Les seuls vrais concurrents de Mario 64 sont de retour et, confirmation joyeuse, l’ours Banjo et l’oiseau Kazooie, sont bel et bien les patrons incontestables du jeu de plateforme 3D.
Banjo-Tooie est donc la suite de Banjo-Kazooie daté de 1998, le seul jeu de plateforme 3D qui a réussi à faire de l’ombre au roi plombier Mario 64 (1996). Deux ans plus tard, pendant que Nintendo prépare sa génération GameCube, le studio Rare récidive sur N64 et confirme un savoir faire unique dans la profession. Quand on mesure le miracle d’équilibre que nécessite un jeu de plateforme dans un univers 3D, il suffit de contrôler Banjo quelques minutes pour se rendre compte de l’efficacité des commandes.
Ma sorcière mal aimée
Raccourcissons l’histoire. Enterrée vive pour l’empêcher de nuire à la fin de Banjo-Kazooie, la sorcière Gruntilda se découvre deux sœurs (!!) qui viennent à sa rescousse. S’en suit évidemment une envie irrésistible de vengeance de Gruntilda qui repart en guerre contre Banjo et Kazooie. Le sauvetage de Gruntilda ne se fait pas sans dégât, et la foreuse géante des sœurs Mingella et Blobbelda détruit sur son passage le petit monde paisible de nos héros. La taupe Bottles, si pratique pour donner des conseils, n’y survivra d’ailleurs pas.
Un monde peut en cacher un autre
Le jeu commence au même endroit que l’aventure précédente, mais cette fois l’oasis bucolique a été ravagée par le passage de la foreuse. L’accès au repère aérien de Gruntilda est évidemment détruit depuis la dernière fois, et quand on se demande où aller chercher querelle à Gruntilda, on repère un tunnel creusé à même la roche. La foreuse malveillante de la paire de sorcières a donc forcé un passage dans la falaise pour révéler un monde complet : The Isle O’ Hags, L’île aux Sorcières ! S’ouvrant sur le village des étranges Jinjos siffleurs, puis transitant par la maison souterraine de la famille Bottles (ce sont des taupes, n’est-ce pas…), ce nouveau monde va se déployer alors de façon naturelle vers de nouvelles aires de jeu.
Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ?
Et en quoi consiste donc le jeu ? Sans aucun doute, d’abord trotter partout, chercher son chemin en reniflant les limites du monde, en distinguant, notamment, les astucieux trompes l’œil graphiques des vrais chemins. Sur la route, la paire de héros ramasse des objets, notes de musique, pièces de puzzle, œufs colorés, dont chaque collecte a sa fonction. Les œufs servent de munitions puisque Kazooie peut les projeter par le bec, une certaine quantité de pièces de puzzle donnent accès à d’autres niveaux, etc. En bref, chaque item fantaisiste ramassé complète un monde émietté. Très vite, la collecte systématique de chaque objet sur le chemin devient une drogue, tel le paquet de chips ouvert auquel on ne peut plus résister jusqu’à le vider complètement. Et c’est évidemment ce sympathique côté addictif qui conduit le joueur à des exercices d’équilibristes invraisemblables pour attraper une note de musique perchée à des hauteurs inaccessibles. C’est le besoin, alors devenu impérieux, de compléter sa collection de puzzles pour découvrir le niveau suivant qui oblige à faire marcher ses méninges pour venir à bout des innombrables mécanismes du jeu : petites énigmes, mini-games inédits. C’est la compassion pour les petits Jinjos démunis appelant au secours qui vous poussera à prendre des risques pour les sauver, qui vous fera tomber sur les vilains Minjos, frères ennemis ancestraux des gentils Jinjos. Un jeu de plateforme 3D de ce niveau est l’équivalent d’un énorme cirque à ciel ouvert, où tout décor est prétexte à gymnastique. Réunis pour le meilleur, les athlètes Banjo et Kazooie sont à la fois des funambules, des trapézistes, des lanceurs de couteaux (…d’oeufs), et bien sûr, des clowns. A eux deux, ils peuvent potentiellement tout faire et chaque heure écoulée apprend au joueur une nouvelle façon de les faire agir.
La Nintendo 96 bits !
On avait presque tout appris et tout fait dans Banjo-Kazooie, pour intéresser le joueur, une suite oblige les développeurs à faire mieux techniquement et à réinventer le gameplay. Vous pouvez compter sur Rare, les idées ne manquent jamais à ce studio anglais et, grâce à leur partenariat intime avec Nintendo, la 64 bits de Nintendo se transforme entre leurs mains en une console 96 bits, si elle existait. Même sans l’utilisation de l’Expansion Pack Banjo- Tooie contient les plus riches textures de la logithèque N64. Gonflés de sous niveaux et de recoins, les mondes sont systématiquement offerts dans leur intégralité au regard grâce à des points d’observation privilégiés en hauteur. Perché tout là-haut sur le toit d’un temple dominant l’horizon, sur le mat au-dessus de la fête foraine, Banjo peut regarder partout et jamais aucun brouillard ne vient gâcher le spectacle. La vue subjective d’observation permet même de zoomer à volonté sur les points les plus éloignés avec une facilité déconcertante.
Banjo dans l’ombre de Kazooie, ou l’inverse ?
L‘ours et l’oiseau ont dorénavant droit à une ombre animée en temps réel et renvoie à l’histoire la symbolique ombre ronde ancestrale. Même s’il ne donne plus de coups de poings, Banjo a, en revanche, appris à s’accrocher par les mains et ridiculise assez vite Lara Croft dans cet exercice. Ayant vu passer sans s’inquiéter les aventures de son cousin Donkey Kong l’année dernière, Banjo en a retenu la capacité à grimper le long des lianes et autres échelles verticales naturelles. Ayant sans doute pris un peu plus confiance en eux après le succès de leur dernière aventure, l’ours et l’oiseau osent cette fois ci s’aventurer l’un sans l’autre. La séparation est temporaire, elle dépend forcément d’un pad particulier et est destinée à de courts objectifs spécifiques, mais enfin, cela fait plaisir de les voir évoluer de façon autonome. Beaucoup plus démunis en solo, l’un et l’autre apprenne néanmoins à se débrouiller. La décharnée Kazooie ne volera pas plus haut toute seule mais apprendra à faire mal avec ses ailes. Sans les coups de bec rageurs de Kazooie, Banjo saura, de son côté, faire un usage efficace de son sac à dos contre ses adversaires. Improbables frères symbiotiques, l’ours et l’oiseau ne sauraient se quitter longtemps mais, dans la tradition géniale de leur première aventure, ils continuent de plus belle à céder la place à d’autres personnages plus fous les uns que les autres.
Le calumet de la paire
Le shaman Mumbo Jumbo de la première aventure devient un personnage actif à part entière. Moyennant un Glowbo (Rayman 2 ?) – créature magique étrange récupérée dans le niveau, le shaman se laissera contrôler et ira faire quelques rituels obscurs pour déclencher des évènements assez extraordinaires pour altérer le niveau dans son ensemble. Pour le même prix, une charmante squaw du nom de Humba Wumba, transformera Banjo en personnages invraisemblables (ridicule mini banjo en pierre par exemple) mais capables de nouvelles prouesses.
Tous les détails revus à la hausse (sauf les Boss : hors concours !)
Après 15 heures de jeu, cinq mondes sur neuf seront ouverts dont un seul complété à 100%. Les œufs seront passés d’inoffensifs projectiles en œufs de feu, de glace ou en explosifs. Ils auront permis de venir à bout de deux Boss, dont l’un, si gonflé d’orgueil qu’il atteint la taille d’une montagne. Après avoir été initié autant de fois que nécessaire sur le chemin par le cousin du défunt Bottles, nos héros sauront viser et tirer en vue subjective en volant et en nageant. Kazooie n’hésitera pas à faire le marteau piqueur pour détruire des rochers, la torpille pour affronter des poissons aux mâchoires menaçantes. Vous découvrirez que tous les items reposent désormais sur de petits nids, que, s’il faut bien toujours trouver 100 notes de musique par niveau, une seule note vaut pour 5 et qu’elles sont, en contrepartie, plus difficiles à ramasser. Vous serez soulagés de voir Banjo prendre un des morceaux de puzzle si convoités sans se fendre d’une animation pénible à la longue. Vous vous émerveillerez, enfin, devant les effets de lumières toujours plus nombreux et magiques.
Des clins d’oeil et du pastiche
Parmi les nouveautés, vous aurez plaisir à découvrir que tous les pads utiles aux métafonctions (vol, saut, Mumbo…) sont animés de lumières intérieurs, et, d’ailleurs, vous ferez connaissance avec le pad hypnotisant qui téléporte en plusieurs endroits d’un même monde (hérité du « pad banane » de DK64, détail pour les pratiquants). Vous remarquerez que les chaudrons téléporteurs de Gruntilda ont cédé la place à des sas métalliques tout aussi pratiques pour se rendre d’un bout à l’autre de l’île aux sorcières. Vous ramasserez des épaissiront le mystère du transfert entre les deux jeux (une fonction promise par les développeurs mais à la procédure encore inconnue)… Et, bien sûr, vous traverserez des labyrinthes à la manière de Doom (dans des endroits prédéfinis, Banjo porte Kazooie sous le bras et la tête de l’oiseau devient le viseur naturel…) et, devant la souplesse des contrôles, vous vous demanderez pourquoi certains jeux de ce genre se compliquent la vie quand c’est si facile à faire (!)
L’efficacité tranquille
Si vous avez été impressionné par le dernier Zelda, vous devriez l’être encore plus avec Banjo-Kazooie. Même sans les 4 Mo de mémoire de l’Expansion Pack, le jeu réussit à générer, apparemment sans effort, des environnement énormes, un kaléidoscope de couleurs et de textures simultanées, et, c’est la marque de fabrique du studio Rare, des volumes innombrables de bruitages et de mélodies contextuelles.
Malgré tous les efforts des talentueux développeurs, le résultat graphique est évidemment loin de la qualité d’une console 128 bits. Mais en terme de gameplay, de maniabilité et de profondeur de jeu, les péripéties de l’ours et de l’oiseau sont sans égal. Réservez votre cartouche dès aujourd’hui.
François Bliss de la Boissière
(Publié sur Overgame le 29 décembre 2000)
Banjo-Tooie est disponible depuis le 20 novembre aux Etats-Unis. La version française est attendue pour le mois d’avril 2001.