Depuis Starfox 64 on n’avait pas vu ça. Un shoot’em up créatif sort la Nintendo 64 de sa langueur. Disponible au Japon, sa sortie en occident n’est pas assurée. Ce serait dommage, très dommage…
Annoncé par surprise en août, Sin & Punishment est sorti comme un éclair en décembre dernier (2000) au Japon. Réalisé discrètement par des habitués du shoot’em up de qualité (Treasure), Sin & Punishment est moins subversif que son titre veut le faire croire. Après quelques parties, une évidence s’impose, la réalisation est brillante, la variété du jeu énorme. Malgré une dizaine de Continue(s) qui ramène à la dernière section, la difficulté est élevée, c’est ce qu’on attend d’un jeu de tir, mais grâce à une maniabilité souple et agréable, le jeu devient rapidement addictif et on recommence autant de fois que nécessaire.
Une idée à chaque plan
Utilisant un principe de jeu qui semble limité sur la papier (on ne contrôle pas le personnage mais la visée de son arme), Sin & Punishment s’offre le luxe d’une variété de comportements que pourrait lui envier de nombreux jeux. Trois héros hyper stylés, Saki Amamiya, Airan Jo et Achi se lancent dans une histoire post apocalyptique aussi scénarisée que typiquement manga japonais. Des cyber-insectes géants sillonnent le ciel, la mégalopole est aux mains de commandos surarmés et de robots transformistes, les héros ont la mèche longue et rebelle, le short court, la réaction vive. Dès les premières scènes intermédiaires, dialoguées en anglais et sous-titrées en japonais, la personnalité singulière du jeu se fait sentir. Les personnages s’expriment avec des phrases complètes, ont des silhouettes audacieuses et posent, ça va de soi, comme des cover-girls.
Aux limites du confortable
Les premiers pas actifs dans le jeu sont déconcertants, voir frustrants : un des héros court vers le fond de l’écran, au devant du danger, et il est impossible de le ralentir. Rapidement, des formations de gros insectes viennent le survoler et la seule chose à faire est de viser avec la manette analogique et de tirer avec la gâchette Z. Curieusement les bruits des tirs et des explosions sont assez sourds, semblent manquer d’impact. Une heure de jeu plus tard, les oreilles bénissent la bande son qui n’écorche pas les tympans et permet de continuer sans crispation. La souplesse remarquable de la manette analogique vient ensuite confirmer que Treasure est là pour nous proposer un jeu d’adresse et de tir qui laisse le joueur dans un confort ouaté. Une expérience peut-être un peu trop sage pour les habitués aux secousses et bruits stridents de l’arcade mais qui ne violera pas l’intimité d’une chambre ou d’un salon.
Force tranquille
Attention, si l’interface évite d’agresser directement le joueur, il s’agit là d’un calme apparent. Fidèle à la formule de base, le jeu demande réflexes et précision pour viser, patience pour recommencer car les sections subissent un compte à rebours. Les déplacements du viseur semblent d’ailleurs trop lents au début par rapport aux nombreuses agressions à l’écran. Après plusieurs tentatives cependant, une fois que l’on sait où viser, le jeu, et le joueur, trouvent finalement un équilibre. Quelques fractions de secondes d’anticipation sur les cibles et les évènements en cours ou à venir font la différence et le viseur souple trouve son efficacité. Pour retrouver ce mélange de précision de tir, de rapidité sans l’hystérie habituelle liée aux shoot’em up, il faut remonter à Starfox 64 (Lylat Wars en Europe, de Nintendo). L’extrême variété des situations, qui englobe autant les ennemis mobiles que les décors, les axes de vues et les déplacements du héros, rappellera aussi la richesse du meilleur shoot’em up de Nintendo.
Même les décors sont hostiles, ou utiles
Très vite, dès la deuxième séquence, viser et tirer ne suffisent plus. A moins d’être passé auparavant par le Training Mode on découvre alors peu à peu les diverses commandes à disposition. Si le pistolet laser à répétition est susceptible de détruire un certain nombre d’obstacles sur le parcours forcé, certains éléments de décor nécessitent d’être contournés. Les boutons C jaunes gauche et droite permettent finalement de déplacer latéralement le héros, une rapide double pression et il fera même un petit roulé boulé bien utile pour éviter les chutes de corps intempestives. Idem pour le bouton du saut (R) qui, pressé deux fois, provoque un double saut. Quand certaines sections arrêtent la course en avant du personnage pour faire face à un obstacle majeur comme un Boss ou une armée de gardes, ses fonctions de mobilités latérales deviennent indispensables. Même si la course aux power-ups est limitée à la santé, à du temps supplémentaire et à des points (ce n’est vraiment pas le but du jeu), la diversité des situations oblige à viser à ses pieds (lasers rasants) comme à l’horizon.
De nombreux points de vue
Selon les circonstances, le jeu sait varier les perspectives avec bonheur. Les ennemis sont souvent devant, mais de grosses machines volantes surgissent sur les côtés et, à la Panzer Dragoon (sur Saturn), la caméra montre franchement ce qui se passe à droite du héros qui doit agir en conséquence. Parfois à ciel ouvert, les cibles au loin sont plus ou moins « actives » selon leur distance du héros. Des engins au vol anarchique et rasant surgissent de derrière le personnage, lui passent au-dessus, puis devant avant de repartir dans des directions imprévisibles. Des vols d’étranges oiseaux sauvages non identifiés viendront zébrer l’horizon entre deux buildings avant de se poser en nuées devant le pauvre héros débordé. Il faut savoir éliminer des armes dans le décor, démolir à temps certains pans de décor qui détruiront d’un coup un groupe d’ennemis. Quand il faudra franchement slalomer entre de gros murs en utilisant les boutons de « straff », on aura complètement oublié que le personnage court tout seul. Ce n’est définitivement pas un shoot avançant dans un décor précalculé.
L’héritier de Starfox et de Contra
En se passant pourtant de l’Expansion Pack de la N64, le jeu explose graphiquement à l’écran. Incroyable le nombre d’objets et de grosses structures mobiles simultanément ! Sans compter, en passant, qu’il est étrange d’entendre pour une fois des phrases entières dans un jeu sur cartouche. Pour aider à le situer, en terme de gameplay, Sin & Punishment semble réussir un mélange entre Contra (le célèbre SuperProbotector de Konami sur SuperNintendo) et Starfox version Nintendo 64.
Même s’il faudra de la patience pour en venir à bout, et même si on soupçonne que la densité du jeu laisse augurer une durée réelle plutôt courte, Sin & Punishment est un jeu de grande classe. Le shoot’em up était le genre le plus populaire avant l’arrivée des beat’em up (Street Fighter II et autres Mortal Kombat), à l’image de Starfox 64 Treasure a réussit à faire de Sin & Punishment un shoot’em up aristocratique. Bien réalisé, original dans son déroulement, stylisé, et sans doute trop malin, on peut craindre qu’il ne trouve pas un public large. Ce n’est pas une raison pour que Nintendo ne donne pas sa chance en Europe à ce jeu sophistiqué. Sin & Punishment mérite largement d’être découvert.
François Bliss de la Boissière
(Publié sur Overgame le 17 janvier 2001)
Sin & Punishment sur Nintendo 64, réalisé par Treasure et édité par Nintendo. Sorti uniquement au Japon. Sauvegarde des scores internes dans la cartouche. Pas de sauvegarde du jeu dans le mode scénario, il faut recommencer du début à chaque cession. Chaque chapitre réussi devient néanmoins jouable indépendamment pour améliorer ses scores. Deux joueurs simultanés sont possibles en collaboration : un contrôle le viseur pendant que l’autre s’occupe des déplacements occasionnels (gauche-droite et sauts) du personnage. Vibration Pack accepté.