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Peter Molyneux, le grand fabulateur 3/3 : « Il fallait que je m’excuse pour Fable 1 »

Troisième et dernière partie de mon interview de l’inénarrable Peter Molyneux au moment de la sortie de Fable 2. En 2008 comme les années précédentes et comme lors de son retour en 2016, le créateur joue avec son audience, passe du black au white, du mea culpa à l’hyperbole avec une facilité déconcertante. Quoi qu’on en dise, Molyneux restera comme un maître du jeu. Et pas forcément à celui que l’on pense. 

Bliss : Revenir au développement PC ne vous a pas porté chance avec The Movies qui n’a pas eu le succès et l’attention qu’il méritait, même avec sa fonction d’enregistrement et de partage de petits films façon Web 2.0 populaire de nos jours… Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Le public PC encore une fois a-t-il changé ?

Peter Molyneux : Je me blâme toujours. En regardant en arrière on peut émettre des critiques à l’égard de The Movies. Il y avait trop à faire dans le jeu, il fallait trop s’affairer et cela devenait frustrant. Il s’agissait de gérer un studio de cinéma mais nous aurions dû le concevoir de façon moins embrouillée, plus relax. Tout le monde cherche à faire un jeu excitant et ce n’était pas tout à fait le cas avec The Movies. Voilà ma première critique. Ma deuxième c’est, bien que le module de réalisation de films fut cool, nous aurions dû arranger plusieurs choses pour que cela soit encore plus cool : les positions de caméra, l’incorporation de davantage d’éléments du joueur…

Bliss : Suite aux pluies de critiques vous reprochant d’avoir annoncé de nombreuses fonctionnalités absentes dans Fable 1, vous avez fini par faire des excuses publiques…

Peter Molyneux : Oui !

Bliss : Y a-t-il un risque que dans quelques mois vous soyez obligé de vous excusez à nouveau pour Fable 2 ?

Peter Molyneux : Vous savez, il fallait que je m’excuse pour Fable 1. J’ai été si excité avec le jeu, j’ai commencé à parler de ses fonctionnalités avant de pouvoir les montrer et je n’ai pas dit aux gens quand les fonctionnalités en question avaient changé ou étaient différentes. Pour être honnête avec vous, c’était idiot. Quand je donne une interview, je ne parle pas à ça (il pointe l’appareil enregistreur, NDR), je vous parle à vous, et je deviens tout excité. Cela m’a pris des années avant de réaliser que les gens écoutent vraiment ce que je dis.

Bliss : Vous avez déjà été cité disant que vous ne pouviez rien dire sur votre prochain jeu sauf qu’il était « ridiculement ambitieux ». La méthode de communication Peter Molyneux ne va pas vraiment s’arrêter, n’est-ce pas ?

Peter Molyneux : Non, je suppose que non. Mais j’espère avec Fable 2 ne pas avoir évoqué une seule fonction sans être en mesure de la montrer (pendant les démonstrations jouables, les parties étaient tout de même strictement interrompues et relancées quand nous arrivions aux combats, soi-disant hyper efficaces et modulables… épées, pistolets, magies…, NDR) et je ne vous ai pas montré tout ce qu’il y a dans le jeu. Ce n’est qu’aujourd’hui, juste avant que vous ne le jouiez que je commence à parler du contenu du reste du monde (d’Albion, NDR), comment vous pouvez influencer l’histoire. Ce sont des choses que je veux que vous découvriez. Avec Fable 1, j’ai parlé du contenu bien trop tôt, de façon trop détaillée, avant que les démos soient en place. Beaucoup de gens m’ont interpellé et reproché : « C’est typiquement du Peter Molyneux ». Et je me suis dit, les gens ne vont plus jamais écouter ce que je dis, je dois être honnête, je dois écrire cette lettre (d’excuses) et je dois m’y tenir. Il y a beaucoup de pression, vous savez. Certains journalistes vous brutalisent vraiment, « dites-moi ci ou ça », « est-ce que c’est comme ci ou comme ça » et évidemment je réponds un peu. Je ne vais pas répliquer « no comment ».

Bliss : Vous faites naturellement dans l’hyperbole…

Peter Molyneux : Oui, oui, mais je vous promets, je ne dis rien de plus que ne j’ai déjà dit aux équipes de Lionhead quand nous avons commencé à travailler sur Fable 2 : « Nous allons écrire une histoire dont les gens se rappelleront pour le reste de leur vie ».

Bliss : Comment pouvez-vous espérer réaliser votre objectif et même aller plus loin après une telle phrase ?

Peter Molyneux : Au début de chaque jeu, il faut avoir une motivation et une raison de le faire. En ce qui me concerne, si je me dis : c’est mon job de réaliser un autre jeu, si je pense comme ça, alors je ne devrais probablement pas le faire. Pensez que vous allez devoir entrer dans une pièce pleine de gens pour leur dire de passer trois ans de leur vie à travailler sur le projet, comme sur Fable 2. J’avais dit pour Fable 1, je veux faire le meilleur jeu de rôle de tous les temps. Si vous n’essayez pas de réussir le meilleur jeu de tous les temps, à quoi bon ? En particulier avec les sommes d’argent que cela coûte, c’est fou. Vous savez, si je refaisais un autre jeu avec le même genre de fonctionnalités encore et encore, je devrais m’abstenir. Et les gens ne devraient pas me confier leur argent pour ça. J’ai écrit sur le tableau des bureaux de Lionhead, ça y est encore, je pourrais vous le montrer : « Nous allons concevoir une histoire formidable, pas juste une « autre histoire », quelque chose capable de modifier votre façon de penser ». Évidemment que cela sonne comme de la hype, évidemment nous n’atteindrons jamais ce « formidable » que j’imagine. Mais même si je n’arrive qu’à mi-chemin de ce quelque chose de formidable, c’est mieux que de ne pas essayer.

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Propos recueillis en octobre 2008 par François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2008 sur Gameweb.fr)

 


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