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InFamous : Décharges électriques

Pour s’intéresser à ce wannabe super-héros d’apparence trop ordinaire, il faut commencer par faire confiance à ses géniteurs. Alors seulement il devient possible de se laisser aller et peut-être même de se laisser électriser par l’ambition du projet.

Électrolyse

Comme beaucoup de grosses productions des dernières années, le jeu commence avec une citation prestigieuse cherchant à interpeller le participant et lui signifier qu’il devra sans doute, une fois en capacité, faire quelques choix moraux : « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir « (Abraham Lincoln). De même, presque tous les gros éditeurs de jeux vidéo sont capables de réaliser des productions bluffantes, mais si vous voulez être sûr de trouver un bon jeu, intéressez-vous d’abord au studio qui le développe.
Infamous par exemple, dont le titre court après la célébrité, ressemble trop à tous les Grand Theft Auto wannabe pour se distinguer au premier coup d’œil : héros solidement masculin vu de dos arpentant en grognant une grande ville américaine, avec ses habituels buildings en briques, ses avenues canyon, ses ponts gigantesques au-dessus d’un fleuve frontière… Cent fois vu, cent fois (mal) appréciés du gangster de rue (GTA), au justicier (Crackdown), au super héros vert, Hulk, ou rouge, Spider-Man. Pourquoi lancer un InFamous, lui, inconnu, pour sauter encore d’immeubles en immeubles, éliminer des vilains cagoulés et écouter un énième compère bavard et je sais tout ? Parce que le studio Sucker Punch dont le nom de baptême, déjà, annonce une volonté de surprendre, a déjà commis un vrai classique sur PlayStation 2 avec Sly Raccoon (3 épisodes). Et que jusqu’à preuve du contraire, il faut faire à priori confiance à une équipe ayant déjà réussi à façonner un jeu personnel et solide. C’est comme cela que la (bonne) culture jeu vidéo doit se construire et se perpétuer.

Ainsi, tel Sly Raccoon en son temps, InFamous ne cherche pas à réinventer la roue mais s’applique avec une obstination d’artisan à fignoler l’exercice du free roaming game (jeu d’action et d’exploration libre à travers un décor sans limite) et à lui donner une touche singulière. Bonne idée déjà, c’est en appuyant sur le bouton Start que le joueur innocent déclenche l’explosion dont va découler toute l’histoire d’une ville en décadence rendue à la sauvagerie. Le héros malgré lui découvre ensuite en situation et avec le joueur ses super pouvoirs électriques. Plutôt que d’utiliser des armes à feu, ses mains projettent des décharges électriques héritées d’un Electro de la Marvel et s’il peut tuer, il peut aussi soigner. L’aventure qui se construit sans surprise à coup de missions éparpillées dans la ville devient réellement tangible et plaisante parce que le héros, monte-en-l’air à la Assassin’s Creed, saute sans dommage du toit des immeubles, joue sans effort les funambules, bondit et se rattrape de justesse aux corniches. Souvent inutiles, pirouettes, acrobaties et audaces aériennes donnent du plaisir simple et direct comme un certain Mario. D’ailleurs, les atterrissages fracassants du héros électrique balayant tout sur son passage doivent pas mal aux coups de cul du célèbre plombier. Et le survol provisoire au dessus du vide rappelle aussi les aptitudes de Super Mario Sunshine. Sucker Punch cherche ainsi à réunir sur un même toit, et non sous, des plaisirs tactiles venant de plusieurs horizons et si le mixe manque encore d’un peu de punch, l’ensemble gagne largement à être (re)connu.

Infamous / Sony Computer / PlayStation 3

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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Sly Raccoon : gentleman cambrioleur

Un zeste de Solid Snake, un poil d’espion aux pattes de velours, quelques doses de références rétro, et une bonne rasade d’humour, ce raton-voleur là a du style. Le toon-shading à son apogée sur PS2 n’empêche pourtant pas de bailler. Qu’y faire ? En bonus : la chanson du voleur élégant…

Sly Raccoon

On en connaît tous de ces joueurs qui pratiquaient les jeux de plateforme quand ils étaient en 2D mais qui ont eu du mal lorsqu’ils sont passés en 3D. Banjo et Kazooie, c’est bien, mais on se perd, par où faut-il aller ? C’est vaste ! Ne parlons pas de Mario 64 et encore moins de Mario Sunshine alors, la tête nous tourne. Bref ces gens là, ils aimeraient bien aimer, mais l’effort est devenu trop grand, surtout qu’il faut en plus contrôler sans arrêt la caméra dans ces jeux là. Pour eux, Crash Bandicoot leur a donné une passerelle de transition avec sa 2,5 D, et Rayman 2 est le jeu idéal.

Pas de questions existentielles

Sly Raccoon est bien un jeu de plateforme 3D, mais grâce à sa structure de progression simple et son architecture plutôt dirigiste, le joueur se pose rarement des questions existentielles sur la direction à prendre. Il peut se concentrer sur le fameux gameplay du genre, à savoir : sauter comme un cabri sur un décor en escalier, éviter les ennemis de la même manière et, généralement laisser derrière lui un décor sans avoir besoin de renifler chaque centimètre carré. Sly Raccoon fait partie de cette espèce, a du chien, ou plutôt du renard, du caractère quoi, et est très bien réalisé, ce qui ne gâche rien.

«C’est le plus grand le plus charmant le plus élégant avec ses gants ou bien sans gant, l’Arsène. Quand il s’amène, quand il s’en mêle, tout ce démêle tout se dégèle et… s’ensorcelle, l’Arsène.» (1)

Petit préambule : Raccoon veut dire raton-laveur en anglais, et non, pour ceux qui n’en démordent pas : «Petite ville américaine infestée de zombies» (a). Sly le raton-laveur, raton-voleur gentleman cambrioleur, casquette bleue, veste bleue, gants et bottes… bleues, foulard et ceinture jaune, culotte blanche bouffante et masque de Rapetou sur le visage, le Raccoon masqué a l’allure élégante et rétro d’un chauffeur anglais qui se prendrait pour un Lord. Puisant de mémoire à la même source non documentée, son monde est aussi douillet et bâtard que son profil. Un Paris cartoon plein d’ambiances (pin-pon des pompiers), et d’erreurs touristiques (Tour Eiffel en pleine agglomération, réservoirs à eaux sur les toits de Paris comme à New York ?), ou, plus familier, des machines infernales entre Jules Vernes et Walt Disney, des villages européens déjà vus dans les Mickey Parade. Bref l’Europe vu par les crayons de cartoonistes américains bien intentionnés mais pas très informés. Ce n’est pas grave, nous sommes là pour nous amuser car le jeu est définitivement axé humour rétro et détournements.

«Quand il s’approche on cache les broches et les sacoches, il vide les poches sans anicroche, l’Arsène.» (1)

La musique pleine de minis suspens jazzy est inspirée des séries TV US vieilles de plusieurs décades. Et l’utilisation d’un Codec à la Metal Gear Solid 2 pour assister aux dialogues rigolos entre le héros et son coéquipier à l’abri derrière des écrans de contrôle, donne la touche hommage la plus moderne d’un soft à la technique irréprochable. Sur PlayStation 2, Sly Raccoon rejoint d’ailleurs le niveau qualitatif de rares productions comme Jack & Daxter et Ratchet & Clank. Mieux même, la technique graphique du toon-shading utilisée ici donne à Sly Raccoon une finition et un cachet que les autres n’ont pas. C’est joli tout plein à voir, presque lisse aux entournures. Les décors sont amples mais pas plus ambitieux qu’il ne le faut. Les jeux de lumières au service notamment de phases d’infiltration – Sly caché dans des tonneaux ou marchant sur la pointe des pieds dos au mur – sont solides, les animations multiples et convaincantes.

Cartoon interactif

Plus de doute maintenant, après d’autres tentatives plus ou moins réussies, ce Sly Raccoon confirme que nous jouons dorénavant à de véritables dessins animés interactifs, et en volume s’il vous plait. Ce sera aussi les limites des aventures du raton-voleur de Sony USA. A force de clins d’œil sympathiques aux dessins animés de la Warner, Sly n’invente pas grand chose.

«Le monde entier est un cactus, il est impossible de s’asseoooir…. Dans la vie il n’y a que des cactus moi j’me pique de le savoir ayayaaie ouillouillouille…» (3)

L’organisation du jeu est ultra classique : les niveaux sont accessibles les uns après les autres après avoir mis la main sur la clé adéquat, et il faut éventuellement y retourner sans enthousiasme pour ramasser un item important. Les niveaux eux-même sont bien faits mais donnent l’impression d’avoir déjà été traversés ailleurs, dans d’autres jeux. Bonhommes, les gros ennemis se contentent de faire des petites rondes bien délimitées quand ils ne restent pas sur place à attendre bêtement leur sort, et il s’agit juste de leur donner un coup pour qu’ils disparaissent.

Retour à la case zéro

Le jeu est si simpliste qu’il renoue avec les anciennes méthodes : un coup sur le héros, une chute dans l’eau et c’est retour au début du niveau, avec tout à refaire de zéro. Heureusement ils sont courts et il est possible de sauvegarder n’importe quand. Seule variante notable au genre plateforme à la Rayman, une sorte de canne-faucille que Sly tient à la main et qui lui permet de s’accrocher à des décors surélevés, de se suspendre à des cordes. Sans oublier une paire de jumelles disponible dès le début qui offre la liberté d’observer et de zoomer à volonté dans le décor. D’avantage une démonstration technique que franchement utile, mais on accepte le cadeau.

«C’est le plus grand des voleurs, oui mais c’est un gentleman, il s’empare de vos valeurs sans vous menacer une heure. Quand il détrousse une femme, il lui fait porter des fleurs, gentleman cambrioleur est un grand seigneur…» (2)

Le mieux, dans l’ensemble, est le personnage lui-même. Pas très original mais très bien conçu, ses attitudes furtives, prêt à l’action, sa posture de garde-à-vous sur la pointe des pieds en équilibre sur les corniches des toits et, encore plus frime, la position tendue et aux aguets, dite « en arrêt », empruntée aux chiens de chasse, frôle le génie, surtout avec une lune pleine et ventrue en arrière plan. Sly est un poseur, voilà, c’est dit. La preuve, désinvolte et élégant, il signe ses forfaits en déposant un masque à son effigie dans les coffres qu’il a vidés. Gentleman provocateur.

«Il est sympa et attirant mais mais mais, méfiez-vous, c’est un truand.» (4)

(a) Raccoon City des Resident Evil évidemment, bande de baboons (b) (b) Baboon = babouins en anglais , décidément il faut tout vous dire…
Les chansons du chanteur élégant… 
(1) L’Arsène, par Jacques Dutronc (Paroles © Bourtayre – Lanzmann)
(2) Gentleman cambrioleur, par Jacques Dutronc (Paroles © Bourtayre – Dessca – Harvel)
(3) Les Cactus, par Jacques Dutronc (Paroles © Dutronc – Lanzmann)
(4) Le Dragueur des supermarchés, par Jacques Dutronc (Paroles © Dutronc – Lanzmann)

François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2003 sur Overgame)

 


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