Un musical avec un Cyrano de Bergerac sans problème de nez ? Hérésie américaine ou coup de génie universel ? La réussite audacieuse s’impose très vite.
Les spectateurs de Game of Thrones ou de The Station Agent (2003) le savent, malgré sa petite taille, Peter Dinklage dégage une énorme présence à l’écran. Sa voix puissante soutenue par de brillantes tirades remaniées des vers originaux d’Edmond Rostand vaut bien celle de Gérard Depardieu (célèbre Cyrano de Bergerac à la française au cinéma de 1990).
Sans nez postiche, la différence handicapante du Cyrano de petite taille saute aux yeux. Elle suffit sans explication à compatir devant un Cyrano réellement pudique s’interdisant de déclarer sa flamme à Roxanne.
Mieux encore, le casting modernise les personnages. Sobre chef de garde militaire, Cyrano s’avère fort logiquement capable d’escrimer comme un D’Artagnan. Jouée par une Haley Bennett à suivre depuis Le Come back (2007), plus ronde que fine, Roxanne prend véritablement chair. Interprété par un acteur noir américain (Kelvin Harrison Jr.), son prétendant amoureux peine à trouver ses mots parce qu’il n’est qu’un soldat et non plus un noble. Quant au registre musical, loin de toute niaiserie, les chansons occasionnelles, parfois juste parlé-chantées, élèvent avec raffinement chaque moment émotionnel.
De Joe Wright, avec Peter Dinklage, Haley Bennett, Ben Mendelson, Kelvin Harrison…
François Bliss de la Boissière
(Publié en Avril 2022 dans le n° 137 du mensuel Comment ça marche)