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David Cage entretien : Le Maître Artisan 2/3, le voyage est l’essentiel,

David Cage a changé en dix ans. Il a désormais cette aura particulière indéfinissable des gens habitués aux regards et aux caméras. Et peut-être au succès. Entretien fleuve 2e partie…

Bien que ses jeux en forme de manifestes disent le contraire, Cage, de sa voix toujours trop calme qui tient l’ego en laisse, affirme ne pas avoir de grand message à délivrer, ne se revendique ni artiste, ni même auteur. « J’ai juste l’impression d’être un artisan qui fait son travail ».

François Bliss de la Boissière

david-cage 2014 DR

Entretien 2e partie : Le voyage est essentiel

Bliss & EH : Le chapitrage désordonné du jeu semble dessiner à l’écran le concept de narration élastique que vous défendez depuis longtemps…

David Cage : Nous avons simplement présenté ces scènes par leurs titres, en montrant où elles se situent dans la vie de Jodie. L’idée était surtout d’aider le joueur à s’y retrouver. D’autant que nous voulions garder des choix implicites, qu’ils se fassent en jouant, aient des conséquences tout en gardant l’expérience fluide, organique. Ça peut poser problème à des gens parce que souvent, dans les jeux, il y a des gros panneaux qui clignotent : « à droite ou à gauche », « oui ou non ». Et là, il n’y a rien.

Bliss/EH :  Heavy Rain donnait envie d’essayer tous les embranchements, les personnages pouvaient mourir, il y avait presque du game over. Beyond ne fonctionne pas comme ça…

David Cage : Non, et c’est aussi une rupture avec les conventions. Certains nous disent que puisqu’il n’y a pas de game over, le joueur va s’en désintéresser, ne pas faire attention. Mais ce n’est pas un jeu de tir où vous recommencez jusqu’à réussir. Là, vous allez vivre la vie de ce personnage, voir des choses, en rater d’autres, mais vous racontez votre propre histoire. Nous avons voulu créer un voyage de 10-12 heures dont on se souvienne. Qu’il marque, qu’il y ait des moments forts et qu’on finisse le jeu en se disant : j’ai vécu quelque chose. L’essentiel, c’est le voyage.

Bliss/EH : Tous vos jeux évoquent la séparation du corps et de l’esprit, met en scène des variations du corps astral. Cela vous préoccupe ?

David Cage : Ce n’est pas quelque chose qui m’habite particulièrement. Je suis plus intrigué par la schizophrénie, l’idée d’être quelqu’un d’autre. J’ai fait plusieurs jeux dans lesquels on contrôlait différents personnages. Jodie et l’entité sont deux personnages à part entière, mais on contrôle aussi Jodie à différents âges, son apparence change, comme sa façon de parler, de bouger. C’est presque comme avoir un personnage différent dans chaque scène. Mais le point de départ de Beyond est ailleurs. Dans le métro, vous voyez parfois des sans-abris qui parlent tout seuls. Ils ont visiblement bu et on dirait qu’ils ont un dialogue enflammé. Ils écoutent, ils répondent. Je me suis demandé ce qui se passerait si eux voyaient vraiment quelque chose que je ne vois pas. L’idée de Jodie et de l’entité est venue de là. Mais ce n’est pas quelque chose qui me hante, je n’ai pas le sentiment qu’une âme puisse exister indépendamment du corps et je le regrette profondément. Ce qui ne m’empêche pas de me demander ce qui se passerait si… Écrire c’est aussi ça : imaginer des choses et les traiter comme si elles étaient possible.

Bliss/EH : Beyond se frotte à des thèmes inhabituels dans le jeu vidéo : le suicide, l’accouchement, la pauvreté, l’enfant-soldat… Vous avez rencontré des résistances pour les imposer ?

David Cage : La plupart des jeux sont basés sur des mécaniques de violence. Vous avez un flingue, vous courez, vous sautez, et voilà. Quelques uns essaient d’avoir un propos dans leurs cinématiques mais, à 90 %, l’expérience de jeu, c’est ça. Nous avons très vite décidé de ne pas créer une mécanique violente en boucle. Il y a tellement de jeux qui font ça très bien, on ne va pas en rajouter un. Nous essayons de mettre l’histoire, le propos au cœur de l’expérience. Et quand vous abordez ces thèmes, vous avez tout à coup plein de gens qui vous donnent plein de raisons de ne pas le faire. Il y a des scènes dans Beyond pour lesquelles, oui, on a dû se battre. Y compris pour des choses qu’on n’imaginait pas qu’elles puissent poser problème.

Bliss/EH : Comme quoi ?

David Cage : Par exemple dans la scène d’anniversaire où un personnage propose à Jodie de fumer. La discussion a été interminable. Mais elle a 14 ans, ce n’est pas bien de fumer. Que fume-t-elle ? Du tabac ? Oui, oui, c’est du tabac (rires)… La censure ne fait pas la distinction entre parler de quelque chose et en faire la promotion. Dans cette scène, Jodie prend une taffe, elle a la tête qui tourne, les autres se foutent d’elle et elle sort. Nous ne glorifions rien du tout. Et je vous passe les scènes de sexe parce que, là, on ne peut quasiment rien faire. Par contre, on voit des jeux où on tire sur un personnage et sa tête explose. Ça, c’est bon, ça va. Mais dès qu’on touche des sujets un peu sensibles…

Bliss/EH : D’où vient le choix des deux séquences anormalement longues avec les sans-abris et les Navajos ?

David Cage : Elles se sont produites comme ça, pendant l’écriture. J’ai l’habitude des scènes de 15-20 minutes et, là, je ne sais pas pourquoi, j’avais besoin de plus d’espace. Ce sont aussi des ruptures dans la narration, des histoires dans l’histoire.

Bliss/EH : Est-ce que ces personnages sont là parce que, comme Jodie, ils vivent à la marge ?

David Cage : Sûrement, mais je n’ai pas fait une analyse profonde. Quand j’écris, je suis mon instinct. Avec les sans-abris, il m’importait de raconter l’histoire de ces bannis et de montrer que, même en dehors de la société, il reste de l’humanité. Les gens vivent encore des choses, les ressentent, s’entraident. Ils sont peut-être plus humains que ceux qui passent sans les voir. Je n’ai pas de grand message social à transmettre, mais ça m’intéressait de vous mettre dans la peau d’un sans-abri, de vous asseoir par terre et de vous dire que vous deviez trouver de quoi manger.

Bliss/EH : Vous savez ce que font les gens dans la scène où, en tant qu’Aiden, ils ont le choix entre perturber le rendez-vous amoureux et ne pas agir ce qui est presque scandaleux pour un gamer ?

David Cage : Sur les 200 ou 300 personnes testées, nous avons été surpris de voir que plus de 60 % des gens ne faisaient rien. Et je suis d’accord, pour un gamer, ne rien faire… La scène est presque plus intéressante si vous ne faites rien parce que c’est le seul moment où vous allez avoir un peu de background sur Clayton. Vous allez enfin entendre qui il est, d’où il vient, les confidences de Jodie. Et puis, intentionnellement, ne pas agir, c’est agir parce que vous voulez que cette relation arrive. Et elle peut arriver ou pas. Sans révéler tous les secrets, même si on laisse la scène se dérouler, si Jodie s’est fait agresser dans le bar quand elle était ado, elle va le repousser.

Bliss/EH : Dans cette scène la curiosité du joueur est titillée jusqu’au voyeurisme et se retrouve peut-être dans l’accompagnement affectif de la situation mais aussi dans la curiosité de savoir jusqu’où le jeu va oser aller…

David Cage : L’idée n’était évidemment pas de se diriger vers la pornographie ni de se retrouver en situation de « mater ». J’essaie toujours de mettre le joueur dans la peau du personnage qu’il contrôle. Dans la première moitié de la scène vous jouez Jodie qui se prépare, ou pas, au rendez-vous amoureux. Dans la deuxième, vous jouez Aiden qui peut intervenir en pensant : « Ah non, elle m’appartient, pas question qu’elle ait une relation avec quelqu’un d’autre », ou ne rien faire en pensant qu’elle a le droit de fréquenter quelqu’un. Voilà deux versions de la scène selon la caractérisation des personnages que le joueur a décidé.

Bliss/EH : On s’identifie au personnage, on en sort, on veut le protéger ou le torturer… Est-ce que l’entité correspond à la position du joueur ?

David Cage : Je ne l’ai pas pensé comme ça en écrivant. Peut-être que c’est là, on écrit des choses sans se rendre compte, mais je n’ai pas assez de recul.

Bliss/EH : Le survol des décors par l’entité ne serait-il pas tout simplement un outil des développeurs mis en scène dans le jeu ?

David Cage : Ses déplacements ressemblent en effet à la caméra libre utilisée pour débugger les jeux. Mais j’étais plus intéressé à faire d’Aiden un personnage à part entière et lui donner un rôle plutôt qu’un pouvoir. Quand on écrit, il y a la tentation d’imaginer un super-héros super cool. Avec ses pouvoirs, Jodie va détruire des trucs, ça va être génial, elle va être super contente. Mais en réalité, qu’est-ce que c’est ennuyeux ! N’est-ce pas plus intéressant qu’elle souffre de ce pouvoir ? Qu’elle ne puisse pas mener une vie normale, avoir une relation amoureuse, une amitié, des copains ? J’ai essayé d’ancrer dans une forme de réalité l’histoire d’une petite fille autour de qui il se passe des choses bizarres.

Entretien à suivre ici…

David Cage : Le Maître Artisan 1/3, même pas peur

David Cage : Le Maître Artisan 3/3, la quête métaphysique

Propos recueillis fin 2013 par François Bliss de la Boissière et Erwan Higuinen

(Publié en décembre 2013 dans le bimestriel Games)

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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


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David Cage entretien : Le Maître Artisan 1/3, même pas peur

Ses déclarations agacent, son succès aussi sans doute, comme son côté homme orchestre. Mais sa parole est libre et son travail parle pour lui. Envers et contre tous, l’auteur/producteur/scénariste/dialoguiste/directeur d’acteurs/réalisateur de Beyond : Two Souls suit son petit bonhomme de chemin. Rencontre.

David Cage © Sony Computer

Il y a un malentendu David Cage. Ses prises de paroles publiques et sa dénonciation des travers créatifs de l’industrie du jeu vidéo passent pour de la suffisance, voire du mépris envers les gamers nourris au point’n click avant-hier, aux jeux de plateforme hier, aux FPS aujourd’hui, et aux jeux de rôles depuis toujours. En réalité David Cage défend sa cause, prêche à la ronde ce qu’il aspire à entreprendre lui-même. Après tant de projets improbables, intrigants mais critiqués à chaque fois en amont de leurs sorties, The Nomad Soul, Fahrenheit, Heavy Rain et Beyond : Two Souls prouvent au moins une chose : David Cage applique à lui-même les leçons qu’il semble distribuer à la cantonade. « Vous vous rendez compte, j’ai apparemment choqué l’industrie du jeu vidéo en suggérant qu’elle devait… « grandir » « . En osant aborder dans son dernier jeu des thèmes aussi essentiels qu’inusités dans le jeu vidéo que l’amour (filial et amoureux), la maternité, le sexe, la pauvreté, les enfants soldats et le suicide, Cage fait magistralement la démonstration de ce qu’il voulait dire par… « grandir ».

François Bliss de la Boissière

Entretien 1ère partie :  Même pas peur

Note aux lecteurs : l’interview contient des spoilers qui peuvent gâcher l’expérience du jeu Beyond : Two Souls.

Bliss/EH : Vous travaillez désormais avec des pointures d’Hollywood. Vous aviez dit que votre expérience avec David Bowie sur The Nomad Soul avait chassé toute peur…

David Cage : Quand j’ai travaillé avec Bowie j’étais totalement inconscient. Et ça m’a rendu un service extraordinaire. Si j’avais été pleinement conscient de ce qu’était la légende Bowie, j’aurais été paralysé. Je savais qui il était sans spécialement connaître son travail… Naïvement, et très horrible de ma part, nous nous sommes parlés, nous avons travaillé ensemble, lui comme acteur ou compositeur, moi qui créais un jeu, on avait envie de faire un truc ensemble et on l’a fait. Je pense que quand vous travaillez avec des monuments comme David Bowie ou Willem Dafoe, vous êtes obligés de faire abstraction de leur réputation.

Bliss/EH : Avec sensiblement la même technologie de performance capture que vous, James Cameron a créé un mixte entre un humain et une créature fantastique et, du coup, a donné de l’humanité à cette créature. Dans Beyond, des acteurs humains sont au contraire placés dans une gangue virtuelle qui gomme un peu de leur jeu.

David Cage : Vous êtes le premier à me dire ça. Voilà six semaines que je fais le tour du monde pour parler de Beyond et ce que tout le monde relève, c’est la qualité de l’acting, l’intensité dans les regards, l’émotion. Si vous pensez cinéma, je vous suis complètement, le résultat est moins bien que l’acteur en vrai. Mais vous savez quoi ? L’acteur en vrai n’est pas interactif. Donc c’est super dans un film mais, moi, je suis dans un jeu. Je ne vois pas comment faire autrement. Si vous me demandez si la technologie est à 2000 % fidèle à l’original, la réponse est non. Mais je pense que Beyond fait partie du haut du panier. Et vous me comparez à James Cameron qui a des centaines de millions de dollars de budget… J’ai vu des choses dans Beyond jamais vues en temps réel. Avant, on ne pouvait pas filmer le personnage qui ne parle pas parce qu’il ne se passait rien. Et là, il y a des moments où vous regardez dans les yeux d’Ellen Page et vous voyez exactement ce qu’elle ressent. Ça ripe encore mais infiniment moins. Après, on peut voir la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Je sais d’où est partie cette industrie. Est-ce que c’est enfin parfait ? Non. Est-ce que nous avons fait un putain de progrès ? Oui.

Bliss/EH : Le photoréalisme est-il le but ultime ?

David Cage : Non, pour moi jamais. Ça a l’air paradoxal parce que je travaille sur des jeux plutôt réalistes, mais je suis intéressé par le rendu qui correspond à l’histoire que je veux raconter. Demain, je pourrais faire un truc complètement cartoon si j’ai une histoire qui nécessite ce type de rendu. Copier la réalité est difficile. On essaie d’atteindre un point où on peut faire oublier les différences au joueur. Parfois on y arrive, parfois un peu moins. Quand vous regardez un anime japonais, ce n’est pas réaliste du tout mais, il y a un moment où ce n’est plus ça qui compte mais l’histoire, les personnages. Pixar a démontré qu’on pouvait obtenir quelque chose d’extrêmement émouvant avec des souris, des robots, des jouets en plastique. Je serais stupide de considérer le photoréalisme comme le Graal.

Bliss/EH :  Ellen Page a-t-elle été consultée sur son look et sa nudité requise dans le jeu ?

David Cage : Nous en avons discuté, montré la direction envisagée et parlé des scènes de nudité et d’amour qu’elle aurait. Cela s’est passé très simplement. Il était évident que nous n’allions pas faire un porno. Mais ni Ellen, ni Willem, ni David Bowie à l’époque de Nomad Soul, n’interviennent pour dire : ça oui, ça non. Les gens qui rejoignent un projet par passion ne jouent pas les dictateurs.

Bliss/EH : Comment avez-vous procédé pour les scènes où elle est enfant ?

David Cage : Nous avons travaillé avec une actrice américaine de 8 ans, Caroline Wolfson, qui faisait déjà du théâtre. Elle a pris des cours de comédie pendant un an et elle s’est prêtée au jeu de façon très sérieuse. Pour l’apparence physique, nous nous sommes appuyés sur les films d’Ellen puisque nous avons la chance de travailler avec une actrice qui tourne depuis l’âge de 6 ans.

Bliss/EH : Quel est votre processus d’écriture ? Vous écrivez en anglais ?

David Cage : J’ai écrit le récit en français de manière chronologique parce que je voulais trouver une cohérence à mon personnage. Il a ensuite été traduit puis un dialoguiste américain l’a adapté. Après, sur des post-it, j’ai mélangé les scènes, je voulais qu’elles se répondent. Ce travail a été intéressant pour garder l’arc narratif, la structure classique, sans la lier à la chronologie. Vous vous dites : j’ai besoin d’une scène forte ici par rapport à ce personnage-là ou, pour raconter la relation entre Jodie et Aiden, j’ai besoin d’un conflit. Et vous jouez sur les émotions en ne tenant moins compte de la timeline. Ça crée une dynamique différente. Quand vous commencez le jeu vous avez l’impression qu’on saute d’un truc à l’autre mais, normalement, il y a un moment où les choses tombent à leur place et, tout à coup, vous embrassez la vie de Jodie.

Bliss/EH : Les scènes militaires tôt dans le jeu sont-elles là pour répondre à une demande des gamers ou de l’éditeur ?

David Cage : Personne ne me dit rien, ou si on me dit quelque chose, je n’écoute pas beaucoup. Je suis un peu borné et je fais ce que j’ai envie. Évidemment, j’écoute mon équipe, mais nous ne sommes pas du genre à téléphoner au marketing pour savoir quoi faire. Ce ne sont pas eux qui écrivent mon script et ce n’est pas moi qui fais la campagne marketing.

Bliss/EH : Ce tutoriel où l’on se cache pour tuer n’est pas une réponse à ceux qui vous reprochent de ne pas faire de « vrais » jeux ?

David Cage : Ce n’était pas en réaction à quoi que ce soit. Simplement, dans le récit, Jodie va être entraînée par la CIA et des scènes importantes en tirent parti par la suite. On ne voulait pas faire du Metal Gear, ni du Splinter Cell et ça reste marginal. Mais, dans quinze ans de la vie de quelqu’un, il ne peut pas y avoir que des scènes intimistes. La vie, c’est se sentir heureux, triste, mal à l’aise… Ce sont tous ces moments, toutes ces couleurs, ces atmosphères qui vont former une vie. Et ce qui m’intéressait, c’est qu’à la fin, vous disiez : putain, j’ai vécu tout ça ! Et là-dedans, oui, il y a une scène d’infiltration, mais il y a aussi une scène d’amour, des scènes d’enfance…

Bliss/EH : La fusillade collective imposée au joueur en Somalie était-elle indispensable ? C’est une concession, une recherche de polémique ?

David Cage : Non, non, non (d’une voix très basse)… ma démarche était vraiment narrative, personne ne m’a rien dicté. Quand tu racontes une histoire comme ça, tu dois décider où poser tes embranchements. J’ai écrit une variante où Jodie refuse d’accomplir sa mission mais je me suis retrouvé dans une situation beaucoup moins intéressante. Elle basculait du côté des gentils, sa relation avec Clayton fonctionnait moins bien, sa fuite de la CIA pas du tout… Jodie est conditionnée, elle y va à reculons mais elle pense le faire pour les bonnes raisons…

Entretien à suivre ici…

David Cage : Le Maître Artisan 2/3, le voyage est l’essentiel

David Cage : Le Maître Artisan 3/3, la quête métaphysique

Propos recueillis fin 2013 par François Bliss de la Boissière et Erwan Higuinen

(Publié en décembre 2013 dans le bimestriel Games)

Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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BEST OF JEUX 2010 : Une sélection militante

Le jeu vidéo repose sur des formules, des concepts et des gameplays qui évoluent beaucoup plus lentement que les technologies qui les supportent. La stabilisation hardware du côté des consoles en place depuis 4-5 ans permet aux studios de mieux finaliser leurs productions et, parfois, d’ouvrir la porte vers de nouvelles expériences…
 

Militant comme toujours ici pour un jeu vidéo digne de lui-même, on s’obstinera à ne vouloir reconnaître que dans les premiers jets les jeux les plus légitimes. Même si elles sont techniquement supérieures au premier essai, les suites numérotées sont toujours coupables de naître d’un plan d’amortissement sur plusieurs années et non d’une pure volonté artistique. Si le jeu n°2 est « enfin » abouti cela implique que le premier été commercialisé sans l’être. Si le jeu n°3 révèle enfin le potentiel de la série c’est que les créateurs ont échoué à bien s’exprimer dans le premier. Que l’on entende bien, le work in progress artistique est tout à fait admissible, même s’il prend le joueur en otage de ses recherches et errements. En revanche, le procédé économique qui consiste à transformer le consommateur payant plein pot en béta testeur (un métier normalement rémunéré) ne devrait pas exister. Ce qui est vrai pour un artiste-concepteur comme Jonathan Blow qui a consacré deux années pleines à finaliser la mécanique du gameplay de son Braid alors que le jeu aurait pu être commercialisé bien avant, devrait l’être pour des grosses productions avec des budgets colossaux. Le modèle freemium aujourd’hui généralisé dans les jeux sociaux sera peut-être celui du jeu vidéo tout court demain.

Best of 2010 : Les jeux originaux

1 / Limbo (Playdead/Xbox Live) : Pourquoi ce jeu dit « indépendant » en tête de tous les jeux cette année et non Braid, flOw ou Flower les années précédentes ? Parce que contrairement aux propositions mettant en scène un gameplay/concept à la limite de l’abstraction, Limbo place l’humain au cœur du projet. Limbo ne se présente pas comme un pur objet interactif mais comme une œuvre qui réussit à intégrer l’interactivité à un ensemble de moyens d’expressions artistiques. Du noir et blanc expressionniste à la bande son minimaliste et enveloppante à la David Lynch, de l’absence de mode d’emploi aux mouvements discrets de caméra vers l’avant ou l’arrière, chaque élément appartient à une même sphère narrative émotionnelle et cérébrale. Le participant pénètre dans un univers complet de conte macabre par les yeux d’un petit garçon qui se réveille et dont l’éveil au monde, en quelque sorte, est naturellement fantasmatique et craintif. Un exemple parmi d’autre de la maîtrise artistique intime, aussi importante que le reste, la mise à mort chronique du personnage suggère elle aussi un commentaire à plusieurs niveaux. La lenteur de la fermeture au noir qui la conclut a déjà valeur d’ultime expiration et sert, comme le reste, à rythmer les palpitations du récit muet. Sa répétition cruelle et inévitable, chagrinante d’un point de vue émotionnel, mais non pénalisante en terme de jeu, distille un commentaire tragicomique sur ce principe mort/résurrection si fondamental au jeu vidéo tel qu’il existe depuis 30 ans. L’échec éventuel, la perplexité devant les décors en forme d’impasse ou de gouffre génèrent du récit. Ce temps de réserve individualise la relation psychique et somatique qu’entretiennent le joueur et le petit garçon à l’écran. Limbo fait preuve d’une énorme maturité d’expression physique et métaphysique non pas parce qu’il a le culot de mettre en scène des petits enfants suicidaires, mais parce qu’il réussit à concrétiser et à projeter devant nous la psyché sans garde-fou d’un enfant. Complètement référentiel (on pense à Another World), mais aussi tourné vers le futur artistique du jeu vidéo, Limbo n’est plus que du « jeu ».

2 / Heavy Rain (Quantic Dream/PS3) : Encore bancale et trop consciente d’elle-même en tant que jeu dans l’obligation de faire jouer, l’expérience ciné-interactive Heavy Rain laisse néanmoins une marque indélébile dans la mémoire du participant et la généalogie du jeu vidéo en général. Comme dans Fahrenheit, articuler le récit sur une histoire de psycho killer reste une solution bien racoleuse en direction, sans doute, des gamers, et finalement hors champ quand l’essentiel qualitatif se joue dans l’ordinaire des relations des personnages avec leur environnement proche. A ce titre, Heavy Rain réussit pleinement son pari de générer un suspens psychologique à la minute avec des choses banales et à créer une densité émotionnelle entre les personnages et le joueur.

3 / Enslaved : Odyssey to the West (Ninja Theory/PS3, Xbox 360, PC) : En quelques minutes explosives, Enslaved donne vie à deux personnages charismatiques, et à un monde complet avec ses ruines inédites, ses robots et drôles de machines tout aussi inoubliables. Enslaved s’approprie avec intelligence beaucoup de clichés avec une volonté de les transcender et de se rendre accessible à tous. Frustrant un moment pour un gamer averti, les rognages qui enlèvent du gameplay (esquisses de QTE à la God of War avec les boss, survol automatique des drones qui pourraient être pilotés par le joueur) sont autant au service de grand public que d’un récit initiatique qui ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. Ce qui n’empêche pas de tomber sur des séquences retorses et des zones de creux. D’une manière générale, le chic et l’élégance, la générosité et l’envie d’en découdre avec les décors, le gameplay, le jeu des acteurs et la mise en scène, envoient mille signaux de bienvenue en direction d’un jeu vidéo respectueux et en quête de réinvention.

4 / Darksiders (Vigil Games/PS3, Xbox 360, PC) : L’outsider qui cache sans doute un des gameplay les plus complets et les plus sophistiqués de l’année derrière un design D&D trop souvent vu. Exploration, simili plate-forme, vol, combats à l’épée hack’n slash, progression des pouvoirs et gestion manuelle des améliorations, absolument chaque rouage du gameplay donne satisfaction aux bouts des doigts et du mental comme un jeu Rare ou Nintendo. C’est cette présence tactile fiable et stimulante au fil d’environnements et d’architectures sophistiqués qui permet de supporter le contexte gothico-démoniaque grandiloquent.

5 / Kirby Au fil de l’aventure (Good-Feel, Nintendo/ Wii, disponible USA, sortie 25 février Europe) : La Wii ne se porte jamais aussi bien que quand elle joue en 2D à réinventer les chartes graphiques normatives et oublie (hélas ?) les fonctionnalités de reconnaissance dans l’espace de la Wiimote. Bien plus qu’un simple décor qui ferait tapisserie, les fils à couture, cordages, boutons, fermetures éclairs et autres tissages (dessinés et non photo réalistes comme dans LittleBigPlanet qui l’inspire un peu) donnent prétexte à une multitude de trouvailles graphiques au service du gameplay. Devenu petite voiture ou tank géant, le transformiste Kirby continue un parcours de plate-forme à mi-chemin de l’expérimental et du grand public. Un grand classique comme le restent encore Yoshi’s Story sur Nintendo 64 ou les (Super) Mario Paper sur GameCube et Wii.

6 / Alan Wake (Remedy/Xbox 360) : Encore une grande envie de réconcilier cinéma et jeu vidéo qui n’arrive pas à proposer mieux qu’une cohabitation alternée. Mais, assez bien jouée et mise en scène, la tentative est ici belle et prenante parce qu’elle s’appuie sur un environnement naturel particulièrement bien restitué. Personnage central du jeu, la forêt nord-américaine, ses ombres, son vent, sa brume, ses chalets en bois et ses rivières dégagent une présence organique inédite. La puissance d’évocation est si forte qu’elle rend crédible les situations les plus gauches.

7 / Red Dead Redemption (Rockstar San Diego/PS3, Xbox 360) : Le jeu de l’année choisi par la majorité des édiles du jeu vidéo, Red Dead Redemption impressionne surtout parce qu’il réussit quelque chose que l’on croyait impossible : un GTA western où les paysages horizontaux remplacent ceux des buildings verticaux. Cette prouesse technique admise il reste un jeu d’aventure en manque flagrant de personnalité. RDR décline tous les clichés du western classique qu’on ne supporterait plus au cinéma, comme si le western spaghetti des années 70 n’était pas passé par là. Habité de beaucoup trop de figures génériques (et de raideurs et de bugs décidemment indécrottables des free roaming games), ce premier western interactif démontre surtout qu’il va être possible – une fois cette surprise passée – d’en créer bientôt un avec une vraie personnalité.

8 / Bayonetta/Vanquish (PlatinumGames/PS3, Xbox 360) : Il faut regrouper ces deux jeux dans le même bouillonnement créatif halluciné du « jeune » studio PlatinumGames qui balance sur le marché à une cadence improbable des jeux fous et énormes qui demanderaient des années à n’importe quelle autre équipe japonaise ou occidentale. Hyper racoleur, les deux projets manquent de finesse mais pas d’imagination. Toujours au service d’un gameplay fouillé à la japonaise malgré des compromis d’accessibilités plus ou moins bien amenés, les tourbillons graphiques et sonores sexués et ultra fétichistes entrainent le joueur dans un spectacle interactif proche de l’ivresse.

9 / Sports Champions/The Shoot (Zindagi Games/Sony/PS3) : Il fallait faire la preuve de la pertinence du PlayStation Move, vis à vis de la Wiimote de Nintendo qu’il plagie, par le jeu et non par un plan de communication massif. Et ce sont justement deux jeux d’allure modeste qui font totalement l’affaire. Tennis de table où le gamer retrouve ses tics et faiblesses de vrai joueur de ping-pong, lancé de frisbees hyper raffiné et, surtout, tir à l’arc incroyablement tangible, offrent une précision de jeu HD dans la compile Sports Champions qui renvoie l’approximatif Wii Sports à ses balbutiements de nouveau né. Quant aux supers plateaux de cinéma thématiques de The Shoot et son accessoire ultra kitsch PS Move Zapper, ils développent un superbe jeu de tir sur rails que le tir au canard de Wii Play n’avait fait qu’esquisser sans concrétisation sérieuse il y a déjà quatre ans. Le jeu à reconnaissance dans l’espace trouve ici la maturité technique qui va permettre aux gamers de se livrer avec confiance à de sérieux jeux comme le prochain Killzone 3.

Best of 2010 : La suite au prochain numéro

– Super Mario Galaxy 2 (Nintendo/Wii ) : La concession commerciale du chiffre 2 fait mal chez un Nintendo qui ne cache plus son jeu marketing. Totalement vertigineux et sans doute intimidant pour tous les créateurs du monde, le jeu laisse sur place toute la concurrence d’une galaxie à l’autre.

– Mass Effect 2 (Bioware/Xbox 360, PC, PS3 le 23 janvier) : Avec une partie action cette fois vraiment travaillée en accord avec ses visuels somptueux et son histoire fouillée, et non intrusive, Mass Effect 2 devient le jeu d’aventure total entrevu dans le premier épisode. Gros point noir : en l’absence d’option alternative, la VF insupportable oblige les anglophiles à mettre la main sur un exemplaire en VO (en provenance d’Angleterre par exemple).

– Rock Band 3 (Harmonix/PS3, Xbox 360) : Le clavier musical est une merveille (bien que trop cher) même si l’apprentissage difficile. Comme les modes pro qui entrainent les joueurs vers un véritable apprentissage des instruments de musique. Peut-être le chant du cygne du genre musical en désamour, mais quel chant !

– God of War III (Santa Monica Studio/PS3) : L’énorme sens du spectacle fait avaler un gameplay solide qui ne change pas plus que les enjeux.

– Halo Reach (Bungie/Xbox 360) : C’est léché, fluide, efficace, toujours bien accompagné musicalement mais enfin, combien de campagnes faut-il avant de passer à autre chose ? Bungie a en tous cas compris et change justement de camp. Ce qui n’empêchera pas de continuer à voir débarquer des jeux Halo…

Best of 2010 : Jeux indépendants (ou presque)

– Les Mésaventures de P.B. Winterbottom (XBL, PC) : Héritier direct des concepts mentaux de Braid mélangeant espace et temps et manipulations au millimètre, mais pas suiveur, ces mésaventures là se la jouent burlesque comme un film muet avec un cachet et un raffinement artistique qui en dit à son tour long sur les possibles audaces artistiques du jeu vidéo.

– Super Meat Boy (XBL, PC) : Une vivifiante revisitation de la mécanique de précision des jeux de plate-forme au touché aussi impeccable que l’humour moitié trash moitié gamin. Adulte sans le dire.

– 3D Dot Game Heroes (PS3) : Commercialisé en boite et en magasin, ce vibrant hommage à Zelda a Link to the Past aurait aussi bien pu se vendre directement en ligne dans la catégorie indé. Inégal mais à voir absolument, ce duplicata en pixel art du monde de Zelda souligne, en passant, combien un vrai Zelda innovant manque au monde du jeu vidéo depuis The Wind Waker.

– Lazy Raiders (XBL) : Une grande folie concentrée que ce puzzle-game plate-forme qui mélange design à l’ancienne, gameplay tourneboulant bien plus fouillé qu’il n’en a l’air, et animations à faire craquer toutes les générations.

– And Yet it Moves (Wiiware, aussi sur Mac) : Limite aride, presque trop sec, mais innovant, le concept aperçu sur Mac d’un jeu de plate-forme en papier froissé où il faut faire tourner le décor pour que le personnage progresse, est enfin devenu presque jouable grâce à la Wiimote.

– Saving Private Sheep (iPad, iPhone, iPod Touch) : Angry Birds par ci, Angry Birds par là, dans la même catégorie puzzle-destruction des décors on peut préférer les bêlements irrésistibles des moutons casqués et les regards hilarants du loup aux aguets.

Le meilleur du pire 2010 : les déceptions

– Gran Turismo 5 (PS3) : Psychorigide jusqu’à l’absurde, interface étouffée par une gaine d’un autre âge, techniquement en retard sur la concurrence (Need for Speed : Shift notamment), GT5 stigmatise, avec FFXIII, tout le retard technique et culturel pris par les développeurs japonais face à l’occident. La fin d’un mythe.

– Final Fantasy XIII (PS3) : Un autre symbole majeur du jeu vidéo japonais s’effondre. 15 ou 20 heures de jeu en couloir où les combats au tour par tour se pratiquent en boucle avant d’apprécier un jeu qui s’ouvrirait d’avantage ? Les aficionados patients de la série acceptent aveuglément cette aberration mais le marché, lui, ne suit pas, et il a cette fois raison. 6 mois plus tard, tristesse, le jeu se brade déjà au tiers de son prix initial. (On ne classera pas le MMORPG Final Fantasy XIV sur PC dans cette liste mais les innombrables problèmes techniques au démarrage confirment de graves déficiences de conception chez Square Enix).

– Epic Mickey (Wii) : Survendu par un vétéran du jeu vidéo PC qui n’a pas su recréer le touché interactif des modèles Nintendo qu’il visait.

– Steam sur Mac : Un mariage contre-nature qui ne prend pas encore (voir détails ici).

– Wii Party (Wii) : La laideur passe-partout et les innombrables messages expliquant en longueur des séquences de jeu qui ne durent que quelques secondes laissent plus que perplexe : indifférent.

– Dark Void (PS3, Xbox 360, PC) : Encore un des jeux ambitieux et totalement ratés téléguidés à l’extérieur par Capcom qui oblige l’éditeur à se replier au Japon.

– Sonic the Hedgehog 4 : Episode 1 (PSN, XBL, WiiWare) : La différence avec tous les jeux Sonic annuels est que tout le monde a cru à la réussite de celui-là. Et patatras.

– Game Room (XBL) : La salle d’arcade virtuelle façon PlayStation Home rétrogaming promise par Microsoft sur Xbox 360 se retrouve plombée par des interfaces laborieuses et une ambiance sans âme. Voir une première visite ici.

– Lost Planet 2 (PS3, Xbox 360, PC) : Capcom a autant de problèmes à piloter ses productions à l’étranger (cf Dark Void cette année) qu’en interne au Japon. En voulant chasser sur ses terres le gamer occidental supposément fan des jeux multijoueur, Lost Planet 2 perd une grande partie de ce qui faisait la qualité du premier jeu.

– Split/Second Velocity / Blur (PS3, Xbox 360, PC) : Ratage presque total de repositionnement pour deux studios spécialistes de la simulation d’arcade qui tentent des jeux de courses purement arcade et sans sens de la simulation. On s’y ennuie sans savoir vraiment pourquoi.

– Crackdown 2 (Xbox 360 ) : Une déception inattendue tellement le premier jeu assurait bien ses arrières. Comme quoi les suites peuvent parfois faire moins bien, techniquement et conceptuellement.

– Metroid Other M (Wii) : Encore un exemple d’une réussite japonaise originale qui perd son essence à vouloir s’occidentaliser. Quelle mauvaise idée de (mal) scénariser les péripéties, d’automatiser la visée et de transformer en bonne idée sur le papier en exercice pénible le changement de prise en main de la Wiimote (vue subjective/vue à la 3e personne) en plein combats de boss. Et visuellement, ce projet Wii n’est pas non plus à hauteur de la série.

– Dante’s Inferno (PS3) : Du culot, de l’effronterie même à vouloir arracher de force un gameplay à L’Enfer de Dante, sauf que le gameplay ressemble comme deux gouttes de sang à God of War. Les gamers qui connaissent depuis longtemps l’enfer mais pas la Divine Comédie ne se sont pas laissés impressionner.

– Aliens vs Predator (PS3, Xbox 360 PC) : L’aura des monstres et le capital interactif de leurs mondes restent si grands qu’on veut y croire à chaque fois, et puis, comme pour Sonic de l’autre côté du spectre : patatras. À ce niveau de ratages systématiques, on peut parler de malédiction.

Best of 2010 : Rééditions

Ils le méritaient bien, surtout de si belle manière…

– Grand Theft Auto : Chinatown Wars HD (iPad)

– God of War Collection (PS2 > PS3)

– Hydro Thunder Hurricane (Dreamcast > XBL)

– ChuChu Rocket HD ! (Dreamcast > iPad)

– Prince of Persia Retro (iPad)

– Sly Trilogy (PS2 > PS3)

Hors concours en 2010 :

Le PC et sa galaxie Blizzard, StarCraft II, WoW Expansion

– COD Black Ops, Medal of Honor, Battlefield Bad Company 2 : RAS same players shoot again and again (voir ici pour les échauffourées)

DS et PSP : Totalement effacées par les mobiles Apple, de l’iPod Touch à l’iPad. La relève est indispensable, et vite.

François Bliss de la Boissière

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

HEAVY RAIN : En quête d’hauteur

En 2008, l’existence risquée de Mirror’s Edge dans un contexte jeu vidéo au fond très conservateur avait conduit à militer pour son audace et à le qualifier de « jeu indispensable ». Heavy Rain fait partie des jeux de cette trempe. Que l’on aime ou pas, ou plutôt, que l’on saisisse ou pas ce qu’il veut véhiculer ou transformer dans le jeu vidéo, il devait exister et son message interactif doit être encouragé.

Heavy Rain

Comme son jeu à mi parcours du loisir interactif et du spectacle cinématographique, son auteur David Cage avance sur le fil du rasoir. Aimer le médium jeu vidéo au point de vouloir le transformer contre lui-même et les attentes d’un public à la passion fébrile, et donc de dénoncer ses limites, relève de l’exercice kamikaze. Un simple critique habitué au pilori public numérique le sait déjà. Embarqué dans le même diagnostique, un « créateur » de jeu comme Cage a le mérite d’aller plus loin et de jouer sa chemise et quatre ans de sa vie pour le démontrer. Il concrétise sa critique théorique avec une proposition interactive qui porte en elle le message. Comme un dessin ou une musique, un jeu vidéo peut valoir tous les discours. L’atypie d’Heavy Rain par rapport aux habitudes du jeu vidéo montre par l’exemple ce qu’il est possible d’imaginer. Oui, hurle chaque goutte de pluie d’Heavy Rain, il est autorisé de faire un jeu au rythme tranquille, sans hystérie gratuite, sans obligation de répéter ad vitam nauseam les mêmes gestes, sans combos, sans game over. Le message passe très vite au cerveau et dans les doigts du joueur quand il rate trois fois de suite le geste demandé pour aider la compagne du premier personnage à porter les commissions au début de l’histoire. L’épouse se détourne naturellement de son mari en soupirant de sa maladresse, et le joueur de se retrouver, comme le personnage virtuel, piteux de ne pas avoir réussi ce minimum de galanterie. Dans un ensemble assez bien équilibré de conventions stéréotypées de la vie de tous les jours, de mise en scène entre cinéma et télé réalité, et de respiration sonore et musicale qui surjoue ce que les personnages de polygones ne peuvent encore tout à fait exprimer, Heavy Rain arrive à entrainer le joueur, au sens large, sur un territoire qu’il n’a pas encore visité.

Héritages

Exorcisons les reproches faciles. Bien sûr les histoires à choix multiples existent au moins depuis Dragon’s Lair, les QTE depuis Shenmue, puis Resident Evil 4, et les QTE combos depuis God of War. Évidemment, les pulsions sanguines de la musique à la Se7en, les typos flottantes dans le décor du générique façon Panic Room, puis l’obsession serial killer, font planer l’ombre de David Fincher sur nombre d’éléments cinématographiques d’Heavy Rain. Du côté jeu, la mélancolie et le voyage introspectif des pères et maris de Silent Hill 1 et 2 à la recherche de leur fille ou de leur femme ont aussi beaucoup marqué l’auteur. Jusqu’à la contemplation désolée du reflet dans le miroir… Et Heavy Rain, ses splits screens, ses étranges demandes d’action en temps réel descendent de Fahrenheit, le précédent jeu de Quantic Dream. Les emprunts se voient, et alors ? Cage se dédouane avec une lapalissade. Tout art découle des précédents, le cinéma a emprunté au théâtre, à la photographie… Le jeu vidéo a le droit d’emprunter à ses prédécesseurs. Les enfants miment les parents jusqu’à trouver leur propre personnalité. En tant que moyen d’expression le jeu vidéo étant toujours dans l’adolescence, quoi de plus naturel. La difficulté dans un projet ambitieux comme Heavy Rain étant évidemment de trouver la bonne distance entre influences culturelles constitutives et citations trop littérales. Une observation fragmentaire à la loupe du jeu peut révéler de nombreux copiés/collés mais pris comme un tout, Heavy Rain est bel et bien une entité pleine, autonome, et artistiquement légitime.

Jouer avec

Heavy Rain joue donc à faire du cinéma. Mais contrairement aux interminables et lourdingues impositions de cinématiques non interactives d’un Metal Gear Solid, voire même les Assassin’s Creed, le jeu n’immobilise pas le joueur. Il y a, de fait, des moments où l’histoire avance toute seule, sans intervention tactile du joueur. Mais le savoir-faire du jeu et la qualité interne de son rythme font passer inaperçus ces courts moments là. Car la réussite de la réalisation tient à la charge émotionnelle que le joueur finit progressivement par accumuler. Il devient presque aussi indispensable, voire plus, de savoir ce qu’il va se passer ensuite plutôt que de réussir la prochaine action. Et ce malgré de grosses ficelles mélodramatiques. Cage et son équipe ont trouvé un singulier milieu d’intérêt concerné entre passivité et interaction. L’inaction se vit bien parce qu’elle reste porteuse d’intensité. De son côté, et sans que l’on ressente un va et vient artificiel, l’interactivité qui provoque volontairement des ratages, s’accepte parce qu’elle enchaine toujours sur un morceau d’histoire cohérent et des comportements humains relativement crédibles au sein de la fiction.

Pause et pose

Contrairement à un film qui entraine le spectateur dans son inexorable emballement, le jeu vidéo permet à son utilisateur, un peu comme un lecteur de bande dessinée, de choisir son rythme sans interrompre le programme, sa « magie ». Les protagonistes d’Heavy Rain peuvent à volonté regarder par la fenêtre, s’assoir et réfléchir. Avec une caméra toujours instable induisant, selon les situations et l’interprétation subjective, curiosité, paranoïa ou empathie, à travers les regards imaginaires d’un voyeur, d’un espion hors champ ou, plus pénétrant encore, d’un méta point de vue plus ou moins objectif, on regarde ici les personnages penser. Hérésie pour les adeptes du jeu vidéo frénétique de naissance, avancée culturelle pour ceux qui ont vu dans le lointain Myst et ses suites une fusion exceptionnelle du récit explicite et implicite grâce à ses touches interactives chirurgicales.

Abstractions interactives

Les audaces conceptuelles et tactiles d’Heavy Rain brillent autant parce qu’elles font exploser plusieurs bulles de conventions du jeu vidéo prisonnier de lui-même. Bien amenées, des situations ordinaires comme se raser sans se couper, faire cuire une omelette pour une invitée en détresse, regarder un petit garçon triste faire ses devoirs, ou essayer en vain de le distraire en l’entrainant vers la balançoire ou un manège, peuvent générer plus d’intensité dramatique que tous les affrontements intergalactiques. La fascination provoquée par les énormes gros plans des visages animés en guise de salle d’attente entre deux chapitres ne s’épuise pas avant la fin de l’aventure parce qu’ils imposent une humanité troublante derrière leur étrangeté polygonale. Comme les séries TV US modernes, la narration chapitrée ose les ellipses de façon à laisser des moments en suspens, des petits trous narratifs qui occupent et déconcertent le joueur malgré lui. C’est grâce à cela que les énigmes puzzles plus ou moins bateau des enquêtes croisées se vivent avant tout à travers le parcours émotionnel des uns et des autres et non le déroulé arithmétique des indices. Le rébus général cherche au fond le diagramme d’un damier émotionnel. En attendant, sans doute, de trouver un échiquier plus complexe et subtil.

Le final cut moebius

Les rares scènes d’action violente où un personnage peut vraiment mourir au sein de l’histoire, et ne plus appartenir au récit qui va continuer, génèrent de fascinantes et inédites émotions. Le jeu touchant là de nouvelles strates psycho-cognitives, l’impact sur le participant ne sera pas décryptable du jour au lendemain. David Cage a beau rationnaliser à longueur d’interviews, il y a évidemment ici des choix de game design, de situations et de déclinaisons narratives qui relèvent plus de l’instinct que de la raison. Long à s’afficher parce que enregistrant le parcours singulier du joueur à travers l’histoire, le superbe et malin générique final, alors personnalisé, affiche d’une manière énergique des bribes de récit non croisés par le joueur. Une incitation futée à revivre l’aventure qui vaut bien tous les scores chiffrés du monde. Petit frère d’Avatar sur bien des points – avancées techniques et performance capture en première ligne – à moins d’un miracle, Heavy Rain, ne changera pas du jour au lendemain l’industrie du jeu vidéo comme le film de James Cameron vient de bousculer le monde du cinéma. Mais il a le potentiel de changer le regard que le monde porte sur le jeu vidéo. À chacun sa révolution.

François Bliss de la Boissière

 


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Le vrai moteur du jeu vidéo : une créativité déchaînée

En ce début 2010, joueurs ou observateurs attentifs peuvent prendre la pleine mesure d’un loisir interactif habité par une vitalité créative peu commune. Coup sur coup, dans des registres bien différents, le Bayonetta japonais, le Bioshock 2 américain, le Mass Effect 2 canadien et le Heavy Rain français déploient un savoir faire et une puissance d’évocation exceptionnelles. Le jeu vidéo a encore beaucoup à dire au-delà de son agitation. IMMERSIONS…

Heavy Rain Quantic Dream

Si, d’un point de vue économique, l’industrie du jeu vidéo fléchit à son tour et oblige les leaders du secteur à se réorganiser, le nerf de la guerre du jeu vidéo, c’est à dire son intarissable puits de créativité, continue d’alimenter en créatine un grand corps, en surface, un peu malade mais en réalité habité par une fièvre de jeunesse. Car du haut de sa trentaine d’années, les toussotements chroniques du jeu vidéo ne sont que les symptômes d’une crise de croissance toujours en cours. Même s’il inonde le marché de productions techniquement abouties et vient concurrencer les loisirs déjà en place, le jeu vidéo est encore et toujours à l’école. Il se cherche encore une vocation, un but, voire même un genre. Depuis la révélation de la Wii et de la DS, le jeu vidéo ne sait par exemple plus s’il est masculin ou féminin, adulte ou infantile, distraction ou service, défouloir ou éducatif. En trois ans à peine, le jeu vidéo déjà sans définition a embrouillé ses repères socioculturels, ses quelques certitudes commerciales. Les services marketings en perdent leur latin d’HEC. Le rayon jeu vidéo désormais occupé par une population familiale touristique, les gamers se sont vus requalifiés en hardcore gamers. Un terme peu flatteur, entre geek asocial et passionné obsessionnel et, au bout de l’étiquette, amateurs de jeux violents. Insaisissables en dehors de la culture jeu elle-même, les trois plus gros succès contemporains que sont World of Warcraft, Grand Theft Auto IV, Call of Duty : Modern Warfare 2 confortent ce statut de bande à part. Pourtant, même s’il semble parfois en voie de disparition, c’est dans ce vivier de productions visant encore les gamers traditionnels que le jeu vidéo exploite tout son potentiel technique et artistique.

Élites de masses

Les quatre jeux qui sortent du lot en ce début d’année appartiennent à cette dernière catégorie. Fondamentalement, parce qu’ils demandent un effort conséquent et font appel à un ensemble de conventions, ils ne sont lisibles et préhensibles que par les hardcore gamers. Dans un mélange flamboyant de technologies interactives et d’irruptions artistiques ils brillent pourtant au-delà du cercle d’initiés. Au premier abord le film Avatar de James Cameron s’adresse lui aussi à une population de geeks nourrie de S-F et de cybermonde. Et pourtant, sans renier son fond, le film a réussi à toucher la planète entière. Le jeu vidéo porte aussi ce potentiel et la formule qui le fera passer de phénomène réservé à spectacle universel ne dépend plus maintenant que d’un bon concours de circonstances, ou d’une approche inédite.

Heavy Rain, enfin une éclaircie

Le français David Cage (Fahrenheit) en est si convaincu qu’il a mis pendant quatre ans toute son énergie à créer un Heavy Rain à mi chemin du jeu vidéo et du cinéma susceptible de réunir les deux publics. Le suspens narratif de l’instant comme de l’ensemble, le montage et le jeu sérieux des acteurs légitiment le récit et happent même le spectateur passif. Manette en mains, les sollicitations interactives inhabituellement distillées créent un lien nouveau entre le joueur et les différents personnages qu’il contrôle à tour de rôle. Derrière le rideau de pluie d’Heavy Rain se cache à peine un auteur qui cherche à faire grandir le joueur en lui imposant une palette d’émotions, simpliste dans un film, mais inusitée dans un jeu vidéo. Du début à la fin l’expérience Heavy Rain ne ressemble à aucune autre et réussit dans le jeu vidéo, ce qu’Avatar a réussi dans le cinéma : ouvrir un nouvel horizon, émotionnel pour l’un, technologique pour l’autre.

Bayonetta, jeu vidéo fractal

Fou, hystérique, porteur de sa propre hybridation, le Bayonetta du créatif japonais Hideki Kamiya (Devil May Cry, Okami…) vient lui aussi donner des leçons. Jeu de combat morphant en jeu de danse, ou l’inverse, croulant sous les idées visuelles, Bayonetta joue au moins triple jeu. Il donne à jouer aux forcenés de la manette tout en se moquant de sa propre dynamique. Ivres d’eux-mêmes, polymorphes, le système de jeu et son héroïne sexy castratrice s’étranglent et s’étouffent sous les giclées de matières virtuelles. Le jeu absorbe tous les fondamentaux du beat’em all et du hack’n slash pour les recracher en un mash-up interactif qui ne laisse aucune place à un descendant. Esthète et vulgaire, volontairement incorrigible, Bayonetta provoque et irrite autant qu’il épate et affirme. L’excès vaut ici commentaire sur le médium qui lui donne vie. Au point de, peut-être, entériner la fin d’un cycle créatif d’une scène japonaise en mal de renouvellement.

Bioshock 2, Mass Effect 2, les mots pour le dire

Quand le jeu vidéo s’est mis à parler, le pire était à entendre. Malgré le gigantisme de leurs constructions architecturales, une cité engloutie sous l’océan dans l’un, des citadelles dans l’espace pour l’autre, les deux énormes suites aux premiers Bioshock et Mass Effect s’entretiennent par le verbe. Est-ce parce qu’ils se promènent enfermés dans des carapaces protectrices devenus caissons d’isolation sensoriel officieux – un scaphandre Jules Vernien pour le « Big Daddy » de l’un, une armure high-tech pour le commandant de vaisseau spatial de l’autre – que les héros de Bioshock et Mass Effect doivent suivre leur histoire à travers autant de messages audio off ? Quelles que soient les séquences d’action, le jeu brut ici ne se suffit ainsi plus à lui-même. Il se cherche un sens, un contexte. Il veut épaissir le joueur, lui greffer son encyclopaedia universalis passée et présente. Le joueur ne joue plus pour le présent ou la satisfaction immédiate. L’héritage qu’on lui impose l’oblige à jouer pour le futur. La magnificence visuelle et les mécaniques interactives sophistiquées des deux jeux pourraient suffire à contenter, y compris la violence toujours fantasmagorique de Bioshock. Mais non, les auteurs croient tellement en leurs univers qu’ils s’obligent à le rendre cohérent au-delà même de l’horizon accessible par le joueur. 80% actif, souvent forcé à l’écoute, le joueur devient invité d’un monde qui existe sans lui. Et le respect s’impose en parallèle aux moments de silences contemplatifs offerts.

Muet d’admiration

En 2010 le jeu vidéo va se réinventer un nouveau cycle, de nouveaux hardwares (DSi 2 sans doute, iPad sûrement…), de nouvelles façons de jouer (Arc, Natal…), ou tout simplement d’interagir (3D relief). En 2010 les regards et les médias se tourneront vers la matérialisation de ces nouvelles activités, vers ces expressions externalisées. Mais l’essence du jeu vidéo, son indéchiffrable phénoménologie virtuelle, son foisonnement créatif, sont à chercher et à vivre dans l’écran. Car le jeu vidéo est avant tout un voyage intérieur. Au moment où, pour cause de flottements économiques, acteurs et joueurs ne savent plus très bien où et comment se joue le jeu vidéo, Bayonetta, Bioshock 2, Mass Effect 2 et Heavy Rain remettent l’essentiel au cœur des enjeux. Le talent, l’ambition et l’envie contagieuse des auteurs. Quatre blockbusters qui réussissent à marier expression artistique et gros budgets. Et laissent la place aux expériences plus franchement arty comme les étonnantes Mésaventures de P.B. Winterbottom. Un jeu de plate-forme/réflexion en noir et blanc dans l’esprit burlesque et esthétique des films muets du début du XXe siècle. On reste sans voix.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 23 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Festival du jeux vidéo à Paris : 16+ petites impressions sans langue de bois manette en main

La journée réservée presse du jeudi 17 septembre a permis d’essayer sereinement la plupart des jeux présentés. La foule publique attendue des trois jours suivant (18-20 et 21 septembre) va forcément compliquer l’accès aux jeux. Avec beaucoup de passion et de patience, l’attente devant chaque borne devrait tout de même valoir le coup. Bruyants podiums avec danseurs et danseuses, jolies hôtesses et figurantes costumées dans les allées et quelques décors donnent à ce salon parisien des allures de petit E3 pas désagréable. Après la réussie Games Convention de Cologne et l’annulation à la dernière minute de l’événement GameOn de Londres en novembre, le Festival de Paris devient vite indispensable. En attendant le Micromania Games Show qui s’installera à la Grande Halle de la Villette en octobre.

Nous avons donc pu jouer à 16 jeux (!) au fil de l’inspiration et observer quelques autres… Le grand événement technique du salon se présente sous la forme de plusieurs écrans Panasonic de 103′ (261 cm de diagonale). De véritables monstres sur lesquels Ubisoft fait une démonstration assez laborieuse en pleine allée de Splinter Cell Conviction et, dans une toute petite salle drapée noire, du jeu Avatar en 3D. Une présentation de luxe sur un tel écran au résultat inégal. Les effets de perspectives, d’avant et d’arrière plan de la 3D stéréoscopique fonctionnent plutôt bien avec les lunettes polarisantes. Voir les indicateurs du jeu flotter devant l’écran ajoute bien à l’effet un peu irréel de l’image. Les réserves viennent plutôt du moteur graphique du jeu lui-même. Bien qu’il utilise celui de Far Cry 2 comme l’annonce le démonstrateur d’Ubisoft Montréal où le jeu est conçu, l’affichage saccade, la définition semble basse (version Xbox 360 en démo), les contours peu nets et aliasés de la si importante jungle de Pandora. L’eau sur le sol est rudimentaire, les effets d’éclaboussures quasi inexistants. Du côté du gameplay le contact entre les personnages et le décor laisse à désirer. Bref c’est un jeu loin d’être fini, et si l’on sait que l’assemblement technique de certains gros jeux se fait à la dernière seconde (on se souvient du premier Halo plein de hoquets quelques semaines avant sa sortie), la sortie calée pour la fin novembre, avant celle du film le 16 décembre, ne laisse pas beaucoup d’espoir.

Assassin’s Creed 2 était lui aussi présenté de façon magistrale dans une petite salle à part pour un résultat en demi teinte. La section présentée se déroule dans des sous-sols aux décors de pierre assez neutres, loin des bâtiments colorés italiens attendus en surface. Les déplacements d’Ezio se calent pour l’essentiel sur ceux d’Altair et, mis à part des aptitudes comme celle, montrée, de pouvoir poignarder deux personnes en même temps dans le dos (!), en se laissant tomber d’une hauteur par exemple. On ne sent pas, avec cette démonstration, un changement significatif. Une section de saute-mouton et de plate-forme à la Prince of Persia ne réussit pas non plus à donner plus de poids aux actions du personnage. Il saute beaucoup trop vite d’une poutre à l’autre, ne semble pas avoir la pesanteur de son corps et se résume à une version superficielle des déplacements acrobatiques du dernier Prince of Persia. Même si le voir s’accrocher à des chaines suspendues et de s’y balancer réjouit.

Les 3 gros jeux multi-joueurs installés dans des décors thématisés se sont laissés regarder de plus ou moins loin. Y accéder demande plus de temps et d’organisation collective que les manettes simplement disponibles. Un coup d’œil rapproché à Halo ODST laisse visuellement très froid. Rien de neuf, des effets et des environnements bien connus et une image à la résolution plutôt basse. À réserver visiblement aux grands habitués des parties en ligne. Deux regrets : ne pas voir pu assister à la présentation d’Aliens vs Predator chez Sega pour cause de présentations trop espacées dans le temps, et de Battle Field Bad Company 2 dont les postes n’ont pas voulu fonctionner.

Gran Turismo 5 et Forza 3 : Tous les deux disponibles sur des écrans et dans des baquets, le plaisir du premier contact avec les deux monstres va très nettement en faveur du jeu sur Xbox 360, alors qu’un seul circuit est pourtant praticable. Forza surprend d’ailleurs avec des couleurs pétantes à la Sega qui l’éloigne un peu du réalisme photographique, il faut bien l’avouer, de plus en plus désincarné de Gran Turismo. Les tracés déjà connus du jeu de Polyphony, l’aliasing flagrant, et la lourdeur générale transforment Gran Turismo en vieux dinosaure figé dans sa formule. Les maigres extraits ne donnent pas, on l’espère, la mesure du jeu complet. Signalons quand même que les icones des menus et le curseur qui les survole vont beaucoup plus vite que l’interface de GT5 Prologue. En bon copieur de Gran Turismo, Forza 3 accentue encore son réalisme avec une prise en main d’une efficacité redoutable. Plusieurs tours dans un baquet avec un volant estampillé Porsche donne toute la mesure de l’exercice physique demandé ici. Sur la base de ce premier essai, Forza 3 renvoie à l’arraché le plus d’excitations visuelles, sonores et nerveuses.

Le retour des beat’em all, ou plutôt des slash’em all : Pratiquer l’un après l’autre Bayonetta, Dante’s Inferno et God of War III et même Ninja Gaiden 2 – le Brutal Legends esquivé pourrait s’ajouter à cette liste – provoque une certaine gène. Avec, bien sûr des variations bien à eux, les 3 premiers jeux déclinent le même gameplay, la même procédure générale de jeu. Les grands moulinets d’armes extensibles des uns et des autres font voler avec la même efficacité les vagues d’assaillants surnaturels au point que les mêmes gestes de bases semblent interchangeables d’un jeu à l’autre. Les petits et gros combos évidemment varient, comme la mise en scène de certaines extravagances, mais ces jeux là se ressemblent trop et ne devraient pas sortir en même temps au premier trimestre 2010 comme actuellement planifié. Pour entrer dans quelques détails, Dante’s Inferno semble accentuer davantage les énigmes de passage. Plutôt abscons, l’exemple donné à jouer à base de leviers, de déplacements de socles et de contrepoids n’était pas très probant. Les menus et les différentes possibilités de gestion apparaissent dès maintenant très plaisantes. L’amour des détails de l’équipe derrière Dead Space se ressent. Le Bayonetta japonais décline ouvertement et légitimement l’ADN de Devil May Cry puisque le même créateur en est responsable. Les animations de l’héroïne à la Sarah Palin mérite toute l’attention des hétéros. Elle n’hésite pas à onduler outrageusement du bassin par provocation et le déclenchement de certains combos font disparaître sa combinaison moulante pour laisser voir en une fraction de seconde sa nudité (à la Samus Aran période 16 bits). Très chaud pour un jeu vidéo. Une attraction qui cacherait presque une mise en scène des combats complètement délirante avec des entités monstrueuses sortant du sol et des jets de matières et de couleurs hors normes. Joué en mode Normal après avoir jeté un œil aux différents modes assistés bien présents et bien expliqués dans les menus, l’affaire fonctionne avec une belle aisance. Bayonetta se révèle beaucoup plus impressionnant en jouant que dans les extraits vidéo. Commun aux 3 jeux, le spectaculaire jaillit sans effort du moindre bouton. Entre les mains, God of War III a pour lui une familiarité confortable. Peut-être trop, coups et QTE se déclenchent sans surprise. L’ensemble s’appuie sur une fluidité particulièrement convaincante, le personnage solidement ancré dans son monde et les animations d’une rigueur exemplaire. Un passage où il fallait franchir des obstacles en s’accrochant plusieurs fois à la suite aux pattes de harpies capricieuses a bien posé quelques problèmes mais avec un peu plus d’application et sans doute d’adresse, un joueur plus habile doit pouvoir manœuvrer ça sans problème. Rien ne surprend dans cet extrait de God of War III mais tout fait plaisir. Ninja Gaiden 2 quant à lui, plus mécanique dans ses mouvements et déplacements, devient capable, dans le petit parcours essayé sous tutorial, de courir sur les murs façon Prince of Persia. Plus vertical, puisque le niveau se déroule dans les escaliers d’une pagode géante, et quand même plus sobre que ses congénères à la sauce mythologique, la démo renoue avec le gameplay à la fois travaillé et raide de la série.

Sur Wii, Red Steel 2 et Dead Space Extraction, présenté lui dans les tentes ouvertes du stand Nintendo, arrivent difficilement à retenir l’attention, avec leurs petits écrans et leur basse résolution, et à générer un plaisir de jeu spontané avec leur maniabilité compliquée. Il faut impérativement un ou une hôtesse à côté pour expliquer comment jouer (un comble pour la Wii tout public) et même comme ça, le début de Dead Space Extraction oblige à affronter un monstre trop gros pour soi, demandant trop d’effort physique et une coordination entre la Wiimote et le Nunchuk qui ne s’apprend visiblement pas en cinq minutes. L’ambiance et certains détails reflètent pourtant bien l’univers de Dead Space et le jeu mérite sûrement plus d’attention. Red Steel 2 n’appelle pas beaucoup de reproche ni d’enthousiasme. Le réussi aspect visuel dessiné presque cellshadé flatte un peu l’œil comme le décor entre western et Japon féodal. La prise en main, après explications, s’avère certainement plus efficace et moins trouble que sur le premier Red Steel. Déplacements, mouvements d’épée, reconnaissance des mouvements de la main fonctionnent apparemment avec assez de fidélité. On y croirait plus si les situations de jeux avaient un peu plus d’originalité. Épée, pistolet, époque, prise en main… Red Steel (2) continue d’être tout et rien et donc d’avoir un problème d’identité.

The Saboteur : L’outsider presque caché au stand chez Electronic Arts se laisse pourtant regarder et jouer comme un jeu à l’environnement totalement inédit. Quelque part dans la France de la Seconde guerre mondiale, un ouvrier en casquette et manches retroussée, un début en noir et blanc sous la pluie avec taches de rouges évidemment nazis, une campagne vallonnée avec petits murs de pierre, des oiseaux innocents qui se dégomment au vol, clochers au loin, Tour Eiffel irisée aussi…, l’ambiance et le rythme posé du jeu tranchent nettement avec l’hystérie du reste du salon. La prise en main à la 3e personne aussi à base de visée tranquille et de cachecache derrière les caisses ou murs et d’échelles à grimper ou descendre. Tout irait bien si dès le départ le level design n’avait pas recours à des répétitions de couloirs et d’espaces digne d’un jeu vidéo paresseux et non d’une architecture crédible.

DJ Hero : La proue musicale du stand Activision dont les couleurs, la musique et les faux musiciens de Guitar Hero 5 sur scène ont fini par attirer le nouveau ministre de la culture en visite. Un casque sur la tête et une platine DJ Hero sous les mains ont permis d’échapper un moment au superficiel brouhaha politique pour vérifier que, oui, l’interface de jeu de DJ Hero fonctionne bien. L’exercice sera clairement moins convivial et sexy que le rock band multi instrumentistes, même avec 2 platines simultanées, mais le plaisir de jeu descend sans équivoque de celui des Guitar Hero. L’option pour gaucher place curieusement les 3 boutons colorés sur l’extérieur du disque plutôt qu’à sa position initiale à l’intérieur. Retourner la platine pour utiliser la main gauche ne semble pas possible. Un détail minoritaire. La fausse platine de disques qui permet de singer les scratchs ne fait pas toc (juste un peu tristoune, stickers colorés à venir probablement) et s’avère même assez lourde pour demander un vrai effort musculaire pour scratcher avec tel ou tel doigt appuyé sur la couleur demandée. Petites déceptions avec l’intérêt acoustique des mixes des Daft Punk, notamment celui qui absorbe de façon très anecdotique le We will Rock you de Queen.

Uncharted 2 : Among Thieves : Est-ce vraiment utile de confirmer qu’il s’agit là d’un grand jeu ? Que ce qu’on voit de spectaculaire en vidéo a encore plus d’impact la manette en mains ? La richesse visuelle des détails et des couleurs n’a d’égal que dans le raffinement des contrôles du personnage. Ça shoote beaucoup dans le centre urbain explosé jouable, mais les phases de grimpette sur les façades et dans les bâtiments détruits laissent augurer du meilleur. Petit moment privilégié recommandé : jouer installé sur la banquette arrière d’une petit Fiat 500 sortie tout droit des décors du jeu.

Heavy Rain : Deux impressions simultanées ressortent après avoir pris le jeu en main. Impatience et doutes face à une séquence d’enquête sous la pluie bien trop lente et lourde. Et une stimulante et, pour le coup vraiment inhabituelle, séquence où une jeune femme se maquille, s’habille et va, toujours sous le contrôle minutieux de la manette, séduire un mafiosi sur la piste de danse d’un night-club. Maintenir une pression permanente sur le bouton R2 pour marcher et ne pas pouvoir courir irrite d’emblée. Les gestes contextuels à accomplir avec le stick droit quasi organique, l’affichage évanescent des pensées des personnages en appuyant sur L2 et les secousses de la manette qui complètent les gestes à l’écran, en revanche, surprennent et enthousiasment. Il y a là nettement « more than meet the eyes » (plus que ce que les yeux ne peuvent voir) et cette aventure ne se mesurera pas en quelques minutes de prise en main sans contexte, et sans musique.

New Super Mario Bros : Jouable uniquement à plusieurs, le nouveau Mario sur Wii fait tout sauf neuf. L’impression d’avoir déjà vu et pratiqué les niveaux mille fois laisse un peu sur le carreau malgré l’envie enfantine que procure toujours un jeu Mario. La description du gameplay et des contrôles impeccables ne nécessite aucune explication au-delà de la réserve chronique de la prise en main à l’horizontale de la Wiimote. Cette incarnation Wii du succès de la DS réussira-t-elle à sortir des casquettes et Mario et Luigi des surprises permettant de rouvrir grand les yeux sur le monde Nintendo ? Mario et Luigi faisant de la luge sur le ventre rhabillé en costumes de pingouins font-ils rire ? On demande à voir.

François Bliss de la Boissière

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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