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BEST OF FILMS 2025 : L’Amérique en feu et en cendres

Sans le choc One Battle After Another, la cuvée cinéma 2025 serait-elle bonne ? Sans doute pas. Reste les films « ambulances » d’une Amérique malade d’elle-même.

Pour la première fois (depuis… toujours ?) lister les 10 films vus et qui comptent dans l’année se révèle délicat. Au point d’être tenté de se contenter d’un top 5. Car des films inédits il y en a eu, en salles comme sur les plateformes digitales, on en a même vu 83, mais des films qui restent en mémoire, qui résonnent longtemps après les avoir visionnés ? Où sont-ils ? Je ne crois pas que cela soit mon avis seul.
Pointer les films plus ou moins ratés, inutiles ou trop faciles d’auteurs reconnus générera une liste hélas bien plus longue. Steven Soderbergh (2 films !), Edward Burns, Alex Garland, Celine Song, Danny Boyle, Gareth Edwards, Spike Lee, Ari Aster, Joseph Kosinski, Paul Greengrass, Bong Joon Ho, Francis Lawrence, Martin Bourboulon, Benny Safdie, Luca Guadagnino, Yorgos Lanthimos, Noah Baumbach, Edgard wright, Scott Cooper… autant de réalisateurs dont on attend quelque chose de vraiment notable qui se sont, ou ratés, ou mis au service de sujets (ou acteurs) qui n’en méritaient pas tant en 2025. Il faut peut-être mettre cela sur le compte des bouleversement de fonctionnements entre Hollywood et les services de streaming, et donc de la difficulté à financer les films. Parce que évidemment, les talents sont toujours là et les mises en scène ne déméritent pas forcément.
En ce qui concerne mes goûts personnels contre l’avis général et leurs qualités indéniables, je reconnais avoir en plus eu un franc rejet avec The Brutalist de Brady Corbet, Sinners de Ryan Coogler, et le Frankenstein de Guillermo del Toro. L’un pour son pénible spectacle d’humiliation passive et permanente, l’autre pour son racisme mis en scène pour mieux justifier un revenge movie, et le dernier pour la grandiloquence (pour ne pas dire grand guignol) sans émotion.

Mes 10 films préférés en 2025

  • One Battle After Another (de Paul Thomas Anderson)
  • A House of Dynamite (de Kathryn Bigelow)
  • Sovereign (de Christian Swegal)
  • Train Dreams (de Clint Bentley)
  • La Venue de l’avenir (de Cédric Klapisch)
  • Il Treno Del Bambini (« The Children Train » de Cristina Comencini)
  • A Complete Unknown (de James Mangold)
  • The Great Flood (de Byung-woo Kim)
  • Superman (de James Gunn)
  • Avatar : Fire and Ash (de James Cameron)

Allo ? L’Amérique ne répond plus..

One Battle After Another

Que reste-il alors du cinéma ? Rassembler les films « ambulances » qui essaient de témoigner de l’accélération de la chute de l’empire américain. À ce titre le One Battle After Another de Paul Thomas Anderson trouve un improbable équilibre entre comédie burlesque, satire sociale et pamphlet politique. Un film « révolutionnaire » qui ne pouvait mieux tomber à pic dans l’Amérique en crise morale en 2025. Plus sobre mais coup de poing aussi au ventre, le House of Dynamite de Kathryn Bigelow s’attaque frontalement à notre anéantissement en temps réel de manière quasi documentaire. Sans doute passé inaperçu, Sovereign va directement à la racine du mal américain où le soit disant « pays de la liberté », dont la liberté de parole, conduit une population repliée sur elle-même à s’affranchir de toutes les règles communes, et de tout bon sens devrait-on ajouter. Entre conviction passionnelle et folie contrôlée Nick Offerman y livre d’ailleurs un numéro d’acteur exceptionnel. Très inspiré des poèmes cinématographiques de Terrence Malick, Train Dreams va chercher plus en amont encore au au début du 20e siècle l’aspiration pionnière américaine déjà minée par l’exploitation et le racisme. Du côté français, c’est à nouveau du côté de Cédric Klapisch que revient une belle respiration et une bienveillance à travers les siècles qui fait du bien dans La Venue de l’avenir. Le déchirant film de Cristina Comencini (fille du célèbre réalisateur italien) Il Treno Del Bambini nous entraine avec émotion et consternation dans une Italie de 1946 où l’enfance se perd dans la misère des villes. Même si la moue boudeuse (au cinéma) de Timothée Chalamet commence à lasser, la reconstitution de l’Amérique folk rock des années 60 de A Complete Unknown où le talent de Bob Dylan a surgi fascine forcément quand on s’intéresse à la musique (ce que échoue à faire le film hagiographique sur Springsteen cette même année). Le très inattendu coréen The Great Flood sur Netflix ose mélanger film catastrophe et bad trip SF écologique qu’on ne voit pas plus venir que la vague qui emporte tout.

Concluons sur les deux desserts trop sucrés que sont le Superman reboot de James Gunn et le beaucoup trop étendu retour d’Avatar de James Cameron. Que serait le cinéma sans quelques blockbusters locomotives, n’est-ce pas ? Comic book jusqu’au bout des gags et bagarres, le nouveau Superman retourne en enfance et vaccine Clark Kent de la noirceur endémique des hommes d’acier de Zack Snyder. James Cameron s’amuse lui-même à le dire en interview, il n’a que 5 ou 6 idées qu’il recycle de films en films. Et cela se voit de plus en plus avec le diptyque aquatique familial ajouté au toujours original et bien meilleur premier Avatar. Le spectacle est là, la 3D fluide aussi (en HFR si possible) mais le scénario redondant enfonce des portes déjà bien ouvertes. Un seul film au lieu de deux comme prévu initialement n’aurait-il pas été préférable ? Cela étant dit, Avatar : Fire and Ash nous ramène quand même irrésistiblement en masse dans les cinémas alors, comme dirait un autre metteur en scène qui compte, la reconquête du cinéma en salle c’est aussi… « une bataille après l’autre ».

François Bliss de la Boissière

Et aussi…

Quelques films qui font mouche sans effort apparent…

Companion (Drew Hancock). Un petit avant-goût bien musclé de l’usage (et donc de l’abus) domestique de l’IA.

Une Pointe d’amour (Maël Piriou). Un road-movie français plein de générosité.

The Life of Chuck (Mike Flanagan). Une belle introspection poétique (et dansante parfois) entre la vie et la mort.

Des films qui ne fonctionnent pas mais qui auraient dû…

Mickey 17
Eddington
28 Years Later
The Insider
Materialist
Warfare
Springsteen : Deliver Me From Nowhere

Brando reloaded

Marlon Brando était un phénomène de son vivant et va sans doute continuer de l’être dans la mort. Décédé en 2004, l’acteur monstre n’a pas dit son dernier mot. On aurait dû s’en douter. Mort, mais finalement pas enterré, grâce aux nouvelles technologies l’homme facétieux fait un come back artistique qu’il n’aurait jamais assumé de son vivant.

Marlon Brando The Godfather (DR)

Tel un Elvis Presley, aperçu encore aujourd’hui ici ou là, Brando pouvait-il vraiment mourir ? Car, « bigger than life », l’acteur fait mieux que ses congénères immortels du royaume argentique : il réussit post-mortem à s’installer dans une nouvelle durée en s’invitant par une géniale intuition non préméditée dans l’ère digitale. Ressuscité par les nouvelles technologies, Brando se paie un come-back deux ans après sa mort sur les fronts simultanés du cinéma digital (Superman Returns), du jeu vidéo (Le Parrain, bientôt sur Xbox 360 et PSP) et du DVD avec la réédition d’Apocalypse Now agrémentée d’une scène inédite.

Super Brando

Précurseur de l’ère des guest-stars, l’acteur, déjà en pré retraite, accepte de jouer en 1978 le rôle du père de Superman en échange d’un cachet de plusieurs millions de dollars. A l’époque, Brando vient ouvertement ramasser un gros cachet dans un film commercial, et éphémère. Pourtant, aussi trivial que cela puisse paraître ces années là, l’acteur se taille, à l’insu de tous, une nouvelle tunique d’immortalité. Dans le film de Richard Donner, son personnage de Jor-El meurt et ressuscite partiellement en hologramme pour répondre aux questions de son fils Kal-El / Superman. Dans la bande-annonce du récent remake inavoué Superman Returns réalisé après la mort de Brando, la réutilisation de sa voix spectrale cautionne tout à coup le projet et l’élève vers une dimension métaphysique. « Lors du premier film, il a enregistré des mots dans un microphone mais pas devant la caméra », explique le Dr Frankenstein cinéaste, Bryan Singer, « la silhouette de Jor-El à nouveau projetée dans les cristaux de Krypton a été recréée à partir de photos granuleuses de Brando puis animée en plusieurs dimensions ». Un Brando d’outre-tombe, d’outre-espace et d’outre-temps convié à ressusciter un mythe moderne auquel, contre tous les pronostics, il restera autant attaché qu’à ceux des films d’Elia Kazan, Mankiewicz, Bertolucci ou Coppola.

Parrainage digital

D’après Phil Campbell, producteur du jeu vidéo Le Parrain chez Electronic Arts, Brando était spontanément intéressé par les nouvelles technologies quand il a accepté de participer à cette adaptation interactive. « Il avait une faculté d’émerveillement enfantine, il ouvrait grand les yeux en imaginant ce qui allait le surprendre et le réjouir dans le futur », confie Campbel. Le jeu vidéo utilise ainsi le physique et la voix originale de Brando dans le rôle de Don Corleone et de nouveaux dialogues enregistrés avant sa mort. Brando existe dorénavant sous une forme polygonale numérique propre à résister au temps et à s’adresser, comme Jor-El, à de nouvelles générations.

Immortels

Même si elles font entrer Brando dans une nouvelle immortalité digitale susceptible de prolonger celle de la pellicule argentique, ces esquisses de parrainages posthumes ne suffiraient pas à entériner le retour de Brando. Pour confirmer sa présence parmi les mortels, il faut le retrouver bien visible à l’écran en pleine maîtrise de son art. C’est acquis : cet été, Apocalypse Now (The Complete Dossier) est ressorti en DVD aux Etats-Unis accompagné de nouveaux suppléments. On y trouve une version longue (17′ au lieu de 1’30) de la scène à l’origine expérimentale où Brando, le Colonel Kurtz, lit le brûlant poème The Hollow Men de T. S. Elliot.
Dans les années 90, Alain Delon écrivait dans la revue La Règle du jeu : « Dieu fasse que Brando se porte bien… S’il lui arrivait quelque chose, ce serait la vraie fin. Et, ce jour-là, je serais cliniquement mort ». Delon a donc oublié ? Les stars du cinéma ne meurent pas vraiment. Plus vivant que jamais en 2006, Highlander parmi les Highlanders, Marlon Brando, désormais virtuel, est peut-être en passe de confirmer qu’il reste le « meilleur acteur de tous les temps ». Suite de la mutation en 2007 : en pleine renaissance numérique Brando interprète, enfin, dans le film d’animation Big Bug Man, son premier rôle de femme.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’art)

 


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