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Billet : Vous n’aurez pas la peau de Jet Set Radio !

Non non et non, il faut dire stop. Mettre les taggers urbains de Jet Set Radio dans le même  sac à censure que les jeux dits gores et violents serait une grave erreur culturelle. Un amalgame qui, s’il s’installe aux Etats-Unis (voir Actu et article du Mercury News), en dit encore long sur l’ignorance, en général, de l’essence même du jeu vidéo. 

La philosophie ferait bien d’intervenir

Sous la double casquette de joueur passionné et de journaliste spécialisé dans les jeux vidéo, c’est toujours avec prudence qu’il faut aborder la polémique de la violence dans les jeux et sa réprobation populaire.
Avec, d’un côté, les défenseurs de l’ordre moral, qui radicalisent leurs discours en affirmant que la violence dans les jeux provoquent des comportements violents dans la réalité, et les joueurs, de l’autre, candides et convaincus que la violence virtuelle est totalement déconnectée du monde réel, il faut bien avouer que chacun a un peu raison et beaucoup tort.

Répétons le une énième fois, l’humanité n’a pas attendu les jeux vidéo pour être violente. S’il se trouve tant de concepteurs à faire des jeux à contenu brutal, et autant de public à l’apprécier, c’est bien que la violence est en chacun de nous. Aucun vecteur extérieur particulier n’est nécessaire pour la faire naître et, puisqu’elle est là, autant apprécier les loisirs immatériels tels la télévision, le cinéma, et les jeux vidéo comme des exutoires psychiques propices à l’évacuation de cette violence innée.

Le débat socioculturel fait rage, les institutions et entreprises privées s’organisent, la polémique fera encore les Unes des journaux, nous ne prendrons pas parti aujourd’hui, cette discussion aurait sans doute plus sa place en philosophie. Mais pourquoi Jet Set Radio risque-t-il de se retrouver dans le tourbillon ?

Pas question de laisser faire !

Circonspect sur la violence, nous ne laisserons pas, en revanche, les ligues de vertu américaines laminer Jet Set Radio sans réagir. Car cette fois, en dénigrant ce formidable jeu japonais, c’est au principe même de liberté de créer et de jouer qu’elles s’attaquent.

Les jeux vidéo ne sont pas là pour recréer un monde modèle et lisse. Tant de puissance technologique au service du virtuel pour recréer le monde déjà visible derrière sa fenêtre serait absurde et vain. Les jeux vidéo sont d’abord là pour témoigner de l’imagination, le virtuel permet de donner corps aux fantasmes, en attendant de leur donner une âme.
Dans une industrie vidéoludique progressivement formatée par les lois du marché, la formidable anarchie créatrice des jeux vidéo est « naturellement » de plus en plus étouffée. Cela fait sans doute partie du processus de maturation, malgré l’hégémonie hollywoodienne, le grand frère cinéma a réussi à s’en accommoder. Respectons donc le rythme de croissance du jeu vidéo dans l’adolescence et, surtout, ne laissons pas des associations systématiquement réactionnaires s’approprier son éducation.

Conserver l’Amérique belle à n’importe quel prix

Si l’inquiétude de l’association Keep America Beautiful citée par le Mercury News (voir Actu) concernant le vandalisme des taggers de rues est légitime (le nettoyage des graffitis aux USA coûtent des millions de dollars !), il ne faudrait pas pour autant qu’elle jette le jeu Jet Set Radio au bûcher. Oui, il est possible de graffiter furtivement les murs de Tokyo dans ce jeu Dreamcast. Oui, les jeunes taggers acrobates bravent les forces de police en glissant sur leurs rollers skates. Et, oui, ce sont des activités répréhensibles dans le réel. C’est justement tout l’intérêt de ce jeu.
Comme nous l’expliquons ci-dessus, les jeux vidéo sont des sortes de rêves de pixels, il donne accès à du merveilleux et permettent de faire des choses impossibles à un être humain dans le monde réel. Au-delà des fameux graffitis, Jet Set Radio est surtout un magnifique exemple de la liberté éprouvée dans un monde virtuel. Les personnages circulent où bon leur semble dans les rues, les skates futuristes leur permettent de jouer les équilibristes sur les rambardes jusqu’aux toîts des immeubles. Un peu à la manière des superhéros, les personnages ont la capacité de traverser une ville en ne respectant pas les moyens de locomotions traditionnels, en s’affranchissant de la pesanteur. La sensation de pouvoir accomplir toutes les prouesses physiques et aériennes d’un acrobate est le point fort de ce soft, avant tout autre objectif proposé par le jeu.

Les graffitis à appliquer sur les murs viennent se greffer tout naturellement sur cette liberté de déplacement. Dans les années 80, une même tentative mettait aux commandes d’un malheureux « Paper Boy » à vélo distribuant les journaux du matin. En 2000, l’air du temps est aux skates et aux tags et Jet Set Radio appartient à son époque.

Jet Set Radio est un des meilleurs exemples du jeu vidéo dans son essence

Jet Set Radio respecte donc totalement le médium jeu vidéo. Il redonne même l’exemple. Extension de la réalité, monde aussi identifiable qu’improbable (les forces de l’ordre pourchassent un seul skater à bord de tanks ou d’hélicoptères !!), ce jeu en particulier exprime toute la liberté de ton et de création que nous sommes en droit d’attendre d’une industrie qui, pour l’instant, se répète. Civile, la version japonaise actuellement disponible prévient dès le premier écran qu’il est interdit de graffiter n’importe où. La TV et les comics américains n’ont pas autant de scrupules pour prévenir son auditoire de ses aberrations.
Est-il concevable de vouloir transformer les jeux vidéo en Disney Land virtuel où rien ne doit choquer ni déranger ? Si le médium jeu vidéo atteint un jour la stature « noble » (comme un Art) dont il a le potentiel, il devra savoir aborder tous les sujets, avoir toutes les audaces, bousculer les idées reçues. Quitte à « déranger » de temps en temps.
Un jeu vidéo n’incitera pas à faire dans la réalité ce qu’il propose dans le virtuel si sa réalisation et ses idées vont bien au-delà du monde réel. Si le jeu rassasie en lui-même, toute tentative dans le réel ferait pâle figure et avorterait aussitôt. Du moins dans l’esprit de toute personne censée.

Le débat du risque de contamination de la violence du virtuel au réel ne sera sans doute jamais clos, ce n’est pas une raison pour y attacher un jeu qui ne respecte pas le « politiquement correct », surtout s’il est fondamentalement pacifique (les seules armes de Jet Set Radio sont le graffitiet l’agilité). Si, grands médias et défenseurs d’un certain ordre moral, vous voulez être entendus chez les joueurs, ne faîtes surtout pas un amalgame qui dénoncerait votre incompréhension de l’essence même du jeu vidéo. C’est justement parce que Jet Set Radio égratigne un petit peu les « lois citoyennes », et qu’il offre une véritable nouvelle expérience physique, qu’il a de la valeur artistique et mérite le respect.

La liberté d’expression et de création doit être préservée dans les jeux vidéo

Vous l’a-t-on dit ? Jet Set Radio n’a pas du tout les allures d’un jeu bâclé et opportuniste surfant sur des tabous pour se faire remarquer. Coloré et animé comme nulle part ailleurs, JSR est d’abord un petit miracle de réalisation artistique. L’éditeur de graffitis inclus dans le soft est à lui seul un logiciel de création, il incite au dessin et à la peinture. Qui veut tuer cet aspect 100% positif d’un jeu ? Vous comprendrez bien que juguler l’ensemble de ce travail pour respecter un ordre moral qui n’a pas sa place dans le virtuel, reviendrait à frapper des artistes japonais en plein cœur. Sans compter l’éventuel coup de frein aux nouvelles idées dont les jeux vidéo ont pourtant bien besoin. 
Conscient de l’originalité de son jeu, Sega of America semble prêt à défendre becs et ongles Jet Grind Radio aux Etats-Unis. Il faut espérer que Sega Europe saura aussi faire face aux grognements qui ne manqueront pas de surgir en France peu après. S’il faut défendre Jet Set Radio, Overgame n’hésitera pas à monter au créneau. Autant de fois qu’il le faudra.

François Bliss de la Boissière

Publié le 25 07 2000 sur Overgame

 


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Jet Set Radio Future : Révolution ludique

Loin d’un bête remix de la version Dreamcast, JSRF fait la double démonstration de la puissance de la Xbox et du savoir-faire éblouissant du studio Smilebit de… Sega. Dénonçant gentiment le corporatisme aiguë en militant pour une société s’ouvrant à l’expression artistique (musique, graffitis), JSRF ne serait-il pas, en plus du fun, un peu politique ?

Dans un Tokyo de bande dessinée, aidé par le DJ Professor K et sa radio underground, une jeune équipe de skateurs futuristes résistent à l’hégémonique culture de la vilaine mega corporation Rokkaku. Pour défendre l’idée de la jeunesse et de la liberté d’agir et de créer, les jeunes gens de l’équipe des GG s’expriment et résistent en tagguant les murs de la ville avec leurs graffitis. Mais la police et les gangs rivaux sont à la solde de Rokkaku. Les hauteurs et les sous-sols de Tokyo deviennent alors le théâtre de folles courses poursuites et d’affrontements inoffensifs à coups de graffitis. Le tout rythmé par la musique inspiré d’un DJ halluciné.

Paix sur la Dreamcast

Parmi les regrets que provoque la disparition inexorable de la Dreamcast, figure l’ultra cool Jet Set Radio du studio Sega Smilebit. Le jeu était bien sorti dans tous les pays mais le gros nuage au-dessus de la Dreamcast semble avoir freiné le succès du jeu. Sega devenu développeur multiplateforme a eu alors la bonne idée de mettre Smilebit en pole position des développements Xbox. Un choix stratégique malin puisque parmi les jeux Sega, Jet Set Radio était un des plus gourmand en ressources techniques. Alors que l’on attend de goûter le – tout aussi gourmand, mais totalement inédit – GunValkyrie des mêmes Smilebit sur Xbox, Jet Set Radio Future fait la démonstration incroyable du talent de la jeune équipe Sega et, évidemment, de la puissance de la Xbox. Surtout entre les mains des japonais…

Les japonais sont les meilleurs, même sur Xbox

Vous avez vu Wreckless sur Xbox ? Développé en un rien de temps par les japonais inconnus de Bunkash Publishing, ce jeu de voiture à la maniabilité discutable est d’une puissance graphique époustouflante. La faute à qui ? A la puissance de la technologie Xbox ? Certes, mais à la vue du brillant résultat atteint en si peu de temps comparé aux tentatives laborieuses de certains développeurs américains sur le même kit de développement Xbox, il faut bien reconnaître que les japonais ont une habileté bien à eux pour faire des jeux. Les japonais s’acharnent et réussissent depuis des années à programmer des jeux étonnant sur des kits de développement propriétaires et complexes (Saturn ?, Nintendo 64 ? PlayStation 2 ?) pendant que les occidentaux peinent à aboutir leurs programmes sur un PC à l’architecture plus ouverte – sans doute trop – et des routines Direct X allégeant le travail. Mettez à disposition, alors, un kit simple d’accès, comme on imagine celui de la Xbox, et on peut être sûr que les champions japonais vont faire des miracles. C’est en tous cas le pari que nous aurions tenu il y a quelques mois. En voyant le résultat du maladroit mais bluffant Wreckless et maintenant du très maîtrisé Jet Set Radio Future, nous aurions gagné. Si les japonais continuent de programmer sur Xbox, on peut s’attendre à des miracles de 3D, et il faudra bien se résoudre à constater l’écart de savoir faire entre le Japon et la majorité des développeurs occidentaux. Rappelons que l’extraordinaire Halo des américains de Bungie est quand même en développement depuis au moins trois ans, alors que Jet Set Radio Future, partant évidemment de la base du jeu sur Dreamcast, n’est pas en chantier depuis très longtemps.

Street attitude made in Neo Tokyo

A l’image des graffitis qu’il faut apposer sur tous les murs de la ville de Neo Tokyo, Jet Set Radio Future est avant tout une affaire de style, d’attitude. Le procédé graphique de cell-shading devenu quasiment une norme grâce au premier Jet Set Radio, et poussé à son paroxysme ici, participe grandement à l’identité visuelle du jeu, mais pas seulement. Si les personnages de JSRF sont aussi attachants c’est surtout parce que leurs créateurs ont réussi à leur donner beaucoup de personnalités. Styles vestimentaires, voix personnalisées, poses et, c’est absolument fascinant, pas de danse uniques. Observer, sans même toucher à la manette, Gum, Yoyo, Beat, Corn – comme les 18 autres personnages cachés du jeu – danser à leur façon est un plaisir incommensurable. Entraînées par des mains volontairement trop grandes au bout de bras sans doute trop longs aussi, leurs gestuelles battent le rythme de la musique avec précision et grâce, expriment un sentiment de liberté, d’humour, d’énergie et de joie de vivre qui se reflète dans tout le jeu. 

Jet Set Radio version XXXL

Que l’on ne se trompe pas, Jet Set Radio Future sur Xbox est beaucoup plus qu’un simple remix de la version Dreamcast. Pour être franchement explicite, Sega aurait aussi bien pu renommer le jeu Jet Set Radio Super XXXL. Si l’on retrouve les thèmes des environnements originaux, comme la gare routière de Tokyo, la ville nocturne, les égouts, et les autres, l’étendue des quartiers fait complètement oublier l’original, comme le prouve d’emblée le quartier général de notre gang de héros, ex garage devenu un skatepark géant, quartier d’entraînement à lui tout seul. Revisitée, la ville de la Dreamcast s’est transformée en mégalopole sur Xbox, offrant à la vue et aux skateurs un terrain d’exploration si grand et si dense qu’il peut décourager ceux effrayés par des environnements 3D grands ouverts. Heureusement, une carte symbolique aide en permanence à s’orienter et à repérer les objectifs, et le stick analogique droit permet d’observer en vue subjective les environs. Naturellement, après avoir collecté des bombes de peinture sur le trajet, il s’agit d’apposer ses graffitis là où des pointeurs l’indiquent, mais, plus retors, il faut, si possible, récupérer des Graffitis Souls cachés dans des endroits mystérieux ou inaccessibles. Et faire quelques tricks occasionnel, bien sûr.

Plus facile veut dire plus libre

Jet Set Radio était d’un accès aisé sur Dreamcast, même si compléter le jeu demandait un talent de joueur acharné. Pour être encore plus accessible sur Xbox, JSRF s’assouplit encore et prend le risque de contrarier les adeptes de la première version en modifiant son gameplay. Au final, Smilebit réussit à faire exister sur Xbox un autre jeu, plus facile, plus ouvert, encore plus dynamique et sans doute plus satisfaisant. Terminé les minis combos pour tagger les murs, une simple pression sur la gâchette droite suffit pour plaquer sa peinture sur un mur. La taille variable de certains graffitis auraient pu être l’occasion de faire appel à des combos pour dessiner les grandes tailles en laissant les petits se faire d’un coup de bombe, mais alors le nouveau gameplay concocté par Smilebit aurait été en déséquilibre. Car, sans aucun chronomètre pour limiter le temps, JSRF offre désormais le plaisir ébouriffant de se lancer dans des grinds vertigineux qui s’apparentent à de véritables rides de fête foraine.

Montagnes russes, euh non… japonaises…

Le système d’adhérence automatique des skates aux barrières et autres surfaces bonnes à grinder (y compris à la verticale !) crispent parfois lorsque que l’on veut en décrocher ou changer radicalement de direction. Mais, puisque le but est de lancer le personnage dans une glissade folle le long des innombrables garde-fous des rues, sur les arrêtes de passerelles, sur les rebords des trottoirs ou sur l’incroyable écheveau de fils électriques au-dessus des rues, il faut accepter cette contrainte pour mieux jouir du sentiment de liberté et d’impunité que vit le personnage à l’écran. Là où un GTA 3 donne, nous dit-on, une sensation de liberté en laissant le joueur agresser les passants ou en volant des voitures à volonté, Jet Set Radio Future offre la liberté en transformant la ville en une énorme piste de cirque où toutes les acrobaties sont possibles. La liberté appartient aux skateurs créatifs et gracieux, aux jeunes capables de sortir du rang de la foule qui suit sa vie rangée le long des trottoirs. Leurs armes ? La musique, l’agilité, une attitude et un peu de peinture. Et sans avoir besoin de leur faire grand mal, quel plaisir de voir les dizaines et dizaines de badauds, de pigeons et de corbeaux, crier, courir, fuir, s’envoler même, devant les nouveaux maîtres des rues. Yamakasi ! crierait Besson, Concept of Love ! hurle la radio du DJ professeur K qui encourage la bande de jeunes à résister à la Rokkaku Corporation.

Rêv…olution

Fondamentalement non violent, antimilitariste, avec son irrespect total des représentants de la loi (on tag les véhicules militaires et la police ici), de la loi elle-même, (graffiter les murs est officiellement interdit), en privilégiant la musique (de club, et alors ?) et la peinture (de rue, et alors ?), à l’uniformité de l’establishment, JSRF est peut-être un jeu vidéo vraiment politique. Habillé des meilleurs atours de la culture djeunes, apparemment simple objet ludique, JSRF défend sans insister des valeurs où l’identité de chacun s’affirme par la musique et la création artistique. Sincère, gentiment subversif, chic et éclatant, Jet Set Radio est définitivement tourné vers un futur meilleur.

Jet Set Radio Future

Editeur : Sega
Développeur : Sega
Distributeur : Sega
Plateforme : Xbox
Genre :  Sport
Note générale 9 / 10
Il faut absolument saluer et essayer un jeu de roller aussi stylisé qu’universel. Plus que tendance, comme son nouveau titre l’indique, Jet Set Radio pointe vers le futur. La Xbox se met au service d’un jeu hyper jouissif, libératoire, si frime et si dynamique qu’il réussit à faire oublier la première version culte sur la regrettée Dreamcast. Un exploit, quasi révolutionnaire, signé Sega Smilebit.
Maniabilité 8 / 10
Quelques fois trop rigide, notamment lors des grinds interminables, le contrôle agace parfois mais rend heureux tout le temps. Une fois ouverts, tous les quartiers sont accessibles en permanence et les nombreux points de sauvegarde (illimitées) facilitent l’accès au jeu. Faut-il regretter la disparition des combos pour appliquer les tags ?
Technique 9 / 10
Un temps de chargement chic et animé avant chaque environnement et c’est parti pour des kilomètres d’exploration sans interruption. Les animations sexy des skaters sur le rythme de la musique feront craquer tout le monde et le gigantisme de la mégalopole sous les yeux donne le vertige.
Durée de vie 8 / 10
Devenu, sur Xbox, plus un jeu d’exploration que de manipulations (sur Dreamcast), il faudra y revenir pour accomplir toutes les mini taches dans chaque quartier. Et il y a un mode 4 joueurs solide avec niveaux inédits entièrement dédiés aux parties à plusieurs. Sans oublier le logiciel convivial qui permet de créer autant de graffitis que l’on veut grâce au disque dur de la Xbox.
Graphisme 9 / 10
Vous croyez avoir tout vu sur Xbox avec Halo ? Dans un tout autre style graphique, JSRF montre à son tour que la Xbox est capable de bien des prouesses d’affichage. Notamment entre les mains de japonais qui ont autant de goût que de classe.
Son / Musique 9 / 10
Big Beat à la Fat Boy Slim (beaucoup de remixes de The Latch Brothers), pop psychédélique, funk dance et même du ska version 2002, on n’a jamais entendu une telle sélection de qualité radio sur un jeu vidéo. Dieu merci il n’y a pas la fonction qui permet de mettre sa propre musique à la place !
Originalité 9 / 10
Sur le papier c’est banal, entre les mains et sur l’écran, ce jeu de skate est si peu ordinaire qu’après un premier essai sur Dreamcast il continue d’être une référence. Unique.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 27 mars 2002 sur Overgame)

 


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Nomad Soul : Le vague à l’âme de David Cage

Sorti en 1999 sur PC et Dreamcast, le 1er jeu du studio Quantic Dream a été long à accoucher mais fait désormais partie de la grande histoire du jeu vidéo…

The Nomad Soul

Bliss : Avec le recul, quel regard avez-vous sur votre premier jeu The Nomad Soul ?

David Cage : Je suis agréablement surpris de l’image qu’il a aujourd’hui. À l’époque nous étions des petits français essayant bon an mal an de faire ce qu’on croyait être bien. Et puis le magazine américain EGM (Electronic Gaming Monthly, n°1 des ventes aux USA, environ 400 à 500 000/mois, ndlr) a classé Nomad Soul parmi les 40 jeux qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo à côté de trois autres jeux français et de très très grands comme des Zelda, des Mario ! Nous sommes arrivés à un stade où on a l’impression que c’est presque le jeu de quelqu’un d’autre. Beaucoup de gens se le sont approprié. C’est étrange et agréable. On a souvent à faire à des gens qui nous écrivent en connaissant le jeu presque mieux que nous. Il y a une communauté sur le net qui discute d’un hypothétique film The Nomad Soul. Des gens nous écrivent tous les jours pour nous réclamer une suite… Affectivement j’y reste très attaché. C’est le jeu que je voulais faire, le seul que j’ai fait pour l’instant. Il a plein de défauts mais aussi plein de choses que je voulais faire ou dire sur lesquels les gens ont percuté. Quelqu’un me demandait récemment s’il existait des jeux avec un message politique et je me suis rendu compte qu’il y en avait un dans Nomad Soul. J’en suis assez fier, comme aussi d’une scène particulière relevée par certains journaux. Une scène toute bête où le joueur parti depuis plusieurs jours rentre chez lui quand sa femme, qui le croyait mort, se jette dans ses bras. Une vraie scène de tendresse s’ensuivait où elle lui caressait la joue, ils s’embrassaient et allaient dans la chambre faire l’amour. Je ne m’en rendais pas compte en le faisant. Mais quand je vois le retour des gens depuis, combien cette scène où un personnage manifeste une émotion pour un autre a marqué par rapport à la majorité des jeux vidéo. J’aspire à aller dans cette direction.

Bliss : La pression de faire un Nomad Soul 2 est-elle importante ? 


David Cage : On y travaille, mais on sait qu’on va devoir batailler pour convaincre les éditeurs parce que c’est de la SF et aujourd’hui ce n’est pas le truc le plus simple à vendre dans le jeu vidéo. Les éditeurs vous disent : « ce qui marchent ce sont les jeux avec la mafia, tu conduis des voitures et… », enfin, vous voyez, ils sont toujours des grands visionnaires… Mais on a vraiment des idées autour d’un Nomad Soul 2 et on en a envie.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Ferrari F355 Challenge : L’étalon italien

La sortie sur PS2 de cette élitiste simulation automobile déjà pratiquée sur Dreamcast en 2000 rappelle une chose : le réalisme d’une simulation doit s’arrêter là où le joueur ne s’amuse plus. A moins que l’apprenti pilote soit aussi courageux que humble…

Ferrari F355 Challenge

La haute technologie entre les mains des meilleurs développeurs peut conduire directement au mur. C’est que révèle ce F355 Challenge signé Yu Suzuki, le créateur célèbre de Sega (de Outrun à Shenmue). Projet de salle d’arcade comprenant un cabinet entier et trois écrans pour reproduire une vue cinémascope, adapté efficacement en 2000 sur console Dreamcast, F355 Challenge a fait la double démonstration du talent de Yu Suzuki et de l’élitisme de sa démarche. La marque mythique italienne (Ferrari), un seul modèle à conduire (la fameuse F355), une dizaine de circuits réels dessinés au cordeau, une seule position pour conduire : derrière le volant. A l’heure où tous les jeux de course automobiles tentent d’offrir des centaines de véhicules, des dizaines de circuits et de modes de jeu, la concentration de ce F355 Challenge est stupéfiante, pour ne pas dire kamikaze.

Jouer n’est pas gagner

Conduire la Ferrari de Yu Suzuki ce n’est pas jouer pour gagner, c’est jouer pour apprendre à conduire, essayer de dompter un étalon automobile aussi prompt à démarrer qu’à désarçonner. Flatté par les jeux du marché faciles d’accès, habitué à gagner des courses improbables dans des circonstances invraisemblables, le candidat à F355 Challenge devra réapprendre la modestie, l’humilité. Les circuits officiels du Japon (Suzuka, Sugo…), d’Italie (Monza) ou des Etats-Unis (Atlanta…) sont aussi fidèles et arides que la réalité. Le contrôle du véhicule qui dépend de réglages hyper pointus n’est vraiment possible qu’avec toutes les assistances activées. Et même comme cela, l’apprenti pilote ne pourra pas rattraper la voiture une fois partie en dérapage dans un virage, ne saura pas freiner à temps avant une chicane. A 260 km/h, les panneaux d’avertissement le long des parcours défilent bien trop vite pour être d’un grand secours, surtout quand il faut tenir sans ciller les rênes d’un animal presque sauvage. Gagner les courses du Championnat ou même du mode Arcade contre les 7 autres concurrents du programme est si difficile que cette version PlayStation 2 offre d’emblée la possibilité de concourir sur les 11 circuits disponibles. Au moins pour le plaisir. Sur Dreamcast, cinq d’entres eux étaient verrouillés et forçaient à gagner sur les autres avant d’être accessibles !

Une seule concession « grand public »

Autre concession grand public de cette adaptation PlayStation 2, l’apparition d’une vue externe pour conduire qui confirme, avec les Replays peu crédibles, que le jeu ne se situe pas là. Encore une fois, plus proche d’une simulation hyper réaliste que d’un jeu vidéo, le travail de Sega se goûte de l’intérieur du véhicule, si possible avec un volant puisque le jeu le permet fort logiquement. Les puristes de la conduite, puisque c’est à eux que le jeu s’adresse avant tout, reconnaîtront que la version Dreamcast est meilleure que la toute nouvelle PlayStation 2. Mais que cela n’empêche pas les courageux d’essayer, la sensation de conduite est époustouflante, et les ciels au-dessus des circuits sont absolument magnifiques. Quoi qu’il en soit, que l’on réussisse ou pas à dompter la bête, pour le prix d’un jeu vidéo, n’importe qui peut dorénavant prétendre avoir une Ferrari sur son étagère. Même hyper réaliste, le jeu vidéo reste du rêve.

Ferrari F355 Challenge (PlayStation 2 / Sega / 1 à 2 joueurs / 60Hz : oui / 16/9e : oui / Genre : Simulation automobile élitiste / Sortie 25-09-2002 / Score : B)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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EVENEMENT : Frédérick Raynal et Bruno Bonnell réunis !

Le PDG d’Infogrames et l’auteur du premier Alone in The Dark reconciliés autour d’une table ? C’est au Milia, sur Overgame, et nulle part ailleurs.

Bruno Bonnell et Frédérick Raynal réunis au Milia 2001

Le vieux différend entre Bruno Bonnell et Frédérick Raynal fait partie de la grande-petite histoire des jeux vidéo en France. Au début des années 90, alors jeune créateur avec un projet fou (Alone in The Dark), Frédérick Raynal avait trouvé en Infogrames un éditeur intéressé. Seulement voilà, quand le jeu est devenu le succès critique et commercial que l’on connaît, le contrat signé entre les deux partis s’est avéré ne pas être franchement favorable à son auteur. Alone in The Dark se transforme alors en licence pour Infogrames qui initie des suites (Alone 2 et 3) sans que Frédérick Raynal ne touche de royalties sur les millions de francs qu’engrange Infogrames. La fâcherie devient célèbre, Raynal, résigné, mais pas à cours de projets, quitte le sein d’Infogrames pour créer Little Big Adventure.

Les deux hommes se sont évidemment rencontrés depuis, mais leurs destins étaient définitivement séparés : à la conquête du monde, Bonnell continue d’exploiter Alone in The Dark avec un 4ème épisode, et Raynal, soucieux de sécuriser ses projets et son équipe, était devenu, avec No Cliché, un studio 100% Sega (voir : Sega lâche No Cliché).

Mais l’Histoire, la grande, comme celle des jeux vidéo, est pleine de surprises, de chemins imprévisibles. Même si on pouvait l’anticiper, l’arrêt brutal de la Dreamcast est, par exemple, un choc, une secousse dont on ne mesure pas encore les répercussions. Ce qu’on remarque, en tous les cas, c’est que, tout à coup, des frères ennemis comme Sega et Nintendo, ou même Sony, se mettent à travailler, non plus en concurence, mais ensemble.

C’est ainsi que, pour reprendre les mots de Bruno Bonnell, si le marché oblige sans doute à faire face à « la réalité de la divergence », nous nous sommes quand même pris à « rêver » à une « convergence ». Que Raynal, son équipe et son projet ambitieux Agartha trouvent en Bruno Bonnell une oreille attentive coule de source. Les talents français ne sont pas si nombreux, les éditeurs avec les moyens de les encourager non plus. Maintenant que No Cliché est à vendre, Raynal et Bonnell étaient appelés à se rencontrer, sans doute même pendant ce salon cannois. Ayant la chance de croiser leur route à tous les deux pendant ce Milia, notre rêve de convergence des intérêts a tout à coup pris forme. Demander à Frédérick Raynal et Bruno Bonnell d’accepter de se rencontrer devant des journalistes est aussi culotté de notre part que courageux de la leur. Connaissant les deux personnages, leur force, leur panache et leurs besoins respectifs, le rêve de la convergence devait pouvoir se faire. Peut-être en terrain neutre sous l’oeil bienveillant de notre caméra, les deux hommes se sont serrés la main, souris, se sont un peu écoutés l’un et l’autre, pour se donner sérieusement rendez-vous un peu plus tard.

L’année 2001 est définitivement une année charnière. Qui sait ce qu’elle nous réserve encore…

Bruno Bonnell et Frédérick Raynal

Remerciements à Bruno Bonnell et Fréderick Raynal pour avoir bien voulu oser ce petit défi avec nous, et à Seb, qui a réussi à dompter la réticente salle de presse de ce Milia 2001 (Windows italien pour cause de sponsor.. italien, clavier US, pas de lecteurs de disquette…)

Voir interview complète de Bruno Bonnell à cette occasion : ici

François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2001 sur OvergameEVENEMENT – Frédérick Raynal et Bruno Bonnell réunis !

Bruno Bonnell et Frédérick Raynal

Fin de la Dreamcast (I) : 2001, renaissance de la tragédie

Préambule relecture 2011…

Il y a 10 ans tout juste, le 9/9/99 presque un an après le Japon et un mois avant l’Europe, la console Dreamcast sortait aux États-Unis. En janvier 2001, Sega annonçait l’arrêt de la production de ce qui s’avèrera sa dernière console. À l’époque le choc culturel fut important. 10 ans plus tard, les papiers commémoratifs et de regrets continuent d’être publiés et Peter Moore, le patron de la division américaine d’alors, passé chez Xbox puis Electronic Arts aujourd’hui, a lui même écrit un hommage sur son blog professionnel. En attendant des papiers plus frais ici, tout droit sorti des archives d’O., voici ce que nous écrivions à l’époque (que l’on veuille bien nous excuser le style pompier d’alors)…

Dreamcast_Logo 

[Overgame ? Overjeu ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Presque toutes les explications ici…]

Fin de la Dreamcast (I) : 2001, renaissance de la tragédie

Comme dans toute bonne tragédie, il aura fallu une mort, celle de la Dreamcast, pour prendre la mesure du drame. Les jeux vidéo vivent une de leur plus grande crise de croissance et révèlent un symptôme : l’inversion des valeurs. Réflexions.

La Dreamcast chérie se meurt, la Playstation 2 qu’on aime détester court vers le succès commercial. Quand le commerce et la communication gagnent la bataille contre la créativité et l’originalité, il s’agit bien, comme l’a dit le philosophe Nietzsche, d’une inversion de toutes les valeurs. Cette fois il ne s’agit plus de mots ou de menaces, il y a eu mort mécanique de la Dreamcast, et les choses ne seront plus jamais comme avant. Les jeux vidéo sont passés du bricolage à l’artisanat pour devenir une industrie lourde et cette fois pour de bon, sans retour en arrière possible.

La tragédie a remplacé la comédie, non pas parce que la Dreamcast a rendu les armes, mais parce que les jeux vidéos sont dorénavant aux mains des marchands. Les mastodontes de la communication capables de vendre du doré pour de l’or. Si on arrive à nous vendre aujourd’hui du hardware dessiné sur du papier ou joli comme un bibelot sans que l’on sache bien quoi en faire, quels jeux réussira-t-on à nous vendre demain ? La Dreamcast nous offrait un repère qualitatif, même si elle sera encore présente cette année dans les foyers, sa disparition laisse l’année 2001 aux seules mains de la Playstation 2, une console pour l’instant plutôt décorative.

Heureusement, une tragédie sans spectateurs ne serait rien. S’il écoute son cœur plutôt que la publicité, le versatile public des jeux vidéo peut encore tout changer. Si les valeurs s’inversent, les tendances aussi.

RENVERSEMENT DE TENDANCE.

ACTE 1 : Sega, j’aurais dû t’être fidèle

Milieu des années 90, la formidable Megadrive agonise avec le Mega CD et le 32X. Sursaut polygonal avec la Saturn, échec suivi d’une petite mort. Résurrection incroyable avec la Dreamcast et… mort définitive des consoles Sega. Sega s’est fait aimer, puis détester, puis ridiculiser, pour retrouver l’état de grâce médiatique. Mais le marché est ailleurs…

Le revirement de situation est étonnant. Heureux challenger de Nintendo avec la Megadrive, Sega était devenu la risée des joueurs après les déceptions consécutives des Mega CD, 32X et Saturn. Quand la Dreamcast est sortie fin 1998 au Japon, le scepticisme prévalait, le public ricanait. Et puis, miracle, les jeux se sont mis à parler. De plus en plus originaux, de qualité croissante, les jeux Dreamcast sont devenus les meilleurs représentants de Sega qui s’est alors offert un retour en grâce inespéré. Car la Dreamcast est une machine formidable, les développeurs le confirment et les jeux le prouvent. Avant de déclarer forfait, la Dreamcast est, en plus, entrée dans l’histoire, en offrant la première aux joueurs consoles la possibilité de se retrouver sur Internet. C’est une machine qui avait tout pour gagner, cela n’aura pas suffit à retenir le raz de marée Sony. Cela prouve au moins deux choses. Tout d’abord que le public spécialisé, et sans pitié, est assez versatile pour changer d’avis ; ensuite, cela implique qu’une console et des jeux de qualité ne garantissent plus un succès commercial.

ACTE 2 : Sony, je t’ai trop aimé

Sony arrive sur le marché des consoles en 1994. La Playstation la joue underground et se fait connaître à la base de la culture jeune et branchée, pratiquement sur les dancefloors. D’abord reconnue par les spécialistes, la console de Sony se transforme alors en produit de masse. Admirée pour avoir revigoré le marché sous le nez de Sega et Nintendo, son succès forcera le respect mais attisera les jalousies. Profitant de son statut de confiance, Sony sur-médiatise le projet Playstation 2. Sans jeux, la nouvelle console chic et trop chère déçoit. Le scepticisme grimpe, la colère monte, la détestation n’est pas loin. Un nouveau challenger sera bien accueilli…

Appréciée universellement et pendant des années, la Playstation a-t-elle assez de souffle pour une nouvelle génération ? Car la Playstation 2, sa descendance, devient peu à peu un objet de dérision quotidien. Le mépris n’est pas loin. Le revirement de tendance est en train d’avoir lieu sous nos yeux, chaque jour. Les magasins expriment clairement du ressentiment vis à vis de la méthode imposée par Sony pour distribuer sa Playstation 2 (système de réservation téléphonique, quantités limitées, …). Quand ce n’est pas le prix et le manque de jeux de qualité, les stocks limités de consoles rendent agressifs les consommateurs trop impatients. Un jour objet de consommation populaire, la Playstation nouvelle version devient un objet rare et cher, un bibelot de luxe dont les multifonctions font perdre de vue l’utilité première : les jeux vidéo.

Sans doute à tort, Sony est accusé de complot universel. Au sommet de l’industrie des jeux vidéo depuis quatre ans, Sony Computer est maintenant accusé d’avoir la grosse tête, d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Un jour au service des joueurs, Sony est à nouveau au service de l’électronique grand public et révèle à toute une génération de joueurs un visage qu’elle ignorait. Le ressentiment actuel pourrait très bien devenir de la haine généralisée si des jeux solides ne viennent pas inverser le déclin médiatique. Aussi grossiers soient-t-ils, les énormes signes d’amitié lancés par Microsoft avec sa console Xbox pourraient être entendus des joueurs comme des développeurs.

ACTE 3 : Nintendo, je n’ose plus t’aimer

Nintendo invente les jeux vidéos à l’ouest du Pacifique au début des années 80. Chute du géant américain Atari, Nintendo devient le « Frigidaire » des jeux vidéo : dans les années 80 on ne joue pas aux jeux vidéo, on joue à la Nintendo. Nintendo est devenu la norme. La SuperNintendo sort après le succès de la Megadrive de Sega, les jeux sont indispensables mais l’Empire a tremblé et le doute s’immisce chez les joueurs. La sortie trop tardive de la Nintendo 64 avec un support cartouche d’un autre âge ne convient pas au public Playstation. « La N64 ne serait-elle pas une console pour les enfants ? » se demande le joueur… La gène s’installe…

Jaloux et excessivement protecteur de son succès des années 80, à l’image de son directeur / empereur intransigeant, Nintendo jouera trop les donneurs de leçons. Le message qualité / prudence / patience est sans doute juste, mais la manière de le faire passer est trop rude. Nintendo se révèle conservateur, voire réactionnaire, et commence à transpirer la suffisance. Cartouches trop chères, royalties trop importantes pour les éditeurs, Nintendo ne cherche pas à se faire aimer et se contente du respect que lui valent ses jeux uniques. L’irritation puis l’indifférence des joueurs s’installent dans une routine. La N64 n’a pas bonne image et Nintendo n’a plus la cote. Quelques rares jeux absolument indispensables empêchent la N64 de sombrer dans l’oubli mais qui avouera jouer sur une console pour les enfants ? Surtout que le vrai succès de Nintendo est sur Game Boy avec les Pokémon. Trois extraits de projets GameCube et c’est l’euphorie. Tous les bons souvenirs remontent et le pardon est au bord des lèvres…

ACTE 4 : Constance de la tragédie, je t’aime, moi non plus

La tragédie et les coups de théâtre sont une constance dans l’industrie des jeux vidéo. Le succès phénoménal d’Atari avant une chute digne de l’Empire Romain au début des année 80 aura donné le ton. Depuis, les succès et les échecs se suivent avec une régularité digne d’un sitcom planétaire. Et le public suit.

Avec le retrait de Sega du marché des consoles, une pleine page de l’histoire des jeux vidéos est en train de se tourner. Pour Sega évidemment, qui, tel le Phénix, devrait néanmoins renaître une deuxième fois grâce à ses équipes de développement, mais aussi pour le reste de l’industrie et les joueurs. Annoncé depuis longtemps sans pouvoir en mesurer la portée, le passage d’une industrie de jeux vidéo presque artisanale à une industrie lourde est cette fois énoncée au grand jour. A l’heure où les produits comptent moins que la façon de les vendre, le procédé qui consiste à mesurer la valeur d’un produit en fonction du nombre d’unités vendues, et non de sa valeur intrinsèque, vient d’être entériné dans la jeune industrie des jeux vidéo avec l’arrêt de la console Sega. La Dreamcast était le meilleur produit en rapport qualité / prix sur le marché. Faute, sans doute, de communication suffisante, et à cause aussi de l’hégémonique culture Playstation, la Dreamcast devient un échec commercial alors que c’est une réussite artistique et industrielle. De l’autre côté, tous les acteurs s’interrogent sur la soit disant technologie de pointe de la Playstation 2. Un an après sa naissance, aucun jeu n’est encore venu prouver sa puissance et pourtant, la nouvelle console de Sony se vend aussitôt sortie des usines.

La Playstation 2 est-elle aimée pour autant ? Pas vraiment, car en gagnant la bataille contre une Dreamcast respectée, Sony se met aussi dans la position du bourreau. Si Sony ne justifie pas vite la disparition de la Dreamcast au profit de sa console, la Playstation 2, qui n’a déjà pas bonne réputation, risque définitivement d’endosser le mauvais rôle. Les victimes attirent toujours la sympathie, et les gagnants inspirent la crainte. Plus que tout autre, le public jeux vidéo a prouvé maintes fois sa capacité à changer son fusil d’épaule. Si Sony ne regagne pas rapidement le cœur blessé des joueurs, la tragédie trouvera en la Playstation 2 un nouveau vilain et réclamera en la Xbox un nouveau champion. A moins que, d’un ultime coup de théâtre à l’arraché, l’ancêtre Nintendo ne vienne réclamer avec sa GameCube, la couronne d’un royaume qui était autrefois le sien.

Rideau tiré sur la Dreamcast, il reste encore Sony, Nintendo, et un nouveau challenger de poids, Microsoft. Le petit théâtre des jeux vidéo devenu grand va à nouveau frapper trois coups. Quel sera le prochain acte ? Lever de rideau probable fin 2001.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 8 février 2001 sur Overgame)


 


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illbleed : présentation venue d’ailleurs

La presse américaine a mis la main sur illbleed, le jeu d’horreur macabre de la Dreamcast qui se moque du genre tout en lui rendant hommage. Premiers détails…

illbleed sortira sur Dreamcast en mars 2001 aux Etats-Unis. C’est l’éditeur Jaleco qui s’en occupe pendant qu’on cherche toujours un éditeur pour l’Europe. IlIbleed se veut inspiré des films de série B; le jeu, lui, saura-t-il s’élever au rang de la série A ? Peut-être pas, mais avec son idée de base et les auteurs du fort sympathique Blue Stinger aux commandes, on a envie d’y croire.

Illbleed saigne aux Etats-Unis

La presse en ligne américaine a reçu les premières versions jouables et livrent quelques détails du déroulement du jeu..

Nous savons déjà que le ressort dramatique du jeu s’amuse à exploiter un défi lancé par un milliardaire farfelu : celui qui traverse sa maison virtuelle de l’horreur sans mourir de peur gagnera 1 million de dollars !

C’est donc avec un humour macabre omniprésent, que les auteurs du sous-estimé Blue Stinger détournent et caricaturent tous les clichés du survival horror à la Resident Evil.

Première preuve de l’outrance, décuplant l’effet rigolard de Blue Stinger, justement, le sang gicle à flot et pour tous les prétextes. Des flots de sang exagérés qui devraient désamorcer autant que dénoncer l’utilisation si « sacrée » de l’hémoglobine dans les jeux dits « sérieux ». Ainsi, comme l’explique avec humour le Daily Radar US, les lumières saignent, les portent saignent, à tel point que c’est à se demander si le sang lui-même ne saignerait pas (le sang tâche et l’humour, apparemment, déteint).

1 million de dollars la crise cardiaque

Le milliardaire original Michael Reynolds, ancien producteur de films de série B à succès, a donc construit une sorte de parc d’horreur virtuel du nom de Illbleed. Trois étudiants intéressés par la carotte d’or de 1 million de dollars offerte par le milliardaire ont apparemment disparu, engloutis par les mystères du parc « hanté » et de ses 6 mondes. La frèle (ça tombe bien, comme dans les films de série Z) Eriko Christy se lance alors dans l’aventure pour retrouver les trois autres.

Ainsi que nous l’avions évoqué dans nos premiers articles sur illbleed, les concepteurs ont imaginé un système singulier de jauges correspondants à 3 des 5 sens naturels d’Eriko: la Vue, l’Ouie, l’Odorat, plus un mystérieux 6e sens. Les 4 repères sensitifs sont situés en haut de l’écran tandis que deux autres barrent toute la partie inférieure de l’écran. En bas de l’écran, la première jauge, bleue, témoignerait de ce qui semble être le taux de stress du personnage, la deuxième, rouge, signale l’état cardiaque de l’héroïne dont on entend les battements du coeur. Cet ensemble s’appelle d’ailleurs les « Horror Monitors« , les « Contrôles de l’horreur« . Cela semble beaucoup de signaux à surveiller en simultané et il faudra voir à l’usage si cela se fait instinctivement. Soyons clair, il s’agit quand même d’un jeu à prise en main d’arcade et non d’un jeu de gestion PC… L’héroïne se contrôle au stick analogique à la 3e personne et les coups qu’elle porte sont en direct comme un jeu d’action.

Le club de l’horreur du lycée

Les motivations du maître des lieux sont enterrées au cœur du complexe hanté et, quand on sait que les étudiants disparus appartiennent tous au « club d’horreur », le Castle Rock High School Horror Club (à la « cercle des poètes disparus » ?), et que Eriko est la responsable de ce petit cercle parce que ses parents, eux-mêmes, dirigeaient une maison hantée du nom de Caravane de l’Horreur, ont comprendra que les évènements sont tous reliés ensemble. Des liens de sang en quelque sorte. Démultipliant le principe des attractions foraines telles les maisons hantées ou trains fantômes, les auteurs d’illbleed cherchent volontairement à provoquer des surprises brutales, des chocs propres à provoquer des arrêts cardiaques du personnage et, peut-être, du joueur.

Comme l’avait démontré Blue Stinger, Climax Graphics ne manque pas d’idées et, si le studio japonais réussit à régulariser les problèmes de caméra dont beaucoup se sont plaints, voilà un jeu qui devrait emmener un peu plus loin un genre qui commence sérieusement à faire du surplace.

illbleed : Edité par Jaleco, réalisé par Climax Graphics, sortie en mars 2021 au Japon. Pas de nouvelles pour la France.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 22 janvier 2001 sur Overgame)

Illbleed – Présentation Overgame

Sega GT Dreamcast : Avis Express

Gran Turismo qu’ils disaient ! Gran Turismo sur Dreamcast qu’ils disaient ! On a voulu nous faire prendre des vessies pour des lanternes, oui !

Nul besoin d’une critique exhaustive pour dire sans ambiguïté : attention, Sega GT n’est pas le Gran Turismo de la Dreamcast ! Il en est même très loin. C’est que, après l’incroyable succès du jeu de Polyphony Digital sur Playstation (couplé à une réussite technique inédite), Sega s’est retrouvé drôlement distancé question courses de voitures. Un jour maître des voitures d’arcade, la mode est passée aux simulations de plus en plus réalistes et a laissé Sega sur le bas côté (il y a eu l’invraissemblable F355 Challenge depuis, un titre à part néanmoins, puisque signé de l’unique Yu Suzuki).

Battage publicitaire

Le projet Sega GT a donc été annoncé comme la riposte de Sega à Sony et tout le monde y a cru. Grâce aux images des replays et à ses voitures plutôt bien modélisées, on y a même cru jusqu’au moment de toucher la version japonaise sortie en février 2000. Si nous n’en n’avons pas parlé sur Overgame à ce moment là c’est que la déception était grande. Difficile alors de faire le bilan négatif sur une version japonaise que les plus fous d’entre nous allaient de toutes façons acheter. La version PAL venant de nous passer entre les mains, nous ne pouvons que confirmer l’absence totale d’inspiration de ce jeu. A quoi bon modéliser soigneusement 130 modèles de voitures pour qu’elles apparaissent si tristes à l’écran ? A quoi bon 22 circuits mal tracés là où 6 bien pensés auraient été préférables ? Pourquoi tant de réglages techniques alors que le moteur physique des voitures est plus proche de l’arcade que d’une simulation réaliste ?

Clone triste

Depuis la version japonaise sortie en début d’année, Sega revendique une amélioration de la maniabilité sur les CD US et Européens. Ceux qui auront insisté sur les versions japonaises puis PAL s’en rendront peut-être compte, mais revu à la hausse ou pas, le contrôle des véhicules de Sega GT reste définitivement à l’état d’esquisse. Avec des textures plus cartoons que réalistes, des voitures tantôt trop glissantes (option drift) ou trop lourdes (option grip), des circuits qui ne permettent pas au pilote d’anticiper convenablement les virages (signalisation approximative, décors flous…), ce jeu de course n’est ni une simulation ni un jeu d’arcade

N’est pas GT qui veut

Sega GT reprend sans scrupule l’essentiel de l’organisation du premier Gran Turismo avec ses voitures de tourisme à acquérir au fur et à mesure des championnats. Mais dès les premiers tours de pistes l’ennui s’installe. Plusieurs tours plus tard c’est l’agacement, et quand, bien après, il devient possible de lancer son bolide sur un circuit contre des voitures familiales qui disparaîtront sans effort dans le rétroviseur, c’est carrément l’indignation ! Et malheureusement, il ne faut pas non plus compter sur Sega GT pour fournir une séance de consolation avec ses Replays. Sur ce point comme sur les autres, les malheureux développeurs sont à des lieues du savoir faire de Polyphony et de son Gran Turismo…

Si l’ambition du titre n’avait pas été si forte, Sega GT pourrait être une expérience potable pour un amateur forcené de voitures, mais en l’état, après la promesse d’un jeu à la hauteur de Gran Turismo, il s’agit d’un vrai ratage. Pour ne pas dire un plagiat manqué.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 6 décembre 2000)

Sega GT Avis Express Overgame

Dominique Cor / PDG de Sega France : Dreamcast, même pas peur devant la PS2

La Dreamcast va-t-elle s’effacer devant la Playstation 2 ? Le pack DVD-Dreamcast est-il un accident ? Le PDG de Sega France répond à nos questions…

A l’aube d’un affrontement sans merci entre Sega et Sony pour la fin de l’année 2000, nous avons demandé aux responsables France ce qu’ils pensent de leurs super-consoles et de leurs concurrents. Dominique Cor, PDG de Sega France, ouvre le feu.

Dominique Cor PDG Sega France 2000
Dominique Cor PDG Sega France 2000

Bliss : Sega vient d’annoncer 1 million de Dreamcast vendues en Europe, ça fait combien en France ? Cela correspond à vos prévisions ?

Dominique Cor, PDG de Sega France : 220 000 consoles vendues en France pour 80 000 inscrits à la DreamArena. Difficile de faire des prévisions sur les inscriptions en ligne. Nous avons été surpris par le nombre d’inscrits. Nous avons longtemps plafonné à 20 % avant de grimper à 36 %, les français mettent plus de temps pour se connecter sur Internet après avoir acheté une Dreamcast que les anglais… Mais maintenant le taux de progression est le plus élevé d’Europe. Un peu comme pour les autres technologies, les français prennent leur temps (voir le même phénomène avec le téléphone mobile au lancement tardif en France, NDR)

Bliss : La baisse de prix de 1690 F à 1490 F a-t-elle changé quelque chose ? Le public fait-il la différence ?

Dominique Cor : Il n’y a pas que la baisse de prix à prendre en compte. La Dreamcast est dorénavant vendue avec le jeu ChuChu Rocket! dans le pack (il fallait s’inscrire en ligne pour le recevoir gratuitement auparavant, NDR) et 2 CD de démos. Nos circuits de distribution sont satisfaits de cette offre. Le printemps a été difficile à cause de l’attente autour de la Playstation 2. Maintenant que le prix de la Play 2 est connu et bien que Sony ne communique pas autour, les gens sont déçus. La Dreamcast représente le meilleur rapport qualité-prix. Nous aurons 200 jeux à notre catalogue d’ici la fin de l’année.

Bliss : Le Pack Dreamcast + DVD en France n’est pas une initiative Sega alors qu’en Angleterre c’est le distributeur officiel de Sega qui lance cette offre. Pourquoi ?

Dominique Cor : Même si la France est le premier marché du DVD en Europe, elle est différente de l’Angleterre. Le pack Dreamcast-DVD proposé en Angleterre s’annonce au même prix que la Playstation 2 (299 £). En France nous allons pouvoir trouver des lecteurs de DVD à 1000 F, faire un pack avec la Dreamcast reviendrait à additionner 1490 F + 1000 F pour un total de 2490 F. Cela ne serait pas significatif par rapport à la Playstation 2.

Bliss : Que pensez-vous des initiatives des commerçants de vendre un tel pack ? Sega les aide-t-il ?

Dominique Cor : Nous n’avons aucun problème avec ça. Mais, encore une fois, comme ce n’est pas stratégique pour Sega France, nous n’intervenons pas.

Bliss : Où en est le lecteur DVD sous la marque Sega dont nous avons vu le prototype derrière une vitrine à l’E3 ?

Dominique Cor : C’est un projet dans les cartons depuis un certain temps mais la finalité de Sega est le jeu, rien que le jeu.

Bliss : La Dreamcast accueille pourtant des accessoires qui ne sont pas directement des jeux (caméra Dreameye, microphone, clavier…) ?

Dominique Cor : Des accessoires, oui, s’ils sont ludiques. Nous n’irons pas vers des domaines qui ne sont pas le jeu proprement dit, comme le cinéma.

Bliss : Quel va être le premier véritable jeu en ligne en Europe ?

Dominique Cor : Quake III Arena sortira le 8 décembre et les serveurs pour jouer en ligne seront totalement opérationnels. Phantasy Star Online suivra en début d’année prochaine, puis Black & White… Nous essayons d’avoir une palette large de types de jeux. Et puis F355 Challenge, Metropolis Street Racer ont des fonctions en ligne (téléchargements de scores, de sauvegardes, etc, NDR)

Bliss : Et Jet Set Radio ? Sera-t-il possible d’enregistrer ses graffitis en ligne, d’en télécharger, comme au Japon ?

Dominique Cor : Oui, dès le lancement du jeu.

Bliss : Jet Set Radio, et ses personnages qui graffitent sur les murs, a réveillé les ligues de morales aux Etats-Unis. Y a-t-il un risque en Europe ?

Dominique Cor : Le jeu est inoffensif, je ne pense pas qu’il incite à la dégradation des biens publics. C’est comme pour un film de Superman, faut-il prévenir les enfants de ne pas imiter Superman ? Faut-il leur dire de ne pas sauter par la fenêtre pour s’envoler ?

Bliss : Metropolis Street Racer est vraiment en retard (+ d’un an), que s’est-il passé ?

Dominique Cor : Oui, il a un an de retard. Il y a d’abord eu le départ du Lead programmeur l’année dernière pour une autre société, et puis des problèmes techniques. C’est un jeu graphiquement ambitieux… Le résultat est à la hauteur des attentes.

Bliss : La traduction de Shenmue est-elle en bonne voie ? Nous aurons droit à la version anglaise, mais pas française…

Dominique Cor : En effet, Shenmue garde sa version américaine en Europe. C’était économiquement impossible de justifier le travail de traduction en français. Dans le jeu lui-même il faudrait refaire des graphismes (les enseignes des magasins et autres sigles, NDR). Nous avons échangé des centaines d’emails avec le Japon. Yu Suzuki (l’auteur du jeu, NDR) ne voulait pas. Les français ont quand même le jeu.

Bliss : Shenmue sortira en édition spéciale aux USA avec un 5e CD contenant la musique du jeu… (comme au Japon). C’est envisageable en Europe aussi ?

Dominique Cor : Nous attendons de voir ce que va faire Shenmue sur le marché américain. J’y suis plutôt favorable mais ce n’est pas au programme. Nous allons regarder…

Bliss : Sony va bientôt lancer sa campagne de pub et occuper les médias… Quelle va être la réaction de Sega ? Sa communication, sa place dans les médias ?

Dominique Cor : Il paraît que Sony aurait annulé sa campagne de pub… De toutes façons, le lancement de la Playstation 2 est un non événement. Nous ne sommes impressionnés ni par les jeux ni par la console. En tous cas pas cette année. La campagne de Sega se fera autour de trois thèmes. La qualité et la quantité des jeux, et le jeu online avec Quake III Arena. Sur Internet nous avons commencé avec un jeu très grand public (Chu Chu Rocket!), maintenant nous passons à la deuxième étape avec un grand classique comme Quake III. La sortie de Phantsay Star Online et Black & White l’année prochaine sera la troisième étape. La mise en place crescendo est voulue. Il faut savoir que la Dreamcast est le terminal le moins cher pour accéder à internet.

Bliss : Vous pensez à la carte Ethernet pour les gens connectés au câble, à l’ADSL ?

Dominique Cor :  Oui, nous y travaillons (beaucoup même). Il faut attendre l’année prochaine.

Bliss : Le traitement de l’actualité, en général, et des jeux vidéo en particulier, est en train de basculer inexorablement vers Internet, au détriment du papier. Comment voyez-vous cette évolution ?

Dominique Cor : Moi, ça me convient. Chez Sega nous sommes connectés tous les jours sur les sites US, sur le vôtre…
C’est vrai que la presse spécialisée en kiosque ne va pas bien ces dernières années. Il reste quand même une affection pour le papier. Sur Internet l’information est  » chaude  » , ça va tellement vite que l’information est parfois déformée, pas toujours vérifiée. Vous connaissez ça… Il y a deux types de lecteurs, les hardcore gamers qui lisent sur Internet et consomment aussi des magazines papiers pour voir des images, pour les soluces, et il y a les lecteurs occasionnels. Ceux là lisent de temps en temps des magazines papier et ne sont pas encore à la recherche d’informations sur le Net. Les deux supports peuvent cohabiter.

Bliss : Peut-on s’attendre à des surprises de la part de Sega avant la fin de l’année ?

Dominique Cor : Nous allons proposer des choses sympas d’ici Noël, mais nos revendeurs ne sont pas encore au courant alors je ne vous dis rien. Sur Internet ça va si vite, et vous pouvez le publier tout de suite, alors je ne dis rien… (rires).

Propos recueillis par François de la Boissière

(Publié le 18 octobre 2000 sur Overgame)

Dominic Cor PDG de Sega France 2000
Dominic Cor PDG de Sega France 2000


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Aujourd’hui, le grand N fait sa révolution !

Jeudi 24 août 2000, le grand Nintendo présente ses consoles du nouveau millénaire. La révolution aura-t-elle lieu ?

Après moults hésitations, Nintendo se lance enfin dans la bataille de la nouvelle génération. Les machines existeront officiellement à partir du 24 août 2000. Nintendo a pris son temps pour préparer le programme du nouveau millénaire, mais, jusqu’ici, le temps a toujours joué pour Nintendo.

L’adieu à la Game Boy Color

Trouver la remplaçante de la console la plus populaire du monde depuis plus de 10 ans est forcément un enjeu majeur pour Nintendo. Nulle doute que Nintendo préfèrerait repousser au plus tard la transition. D’ailleurs, devant le succès sans cesse renouvelé de la Game Boy Color, Nintendo ne s’est pas trop fait prier pour reporter la Game Boy Advance à l’année prochaine. Il n’empêche, quelque soit l’année d’atterrissage de la nouvelle portable, le risque pour Nintendo est important. L’attachement du jeune public à la Game Boy saura-t-il se renouveler pour une console, certes plus puissante, mais différente, avec une nouvelle ergonomie ? Tout le savoir faire de Nintendo ne saurait garantir un succès. Le public est versatile. Demandez à Sega.

L’adieu à la Nintendo 64

Prenez la Nintendo 64. Au moins deux fois plus puissante que la Playstation, plus solide, plus fiable (vous avez déjà vu une seule N64 en réparation à côté des piles de Playstation ?), plus conviviale avec ses 4 ports manettes, sa memory card qui s’enfiche dans la manette comme un chargeur de pistolet, son vibreur, sa manette extraterrestre à trois poignées, son stick analogique, même avec toutes ces qualités, la Nintendo 64 est restée loin derrière la Playstation… Oui la Nintendo 64 a innové sur bien des points mais, malgré un laboratoire de Recherche et Développement totalement désinhibé, Nintendo reste une entreprise familiale traditionnelle, et donc un tantinet conservatrice. Ainsi Yamauchi (PDG depuis 50 ans) s’est obstinément accroché au format cartouche. Normal, à l’époque de la Nes et de la SuperNes, Nintendo a engrangé des millions de yens rien qu’en royalties sur la fabrication exclusive de ses cartouches. Et puis Nintendo savait, avec raison, que le support CD-Rom serait une proie facile pour les apprentis pirates. Malheureusement cette logique protectionniste a lassé les développeurs et les consommateurs. Les trompettes de Sony furent plus séduisantes : royalties bien inférieures, support CD-Rom généreux en stockage et puis, avouons le, la Playstation a su conquérir toutes les couches de joueurs. Alors…

L’adieu aux concurrents

Alors ? Alors Sony a frappé un grand coup avec la Playstation mais n’a fait qu’étendre le public jeux vidéo à monsieur tout le monde.
Les moyens mis en œuvre pour le lancement de la Playstation 2 au Japon conforte Sony dans sa position dominante du marché. Mais où est la révolution technologique annoncée ? La Playstation 2 est si puissante qu’il faudra encore un an, voire deux, avant qu’elle commence vraiment à montrer ce qu’elle a dans le ventre. Demandez aux développeurs. La Playstation 2, un grand coup médiatique ?

En attendant, il y a Sega et sa Dreamcast. Une console soit disant plus modeste mais qui n’en finit pas d’étonner. Elle a un modem en interne, elle est souple à programmer, sa mémoire vidéo lui permet d’afficher de magnifiques textures et sa manette est dotée d’un écran à cristaux liquides. Une belle bête en vérité et qui fait ses preuves de jour en jour. Mais la Dreamcast ne fait qu’améliorer ce qui est en préparation chez tout le monde. Sega est, comme toujours, le premier sur la ligne de départ.

La révolution a un nom

Retour à Nintendo, l’entreprise la plus lourde à se mouvoir, la plus lente à réfléchir, mais aussi et surtout, la plus culottée. On peut rire de Nintendo et de son archaïsme apparent, mais qui contestera son imagination, la qualité universelle des jeux signés Miyamoto, ses trouvailles hardwares intimement associées au jeu, au joueur. Nintendo désigne ses consoles en parallèle aux jeux qui vont avec. Machine et jeu doivent être en osmose, en symbiose même.
Shigeru Miyamoto est à chaque génération de plus en plus impliqué dans le processus d’élaboration des consoles. Il travaille au projet Dolphin / Star Cube (Nintendo 3 ?), au jeu en réseau et à des jeux basés sur la communication depuis de longs mois. Tout cet ensemble de recherche et de création doit se réunir dans la nouvelle console de salon. Connection internet, communication avec les téléphones mobiles, micro intégré, connectivité intime entre la portable et la console de salon, nouveau mini format de DVD, manette prototype, notre imagination ne rattrapera jamais celle des ingénieurs de Nintendo. Bien au-delà des considérations commerciales, Nintendo est au cœur du jeu vidéo depuis 20 ans. L’instinct réunit de l’industriel Yamauchi et du créatif Miyamoto a réussi jusqu’ici à conduire Nintendo vers l’innovation.

Sony est devenu le maître des médias. Sega est le roi de l’initiative. Nintendo EST l’innovation. C’est pourquoi demain doit être une révolution. Ni de la communication, ni du hardware, non, du jeu vidéo, tout simplement. N’est-ce pas pour ça que nous sommes là ?

François Bliss de la Boissière

(Publié le 23 août 2000 sur Overgame)

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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Blue Stinger : l’easy gaming du survival horror

Voilà un jeu d’aventure axé action et exploration dans un univers tout en 3D jamais vu encore sur console. Et pourtant, à cause d’une caméra un peu trop dynamique, et du souvenir sanglant des Resident Evil, Blue Stinger se fait bouder…

Autant influencées par le cinéma Hollywoodien que par Resident Evil, les aventures d’Eliot et ses fringues à la Gainsbourg (jean et tee-shirt bleus) sont également très proches de celles du grand frère Conrad de Flashback et Fade to Black. Des grands frères dont, hélas, l’ombre intimidante empêche d’apprécier les qualités intrinsèques de Blue Stinger. C’était avant qu’Overgame vous en parle .

Blue Stinger se déroule sur l’île des origines, celle qui a reçu de plein fouet LA météorite géante qui a éradiqué les dinosaures de la planète terre il y a  65 millions d’années. An 2000, une nouvelle comète revient s’écraser sur la même île décidément aimantée. Problème, entre-temps les humains sont apparus sur le globe et ont transformé l’île en laboratoire expérimental à la recherche des traces des dinos. La nouvelle météorite s’écrase, éventre l’île et le cauchemar souterrain est tout à coup révélé. Membre des ESER (sauvetage en mer) croisant par hasard à proximité, Eliot est happé par l’événement…

Blue Stinger n’est-il pas un des meilleurs héritiers de Out of This World, Flashback et Fade To Black ?

Puisqu’il faut inévitablement comparer, en terme d’aventure, de progression et de retournements de situation, Blue Stinger n’est ni plus ni moins sophistiqué que ne l’était Resident Evil 2, lui-même bien trop direct. Il s’agit bien sûr un peu bêtement de trouver la bonne carte magnétique de la bonne porte, mais le joueur ne se sent jamais insulté par une facilité trop flagrante. Trouver l’exacte chronologie des petits évènements demande une bonne dose de patience et de retour en arrière.

Ce n’est pas un jeu d’arcade au sens frénétique, n’empêche, il faut être constamment en mouvement…

Le jeu repose beaucoup sur l’exploration. La découverte progressive des lieux et des trouvailles visuelles des décors et des monstruosités est le meilleur stimulant de cette aventure. La nouvelle liberté offerte aux graphistes grâce à la puissance de la Dreamcast, et les délires visuels qu’ils peuvent enfin exprimer (attention cela est malgré tout bien maîtrisé à la japonaise) en dit long sur les confinements créatifs des précédentes générations de consoles. La multiplication des néons bariolés aux alentours du supermarché, des affiches, posters, pubs, photos même, qui décorent sols, murs, et plafonds sont invraisemblables. Et les gars de Climax Graphics se sont permis quelques audaces qui rappellent que nous ne sommes vraiment pas dans le sérail Nintendo. Si vous voyez un buste de femme au décolleté prononcé, ou une pub de boisson gazeuse vantée par une silhouette en guêpière de cuir, vous n’aurez pas la berlue. Confirmation de l’angle coquin, une salle explicitement interdite aux moins de 21 ans, ressemble furieusement à une arrière salle de sex-shop avec chairs exposées derrière des vitres brisées et rayonnages de magazines érotiques. Gros hic quand même concernant cette salle en particulier, il y a du sang étalé partout sur les vitrines explosées et le carrelage. Ça remet la température à zéro.

Les textures sur les volumes commencent à atteindre des qualités jusqu’ici réservées aux aplats en 2D. Il y a toujours une image à découvrir au tournant. Littéralement.

Plus loin dans le jeu, au premier étage d’un immeuble cossu, agencé un peu trop comme le hall du commissariat de Resident Evil 2 d’ailleurs, quelques pièces méritent d’être visitées. Encore et toujours pour ramasser des cartes magnétiques mais aussi pour observer des détails visuels curieux. Ainsi, sur le plafond d’une chambre, un visage de femme aux longs cheveux de jais et aux yeux clos s’offre au regard par un coup de caméra en contre-plongée. Portrait omniprésent plus glacé que glamour, qui laisse un effet étrange car non seulement peint au plafond mais en plus présenté à l’envers. De fait, ce portrait retourné, cache dans son ton blafard et ses cascades de cheveux un autre visage. Un observateur attentif distinguera un visage qui rappelle étrangement celui de Nosferatu du film de Murnau en 1922 (petit crane chauve, nez crochu et regard par en dessous) ou celui du Fantôme de l’Opéra (version film opéra-rock de Brian De Palma, Phantom of The Paradise en 1974, dont le personnage maudit a le visage à moitié écrasé par une presse à disque vinyle…). Un indice parmi d’autres de l’énergie fournie par les graphistes de Climax qui ont pris le temps de camoufler l’étrange dans la beauté…

À force de pousser le réalisme des armements et des comportements, même dans un univers absurde peuplé de zombies comme R .E., on finit par oublier le simple plaisir de rentrer dans le tas à coups de barre à mine. Blue Stinger vient rappeler ce plaisir direct de l’arcade.

Chaque arme, et il en y en a, donne une attitude corporelle complète au personnage. Une fois pardonné la ridicule disponibilité permanente d’un arsenal sans que le héros n’ait aucun sac de transport, le plaisir d’utiliser tous les calibres peut alors se vivre sans remords. L’utilisation du bazooka, par exemple, montre Eliot fléchir sous le poids de l’engin, engager une première charge, porter le gros tube à l’épaule en fléchissant encore un peu plus les jambes sous le poids, et enfin tirer. Les effets pyrotechniques sont extrêmement lumineux et généreux, avec des procédés d’éclaboussures qui vont de la simple déflagration aux explosions brûlantes et fumantes. Intelligemment, le volume des effets sonores reste modéré et ne couvre pas la musique qui se veut vraiment omniprésente. Mais le vrai plaisir est sans doute celui d’utiliser les armes blanches de frappe qui obligent à rentrer en contact avec les monstruosités sur deux pattes et à quatre bras…

Certains regretteront sûrement la liberté de ton dans une aventure à suspense, d’autres devraient y voir un certain humour.

Au registre des absurdités qui s’excusent aussi très vite, le principe des pièces de monnaies (chaque piécette à terre vaut 10$) qui s’échappent des monstres abattus devient vite une « drogue ». S’il est tout à fait possible de contourner les mutants mi-homme mi-monstruosité non aboutis sur le parcours et même dans les couloirs étroits, votre pécule n’augmente pas. Et comme les armes, la nourriture et les sodas salvateurs s’achètent monnaie trébuchante, la relation de cause à effet trouve vite sa conclusion. Avouons également que les pluies de pièces au son de clochettes et aux petits effets graphiques qui accompagnent leur récolte ont un côté magique certes désuet et presque déplacé, mais aussi grisant et léger. C’est toute la qualité de ce soft de vouloir marier le sang et l’horreur réclamé à corps et à cris par tant de joueurs avides, avec des effets féeriques et cartoonesques. D’ailleurs quand sang il y a, les giclées sont tellement exagérées qu’il faut forcément y voir de la parodie.

Ce n’est pas de l’horreur ou de l’angoisse mais du suspense. Grosse nuance.

Affronter les horreurs en mutation offertes en pâtures par l’imagination des créateurs ne provoque aucune sensation d’angoisse dans Blue Stinger. Les pas dans les couloirs et les mauvaises surprises derrière les portes sont au service du suspense et non de la terreur. Moins traumatisant que Resident Evil (toujours lui) ou Silent Hill, il devient alors plus facile de jouer et met cette aventure à la portée d’un plus grand nombre de joueurs. La cohabitation des deux héros, par exemple, qu’il est possible d’alterner même en pleine bagarre, évite le sentiment d’isolement face aux monstres. Les deux héros en symbiose ont chacun leurs aptitudes au combat à mains nues, ils ne sont donc jamais tout à fait vulnérables. Le barbu Dogs achète par exemple des tee-shirts de plus en plus évolués qui améliorent progressivement ses coups de karaté. A peine utile mais,…drôle. Ainsi, même en allant au charbon contre des ennemis de la taille de camions, voire de maisons, le joueur ne perd jamais confiance en lui.

Les déjà célèbres mouvements affolants de la caméra

Reconnaissons-le du bout des lèvres, les mouvements brusques, autonomes, et contradictoires de la caméra de la version japonaise étaient parfois, oui, ingrats. Pourtant, presque jamais ils ne nuisaient fondamentalement à la jouabilité, ils en faisaient partie. Quelles que soient ses qualités, un jeu vidéo conduit le joueur à gérer une série de contraintes. Ces contraintes sont quelquefois carrément le gameplay lui-même, parfois il s’agit d’une variante qui ajoute du piment sans forcément être indispensable. Ici dans Blue Stinger, la caméra qui empêchait de temps en temps de faire faire une trajectoire rectiligne au personnage est du poivre rajouté sur un gameplay autrement tout à fait fiable.

Avec cette caméra japonaise incontrôlable il a fallu apprendre à positionner son personnage là où il le fallait pour que la caméra cadre le champ d’observation désiré. C’était moins direct disons que Mario, Tomb Raider ou Zelda, mais le jeu était voulu comme ça. Toute la narration dramatique proche du cinéma avec grands mouvements de caméra et alternance de plans d’ensemble et de gros plans était un choix volontaire de conception. Un choix confirmé lors d’une phase finale d’épreuves où il faut franchir des poutres étroites au-dessus du vide alors que la caméra passe son temps à faire des travellings avant-arrière et circulaires. Un peu pénible mais, encore une fois, c’était le gameplay recherché par les japonais de Climax. Tous les balayages « sauvages » de l’écran ne faisaient que souligner la fluidité, la cohérence et la solidité de l’univers virtuel proposé. Et comme jamais, au grand jamais, les mouvements de caméra ne subissaient de bugs à la Sonic Adventure version japonaise (amélioré depuis) cette caméra n’aurait pas dû être considérée comme un échec.

Caméra brisée, le plus grand nombre a gagné. Climax s’est incliné et perd au passage le point fort du style de son jeu aventure.

Malgré ses qualités, les maladresses occasionnelles de la caméra ont conduit Activision, qui a récupéré le titre, a écouté les plaintes émises ici et là. Et voilà comment une caméra inhabituelle, sans doute excessivement dynamique mais voulue par les artistes de Climax se retrouve littéralement amputée pour ne pas effaroucher l’Occident. C’est ce qu’on appelle un nivellement par le plus grand nombre… Totalement inhibée, la caméra souffre dorénavant du syndrome Lara Croft : caméra systématiquement placée derrière et docile. Pire, elle se place directement au-dessus de la touffe (pouffe pouffe de rire) de cheveux d’Eliot à l’entrée de chaque pièce pour être bien sûr de montrer l’horizon devant lui, alors qu’auparavant, une grande partie du suspense dépendait d’une vue volontairement limitée ou en contrechamps… L’ambiance en prend un coup. Imaginez les caméras fixes des Resident Evil placées aux meilleurs angles dramatiques tout à coup réduites à une simple fonction illustrative, offrant la même vue horizontale… Que resterait-t-il de la manière de raconter l’histoire interactive ? Pas grand chose et Blue Stinger perd très nettement de sa singularité dans ce choix (le meilleur parallèle serait celui avec les films en cinémascope honteusement recadrés pour la TV – procédé du PAN & SCAN). Mais enfin, cette histoire de caméra excessive qui aurait sans doute gagnée a être un peu retravaillée, méritait-elle une amputation aussi radicale ? Pourquoi le menu d’options ne propose-t-il pas tout simplement le choix entre la version caméra originale et celle modifiée ? Dommage.

À moi la caméra !

Heureusement, parmi les nouvelles modifications, celle de pouvoir contrôler la caméra pour observer les décors, curieusement omise dans la version originale, est un excellent ajout. Le jeu n’étant pas prévu au départ pour la fonction, cette caméra subjective n’apporte aucun nouvel avantage au gameplay, pas de secret ou de surprise supplémentaire grâce à elle. Ceci précisé, c’est une liberté supplémentaire de contrôle qu’il est bon d’avoir dans tout univers en 3D totale. Et cela permet de mesurer plus tranquillement les qualités indéniables du rendu en volume des bunkers, centres commerciaux, labos sous-terrains ou jungle sous serre…

Série B, certes, mais que de Oh et de AH ! !

En faisant référence à toute une sous-culture de séries B, Blue Stinger entraîne le joueur dans des territoires inexplorés. Plus humoristique que macabre, ce sera le seul jeu où vous verrez deux valeureux héros faire un break en cours d’aventure pour prendre un bain, ce sera le seul jeu qui n’hésitera pas à défigurer littéralement son héros jeune premier, et c’est le seul jeu qui donne l’occasion d’éliminer des monstres avec une batte de base-ball, un bâton électrifié ou ultime arme blanche, l’épée laser de Luke Skywalker (avec le vibreur dans la manette, c’est…mmmm).



Même avec une forte dose d’exploration et de recherches, l’action directe et franche de Blue Stinger est au fond plus proche d’un beat’em all d’arcade que d’un Resident Evil. Il faut donc cesser très vite de le comparer au maître des zombies pour regarder ce qui lui appartient en propre : un super jeu d’action à la réalisation inédite sur console.

 Climax a donc créé là une aventure très mixte qui va du délire japonais au fignolage graphique à la française en passant par une ambition hypertrophiée à l’américaine. 
Un jeu qui jusqu’ici ne semble pas trouver les faveurs de tout le monde mais que nous sommes prêts à défendre haut et fort.

Note : 8/10

Plus

  • Le meilleur sabre laser inspiré de Star Wars, peut-être le vrai d’ailleurs


  • Style graphique coloré et lumineux tout en 3D 

  • Ambiance gros ciné US 

  • Aucun défaut d’affichage, et chargement rapide


Moins

  • Caméra devenue basique et rigide en PAL 


  • Dialogues anglais de série B mal synchronisés
  • 

Raideur des déplacements d’Eliot 

Tassement de l’image en PAL

Editeur : Activision
Développeur : Crazy Games
Distributeur : Infogrames
Plateforme : Dreamcast
Genre : Aventure

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 1999 sur Overgame)

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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