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Best of jeux 2018 : Art vs Hard, battle royale ou déloyale ?

2018 est une année creuse malgré les trois titres qui occupent les têtes et les mains. Les rares blockbusters exploitent bien toutes les ressources de cette génération de consoles, mais dans les faits, nous sommes déjà dans la période molle où se préparent dans le secret les nouvelles consoles et leurs prochains champions. Avant de livrer mon regard sur les jeux de l’année, je me penche sur une problématique de plus en plus présente dans l’espace interactif. Plus c’est dur, mieux c’est ?

Devant la recrudescence, et surtout le culte, des jeux à la difficulté hardcore, je pose la question : la prise en main, la maniabilité d’un jeu vidéo est-elle en soi qualifiable d’« art ». Puisqu’il est admis (dans les milieux avertis au moins) que le jeu vidéo appartient au champ artistique, que les visuels, la musique, l’interprétation, le scénario d’un jeu vidéo appartiennent tous individuellement au champ artistique, peut-on, doit-on aussi extraire la maniabilité du jeu vidéo comme une expression artistique autonome ? Quel que soit son habillage audiovisuel. Si oui, alors comment différencier, la prouesse, l’exploit sportif, du geste artistique ? Et d’ailleurs si la maniabilité d’un jeu vidéo est un art, faut-il qualifier d’art la conception du programme lui-même ou doit-on aussi inclure celui qui l’exécute parfaitement, en l’occurence le joueur ? En danse, le ou la chorégraphe est un artiste et le ou la danseuse qui interprète est aussi un artiste. On dit aussi d’un sportif de haut niveau qu’il maîtrise son art mais il s’agit sans doute d’une facilité de langage.

L’art est-il maniable ?

Que dire de la relation du joueur avec la maniabilité du jeu vidéo ? Les jeux Nintendo mélangent depuis toujours complexité et accessibilité. Miyamoto, qui a dû mettre un peu d’eau dans son vin depuis, considérait dès les premiers Mario que échouer et recommencer était utile et faisait partie intégrante du plaisir interactif du jeu vidéo. Depuis, la parole collective des gamers hardcore qui s’identifient avec leur maitrise haut de gamme, dénonce la prolifération des jeux qui seraient, selon leurs critères, trop accessibles. À les entendre, plus la difficulté d’un jeu serait haute, plus le jeu aurait de la valeur, une valeur intrinsèque. Cette valeur est-elle de l’ordre de l’art ou de l’exploit dit sportif. La capacité d’y jouer est-elle une performance artistique ? Et d’ailleurs que sont les speed-runners qui rajoutent des contraintes de difficultés aux règles initiales d’un jeu (voir le récent speed-run de Portal) ? L’équivalent de sportifs de haut niveau ? Ou des performers artistiques underground ?

Le gameplay est-il un art isolé ?

Des jeux épurés des origines comme Pong, Tetris, Pac-Man se résument pratiquement à un pur geste mécanique. L’essence de cette mécanique de gameplay est-elle un art ? Si oui, plus la maniabilité serait complexe plus l’art interactif serait consommé ? Dans le langage implicite des gamers, la difficulté des jeux comme les Dark Souls ou cette année Celeste en 2D, les place dans un statut pseudo élitiste spécial. Cette difficulté pourtant laisse sur le bas-côté une autre majorité de gamers alors assez ouvertement méprisée, non seulement de ne pas réussir à dominer physiquement le gameplay, mais aussi de ne pas reconnaître dans ce degré de difficulté un aboutissement du jeu vidéo. Je parle évidemment ici de la difficulté d’un jeu aux mécaniques autonomes non multijoueur. Si le module d’interactivité d’un jeu vidéo est qualifiable d’art, est-ce sa difficulté d’accès qui lui donne de la valeur ou au contraire son accessibilité ? Si l’on accepte l’idée que le gameplay seul puisse être de l’art, puisque le propre de l’art est d’inclure le participant, de l’inviter et non de l’exclure, alors la difficulté d’accès d’un jeu n’est pas au sommet d’une échelle qualitative mais juste à une extrémité d’une graduation qui va d’un bout à l’autre. Si la haute difficulté d’un Dark Souls, d’un Super Meat Boy ou en 2018 d’un Céleste ou d’un Dead Cells est de l’art, alors la (fausse) simplicité interactive d’un Myst doit l’être aussi. Pour l’instant, ce n’est pas le discours ambiant dans le monde des joueurs.

Mes 10+ jeux préférés de 2018

1/ God of War

2/ Red Dead Redemption II

3/ Shadow of the Tomb Raider

4/ Moss / Astro Bot (VR) (ex aequo)

5/ Detroit Become Human

6/ Forza Horizon 4

7/ Gris

8/ Blossom Tales

9/ Dead Cells / Guacamelee! 2 (ex aequo)

10/ Shadow of the Colossus

God of War 2018

Pour beaucoup, Red Dead Redemption II sera le jeu de l’année et, indubitablement, la production hors norme de Rockstar a une fois encore déplacé le curseur qualitatif du jeu vidéo. Mais RDR2 reste une réalisation Rockstar avec ses avancées techniques et artistiques au fond attendues mais aussi ses vieilles habitudes et clichés de gameplay « émergeants » à la GTA. L’immensité des paysages transporte mais pas le destin du personnage, cow-boy-outlaw bien ordinaire du western. RDR2 est au fond la suite logique du premier Red Dead Redemption, sans déception, sans surprise, ce qui est en soi un accomplissement vu l’incertitude de toute production étendue sur autant d’années.

God of War hors sol

Côté réalisation, God of War de son côté n’a absolument rien à envier à RDR2. Le gameplay et toutes les mécaniques de jeu sont même mieux contrôlés. Tous les éléments de conception et de réalisation sont en harmonie pour créer un ensemble complètement homogène. Et surtout, God of War a osé prendre le risque de surprendre, non seulement en s’arrachant à la zone de confort de la série mais en inventant une nouvelle entité vidéoludique par-dessus un système de jeu rabâché. Le résultat est époustouflant de beauté et de prise en main. God of War a lui aussi, et sans doute de manière plus incisive, déplacé le curseur qualitatif du jeu vidéo.

Je t’aime jeux à thème

Derrière ces deux monstres, il est difficile de justifier une hiérarchie autre que le goût personnel. La réalisation de Shadow of the Tomb Raider en fait certainement un des meilleurs épisodes (quoique j’aurais tendance à préférer le précédent avec ses zones/chapitres plus open world), mais le jeu ne fait que dupliquer et raffiner les mécaniques de jeu initiées par le reboot de 2013. Forza Horizon 4 suit sa route aussi et arrive dans ce podium de tête poussé par une réalisation spectaculaire à tous points de vue. Que l’on soit fan ou pas des jeux de voitures. La sortie du nouveau jeu de David Cage a été en partie entachée par les polémiques autour de la gestion interne du studio, mais, encore une fois avec ses maladresses et fixettes interactives énervantes, Detroit : Become Human reste une aventure nécessaire grâce à sa thématique humains vs androids. Les jeux ambitieux à thèmes sont assez rares pour ne pas les rater.

Survendus

Cette année 2018, les vraies réussites AAA se comptent sur les doigts d’une main. Mettons les pieds dans le plat, il y a davantage de blockbusters ratés ou semi ratés que de réussites. Et je ne parle pas de réussite commerciale. Pourquoi Monster Hunter : World et toutes ses approximations de gameplay d’un autre âge trouve-t-il un tel public ? Ni No Kuni II faux frère banal du bijou Ni No Kuni premier du nom mérite-t-il son titre ? L’échec technique de Fallout 76 en 2018 n’était-il pas prévisible en jouant un Fallout 4 déjà limite ? Et Darksiders III ressuscité par miracle pour être renvoyé aussitôt au purgatoire des jeux mal dégrossis ? Et Just Cause 4, parait-il, n’est pas non plus à la hauteur de sa lignée. 

Marche arrière toute

Et, surtout, quid des réussites totalement originales ? Jamais le jeu vidéo n’aura tant ruminé. Dire qu’il y a encore 10/15 ans, les anciens gamers, et sans doute une grande partie des acteurs de l’industrie, craignaient la disparition du passé du jeu vidéo. C’est oublier la force de la nostalgie (et du commerce) qui déclenche des remakes, remasterisations et rééditions à tour de bras qui réjouissent autant qu’ils violent les souvenirs (les Secret of Mana, Crash Bandicoot, Spyro, Shenmue, les compilations Mega Drive, Street Fighter, Devil May Cry, Mega Man, SNK….). Seul le remake de Shadow of the Colossus ne peut être remis en question tellement la qualité et le respect de l’original sont au rendez-vous du chef d’oeuvre initial. Et que dire à Nintendo quand chaque réédition plein tarif sur Switch d’un jeu Wii U ne fait que répéter aux fidèles de la marque, oui la Wii U a été un échec, un coup pour rien. Tout cela serait très bien pour la culture du jeu vidéo et la préservation de son histoire si seulement le quota de créations inédites maintenait un équilibre. Ce n’est pas le cas.

Indés attendris

À toutes ces rééditions d’abord mercantiles je préfère encore les créations indés qui revisitent le passé pour, sans doute, vidanger les mémoires de jeunes gamers devenus concepteurs de jeux vidéo. À ce titre, le Blossom Tales (sorti fin décembre 2017 sur Switch) est un tel duplicata hommage de Zelda A Link to the Past que toute suspicion de plagiat disparaît face à tant d’amour dans la réalisation. D’ailleurs même Nintendo a été séduit sans s’offusquer au point d’encourager sa commercialisation sur Switch. Décidément à surveiller, l’éditeur allemand de Blossom Tales, FDG Entertainment, se spécialise ainsi dans ces revisitations de légendes du jeu vidéo comme avec le récent Monster Boy qui rejoue joliment la partition de la série Wonder Boy des années 80/90. Les très réussis Guacamelee! 2 et Dead Cells (le premier jeu procédural tolérable et très malin grâce à une prise en mains plaisante à chaque seconde) rejouent aussi des souvenirs qui vont de Super Metroid à Castlevania en passant par Prince of Persia (l’original de Jordan Mechner). Malgré tous les emprunts, ils dégagent quelque chose d’unique et donnent l’impression de pratiquer une expérience presque inédite. Gris enfin, lui aussi jouable en scrolling horizontal à l’ancienne, est plus difficile à définir. Peut-être parce qu’il croise les metroidvania avec des essais plus contemporains et une démarche plus arty comme Journey. Oui, on le sait pour de bon depuis Limbo et INSIDE, de l’animation traditionnelle au pixel art, les jeux en 2D sont désormais totalement maîtrisés et presque mieux placés pour créer des émotions sans rien concéder au gameplay.

Dans cet état d’esprit général du jeu vidéo d’abord tourné vers son passé, les jeux Moss (aventure-action) et Astro Bot (plateforme 3D) déclinent aussi des gameplays et mécaniques de jeux du passé. Sauf que, en réalité virtuelle, ces mécaniques familières d’hier semblent toutes neuves. Voilà donc une autre façon de réconcilier le jeu vidéo d’hier avec celui de demain.

Et non, je n’ai pas parlé de Fortnite, Spider-Man, Assassin’s Creed Odyssey et Smash Bros. Ultimate. Il fallait ?

François Bliss de la Boissière

GRIS – Key Art

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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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