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Jet Set Radio Future : Révolution ludique

Loin d’un bête remix de la version Dreamcast, JSRF fait la double démonstration de la puissance de la Xbox et du savoir-faire éblouissant du studio Smilebit de… Sega. Dénonçant gentiment le corporatisme aiguë en militant pour une société s’ouvrant à l’expression artistique (musique, graffitis), JSRF ne serait-il pas, en plus du fun, un peu politique ?

Dans un Tokyo de bande dessinée, aidé par le DJ Professor K et sa radio underground, une jeune équipe de skateurs futuristes résistent à l’hégémonique culture de la vilaine mega corporation Rokkaku. Pour défendre l’idée de la jeunesse et de la liberté d’agir et de créer, les jeunes gens de l’équipe des GG s’expriment et résistent en tagguant les murs de la ville avec leurs graffitis. Mais la police et les gangs rivaux sont à la solde de Rokkaku. Les hauteurs et les sous-sols de Tokyo deviennent alors le théâtre de folles courses poursuites et d’affrontements inoffensifs à coups de graffitis. Le tout rythmé par la musique inspiré d’un DJ halluciné.

Paix sur la Dreamcast

Parmi les regrets que provoque la disparition inexorable de la Dreamcast, figure l’ultra cool Jet Set Radio du studio Sega Smilebit. Le jeu était bien sorti dans tous les pays mais le gros nuage au-dessus de la Dreamcast semble avoir freiné le succès du jeu. Sega devenu développeur multiplateforme a eu alors la bonne idée de mettre Smilebit en pole position des développements Xbox. Un choix stratégique malin puisque parmi les jeux Sega, Jet Set Radio était un des plus gourmand en ressources techniques. Alors que l’on attend de goûter le – tout aussi gourmand, mais totalement inédit – GunValkyrie des mêmes Smilebit sur Xbox, Jet Set Radio Future fait la démonstration incroyable du talent de la jeune équipe Sega et, évidemment, de la puissance de la Xbox. Surtout entre les mains des japonais…

Les japonais sont les meilleurs, même sur Xbox

Vous avez vu Wreckless sur Xbox ? Développé en un rien de temps par les japonais inconnus de Bunkash Publishing, ce jeu de voiture à la maniabilité discutable est d’une puissance graphique époustouflante. La faute à qui ? A la puissance de la technologie Xbox ? Certes, mais à la vue du brillant résultat atteint en si peu de temps comparé aux tentatives laborieuses de certains développeurs américains sur le même kit de développement Xbox, il faut bien reconnaître que les japonais ont une habileté bien à eux pour faire des jeux. Les japonais s’acharnent et réussissent depuis des années à programmer des jeux étonnant sur des kits de développement propriétaires et complexes (Saturn ?, Nintendo 64 ? PlayStation 2 ?) pendant que les occidentaux peinent à aboutir leurs programmes sur un PC à l’architecture plus ouverte – sans doute trop – et des routines Direct X allégeant le travail. Mettez à disposition, alors, un kit simple d’accès, comme on imagine celui de la Xbox, et on peut être sûr que les champions japonais vont faire des miracles. C’est en tous cas le pari que nous aurions tenu il y a quelques mois. En voyant le résultat du maladroit mais bluffant Wreckless et maintenant du très maîtrisé Jet Set Radio Future, nous aurions gagné. Si les japonais continuent de programmer sur Xbox, on peut s’attendre à des miracles de 3D, et il faudra bien se résoudre à constater l’écart de savoir faire entre le Japon et la majorité des développeurs occidentaux. Rappelons que l’extraordinaire Halo des américains de Bungie est quand même en développement depuis au moins trois ans, alors que Jet Set Radio Future, partant évidemment de la base du jeu sur Dreamcast, n’est pas en chantier depuis très longtemps.

Street attitude made in Neo Tokyo

A l’image des graffitis qu’il faut apposer sur tous les murs de la ville de Neo Tokyo, Jet Set Radio Future est avant tout une affaire de style, d’attitude. Le procédé graphique de cell-shading devenu quasiment une norme grâce au premier Jet Set Radio, et poussé à son paroxysme ici, participe grandement à l’identité visuelle du jeu, mais pas seulement. Si les personnages de JSRF sont aussi attachants c’est surtout parce que leurs créateurs ont réussi à leur donner beaucoup de personnalités. Styles vestimentaires, voix personnalisées, poses et, c’est absolument fascinant, pas de danse uniques. Observer, sans même toucher à la manette, Gum, Yoyo, Beat, Corn – comme les 18 autres personnages cachés du jeu – danser à leur façon est un plaisir incommensurable. Entraînées par des mains volontairement trop grandes au bout de bras sans doute trop longs aussi, leurs gestuelles battent le rythme de la musique avec précision et grâce, expriment un sentiment de liberté, d’humour, d’énergie et de joie de vivre qui se reflète dans tout le jeu. 

Jet Set Radio version XXXL

Que l’on ne se trompe pas, Jet Set Radio Future sur Xbox est beaucoup plus qu’un simple remix de la version Dreamcast. Pour être franchement explicite, Sega aurait aussi bien pu renommer le jeu Jet Set Radio Super XXXL. Si l’on retrouve les thèmes des environnements originaux, comme la gare routière de Tokyo, la ville nocturne, les égouts, et les autres, l’étendue des quartiers fait complètement oublier l’original, comme le prouve d’emblée le quartier général de notre gang de héros, ex garage devenu un skatepark géant, quartier d’entraînement à lui tout seul. Revisitée, la ville de la Dreamcast s’est transformée en mégalopole sur Xbox, offrant à la vue et aux skateurs un terrain d’exploration si grand et si dense qu’il peut décourager ceux effrayés par des environnements 3D grands ouverts. Heureusement, une carte symbolique aide en permanence à s’orienter et à repérer les objectifs, et le stick analogique droit permet d’observer en vue subjective les environs. Naturellement, après avoir collecté des bombes de peinture sur le trajet, il s’agit d’apposer ses graffitis là où des pointeurs l’indiquent, mais, plus retors, il faut, si possible, récupérer des Graffitis Souls cachés dans des endroits mystérieux ou inaccessibles. Et faire quelques tricks occasionnel, bien sûr.

Plus facile veut dire plus libre

Jet Set Radio était d’un accès aisé sur Dreamcast, même si compléter le jeu demandait un talent de joueur acharné. Pour être encore plus accessible sur Xbox, JSRF s’assouplit encore et prend le risque de contrarier les adeptes de la première version en modifiant son gameplay. Au final, Smilebit réussit à faire exister sur Xbox un autre jeu, plus facile, plus ouvert, encore plus dynamique et sans doute plus satisfaisant. Terminé les minis combos pour tagger les murs, une simple pression sur la gâchette droite suffit pour plaquer sa peinture sur un mur. La taille variable de certains graffitis auraient pu être l’occasion de faire appel à des combos pour dessiner les grandes tailles en laissant les petits se faire d’un coup de bombe, mais alors le nouveau gameplay concocté par Smilebit aurait été en déséquilibre. Car, sans aucun chronomètre pour limiter le temps, JSRF offre désormais le plaisir ébouriffant de se lancer dans des grinds vertigineux qui s’apparentent à de véritables rides de fête foraine.

Montagnes russes, euh non… japonaises…

Le système d’adhérence automatique des skates aux barrières et autres surfaces bonnes à grinder (y compris à la verticale !) crispent parfois lorsque que l’on veut en décrocher ou changer radicalement de direction. Mais, puisque le but est de lancer le personnage dans une glissade folle le long des innombrables garde-fous des rues, sur les arrêtes de passerelles, sur les rebords des trottoirs ou sur l’incroyable écheveau de fils électriques au-dessus des rues, il faut accepter cette contrainte pour mieux jouir du sentiment de liberté et d’impunité que vit le personnage à l’écran. Là où un GTA 3 donne, nous dit-on, une sensation de liberté en laissant le joueur agresser les passants ou en volant des voitures à volonté, Jet Set Radio Future offre la liberté en transformant la ville en une énorme piste de cirque où toutes les acrobaties sont possibles. La liberté appartient aux skateurs créatifs et gracieux, aux jeunes capables de sortir du rang de la foule qui suit sa vie rangée le long des trottoirs. Leurs armes ? La musique, l’agilité, une attitude et un peu de peinture. Et sans avoir besoin de leur faire grand mal, quel plaisir de voir les dizaines et dizaines de badauds, de pigeons et de corbeaux, crier, courir, fuir, s’envoler même, devant les nouveaux maîtres des rues. Yamakasi ! crierait Besson, Concept of Love ! hurle la radio du DJ professeur K qui encourage la bande de jeunes à résister à la Rokkaku Corporation.

Rêv…olution

Fondamentalement non violent, antimilitariste, avec son irrespect total des représentants de la loi (on tag les véhicules militaires et la police ici), de la loi elle-même, (graffiter les murs est officiellement interdit), en privilégiant la musique (de club, et alors ?) et la peinture (de rue, et alors ?), à l’uniformité de l’establishment, JSRF est peut-être un jeu vidéo vraiment politique. Habillé des meilleurs atours de la culture djeunes, apparemment simple objet ludique, JSRF défend sans insister des valeurs où l’identité de chacun s’affirme par la musique et la création artistique. Sincère, gentiment subversif, chic et éclatant, Jet Set Radio est définitivement tourné vers un futur meilleur.

Jet Set Radio Future

Editeur : Sega
Développeur : Sega
Distributeur : Sega
Plateforme : Xbox
Genre :  Sport
Note générale 9 / 10
Il faut absolument saluer et essayer un jeu de roller aussi stylisé qu’universel. Plus que tendance, comme son nouveau titre l’indique, Jet Set Radio pointe vers le futur. La Xbox se met au service d’un jeu hyper jouissif, libératoire, si frime et si dynamique qu’il réussit à faire oublier la première version culte sur la regrettée Dreamcast. Un exploit, quasi révolutionnaire, signé Sega Smilebit.
Maniabilité 8 / 10
Quelques fois trop rigide, notamment lors des grinds interminables, le contrôle agace parfois mais rend heureux tout le temps. Une fois ouverts, tous les quartiers sont accessibles en permanence et les nombreux points de sauvegarde (illimitées) facilitent l’accès au jeu. Faut-il regretter la disparition des combos pour appliquer les tags ?
Technique 9 / 10
Un temps de chargement chic et animé avant chaque environnement et c’est parti pour des kilomètres d’exploration sans interruption. Les animations sexy des skaters sur le rythme de la musique feront craquer tout le monde et le gigantisme de la mégalopole sous les yeux donne le vertige.
Durée de vie 8 / 10
Devenu, sur Xbox, plus un jeu d’exploration que de manipulations (sur Dreamcast), il faudra y revenir pour accomplir toutes les mini taches dans chaque quartier. Et il y a un mode 4 joueurs solide avec niveaux inédits entièrement dédiés aux parties à plusieurs. Sans oublier le logiciel convivial qui permet de créer autant de graffitis que l’on veut grâce au disque dur de la Xbox.
Graphisme 9 / 10
Vous croyez avoir tout vu sur Xbox avec Halo ? Dans un tout autre style graphique, JSRF montre à son tour que la Xbox est capable de bien des prouesses d’affichage. Notamment entre les mains de japonais qui ont autant de goût que de classe.
Son / Musique 9 / 10
Big Beat à la Fat Boy Slim (beaucoup de remixes de The Latch Brothers), pop psychédélique, funk dance et même du ska version 2002, on n’a jamais entendu une telle sélection de qualité radio sur un jeu vidéo. Dieu merci il n’y a pas la fonction qui permet de mettre sa propre musique à la place !
Originalité 9 / 10
Sur le papier c’est banal, entre les mains et sur l’écran, ce jeu de skate est si peu ordinaire qu’après un premier essai sur Dreamcast il continue d’être une référence. Unique.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 27 mars 2002 sur Overgame)

 


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