iPad Mini : Extension du domaine du jeu

Sans être tout à fait une surprise, l’iPad Mini révèle un potentiel sans limite repérable. Nouveau standard de tablette, remplaçant de l’iPad traditionnel, tueur de liseuses numériques et des mini tablettes Android ? Tout cela et même plus, comme d’être en situation de devenir la console portable du marché qui renversera pour de bon les autres. Ce qui déchainera les passions…

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Sidération…

Steve Jobs n’en voulait pas et il faut continuer de donner raison à son intuition visionnaire. Deux ans et demi séparent ses déclarations et la sortie de l’iPad Mini. Une éternité sous le tempo du tic-tac emballé de l’horloge numérique. Aujourd’hui, l’évidence physiologique de l’iPad Mini contredit moins le gourou d’Apple qu’elle ne conforte et prolonge son flair. À chaque moment du temps et de l’espace son point de convergence. L’iPad 1 avait sa raison d’être dans le paysage numérique il y a deux ans, l’iPad Mini a la sienne aujourd’hui. Steve Jobs en aurait sans doute convenu. L’entreprise orpheline Apple a en tous cas pris sans lui cette décision importante à plus d’un titre. L’iPad Mini est notamment la première création d’un appareil Apple qui n’aura été ni souhaité ni conçu par Steve Jobs. Même si bien d’autres considérations économiques sont à l’origine de la naissance de l’iPad Mini, du point de vue simplement empirique de l’utilisateur, Apple a eu raison de s’émanciper. Car après la stupeur de tenir un iPad aussi léger, nait la réalité bien concrète de l’usage. Et, contre toute attente, l’iPad Mini trouve sa place dans le quotidien de la vie numérique sans nécessairement phagocyter l’iPhone ou l’iPad traditionnel.

Logique de la généalogie numérique

Quand le premier iPad a été présenté au monde en 2010, l’ambassadeur d’un futur post… ordinateur de bureau (attention à ne plus vexer les ténors du monde PC au risque de les pousser à refaire… Surface) devait frapper l’esprit et les sens. Son généreux format A4 entre les mains affirmait sans conteste la « magie » de ce nouvel avatar de la révolution numérique en cours. Le rapport surface d’écran et finesse de la machine (y compris du lourdaud premier iPad sans équivalent en 2010) avait le pouvoir de créer un choc sensoriel, de bousculer la programmation des cerveaux calés sur le format des écrans de smartphones ou d’ordinateurs de bureau. Tout à coup les magazines, les eBooks, Youtube, Internet dans son intégralité (sauf le controversé Adobe Flash bien entendu) et les jeux vidéo s’affichaient dans une toute nouvelle splendeur digitale, surtout intimement saisie par les mains. Le statut naturel de cahier numérique endossé par l’iPad réduisait le populaire iPhone à l’état de carnet de notes et s’imposait, pour les consommateurs assidus de contenus digitaux, comme un grand frère complémentaire chez soi, au bureau, ou au café. Une évidence pratique qui se découvre chaque jour en se substituant carrément à des usages professionnels : présentateur TV équipé d’un iPad (maquillé) à la place d’une pile de fiches, chef d’entreprise lisant son discours sur un iPad, conférenciers, médecins, aviateurs, banquiers, commerciaux, photographes, artistes… et bien d’autres. Quelques 100 millions d’exemplaires vendus plus tard, l’iPad est devenu un standard du monde informatique, c’est à dire de l’usage quotidien du numérique.
Néanmoins, malgré son apparente portabilité, notamment depuis la version 2 plus franchement slim, la taille et le poids (601 à 652 g) de la tablette 9,7 Apple deviennent handicaps au moment de vraiment l’utiliser en mobilité. L’iPad se transporte d’un endroit à l’autre pour être utiliser à un endroit ou à un autre mais malgré de nombreuses tentatives, il n’arrive pas sincèrement à rejoindre un usage mobile. Trop lourd trop encombrant trop voyant. Dès qu’il met la main sur un iPad Mini, un usager d’iPad standard ressent un choc physique presque irréel. Les dimensions si radicalement réduites d’un outil si familier (presque moitié moins lourd) déclenche un premier rejet d’incrédulité avant d’ouvrir grand les fenêtres de possibles déçues de l’iPad 1 et 2.

Tablette reboot

Qu’Apple l’ait envisagé ou pas, l’iPad Mini déclenche une totale réévaluation des usages de l’iPad traditionnel. Le mini offrant exactement les mêmes services à travers le même catalogue de 275 000 applis, il ne faut pas longtemps pour mesurer celles qui gagnent au change de la réduction. Première évidence, la lecture de livres numériques. Le format 200 x 134,7 mm le rapproche de celui d’un livre et son demi poids, plus léger encore en ressenti que sa pesée réelle (308 g), permet vraiment de le tenir d’une main sans fatigue. Y compris en position horizontale puisque le cadre étroit ne laisse pas beaucoup de marge pour le tenir en vertical. Les sessions de lecture allongé sur canapé ou dans le lit avec un iPad normal deviennent brusquement des souvenirs douloureux. Testé dans la rue grâce au partage de connexion 3G via Wi-Fi d’un iPhone, l’iPad Mini, même seulement Wi-Fi, devient de facto l’écran GPS de préférence. Facile à dégainer d’un sac à main, beaucoup plus intuitif à tenir là aussi d’une main que l’iPad, il n’encombre pas la marche à pied ni les mains. Son écran nettement plus généreux que l’iPhone devient, tel un GPS automobile de luxe, un vrai guide visuel en marchant là où le petit écran de l’iPhone oblige l’utilisateur à se crisper sur son écran au lieu de regarder son trajet. Grâce à de nombreuses applis, l’iPad fait également office de télécommande d’une installation audiovisuelle à domicile. Les mêmes aptitudes de l’iPad Mini, sans l’encombrement sur la table du salon ou sur les genoux, réinventent et facilitent là aussi l’usage domestique. D’une manière générale, le Mini passe de mains en mains beaucoup plus facilement, s’attrape et se trimballe d’une pièce à l’autre avec une décontraction que ne supporte pas l’autre iPad. L’iPad Mini craint sans doute autant la chute que son grand frère mais sa légèreté la rend moins probable, sa prise en main plus assurée. Chaque nouveau jour de cohabitation une scission naturelle distingue peu à peu les usages avérés et potentiels de chaque appareil.

Mini problèmes

Plus évident à la lecture d’eBooks et d’un certain nombre d’autres pratiques, l’iPad Mini trouve quand même ses limites. Par exemple dans la lecture de magazines ou de quotidiens (le grand argument contre une tablette petit format de Steve Jobs justement). Le ratio d’écran du Mini étant le même que l’iPad 2 non rétina (1028×768 px), les éléments graphiques s’affichent en petit format et, dans le cas de certains boutons de commandes (les + et x de la navigation sur Safari notamment), deviennent plus délicats à déclencher. Rien de choquant pour un utilisateur déjà bien habitué aux miniatures sur iPhone, mais crispant par rapport à l’accessibilité spontanée du « grand » iPad. La saisie de texte au mini clavier virtuel cumule, elle, des avantages et des inconvénients. Les touches plus petites imposent là aussi un exercice de légèreté que sauront maîtriser sans problème les forcenés du speed texto sur Smartphones mais qui éloignent encore une fois l’iPad de la convivialité d’un clavier physique pour la saisie de texte au kilomètre. En revanche, grâce à ses dimensions plus resserrées, les touches du clavier alphanumérique s’accèdent plus facilement et donc plus vite. En particulier celles regroupées au centre de l’écran en position horizontale qui obligent à parfois allonger la main sur iPad traditionnel. Et il en va de même pour toutes les commandes et prompteurs placés au milieu de l’écran. Les audaces ergonomiques du jeu vidéo offrent à ce titre un bon test.

Game changer

Voilà déjà plusieurs années que l’iPhone et son pendant iPhone Touch se comportent comme des consoles portables, quand bien même personne n’ose l’affirmer ainsi, en particulier Apple. Dans leur foulée, les premières générations d’iPad ont magnifié le catalogue de jeux de l’AppStore qui couvre désormais tous les genres, tous les styles et toutes les époques. En s’immisçant entre le petit écran des iPhone/iPod Touch et les grands écrans de l’iPad, le Mini semble encore une fois redondant, bâtard le cul entre deux chaires. À l’usage pourtant, dégager en touche l’iPad Mini s’avère une plus grosse erreur théorique encore concernant le jeu vidéo. Car en réalité, de Angry Birds à Secret of Mana, de Another World à Skylanders, de Lazy Raiders à Need forSpeed, l’iPad Mini devient la première vraie console de jeu Apple susceptible de supplanter toutes les autres. Un danger d’autant plus sérieux pour la concurrence que ce damné iPad Mini arrive encore une fois non déclaré sur le terrain du jeu vidéo. Et que les enfants, déjà scotchés aux iPad et iPhone, ne vont pas s’embarrasser de scrupules culturels made in jeux vidéo traditionnels pour se ruer sur l’irrésistible l’écran de l’iPad Mini.

Le jeu vidéo traditionnel sous pression

L’affaire est grave pour les constructeurs historiques Sony et Nintendo, et dans une moindre mesure Microsoft, que tous les gamers du monde affectionnent, même si officiellement ils nient la menace. En particulier un Nintendo qui joue à l’aveugle de surface tout en allumant des contre-feu aux propositions Apple (3D sur 3DS, manette tablette sur Wii U, écosystème favorable aux développeurs indes sur eShop…). Quelques minutes de jeux sur iPad Mini suffisent sans aucun doute à donner un énorme coup de vieux à la PlayStation Vita et à la 3DS. Et même au GamePad de la Wii U qui se la joue console portable de salon. Nul besoin de se déclarer expert en ergonomie pour saisir à quel point la simplicité, l’éclat et la réactivité de l’iPad Mini remplacent d’une seule vitre lisse tous les efforts « boutonneux » de la concurrence. La finesse de l’appareil entre les doigts, sa vitre à tout faire, son impression de légèreté presque déraisonnable compensée par la sensation de solidité procurée par la coque métallisée, rendent l’appareil bien plus malléable que toutes les autres solutions tout à coup vulgairement mécaniques des constructeurs historiques. Presque n’importe quel jeu devient une évidence sur iPad Mini. La taille de l’écran ouvrant grand, mais pas trop, le jeu, l’écartement des mains et donc la prise en mains bien plus crédible et proportionnée que celle de l’iPad tradi… Toutes les manipulations et formes de contrôle à une ou deux mains deviennent intuitives, mieux, agréables. Si les consoles portables traditionnelles étaient comparées à des épées versatiles prêtes à tous les combats, l’iPad Mini serait un sabre de samouraï. Sous l’autorité de son design, tous les jeux se transforment en expériences pures. Même avec les jeux quelconques, rudimentaires ou mal fagotés. Et, à fortiori, avec un bon jeu, même compliqué par les ersatzs de contrôles analogiques sur la vitre. Une limite ergonomique de moins en moins sensible grâce au génie des créateurs de jeu qui s’adaptent de mieux en mieux à ces nouvelles contraintes et réinventent petit à petit de nouvelles interfaces ou façons de jouer.

Mario acculé

Bien sûr, comme le démontre encore une fois le GamePad de la Wii U, les sticks analogiques et boutons physiques offrent l’expérience de jeu la plus riche. Mais cet héritage ergonomique mécanique des années 80-90 est voué à disparaître. Même si Nintendo semble faire deux pas en arrière avec les interfaces de jeux traditionnelles associées à la Wii U à moitié portable, le GamePad propose bien de jouer, comme la DS et 3DS, en touchant une vitre au doigt ou au stylet. La PS Vita de Sony inclut toujours des boutons mais un jeu Vita porte réellement son nom et son ambition quand il use et abuse de fonctions tactiles rétro verso comme l’attendu Tearaway de Media Molecule. Il suffit de regarder autour de soi pour apercevoir toute une génération de joueurs naître dans et avec les interfaces tactiles. Sans compter le fond désormais commun d’aptitudes gyroscopiques et de reconnaissance de mouvements des appareils dans l’espace, et pas seulement des manettes. À ce petit jeu vidéoludique non déclaré, l’iPad Mini prend instantanément la pole position. Aussi rudimentaires soient-ils aujourd’hui, les jeux de course de l’App Store deviennent de redoutables concurrents avec un iPad Mini jouant parfaitement au volant sans fil là où la taille de l’iPhone ridiculise le geste, et le poids de l’iPad normal plombe l’exercice au-delà de la curiosité. Et puis, tout simplement, l’écran 7,9′ et le piqué (même non Retina) de l’iPad Mini tournent en dérision ceux pourtant courageux de la 3DS XL, de la PS Vita et du GamePad Wii U. Au-delà du matériel, ils restent aujourd’hui encore à Nintendo et Sony des arguments de poids du nom de Mario, Zelda, Pokémon ou Uncharted, Little Big Planet, Gran Turismo qui garantissent, pour l’instant, la fidélité d’une clientèle. Mais Sega, Square Enix, Microsoft, Ubisoft, Capcom, Epic et bien d’autres encore éditent et développent des jeu sur l’AppStore, anciens ou inédits. À quoi s’ajoute une scène indé de plus en plus libre et présente, composée de vétérans du jeux vidéo et de nouveaux venus.

Détournement de tsunami

Même si la première vocation de l’iPad Mini consiste à endiguer le raz de marée de tablettes mini formats inventées par la concurrence, quelques semaines de cohabitation quotidienne avec le petit iPad révèlent avec assez de certitude que le barrage défensif d’Apple va très vite se transformer en détournement du courant. Et ce, encore une fois, contre la plupart des pronostics et le scepticisme à vue courte où se rejoignent professionnels blasés du commentaire et population indifférente ou mal informée et donc légitimement, elle, méfiante. Au cœur d’un modèle de vie numérique actif, bien entendu, les deux modèles d’iPad se révèlent complémentaires au lieu de se concurrencer. L’un et l’autre format ne font que ventiler vers l’écran le plus adapté et le plus accessible sur le moment les apps et services communs de l’écosystème Apple. Logées à la même enseigne que les consoles de jeux vidéo portables, malgré leurs efforts depuis un an pour occuper un terrain ignoré par Apple, toutes les tablettes Android au format 7′ prennent instantanément un coup de vieux avec l’arrivée de l’iPad Mini. Plus lourdes, habillées tristement de coques noires et de plastiques douteux, d’écrans en densité de pixels parfois plus importante que le Mini mais aux contrastes et colorimétries farfelues, animées par un OS Android plus ou moins optimisé mais jamais au point d’offrir une ergonomie et des services fluides, les ardoises numériques Android vont devoir revoir leur plan de conquête. Car l’avantage artificiel d’un prix de vente moins élevé que l’iPad Mini, aujourd’hui, ne résistera pas aux désillusions du vécu lors de l’inévitable renouvellement de l’appareil.

Shock and awe

Contrairement au choc culturel du premier iPad, la stupeur physique et mentale provoquée par l’iPad Mini n’est pas due à son existence proprement dite et programmée par le marché. L’étonnement surgit dans la prise de conscience qu’il reste encore des actes à jouer, que le support tablette n’a pas encore révélé tout son potentiel et que, même en mode conservateur, Apple a visiblement encore seul le pouvoir industriel de changer la donne. Que l’on s’en réjouisse ou s’en inquiète. Une chose plus certaine encore que d’autres, le prochain iPad est condamné à trouver lui aussi cet équilibre matériel improbable entre surface d’affichage, épaisseur, et poids relatif de transport. Un « sweet spot » qu’atteint du premier coup l’iPad Mini en se donnant, en plus, une allure de bijou de poche grâce à son cadre biseauté qui attrape et renvoie, comme l’iPhone 5, des éclats de lumière diamantaire.

Sans jamais vraiment se déclarer plus apte à telle ou telle pratique, sans renier ni l’iPhone ni l’iPad standard, l’iPad Mini s’installe tout naturellement en nouvelle verrière idéale derrière laquelle fouiller le terreau fertile de l’écosystème sous serre de l’AppStore. Une évidence qui fait frémir.

François Bliss de la Boissière

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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