Gunman Clive : Le nouveau (rétro) western

Chacun le sait, en l’absence de budget les idées comptent davantage. Essentiellement graphique, la radicalité conceptuelle de Gunman Clive redonne à jouer le classicisme d’un jeu de plate-forme et de tir sous la forme d’un dessin animé au crayon évoquant les origines de l’animation. Malin, le contexte western pas si usité, suggère en parallèle le côté pionnier de la démarche.

Gunman Clive close up

Bien masqué par le trait quasi monochrome, le game design déroule de gauche à droite les grands classiques du jeu de plate-forme 2D. Entre hommage et simple décalque, il met en scène un petit cow-boy qui doit esquiver les balles des autres cow-boys embusqués qui derrière une caisse, qui sur le toit du saloon. Les ennemis humains, bientôt rejoints par des animaux, se contentent de faire des allers-retours sur une portion du décor tout programmés qu’ils sont pour gêner le parcours (canards), agresser frontalement (pumas) ou du ciel (cigognes larguant des explosifs), ou lancer des bâtons de dynamite (humains). Le parcours d’obstacle exploite avec logique le décor minimaliste d’une ville de western et de ses cactus parfaitement mis en valeur par la vue de profil et le scrolling horizontal. Très vite cependant les clichés du jeu vidéo reprennent la main : piles improbables de caisses, échelles allant nulle part plaquées contre les murs, plateformes suspendues et mobiles, trappes au rez-de-chaussée comme dans les étages d’où surgissent des tireurs, et cow-boys géants surarmés en boss avec lesquels il faudra danser rien qu’avec son six coups…

Jeu analogique

Sans trahir ni vraiment assouplir la manœuvre, le pad virtuel à gauche n’autorise que le tir à l’horizontal. Même si le petit cow-boy peut s’accroupir et sauter pour essayer de caser une de ses trois balles (rafales de base ainsi limitées) dans le buffet d’un tireur caché derrière un paravent, cette contrainte se ressent comme une injustice puisque les ennemis, eux, ne se gênent pas pour viser en diagonale. Une jauge de santé permet d’encaisser quelques coups mais elle ne résiste pas longtemps à des volées de balles pas toujours faciles à anticiper. On retrouve, ou on réapprend, les réflexes consistant à s’accroupir ou sauter en tempo pour laisser passer les balles au-dessus ou en dessous avant que son pistolet soit lui-même dans l’axe de la cible. En s’évaporant, certains ennemis relâchent des items (bonbons, gâteaux…) redonnant un peu de santé ou apportant aussi des améliorations au colt. Celui-ci devient alors provisoirement capable de projeter plusieurs balles simultanément dans plusieurs directions, voire des balles aimantées qui débusquent l’ennemi planqué ou rattrapent celui qui se déplace.

B.a.-ba du jeu vidéo des années 80-90

Petit thesaurus old school du jeu vidéo de plateforme d’hier et du run’n gun light, Gunman Clive n’offre rien de très neuf dans le gameplay. Ses raideurs font écho à celles de la première génération de jeux d’arcade, y compris dans l’échec qui renvoie implacablement au début du niveau, certes pas très long, ou à des checkpoints intermédiaires éloignés nécessitant de refaire inlassablement des portions périlleuses. Retour à la case départ dans tous les sens du terme : logiques de parcours et d’épreuves, réapparition des ennemis à distance, notamment quelques pas derrière soi, répétition, apprentissage par l’erreur. Néanmoins, le troisième essai du jeune développeur suédois, responsable, dans des registres bien différents, de propositions toutes aussi conceptuelles (Helium Boy et Trouser Trouble fait cette fois mouche en osant plaquer un tel style visuel rétro moderne sur un gameplay d’hier. Culotté, réussi notamment grâce aux animations très fluides des personnages, Gunman Clive gifle d’un geste apparemment négligé des années et des kilomètres de dessins et décors clichés du jeu vidéo. Au titre de cette audace artistique, d’une réalisation technique soignée (contrôles et visuels alternatifs intéressants dans les Options), d’une appli petit prix universelle iPhone/iPad (mais pas de sauvegarde partagée), et de la sincérité nostalgique de son gameplay, Gunman Clive mérite un coup de chapeau et une salve d’honneur.

Par François Bliss de la Boissière

Sur iPad et iPhone

Les plus…

  • Le trait et l’animation crayonnés
  • L’adéquation pionnière du western et du « sépia »
  • Retour aux sources gameplay 8 bits
  • Le western et son cow-boy

Les moins…

  • Difficulté old school rageante
  • Pas possible de tirer en diagonale
  • Les ennemis reviennent même derrière
  • Boucle musicale et bruitages trop maigres
(Publié le 18/05/2012 sur Hitphone.fr)

 


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Vectrex : Retour de la console atypique des années 80

La première console de salon à déporter le jeu vers un 2e écran n’est pas la Wii U de Nintendo mais la Vectrex distribuée par General Consumer Electric en… 1982 ! Et parce que la Vectrex était équipée de son écran, l’appli du même nom est la première à totalement reproduire sur iPad l’expérience non seulement des jeux mais de la machine elle-même !

Avec son écran incorporé, sa manette intégrée (elle se rangeait DANS le casier de la console/écran) et sa technologie vectorielle dépouillée radicale osant se détourner du graphisme bitmap brouillon mais coloré popularisé par la fameuse Atari 2600 et tous ses suiveurs (Intellivision), la console Vectrex avait dû surprendre à son époque par son audace, son culot même, et son prix forcément plus élevé. Elle avait tellement d’avance sur son temps que le design de son boitier incluait l’équivalent d’une poignée pour la transporter, détail pratique que l’on verra deux ans plus tard sur le tout premier ordinateur tout en un, le Macintosh d’Apple et même, 28 ans plus tard, sur le fameux tout en un, iMac du même Apple. Mais du coup, comme toutes les choses un peu singulières et un peu rares (distribution hasardeuse des jeux à l’époque en France), elle n’a pas dû manquer de faire l’objet d’un culte.

Culte jusqu’au fétichisme

C’est d’ailleurs la première conclusion à laquelle conduit l’appli Vectrex compatible iPhone mais qui prend vraiment sa mesure sur iPad standard. Car celle-ci ne se contente pas de copier à l’identique le catalogue de jeux. Elle va jusqu’à reproduire avec un mimétisme confondant toute l’expérience visuelle, sonore, et ergonomique de la machine. On ne glisse pas une cartouche dans l’iPad pour lancer un jeu mais c’est tout comme. Des photos hautes résolutions montrent une étagère où s’alignent les boites de jeux au-dessus d’une console posée sur un bureau. Un touché du doigt affiche en gros plan un scan de la boite du jeu retenu avant de plaquer sur l’écran de la console un des fameux caches en plastique associé à chaque jeu. L’expérience est troublante de fidélité et de soin. Nous sommes dans une zone de qualité affective allant bien au-delà des besoins techniques de reproduction. Plus qu’un fac-similé fétichiste, il y a là une sorte de volonté de réhabilitation, de refaire vivre toute l’expérience singulière de la console d’alors et pas seulement des jeux. Parce que l’expérience de chaque jeu Vectrex était intimement liée à la technologie, à l’ergonomie de la console et au rapport intime qu’elle générait avec son écran individuel.

L’arcade à domicile

Seule dans sa catégorie grâce à son écran et à sa technologie d’affichage vectorielle, la Vectrex reproduisait à domicile une expérience de salle d’arcade que les autres consoles de salon de l’époque reliées aux télévisions ne pouvaient vraiment dupliquer. L’écran vertical et autonome face à soi, la manette équipée à la fois de quatre boutons bien alignés et d’un mini stick analogique, la vitesse d’affichage et de déplacements des éléments à l’écran qu’autorisaient les formes vectorielles minimalistes moins gourmandes en calcul… autant de détails singuliers que l’adaptation presque littérale sur iPad réussit à faire renaître. Notamment, on l’imagine, en utilisant le mini cabinet iCade compatible (hélas non testé). En l’état, simplement avec la vitre de l’iPad, le choc est déjà grand. Parce que, tout en respectant la haute définition d’aujourd’hui, les fameuses lignes vectorielles s’affichent avec une clarté exceptionnelle sans adoucir leurs raideurs originales. Les écrans de chargement de la console ou de chaque jeu se calent, semble-t-il, aussi sur le même rythme que la console de 1982 qui était là aussi plutôt performante.

Émulation tactile impossible

Puisque d’un point de vue visuel, sonore et environnemental, l’appli duplique sans faillir les conditions originales, le vrai challenge consiste à tenter de reproduire aussi les conditions de contrôle. Le résultat, malheureusement, convainc moins. Le bas de l’écran totalement occupé par l’image du jeu affiche en surimpression les 4 boutons de la manette et sur la gauche un cercle tentant de symboliser le contrôle analogique du stick. Fixes, les 4 boutons chevauchent le cache en plastique du jeu (l’overlay en anglais) et gâche un peu l’esthétique d’ensemble. Comme dans la proposition des années 80, le cache devant l’écran sert à donner quelques couleurs (ici éclatantes) à l’image vectorielle monochrome et, dans certains jeux, à esquisser ou embellir des contours de terrain. L’appli permet d’enlever ce fameux revêtement plastique transparent à volonté et les 4 boutons semblent alors mieux intégrés sur la ligne horizontale du cadre. En revanche, leur espacement réduit complique lourdement la fidélité des contacts sur une vitre lisse sans repère. Car les jeux plaquent sur chacun d’eux des actions parallèles la plupart du temps (tir, accélération, téléportation instantanée, boost…). Et contrairement aux boutons des pads de consoles qui se pratiquaient plutôt avec les pouces, la manette Vectrex se posait sur la table pour être manipulée comme un piano avec quatre doigts de la main droite. Une prise en main proche aussi de l’arcade ou des micro-ordinateurs pilotés au clavier.

Position arcade sinon rien

L’iPad tenu en mains, ce sont les pouces qui sont sollicités et il faut quitter l’écran des yeux pour trouver leur marque. À moins de jouer en posant l’iPad sur une table, ce qui semble peu probable puisque le Vectrex avait adopté un format vertical. Mais le plus incontrôlable reste encore le stick analogique virtuel sur la main gauche. Très souvent celui-ci sert à faire tourner sur son axe le vaisseau, tel celui de MineStorm perdu au milieu de son champ d’astéroïdes, ou de Solar Quest aspiré par l’attraction du soleil, mais sans repère tactile, le doigt glisse désespérément d’un bord à l’autre dans l’espoir de trouver le point de réactivité. Le fait que l’icône du stick puisse être placée n’importe où sur l’écran embrouille la manœuvre au lieu de la faciliter. Curieusement, bien que tous les éléments graphiques soient bien trop petits à l’écran, le compromis de la prise en main sur iPhone fonctionnerait presque mieux puisque les 4 boutons occupent tout le bas de l’écran et obligent cette fois à utiliser le pouce droit tandis que le gauche se place n’importe où pour actionner les contrôles analogiques.

Rythme et raideur des années 80 inclus

Même si, de mémoire, chaque jeu est plutôt ramassé et donc court par rapport aux standards d’aujourd’hui (modes deux joueurs alternatifs originaux inclus), le niveau élevé des challenges reste associé à la raideur ergonomique des années 80 (et aux besoins goulus des machines à sous qu’étaient les bornes des salles d’arcade). À quoi s’ajoute involontairement la translation impossible sur des contrôles virtualisés à l’écran. Pour jouer vraiment pour de bon, aller au devant du score, l’afficher sur un joli tableau noir aux côtés de ceux de ses amis (fonctions non actives sur version, par ailleurs complète, fournie par le développeur), il faudra vraiment se diriger vers l’accessoire iCade qui fera grimper la facture (100 euros environ).

Vectrex Regeneration

L’appli Vectrex 2012 se présente presque comme un écosystème contemporain. L’appli est offerte avec le jeu MineStorm, un très efficace clone d’Asteroids d’Atari qui était justement inclus directement dans l’OS de la machine. Allumer la console lançait automatiquement le jeu ! Inévitablement pour prolonger l’expérience il faudra passer à la caisse en achetant un premier pack à 5,99 euros contenant 17 des jeux les plus connus et réussis de la console : WebWars (une fuite en avant dans un tunnel que l’on retrouvera plus tard en niveau spécial d’un Sonic, précurseur de la série WipeEout), Starhawk, Star Ship (tir en vue tellement subjective dans l’espace que si un vaisseau ennemi franchit le tir de barrage du joueur, la vitre de la console/cockpit se brise !), Star Castle, Spike (un hilarant détournement de Donkey Kong avec un personnage et sa dulcinée criant au secours grâce à un procédé de synthèse vocale que l’on imagine rare, voire inédit, à l’époque), Solar Quest, Scramble (quasi identique à celui de Konami – alors que la marque n’est pas créditée – tout premier modèle de shoot à défilement horizontal), RipOff, Pole Position, Hyperchase, Heads Up, Fortress of Narzod, Cosmic Chasm (un contre la montre curieusement tempéré dans un jeu de labyrinthe qui exploite la mémoire et les nerfs), Blitz !, Berzerk, Bedlam, Armor Attack (jeu de cache-cache incroyable entre tanks et hélicoptères vu du dessus).

Proof of life

Sur d’autres étagères qui s’affichent d’un glissement horizontal du doigt sur l’écran, l’appli met en scène un espace cassettes VHS avec plusieurs pubs internationales d’époque (dont une française !), une galerie de polaroïds et un court rappel historique de la console (hélas en anglais). Les étagères n’étant pas remplies, la passion et le soin visibles de l’ensemble laissent deviner qu’elles se complèteront dès que l’équipe de développement aura de nouveaux éléments vintage à présenter. Loin de se contenter de devenir le musée virtuel de référence qui se crisperait sur le passé, l’expérience Vectrex va encore plus loin puisque l’équipe développe ou fait développer à une communauté d’enthousiastes des jeux inédits. Pas forcément beaucoup plus accessibles ou inventifs que ceux des origines, mais preuves tangibles d’une envie commune. Quatre d’entre eux sont inclus dans le premier pack à 5,99 euros.

Noblesse de l’émulation

Il ne s’agit pas de prétendre que tous ces jeux vintages soient réellement jouables aujourd’hui sans d’incommensurables efforts. Comme beaucoup de leur cousins des années 80-90 ils ont surtout valeur d’énormes curiosités historiques, pour la nostalgie, l’étude ou, le plus important finalement comme l’a démontré l’exposition de prestige Game Story à Paris en 2011 : la mémoire historique et culturelle du jeu vidéo. À ce titre, l’appli Vectrex est non seulement exemplaire mais indispensable.

On aime…

  • L’expérience Vectrex globale reproduite à 99 %
  • Soin et respect absolus dans la présentation
  • Évolutif avec prochains packs vintage et jeux inédits

On aime moins…

  • Rotation à 360° du stick analogique virtuel très problématique
  • Pour jouer sérieusement il faut investir dans le cabinet iCade
  • À terme, l’addition peut devenir salée

Note : 4/5

Vectrex

Plate-forme : iPhone & iPad
Editeur : Rantmedia Games Ttd
Développeur : Rantmedia Games Ttd
Version testée : 1.1.0 (24/11/2012)
Langue : Anglais
Taille : 131 Mo
Prix : Gratuit + pack intégré 5,99 €

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2012 sur Hitphone.fr)

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