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Jeux vidéo, le nouvel eldorado d’Hollywood

Une nouvelle vague importante d’adaptations cinématographiques de jeux vidéo se prépare dans les coulisses de la production cinéma américaine. Le nom de réalisateurs haut de gamme attachés à plusieurs projets laisse entendre que, sur le modèle des adaptations de comic books en films par des metteurs en scène prestigieux, Hollywood a compris que le talent peut payer. La réunion, jusque là douteuse, du jeu vidéo et du cinéma va peut-être enfin accoucher d’autres choses que de nanars.

blisshollywood

Malgré les alertes critiques, les adaptations médiocres de films en jeux vidéo se vendent par charrettes. Le récent million d’exemplaires écoulés du quelconque jeu vidéo Ghostbusters aux USA le rappelle. Trop rentable, cette exploitation lucrative vulgaire ne risque donc pas de ralentir. En revanche, les films tirés de jeux vidéo ne rapportent pas encore les dollars que la popularité du jeu vidéo laisse entrevoir. Même si certaines productions plus ou moins cheaps réussissent à faire des bénéfices. La série des Resident Evil va notamment se prolonger au-delà de la première trilogie. Au pire de cette exploitation de bas étage, les films sortent directement en vidéo comme les effroyables adaptations de Alone in The Dark ou Bloodrain de l’opportuniste réalisateur allemand Uwe Boll. Ou deviennent, avec un Jean-Claude Van Damme dans Street Fighter (1995) ou un Christophe Lamber dans Mortal Kombat (1995), des succès honteux de vidéoclub. Honorable mais vain et superficiel, le stylé Max Payne n’apporte rien de plus au cinéma en 2008 qu’en jeu vidéo en 2001. Un réalisateur de talent lancé avec conviction dans la grande aventure du cross over ne suffit pas non plus. Ainsi, oubliant complètement de donner une vraie épaisseur aux personnages, l’adaptation visuellement brillante du jeu d’horreur Silent Hill en film par le français Christophe Gans laisse encore un goût amer trois ans après sa sortie. Le problème est pourtant connu. Prétextes à enclencher les scènes d’action interactive, les scénarios de jeux vidéo sont aussi superficiels et maladroits que le pseudo jeu des comédiens venus débiter top chrono du texte au kilomètre derrière des créatures de synthèse plus raides que des figurants du 3e rang. Convertir les jeux en films oblige à un très sérieux travail d’adaptation. Trouver un nouveau rythme (2h un film, 10 à 40h un jeu vidéo !), combler les lacunes scénaristiques et dramaturgiques du jeu et créer un nouveau lien avec le spectateur susceptible de compenser la disparition de l’interactivité, ce lien physique inexplicable qui relie le jeu et le joueur. Un travail d’adaptation qu’Hollywood a historiquement l’habitude de mener à bien avec les livres et, plus récemment avec les comics books mais qui reste à faire avec les jeux vidéos.

Mariage attendu

Au fond, les jeux les plus respectueux et injectés de culture jeux vidéo restent des créations et non des adaptations. Le Tron séminal des années 80, le Matrix des années 90, le récent Speed Racer – malgré son échec commercial – suintent davantage le jeu vidéo que toutes les adaptations officielles. Quand ce ne sont pas les scènes d’action de blockbusters ou de films cultes qui tirent leurs cascades et effets au jeu vidéo : la scène d’ouverture yamakazi du remake de Casino Royale façon jeu de plate-forme, les enchainements de prouesses façon jeu de rôle des Seigneurs des Anneaux, ou la scène de bagarre filmée de profil façon beat’em all 2D du décalé Old Boy du coréen Chan-Wook Park. Sans même passer par l’action, l’eXistenZ de David Cronenberg, avait en 1999, lui, réussi à frôler intellectuellement ce petit quelque chose d’insaisissable au cœur de l’activité interactive.
Depuis le péché originel du bide colossal de l’adaptation incongrue de Super Mario Bros en 1992, cinéma et jeux vidéo se toisent comme chiens et chats pour accoucher de productions sans autre intérêt que facilement mercantiles. De plus en plus inévitable avec la fusion des technologies numériques 3D, le mariage des deux loisirs de masse semble pourtant prêt à accoucher d’un rejeton enfin honorable à l’aube des années 2010.

Geeks, nouvelle génération

La montée en force de la culture geek au box office, réaffirmée il y a peu par le nouveau long métrage Star Trek, vaut tous les arguments culturels auprès des studios de cinéma. Si le mixe gros budgets, effets numériques derniers cris et réalisateur de talent fan de la source peut générer un carton au box office avec des personnages aussi improbables et infantiles que les super-héros américains, (ces « fameux men in tights » : les Spider-Man de Sam Raimi, X-Men de Bryan Singer, Batman de Chris Nolan, Iron-Man de Jon Favreau, Watchmen de Zack Snider et sans doute bientôt les euro-Tintin de Steven Spielberg et Peter Jackson) après les univers de la Marvel et DC, le prochain eldorado pourrait, devrait, venir du vivier jeu vidéo. Le passage à l’acte s’apprête à se concrétiser avec la nouvelle génération qui arrive aux commandes du cinéma. Nourrie aux jeux vidéo, comme de bande dessinée, elle pourrait changer la donne. Avec elle, l’ambition d’un bon business plan se greffe d’un attachement sincère au jeu vidéo et d’une volonté de reconnaissance culturelle. Au dernier E3, un panel de discussion autour du jeu vidéo constitué d’agents, de scénaristes de comics, de producteurs de films, de développeurs de jeux et autres personnalités des industries de loisirs, tous passionnés de jeux vidéo. s’est formalisé en un groupe, House of Games, qui va faire du lobbying pédagogique entre les deux milieux.

Tous azimuts

Depuis quelques mois les projets de films adaptés de jeux vidéo se multiplient à une vitesse record. L’éditeur Electronic Arts, par exemple, déchainé, multiplie les projets d’adaptation de son catalogue de jeux vidéo. Douteux avec le para militaire Army of Two ; prometteur avec Avid Arad, producteur avisé des films Marvel, attaché à la conversion cinématographique du jeu de rôle cosmique Mass Effect (également attaché au Lost Planet de Capcom chez Warner) ; inimaginable avec Les Sims façon comédie ados des années 80 ; et culotté avec L’Enfer de Dante alors que le jeu vidéo n’est ni sorti ni garanti d’être un succès.
Et tant pis si les intentions ne se concrétiseront pas toutes. L’abandon en 2006 de l’adaptation du blockbuster Halo par Peter Jackson pour cause de budget accusé d’être trop ambitieux par les deux gros studios Fox et Universal engagés, rappelle que même le dollar maker Peter Jackson ne peut suffire à rassurer les studios de cinéma. Frilosité et scepticisme resteront de mise tant que la réussite d’un film tiré d’un jeu vidéo, sur le modèle du 1er film Spider-Man pour la bande dessinée, ne donnera pas aux studios les clés d’un minimum de succès. Alors seulement la ruée vers l’or et la course au jackpot sera lancée. Mais qui signera l’étalon hollywoodien ? Sam Raimi peut-il réussir avec un film sur Warcraft le hold-up de Peter Jackson avec le Seigneur des Anneaux ? Le jeune James Wan, réalisateur des sanglants Saw, saura-t-il élever les vampires manga de la série Castlevania de Konami en succès planétaire à la Twilight ? Roger Avary transformera-t-il Silent Hill 2 en référence de film d’horreur à la hauteur du jeu vidéo après avoir bouclé le tournage du malfamé Return of Castle Wolfenstein ? La version cinématographique de Uncharted : Drake’s Fortune deviendra-t-elle le nouvel Indiana Jones ? Le Prince of Persia actuellement en post production avec la jeune star Jake Gyllenhaal dans le rôle titre, le créateur du jeu au scénario, et le mogul Jerry Bruckheimer à la production, montrera-t-il dès 2010 un exemple réussi en visant un succès à la Pirate des Caraïbes ?

Impatiences et contournements

Malins, en attendant qu’Hollywood se décide pour de bon, les éditeurs de jeux vidéo prennent l’initiative. Histoire de se donner le droit de faire flasher sur grand écran leurs séries phares, ils commencent par en faire des bandes dessinées, puis des films d’animations diffusés sur le web ou en DVD. Avant d’être un projet de film éventuellement réalisé par l’efficace D.J. Caruso (Salton Sea, Paranoiak), le jeu de SF horrifique Dead Space d’Electronic Arts a été précédé par un long métrage d’animation en 2008 (Dead Space : Downfall). Annoncées au récent Comic-Con de San Diego, sept mini séries animées du Halo de Microsoft seront conçues par cinq studios d’animation japonais, sans doute sur le modèle des Animatrix. Après avoir créé un studio de films d’animation en image de synthèse en 2007 à Montréal d’où sortent les courts métrages et bandes-annonces associés à ses jeux, Ubisoft vient de fonder un pôle édition de bandes dessinées et publiera dès novembre une BD de son jeu à succès Assassin’s Creed avant de prolonger l’univers en trois courts métrages mi live-action mi synthèse juste avant la sortie du jeu vidéo Assassin’s Creed 2.
À l’horizon déclaré ou non, multi preuves de la viabilité de la source à l’appui, les éditeurs de jeu vidéo visent le grand écran. Quitte à forcer la marche et la main d’Hollywood. Sur la crête de cette nouvelle vague inévitable, un seul résistant surfe sur l’orgueil : le studio Rockstar qui, à moins de garder 100 % du contrôle créatif, ne veut pas prendre le risque d’écorcher l’image de sa série mine d’or, déjà éminemment cinématographique, Grand Theft Auto.

François Bliss de la Boissière

(publié sur Electron Libre le 29 juillet 2009)

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