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La DS : Miyamoto’s Touch

Dans sa jeunesse, Shigeru Miyamoto fabriquait des marionnettes pour se distraire. Faut-il s’étonner alors que, lorsqu’on lui demanda d’inventer un jeu vidéo inédit dans les années 80 envahies par les shoot’em up, il présenta les aventures d’un petit personnage en salopette qui devait courir pour libérer une jeune fille des griffes d’un vilain gorille ?

Miyamoto photo © bliss_bigA

Déjà, en faisant sauter Mario (…nnette, une des origines supputées du prénom célèbre) de plateformes en plateformes, il s’agissait de donner un poids physique et existentiel à des pixels. En mariant avec la candeur d’un génie les chocs précis de Pong et l’errance libre de Pac-Man, le jeune créateur de jeu inventait le mélange de burlesque et d’émotion qui caractérisera toute sa production. Dès ses débuts quasi accidentels dans le jeu vidéo, Miyamoto cherche le double équilibre où pesanteur des pixels et distance précise de contact avec les objets et décors des mondes rudimentaires de l’époque, deviennent les garants palpables d’une existence, même ludique, dans l’écran. Ce principe d’intégrer dans le gameplay même des jeux les moyens d’éprouver directement ou indirectement le monde virtuel de l’intérieur, toujours sous couvert d’amusement ou de challenges, Miyamoto ne cessera jamais de l’explorer.

Mario, Luigi, Samus, Link, Yoshi… s’arrachent à la pesanteur

C’est cette obstination qui lui permet d’entraîner les ingénieurs Nintendo vers la concrétisation que l’on croit impossible d’un univers en 3D avec Super Mario 64 puis Zelda : Ocarina Of Time. Son besoin de faire exister un monde virtuel concret en donnant au joueur tous les moyens physiques de le tester s’exprime depuis plus de 20 ans dans tous les jeux qu’il supervise. Que l’on pense à Mario donnant inlassablement des coups de tête dans tous les plafonds en briques sur son chemin. Que l’on pense à la fraction de seconde ou le petit dino Yoshi reste suspendu au sommet de son saut, moment éphémère et pourtant si poignant où l’on ressent le « poids » d’un petit animal, déjà plus tout à fait virtuel, cherchant à s’arracher à sa propre pesanteur. Que l’on pense à Samus Aran de Metroid nous prouvant la solidité de son monde extra-terrestre en rebondissant athlétiquement d’un mur à l’autre. Que l’on pense à Luigi tapotant tout le mobilier du manoir où son frère a disparu ou, plus vertigineux encore et annonçant, au fond, la Dual Screen, le même Luigi faisant face au joueur et frappant la vitre de la télévision en appelant Mario ? Déjà Luigi/Miyamoto ne se contente plus de vérifier le monde virtuel intérieur, il vient interroger le monde réel. La révélation récente du surprenant projet Dual Screen avec son écran tactile devient alors une évidence. On oserait presque dire l’aboutissement de l’aspiration de Miyamoto à trouver le point exact de jonction entre les mondes virtuels et réels.

La quête de Miyamoto

Même si elle passe avec un succès inouï par le jeu vidéo, la quête de Miyamoto est toutefois ailleurs. Avec la persistance obsessionnelle d’un génie transcendant les outils mis à disposition dans son siècle, Shigeru Miyamoto adapte chaque jour à sa vision le monde qui l’entoure. Lui seul saura peut-être un jour s’il a atteint son but. Que cette quête personnelle ait emprunté et quasiment inventé au passage le médium jeu vidéo sous sa forme moderne pour, en plus, réussir à communiquer aussi intimement et généreusement avec des millions d’enfants et d’adultes, révèle une stature unique impossible à mesurer de son vivant. Un artiste de poids assurément.

Lire aussi : DS : Nintendo met le doigt sur le futur

François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


E3 2004 : 
Le journal d’Aliasaka

Je m’appelle Aliasaka. C’est un pseudo, mais moi j’existe, en vrai. Bonjour. Je suis à Los Angeles, en Californie, pour suivre la 10e édition de l’Electronic Entertainment Expo. En clair : l’E3, l’Ethree, l’Ecube. En plus clair encore : le mega salon annuel du jeu vidéo. Une énorme foire du jeu vidéo réservée aux « professionnels » de l’industrie venus du monde entier, y compris du Japon !

E3 2004 Convention Center © Danybliss

Tous ceux qui ont eu le privilège d’y participer vous le diront, l’E3 c’est le paradis et l’enfer. L’enfer parce qu’il faut courir d’un rendez-vous à l’autre, hurler en anglais pour se faire entendre sans, de toutes façons, se faire comprendre, au-dessus des décibels dégagés par les stands hystériques des éditeurs de jeu vidéo. Le paradis parce qu’en trois jours, il est possible de voir et même essayer tous les jeux qui sortiront d’ici la fin de l’année, voire même, pour les plus ambitieux, ou les plus laborieux, l’année prochaine. L’enfer parce que pendant que vous jouez à un jeu 10mn, vous en ratez 5 dans votre dos. Le paradis parce qu’au détour d’une conférence de presse ou d’une allée du salon, vous pouvez voir, entendre des développeurs de jeu dont vous appréciez le travail depuis longtemps. L’enfer parce que la machinerie marketing des éditeurs est si forte qu’elle peut transformer n’importe quel sous produit en évènement. Le paradis parce qu’au milieu de la cacophonie sonore, de la foule et des leurres, vous pouvez rencontrer un jeu inédit qui vous hérisse les poils de la nuque tellement il répond à une envie que vous ignoriez jusque là…
L’E3 est donc l’occasion de regarder les choses en face. Les gens, les marchands, et surtout : les jeux.

Compte à rebours

J-2 et déjà en retard.. sur l’info. Le salon ne s’ouvrira pas avant deux jours et déjà les plus futés et travailleurs des sites Internet lâchent des infos officielles ou supputées. Le site officiel de l’E3 offre aux regards des images des coulisses d’un salon en train d’être monté. Les éditeurs comme Microsoft, Sony et Nintendo qui font l’événement médiatique avant le salon avec leurs conférences publient en temps réel sur Internet leurs annonces et images ! Plus vraie encore dans le milieu du jeu vidéo qu’ailleurs, cette révolution de l’information est lancée depuis plusieurs années maintenant. C’est génial pour tous les lecteurs et passionnées du jeu avec un accès Internet. Mais c’est aussi le cauchemar du reporter de la presse papier, comme on dit encore. Que dire et raconter qui n’ait pas déjà été traité par Internet ou la TV ? Il ne reste plus qu’à parier sur le fait qu’il reste encore des joueurs qui ne regardent pas la chaîne jeux vidéo du câble ou qui ne suivent pas au jour le jour l’actu sur le web.
48 heures avant l’ouverture officielle du salon, les hostilités commencent avec les conférences trop confidentielles des japonais de Capcom et Square-Enix qui ne permettent pas de recevoir tout le monde et, surtout, celle de Microsoft où l’on attend des nouvelles de la Xbox 2.

Microsoft : tout pour le X

Bien que cela puisse paraître une évidence inutile à répéter, le fait que Microsoft soit une entreprise américaine explique bien des choses. La façon, par exemple, de transformer une conférence de presse en show entre concert rock et émission de TV où le parterre de journalistes et invités devient un public aux réactions dictées par des responsables en communication de haut vol venu jouer les chauffeurs de salle. A tour de rôle, les maintenant bien connus J Allard et Robbie Bach expliquent sur la scène du Shrine Auditorium de Los Angeles que pour Microsoft « tout commence par le software ». Bousculant les conventions ritualisées des conférences de presse, Microsoft projette un long sketch vidéo-gag où le milliardaire Donald Trump en personne met en compétition les équipes marketing de Sony, Nintendo et Microsoft pour imaginer un jeu sur sa vie « colorée ». Évidemment, les pauvres sosies des fausses Team PlayStation et Nintendo se font recaler avec mention ridicule tandis que le projet de la vraie Team Microsoft est retenu. Total irrespect pour la concurrence donc et grosse rigolade. « La règles d’hier sont du passé » prétend Microsoft. Derrière le spectacle les annonces sont quand même plutôt maigres. Le discours déjà rodé à la Game Developer Conference de mars sur le XNA, la plateforme de développement commune au PC et à la Xbox proposée par Microsoft étouffe toute annonce Xbox 2. C’est au moins l’occasion de présenter une nouvelle démo impressionnante du moteur physique du studio Pseudo Interactive qui lance cette fois 2 voitures à 200 MPH l’une contre l’autre pour un « Crash reloaded » très spectaculaire. C’est aussi grâce au XNA que les joueurs Windows et Xbox Live du MMORPG Vanguard : Saga of Heroes pourront apparemment jouer ensemble en 2005. « Nous croyons que la communication est la prochaine étape du jeu » affirme Microsoft. Et le nouveau dashboard de la Xbox ajoutera de la video chat au voice mail, voire même, démonstration à l’appui, des vidéo conférence à trois simultanément. Why not, mais où sont les jeux ? Peter Moore, l’ancien patron de Sega of America qui vient de rejoindre Microsoft sans trop d’embarras monte à son tour sur scène pour présenter le futur catalogue Xbox. Les extraits d’une quarantaine de titres défilent rapidement. Un catalogue sans génie mais très diversifié où on remarque avec envie les graphismes et ambiances réussies d’un Star Wars : Republic Commando sombre et presque gothique, la mise en scène d’un Full Spectrum Warrior très inspirée du film La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, le toujours élégant, sexy et online Dead or Alive Ultimate et ses combats au milieu d’éléphants et girafes, le retour sous les hourras de Conker Live parodiant génialement l’intro de Terminator 2 avec des crânes d’écureuils, et le très solide Doom 3. Déclarant ouvertement la guerre à un Gran Turismo 4 online qui n’en finit pas de se faire languir, Microsoft révèle l’ambitieux projet Forza Motosport qui mélange sans surprise mais avec efficacité, conduite et modélisation réaliste, tuning détaillé, et compatibilité Xbox Live. Au double rayon grand public et nostalgie, Microsoft prévoit de lancer un système de téléchargement à petit prix de très anciens jeux d’arcades ous l’intitulé : XBox Live Arcade. Mais on commence à s’ennuyer. Peter Moore retrousse alors sa manche et révèle un tatouage en forme de promesse inscrite dans le sang : Halo 2 sortira le 9 novembre ! Oui, précise-t-il, devançant les railleries : le 9 novembre 2004. La projection d’un long tutorial d’une partie de Capture The Flag multijoueur concrétise avec bonheur la promesse. Une annonce stratégique importante tombe enfin : tous les jeux sports d’Electronic Arts seront bientôt jouables sur Xbox Live. Un coup marquant contre la mollesse de la gestion en ligne de la PlayStation 2, une bonne nouvelle pour les nombreux adeptes des licences sportives EA qui vont profiter de la convivialité de l’interface en ligne de la Xbox. Moment inédit chez Microsoft, tout le monde se lève tout à coup pour saluer la présence tremblante mais rieuse de l’énorme légende de la boxe Mohamed Ali venu sur scène, avec quelques autres sportifs plus ou moins connus, valider le partenariat EA et Xbox. Dans la foulée, le James Bond, GoldenEye : Rogue Agent, développé par EA sera lui aussi jouable en ligne ! Toutes ces présentations efficaces cachent au moins une chose : pas de Xbox 2 et pas de Half-Life 2 sur Xbox ? Pendant ce temps là, Square-Enix donne un concert symphonique au récent et magnifique Walt Disney Concert Hall. Rage…
Après le X, on passe au culte. Demain matin a lieu la conférence de presse Nintendo sur Hollywood Boulevard…

Le culte de Nintendo

Les infidèles s’en moquent, les fidèles en pleurent, les ignorants s’en étonnent : les conférences de presse Nintendo ne ressemblent pas aux autres. Les spectateurs sont assis par-terre jusqu’au pied de la scène. Les standing-ovations spontanées saluent les annonces surprises que Nintendo ne manquent jamais de faire et la présence de Shigeru Miyamoto est désormais un rituel attendu. Moins spectaculaires que celles de ses concurrentes, mais toujours très émotionnelles, les conférences Nintendo se transforment souvent en happenings. Avec la découverte de la nouvelle portable Nintendo DS et l’annonce surprise d’un nouveau Zelda version réaliste, cette année ne fait pas exception. J-1. Une heure de retard, la conférence Nintendo attend trop longtemps les navettes de journaliste revenus de la conférence de Sony USA. Une heure d’impatience alourdie par le fait que, pendant que toute la presse mondiale piétine devant les portes Nintendo, le quotidien national USA Today en vente dès le matin présente en exclusivité la Nintendo DS ! Agaçant. C’est parti ! Une nouvelle tête de Nintendo US monte sur scène pour défendre le positionnement toujours original de la firme de Kyoto. Avec une efficacité très américaine, Reggie Fils-Aime, nouveau Vice-President des Ventes et du Marketing de Nintendo of America, vante les mérites de l’héritage Nintendo avec beaucoup plus de conviction que les vrais responsables US et japonais. La prestation presque risible de Saturo Iwata l’année dernière avec son petit poing levé en défi aux méga corporations est encore en mémoire. Cette fois le discours est mieux articulé et les annonces concrètes. Les ennuyeuses mais indispensables présentations chiffrées (Source NPD, marché US) révèlent une progression de 21% des affaires Nintendo fin 2003 / début 2004, pendant que l’industrie du jeu vidéo accuse une récession de -9% à -5%. Les rumeurs parfois alarmistes sur les comptes Nintendo sont censées s’éteindre ici. Les 2,5 millions d’exemplaires vendus en 4 mois au Japon des derniers Pokémon FireRed et LeafGreen sur Game Boy suffisent à imposer le respect. Après 15 ans d’occupation, 168 millions d’unités vendues et 9 challengers éliminés, le monopole incontestable de la Game Boy sur le marché des consoles portables autorise même Nintendo à évacuer la menace de la PlayStation Portable d’un trait d’humour : en cette année d’élection américaine, pour Nintendo le vote a déjà eu lieu, et la Game Boy Advance a déjà gagné (25 millions vendues). Comme sur GameCube, sans même compter sur les éditeurs tiers, sept titres majeurs du catalogue Nintendo (Donkey Kong Country 2, Mario Pinball, Mario Golf : Advance Tour, Mario Party Advance et F-Zero GP Advance et les inattendus Mario vs Donkey Kong et Zelda : The Minish Cap) suffisent à conforter le succès de la logithèque GBA. Nintendo en profite alors pour annoncer un adapteur Wireless pour la GBA SP qui sera vendu avec les prochaines cartouches Pokémon. Cet adaptateur laissera chater, échanger des données et s’affronter dans des mini jeux sans les habituels câbles link. Le Mario Golf de la GBA devrait aussi fonctionner sans fil. Rattrapant les expériences amateurs utilisant l’écran de la GBA pour diffuser de la vidéo, Nintendo sortira des cartouches Game Boy Advance Vidéo (20$ environ). La GBA devient alors lecteur façon DVD de dessins animés comme ceux des Pokémon ou de SpongeBob SquarePants de Majesco. Sur la GameCube qui se porte mieux depuis la baisse du prix de vente, les gros calibres sont bien prévus pour cette année, du moins au Japon et aux USA : Metroid Prime : Echoes et son mode multijoueur, l’exclusif GameCube Resident Evil 4 devenu un jeu d’action, le Starfox développé laborieusement par Namco, le poétique Pikmin 2 aussi multijoueur, l’indispensable Zelda : Four Swords déjà sorti au Japon. Bonne nouvelle qui en annonce une autre : Donkey Konga, le jeu musical rythmique disponible au Japon sortira bien en occident avec son indispensable paire de kongas accessoire. Un jeu intéressant qui annonce surtout l’inédit et épatant DK Jungle Beat exploitant lui aussi les tam-tams.

Deux fois plus différents
Puis arrive le moment tant attendu du coming out de la Nintendo Dual Screen. Avec son double écran, sa connectivité sans fil et, surtout son écran tactile, Nintendo réinvente le jeu vidéo une nouvelle fois. Les spectateurs conquis d’avance adhèrent, mais il faudra sans doute du temps pour que le grand public comprenne le concept. On lui expliquera (voir page xx). La conférence tire à sa fin et, déception, Miyamoto-san n’est pas monté sur scène. Ce n’est même pas lui qui a présenté la Nintendo DS qui fait pourtant partie de ses inventions comme nous l’apprendrons plus tard. Une musique opératique envahit tout à coup la salle, les lumières s’éteignent à nouveau et VLAN ! voilà le choc projeté sur grand écran : le teaser d’une nouvelle aventure de Zelda au design réaliste. Adieu le cell-shading ! Les énormes YEAAAHH du public américain ébranlent la salle, dépassant même en décibels ceux de la toute première présentation de Metroid GameCube il y a quelques années. Les images du nouveau Link jeune adulte défilent trop vite. A peine les mots Coming Soon affichés, les lumières se rallument et, nouveau choc, Shigeru Miyamoto surgit en courant sur scène ! La foule devient hystérique, tout le monde est debout. Souriant et malicieux comme toujours, Miyamoto-San est équipé du bouclier et de l’épée de Link ! Sous sa veste, un tee-shirt vert 1-up ! Il prend des poses de guerrier du dimanche, s’amuse avec les objectifs. Son plaisir de créer la surprise est flagrant. Un petit speech en anglais pour confirmer la sortie en 2005 d’un nouveau Zelda sur GameCube, une dernière pirouette et le plus populaire des créateurs de jeu vidéo est déjà reparti sous un tonnerre d’applaudissements. ça se passe comme ça les conférences Nintendo.
Dans l’après-midi du même jour Konami donne aussi, plus modestement, une conférence où tout le monde n’est pas convié. Tant pis.

E3 2004 danybliss 4

Jour J : le salon est ouvert

9h. Après l’échauffement des jours précédents, le vrai marathon commence. Trois jours, soit exactement 24 heures à courir dans tous les sens pour essayer, vainement, de tout voir, tout essayer. On nous annonce 1000 nouveaux projets parmi les 5000 présentés cette année par 400 exposants. Le 10e serait déjà trop, un délire. Par où commencer ? Quels stands ? Quels jeux ? Cinq minutes pour se repérer entre les deux gigantesques Halls Sud et Ouest séparés par un long couloir où se cachent d’autres salles bourrées à craquer de jeux vidéo. Grande difficulté : arriver à l’heure aux rendez-vous avec les attachés de presse de Sega, Nintendo, Capcom, Eidos, Konami, Microsoft, Sony, Electronic Arts, Sega, rester présentable malgré la course effrénée, ne pas s’effondrer devant son interlocuteur, rester digne, ne pas se déshydrater, penser à grignoter quelque chose pour ne pas tomber purement et simplement avant la fin de la journée. Cette année, en plus du reste, il ne faut pas oublier de passer à l’exposition History of Video Games Museum du Hall Kentia. Où ça ?

Sony : la grosse tête VIP

Le succès de la console de salon la plus populaire (70 millions de PS2 écoulées !) du 21e siècle semble avoir donné la grosse tête à Sony Computer. La traditionnelle et spectaculaire conférence de presse de Sony Computer USA du mardi 11 mai, veille du salon, n’était pas accessible à tout le monde contrairement à celles de Microsoft et Nintendo. Ce n’est pas un manque de moyens, juste une politique de rentabilité. Sony s’assure que chaque journaliste présent couvrira bien l’événement pour un journal. Dans le doute, le journaliste, notamment européen, est aimablement renvoyé à la conférence « business » de la filiale européenne de Sony qui a lieu le premier jour du salon. Mauvaise idée, après tous les palabres des conférences non interactives, le 1er jour on préfère enfin voir et toucher les jeux plutôt que de s’enfermer encore une fois dans une salle à écouter des patrons se féliciter de leurs exploits. Mais on y va quand même, ne serait-ce que pour apercevoir enfin la PlayStation Portable de prêt, puisque sur le salon, elle est confinée dans un petit espace accessible après avoir fait une longue file d’attente. Grande inquiétude pour tous les amateurs de nouvelles technologies anxieux de voir débarquer les prochaines consoles de salon, le nouveau patron de Sony Computer Europe David Reese le dit clairement pendant la conférence, « la PlayStation 2 est à mi chemin de son cycle de vie ». Même si la PlayStation 3 peut cohabiter avec la PS2 de la même manière que la PSone a continué de se vendre en même temps que la PS2 (100 millions écoulés de 1995 à 2004 ! ), cette affirmation semble repousser la PS3 plus loin que les médias et analystes ne l’imaginent. Toujours largement en tête devant Nintendo et Microsoft, la branche PlayStation 2 est la plus rentable du groupe Sony. La multinationale japonaise n’est donc pas pressée de la couper. D’autant que Sony part à l’assaut d’un autre marché avec la PlayStation Portable. Bien conscient qu’il existe « un seuil magique » du prix de vente qui rend une console en produit totalement grand public, Reese affirme que le prix de la PS2 ne baissera pas immédiatement dans les territoires PAL. La PS2 se vend sans cela, plus vite et mieux que la PlayStation originale. Alors que 70 millions de PS2 ont été vendues dans le monde, Sony pense qu’il reste encore 50% de PlayStation 2 à vendre. Idem pour les jeux dont les ventent actuelles ne représenteraient que 40% de leur potentiel à venir. Un constat si important que Sony supplie presque les développeurs de ne pas abandonner la PlayStation 2 trop vite. « Nombreux sont ceux qui regrettent d’avoir arrêté trop tôt le développement pourtant encore rentable sur PSone », rappelle Reese. Ne se démontant pas face au succès du Xbox Live, Sony déclare avoir la plus grosse communauté de joueurs en ligne en Europe avec 25 jeux compatibles. Une affirmation à mettre en parallèle avec les 22 millions de PS2 installées en Europe bien sûr. Aussi orienté chiffres que données technologiques, Sony nous apprend que si l’industrie du jeu vidéo représente en 2003 24% des 34 milliards d’euros du marché des loisirs européen, elle atteindra 30% des 42 milliards d’euros prévus en 2008. Bref ça grimpe tellement sûrement, que Sony ne veut pas brûler les étapes. En attendant, Sony évoque son partenariat avec IBM autour du développement de la technologie Cell destinée à des stations de travail Workstation. Les rudiments de la PS3 ? 

Jouets PS2

Du côté jeux, le catalogue de Sony Europe est assez court et solide pour que chaque titre soit traité comme un événement. SCEE attend beaucoup du FPS Kill Zone par exemple ou du 2e Getaway : Black Monday toujours aussi anglais et gangster (3 millions vendus du 1er !) et si cinématographique que Sony le présente au Festival de Cannes (hors compétition allons !). Gran Turismo 4 ne se présente presque plus mais on remarque pourtant des effets de motion blur inédits jusque là lors des chocs. On prend. Le jeu de karaoké SingStar, ses 2 micros et sa compatibilité avec l’EyeToy si populaire (2,5 millions écoulés en Europe !), la licence Athens 2004 des Jeux Olympiques qui fonctionnent avec un tapis… de course (?) et les fonctions chats et vidéo de l’Eyetoy sont destinés à convaincre des consommateurs qui ne sont pas des joueurs. Et c’est presque tout, officiellement, puisque les Ratchet & Clank 2 et autres Jak III ou Sly Raccoon 2 n’existent que dans le catalogue de Sony America. On ira les voir sur le stand Sony.
Présenté presque trop ordinairement entre les mains d’un David Reese déjà en position d’orateur automatique, la pourtant inédite et hyper symbolique PlayStation Portable ne ressemble guère au dessin prototype en circulation depuis des mois. La plus grosse surprise (déception ?) vient du fait que la façade de la PSP n’est pas du tout lisse comme prévue. Croix directionnelle et boutons traditionnels de la Dual Shock dépassent comme d’habitude du châssis. Rien d’original en surface donc. Mais attention aux fonctions et à l’époustouflant écran (voir page xx) ! Comme la Nintendo DS, la PSP sortira au Japon en fin d’année et sans doute en Europe avant mars 2005. Et là non plus aucun prix de vente n’est annoncé. Chacun campe sur ses positions.

E3 2004 Convention Center © Danybliss

Retour dans la foule

Après un rapide coup d’œil dans la salle de presse prise d’assaut par de biens courageux spécialistes du jeu vidéo acharnés à écrire leurs articles en direct du salon : retour dans l’arène. A partir de là les jeux aperçus en passant devant un écran, expliqués par des professionnels de la communication, quelques fois des développeurs eux-mêmes, projetés sur de grands écrans publics ou dans des petites salles privilégiées, et parfois, quand même, vraiment joués, s’enchaînent avec un rythme infernal. Si les jambes entraînées font leur boulot, le cerveau suit à peine. D’autant que beaucoup trop de jeux se ressemblent. Le succès à contre-emploi de Halo sur Xbox au moment où le genre FPS s’essoufflait sur PC lui a redonné une nouvelle légitimité. Il y en désormais partout. Des militaires bien sûr, inspirés par les succès immersifs des Medal of Honor de Electronic Arts, ou des descendants d’Halo prêts à en découdre avec des aliens. Heureusement les bidasses de l’Armée US sont cette fois restés planqués derrière le stand du nouveau partenaire Ubi Soft. Des nouveaux jeux de courses automobiles veulent encore et toujours arracher la pole position à Gran Turismo en y greffant, comme si les succès pouvaient se cumuler, des options de tuning inspirées du dernier Need for Speed.

Faux semblants
Si sur PC le procédé consistant à ne montrer les jeux qu’en versions non interactives dans des petites salles de projections était déjà pratiqué, la méthode tend malheureusement à se généraliser pour les jeux sur consoles. Ainsi aux côtés des divas du PC Half-Life 2 et Doom 3 qui refont sans surprise le coup des files d’attentes, c’est aussi Splinter Cell 3, 3 jeux Electronic Arts dont le faux James Bond : GoldenEye 2 (James n’est pas jouable, c’est le concept), Halo 2, et même la Nintendo DS qui sont présentés uniquement en vidéo et en comité réduit, donc sur rendez-vous ou après d’interminables files d’attente. Malgré des vidéos tournantes, DOA Ultimate et Tekken 5 n’étaient carrément pas disponibles en versions jouables. Idem pour le remake ambitieux de Altered Beast présenté en vidéo pour la 2e année consécutives chez Sega ou le curieux Killer 7 de Capcom. Le comble revient alors à Atari avec un stand constitué uniquement de versions non jouables de son catalogue. Y compris le médiatique Driv3r qui pour l’instant ressemble à tous les prétendants de GTA (dont la suite brillait aussi par son absence). Drôle de salon, un peu glissant avec ses jeux qui se dérobent, et les stands visiblement revus à l’économie de Sony et Nintendo. Une économie que ne connaît pas Microsoft avec un stand drapé de vert qui gagne chaque année du terrain médiatique. Si l’annonce des consoles portables a créé l’événement dans l’industrie du jeu vidéo, leur présentation partielle a rendu ce salon aussi fuyant que nos espions spécialistes du camouflage. Un E3 de transition sans doute… Alors, si pour faire le tri et gagner du temps, on décide de survoler très vite les titres connus suivis d’un chiffre et les licences trop ouvertement marketings pour s’intéresser aux jeux inédits, vraiment jamais vus ou connus, le salon devient beaucoup plus petit que prévu. Allez, c’est dit, on s’invente un jeu : trouver les jeux inédits ! Suivez les flèches : « Inédit », « Coups de cœur », « Essayé pour vous » et « Suite incontournable » parce que, oui, quand même, il y en a qui mérite d’être jouée.

…? Et l’History of Video Games Museum du Hall Kentia ? Oui, je l’ai raté. Bouh.

François Bliss de la Boissière (alias Aliasaka)

Photos : danybliss

(Publié en mai 2004 dans GameFan 01)

 


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