Assurément, Prey n’est pas un FPS comme les autres. Un constat vérifiable même sans jouer en relevant les écarts d’appréciations au sein de la critique anglo-saxonne.
L’inquiétante disparité des avis s’éclaircie toutefois quand on comprend que les réserves proviennent essentiellement des spécialistes du genre FPS. Souvent arc-boutés à leurs PC comme derrière une mitrailleuse, ces pratiquants ne jaugent visiblement un FPS qu’au sens sportif strict, sur le degré de résistance que leur procurent les gunfights.
Une des qualités principales de Prey est de justement ne pas s’intéresser à ce besoin de prouesse physique là. Le jeu préfère cultiver la science de l’immersion, de la manipulation psychologique, la personnalité des protagonistes (très bonne VOST), le rythme de l’aventure, la cohérence de l’enchaînement des séquences et des décors. Comme Halo avec son bouclier rechargeable, Prey s’invente un système de récupération d’énergie intimement lié à son scénario et à ses aspirations mystiques. Dans le jargon du hardcore gamer cela veut dire « vies illimités », une hérésie donc. Pour tous les autres candidats cela signifie, enfin et sans connotations péjoratives déplacées : accessible. L’intérêt de Prey est donc volontairement ailleurs.
Dans le déroulement de son histoire qui transforme peu à peu une série B en épopée personnelle : séquestré dans un vaisseau alien abattoir à humains, un indien d’Amérique en rupture de ban devra renouer avec son héritage spirituel Cherokee pour espérer retrouver sa fiancée. Dans le raffinement d’un level design particulièrement pensé par Human Head Studios où il faut jouer avec les lois de la gravité ou franchir des « portails » zappant instantanément d’un endroit à l’autre. Le jeu ouvre ainsi des perspectives ludiques vraiment inédites. Preuve ultime que Prey tient l’idée en passe de devenir de facto une nouvelle étape dans l’évolution du FPS, le respecté studio Valve vient d’annoncer un chapitre Portal exploitant cette trouvaille à la fois technologique et de game design pour la suite de la saga Half-Life 2.
François Bliss de la Boissière
(Publié en septembre 2006 dans Chronic’art)