Archives par mot-clé : Resident Evil

Best of Jeux 2021 : Les canons du succès

Same player shoot shoot and shoot again, les canons du jeu vidéo sont de retour en 2021. On a beau être farouchement pacifique et anti militariste dans la vraie vie, impossible de ne pas en passer par les armes virtuelles pour goûter au meilleur du jeu vidéo. En 2021 plus que jamais.

D’avantage que d’autres années sans doute, la difficulté d’un tel classement ne consiste pas à repérer les meilleurs jeux de l’année mais à établir un pseudo ordre de préférence. Quand on a l’opportunité volontaire de pratiquer tous les jeux significatifs, les bons et très bons s’imposent d’eux-mêmes. En revanche, au niveau d’achèvement technique et artistique atteint par tous ces titres, au nom de cet exercice annuel de synthèse, s’imposer un classement décroissant vire à l’injustice subjective. Je veux dire par là que les 10 jeux retenus ci-dessous, AAA déclarés et jeux dits indés dont la réalisation s’apparente à un AAA, méritent de s’aligner sur un seul et même podium.

Une sélection à vocation politiquement correct

Mon tri affiché cette année se veut en plus citoyen politiquement correct du jeu vidéo. Sans passer nécessairement par la case pseudo intello du jeu vidéo. En tant qu’expérience sensorielle complète, le jeu vidéo au sens plein et immersif reste encore physique et organique. Utiles et nécessaires à défricher le terrain, les propositions interactives froides et juste malignes, voire auteurisantes, ne suffisent pas à représenter le jeu vidéo qui passionne. Les très jolis JETT et Sable laissent par exemple un peu sur le bas-côté (et je n’ai pas, encore, joué à Psychonauts 2 dont le retour réchauffé « pour les fans » m’inquiète, sans doute à tort). Ce n’est pas tous les ans que Jonathan Blow sort un Braid ou un The Witness qui rejoignent, comme très rarement, les deux qualités, intellectuelles (ou cérébrales) et interactives. Tout cela pour dire que, par raison, instinct et culture croisée du cinéma, je privilégie d’abord les grands spectacles audiovisuels. D’autres chemins sont évidemment possibles du côté universitaire.

Plafonds de verre

Ainsi, pour, sciemment, éviter de mettre en avant les shooters 2021 (sauf l’inédit Returnal qui ne vise que des lumières) qui atteignent pourtant des sommets de jouabilité excentrique et raffinée, je pose donc les tout aussi remarquables Ratchet & Clank et Kena en haut de la liste. Cela évite aussi d’avouer avoir joué bien plus longtemps que raisonnable aux campagnes de tel ou tel classieux shooter. On aimerait aussi ne garder en tête que les titres totalement originaux comme l’éblouissant Returnal – dont je ne verrai jamais le bout, ou Deathloop qui malgré son génie fait beaucoup tourner en rond. Mais quand les suites brisent des plafonds de verre jusqu’à surclasser magistralement la qualité même des épisodes précédents, celles-ci deviennent des entités quasi autonomes, des reboots auto légitimés, de nouveaux repères qualitatifs. On pense bien sûr aux stupéfiants Forza 5, Ratchet & Clank, Resident Evil Village, Metroid Dread et même, encore plus inattendu après le psycho drame de 2020, Halo Infinite. Oui, en 2021, le jeu vidéo a été plus immersif et absorbant que jamais.

Mes 10 jeux vidéo préférés de 2021

1/ Returnal (avis ici)

2/ Forza Horizon 5

3/ Ratchet & Clank : Rift Apart (avis ici)

4/ Kena : Bridge of Spirits (avis ici)

5/ Resident Evil Village (avis ici)

6/ Metroid Dread (avis ici)

7/ Halo Infinite

8/ Deathloop (avis ici)

9/ The Ascent (avis ici)

10/ Marvel’s Guardians of the Galaxy (avis ici)

Indés au top aussi

Quand ils ne jouent pas la carte ouvertement rétro pixel, la frontière qui sépare jeux indés et grosses productions devient de plus en plus ténue. Ambitieux et réussis sur tous les plans, Kena et The Ascent par exemple n’ont absolument pas l’air de jeux indé. Les sept ci-dessous ne représentent qu’une infime partie de la production indé de l’année bien sûr. Mais j’ai bien joué ceux-là et ils m’ont presque autant estomaqué que les précédents listés en AAA. Sorti tardivement en décembre, White Shadows par exemple reprend avec brio le flambeau de INSIDE ou même Oddworld, et propose une vision à son tour bien personnelle du monde à travers un jeu de plateforme et de puzzle classique mais réinventé. Encore en early access, l’imprononçable (essayer en boucle) Arcadegeddon dégage une rétro énergie de l’arcade à Nintendo en passant par le Sega des 90s qui, frappée de rythmes hip-hop, le rend tout à fait moderne et digne de détourner la jeune population de Fortnite.

  • Little Nightmares 2
  • Death’s Door
  • White Shadows
  • It Takes Two
  • The Pedestrian
  • Arcadegeddon
  • The Gunk

Mention spéciale 2021

Sortis en 2021 et totalement réussis comme l’aventure principale, les 2 derniers DLC de Immortals Fenyx Rising (avis ici) ont permis à l’inédit d’Ubisoft Québec de prolonger sa formidable aventure à la Zelda.

François Bliss de la Boissière

White Shadows
White Shadows

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Resident Evil Village : 25 ans d’horreur

En 1996, Resident Evil faisait trembler le tout frais CD-Rom de la première PlayStation et offrait au genre survival-horror ses lettres de noblesse*. Vingt-cinq ans plus tard, le classieux chapitre VIII rend hommage au manoir bourgeois infesté du 1er épisode et au village paysan zombifié du 4e, les deux plus iconiques.

Entre les séquences cauchemardesques finalement plutôt brèves, toujours vécues, comme le gameplay, en vue subjective, R.E. Village s’apparente à une luxuriante visite virtuelle. Du village moyenâgeux enneigé au château gothique de Transylvanie/Roumanie, en passant par des cryptes et geôles macabres qu’on préfèrerait éviter, le détail minutieux des décors fascinent à chaque pas du père de famille à la recherche de son bébé.

Tapis cossus, dorures clinquantes, mobilier rococo, statues de marbre, peintures d’époque… habillent hall majestueux, salle à manger, de bains et de tortures, salon de lecture et chambre des plaisirs. Surtout que, exercice classique, il faut y fouiner des objets précieux donnant accès à des passages secrets.

Soulagement, même s’il reste des scènes inutilement atroces de cirque de foire, les lycans (loups-garous) et monstres animaliers délirants (clin d’oeil à L’Île du Docteur Moreau) se substituent aux zombies habituels et aux anthropophages du malsain et claustrophobe Resident Evil VII. Haute de trois mètres, la plantureuse châtelaine vampire Lady Dimitrescu a déjà rejoint le panthéon des grand(e)s méchant(e)s du jeu vidéo.

Plus accessible, esthétique, grand guignolesque, ultime cabinet de curiosités, R.E. Village redonne à la série un vernis haut de gamme.

* La série japonaise Resident Evil s’est inspirée du jeu Alone in the Dark signé en 1992 par un des pionniers français du jeu vidéo : Frédérick Raynal.

PC, PS4, PS5, Xbox One et Series
Survival-horror

VO anglaise sous-titrée
1 joueur
PEGI : à partir de 18 ans
Capcom

François Bliss de la Boissière

(publié dans le mensuel Comment ça marche / septembre 2021)


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Best of jeux 2019 : Doubles Jeux

Qualifier 2019 d’année creuse après l’année creuse 2018 serait dévaluer une année où des réussites ont surgi de là où on ne les attendait pas forcément, voire pas du tout. 2019 serait plutôt une année de transition avant le barnum de l’année charnière entre ancienne et nouvelle génération de consoles que sera 2020. 

Les plus grands jeux et émois de l’année 2019 ont presque tous été des surprises. À l’heure du bilan de fin d’année, la sélection n’est plus une surprise, mais au moment de jouer, bien informé ou pas, chacun de ces jeux a dépassé ce que les joueurs en attendaient et, même, ce qu’ils étaient supposés capable d’offrir. Je m’explique un peu sous la liste ci-dessous…

Mes 10+ jeux préférés de 2019

1/ Metro Exodus

2/ CONTROL

3/ Days Gone

4/ Luigi’s Mansion 3

5/ The Legend of Zelda : Link’s Awakening (remake)

6/ Resident Evil 2 (remake)

7/ Destiny 2 : Nouvelle Lumière / Bastion des Ombres

8/ Dragon Quest Builders 2

9/ Arise : A Simple Story

10/ A Plague Tale : Innocence

11/ Sea of Solitude

Days Gone

Identités doubles

On savait l’équipe ukrainienne aux commandes de la série Metro passionnée et hyper compétente, mais pas au point de réussir à ce point leur sortie du métro moscovite avec Exodus. Il s’agit là autant d’un voyage complet que d’une succession de playfields façon open world savamment conçus. À quoi s’ajoutent des qualités poussées d’immersion charnelle en vue subjective qui placent la barre très haute.

Parce que Quantum Break, produit et (mal) dirigé par Microsoft, était quasi raté, il était difficile d’imaginer que Remedy allait retrouver aussi vite ses marques et ses aptitudes avec CONTROL. Et pourtant, quelle surprise et quelle réussite. À l’autre bout du spectre du Metro Exodus prenant l’air et le large, CONTROL joue le renfermé, cherche un dialogue entre exploration intérieure et architecture d’intérieur. Le gameplay psychokinétique et le décor fuyant se solidifient en se décomposant. Non seulement il fallait oser ce concept mais le réussir. 

Le bêtement mal aimé Days Gone a eu des hauts (son annonce et ses premiers extraits) et des bas (sa sortie critique mal appréciée) mais restera comme un des grands open world de cette génération. Sous leur apparence rustique et clichée, les personnages de motards grognards rejoignent les troupes humainement crédibles des personnages nés dans les studios Sony. Mal compris et, surtout, mal regardé, le faux ersatz de The Last of Us existe finalement à part entière. Et, sous le vent, la pluie et la neige, l’Oregon sauvage devient pour toujours un des plus beaux terrains à explorer, ressentir, et se faire peur. Même en se contentant de contourner les malaisantes hordes de zombies.

Confiés à des studios externes, Luigi’s Mansion 3 et Zelda : Link’s Awakening démontrent que les licences Nintendo les plus intimes arrivent à s’épanouir en-dehors des murs du temple Nintendo. Réussis et réinventés au-delà du raisonnable, ils donnent bon espoir que le savoir-faire et l’esprit Nintendo continuera d’exister même après le départ de la scène des géants créatifs japonais des années 80-90 et 2000.

Très éloigné de sa formule originale, Resident Evil VII a bien caché l’arrivée du formidable remake appliqué et pourtant modernisé de Resident Evil 2. Capcom est donc capable de faire cohabiter tradition et réinvention, et c’est une bonne nouvelle pour la suite de son programme.

Difficile de qualifier correctement le reboot de Destiny 2 en genre honni du gamer averti: le free to play. Et pourtant, d’un coup presque tout l’univers de Destiny 1 et 2 et de leurs extensions sont accessibles gratuitement. Rien n’oblige alors à acheter la dernière extension Bastion des ombres qui vaut sans regret son prix. Soulignons en passant que, avec ou sans Activision, Bungie est en train de tenir son pari de faire de Destiny une plateforme en ligne durable (un MMO ou presque) tout en gardant un esprit de campagne. Et de tous les FPS du marché, la prise en main des gardiens de Bungie est toujours des plus satisfaisantes. Et visuellement, la SF de Destiny reste la plus majestueuse.

Dans la famille Square Enix, je choisis sans hésiter ce Dragon Quest Builders 2 qui ne surprend pas vraiment sauf à proposer le bond en avant que l’on ne savait pas avoir besoin après un premier jeu déjà épatant. Une jolie preuve que les développeurs ont souvent une case d’avance sur les envies et souhaits des joueurs. Ça aussi est rassurant.

Parmi les nombreux jeux indés, et pas forcément pratiqués, je retiens Arise, A Plague Tale et Sea of Solitude parce qu’ils semblent ajuster leurs moyens techniques (plus ou moins limités) à leur envie narrative propre, et non l’inverse. Ils projettent une sincérité, une intégrité artistique, qui entrainent l’adhésion affective immédiate et durable du joueur. Ils ont une histoire à raconter et se servent d’abord du lien interactif avec le joueur pour la véhiculer. Nouvelle preuve, pour qui en douterait encore, que la magie du jeu vidéo n’a pas forcément besoin d’un énorme budget pour exister.

François Bliss de la Boissière

Arise : A simple story


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Project Zero : clichés mortels

Qui aurait cru que la meilleure arme contre des ectoplasmes serait un appareil photo ? En transformant une fragile héroïne en paparazzi chassant les fantômes, ce survival horror dépasse les bornes d’un genre qui commençait à puer le renfermé. Enfin un nouvel air putréfié…

Project Zero
Le genre jusque-là ultra balisé du survival horror certifié par Resident Evil est en train d’évoluer de l’intérieur à un point que l’on n’imaginait pas. Silent Hill a poussé le premier la porte à l’évolution en 1999 et l’année 2002 a vu la confirmation que le survival horror est capable de s’ouvrir de véritables nouvelles perspectives. Après un Illbleed audacieux entraperçu sur Dreamcast en 2001, cela s’est confirmé récemment avec un Eternal Darkness littéraire sur GameCube, et cela s’apprécie sur PlayStation 2 depuis la sortie trop discrète de Project ZERO, une réussite aussi sobre qu’inattendue.

Clichés flashés

Tous les clichés sont donc inclus dans ce Project ZERO : le manoir hanté, l’héroïne fragile à la merci des monstres, la semi obscurité permanente, une image crapoteuse, une bande son oppressante, un rythme de jeu d’autant plus lent que le rythme cardiaque du joueur va, lui, en s’accélérant. La courageuse et belle idée de cette aventure réside d’abord sur la disparition totale de tout armement. Seule « arme » défensive entre la jeune Miku en jupe trop courte et les fantômes blafards qu’elle rencontre : un vieil appareil photo à chambre. Idée d’abord saugrenue qui s’avère excellente après usage. Même si la version burlesque du manoir hanté et de l’appareil photo de Luigi’s Mansion sur GameCube a jeté un peu de dérision dans un monde bien trop premier degré.

« I see dead people »

Capable, donc, de voir les morts comme le jeune Haley Joel Osment du 6e Sens de M. Night Shyamalan – et non des zombies pour une fois – la frêle Miku devra avoir le réflexe et l’assurance minimum pour photographier les ectoplasmes fuyant dans les couloirs et autres greniers. Silhouette spectrale traversant le décor au loin, fantôme agressif faisant face à l’objectif, chaque photo prise aura donc une valeur chiffrée en fonction de sa teneur. Allant même sur le terrain des jeux de rôle, l’appareil photo qualifié de « mystique » a des points d’évolution oscillant entre la qualité des pellicules utilisées, la portée et la vitesse de la visée, etc. Quand il y a un problème dans une pièce, vibration de la manette à l’appui, Miku tremble jusqu’à ce que, sous l’impulsion du joueur, l’objectif de l’appareil photo repère et shoote l’anomalie. Il sera même capable de révéler des objets ou des passages dissimulés.

Voisin de Silent Hill, cousine de Eternal Darkness

Proche de la tension dramatique d’un Silent Hill 2 (lampe torche par exemple), ajoutant des éléments franchement hallucinatoires utilisés dans Eternal Darkness, Project ZERO surprend par son savoir faire et l’aboutissement de ses concepts. Le jeu est plein d’idées et l’on sent bien que l’inventivité et l’attention dans les détails ont compensé le manque de moyens apparents. La modélisation et le look des personnages ne sont, par exemple, pas très heureux, et la lenteur les déplacements à la 3e personne agace. Mais l’utilisation en vue subjective de l’appareil photo qui devient alors une mire « inoffensive » est vraiment intuitive et souple. Et toute l’interface est agréablement au service du joueur.

Passage de torche

Sans révolutionner le genre, Project ZERO reprend la torche de l’évolution du survival horror tenue jusque là par Silent Hill 2 et lui ouvre de nouveaux horizons. Un horizon sombre et effrayant, bien entendu. Disponible sur PlayStation 2 depuis le mois d’août 2002, Project Zero sortira prochainement sur Xbox.

Project ZERO 1 joueur Mode 50-60 Hz : oui V.A. Sous-titrée Sauvegarde PS2 gourmande : 1,8 Mo

François Bliss de la Boissière

(Publié en janvier 2003 sur Overgame)

 


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Blue Stinger : l’easy gaming du survival horror

Voilà un jeu d’aventure axé action et exploration dans un univers tout en 3D jamais vu encore sur console. Et pourtant, à cause d’une caméra un peu trop dynamique, et du souvenir sanglant des Resident Evil, Blue Stinger se fait bouder…

Autant influencées par le cinéma Hollywoodien que par Resident Evil, les aventures d’Eliot et ses fringues à la Gainsbourg (jean et tee-shirt bleus) sont également très proches de celles du grand frère Conrad de Flashback et Fade to Black. Des grands frères dont, hélas, l’ombre intimidante empêche d’apprécier les qualités intrinsèques de Blue Stinger. C’était avant qu’Overgame vous en parle .

Blue Stinger se déroule sur l’île des origines, celle qui a reçu de plein fouet LA météorite géante qui a éradiqué les dinosaures de la planète terre il y a  65 millions d’années. An 2000, une nouvelle comète revient s’écraser sur la même île décidément aimantée. Problème, entre-temps les humains sont apparus sur le globe et ont transformé l’île en laboratoire expérimental à la recherche des traces des dinos. La nouvelle météorite s’écrase, éventre l’île et le cauchemar souterrain est tout à coup révélé. Membre des ESER (sauvetage en mer) croisant par hasard à proximité, Eliot est happé par l’événement…

Blue Stinger n’est-il pas un des meilleurs héritiers de Out of This World, Flashback et Fade To Black ?

Puisqu’il faut inévitablement comparer, en terme d’aventure, de progression et de retournements de situation, Blue Stinger n’est ni plus ni moins sophistiqué que ne l’était Resident Evil 2, lui-même bien trop direct. Il s’agit bien sûr un peu bêtement de trouver la bonne carte magnétique de la bonne porte, mais le joueur ne se sent jamais insulté par une facilité trop flagrante. Trouver l’exacte chronologie des petits évènements demande une bonne dose de patience et de retour en arrière.

Ce n’est pas un jeu d’arcade au sens frénétique, n’empêche, il faut être constamment en mouvement…

Le jeu repose beaucoup sur l’exploration. La découverte progressive des lieux et des trouvailles visuelles des décors et des monstruosités est le meilleur stimulant de cette aventure. La nouvelle liberté offerte aux graphistes grâce à la puissance de la Dreamcast, et les délires visuels qu’ils peuvent enfin exprimer (attention cela est malgré tout bien maîtrisé à la japonaise) en dit long sur les confinements créatifs des précédentes générations de consoles. La multiplication des néons bariolés aux alentours du supermarché, des affiches, posters, pubs, photos même, qui décorent sols, murs, et plafonds sont invraisemblables. Et les gars de Climax Graphics se sont permis quelques audaces qui rappellent que nous ne sommes vraiment pas dans le sérail Nintendo. Si vous voyez un buste de femme au décolleté prononcé, ou une pub de boisson gazeuse vantée par une silhouette en guêpière de cuir, vous n’aurez pas la berlue. Confirmation de l’angle coquin, une salle explicitement interdite aux moins de 21 ans, ressemble furieusement à une arrière salle de sex-shop avec chairs exposées derrière des vitres brisées et rayonnages de magazines érotiques. Gros hic quand même concernant cette salle en particulier, il y a du sang étalé partout sur les vitrines explosées et le carrelage. Ça remet la température à zéro.

Les textures sur les volumes commencent à atteindre des qualités jusqu’ici réservées aux aplats en 2D. Il y a toujours une image à découvrir au tournant. Littéralement.

Plus loin dans le jeu, au premier étage d’un immeuble cossu, agencé un peu trop comme le hall du commissariat de Resident Evil 2 d’ailleurs, quelques pièces méritent d’être visitées. Encore et toujours pour ramasser des cartes magnétiques mais aussi pour observer des détails visuels curieux. Ainsi, sur le plafond d’une chambre, un visage de femme aux longs cheveux de jais et aux yeux clos s’offre au regard par un coup de caméra en contre-plongée. Portrait omniprésent plus glacé que glamour, qui laisse un effet étrange car non seulement peint au plafond mais en plus présenté à l’envers. De fait, ce portrait retourné, cache dans son ton blafard et ses cascades de cheveux un autre visage. Un observateur attentif distinguera un visage qui rappelle étrangement celui de Nosferatu du film de Murnau en 1922 (petit crane chauve, nez crochu et regard par en dessous) ou celui du Fantôme de l’Opéra (version film opéra-rock de Brian De Palma, Phantom of The Paradise en 1974, dont le personnage maudit a le visage à moitié écrasé par une presse à disque vinyle…). Un indice parmi d’autres de l’énergie fournie par les graphistes de Climax qui ont pris le temps de camoufler l’étrange dans la beauté…

À force de pousser le réalisme des armements et des comportements, même dans un univers absurde peuplé de zombies comme R .E., on finit par oublier le simple plaisir de rentrer dans le tas à coups de barre à mine. Blue Stinger vient rappeler ce plaisir direct de l’arcade.

Chaque arme, et il en y en a, donne une attitude corporelle complète au personnage. Une fois pardonné la ridicule disponibilité permanente d’un arsenal sans que le héros n’ait aucun sac de transport, le plaisir d’utiliser tous les calibres peut alors se vivre sans remords. L’utilisation du bazooka, par exemple, montre Eliot fléchir sous le poids de l’engin, engager une première charge, porter le gros tube à l’épaule en fléchissant encore un peu plus les jambes sous le poids, et enfin tirer. Les effets pyrotechniques sont extrêmement lumineux et généreux, avec des procédés d’éclaboussures qui vont de la simple déflagration aux explosions brûlantes et fumantes. Intelligemment, le volume des effets sonores reste modéré et ne couvre pas la musique qui se veut vraiment omniprésente. Mais le vrai plaisir est sans doute celui d’utiliser les armes blanches de frappe qui obligent à rentrer en contact avec les monstruosités sur deux pattes et à quatre bras…

Certains regretteront sûrement la liberté de ton dans une aventure à suspense, d’autres devraient y voir un certain humour.

Au registre des absurdités qui s’excusent aussi très vite, le principe des pièces de monnaies (chaque piécette à terre vaut 10$) qui s’échappent des monstres abattus devient vite une « drogue ». S’il est tout à fait possible de contourner les mutants mi-homme mi-monstruosité non aboutis sur le parcours et même dans les couloirs étroits, votre pécule n’augmente pas. Et comme les armes, la nourriture et les sodas salvateurs s’achètent monnaie trébuchante, la relation de cause à effet trouve vite sa conclusion. Avouons également que les pluies de pièces au son de clochettes et aux petits effets graphiques qui accompagnent leur récolte ont un côté magique certes désuet et presque déplacé, mais aussi grisant et léger. C’est toute la qualité de ce soft de vouloir marier le sang et l’horreur réclamé à corps et à cris par tant de joueurs avides, avec des effets féeriques et cartoonesques. D’ailleurs quand sang il y a, les giclées sont tellement exagérées qu’il faut forcément y voir de la parodie.

Ce n’est pas de l’horreur ou de l’angoisse mais du suspense. Grosse nuance.

Affronter les horreurs en mutation offertes en pâtures par l’imagination des créateurs ne provoque aucune sensation d’angoisse dans Blue Stinger. Les pas dans les couloirs et les mauvaises surprises derrière les portes sont au service du suspense et non de la terreur. Moins traumatisant que Resident Evil (toujours lui) ou Silent Hill, il devient alors plus facile de jouer et met cette aventure à la portée d’un plus grand nombre de joueurs. La cohabitation des deux héros, par exemple, qu’il est possible d’alterner même en pleine bagarre, évite le sentiment d’isolement face aux monstres. Les deux héros en symbiose ont chacun leurs aptitudes au combat à mains nues, ils ne sont donc jamais tout à fait vulnérables. Le barbu Dogs achète par exemple des tee-shirts de plus en plus évolués qui améliorent progressivement ses coups de karaté. A peine utile mais,…drôle. Ainsi, même en allant au charbon contre des ennemis de la taille de camions, voire de maisons, le joueur ne perd jamais confiance en lui.

Les déjà célèbres mouvements affolants de la caméra

Reconnaissons-le du bout des lèvres, les mouvements brusques, autonomes, et contradictoires de la caméra de la version japonaise étaient parfois, oui, ingrats. Pourtant, presque jamais ils ne nuisaient fondamentalement à la jouabilité, ils en faisaient partie. Quelles que soient ses qualités, un jeu vidéo conduit le joueur à gérer une série de contraintes. Ces contraintes sont quelquefois carrément le gameplay lui-même, parfois il s’agit d’une variante qui ajoute du piment sans forcément être indispensable. Ici dans Blue Stinger, la caméra qui empêchait de temps en temps de faire faire une trajectoire rectiligne au personnage est du poivre rajouté sur un gameplay autrement tout à fait fiable.

Avec cette caméra japonaise incontrôlable il a fallu apprendre à positionner son personnage là où il le fallait pour que la caméra cadre le champ d’observation désiré. C’était moins direct disons que Mario, Tomb Raider ou Zelda, mais le jeu était voulu comme ça. Toute la narration dramatique proche du cinéma avec grands mouvements de caméra et alternance de plans d’ensemble et de gros plans était un choix volontaire de conception. Un choix confirmé lors d’une phase finale d’épreuves où il faut franchir des poutres étroites au-dessus du vide alors que la caméra passe son temps à faire des travellings avant-arrière et circulaires. Un peu pénible mais, encore une fois, c’était le gameplay recherché par les japonais de Climax. Tous les balayages « sauvages » de l’écran ne faisaient que souligner la fluidité, la cohérence et la solidité de l’univers virtuel proposé. Et comme jamais, au grand jamais, les mouvements de caméra ne subissaient de bugs à la Sonic Adventure version japonaise (amélioré depuis) cette caméra n’aurait pas dû être considérée comme un échec.

Caméra brisée, le plus grand nombre a gagné. Climax s’est incliné et perd au passage le point fort du style de son jeu aventure.

Malgré ses qualités, les maladresses occasionnelles de la caméra ont conduit Activision, qui a récupéré le titre, a écouté les plaintes émises ici et là. Et voilà comment une caméra inhabituelle, sans doute excessivement dynamique mais voulue par les artistes de Climax se retrouve littéralement amputée pour ne pas effaroucher l’Occident. C’est ce qu’on appelle un nivellement par le plus grand nombre… Totalement inhibée, la caméra souffre dorénavant du syndrome Lara Croft : caméra systématiquement placée derrière et docile. Pire, elle se place directement au-dessus de la touffe (pouffe pouffe de rire) de cheveux d’Eliot à l’entrée de chaque pièce pour être bien sûr de montrer l’horizon devant lui, alors qu’auparavant, une grande partie du suspense dépendait d’une vue volontairement limitée ou en contrechamps… L’ambiance en prend un coup. Imaginez les caméras fixes des Resident Evil placées aux meilleurs angles dramatiques tout à coup réduites à une simple fonction illustrative, offrant la même vue horizontale… Que resterait-t-il de la manière de raconter l’histoire interactive ? Pas grand chose et Blue Stinger perd très nettement de sa singularité dans ce choix (le meilleur parallèle serait celui avec les films en cinémascope honteusement recadrés pour la TV – procédé du PAN & SCAN). Mais enfin, cette histoire de caméra excessive qui aurait sans doute gagnée a être un peu retravaillée, méritait-elle une amputation aussi radicale ? Pourquoi le menu d’options ne propose-t-il pas tout simplement le choix entre la version caméra originale et celle modifiée ? Dommage.

À moi la caméra !

Heureusement, parmi les nouvelles modifications, celle de pouvoir contrôler la caméra pour observer les décors, curieusement omise dans la version originale, est un excellent ajout. Le jeu n’étant pas prévu au départ pour la fonction, cette caméra subjective n’apporte aucun nouvel avantage au gameplay, pas de secret ou de surprise supplémentaire grâce à elle. Ceci précisé, c’est une liberté supplémentaire de contrôle qu’il est bon d’avoir dans tout univers en 3D totale. Et cela permet de mesurer plus tranquillement les qualités indéniables du rendu en volume des bunkers, centres commerciaux, labos sous-terrains ou jungle sous serre…

Série B, certes, mais que de Oh et de AH ! !

En faisant référence à toute une sous-culture de séries B, Blue Stinger entraîne le joueur dans des territoires inexplorés. Plus humoristique que macabre, ce sera le seul jeu où vous verrez deux valeureux héros faire un break en cours d’aventure pour prendre un bain, ce sera le seul jeu qui n’hésitera pas à défigurer littéralement son héros jeune premier, et c’est le seul jeu qui donne l’occasion d’éliminer des monstres avec une batte de base-ball, un bâton électrifié ou ultime arme blanche, l’épée laser de Luke Skywalker (avec le vibreur dans la manette, c’est…mmmm).



Même avec une forte dose d’exploration et de recherches, l’action directe et franche de Blue Stinger est au fond plus proche d’un beat’em all d’arcade que d’un Resident Evil. Il faut donc cesser très vite de le comparer au maître des zombies pour regarder ce qui lui appartient en propre : un super jeu d’action à la réalisation inédite sur console.

 Climax a donc créé là une aventure très mixte qui va du délire japonais au fignolage graphique à la française en passant par une ambition hypertrophiée à l’américaine. 
Un jeu qui jusqu’ici ne semble pas trouver les faveurs de tout le monde mais que nous sommes prêts à défendre haut et fort.

Note : 8/10

Plus

  • Le meilleur sabre laser inspiré de Star Wars, peut-être le vrai d’ailleurs


  • Style graphique coloré et lumineux tout en 3D 

  • Ambiance gros ciné US 

  • Aucun défaut d’affichage, et chargement rapide


Moins

  • Caméra devenue basique et rigide en PAL 


  • Dialogues anglais de série B mal synchronisés
  • 

Raideur des déplacements d’Eliot 

Tassement de l’image en PAL

Editeur : Activision
Développeur : Crazy Games
Distributeur : Infogrames
Plateforme : Dreamcast
Genre : Aventure

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 1999 sur Overgame)

 


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