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JUMP ! JUMP ! JUMP ! Les jeux de plateforme réinventés

Morts avec l’arrivée de la 3D et enterrés par la réussite inimitable de Mario 64, les jeux de plate-forme qui ont fait les belles années 80 et 90 interactives font un véritable comeback. D’abord discrètement infiltrés dans des jeux d’action (Assassin’s Creed) puis – encouragés par des revival 2D et revisités par des artistes (Little Big Planet) – ouvertement et transfigurés comme le prouve et l’assume le vertigineux Mirror’s Edge.

MirrorsEdge

Dans un jargon complètement ésotérique pour les non pratiquants, le jeu vidéo s’est doté naturellement de genres, de catégories interactives au fil des inventions techno ludiques. Le cinéma a ses westerns, péplums, comédies musicales. Le jeu vidéo a ses RPG (jeux de rôles), ses beat’em up and all (duels sur ring et castagnes de rue) et plus récemment, ses FPS (First Person Shooter) et MMO (Massivement Multijoueur Online). Quand le jeune Shigeru Miyamoto invente en 1982 le petit plombier sauveur de princesse sautant de planches en planches sur un périlleux échafaudage dans Donkey Kong, le principe interactif impose son évidence ludique et fait des petits. Au sein d’une 2D pourtant contraignante, le jeu alors baptisé de « plate-forme », où des personnages de pixels colorés découvrent brusquement en sautillant le haut et le bas signe l’âge d’or des consoles 8 bits (Master System de Sega et Famicom de Nintendo) et 16 bits (Megadrive et SuperFamicom). Quel que soit le Panthéon de chacun, vécu ou redécouvert plus tard, les chef d’œuvres d’époque, pour leur précision ou leur ambiance, leur structure ou leur densité, se sont nommés Super Mario Bros et World, Sonic, Quackshot, Mickey Castle of Illusion, Aladdin, Addams Family, Kid Chameleon, Cool Spot, James Pond, Mister Nutz, Donkey Kong Country, Tiny Toon Adventures, Yoshi’s Island… En se cherchant une veine moins enfantine, plus d’atmosphère, le jeu de plate-forme réussit même à s’épaissir en intégrant mystère et scénario avec les (Super) Metroids, Prince of Persia, Castlevania, Strider, Earthworm Jim, Flashback, BlackThorn…

L’électrochoc Mario 64

Prospère pendant 30 ans au cinéma, le western ne survécut pas à la descente réaliste et à la déconstruction du mythe cowboy du western spaghetti des années 70. À lui tout seul Mario 64 provoqua en 1996 le même choc dans le genre « jeu de plate-forme » alors dominant sur consoles. La remise en question radicale de l’espace provoqué par la 3D ne s’accommodait plus d’un simple parcours d’obstacles placés devant le joueur. Tout à coup, comme le château de Mario 64 le démontrait dès l’ouverture du jeu, il fallait aussi habiter l’espace, le construire, et donc, déjà, le scénariser. A quelques exceptions près, notamment Banjo-Kazooie qui fut le seul jeu capable d’émuler et approcher la qualité du suprême Mario 64, le jeu de plate-forme dans sa forme pure s’éteignit naturellement. Ultimes sursauts avant abandon quasi total, les nouvelles consoles 3D d’alors tentèrent leur chance avec des jeux de plate-forme 3D bâtards. Ainsi vinrent et disparurent trop vite le créatif Bug! sur Saturn, le transfuge bancal Sonic Adventure sur Dreamcast, et le très novateur Jumping Flash sur PlayStation. Seule réussite intermédiaire mixant visuels 3D et touché 2D sur PlayStation, Crash Bandicoot devint le dernier grand représentant à succès du genre pendant que le satirique Conker’s Bad Fur Day signait intellectuellement la mort du jeu de plate-forme sous sa forme candide originelle. Approchant l’âge adulte au milieu des années 90, le jeu vidéo se reconnut alors dans la réinvention dissimulée du jeu de plate-forme que fut le premier Tomb Raider. Héritières de la lignée atmosphérique Metroid, Castlevania, Flashback, les acrobaties de Lara Croft indiquèrent une nouvelle voie où, bien que centraux, les principes du jeu de plate-forme s’intégraient dans un mix d’action, d’aventure et de tirs. Le qualificatif jeu de plate-forme finit par disparaître lui aussi des catalogues. Et des esprits puisque les brillants joyaux que furent Mario Sunshine sur GameCube et Jak and Daxter sur PlayStation 2 ne purent totalement assumer leur statut de jeu de plate-forme : l’un en s’équipant d’un pistolet à eau, l’autre, d’un arsenal explosif dès son 2e épisode.

Le come back des années 2000

Après des années d’indifférence, le jeu de plate-forme sous toutes ses formes est pourtant en train de faire un grand retour officieux en cette fin de décennie 2000. Le succès de la console portable DS devenu repère de classiques de la 2D, comme la mise à disposition d’anciens jeux en téléchargement sur Xbox Live, PlayStation Store et Console Virtuelle de la Wii ont remis en toute simplicité l’exercice au goût du jour. Un plaisir réaffirmé par les ventes de New Super Mario Bros sur DS en 2006 qui firent, et font encore, rougir les Mario 3D des consoles de salon et prépara le succès sur Wii de la 3D très contrôlée de Mario Galaxy. Le jeu de plate-forme à l’ancienne reprend des couleurs et s’assume presque comme tel sur consoles de salon. Répétant curieusement la séquence 1996-98 de la Nintendo 64 où Banjo-Kazooie avait succédé à Mario 64, fin 2008 un tout nouveau Banjo-Kazooie (Nuts and Bolts sur Xbox 360) semble encore une fois vouloir relever le défi d’un Mario (Galaxy)
Sur PlayStation 3, le très médiatisé Little Big Planet s’appuie sur un gameplay 2D classique de jeu de plate-forme pour imaginer un jeu 3D malléable et créatif. Il confirme après le récent LocoRoco sur PlayStation Portable et le prochain Pixel Junk : Eden sur PlayStation 3 une récupération artistique inattendue du jeu de plate-forme où se mélangent sans tabou gameplay rétro classique et expérimentations visuelles et sonores.
Mais si les enjeux artistiques et techniques sont à peu près identifiables dans cette cour de récrée colorée, c’est plutôt du côté des jeux pour (jeunes) adultes qu’il faut pister un jeu de plate-forme transfiguré et non déclaré. Le succès planétaire anachronique 2D de Rayman en 1995, et entretenu depuis, encra sans doute dans l’ADN de son éditeur Ubisoft la notion que les principes du jeu de plate-forme pouvaient avoir du succès. Pendant que la série Tomb Raider s’enfonçait dans les abysses, la série Prince of Persia, réussit, elle, à ressusciter en 3D un des fleurons du jeu de plate-forme 2D. En 2007, Ubisoft insiste, entre assassinats et chevauchées libres, les cabrioles d’Assassin’s Creed sur les toits de Jérusalem affirmèrent sans détour les vertus revisitées du gameplay d’équilibriste.

Le grand écart du jeu de plateforme contemporain

Désormais, le concept jeu plate-forme s’assume à tous les niveaux et s’adapte à toutes les situations. Stigmatisant bien la nouvelle cohabitation entre l’approche rétro et contemporaine du genre, Capcom s’apprête à sortir simultanément deux nouvelles versions de son Bionic Commando de 1988. Un Bionic Commando Rearmed en 2D et un Bionic Commando totalement en 3D tous deux pratiqués à la 3e personne. Les excellents Lost Winds et Braid respectivement sur Console virtuelle Wii et Xbox Live rende grâce au gameplay 2D en y ajoutant de nouvelles idées interactives. Cas unique depuis 2002, Metroid Prime fut, après Mario 64, le seul vrai exemple réussi d’un gameplay 2D réinventé en 3D. Après les essais timides non suivis de Turok en 1997, pour la première fois, vue subjective et jeu de plate-forme arrivaient à cohabiter. Un exemple qui ne fera école qu’en cette fin d’année avec le très prometteur Mirror’s Edge où, totalement en vue subjective, une jeune héroïne baptisée Faith, court, saute, bondit de toit en toit tel un Mario féminin lâché dans une mégapole. Elle donnera d’ailleurs des coups de têtes, mais dans celles de ses adversaires. Son rôle ? Messagère, runner porteuse de messages pour la résistance clandestine. Des messages secrets, politiques, dont un désormais public : adultes, réinventés, les jeux de plate-forme sont bel et bien de retour !

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #2)

 


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COUPLES@HOME : PETIT GUIDE DU BOBO GAMING

ou… COUPLES@HOME : LE TEMPS D’UN WEEK-END

Avec le jeu vidéo, votre petit foyer peut contourner la crise…

Le film La Crise de Coline Serreau propulsait ses deux héros dans la rue en 1992. Entretenue par un hiver rude et des températures s’installant en dessous de zéro, la crise globalisée d’aujourd’hui aurait plutôt tendance à cloitrer les gens chez eux, tant qu’ils ont un toit. Depuis la vraie crise française de 1995, il faut dire, Internet, home cinéma et jeux vidéo ont envahi puis relié au monde tous les foyers. Consommer, chercher du travail, jouer ou même sociabiliser, ne nécessite plus de sortir de chez soi. Régression et repli sur soi pour les observateurs à l’ancienne, confort et comportement avant-gardiste pour les pratiquants convaincus. Depuis quelques années, le jeu vidéo lui-même s’est assoupli, enrichi pour englober toutes sortes d’expériences interactives et donc susceptibles d’intéresser tous les membres de la famille. À moins d’avoir le diable au corps et le besoin impératif de se confronter physiquement aux épreuves réelles ou inventées de la vie, comme de devenir ambassadeur contre la faim dans le monde, alpiniste, champion de l’ex Paris-Dakar ou du Vendée-Globe, le loisir interactif qui s’impose un peu plus chaque année comme l’activité plébiscitée du foyer, se révèle un bon substitut à toutes les expériences. Notamment en cas de grand froid, hivernal ou économique.

Premier réchauffement possible, vérifier que sa liste d’amis joueurs, et donc plus ciblée que sa liste frimeuse d’amis publics Facebook, soit bien à jour sur ses consoles Xbox 360, PlayStation 3 et même Wii. Car, entre les parties, pendant les jeux et même le visionnage de films, il est possible, avec ou sans webcam, de tchater ou carrément taper la discute au casque-micro. Entre gamers, il y a toujours moyen de se comprendre. À partir de là il sera envisageable de contacter un « ami » n’importe quand pour jouer avec ou contre lui. Mais idéalement, évidemment, c’est avec la personne à ses côtés dans son doux foyer protégé des vagues d’austérités du dehors qu’il faut réussir à jouer. Et pour intéresser leurs partenaires, les garçons devront accepter de déposer provisoirement les armes et les filles devront prendre un peu plus au sérieux leurs performances. De retour de la guerre, le repos du gamer guerrier peut désormais être pris en charge psychiquement avec une double séance sur PS3 de l’aquatique FlOw pour valider quelques paliers de décompression puis du fleuri FlOwer pour retrouver goût à la légèreté et aux embruns peace & Love, avant de se faire penser les plaies sur Wii avec la dernière version de simulation de chirurgie Trauma Center : New Blood. Pour refaire connaissance avant de partager fusionnellement de nouvelles expériences interactives pourquoi ne pas commencer par ressortir le Cérébrale Académie de la Wii et se remettre ensemble à niveau ? Avant d’attaquer la grande aventure contemporaine du jeu vidéo, un petit tour dans les catalogues de jeux des années 80, 90 et 2000 disponibles en téléchargement surtout sur Wii mais aussi sur Xbox 360 et PS3, devrait offrir l’opportunité de comparer, voire partager, même sans y jouer, quelques souvenirs, sinon les siens, ceux du grand frère, voire, puisque les gamers aussi vieillissent, des parents.

Une fois les racines plantées, le décollage pour Oz devient possible.
Désireux de voyager sans passeport vers le soleil et les jungles antédiluviennes ? Le dernier Tomb Raider Underworld permet sans fatigue ni bagage de crapahuter en Thaïlande ou au Mexique et les 2 chapitres inédits complémentaires en vente en ligne dernièrement ajoutent de nouvelles étapes au tour du monde. Déjà fatigués de la campagne, même exotique ? Envie de retrouver la ville, ses rues, sa crasse, le bouillonnement de sa population bariolée ? Pourquoi ne pas d’abord visiter le bourg provincial d’Animal Crossing Let’s Go To The City dont l’accessoire Wii Speak autorise la causette avec ses colocataires éloignés sur Wii, et où vous aurez commencé à décorer amoureusement votre résidence secondaire ? Presque plus sérieusement, il faudra sans doute se refamiliariser avec la vie en société et les étranges mœurs humaines avec le 3e vrai chapitre des Sims sur PC. Ensuite, seulement, après ces gentil sas de recompression, il sera temps de se diriger vers la ville de toutes les villes en retournant faire un tour dans le New York, alias Liberty City de Grand Theft Auto IV, à l’occasion de la sortie du chapitre inédit The Lost and the Damned.

Aussitôt étourdi ? Vite, à l’abri dans un shopping mall aseptisé mais reposant ! Le carrefour virtuel du PlayStation Home permettra de faire quelques achats et, peut-être, de retrouver des amis aussi en balade. Samedi soir, souvenirs de sorties en boites de nuit ou en concert commencent à greffer des scrupules à ce cocooning trop durable. C’est le moment de sortir les instruments de musique virtuels. D’abord l’instrument à tout faire Wii Music pour s’échauffer et tenter de créer de concert une petite mélodie bien à soi. Puis, la soirée avançant, le sang commençant à battre sérieusement après une séance de karaoké au micro de Singstar sur PS3 ou Lips sur Xbox 360, il faut sortir les gros moyens. Guitare et batterie de Guitar Hero ou de Rockband donnent alors le gout du bœuf salé de sueur et de larmes. Les plus sages auront bifurqué avant sur la petite musique du délicat jeu de rôle Eternal Sonata évoquant avec poésie la vie de Chopin.

Dimanche matin, le vrai footing (… dehors !?) n’est toujours pas imaginable mais le programme et la planche Wi Fit sont toujours là pour permettre à monsieur de compter ses pompes et à madame de faire du yoga avant un peu de step. L’après-midi, après quelques Leçons de Cuisine presque pas pour de rire sur DS, et si les parents se sont brusquement invités pour le thé, il va être temps de sortir le dernier épisode à tout faire des quizz façon jeu TV avec Buzz ! cette fois consacré aux « plus malins des français ». Une fois les invités amadoués, tentez votre chance avec la suite de l’excellent Boom Blox devenu Bash Party sur Wii, car tout le monde sait lancer un caillou vers l’écran pour faire tomber des piles de briques, n’est-ce pas ? Tabac assuré même chez les non gamers et non fumeurs.

Une fois enfants ou parents repartis, l’envie de retourner aux choses sérieuses et vers les vrais connaisseurs de jeu vidéo dont vous partagez intuitivement la culture vous fera relancer LittleBigPlanet sur PS3. À deux vous continuerez de construire, en vous étonnant de votre imagination, ce niveau beaucoup trop élaboré qui ne verra jamais le jour, avant d’aller essayer les niveaux publiés par d’autres amateurs que vous jalouserez jusqu’à la mort. Tant de perplexité et complicité créative partagée vous entraineront dans des conversations théoriques sur l’art, les concepts et le jeu vidéo et puisqu’il n’est toujours pas question de sortir par ce temps… de crise, il sera l’heure d’essayer de comprendre en réfléchissant à deux et, qui sait, finir, l’étonnant et cérébral Braid sur Xbox 360. Enfin, si avec un peu de chance, l’éclairage chaleureux du coucher de soleil veut bien s’activer, après un transit par l’affable bourgade anglo-normande de Duelville au cœur de Banjo-Kazooie Nuts & Bolts sur Xbox 360, un petit tour sur le lac à remous de la Plaine aux Écrous du même Banjo consolidera l’idée que, oui, décidément, le jeu vidéo c’est vraiment le nouveau pays des merveilles et que pour s’en arracher, le monde réel va devoir nettement s’améliorer.

Divan… François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #4)

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Screenanalysis : Tomb Raider Underworld / Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts

Les suites de jeux célèbres ont l’obligation de rassurer leur public en validant par l’image que les éléments qui ont fait leur succès restent bien inclus aux côtés d’éventuelles innovations. C’est que ce que font ces deux images silencieuses des derniers Tomb Raider et Banjo-Kazooie…

Tomb-Raider-Underworld-tags

De retour pour des aventures originales sur consoles de salon après plusieurs années d’absence, les anciennes célébrités championnes de l’équilibre et des acrobaties, l’ours Banjo aidé par son compagnon à plumes Kazooie, ou la solitaire Lara Croft, cherchent à prouver ici qu’elles n’ont rien perdu de leur talent. Leur capacité à tenir en équilibre sur de petites surfaces reste intact, même et surtout dans des situations extrêmes, sous la pluie pour Lara, sur une corde instable pour Banjo et Kazooie (1).

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Les positions surélevées des deux scènes ont plusieurs fonctions (2) : insinuer que les héros « dominent » la situation, rappeler le plaisir unique propre à ces jeux de pouvoir grimper sur des hauteurs et observer alentour, signifier le danger par une sensation de vertige, offrir une vue d’ensemble du décor que l’observateur sait implicitement qu’il devra inspecter de sa position privilégiée en hauteur puis explorer physiquement (3). Le pas précaire des héros les conduisant vers de mystérieuses destinations hors champ (4) laisse à l’imagination le soin de combler, à l’aide des éléments de décor visibles autour, ce qui les attend. L’angle vers le bas ou vers le haut de leurs chemins respectifs indiquent d’ailleurs que pour Lara le danger est plutôt au sol (les fauves noirs le prouvent), et, pour Banjo et Kazooie, l’éloignement de la terre idyllique (maisons chaleureuses, étendue d’eau…) est synonyme de danger (5).
En plus de les aider à tenir en équilibre, les bras tendus à l’horizontal des deux héros principaux font allusion à leurs « accessoires » ou compléments (6). Ainsi les ailes déployées de Kazooie par-dessus les bras de Banjo signalent leur collaboration symbiotique, et les bras tendus de Lara semblent également prêts à dégainer les pistolets qu’elle porte toujours aux hanches.

La météo nettement visible (7), pluie et lumière basse chez Lara Croft, soleil levant (à l’est) et lumière franche chez Banjo-Kazooie, cherche à donner le ton de l’aventure : sombre et dramatique comme l’annonce le titre Underworld de Tomb Raider, joyeuse et bon enfant comme le veut l’héritage jeu de plate-forme bucolique de Banjo-Kazooie. La vue d’ensemble de chaque image, enfin, légèrement en plongée à partir d’une hauteur (8), ouvre la distance de lisibilité du décor jusqu’à l’horizon et permet de concentrer un maximum d’éléments dans le cadre (végétation touffue, ruines, animaux, pluie pour l’une, eau, verdure, verrière, barrage, maisons chargées en détail pour les deux autres) prouvant les capacités techniques de ces épisodes entièrement conçus pour consoles nouvelles générations.

  • Tomb Raider : Underworld / Eidos / Toutes consoles de salon et PC
  • Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts / Microsoft / Xbox 360

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Banjo-Tooie : Avant Première

Les seuls vrais concurrents de Mario 64 sont de retour et, confirmation joyeuse, l’ours Banjo et l’oiseau Kazooie, sont bel et bien les patrons incontestables du jeu de plateforme 3D.

Banjo-Tooie est donc la suite de Banjo-Kazooie daté de 1998, le seul jeu de plateforme 3D qui a réussi à faire de l’ombre au roi plombier Mario 64 (1996). Deux ans plus tard, pendant que Nintendo prépare sa génération GameCube, le studio Rare récidive sur N64 et confirme un savoir faire unique dans la profession. Quand on mesure le miracle d’équilibre que nécessite un jeu de plateforme dans un univers 3D, il suffit de contrôler Banjo quelques minutes pour se rendre compte de l’efficacité des commandes.

Ma sorcière mal aimée

Raccourcissons l’histoire. Enterrée vive pour l’empêcher de nuire à la fin de Banjo-Kazooie, la sorcière Gruntilda se découvre deux sœurs (!!) qui viennent à sa rescousse. S’en suit évidemment une envie irrésistible de vengeance de Gruntilda qui repart en guerre contre Banjo et Kazooie. Le sauvetage de Gruntilda ne se fait pas sans dégât, et la foreuse géante des sœurs Mingella et Blobbelda détruit sur son passage le petit monde paisible de nos héros. La taupe Bottles, si pratique pour donner des conseils, n’y survivra d’ailleurs pas.

Un monde peut en cacher un autre

Le jeu commence au même endroit que l’aventure précédente, mais cette fois l’oasis bucolique a été ravagée par le passage de la foreuse. L’accès au repère aérien de Gruntilda est évidemment détruit depuis la dernière fois, et quand on se demande où aller chercher querelle à Gruntilda, on repère un tunnel creusé à même la roche. La foreuse malveillante de la paire de sorcières a donc forcé un passage dans la falaise pour révéler un monde complet : The Isle O’ Hags, L’île aux Sorcières ! S’ouvrant sur le village des étranges Jinjos siffleurs, puis transitant par la maison souterraine de la famille Bottles (ce sont des taupes, n’est-ce pas…), ce nouveau monde va se déployer alors de façon naturelle vers de nouvelles aires de jeu.

Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

Et en quoi consiste donc le jeu ? Sans aucun doute, d’abord trotter partout, chercher son chemin en reniflant les limites du monde, en distinguant, notamment, les astucieux trompes l’œil graphiques des vrais chemins. Sur la route, la paire de héros ramasse des objets, notes de musique, pièces de puzzle, œufs colorés, dont chaque collecte a sa fonction. Les œufs servent de munitions puisque Kazooie peut les projeter par le bec, une certaine quantité de pièces de puzzle donnent accès à d’autres niveaux, etc. En bref, chaque item fantaisiste ramassé complète un monde émietté. Très vite, la collecte systématique de chaque objet sur le chemin devient une drogue, tel le paquet de chips ouvert auquel on ne peut plus résister jusqu’à le vider complètement. Et c’est évidemment ce sympathique côté addictif qui conduit le joueur à des exercices d’équilibristes invraisemblables pour attraper une note de musique perchée à des hauteurs inaccessibles. C’est le besoin, alors devenu impérieux, de compléter sa collection de puzzles pour découvrir le niveau suivant qui oblige à faire marcher ses méninges pour venir à bout des innombrables mécanismes du jeu : petites énigmes, mini-games inédits. C’est la compassion pour les petits Jinjos démunis appelant au secours qui vous poussera à prendre des risques pour les sauver, qui vous fera tomber sur les vilains Minjos, frères ennemis ancestraux des gentils Jinjos. Un jeu de plateforme 3D de ce niveau est l’équivalent d’un énorme cirque à ciel ouvert, où tout décor est prétexte à gymnastique. Réunis pour le meilleur, les athlètes Banjo et Kazooie sont à la fois des funambules, des trapézistes, des lanceurs de couteaux (…d’oeufs), et bien sûr, des clowns. A eux deux, ils peuvent potentiellement tout faire et chaque heure écoulée apprend au joueur une nouvelle façon de les faire agir.

La Nintendo 96 bits !

On avait presque tout appris et tout fait dans Banjo-Kazooie, pour intéresser le joueur, une suite oblige les développeurs à faire mieux techniquement et à réinventer le gameplay. Vous pouvez compter sur Rare, les idées ne manquent jamais à ce studio anglais et, grâce à leur partenariat intime avec Nintendo, la 64 bits de Nintendo se transforme entre leurs mains en une console 96 bits, si elle existait. Même sans l’utilisation de l’Expansion Pack Banjo- Tooie contient les plus riches textures de la logithèque N64. Gonflés de sous niveaux et de recoins, les mondes sont systématiquement offerts dans leur intégralité au regard grâce à des points d’observation privilégiés en hauteur. Perché tout là-haut sur le toit d’un temple dominant l’horizon, sur le mat au-dessus de la fête foraine, Banjo peut regarder partout et jamais aucun brouillard ne vient gâcher le spectacle. La vue subjective d’observation permet même de zoomer à volonté sur les points les plus éloignés avec une facilité déconcertante.

Banjo dans l’ombre de Kazooie, ou l’inverse ?

L‘ours et l’oiseau ont dorénavant droit à une ombre animée en temps réel et renvoie à l’histoire la symbolique ombre ronde ancestrale. Même s’il ne donne plus de coups de poings, Banjo a, en revanche, appris à s’accrocher par les mains et ridiculise assez vite Lara Croft dans cet exercice. Ayant vu passer sans s’inquiéter les aventures de son cousin Donkey Kong l’année dernière, Banjo en a retenu la capacité à grimper le long des lianes et autres échelles verticales naturelles. Ayant sans doute pris un peu plus confiance en eux après le succès de leur dernière aventure, l’ours et l’oiseau osent cette fois ci s’aventurer l’un sans l’autre. La séparation est temporaire, elle dépend forcément d’un pad particulier et est destinée à de courts objectifs spécifiques, mais enfin, cela fait plaisir de les voir évoluer de façon autonome. Beaucoup plus démunis en solo, l’un et l’autre apprenne néanmoins à se débrouiller. La décharnée Kazooie ne volera pas plus haut toute seule mais apprendra à faire mal avec ses ailes. Sans les coups de bec rageurs de Kazooie, Banjo saura, de son côté, faire un usage efficace de son sac à dos contre ses adversaires. Improbables frères symbiotiques, l’ours et l’oiseau ne sauraient se quitter longtemps mais, dans la tradition géniale de leur première aventure, ils continuent de plus belle à céder la place à d’autres personnages plus fous les uns que les autres.

Le calumet de la paire

Le shaman Mumbo Jumbo de la première aventure devient un personnage actif à part entière. Moyennant un Glowbo (Rayman 2 ?) – créature magique étrange récupérée dans le niveau, le shaman se laissera contrôler et ira faire quelques rituels obscurs pour déclencher des évènements assez extraordinaires pour altérer le niveau dans son ensemble. Pour le même prix, une charmante squaw du nom de Humba Wumba, transformera Banjo en personnages invraisemblables (ridicule mini banjo en pierre par exemple) mais capables de nouvelles prouesses.

Tous les détails revus à la hausse (sauf les Boss : hors concours !)

Après 15 heures de jeu, cinq mondes sur neuf seront ouverts dont un seul complété à 100%. Les œufs seront passés d’inoffensifs projectiles en œufs de feu, de glace ou en explosifs. Ils auront permis de venir à bout de deux Boss, dont l’un, si gonflé d’orgueil qu’il atteint la taille d’une montagne. Après avoir été initié autant de fois que nécessaire sur le chemin par le cousin du défunt Bottles, nos héros sauront viser et tirer en vue subjective en volant et en nageant. Kazooie n’hésitera pas à faire le marteau piqueur pour détruire des rochers, la torpille pour affronter des poissons aux mâchoires menaçantes. Vous découvrirez que tous les items reposent désormais sur de petits nids, que, s’il faut bien toujours trouver 100 notes de musique par niveau, une seule note vaut pour 5 et qu’elles sont, en contrepartie, plus difficiles à ramasser. Vous serez soulagés de voir Banjo prendre un des morceaux de puzzle si convoités sans se fendre d’une animation pénible à la longue. Vous vous émerveillerez, enfin, devant les effets de lumières toujours plus nombreux et magiques.

Des clins d’oeil et du pastiche

Parmi les nouveautés, vous aurez plaisir à découvrir que tous les pads utiles aux métafonctions (vol, saut, Mumbo…) sont animés de lumières intérieurs, et, d’ailleurs, vous ferez connaissance avec le pad hypnotisant qui téléporte en plusieurs endroits d’un même monde (hérité du « pad banane » de DK64, détail pour les pratiquants). Vous remarquerez que les chaudrons téléporteurs de Gruntilda ont cédé la place à des sas métalliques tout aussi pratiques pour se rendre d’un bout à l’autre de l’île aux sorcières. Vous ramasserez des épaissiront le mystère du transfert entre les deux jeux (une fonction promise par les développeurs mais à la procédure encore inconnue)… Et, bien sûr, vous traverserez des labyrinthes à la manière de Doom (dans des endroits prédéfinis, Banjo porte Kazooie sous le bras et la tête de l’oiseau devient le viseur naturel…) et, devant la souplesse des contrôles, vous vous demanderez pourquoi certains jeux de ce genre se compliquent la vie quand c’est si facile à faire (!)

L’efficacité tranquille

Si vous avez été impressionné par le dernier Zelda, vous devriez l’être encore plus avec Banjo-Kazooie. Même sans les 4 Mo de mémoire de l’Expansion Pack, le jeu réussit à générer, apparemment sans effort, des environnement énormes, un kaléidoscope de couleurs et de textures simultanées, et, c’est la marque de fabrique du studio Rare, des volumes innombrables de bruitages et de mélodies contextuelles.

Malgré tous les efforts des talentueux développeurs, le résultat graphique est évidemment loin de la qualité d’une console 128 bits. Mais en terme de gameplay, de maniabilité et de profondeur de jeu, les péripéties de l’ours et de l’oiseau sont sans égal. Réservez votre cartouche dès aujourd’hui.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 29 décembre 2000)

Banjo-Tooie est disponible depuis le 20 novembre aux Etats-Unis. La version française est attendue pour le mois d’avril 2001.

Banjo-Tooie Avant-première Overgame