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Best of séries 2023 : et la série recréa la femme

Est-ce un choix personnel involontaire, ou une tendance générale ? La grande majorité des séries passionnantes et originales de l’année 2023 mettent en avant le woman power. Soit elles prennent une revanche justifiée sur les affreux bonshommes (Copenhagen Cowboy, The Lost Flowers of Alice Hart…) soit, quels que soient le lieu ou l’époque, elles résistent de toutes leurs forces et qualités au patriarcat (The Diplomate, The Morning Show, The Offer…) Dans tous les cas, alors que la société occidentale peine encore à vraiment donner la parole aux femmes au même titre que les hommes, les rôles les plus forts dans les séries sont ceux des femmes. Et c’est tant mieux.

Cette année j’ai regardé 38 séries parues en 2023, presque toutes jusqu’au bout. Et puisque l’exercice annuel du cinéphage consiste à faire le tri, voici…

Mes 10 + 5 séries préférées de 2023

  • Copenhagen Cowboy (mini série)
  • The Last of US (saison 1)
  • Fargo (saison 5 – en cours de diffusion US)
  • The Diplomate (saison 1)
  • The Morning Show (saison 4)
  • Love & Death (mini série)
  • Dear Edward [N’oublie pas de vivre] (mini série)
  • Black Mirror (saison 6)
  • The Lost Flowers of Alice Hart [Les Fleurs sauvages] (mini série)
  • The Offer (mini série)

Autant la première mini série Too Old to Die Young (2019) du réalisateur danois culte radical (et parfois incompris) Nicolas Winding Refn nous avait laissés sur le carreau, autant Copenhagen Cowboy nous a impressionnés. Formellement de toute beauté, les 6 épisodes de Copenhagen Cowboy sont un choc mental et esthétique monumental.
Les connaisseurs du monstrueusement émotionnel jeu vidéo The Last of Us du studio Naughty Dog avaient tout à craindre d’une adaptation télévisuelle et, miracle, la collaboration de l’auteur du jeu Neil Druckmann avec le showrunner Craig Mazin célébré pour la série Chernobyl, ont réussi leur pari. Le jeu vidéo et la série se répondent désormais sans se faire honte ni de l’ombre.

Surprise de cette fin d’année sur Netflix, la série politique La Diplomate devient instantanément la meilleure héritière de l’estimée série The West Wing des années 2000. D’une densité incroyable et juste, les dialogues de La Diplomate renvoient en effet à ceux de Aaron Sorkin. Sans lui, la showrunneuse, également scénariste, Debora Cahn déjà présente sur The West Wing (ce n’est donc pas un hasard) réussit un captivant tour de force intellectuel, féministe et donc moderne.

À la limite du ridicule, les deux premiers épisodes hystériques de la saison 4 de The Morning Show n’auguraient rien de bon. La suite, plus calme et raisonnée heureusement, remet la série sur le bon rail dramatique. La présence insidieusement dangereuse de Jon Hamm en gourou capitaliste-tech à la Elon Musk (qui se reconnaitra ici et là) prêt à en découvre avec les médias « traditionnels » confirme un nouveau souffle en méchant dans la carrière de l’ex Mad Men en chef. Le même Jon Hamm en affreux shérif patriarcal sécessionniste du Dakota dans la génialement tordue 5e saison de Fargo ne s’oublie pas de sitôt. De même que la présence incroyablement physique de la pourtant miniature Juno Temple.

Les desesperate housewives des suburbs américains n’ont définitivement pas fini de livrer leurs lourds secrets. Entourés d’hommes tellement engourdis – Jesse Plemons en amant involontaire comme le mari placide Patrick Fugit (le gamin devenu grand de Almost Famous, 2000), l’extravertie superficielle femme au foyer Elisabeth Olson de Love & Death prend une initiative naïve qui conduira au drame. Une nouvelle déconstruction réussie du rêve américain vendu des années 50 jusqu’au début des années 70.

À l’époque où, parmi nous, de trop nombreuses personnes vivent avec le traumatisme d’avoir survécu à un attentat ou même un accident, les tourments du jeune protagoniste de Dear Edward seul survivant d’un accident d’avion devient vite une affaire collective et pourtant intime : pourquoi moi ? La série qui s’intéresse également au traumatisme interrogatif des familles qui n’étaient pas dans l’avion garde assez de distance avec le mélodramatique pour ne pas sombrer dans l’excès.

En mélangeant high-tech et horreur, la saison 6 de Black Mirror s’éloigne un peu des saisons précédentes plus froides sans pour autant perdre sa force conceptuelle. Chaque épisode dérange comme il faut en partant du banal jusqu’à une bascule horrifique.

Dans le très étrange The Lost Flowers of Alice Hart, une Sigourney Weaver revêche jusqu’à la laideur, livre une de ses prestations les plus courageuses. Car s’il s’agit bien au coeur du récit de dénoncer une nouvelle fois (il le faut) l’horreur du comportement de l’homme /fils/frère/mari vis-à-vis des femmes, celles-ci ne sont pas du tout exemptes de défauts. Tout en célébrant une sororité salvatrice, la série fait la démonstration qu’une communauté uniquement constituées de femmes peut à son tour récréer, même en voulant bien faire, une hiérarchie de dominants et de dominés.

Osons la formule mise en abîme, aucun cinéphile ne peut refuser l’offre proposée par la série The Offer : rejouer la genèse du film Le Parrain de Coppola. Façon The Player de Robert Altman (1992), le récit nous entraine dans les coulisses de la fabrication du film, des tractations financières à l’implication de la vraie mafia, des coups de génie aux coups bas. Plaisir additionnel, là encore, comme dans la saison 5 de Fargo, l’actrice Juno Temple surnage au-dessus d’une mêlée de mâles plus arrogants les uns que les autres.

Les frenchies…

Sans les moyens des productions US, les séries françaises flanchent souvent sur la forme et la photographie mais peuvent, comme celles-ci, se rattraper avec des sujets forts, des comédien·ne·s haut de gamme, ancienne comme nouvelle génération et une mise en scène vive…

  • Salade grecque (mini série)
  • Tout va bien (mini-série)
  • B.R.I. (saison 1)
  • Pax Massilia (saison 1)
  • Bardot (mini série)

On n’aurait pas donné cher à une biosérie sur Brigitte Bardot, monument déchu d’une époque (elles ne vieillissent pas bien nos vedettes, cinéma ou chanson, des années 60-70, n’est-ce pas ?). Et puis, finalement, la réalisation et l’interprétation rassasient notre curiosité sur le personnage et l’époque qui avait, elle aussi, ses travers de moeurs au nom d’une carrière. Avec une très jolie troupe d’acteur·rices la Salade grecque de Klapisch réussit, sans forcer, à prolonger sur 8 épisodes la vibration jeune génération squatters Erasmus lancée par L’Auberge espagnole il y a … 21 ans. Et si le mélo Tout va bien nous installe avec douleur très longtemps dans l’hôpital Robert-Debré et son quartier du nord de Paris pas si fréquemment usité par le cinéma, le talent du casting nous fait vivre, démunis, les affres insurmontables d’une famille blessée collectivement. Profitant à fond de leur contexte urbain, Paris puis Marseille, le réalisme cru des deux néo polars français B.R.I. – le plus contrôlé, et Pax Massilia – aux péripéties trop vite enchainées, redonnent une belle énergie hexagonale au genre. Les suites sont attendues avec enthousiasme.

François Bliss de la Boissière

Illustration : Copenhagen Cowboy
Relecture danybliss

Best of Series 2021 : Drames d’intérieurs

Que dire sur les séries réussies et essentiellement adultes sinon qu’elles font la démonstration que le cinéma ne suffit plus. En tous cas pas, sans le nommer, celui trop numérique qui essaie de remplir les salles. 

Même en osant l’hérésie d’un intouchable remake tout en inversant le propos (Scenes from a Marriage), une saison 2 (The Morning show), un western contemporain faussement réac (Yellowstone enfin en France), des pseudos vacances à la plage (The White Lotus) ou pauses thérapeutiques (Nine Perfect Strangers et le tétanisant En Thérapie français), ces séries là ont plongé dans l’âme humaine avec une force incisive peu commune.

Dialogues, mise en scène, photogénie n’ont absolument rien à envier au meilleur du cinéma. Et quand les sujets et les showrunners font venir les acteurs/actrices du grand écran – avec des statuts de co producteurs, donc pour entendre leur opinion créative – on obtient des objets cinématographiques qui ne se contentent plus de 1h30 ou 2h de projection.

En passant, de Yellowstone en 4 saisons (2 seulement accessibles en France ? Allons !), au récent préquel 1883 (pas encore en France ? Allons !), Taylor Sheridan s’installe aux côtés de Aaron Sorkin comme un des plus importants scénariste/dialoguiste au monde (au style concis et mordant à la James Cameron). Sans compter qu’il met aussi en scène films et nombreux épisodes. Très fort aussi, tout en valorisant le masculin, il développe des personnages féminins hors du commun. Dans Yellowstone, Sheridan offre à l’actrice britannique Kelly Reilly (que le public français avait tant aimé dans L’ Auberge espagnole et Les Poupées russes de Cédric Klapisch) un rôle d’une puissance telle que son talent explose à l’écran d’épisodes en épisodes.

Un petit regret enfin avec la disparition du réalisateur Jean-Marc Vallée cette année. Il laisse derrière lui, avec un style particulier de filmage et de montage, deux formidables séries (Big Little Lies saison 1, et Sharp Objects) ainsi que, moins connu dans sa filmographie, le long métrage Demolition qui, avec beaucoup d’élégance, en dit long sur la mort et le deuil.

Mes 10 séries préférées (et vues jusqu’au bout) de 2021

  • Scenes from a Marriage
  • En thérapie
  • Yellowstone
  • Colin in B&W
  • Cry Wolf
  • The White Lotus
  • Nine Perfect Strangers
  • Mare of Easttown
  • The Morning show 2
  • Dopesick

Mention spéciale

  • The Beatles : Get Back. Signée Peter Jackson, la vertigineuse réhabilitation de l’enregistrement du Get Back des Beatles redonne vie à toute une époque. Et laisse voir de très près le processus créatif des Fab Four. Magique.

François Bliss de la Boissière

Kelly Reilly dans Yellowstone

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Best of films 2019 : Le crépuscule des idoles

Ce n’est pas à la conclusion boursoufflée de la saga Avengers que fait allusion ce « crépuscule des idoles » mais bien au vieillissement, trop visibles dans leurs oeuvres, de cinéastes légendaires. Quand il y a plus à critiquer dans une année qu’à encenser…

Mon insatiable désir de cinéma m’a conduit à voir 122 films sortis en 2019. La liste complète est consultable là. Puisque l’exercice de fin d’année consiste à n’en retenir que 10, voici ceux que j’aimerais mettre en avant. Explications à lire juste en-dessous…

Mes 10 films préférés de 2019

1/ Les Misérables 

2/ Joker

3/ Green Book

4/ Mary Queen of Scots

5/ La Lutte des classes

6/ Parasite

7/ The Two Popes 

8/ Ad Astra

9/ Ford v Ferrari

10/ 1917

Ad Astra

Nanar et art de veillir

L’année a vu un record d’inédits inintéressants sur Netflix et surtout de blockbusters cinéma ratés virant carrément au nanar. Les X-Men:  Dark Phoenix, Godzilla 2 complètement à côté de leurs sujets et potentiels, l’effroyablement inutile et hideux Rambo : Last Blood, et même l’inédit Gemini Man signé Ang Lee dont on critiquera surtout le scénario plutôt que l’image expérimentale surréaliste qui nous convient bien. Comptabilisons aussi, ou plutôt décomptabilisons les films « d’auteurs » qu’il faut absolument aimer aussi, sous peine de lèse-majestés, comme le dernier Tarantino, Once Upon a Time in Hollywood, aux thématiques de plus en plus frelatées malgré son talent formel (et non, même pour de rire, on n’égratigne pas aussi grossièrement la légende de Bruce Lee). Idem pour la troupe de retraités gérontologiques autour de Martin Scorcese, The Irishman, dont on a fait grand bruit sur Netflix. Le sujet et les personnages sont plus que surannés et le de-aging numérique d’une grande laideur. Jim Jarmusch pensait peut-être se refaire une santé économique en réalisant un film de zombies avec son The Dead Don’t Die . Mais il ne montre aucun respect au genre et, surtout, enlise ses acteurs dans une forme encore plus fatiguée et neurasthénique que le Scorcese. Un ressassement littéralement poussiéreux de ces auteurs à qui, visiblement, on donne carte blanche. Tout le monde a le droit de vieillir et même de vieillir bien comme en font, eux, la formidable démonstration des Deux Papes de Fernando Meirelles.

L’âge de la relève

Heureusement la relève est toujours là, sinon dans l’âge des metteurs en scène, mais dans leur coeur et leurs intentions. Peter Farrelly n’est pas de la dernière couvée et ses personnages de Green Book viennent d’un autre âge, mais il renouvelle son propre cinéma et y met tellement de coeur qu’il retrouve une seconde jeunesse professionnelle. Une génération en-dessous, Todd Philipps opère lui aussi un virage formel et thématique et nous offre avec Joker le meilleur résumé du malaise actuel de la société. Il a fait rire qui ?

En France, bien sûr, le même constat social est plus littéral et ce n’est pas plus mal. Ainsi Les Misérables de Ladj Ly met exactement le doigt où cela fait mal. Et La Lutte des classes de Michel Leclerc réussit le meilleur film et jeu de mot du moment pour associer lutte de l’école et classes sociales. 

On se plaindra aussi de la quête interminable du père que nous impose James Gray de film en film jusqu’au fin fond de l’espace. Mais formellement, Ad Astra est un film sensuel qui s’écoute autant qu’il se regarde. Enfin, dans un film à la plastique impressionnante, l’affrontement pour le pouvoir entre Marie Stuart et Elisabeth 1 sans se préoccuper plus que ça des hommes, Mary Queen of Scots devient de facto le film le plus féministe de l’année.

Alita Battle Angel

De battre mon coeur a continué en 2019

Puis-je m’autoriser, au risque du ridicule, à clamer mon coup de coeur pour Alita : Battle Angel ? Parce que malgré ses défauts, son côté gnangnan enfantin greffé plus ou moins exprès par Robert Rodriguez sur le projet pourtant sérieux de James Cameron, il en reste quelque chose. Le personnage motion capturé d’Alita elle-même de toute beauté, quelques scènes d’action et quelques plans neo noir steampunk. On a encore le droit d’aimer un film pour sa plastique. Et non, on ne mettra Terminator : Dark Fate ni dans les ratages ni dans le podium. Il se laisse regarder avec plaisir, il n’était juste pas utile d’exister. Surtout pas pour broyer en 5 mn d’introduction toute la mythologie passée du diptyque Cameron. C’est ce qu’on appelle une faute originelle. Mais elle ne froisse que les spécialistes concernés de la saga. Et comme semble le démontrer le box office décevant du film, cela ne concerne qu’une frange limitée et vieillissante de l’audience. 

Idem pour Avengers : Endgame. Ce n’est pas parce que le film a battu et Titanic et Avatar au box office que cela en fait un grand film. Sans tomber dans le délire auto-défensif de Scorcese, Coppola, Ken Loach et maintenant Terry Gilliam, les films Marvel sont bien du « cinéma », au moins autant qu’un film de gangsters ruminants, mais ils ne sont pas pour autant des chefs d’oeuvre immortels du 7e Art. Un peu de modération de part et d’autre serait bienvenu. Le plus grinchant dans tout cela est d’entendre maintenant, en 2019 enfin, tous ces vieux talents contester la puissance hégémonique Disney sur la production, les dates de sortie, la réservation des studios et des plateaux, et certainement des équipes d’effets spéciaux ! Où étaient tous ces vénérables râleurs quand Disney a racheté Marvel, puis Star Wars, puis la Fox. Et même Pixar auparavant, devenu depuis une machine à radoter. Il me semble que c’était au moment de ces acquisitions qui bâtissaient le méga monstre d’aujourd’hui qu’il fallait se manifester. Mais peut-être qu’ils se sont manifestés. Où qu’ils n’ont pas vu venir le monstre tout occupés à préparer leur prochain film. À ceux là, Netflix, Amazon (vous avez vu l’inédit The Report avec l’incontournable Adam Driver ? Lourd et didactique, mais politiquement engagé) et même Apple, leurs tendent les bras. Donc aucun talent ne se perdra vraiment.

Serial killers

Ce qui est certain en ce qui me concerne, au-delà des statistiques et des polémiques sur les modes de visionnage et de distribution, les séries, en l’occurrence les mini séries complètes, ont complètement pris la main sur le cinéma cette année. Même s’il y a eu aussi des bides haut de gamme comme la saison 2 de Big Little Lies, complètement inutile et réchauffée.
Le service Apple TV + est arrivé avec une poignée vraiment réussies de séries. Dickinson (enfin une héritière pop rock féministe du Marie Antoinette de Sofia Coppola), For All Mankind, The Morning Show et même See, dont la forme rattrape le fond un peu idiot, réussissent leurs paris sous des formats bien différents. Diffusée sur Amazon Prime Vidéo, la série Modern Love perpétue mieux qu’au cinéma la culture rom com new-yorkaise analytique tirée de la cuisse de Woody Allen. La saison 2 de Fleabag prend une épaisseur inespérée qui va de pair avec le talent grandissant de Phoebe Waller-Bridge. Euphoria est un Sex Education 2.0 brûlant et, on ne va pas citer toutes les séries, The Boys est le meilleur antidote à l’invasion impérialiste des super-héros du cinéma. 

François Bliss de la Boissière

Dickinson


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