Sans réseau et avec des saccades, l’ambitieux shoot 3D du PC devient sur Playstation 2 un jeu d’action, certes efficace, mais sans envergure. Une adaptation brutale et triste qui ne sert ni la PS2 ni le genre. A jouer, juste pour faire comme si…
Un des très gros morceaux du monde PC est sorti sur Playstation 2 aux USA depuis le 24 novembre. Avec Quake III Arena sur Dreamcast, TimeSplitters sur PS2, et bientôt Half-Life sur les deux consoles 128 bits, l’avènement shoot 3D sur console est définitivement consommé. Enorme monstre en réseau du monde PC, Unreal Tournament est-il à la hauteur de ses ambitions sur Playstation 2 ? Arrêtons là le suspens : non. Mais Unreal Tournament est néanmoins fort jouable.
Unreal Tournament tout seul sans Internet ? Bah…
Sony aura beau dire ce qu’il veut sur la piètre qualité des connections en réseau en 2000, cela ne justifie pas qu’un Unreal Tournament conçu sur PC pour jouer en réseau ne le soit pas du tout sur Playstation 2. Ce n’est pas complètement rédhibitoire grâce à des bots bien sauvages en mode solo, mais presque. Donc non, Unreal Tournament ne se joue pas en réseau sur PS2, en revanche, rien ne vous empêche pour le même prix de jouer à deux en écrans divisés, ça marche très bien. En rajoutant un peu d’argent pour un adaptateur multi-manettes vous pourrez même jouer à 4. En poussant encore plus loin la dépense, avec une deuxième Playstation 2 (!), une 2e TV (!!) et un cable i.LINK, il devient possible de jouer à deux en plein écran. Avec un hub i.LINK, quatre TV, quatre consoles et quatre jeux, il est carrément envisageable de jouer à quatre simultanément. Une configuration onéreuse que l’on verra peut-être un jour dans des salles de jeux en réseau (surtout lorsque l’on pourra jouer à des jeux exclusivement Playstation 2 et non des adaptations de jeux PC). Spontanément, U.T. se joue avec la Dual Shock 2 avec, heureusement, assez de configurations (x10) pour convenir à chacun. Il y a même l’accès au réglage de sensibilité horizontale et verticale des sticks analogiques. Cela dit, pour les puristes du monde PC, un clavier et une souris USB devraient être détectés automatiquement.
Copieux et précis comme un jeu pour informaticien
Un des meilleurs exemples de shoot 3D sur PC, sinon le meilleur en 1999, Unreal Tournament reste un des mieux fournis, sans pour autant s’embarrasser d’un scénario. Comme dans Quake III Arena, il s’agit ici de proposer des affrontements de gladiateurs surarmés dans des arènes uniquement conçues à cet effet. Trois modes originaux viennent allonger la durée de vie des affrontements habituels en Deathmatch : Capture The Flag standard, mais aussi Domination, où il faut défendre certains quartiers d’un niveau en activant / désactivant une borne témoin, et Assaut où des équipes se jettent dans des mini missions chronométrées. Nous sommes ici loin d’un jeu tactique ou d’infiltration, mais ces modes ont le mérite de renouveler un peu les motivations pour tirer sur ses adversaires. Et puis ils ont tous des niveaux appropriés.
Une esthétique fonctionnelle et sans éclat
Sur PC, UT abritait 40 niveaux, la version PS2 est censée en contenir 50 (non, nous n’avons pas encore tout débloqué, c’est bon signe sur la quantité !). Elles vont du plus (trop) simple au début, y compris avec des niveaux de Training pour se familiariser avec les commandes, au plus complexe. Loin des couleurs chatoyantes de Quake III Arena et de son ambiance gothique, les maps d’Unreal Tournament ont une apparence plus modeste, sans doute plus réaliste. Les contextes fréquemment sombres ne s’écartent pas souvent d’une gamme de couleur comprise entre le marron et le gris. Même les couleurs habituellement les plus vibrantes restent docilement encadrées dans cette mélasse tristounette pour des joueurs habitués aux jeux japonais (Nous avons fait un grand effort dans le lot de captures ci-dessous pour garder des images colorées malgré la dominante terne de l’ensemble). Donc, à quelques rares exceptions près, les niveaux n’en jettent pas plein la vue comme Quake III Arena. Les joueurs n’évoluent pas au milieu d’architectures monumentales de cathédrales, et les revêtements des murs ont rarement plus d’audace que de reproduire des nuances de briques. C’est un style économe, un réalisme que l’on peut admettre pour les intérieurs, mais qui atteint ses limites lors des quelques scènes d’extérieurs dans une nature « vide » qui ne ressemble à rien. L’imagination de UT est ailleurs, dans la conception des niveaux.
L’architecture intérieure est le point fort
Il est impossible d’appréhender les niveaux de U.T. dans leur ensemble. De salles en couloirs, de mini ascenseurs en corniches, de bassins d’eau en coursives obscures, la complexité des niveaux est telle, les parcours à l’intérieur si nombreux, que le joueur a l’impression de circuler dans un labyrinthe qui boucle sur lui-même, sans fin. Si les tous premiers niveaux sont basiques, les suivants grossissent et se complexifient d’une façon exponentielle.
C’est justement en connaissant l’architecture des niveaux de U.T. et de QIII que nous nous plaignions de ceux de TimeSplitters (voir Avis (pas si) Express). Id Software (Quake) et Epic Games (Unreal) savent construire des arènes comme personne d’autre. En s’appuyant sur des thèmes réalistes comme des hangars, des quartiers de ville, des intérieurs de vaisseaux spatiaux ou de stations orbitales, les niveaux se déploient au fur et à mesure de leur complexité vers des enchevêtrements infernaux. Grande spécialité de Epic, les sous plafonds avec circuits étroits sur poutres entrecroisées, petits renfoncements dans les murs, autant d’endroit pour se cacher et tenter une embuscade. Mais ce n’est pas Counter Strike, impossible de rester immobile très longtemps sans se faire débusquer par un bot, et, même s’il est possible de lancer des ordres aux bots de son équipe (mode Assaut), en l’absence de jeu en réseau, nous sommes de toutes façons devant un mode coopératif avorté.
Arrêtez de saccader que je puisse viser !
Mais le plus gros défaut est à venir. On sait que depuis le premier Unreal, les projets d’Epic Games sont excessivement gourmands en puissance. Pour tourner correctement sur un PC en 1999, Unreal Tournament demandait, et demande encore, une très grosse configuration. La conversion sur « l’ultra » puissante Playstation 2 aurait dû être l’occasion pour la console de Sony de faire ses preuves et il n’en est rien. Non seulement la définition des textures n’est pas très dense mais elle ne profite apparemment pas de mip-mapping (il suffit de se rapprocher d’un mur pour observer l’abus de flou – tri-linear filtering – et donc l’absence d’une texture plus détaillée à afficher). Sur PC UT avait réussi à reproduire la surface de l’eau avec une acuité presque inégalée. Cette version PS2 renvoie les surfaces liquides d’U.T. à un « flou artistique » trop pratique pour être honnête.
Si la maniabilité des contrôles est solide et dans l’ensemble fiable, il faut quand même que l’œil et le cerveau s’ajustent aux fréquentes baisses de rafraîchissement de l’image. Car, plus il y a de monde à l’écran, plus une vue d’ensemble permet d’embrasser un large décor, plus le jeu saccade. Ce n’est pas catastrophique, juste très visible et consternant. Que l’on blâme la Playstation 2 ou une adaptation un peu courte d’Epic, le résultat est le même, Unreal Tournament fonctionne sur Playstation 2 comme sur un PC poussif. Et on ne peut pas désactiver des effets pour alléger l’affichage comme sur PC…
Aurait pu, aurait dû mieux faire
D‘apparence un peu trop ordinaire et lisse pour un public console habitué à plus de flamboyance en provenance du Japon, Unreal Tournament est sans doute un rendez-vous quasi obligatoire de la Playstation 2 pour tous les apprentis gladiateurs. Du moment que l’on ne s’attend pas à un chef d’œuvre de programmation.
Sophistiqué dans la conception des niveaux les plus évolués, snipper occasionnel ou pas, UT est néanmoins un jeu de butor. Son meilleur atout reste encore le réflexe et un œil de lynx de pixel. Heureusement pour nous autres néophytes du shoot 3D sur console, une option prévoit une aide à la visée. Y a pas de honte, les autres ne sont pas humains, même s’ils en ont l’air.
François Bliss de la Boissière
(Publié sur Overgame le 19 décembre 2000)
Note générale: 7 / 10
Côté plus :
- Le nombre de niveaux
- L’architecture des niveaux
- Le look réaliste des personnages
- L’efficacité des échanges de tir
Côté moins :
- Un jeu en réseau sans réseau
Les saccades en pleine échauffourées - Inférieur techniquement à la version PC
La sortie française est donc prévue pour le 28 février 2001, nous referons le point sur la version PAL à ce moment là. La version Dreamcast, encore en chantier, pourrait sortir aussi le 28 février. Pour plus d’informations concernant Unreal Tournament, voir le Test de la version PC et l’actu Unreal Tournament PS2 : l’interface en images .