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Futuroscope : La Coupe du Monde des Jeux Vidéo

Tué prématurément dans l’œuf de la bulle Internet, le grand village hippie communautaire international rêvé par les premiers gourous de l’Internet est en train de renaître sous la forme d’un village… sportif. Le sport électronique relie des milliers de cyberathlètes autour de très sérieuses compétitions de jeux vidéo en réseau. Une nouvelle discipline sportive est en train de naître.

ESWC 2003 photo © danybliss

Qu’est-ce donc que le jeu vidéo finalement ? Un des loisirs les plus prisés et les plus incompris des 15-25 ans ? Un passe-temps dangereux pour la jeunesse d’après le très remonté sénateur démocrate américain Joe Lieberman ? Un grignoteur de parts de marché audiovisuelles assez sérieux pour que les télévisions hertziennes l’ignorent sciemment, au même titre que l’Internet ? Le nouveau rock’n roll ? Et si, avant même de se trouver une identité culturelle, le jeu vidéo s’inventait un statut social en devenant… un sport ?

« La faute à Claire Chazal »

La première édition de la Coupe du Monde des Jeux Vidéo au Futuroscope de Poitiers l’a attesté en juillet dernier : une des familles du loisir interactif, celle qui fait appel à la compétition et se joue sur PC au moyen de la souris et du clavier, est en train d’accoucher d’une activité sportive à part entière. Un vrai sport…électronique, avec champions nommés cyberathlètes, des équipes, des coachs, des sponsors, des tournois internationaux, du spectacle, un public. Un sport, certes, pratiqué assis face à un écran d’ordinateur, mais qui demande concentration, effort physique, habileté, réflexe, esprit d’équipe, initiative individuelle, entraînement, talent. Un sport électronique avec dorénavant sa Coupe du Monde, en France. « C’est à cause de Claire Chazal si nous n’avons pas traduit littéralement l’Electronic Sports World Cup (ESWC) en Coupe du Monde des Sports Electroniques« , révèle Matthieu Dallon jeune promoteur passionné à l’origine de cette compétition. « Sur TF1 elle avait introduit un reportage en annonçant la Coupe du Monde des Jeux Vidéo. Nous avons conservé l’appellation. »

E-sport professionnel

En Corée du Sud où plus de la moitié de la population (24,4 millions d’internautes sur 46,9 millions d’habitants) a accès à l’Internet haut débit, les championnats de sports électroniques sont un phénomène. Matthieu Dallon s’emballe : « 4 millions de téléspectateurs, 12 000 spectateurs dans un stade peuvent assister à la finale de la World Cyber Games où 500 cyberathlètes venus de 45 pays s’affrontent à des jeux en réseaux sur PC ! » Avec 400 000 $ de prix à la clé, voilà ouvertement un sport professionnel. Le modèle économique et social existe donc, en Asie, mais aussi aux Etats-Unis où la Cyberathlete Professionnal League organise depuis 6 ans des compétitions internationales.

La « République numérique » de Jean-Pierre Raffarin

La contagion a fini par gagner l’Europe et notamment la France. Ainsi, après avoir organisé avec succès de gigantesques Lan-Parties en France depuis 1999 (jusqu’à 1500 PC réunis en réseau sous le toit de la Grande Halle de la Villette en juillet 2002), la jeune société Ligarena a fini par lancer son idée d’une Coupe du Monde des Jeux Vidéo. La rencontre avec le Futuroscope de Poitiers et le soutien du Conseil Général de la Vienne furent déterminants. En avril dernier, lors de l’inauguration au Futuroscope de la Cité du Numérique, le 1er Ministre Jean-Pierre Raffarin avait affirmé son soutien au jeu vidéo par un de ses bons mots : « Le ludique est une voie d’entrée à la République Numérique« . Soutenu par un René Monory toujours Président du Conseil de la Vienne à 80 ans, et surtout, instigateur avant-gardiste du Futuroscope en 1983, convaincu que « le jeu électronique est appelé à devenir un loisir de masse« , la Coupe du Monde des jeux vidéo était lancée en France.

Spectacle & compétition

Après quatre mois d’épreuves éliminatoires, 340 cyberathlètes internationaux ont été invités au Palais des Congrès du Futuroscope du 8 au 13 juillet pour la phase finale. Grand pari de cette manifestation : faire un spectacle autant qu’une compétition sérieuse. Mal informé, le public ne s’est pas encore déplacé en masse, mais l’idée et le principe sont viables. Des dizaines de matchs furent retransmis sur écrans géants. Les matchs les plus épiques s’installèrent sur la scène d’un amphithéâtre de 1500 places. Un énorme écran permettait de suivre les différentes phases de jeu tout en observant les champions en action. Des commentaires avisés osaient expliquer l’évidence pour des spectateurs néophytes tout heureux de mieux comprendre enjeux et prestations. Comble de l’émotion, grâce à des cardio fréquencemètres placés sur certains joueurs, les cœurs des spectateurs pouvaient battre au rythme cardiaque des champions grimpants jusqu’à 185 bpm !

Souris à 350 Km/h

Jouer sérieusement à Quake 3 ou Unreal Tournament 3003 demande à un cyberathlète d’être capable de déplacer sa souris à plus de 350 km/h pour viser un point en mouvement de la taille d’un pixel. Gagner à Counter-Strike oblige à coordonner une équipe de cinq personnes. Tenir bon à Warcraft 3 implique la gestion en temps réel de centaines de troupes à l’attaque de citadelles. Ceux qui pensent encore que le jeu vidéo est une distraction assoupissante feraient bien de lever le sourcil. Une nouvelle race de champions est en train de naître.


Clans féminins

ESWC 2003 photo © danybliss

Le sport électronique a déjà ses champions nationaux et internationaux, ses gagnants et ses perdants, ses ligues féminines. Vixen et Sophie, étudiantes, et Lisu, mère de famille (photo), trois des cinq membres du clan suédois Femina Bellica : « Nous nous sommes entraînées individuellement à Counter-Strike entre 3h et 6h par jour pendant les trois semaines précédant la Coupe » expliquent-elles,  » puis nous avons constitué notre équipe en fonction de nos aptitudes complémentaires« . Elles gagneront en quart de finale contre les DKGirls du Danemark, mais perdront en finale contre les Allemandes SK.Ladies qui se partageront 6000 $. Du côté des garçons les enjeux sont plus importants, les champions plus performants. « Pas parce qu’ils ont une supériorité physique sur les filles‘ » constate Matthieu Dallon, organisateur de l’ESWC, « Sans doute parce qu’ils sont plus nombreux à s’entraîner, depuis plus longtemps« .


François Bliss de la Boissière

(Publié en en 2003 dans TéléCinéObs)

 


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