Avatar, où comment le réalisateur de Titanic refait surface

Derrière le spectaculaire visuel et médiatique du nouveau projet de James Cameron avec bande-annonce et 15 minutes d’extraits offerts au public en salle, se cachent plusieurs intentions. Celle d’un réalisateur toujours en quête d’émotion et d’absolu et celle de l’industrie du cinéma qui utilise tous ses moyens technologiques, 3D, IMAX, pour arracher les gens à leurs écrans à domicile et les refaire voyager en grand dans les salles de cinéma.

Avatar 02

2ème partie (1ère partie ici) : Où le projet de James Cameron engendre une promotion d’un nouveau genre en arrachant, paradoxe ultime pour un film quasi virtuel, les spectateurs de leur écran d’ordinateur et les invite à venir voir des extraits gratuitement en salle. 4 mois avant la sortie mondiale, c’est aussi une façon de familiariser tout le monde avec ces, d’abord fumeux, puis fameux, avatars extra-terrestres bleus…

Paliers de décompression

Sans tendre l’oreille de façon volontariste pour épouser le rythme émotionnel de la bande-annonce, la première vision des créatures anthropomorphiques de la planète Pandora déconcerte sans aucun doute (cf 1ère partie). La projection inhabituelle de longs extraits du film quatre mois avant la sortie du film, d’abord au Comic-Con de San Diego, puis dans le reste du monde, y compris dans des salles IMAX, a peut-être la fonction cachée, derrière la promotion, de familiariser le spectateur avec ces étranges Na’vis avant la commercialisation du film. Cameron et la production savent sans doute déjà que le premier rejet instinctif de la présence curieusement humanisée des avatars pourrait peut-être nuire à l’appréciation du film. La bande-annonce qui sera certainement suivie d’autres et les 15 minutes de montage servent déjà de palier de décompression. Nos sens ont peut-être besoin d’être apprivoisés pour être capables d’accepter, sans même passer par le relief, le saut technique et sensoriel tenté par le film. Car les longs extraits démontrent au moins une chose non perceptible dans la bande-annonce : la viabilité expressive des dites créatures. Plus délicats à accepter pour le personnage masculin central rigidifié dans une posture de surprise, le personnage féminin Na’vi d’une des séquences fait la démonstration d’une large palette d’expressions faciales et corporelles. On y croit très vite, plus vite qu’avec les expériences botoxées virtuelles de Robert Zemeckis du Polar Express et de Beowulf, mais peut-être moins sincèrement, au jour d’aujourd’hui, qu’avec le Gollum du Seigneur des Anneaux et le King-Kong de Peter Jackson car, eux, ne cherchaient pas autant à faire humain.

La messe version Cameron

Sans chercher à en savoir davantage sur le scénario pour mieux se préserver du plaisir, il semble déjà évident que Cameron célèbre à nouveau la machine « évoluée » pour aussitôt en dessiner les dérives et les limites. Après avoir démontré, de Titanic à Terminator, que les machines asserviraient ou détruiraient l’homme par simple pesanteur ou logique rationnelle, Cameron entreprend cette fois de prolonger le message d’Abyss où le futur de l’homme serait plutôt la fusion, d’abord fraternelle, puis physique et spirituelle dans Avatar, avec une espèce venue d’ailleurs. Pour Cameron, le mecha improvisé qui permet au personnage de Ripley de lutter contre la reine alien (Aliens), puis les mechas militaires pourtant spectaculaires d’Avatar sont déjà dépassés. Toute puissante fut-elle, l’aide mécanique des machines à la motricité du Marine handicapé ne se compare pas à la renaissance physique que permet le transfert de son esprit dans un avatar alien. Ainsi, après avoir servi d’outil, d’assistance et d’instrument de destruction, l’intelligence artificielle de la machine pourrait aussi servir de vecteur entre l’homme et une autre forme de vie. Au delà de la cybernétique et du Terminator aux tissus mélangés, il faut à l’homme inventer la machine intelligente qui lui permettra de conserver son acquis intellectuel et émotionnel en le transférant dans un autre corps biologique, plus apte.

Au-delà des nuages et de la technologie

James Cameron explique que sa passion pour l’exploration des fonds sous-marins remplace l’exploration encore impossible du cosmos à laquelle il aspire depuis toujours. Au fond des abysses dit-il, dans le coton ouaté des mystérieuses profondeurs où toutes les rencontres sont encore envisageables, il cherche les autres mondes devinés sur la tapisserie étoilée du ciel. Après être descendu dans les profondeurs du Titanic pour remonter et toucher du doigt le ciel du succès, Cameron revient douze ans plus tard avec, cette fois, la ferme intention de nous emmener pour de bon au-delà des nuages. Et parce que la modernité ne lui échappe pas plus aujourd’hui qu’il y a dix-huit ans (Terminator 2), il n’oublie pas de joindre à l’exploration extériorisée de l’espace, celle intériorisée de l’espace atomique et biologique devenu digital. Si les procédés de 3D relief utilisés font l’événement (mais pas plus, à la vision du montage de 15 minutes, que les récents Là-haut et Coraline), si Avatar signe peut-être l’avènement du cinéma dit « virtuel » où l’on enregistre informatiquement bribes de décors et acteurs avant de réellement placer une caméra virtuelle et donc de « filmer », si Cameron comme avec Terminator 2 redéfinit les contours des effets spéciaux pour les cinq-dix ans à venir, il importe davantage de savoir quelle histoire fondamentale veut nous raconter le prophète James Cameron. Et si la motion capture, ou « performance capture », encore raide, le look étrange des Na’vis et les affrontements à la Star Wars laissent des doutes, la charge émotionnelle de la musique accompagnant le placement chirurgical de chaque image de la bande-annonce évoque sans détour le type de registre spirituel que cherche le réalisateur. Quand un cinéaste de 55 ans qui n’a plus rien à prouver de son talent fait un film de SF fantasmatique dont l’apparente candeur siérait plus à un jeune réalisateur geek et excusable, il faut bien se résoudre à envisager le pire ou le meilleur. Soit nous avons à faire à un réalisateur que le succès et l’ambition auraient rendu aveugle et fou. Soit nous allons assister au nouveau coming out d’un génie visionnaire toujours en avance sur son temps.

François Bliss de la Boissière

Voir aussi 1ère partie : Avatar, le coming out planétaire de James Cameron

(Publié le 12 septembre 2009 sur Electron Libre)
 

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