NDE (Near Death Experience) : Prey

Chronique en vue subjective…

Prey vulve

« J’ai vu des choses que vous autres humains ne pourriez croire » lâche dans un dernier souffle le répliquant cosmique Roy Batty à la fin de Blade Runner. Un gamer peut revendiquer la même chose chaque jour. Dernièrement j’ai vu ma fiancée potentielle se faire aspirer par un rayon vert venu du ciel. J’ai assisté, impuissant, à la mise à mort de mon grand-père, chaman un peu fou mais inoffensif, empalé par les machineries infernales d’un sordide abattoir alien. J’ai pleuré sur des loques humaines psychiquement brûlées en train de gémir, en slip, recroquevillées dans des corridors malsains. J’ai évité de justesse les déjections projetées par des anus géants immondes. J’ai croisé des vagins muraux d’où sortaient, ou retournaient en rampant, des créatures innommables. J’ai dû marcher et me battre sur les murs et au plafond alors que Fred Astaire, lui, y dansait dans Royal Wedding en 1951. J’ai été pris au piège dans l’énigme d’un gigantesque et fluo Rubik’s Cube suspendu dans le vide. Aussi incrédule qu’un certain jour de septembre 2001, j’ai vu un avion de ligne venir s’écraser dans le ventre creux d’un vaisseau alien en pleine digestion. J’ai laissé derrière moi un bus scolaire en flammes. J’ai appris à manipuler des armes biomécaniques vivantes et écœurantes. J’ai massacré, pour survivre, des restes d’humanité greffés à des monstruosités extra-terrestres. J’ai piloté des navettes aliens à travers des espaces où l’on ne m’entendait pas crier, marché sur des lunes microscopiques, franchit des portails me transportant instantanément et sans explication d’un endroit à un autre. Moi terrien et rationnel, j’ai dû abandonner mon corps physique, me déplacer sous forme éthérée et faire confiance à un faucon, lui aussi réduit à sa forme astrale. Terrassé d’horreur, j’ai attendu et espéré, attendu et encore espéré un miracle avant d’achever de mes propres mains euthanasiques ma fiancée qui n’en finissait plus d’agoniser. J’ai joué Prey, et j’ai prié, oui prié, pour avoir ma vengeance. Et je l’ai eue.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’Art)

 


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Brando reloaded

Marlon Brando était un phénomène de son vivant et va sans doute continuer de l’être dans la mort. Décédé en 2004, l’acteur monstre n’a pas dit son dernier mot. On aurait dû s’en douter. Mort, mais finalement pas enterré, grâce aux nouvelles technologies l’homme facétieux fait un come back artistique qu’il n’aurait jamais assumé de son vivant.

Marlon Brando The Godfather (DR)

Tel un Elvis Presley, aperçu encore aujourd’hui ici ou là, Brando pouvait-il vraiment mourir ? Car, « bigger than life », l’acteur fait mieux que ses congénères immortels du royaume argentique : il réussit post-mortem à s’installer dans une nouvelle durée en s’invitant par une géniale intuition non préméditée dans l’ère digitale. Ressuscité par les nouvelles technologies, Brando se paie un come-back deux ans après sa mort sur les fronts simultanés du cinéma digital (Superman Returns), du jeu vidéo (Le Parrain, bientôt sur Xbox 360 et PSP) et du DVD avec la réédition d’Apocalypse Now agrémentée d’une scène inédite.

Super Brando

Précurseur de l’ère des guest-stars, l’acteur, déjà en pré retraite, accepte de jouer en 1978 le rôle du père de Superman en échange d’un cachet de plusieurs millions de dollars. A l’époque, Brando vient ouvertement ramasser un gros cachet dans un film commercial, et éphémère. Pourtant, aussi trivial que cela puisse paraître ces années là, l’acteur se taille, à l’insu de tous, une nouvelle tunique d’immortalité. Dans le film de Richard Donner, son personnage de Jor-El meurt et ressuscite partiellement en hologramme pour répondre aux questions de son fils Kal-El / Superman. Dans la bande-annonce du récent remake inavoué Superman Returns réalisé après la mort de Brando, la réutilisation de sa voix spectrale cautionne tout à coup le projet et l’élève vers une dimension métaphysique. « Lors du premier film, il a enregistré des mots dans un microphone mais pas devant la caméra », explique le Dr Frankenstein cinéaste, Bryan Singer, « la silhouette de Jor-El à nouveau projetée dans les cristaux de Krypton a été recréée à partir de photos granuleuses de Brando puis animée en plusieurs dimensions ». Un Brando d’outre-tombe, d’outre-espace et d’outre-temps convié à ressusciter un mythe moderne auquel, contre tous les pronostics, il restera autant attaché qu’à ceux des films d’Elia Kazan, Mankiewicz, Bertolucci ou Coppola.

Parrainage digital

D’après Phil Campbell, producteur du jeu vidéo Le Parrain chez Electronic Arts, Brando était spontanément intéressé par les nouvelles technologies quand il a accepté de participer à cette adaptation interactive. « Il avait une faculté d’émerveillement enfantine, il ouvrait grand les yeux en imaginant ce qui allait le surprendre et le réjouir dans le futur », confie Campbel. Le jeu vidéo utilise ainsi le physique et la voix originale de Brando dans le rôle de Don Corleone et de nouveaux dialogues enregistrés avant sa mort. Brando existe dorénavant sous une forme polygonale numérique propre à résister au temps et à s’adresser, comme Jor-El, à de nouvelles générations.

Immortels

Même si elles font entrer Brando dans une nouvelle immortalité digitale susceptible de prolonger celle de la pellicule argentique, ces esquisses de parrainages posthumes ne suffiraient pas à entériner le retour de Brando. Pour confirmer sa présence parmi les mortels, il faut le retrouver bien visible à l’écran en pleine maîtrise de son art. C’est acquis : cet été, Apocalypse Now (The Complete Dossier) est ressorti en DVD aux Etats-Unis accompagné de nouveaux suppléments. On y trouve une version longue (17′ au lieu de 1’30) de la scène à l’origine expérimentale où Brando, le Colonel Kurtz, lit le brûlant poème The Hollow Men de T. S. Elliot.
Dans les années 90, Alain Delon écrivait dans la revue La Règle du jeu : « Dieu fasse que Brando se porte bien… S’il lui arrivait quelque chose, ce serait la vraie fin. Et, ce jour-là, je serais cliniquement mort ». Delon a donc oublié ? Les stars du cinéma ne meurent pas vraiment. Plus vivant que jamais en 2006, Highlander parmi les Highlanders, Marlon Brando, désormais virtuel, est peut-être en passe de confirmer qu’il reste le « meilleur acteur de tous les temps ». Suite de la mutation en 2007 : en pleine renaissance numérique Brando interprète, enfin, dans le film d’animation Big Bug Man, son premier rôle de femme.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’art)

 


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Cloning Clyde : douce schizophrénie

Après plusieurs mois sans nouveauté, le service Live Arcade de la Xbox 360 a vu arriver un jeu par semaine cet été. Parmi les grands classiques (Pac-Man, Galaga, Frogger, Street Fighter II Hyper Fighting), l’inédit Cloning Clyde est à découvrir d’urgence. C’est facile, tous les jeux disponibles en ligne sont jouables gratuitement en version limitée (et ne coûtent, comme Cloning Clyde, que 10 € l’achat pour la version complète).

Cloning Clyde
Qu’est-ce donc que ce Cloning Clyde ? Sur la forme, un jeu de plate-forme-réflexion où il faut sortir du niveau avec le plus de congénères « clonés » possibles. Les personnages se dirigent alternativement et leurs aptitudes variables servent à débloquer les différents mécanismes qui entravent le trajet vers la sortie. Le tout se joue en coupe de profil dans un univers graphique cartoon en volume parfaitement adapté à l’ambiance souhaitée. Le gameplay rétro et parodique rappelle, en plus décontracté, les Lost Vikings de la SuperNintendo (92). Avec sa maîtrise technique et son game design réfléchi le jeu respecte complètement le joueur appliqué mais s’apprécie vraiment grâce à son 2e degré. Le principe de démultiplication du personnage conduit, via des petits messages dans le décor, à des dialogues entre le moi et le surmoi de Clyde qui entraînent le joueur dans une douce schizophrénie. Et les mutations nécessaires du rigolo, et fou de kung-fu, Clyde avec des animaux (poule, mouton, singe, grenouille…) ou, franchement plus explosif, avec un tonneau de poudre, déclenchent des soubresauts de burlesque totalement jubilatoires.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’Art)

 


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