Sorti en 1999 sur PC et Dreamcast, le 1er jeu du studio Quantic Dream a été long à accoucher mais fait désormais partie de la grande histoire du jeu vidéo…
Bliss : Avec le recul, quel regard avez-vous sur votre premier jeu The Nomad Soul ?
David Cage : Je suis agréablement surpris de l’image qu’il a aujourd’hui. À l’époque nous étions des petits français essayant bon an mal an de faire ce qu’on croyait être bien. Et puis le magazine américain EGM (Electronic Gaming Monthly, n°1 des ventes aux USA, environ 400 à 500 000/mois, ndlr) a classé Nomad Soul parmi les 40 jeux qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo à côté de trois autres jeux français et de très très grands comme des Zelda, des Mario ! Nous sommes arrivés à un stade où on a l’impression que c’est presque le jeu de quelqu’un d’autre. Beaucoup de gens se le sont approprié. C’est étrange et agréable. On a souvent à faire à des gens qui nous écrivent en connaissant le jeu presque mieux que nous. Il y a une communauté sur le net qui discute d’un hypothétique film The Nomad Soul. Des gens nous écrivent tous les jours pour nous réclamer une suite… Affectivement j’y reste très attaché. C’est le jeu que je voulais faire, le seul que j’ai fait pour l’instant. Il a plein de défauts mais aussi plein de choses que je voulais faire ou dire sur lesquels les gens ont percuté. Quelqu’un me demandait récemment s’il existait des jeux avec un message politique et je me suis rendu compte qu’il y en avait un dans Nomad Soul. J’en suis assez fier, comme aussi d’une scène particulière relevée par certains journaux. Une scène toute bête où le joueur parti depuis plusieurs jours rentre chez lui quand sa femme, qui le croyait mort, se jette dans ses bras. Une vraie scène de tendresse s’ensuivait où elle lui caressait la joue, ils s’embrassaient et allaient dans la chambre faire l’amour. Je ne m’en rendais pas compte en le faisant. Mais quand je vois le retour des gens depuis, combien cette scène où un personnage manifeste une émotion pour un autre a marqué par rapport à la majorité des jeux vidéo. J’aspire à aller dans cette direction.
Bliss : La pression de faire un Nomad Soul 2 est-elle importante ?
David Cage : On y travaille, mais on sait qu’on va devoir batailler pour convaincre les éditeurs parce que c’est de la SF et aujourd’hui ce n’est pas le truc le plus simple à vendre dans le jeu vidéo. Les éditeurs vous disent : « ce qui marchent ce sont les jeux avec la mafia, tu conduis des voitures et… », enfin, vous voyez, ils sont toujours des grands visionnaires… Mais on a vraiment des idées autour d’un Nomad Soul 2 et on en a envie.
Propos recueillis par François Bliss de la Boissière
(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)