieu de ce bouillonnement apparemment progressiste pourtant, la Game Room respire bien timidement sa nostalgie oldies. Encore balbutiante, elle dépend de mises à jour régulières dont on ignore l’utilité alors que le Game Pack 2 continue de se faire désirer « prochainement ». Avec la disparition d’une grande partie de sa famille d’adoption australienne et l’absence d’améliorations tangibles ou d’augmentation du catalogue dans les délais prévus, le nouveau né virtuel semble déjà souffrir de déréliction.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 30 avril 2010 sur Electron Libre)

 


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BIOSHOCK 2 : Aquabon ?

Faut-il ou non replonger dans Rapture ? Même en avançant avec humilité et respect, l’opportunisme mercantile peut-il reconditionner sans dommage une œuvre assez marquante pour mériter d’exister sans suite ? Faut-il cautionner une nouvelle descente en apnée dans un enfer unique tout juste maintenu à distance par les eaux de l’Océan ? En gros, Bioshock 2 nous fait-il boire la tasse et prendre les vessies d’une redite pour les lanternes d’un premier jeu brillant ?
 Bioshock 2
Phénomène totalement inhabituel, des développeurs américains jusqu’aux attachés de presse stagiaires délégués pour présenter le jeu, l’essentiel de la communication de Bioshock 2 s’est articulée sur le thème de la modestie. L’ordinaire de la communication du jeu vidéo à suite surjoue habituellement la surenchère. Uncharted 2, Assassin’s Creed 2 et Mass Effect 2 n’y ont récemment pas échappé. Leurs suites devaient corriger les « approximations » (aveux à postériori transformés en un nouvel argument de vente), améliorer les conditions de gameplay, décupler l’impact audiovisuel et tactile. Pas Bioshock 2.

Prenant le taureau par les cornes, l’éditeur 2K Games a préféré désamorcer en amont les procès d’intention. Rien n’égalera le premier jeu. La suite ne doit pas altérer le souvenir de l’original, ni brusquer son univers, ses appétences intellectuelles, ses codes esthétiques et interactifs. Rarement propagande aura pris autant de précaution à faire savoir qu’une suite ne cherchera pas à « faire mieux » et se contentera de prolonger un univers qui, sous entendu, ne nécessitait, « nous sommes tous d’accord », ni revisitation ni réhabilitation. Bioshock 2 a donc été conçu pour les fans du 1. Comprendre : ceux parmi les fans qui ne peuvent s’empêcher de réclamer une nouvelle casserole d’un plat qu’ils apprécient. Les autres fans, ceux qui pensent qu’un jeu vidéo devrait se suffire à lui-même comme un livre, une BD ou un film, ceux-là, devront s’incliner devant les fans affamés qu’il serait odieux de priver. L’éditeur vient d’annoncer que Bioshock 2 s’était déjà vendu à 3 millions d’exemplaires en un mois quand le premier Bioshock atteint un joli 4 millions en deux ans et demi de commercialisation. Si l’univers peut se réduire à une équation, nulle doute qu’un jeu vidéo peut se légitimer par une addition.

Recette salée
Sans tabou ni trompette mais avec quelques suspicions quand même, Bioshock 2 vient donc servir la soupe. Salée, toujours, puisque l’océan, plus présent que jamais autour d »une cité au bord de l’implosion, et le sang mêlé aux flaques d’essence, continuent de suinter et couler des sols craquelés aux plafonds fissurés. De choc il n’y a plus. L’onde du bang original fut néanmoins si forte que son écho rebondit encore sans effort des couloirs vitreux aux halls majestueux de la métropole engloutie. Une ville souvenir d’elle-même dans le premier jeu, une ville souvenir du premier jeu dans le deuxième. Assez littérale et forcément non préméditée, la mise en abîme fonctionne. Le scénario sonne juste aussi, bien qu’il se cogne aux logiques de gameplay. Ainsi, l’idée d’endosser le scaphandre d’un Big Daddy (Protecteur en VF) serait complètement bonne si elle avait joué le jeu jusqu’au bout de l’identification. Mais puisqu’il est impensable de laisser le joueur durablement enfermé dans la carapace 20 000 lieues sous les mers de gros gardes du corps, mahousse costauds mais lourdauds, et lents d’esprit, les injections de Plasmides et autres Fortifiants devront suffire à justifier qu’il bougeât très vite comme un athlète. Et donc trahir l’image et la pesanteur trainées par les intimidants Big Daddy de Bioshock 1.

Trivialités
Le Rapture d’Andrew Ryan se voulait un espace de liberté individuelle, mais Flèche pointeuse et portes verrouillées tracent un chemin rigide et sans finesse dans les ruines au bord de l’apoplexie finale. Le vagabondage architectural se justifie moins que le reniflage trivial des recoins. Par un mécanisme de transfert mental automatique, l’espace au fond plutôt vide, se densifie artificiellement avec la multitude de pseudos objets à collecter dans chaque coffre oublié, caisse enregistreuse, bars et autres planques. Et bien sûr, avec toujours le même mauvais goût qui empêche ce jeu vidéo, comme le premier, de s’élever vers la noblesse qu’il frôle, en dépouillant les cadavres d’humains mutants aux corps disloqués, brûlés, mitraillés, électrifiés… La brutalité physique s’impose toujours. Malgré la belle sélection d’armes et de pouvoirs, bien décrites, désignées et mises en scène, les combats font plus brouillons que jamais. Les adversaires aux capacités physiques variées, telles les nouvelles Grandes Soeurs, ne se déplacent pas en respectant des lois physiques que l’on peut appréhender ou anticiper. Ils sautent dans toutes les directions, s’éloignent ou s’approchent à des vélocités inattendues ou restent bêtement à portée de coups de crosse comme les maniaques suicidaires qu’ils sont. Le décor fracassé où le joueur ne peut jamais vraiment anticiper les distances, cachettes et surplombs, offre toujours aux adversaires l’avantage, même passé la surprise. Seules les plus habiles réussiront à jouer avec le décor plutôt que contre. L’outillage mécano-magique relativement sophistiqué ne conduit ainsi généralement qu’à des affrontements pratiqués à l’instinct, au réflexe. Des bagarres qui finissent, dans tous les cas, en carnages incontrôlables.

Pour et contre
Dès que l’on cesse de discutailler le bien fondé de cette suite, l’ensemble fait la blague. Surtout quand il se contente de décliner respectueusement l’univers original. Lorsque Bioshock 2 tente de s’envoler de quelques encablures inédites, l’absence de Ken Levine, le visionnaire à l’origine du premier choc, se fait sentir. Bonne idée sur le papier, les passages sous l’eau que permet le scaphandre du Big Daddy manque, par exemple, singulièrement d’envergure visuelle et matérielle. Les malignes récréations cérébrales des phases de piratages du premier Bioshock, ont été remplacées ici par un jeu de réflexe métronomique bien réducteur. Là encore, paraît-il, il s’agit de répondre aux réclamations des « fans ». Mais où s’exprime donc cette majorité qui impose ses lois appauvrissantes aux amateurs satisfaits et silencieux ? Assagis, les visages des Petites sœurs ont ainsi perdu l’étrangeté, digne mais franchement perturbée, du premier jeu. Ils sont lissés de toute aspérité subversive tout comme les moments originellement si importants où le joueur décide d’épargner la Petite Sœur ou de lui soutirer tout l’Adam quelle possède. Ces instants dramaturgiques cruciaux ont perdu tout impact. Ils reflètent une des grandes carences d’un jeu revu et corrigé pour plaire à un plus grand nombre encore : la mise en scène. Rien ne remplace ici l’introduction du premier jeu ni aucune des scènes poignantes de Bioshock 1. Si le contexte physique peut faire illusion, sa mise en situation tombe à plat.

Les larmes se perdent dans l’océan
L’éditeur 2K Games a bien de la chance. La richesse de l’univers visuel, auditif, et scénaristique du premier Bioshock a marqué si profondément qu’il entraine de facto un désir d’y retourner. A-t-on bien tout vu dans le premier épisode ? A-t-on tout compris d’une fiction aux ramifications complexes et au thème politique majeur ? C’est grâce à ce sentiment de jeu plus grand que sa condition qu’un Bioshock 2 trouve sa place. Dès les premières notes profondes du lancinant violoncelle, les craquements des vieux gramophones crachant de vieux tubes du début du XXe siècle ou des magnétophones où s’expriment cette fois des femmes à leur tour emportées par les folies de l’utopie Rapture *, tout un univers sensible se réactive. Le monde écroulé de Bioshock se nourrit d’un passé régurgité qu’un Bioshock 2 même fatigué n’a aucun mal à ruminer. Même en partie dévitalisée, la dimension artistique du jeu perdure et se laisse visiter, armes à la main bien sûr, comme une gigantesque galerie in situ. Assumons notre faiblesse collective pour les gouttes d’Adam et d’Eve qu’il reste à téter et laissons les Petites Sœurs orphelines se charger de sangloter sur l’autel du premier Bioshock.

* « Si le monde moderne avait été un de mes patients, j’aurais diagnostiqué un profil suicidaire… En cela, Andrew Ryan avait raison. Rapture… est une délivrance ». Sofia Lamb, politicienne et psychiatre qui a pris la place d’Andrew Ryan.

François Bliss de la Boissière

 


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DSi XL : Nintendo essaie de voir grand

Ce week-end en France, Nintendo lance une version géante de sa console à double écran. Une DSi XL qui aurait avalé, comme Mario, un champignon décuplant sa taille et ses capacités. Une affiche publicitaire joue ce clin d’œil gamer et contourne ainsi tout blabla technophile. Plus grande, donc plus efficace, devra suffire comme message. Et tant pis si on ne sait pas vraiment à qui s’adresse ce produit king size d’une autre époque. GROS PLAN…

DSi XL

Vraiment comme Apple, le business modèle hardware de Nintendo fonctionne dans une logique autonome. Les deux entreprises se créent pratiquement ex nihilo des marchés que les autres entreprises n’imaginent pas. Des modèles écono-créatifs, des écosystèmes si efficaces que tous les challengers-copieurs s’y écrasent à postériori comme un insecte sur le pare-brise d’une voiture lancée sur une voie unique. Les concurrents à la Game Boy Advance furent nombreux à échouer. La PlayStation Portable existe et se vend (56 millions/monde) dans l’ombre de la DS toujours vedette. Nintendo s’est succédé à lui-même avec la console Dual Screen dont les 3 modèles déclinés en six ans se sont vendus à 125 millions d’exemplaires faisant de la DS la console la plus répandue dans le monde derrière la PlayStation 2 qui vient de fêter ses 10 ans et 140 millions vendues.

Effet de loupe

L’upgrade de la DSi Xl n’est cependant que cosmétique. Processeurs et résolutions d’écrans (256×192 pixels) restent identiques. L’écran original de 3,25’ passe à 4,2’, la dimension générale de 13,7 cm à 16,1 cm et le poids de 214g à 314g. Seule amélioration technique tangible, moyennant 3h au lieu de 2h30 de charge, la batterie de la DSi XL doit tenir 13 à 17h contre 9 à 14 h pour la DSi (en mode éclairage réduit). Nintendo fournit ainsi ouvertement tous les chiffres comparatifs. Mais ils ne disent pas tout. Entre les mains la DSi XL se révèle un monstre, une aberration par rapport à la miniaturisation des appareils électroniques. Au point que l’engin ne peut sérieusement pas envisager une vie de console itinérante. Ce n’est d’ailleurs pas sa vocation puisque Nintendo la décrit comme une « console portable de salon ». Elle vise les jeux familiaux à plusieurs avec la console posée sur une table, et les adultes, pour ne pas dire séniors, plus à l’aise avec des écrans plus grands.

Réalisme social

Le premier réflexe serait de voir dans cette DSi extra large une opportuniste concurrente à l’iPad qui vient dangereusement jouer sur son terrain du jeu mobile. La DSi XL est en réalité vendue depuis novembre 2009 au Japon, bien avant l’annonce de l’iPad. Et le projet d’une DS géante circule depuis plusieurs années dans les labos de R&D de Nintendo qui attendait juste le bon moment pour la commercialiser. Le bon timing, c’est à dire celui que Nintendo estime, comme Apple, par rapport à sa propre clientèle, ses propres courbes de vente et sa force de pénétration de marché. Et non par rapport à la concurrence. Rétrograde au premier abord, la géante DSi XL peut faire ricaner ou laisser sceptique. Comme l’iPad dont une majorité ne voit pas l’intérêt. En réalité il s’agit là de sauts dans le vide. Ces produits sont lancés sans référents et n’utilisent comme tremplin que le savoir-faire et l’instinct socio-industriel de l’une et l’autre entreprise.

Populisme haut de gamme

Vendue 180 €, 20 € de plus que la DSi standard, le modèle géant de DSi, comme la Wii, n’embarque plus aucune technologie coûteuse. Non seulement Nintendo ne perd pas d’argent avec chaque console vendue comme nombre de ses concurrents, Sony en particulier, mais en gagne dans les grandes largeurs. Ce que les technophiles savent et calculent avant d’acheter ou de rejeter un produit « high-tech », le grand public l’ignore et base son achat, dans le cas de Nintendo, à partir d’une côte de popularité contagieuse. Toute l’intelligence de Nintendo consiste à entretenir et faire payer ce sentiment haut de gamme populaire. Populiste, Nintendo appâte néanmoins sans tromper sur la marchandise. Si le matériau brut ne vaut plus son prix aujourd’hui, l’ergonomie de ses consoles et l’accessibilité tout terrain tout public n’ont pas de prix. Les millions de la concurrence cherchent encore le vocabulaire d’un langage ludo-interactif aussi universel. Telle une crème anti rides, une lotion adoucissante aux vertus magiques, l’ergonomie effacée des produits Nintendo renvoie à chaque utilisateur l’impression flatteuse d’être maître de son jeu.

Alternatives XL

Coincée chez soi, l’imposante et peu engageante DSi XL va permettre d’enfin se perdre sur les terres d’Hyrule du dernier Zelda, de décrypter les énigmes de l’adorable Professeur Layton, de lire sans effort les livres de la cartouche 100 Livres Classiques disponible ce jour. Et tant pis si la nouvelle surface rêche de la console irrite comme l’image agrandie devenue rugueuse ou anguleuse, et si, quitte à entériner le confort du jeu chez soi, Nintendo aurait pu préférer à la DSi XL un accessoire à la Game Boy Player qui permettait de jouer aux jeux Game Boy sur son écran de télé en passant par la GameCube. Ou, mieux encore aujourd’hui, de récupérer par la boutique en ligne Wii les jeux DS de façon à les jouer sur son écran plat.

L’eau qui dort

Peu d’observateurs avisés ou attitrés ont vu venir les succès colossaux de la DS, de la Wii, pas plus que de l’iPod ou de l’iPhone. Diagnostiqué agonisant au début des années 2000, Nintendo a fait le nécessaire pour aller chercher un public qui ignorait son appétit pour le jeu vidéo. L’anachronique DSi XL a la même vocation. Il faut laisser le bénéfice du doute au géant de Kyoto qui doit voir dans la population un besoin larvé. Déjà il devient difficile de revenir aux petits écrans de la DSi pour jouer. Et rien ne fait ici obstruction à la naissance d’une DS 2, dont on ne sait rien, avant la fin de l’année. Méfions-nous de la stratégie de l’humble. Pour voir grand, Nintendo commence toujours par jouer petit.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 6 mars 2010 sur Electron Libre)

 


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Le vrai moteur du jeu vidéo : une créativité déchaînée

En ce début 2010, joueurs ou observateurs attentifs peuvent prendre la pleine mesure d’un loisir interactif habité par une vitalité créative peu commune. Coup sur coup, dans des registres bien différents, le Bayonetta japonais, le Bioshock 2 américain, le Mass Effect 2 canadien et le Heavy Rain français déploient un savoir faire et une puissance d’évocation exceptionnelles. Le jeu vidéo a encore beaucoup à dire au-delà de son agitation. IMMERSIONS…

Heavy Rain Quantic Dream

Si, d’un point de vue économique, l’industrie du jeu vidéo fléchit à son tour et oblige les leaders du secteur à se réorganiser, le nerf de la guerre du jeu vidéo, c’est à dire son intarissable puits de créativité, continue d’alimenter en créatine un grand corps, en surface, un peu malade mais en réalité habité par une fièvre de jeunesse. Car du haut de sa trentaine d’années, les toussotements chroniques du jeu vidéo ne sont que les symptômes d’une crise de croissance toujours en cours. Même s’il inonde le marché de productions techniquement abouties et vient concurrencer les loisirs déjà en place, le jeu vidéo est encore et toujours à l’école. Il se cherche encore une vocation, un but, voire même un genre. Depuis la révélation de la Wii et de la DS, le jeu vidéo ne sait par exemple plus s’il est masculin ou féminin, adulte ou infantile, distraction ou service, défouloir ou éducatif. En trois ans à peine, le jeu vidéo déjà sans définition a embrouillé ses repères socioculturels, ses quelques certitudes commerciales. Les services marketings en perdent leur latin d’HEC. Le rayon jeu vidéo désormais occupé par une population familiale touristique, les gamers se sont vus requalifiés en hardcore gamers. Un terme peu flatteur, entre geek asocial et passionné obsessionnel et, au bout de l’étiquette, amateurs de jeux violents. Insaisissables en dehors de la culture jeu elle-même, les trois plus gros succès contemporains que sont World of Warcraft, Grand Theft Auto IV, Call of Duty : Modern Warfare 2 confortent ce statut de bande à part. Pourtant, même s’il semble parfois en voie de disparition, c’est dans ce vivier de productions visant encore les gamers traditionnels que le jeu vidéo exploite tout son potentiel technique et artistique.

Élites de masses

Les quatre jeux qui sortent du lot en ce début d’année appartiennent à cette dernière catégorie. Fondamentalement, parce qu’ils demandent un effort conséquent et font appel à un ensemble de conventions, ils ne sont lisibles et préhensibles que par les hardcore gamers. Dans un mélange flamboyant de technologies interactives et d’irruptions artistiques ils brillent pourtant au-delà du cercle d’initiés. Au premier abord le film Avatar de James Cameron s’adresse lui aussi à une population de geeks nourrie de S-F et de cybermonde. Et pourtant, sans renier son fond, le film a réussi à toucher la planète entière. Le jeu vidéo porte aussi ce potentiel et la formule qui le fera passer de phénomène réservé à spectacle universel ne dépend plus maintenant que d’un bon concours de circonstances, ou d’une approche inédite.

Heavy Rain, enfin une éclaircie

Le français David Cage (Fahrenheit) en est si convaincu qu’il a mis pendant quatre ans toute son énergie à créer un Heavy Rain à mi chemin du jeu vidéo et du cinéma susceptible de réunir les deux publics. Le suspens narratif de l’instant comme de l’ensemble, le montage et le jeu sérieux des acteurs légitiment le récit et happent même le spectateur passif. Manette en mains, les sollicitations interactives inhabituellement distillées créent un lien nouveau entre le joueur et les différents personnages qu’il contrôle à tour de rôle. Derrière le rideau de pluie d’Heavy Rain se cache à peine un auteur qui cherche à faire grandir le joueur en lui imposant une palette d’émotions, simpliste dans un film, mais inusitée dans un jeu vidéo. Du début à la fin l’expérience Heavy Rain ne ressemble à aucune autre et réussit dans le jeu vidéo, ce qu’Avatar a réussi dans le cinéma : ouvrir un nouvel horizon, émotionnel pour l’un, technologique pour l’autre.

Bayonetta, jeu vidéo fractal

Fou, hystérique, porteur de sa propre hybridation, le Bayonetta du créatif japonais Hideki Kamiya (Devil May Cry, Okami…) vient lui aussi donner des leçons. Jeu de combat morphant en jeu de danse, ou l’inverse, croulant sous les idées visuelles, Bayonetta joue au moins triple jeu. Il donne à jouer aux forcenés de la manette tout en se moquant de sa propre dynamique. Ivres d’eux-mêmes, polymorphes, le système de jeu et son héroïne sexy castratrice s’étranglent et s’étouffent sous les giclées de matières virtuelles. Le jeu absorbe tous les fondamentaux du beat’em all et du hack’n slash pour les recracher en un mash-up interactif qui ne laisse aucune place à un descendant. Esthète et vulgaire, volontairement incorrigible, Bayonetta provoque et irrite autant qu’il épate et affirme. L’excès vaut ici commentaire sur le médium qui lui donne vie. Au point de, peut-être, entériner la fin d’un cycle créatif d’une scène japonaise en mal de renouvellement.

Bioshock 2, Mass Effect 2, les mots pour le dire

Quand le jeu vidéo s’est mis à parler, le pire était à entendre. Malgré le gigantisme de leurs constructions architecturales, une cité engloutie sous l’océan dans l’un, des citadelles dans l’espace pour l’autre, les deux énormes suites aux premiers Bioshock et Mass Effect s’entretiennent par le verbe. Est-ce parce qu’ils se promènent enfermés dans des carapaces protectrices devenus caissons d’isolation sensoriel officieux – un scaphandre Jules Vernien pour le « Big Daddy » de l’un, une armure high-tech pour le commandant de vaisseau spatial de l’autre – que les héros de Bioshock et Mass Effect doivent suivre leur histoire à travers autant de messages audio off ? Quelles que soient les séquences d’action, le jeu brut ici ne se suffit ainsi plus à lui-même. Il se cherche un sens, un contexte. Il veut épaissir le joueur, lui greffer son encyclopaedia universalis passée et présente. Le joueur ne joue plus pour le présent ou la satisfaction immédiate. L’héritage qu’on lui impose l’oblige à jouer pour le futur. La magnificence visuelle et les mécaniques interactives sophistiquées des deux jeux pourraient suffire à contenter, y compris la violence toujours fantasmagorique de Bioshock. Mais non, les auteurs croient tellement en leurs univers qu’ils s’obligent à le rendre cohérent au-delà même de l’horizon accessible par le joueur. 80% actif, souvent forcé à l’écoute, le joueur devient invité d’un monde qui existe sans lui. Et le respect s’impose en parallèle aux moments de silences contemplatifs offerts.

Muet d’admiration

En 2010 le jeu vidéo va se réinventer un nouveau cycle, de nouveaux hardwares (DSi 2 sans doute, iPad sûrement…), de nouvelles façons de jouer (Arc, Natal…), ou tout simplement d’interagir (3D relief). En 2010 les regards et les médias se tourneront vers la matérialisation de ces nouvelles activités, vers ces expressions externalisées. Mais l’essence du jeu vidéo, son indéchiffrable phénoménologie virtuelle, son foisonnement créatif, sont à chercher et à vivre dans l’écran. Car le jeu vidéo est avant tout un voyage intérieur. Au moment où, pour cause de flottements économiques, acteurs et joueurs ne savent plus très bien où et comment se joue le jeu vidéo, Bayonetta, Bioshock 2, Mass Effect 2 et Heavy Rain remettent l’essentiel au cœur des enjeux. Le talent, l’ambition et l’envie contagieuse des auteurs. Quatre blockbusters qui réussissent à marier expression artistique et gros budgets. Et laissent la place aux expériences plus franchement arty comme les étonnantes Mésaventures de P.B. Winterbottom. Un jeu de plate-forme/réflexion en noir et blanc dans l’esprit burlesque et esthétique des films muets du début du XXe siècle. On reste sans voix.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 23 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Les jeux musicaux ont perdu le sens du rythme

Rien ne va plus. Tel un soufflet monté trop haut, le business des jeux musicaux, en orbite depuis 2005 et le succès colossal de Guitar Hero, revient sur terre. Les revenus de l’ensemble des jeux musicaux auraient réduit de 46 % en 2009. Le temps des remises en question et d’une nouvelle chanson est venu. REGARDS…

Rockband Beatles

Il y a peu, des groupes comme Aerosmith, qui avait eu droit à une édition dédiée de Guitar Hero, se réjouissaient du succès du jeu vidéo qui leur permettait de toucher désormais plus de public que leurs propres albums. Oui, les revenus des jeux musicaux puisant allègrement dans le catalogue rock de ces 30 dernières années ont permis de remettre de l’argent presque frais dans le circuit de la musique. Au point que certains ont vu dans cette nouvelle vague de jeux au succès inattendu et foudroyant malgré les prix de ventes élevés liés, notamment, aux accessoires indispensables (guitares, batteries, micros…), un sauveur potentiel de l’industrie musicale. C’était sans compter sur la volatilité du jeu vidéo, son exceptionnelle capacité d’emballement intimement liée à celle de s’essouffler. Depuis son origine, le jeu vidéo a une faculté de renouvellement à peu près inédite. Une capacité à attraper et exploiter les tendances, voire d’en créer, à grande vitesse. Mais sur le principe même de la blessure fondatrice du premier âge d’or des années 1980 suivi par un crash au moins aussi spectaculaire que l’explosion de la bulle internet des années 2000, le jeu vidéo fonce toujours en frôlant le gouffre. Le jeu vidéo musical achève ainsi son cercle vertueux vers le succès en se tassant d’une manière tout aussi spectaculaire, en très peu de temps. La faute, avant tout, à une saturation du marché provoquée par les 2 pourvoyeurs de jeux de rythme musicaux. Après avoir encaissé tous les dividendes du succès, Activision et Electronic Arts remettent en question leur business modèle. Sur un petit air déjà entendu.

Activision tuning

Devant le n°2 Electronic Arts mais finalement sur ses traces, Activision-Blizzard vient à son tour d’annoncer des réductions d’effectifs. Où, selon le vocabulaire corporate, des « réalignements de ressources ». 200 personnes seraient concernées. D’après les indéchiffrables calculs comptables et boursiers, les 15 millions d’exemplaires vendus estimés et le milliard de dollars de recettes de Call of Duty : Modern Warfare 2 (l’équivalent des recettes générées par toute l’industrie du jeu vidéo en octobre) et le 1,56 milliard de recettes totales du groupe ne suffisent apparemment pas à compenser la branche jeux vidéo musicaux qui aurait perdu 286 millions de dollars au dernier trimestre 2009, soit 4 fois plus qu’en 2008. Plusieurs studios internes de développement vont ainsi être soit sérieusement réorientés ou totalement fermés (Radical Entertainment – aux effectifs déjà réduits depuis la fusion Vivendi-Activision, Luxoflux, Underground Develoment…). Parmi les victimes directes ou collatérales, 50 personnes sur 170 de l’équipe de Neversoft responsable des jeux de skateboards à l’enseigne Tony Hawk et du développement des jeux Guitar Hero depuis qu’Activision a récupéré la franchise. Le développement des prochains jeux Guitar Hero pourraient être confiés au studio Vicarious Visions déjà ouvrier des versions Wii et DS. Acquis en 2006 avec la franchise Guitar Hero, RedOctane, l’éditeur historique des premiers Guitar Hero et concepteur physique des fameuses fausses guitares serait lui totalement fermé. Un symbole lourd.

C’est la même chanson….

Stratégie générique, déjà entendue du côté d’Electronic Arts, énoncée par le CEO d’Activision Michael Griffith qui s’attend à un ralentissement encore plus conséquent du jeu musical : « moins de titres à destination d’une plus large audience ». Activision sortira ainsi seulement 2 jeux musicaux en 2010, contre 7 en 2009 (répartis en 25 versions selon les plateformes !) : un Guitar Hero, et un DJ Hero 2 appelé à faire ses preuves après un lancement trop timide en 2009. Versions PlayStation 2 cette fois omises, et versions iPhone (iPad ?) au contraire prévues. Le spin-off Band Hero à la sélection musicale plus grand public lancé en fin d’année 2009 n’aura donc pas de suite immédiate, voire pas du tout.

Viacom met Rock Band sur la sellette

Cela aurait dû aller de soi dès le début, et pourtant, ce n’est qu’à l’annonce de résultats à la baisse de 5 % en 2009 de la branche média et networks de Viacom que représentent notamment MTV Games et le studio Harmonix (acheté pour 175 millions de dollars en 2006 et qui développe les jeux Rock Band après avoir inventé le concept Guitar Hero revendu à Activision), dans un contexte jeu vidéo lui-même à la baisse en 2009, que le CEO de Viacom, Philippe Dauman, réévalue la situation. Il explique ainsi à ses investisseurs que, malgré le milliard de dollars engrangé par la franchise, la société va réduire les coûts structurels associés aux jeux Rock Band, se concentrer plutôt sur le software que sur le hardware (les accessoires, guitares etc…) et être sélective avec les morceaux musicaux retenus, en fonction de leur coût d’achat. Et de réclamer l’assistance de l’industrie de la musique dans ce processus d’évolution. Un bon sens que l’on croyait déjà un minimum appliqué justement du côté Rock Band, plus raisonnable en terme de sorties, plus précieux dans ses offres musicales (voir le Rock Band : Beatles) et en général plus chic que son concurrent Guitar Hero, mais tout aussi orgiaque en terme de sorties (5 à 6 titres chacun en 2009 rien qu’à destination des consoles de salon, tous territoires confondus). Viacom affirme pour l’instant qu’Electronic Arts va continuer à distribuer ses Rock Band. Mais le contrat arrive à terme et, à la surprise de la distribution, EA n’a listé aucun titre Rock Band pour 2010, surtout qu’un Green Day : Rock Band avait été précédemment annoncé. Rien ne dit alors qu’Electronic Arts, aussi à la recherche d’économie, ne préfère pas faire l’impasse et cesser de jouer à qui perd gagne avec son double rival Activision et Guitar Hero. Des renégociations de contrat sont toutefois probablement plus à l’ordre du jour.

Choral

Tout n’est évidemment pas joué. La réorganisation, la « phase de transition » et non le « déclin » du secteur, fait suite à une courbe ascensionnelle sans précédent qui ne pouvait raisonnablement durer. Surtout surexploitée ainsi. Avec un peu de chance et de raison, c’est à dire en arrêtant d’inonder le marché de jeux copiés/collés, ce marché là cherche peut-être tout simplement un point d’équilibre, un rythme troquant l’hystérie collective des premières années au profit d’un calendrier de publication plus mature, plus posé. Même si elles ne furent pas aussi spectaculaires que prévues, les deux avancées proposées par la jolie version 100 % Beatles de Rock Band (1,7 millions vendus) d’un côté, et la nouvelle perspective ouverte par un DJ Hero troquant la guitare pour la platine de DJ fin 2009 ont ouvert de nouvelles pistes.

Trop gourmande, l’industrie du jeu vidéo se cogne déjà aux plafonds de la rentabilité des jeux musicaux, et découvre, après l’industrie du disque, qu’il y a des limites à la musicexploitation que même le numérique ne saurait tolérer. La musique, elle, reste plus que jamais au cœur des mœurs, et du quotidien des jeunes en particulier. Quels que soient les modes d’écoutes, officiels ou clandestins, passifs ou interactifs. L’annonce ce week-end de la sortie imminente d’un pack de 5 chansons du « King of Soul » Otis Redding sur un Rock Band Network Music Store évoluant vers une plateforme ouverte à des contributions musicales autonomes, indépendantes ou amateurs, rappelle que tant que la musique continuera de s’adresser à l’âme, elle continuera de se propager en l’homme comme un bon virus, bien au delà du business modèle du jour.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 15 février 2010 sur Electron Libre)

 


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