Célèbre pour ses films historique longuement documentés (La Guerre du feu, Le Nom de la Rose, Stalingrad…) le réalisateur français Jean-Jacques Annaud a pour la première fois entrepris de réaliser un film dans l’urgence afin de reconstituer le sauvetage de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Comme une grande partie des français, le réalisateur Jean-Jacques Annaud a été choqué et attristé par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019. Alors que son producteur lui propose de réaliser un documentaire sur le sujet, Annaud envisage plutôt un vrai film de fiction avec des acteurs et s’étonne lui-même d’avoir écrit le scénario « beaucoup plus vite que d’habitude ». En salle le 16 mars 2022, soit trois ans après l’incendie, le film (pas encore projeté à l’heure du bouclage) retrace heure par heure l’intervention des pompiers du feu…
Encore en post-production quelques semaines avant la sortie du film, le réalisateur explique dans une note d’intention « avoir mêlées les images réelles enregistrées de l’extérieur au cours de l’évènement du 15 avril, avec celles, reconstituées dans de vastes décors reconstruits à l’identique ». Son intention consiste, « au-delà du désastre et du chagrin » à faire vivre les évènements dans une dimension émotionnelle cinématographique assumée. Notamment en reconstituant, à partir des témoignages, documents et rapports, le fil précis des évènements « que nul n’a pu filmer au moment du drame ».
Un appel à témoins lancé en mars 2021 lui a permis de mettre la main sur des images d’archives amateurs manquantes : embouteillages crées par l’évènement, chants d’encouragement des observateurs nocturnes, témoignages aussi venus de pays étrangers. Son équipe a ainsi réceptionné 6000 vidéos dès la première semaine ! Celles exploitées représentent 7% du film terminé.
Doté d’un budget de 30 millions d’euros, le tournage a commencé en mars 2021 avec 150 techniciens et 150 figurants dans la cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Une Notre-Dame « de cinéma, un peu rêvée et plus adaptée à la narration », a ainsi été recrée en filmant l’intérieur des cathédrales d’Amiens, Bourges, Sens et Saint-Denis, explique Jean-Rabasse*, chef décorateur renommé de La Cité des enfants perdus, Jackie, le récent Oxygène sur Netflix…, et premier collaborateur du réalisateur sur ce projet titanesque. Des images ont également été prises dans les infrastructures rescapée et accessibles de Notre-Dame elle-même, la sacristie, sur le parvis… Le reste a été construit aux studios la Cité du Cinéma à Saint-Denis (93) et de Bry sur Marne (94). Sur le tournage, des pompiers ayant participé au sauvetage de Notre-Dame sont venus décrire précisément qui faisait quoi où et à quel moment à l’intérieur du monument pendant cette nuit brûlante, « dans la fumée, la claustrophobie et des flammes de 1200 degrés ».
* Entretien Martine Pesez dans Le Berry Républicain
Notes complémentaires…
La construction originale de Notre-Dame (aussi au cinéma !)
Dans le film Le Dernier Duel de Ridley Scott (2021), plusieurs scènes montrent le chantier en cours de Notre-Dame de Paris sur l’Île de la Cité en… 1386 ! Commencée en 1163, la construction de la cathédrale la plus célèbre de France a donc duré plus de deux cents ans. L’incendie accidentel du 15 avril 2019 a failli l’abattre en une nuit. Grâce à l’intervention acharnée de 400 hommes et femmes de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (la BSPP), l’édifice principal d’architecture gothique en pierres a tenu mais la fameuse flèche ajoutée en 1859 qui pointait vers le ciel et la charpente en bois qui la soutenait ont disparu. La restauration à l’identique qui comprend la sécurisation et la consolidation du monument, doit durer cinq ans. Quarante entreprises et corps et métiers y travaillent avec un budget, majoritairement de dons, de 900 millions d’euros. Selon une estimation, le coût total de la rénovation pourrait atteindre les 7 milliards d’euros.
Sapeurs-pompiers : Sauver ou périr
Le film se veut un hommage à l’édifice historique rescapé de justesse, mais aussi et surtout au dévouement des militaires, hommes et femmes, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris en première ligne cette nuit du 15 avril 2019. Le film en profite pour rappeler en résumé le code éthique de ces combattants du feu : « Quand tu m’appelles, j’accours, mais assure-toi de m’avoir alerté par les voies les plus rapides et les plus sûres. Les minutes d’attente te paraitront longues, très longues, dans ta détresse, pardonne mon apparente lenteur. » (rédigée par le Colonel Casso à la fin des années 60). À quoi s’ajoute un Code d’honneur de 10 commandements et une devise à faire frissonner : « Sauver ou périr ».
François Bliss de la Boissière
(Publié sous une forme remaniée et écourtée dans le mensuel Comment ça Marche #137 d’avril 2022)