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Peter Gabriel prend du relief (Interview)

C’est au sommet du classieux restaurant Roof Gardens, propriété de Virgin à Londres, célèbre pour accueillir stars et after parties, que j’ai eu le grand plaisir de rencontrer en juillet 2011 un Peter Gabriel aimable, tranquillement au courant de toutes les dernières innovations technologiques. À commencer par la 3D qu’il fréquentait déjà dans les années 80.

Note : Fin 2011, Peter Gabriel s’apprête à sortir un concert récent filmé en 3D sur support Blu-Ray (voir test ci-dessous). Parce que je suis (presque) bilingue et apte à travailler le week-end comme tout bon journaliste indépendant, on m’a confié la responsabilité d’aller interviewer inhabituellement une star de la rock/pop toujours en activité. N’étant pas spécialement fan de l’ancien leader du groupe Genesis, il m’a fallu replonger dans sa discographie et son histoire. Je m’étais en revanche intéressé à ses expériences multimédia pionnières sur CD-ROM interactifs. Et j’étais évidemment admiratif de sa volonté renouvelée (voir son site) de continuer à coller aux nouvelles technologies en présentant un concert sur Blu-ray 3D.
Pour l’anecdote, outre le fait que, indéniablement et même à un âge avancé, Peter Gabriel dégage un charisme naturel inexplicable, j’ai appris quelques trucs et limites lorsqu’on interview une VIP de la musique. J’étais venu équipé d’un vrai bel appareil photo avec pour intention de revenir avec un portrait de Peter Gabriel publiable. Malgré mon insistance après l’interview, j’ai découvert qu’il n’était pas possible de faire une photo même convenable juste en passant. Peter Gabriel et son représentant ont élégamment mais fermement esquivé mes demandes. Si je devais faire une photo d’un musicien star qui contrôle son image, je devrais venir avec un photographe connu et prévoir sans doute un vrai photo shoot. Et non, il n’était pas question de proposer un selfie en sa compagnie. L’autographe narcissique ne fait pas partie de la panoplie des journalistes en activité, désolé. J’ai également découvert qu’un grand nombre des autres personnes conviées à l’interviewer peuvent être de vraies groupies plutôt que des journalistes avec un minimum de recul. Enfin, alors que la rencontre en tête à tête a bien duré 1 heure pour 47mn d’entretien, je me suis rendu compte que l’enregistrement audio ne pouvait pas être diffusé tel quel pour la bonne raison qu’on y entend Peter Gabriel grignoter sans arrêt des fruits secs (une grande corbeille de mignardises trônait au centre de la table qui nous séparait). A ce jour je ne sais toujours pas si Peter Gabriel était simplement gourmand, nerveux, ou que malicieux, il sabordait sciemment l’éventualité d’une diffusion audio de ses propos. J’étais là pour une interview à publier dans un magazine imprimé. Dont acte.

Bliss : Pourquoi avoir choisi la salle Hammersmith Apollo de Londres pour filmer votre concert ?

Peter Gabriel : Normalement je n’aime pas enregistrer en Angleterre parce que les audiences sont meilleures ailleurs. Londres s’est avéré plus pratique et moins cher pour le matériel 3D dont ils se servent tous les jours. Les musiciens aiment jouer dans des plus petites salles, mais je suis aussi heureux dans un endroit plus grand si l’acoustique est bonne. Le plus souvent dans les grandes salles le son est projeté dans tous les sens. Bercy, par exemple, a un bon son par rapport à sa taille. Dans un théâtre, évidemment, les matériaux qui absorbent, sièges, rideaux… gênèrent moins de réverbération et un meilleur son. Nous voulions utiliser la technologie 3D afin de donner un sens de l’espace sans faire appel à des grossiers effets 3D. Nous avons privilégié la profondeur et les perspectives.

Bliss : En DVD/BD les concerts proposent souvent des mixages 5.1 artificiels. Jusqu’où faut-il aller dans ce type de spatialisation ?

Peter Gabriel : Sur nos précédents mixes 5.1 nous avons vraiment exploré toutes les positions, mais c’est un danger parce que vous ne savez jamais comment le spectateur va écouter. Certains ont cinq haut-parleurs identiques répartis dans leur salon, d’autres ont deux ou peut-être trois bons haut-parleurs et deux mauvais à l’arrière… Mais généralement j’aime bien créer un mixage 5.1 et placer les éléments dans l’espace. Nous avons installé des micros dans le public et auprès de certains instruments de l’orchestre parce que je n’aime pas les effets agressifs des partitions à cordes hollywoodiennes. J’aime pouvoir entendre la présence des instruments, sentir leur chaleur…

Bliss : Pionnier de la musique digitale, vous revenez aux instruments acoustiques, pourquoi ?

Peter Gabriel : J’ai été un fan de l’analogique, puis 100 % digital et maintenant je suis quelque part entre les deux. Je crois possible le son naturel en digital. La technologie avance sur certains points mais on réalise ce qu’on perd aussi au passage. La musique analogique ressemble à une brume, un nuage que vous regardez en imaginant et entendant des choses qui ne sont pas là, votre cerveau peint des morceaux qui manquent. La musique digitale, elle, est découpée, précise, sèche et ne cache rien. Le numérique m’a séduit parce que le support ne se détériore pas. Et puis en analogique il est très difficile d’obtenir la dynamique étendue permise par le digital, par exemple lorsque la musique est très douce puis brusquement très bruyante. Pour résumer, à ma demande, le type qui s’occupe de mes masters met toujours plus de basses sur les disques. Une situation hybride analogique/digital nous donnera probablement les résultats les plus satisfaisants.

Bliss : Enregistrer ce concert en 3D était-il votre idée à vous ?

Peter Gabriel : Vous savez, je suis un grand fan de la 3D depuis 25 ans. J’ai même filmé trois vidéos en 3D mais personne ne pouvait les voir en dehors des cinémas parce qu’il n’y avait pas d’équipements à domicile. J’avais rencontré des pionniers de la 3D qui travaillaient pour Disney, un type qui avait développé une caméra 3D… J’ai été obsédé par la 3D pendant un moment. Cette fois-ci, au moment de décider de filmer le concert, quelqu’un m’a dit : est-ce que vous voulez envisager la 3D ? Ils n’ont pas eu à me demander plusieurs fois ! J’adorais la 3D et depuis Avatar le monde s’y est mis et vient à ma rencontre.

Bliss : Vous pensez que la 3D est là pour rester ?

Peter Gabriel : Nous voyons en trois dimensions comme nous écoutons en stéréo. Retournerons nous au mono ? Non. Mais peut-être que nous ne voulons pas porter des écouteurs tout le temps. La 3D va rester mais je crois que nous en sommes à ce stade là. Ils font déjà des essais d’écrans sans lunettes mais dont l’angle de vision est restreint. Cette première vague de 3D risque de passer et s’installera pour toujours quand il n’y aura plus besoin de porter des lunettes.

Bliss : Vous imaginez tous vos prochains projets en 3D par exemple ? Vous avez tourné en 3D native ?

Peter Gabriel : Si je trouve quelqu’un pour payer (rires), parce que cela coûte probablement 40 % plus cher, voire le double. Oui toutes les caméras étaient stéréoscopiques sauf une, en mono, que je manipule moi-même sur scène.

Bliss : Envisagez vous de rééditer vos 4 précédents DVD en Blu-ray* ?

Peter Gabriel : Nous aimerions tout avoir en Blu-ray, forcément c’est meilleur (rires) ! Alors nous essayons. Pour certains nous devrons rééditer à partir des documents originaux, ce qui sera lent et cher. Quelqu’un y travaille en ce moment.

Bliss : Vos concerts des années 80 et 90 et pourraient-ils un jour être publiés en DVD/BD ? En êtes vous propriétaire ?

Peter Gabriel : Nous n’avons pas beaucoup de documents vidéo originaux. Nous avons en revanche les concerts bien enregistrés sur console, donc cela pourrait sortir pour les fans sous une forme ou une autre dans le futur. J’ai eu la chance d’avoir un bon avocat à la fin des années 80 qui m’a permis de garder le contrôle ce que je faisais. Ce qui dans ce monde digital est un énorme avantage. Il faut juste que mon ingénieur, Dicky, ou quelqu’un d’autre, prenne le temps de faire le tri.

*(Secret World Live, Growing up Tour, Still Growing Up Live, Play)

Propos recueillis et traduits par François Bliss de la Boissière en juillet 2011

Peter Gabriel New Blood
Live in London in 3D
(Blu-ray 3D)

Note générale : 8/10

Réalisateur : Blue LEACH.
Inclus : Biko, Solsburry Hill, Don’t give up…

Concert enregistré les 23 et 24 mars 2011 au Hammersmith Apollo de Londres.

Notre avis : Dans la lignée de l’album concept Scratch My Back de 2010 utilisant uniquement orchestre symphonique et voix, Peter Gabriel livre ici, au sein de 46 musiciens, une performance acoustique plus proche d’un récital mélodique que d’un concert pop-rock. Un assagissement proche de l’assoupissement classique et prétentieux contrebalancé par une captation 3D dernier cri.

Apport HD : Empâtée.

Apport 3D : Troublant, dans tous les sens du terme.

Interactivité : Sur BD 2D, en HD et VOST : Confidences de Peter Gabriel avec coulisses non dénouées d’humour du concert et du projet 3D, hélas bien courtes.
Format : 1.78.
Versions sonores : 5.1 DTS HD Master Audio, 5.1 DD et stéréo PCM.
Sous-titres français et anglais, sur le bonus.
Inclut un livret de 8 pages.

Images : La plupart du temps épatante de profondeur (n&b superbe en 3D) et malgré les sérieux moyens techniques, la 3D native filmée live se cogne aux effets lumineux de la scène : la silhouette de Peter Gabriel devant l’orchestre souvent aplati semble ainsi ajoutée artificiellement (un comble), un faisceau lumineux peut faire loucher comme le moindre flou de la focal… Malgré ces hoquets expérimentaux, le spectacle relief s’impose haut la main devant une 2D HD neigeuse aux noirs bouchonnés.

Son : Musicalité splendide du DD, inhabituellement surdimensionné, et du DTS, capables de finesses et grandes profondeurs. Stéréo PCM anodine à côté.

Note technique : 8/10.
Couleurs et (un peu) N&B – 129’ – Eagle Vision – 1 BD 3D/2D + 1 BD 2D + 1 DVD – Régions multiples.

(Test : FBdelaB)

(Publié en octobre 2011 dans le mensuel Les Années Laser)

Photo Peter Gabriel © DR


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