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Les jeux musicaux ont perdu le sens du rythme

Rien ne va plus. Tel un soufflet monté trop haut, le business des jeux musicaux, en orbite depuis 2005 et le succès colossal de Guitar Hero, revient sur terre. Les revenus de l’ensemble des jeux musicaux auraient réduit de 46 % en 2009. Le temps des remises en question et d’une nouvelle chanson est venu. REGARDS…

Rockband Beatles

Il y a peu, des groupes comme Aerosmith, qui avait eu droit à une édition dédiée de Guitar Hero, se réjouissaient du succès du jeu vidéo qui leur permettait de toucher désormais plus de public que leurs propres albums. Oui, les revenus des jeux musicaux puisant allègrement dans le catalogue rock de ces 30 dernières années ont permis de remettre de l’argent presque frais dans le circuit de la musique. Au point que certains ont vu dans cette nouvelle vague de jeux au succès inattendu et foudroyant malgré les prix de ventes élevés liés, notamment, aux accessoires indispensables (guitares, batteries, micros…), un sauveur potentiel de l’industrie musicale. C’était sans compter sur la volatilité du jeu vidéo, son exceptionnelle capacité d’emballement intimement liée à celle de s’essouffler. Depuis son origine, le jeu vidéo a une faculté de renouvellement à peu près inédite. Une capacité à attraper et exploiter les tendances, voire d’en créer, à grande vitesse. Mais sur le principe même de la blessure fondatrice du premier âge d’or des années 1980 suivi par un crash au moins aussi spectaculaire que l’explosion de la bulle internet des années 2000, le jeu vidéo fonce toujours en frôlant le gouffre. Le jeu vidéo musical achève ainsi son cercle vertueux vers le succès en se tassant d’une manière tout aussi spectaculaire, en très peu de temps. La faute, avant tout, à une saturation du marché provoquée par les 2 pourvoyeurs de jeux de rythme musicaux. Après avoir encaissé tous les dividendes du succès, Activision et Electronic Arts remettent en question leur business modèle. Sur un petit air déjà entendu.

Activision tuning

Devant le n°2 Electronic Arts mais finalement sur ses traces, Activision-Blizzard vient à son tour d’annoncer des réductions d’effectifs. Où, selon le vocabulaire corporate, des « réalignements de ressources ». 200 personnes seraient concernées. D’après les indéchiffrables calculs comptables et boursiers, les 15 millions d’exemplaires vendus estimés et le milliard de dollars de recettes de Call of Duty : Modern Warfare 2 (l’équivalent des recettes générées par toute l’industrie du jeu vidéo en octobre) et le 1,56 milliard de recettes totales du groupe ne suffisent apparemment pas à compenser la branche jeux vidéo musicaux qui aurait perdu 286 millions de dollars au dernier trimestre 2009, soit 4 fois plus qu’en 2008. Plusieurs studios internes de développement vont ainsi être soit sérieusement réorientés ou totalement fermés (Radical Entertainment – aux effectifs déjà réduits depuis la fusion Vivendi-Activision, Luxoflux, Underground Develoment…). Parmi les victimes directes ou collatérales, 50 personnes sur 170 de l’équipe de Neversoft responsable des jeux de skateboards à l’enseigne Tony Hawk et du développement des jeux Guitar Hero depuis qu’Activision a récupéré la franchise. Le développement des prochains jeux Guitar Hero pourraient être confiés au studio Vicarious Visions déjà ouvrier des versions Wii et DS. Acquis en 2006 avec la franchise Guitar Hero, RedOctane, l’éditeur historique des premiers Guitar Hero et concepteur physique des fameuses fausses guitares serait lui totalement fermé. Un symbole lourd.

C’est la même chanson….

Stratégie générique, déjà entendue du côté d’Electronic Arts, énoncée par le CEO d’Activision Michael Griffith qui s’attend à un ralentissement encore plus conséquent du jeu musical : « moins de titres à destination d’une plus large audience ». Activision sortira ainsi seulement 2 jeux musicaux en 2010, contre 7 en 2009 (répartis en 25 versions selon les plateformes !) : un Guitar Hero, et un DJ Hero 2 appelé à faire ses preuves après un lancement trop timide en 2009. Versions PlayStation 2 cette fois omises, et versions iPhone (iPad ?) au contraire prévues. Le spin-off Band Hero à la sélection musicale plus grand public lancé en fin d’année 2009 n’aura donc pas de suite immédiate, voire pas du tout.

Viacom met Rock Band sur la sellette

Cela aurait dû aller de soi dès le début, et pourtant, ce n’est qu’à l’annonce de résultats à la baisse de 5 % en 2009 de la branche média et networks de Viacom que représentent notamment MTV Games et le studio Harmonix (acheté pour 175 millions de dollars en 2006 et qui développe les jeux Rock Band après avoir inventé le concept Guitar Hero revendu à Activision), dans un contexte jeu vidéo lui-même à la baisse en 2009, que le CEO de Viacom, Philippe Dauman, réévalue la situation. Il explique ainsi à ses investisseurs que, malgré le milliard de dollars engrangé par la franchise, la société va réduire les coûts structurels associés aux jeux Rock Band, se concentrer plutôt sur le software que sur le hardware (les accessoires, guitares etc…) et être sélective avec les morceaux musicaux retenus, en fonction de leur coût d’achat. Et de réclamer l’assistance de l’industrie de la musique dans ce processus d’évolution. Un bon sens que l’on croyait déjà un minimum appliqué justement du côté Rock Band, plus raisonnable en terme de sorties, plus précieux dans ses offres musicales (voir le Rock Band : Beatles) et en général plus chic que son concurrent Guitar Hero, mais tout aussi orgiaque en terme de sorties (5 à 6 titres chacun en 2009 rien qu’à destination des consoles de salon, tous territoires confondus). Viacom affirme pour l’instant qu’Electronic Arts va continuer à distribuer ses Rock Band. Mais le contrat arrive à terme et, à la surprise de la distribution, EA n’a listé aucun titre Rock Band pour 2010, surtout qu’un Green Day : Rock Band avait été précédemment annoncé. Rien ne dit alors qu’Electronic Arts, aussi à la recherche d’économie, ne préfère pas faire l’impasse et cesser de jouer à qui perd gagne avec son double rival Activision et Guitar Hero. Des renégociations de contrat sont toutefois probablement plus à l’ordre du jour.

Choral

Tout n’est évidemment pas joué. La réorganisation, la « phase de transition » et non le « déclin » du secteur, fait suite à une courbe ascensionnelle sans précédent qui ne pouvait raisonnablement durer. Surtout surexploitée ainsi. Avec un peu de chance et de raison, c’est à dire en arrêtant d’inonder le marché de jeux copiés/collés, ce marché là cherche peut-être tout simplement un point d’équilibre, un rythme troquant l’hystérie collective des premières années au profit d’un calendrier de publication plus mature, plus posé. Même si elles ne furent pas aussi spectaculaires que prévues, les deux avancées proposées par la jolie version 100 % Beatles de Rock Band (1,7 millions vendus) d’un côté, et la nouvelle perspective ouverte par un DJ Hero troquant la guitare pour la platine de DJ fin 2009 ont ouvert de nouvelles pistes.

Trop gourmande, l’industrie du jeu vidéo se cogne déjà aux plafonds de la rentabilité des jeux musicaux, et découvre, après l’industrie du disque, qu’il y a des limites à la musicexploitation que même le numérique ne saurait tolérer. La musique, elle, reste plus que jamais au cœur des mœurs, et du quotidien des jeunes en particulier. Quels que soient les modes d’écoutes, officiels ou clandestins, passifs ou interactifs. L’annonce ce week-end de la sortie imminente d’un pack de 5 chansons du « King of Soul » Otis Redding sur un Rock Band Network Music Store évoluant vers une plateforme ouverte à des contributions musicales autonomes, indépendantes ou amateurs, rappelle que tant que la musique continuera de s’adresser à l’âme, elle continuera de se propager en l’homme comme un bon virus, bien au delà du business modèle du jour.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 15 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

Septembre 2001, l’Amérique sombre dans la terreur. Octobre 2001, l’administration Bush signe le Patriot Act. Novembre 2001 Microsoft lance sa première console de jeu vidéo et l’Armée américaine s’infiltre sans scrupule dans l’industrie du jeu vidéo.

Huit ans plus tard l’Amérique a presque gagné cette bataille là. Le bouillonnement créatif et technologique du jeu vidéo a quitté le Japon pour les États-Unis et le jeu vidéo dans ce qu’il a de plus spectaculaire s’est totalement militarisé. Le succès commercial et inculturé de Call of Duty : Modern Warfare 2 en est le point culminant. Malgré son avance technologique, le jeu vidéo confirme son retard sur l’histoire…

Call of Duty Bush 02

Du très sérieux Civilization qui privilégiait dès 1991 sur PC les scénarios de conquête militaire aux colonisations pacifiques, jusqu’aux missions en hélicoptères de combat de Desert Strike sur la console Megadrive en 1992, le jeu vidéo n’a évidemment pas attendu les temps modernes pour se frotter aux frissons de la guerre virtuelle. L’arrivée de la 3D au début des années 90 a même ouvert le champ d’action à bien des combats, et les jeux de guerre ont peu à peu occupé une place privilégiée dans le catalogue des éditeurs. La révélation des pouvoirs d’immersion en vue subjective sur un champ de bataille arriva franchement avec le premier Medal of Honor réalisé par Electronic Arts en coordination avec Dreamworks Interactive en 1999, et directement inspiré par l’immersion évocative du film Il faut Sauver le Soldat Ryan. Puisant plus directement encore dans la mise en scène tétanisante de La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, la très efficace série Call of Duty, elle aussi située exclusivement pendant la Seconde Guerre Mondiale, finit par reprendre le flambeau jusqu’à l’épisode Modern Warfare de 2007 déplaçant, contre l’avis de son éditeur, l’action de nos jours.

Infiltration

Rejeton récupéré parmi d’autres du Patriot Act de l’administration Bush, le jeu vidéo s’est retrouvé plus ou moins discrètement instrumentalisé par l’armée au cours des années 2000. Décomplexée au même titre que le reste de l’Amérique entrée en résistance contre le monde, l’armée US lançait sans gêne ni critique son propre jeu de guerre en ligne accessible gratuitement. Aujourd’hui encore elle inspire nombre de productions en offrant ses conseils et l’accès à son arsenal sans qu’aucune instance ne discute et remette en question la présence physique et virale des moyens et des valeurs de l’armée américaine dans l’industrie du jeu vidéo qui, rappelons-le, vise en premier lieu une population masculine entre 12 et 35 ans (nos chiffres d’observation, pas ceux d’un institut mandaté).

Propagande ouverte et sans freins

Le début des années 2000 devint l’époque, par exemple, où le gentil éditeur français Ubisoft et son Rayman vedette sentit le vent venir et commença à tisser des liens privilégiés avec l’armée devenue conseiller militaire, sur ses productions Tom Clancy notamment. Ubisoft prit l’habitude étrange et fort dérangeante de faire intervenir d’anciens militaires braillant des ordres dans ses présentations presse de jeux comme Brother’s in Arms ou Haze sans que cela offusque, il faut le préciser, les journalistes spécialisés conviés à ces messes obscènes. C’est l’époque où l’armée américaine commanda et supervisa auprès du studio Pandemic (qui vient de fermer ses portes suite à la restructuration d’Electronic Arts) un Full Spectrum Warrior, jeu dans le commerce et véritable support d’entrainement aux troupes, redonnant de la dignité et de l’éthique à la simulation militaire virtuelle malmenée par les productions anarchiques du jeu vidéo. Un comble et une honte non bue pour le milieu. Non seulement l’armée s’infiltrait insidieusement dans la production de jeux devenue instrument de propagande (d’un état d’esprit) mais elle donnait, et de belle manière, des leçons de conduite et d’honneur aux faiseurs de jeu. C’est aussi l’époque où l’américain Microsoft est entré de force dans l’industrie du jeu vidéo sur console en injectant et brûlant des milliards de dollars. Huit ans après la sortie de la première Xbox en novembre 2001, deux mois après le 11 septembre, forcément un hasard mais un symbole aujourd’hui stupéfiant, l’OPA américaine non déclarée sur le jeu vidéo a presque totalement réussi. La scène japonaise du jeu vidéo lutte désormais pour survivre face aux gros studios américains capables de toutes les prouesses technologiques. Et le jeu vidéo, comme le reste du monde, subit la politique va-t-en guerre américaine.

Le jeu vidéo en retard sur l’histoire

Au moment où l’Europe et le monde saluent l’anniversaire de la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, où Barack Obama inclut le jeu vidéo dans un nouveau programme d’éducation lié au STEM, qui verra, entre autres initiatives, le jeu Little Big Planet rejoindre les bibliothèques, la partie la plus bruyante et émergée du jeu vidéo et des joueurs célèbre un Modern Warfare 2 qui rejoue très sérieusement une guerre pseudo contemporaine entre américains patriotiques et russes odieux. Dans le jeu, une séquence plus imbécile encore que les autres conduit un américain infiltré au sein d’un commando russe à participer à un massacre de civils dans un aéroport. Une séquence « choc » facultative puisque le jeu offre dès le début le choix – forcément hypocrite et aiguiseur de curiosité – de jouer une version sans les scènes « pouvant choquer », et repose la question avant la scène en question en précisant bien, au moins ça, que le score du joueur ne sera pas pénalisé s’il saute comme proposé cette séquence. Qui aura acheté son jeu 70 € et contournera sérieusement un chapitre ? Manette en mains, confirmons que l’on peut « jouer » la scène en ne tirant soi-même pas un seul coup de feu. Ce qui n’empêche pas d’être obligé de suivre et d’assister pendant de longues minutes au spectacle du massacre à la mitraillette totalement gratuit. Aveugle à lui-même, le scénariste Jesse Stern déclare dans une interview auto satisfaite avoir là exercé son droit à repousser les limites de la narration interactive ! Sans y croire, nous avons essayé de lutter contre le programme en restant totalement immobile – impossible – ou en cherchant à éliminer ses pseudos partenaires russes – impossible également, cela conduit systématiquement à sa propre mort, c’est-à-dire au début de la séquence. Après un moment de stupeur, « absolument tous les joueurs invités à tester le jeu ont fini par tirer sur la foule », révèle le scénariste, « parce que c’est la nature humaine » et que ce n’est qu’un jeu vidéo.

Vieux démons

La réussite des scènes d’action, des spectaculaires mise en en scène et mise en action de COD : MW2 cache une ignorance ou une indifférence crasse des faits du monde par le studio de développement californien Infinity Ward. Une bêtise doublée d’une indélicatesse diplomatique d’un autre âge, pour ne pas dire autre chose, digne des faucons de l’ère Bush, qui a conduit la Russie, honneur oblige et non la censure, à réclamer le retrait de la vente du jeu dans le pays. Une version sans l’épisode en question pourrait y être commercialisée. Aujourd’hui, des associations humanitaires suisses recensent tous les crimes de guerre perpétrés dans les jeux vidéo et demandent publiquement aux développeurs et éditeurs de respecter les règles humanitaires internationales dans leurs productions.

Score de rattrapage

Ultime hypocrisie qui voudrait passer l’éponge, en compagnie de Microsoft et de la chaine de magasins Game, l’éditeur organise en Grande-Bretagne une session de jeux en réseaux de COD : MW2 dont la présence massive de joueurs conditionnera la remise d’une somme à l’association War Child (150 000 £ si 600 000 joueurs se connectent, plus 25 000 £ tous les 100 000 joueurs supplémentaires).
À la pointe de la technologie dès sa naissance dans les années 70, précurseur de la révolution numérique et interactive, le jeu vidéo devenu adulte du côté box office continue en réalité une crise d’adolescence et d’identité qui le laisse à la merci de la première autorité venue. Le service militaire a beau ne plus être obligatoire, à presque 40 ans le jeu vidéo continue de faire ses classes. Dernière minute, Activision confirme la réussite de l’invasion. Depuis son premier épisode, la série Call of Duty s’est vendue à 55 millions d’exemplaires et a généré 3 milliards de $ de recettes. On attend désormais le retrait des troupes promis par Barack Obama.

À lire 1ère partie : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush

François Bliss de la Boissière

(Publié le 29 novembre 2009 sur Electron Libre)

Quelques réflexions inégales mais intéressantes sur la guerre dans le jeu vidéo dans le n°1 des Cahiers du jeu vidéo chez Pix’n Love éditions

Lire également, comment COD : MW 2 a influencé le traditionnel calendrier des sorties de Noël…


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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (1ère partie)

La production interactive d’Activision-Blizzard, filiale de Vivendi, vient de battre les records de sortie d’un jeu vidéo, et plus. Chiffres et communiqués nous martèlent que, depuis sa sortie le 10 novembre, les ventes sur Xbox 360, PlayStation 3 et PC ont explosé tous les records de lancement d’un produit de divertissement. Cinéma compris. Seul hic dans ce triomphalisme ambiant, le jeu en question est un jeu de guerre. Et les chiffres ne disent pas tout. Techniquement impeccable mais scénaristiquement imbécile, il rejoue le tête-à-tête russo-américain de l’après guerre au moment où l’on célèbre la chute du mur de Berlin…

Call of Duty Bush 01

Pas de quoi se réjouir pour une industrie du jeu vidéo en mal de reconnaissance culturelle et artistique. COD : MW2, petit nom agréé du 7e chapitre d’une série lancée en 2003, bat au box office la sortie du jeu vidéo Grand Theft Auto 4, dernier record en date. Un jeu de guerre succède donc à un jeu de gangsters (précisons-le avant lapidation, l’un et l’autre sont loin du niveau de films comme La Ligne Rouge de Terence Malick, ou du Parrain de Francis Ford Coppola). Soit, selon les chiffres de GFK reportés par l’éditeur : 376 000 exemplaires et 25,5 M€ de recettes générés en cinq jours en France pour COD : MW2 (1,7 millions d’exemplaires vendus en une semaine en Grande-Bretagne, 3 millions en Amérique du Nord), contre 320 000 exemplaires de Grand Theft Auto IV en 2008 pour 24 M€. Et l’éditeur d’aligner les comparaisons en France avec le DVD de Bienvenue chez les Chtis (17,1 M€) et le dernier tome d’Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (12,6 M€). Puis dans le monde. 550 millions de $ de recettes en cinq jours qui battent les films Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (394 M$) et The Dark Knight (203,8 M$) et, enfin, le jeu, tenant du titre, Grand Theft Auto IV (500 M$ pour 6 millions d’exemplaires). La réalisation de COD : MW2 aurait coûtée entre 40 et 50 M$ là où celle de Grand Thef Auto est réputée avoir atteint les 100 M$.

Comment faire parler les chiffres

Petit rappel démographique devant ces chiffres tsunami intellectuels. À 70 € le prix de vente en moyenne, les 25,5 M€ de recettes du jeu Call of Duty : Modern Warfare 2 en France représentent une population d’à peu près 360 000 acheteurs comme le dit le communiqué de l’éditeur. À 20 € en moyenne le prix de vente du DVD, les 17,1 M€ de recettes de Bienvenue chez les chtis correspondent à 850 000 acheteurs environ, et au moins autant de spectateurs familiaux associés, soit 2 à 4 fois plus de personnes que le jeu vidéo qui bat tous les records. L’impact du lancement tonitruant du jeu a plus d’effet dans les médias que dans la population. Et les records chassant l’autre, la sortie du 2e chapitre Twilight au cinéma mercredi 18 novembre bat les records d’entrées aux USA (72,7 M$ dès le premier jour, « 3e meilleur démarrage de tous les temps », 258,5 M$ en fin de week-end, juste derrière le record de The Dark Knight) et, en France, 2,1 millions d’entrées en 5 jours qui le place en 2e place des records de sortie. Le jeu Assassin’s Creed II sorti la semaine dernière s’est écoulé lui-même à 1,6 millions d’exemplaires dans le monde en 7 jours.

Dérive culturelle

Le pouvoir éblouissant du box office et tout serait dit. Les records mondiaux de ventes de jeux vidéo à leur sortie se félicitent ainsi de voir une simulation de troufions, littéralement aux ordres pendant le jeu, embarqués sur différents fronts russo-américains imaginaires succéder à une simulation de vie de gangsters dans un New York outlaw. Ces jeux officiellement pour « adultes » sans autre vertu que le pouvoir du spectacle et de la violence interactive provoquent la ruée simultanée de millions de jeunes hommes dans les boutiques. Ainsi, 5,2 millions d’heures de jeu en réseau auraient été enregistrées sur le Xbox Live dès le premier jour. Soit 2 millions de joueurs se jetant à cœur (et intellect) perdu les uns contre les autres, en équipe ou pas, dans une guerre virtuelle qui les réjouit. Comment le jeu vidéo que l’on croyait enfantin, représenté pendant ses 20 premières années par des mascottes animalières (Sonic) ou inoffensives (Mario) en est-il arrivé là ?

Descente aux enfers

Même relativisé, le succès colossal de ce Modern Warfare 2, ultime représentant du jeu vidéo adoubé par ses chiffres de vente, descend ainsi d’une tragique évolution du jeu vidéo qui n’aurait peut-être pas atteint ce déplacé paroxysme du box office militaire si le cours de la grande histoire avait pris une autre tournure. Même si la tendance à la militarisation du jeu vidéo était déjà sensible à la fin des années 90, le choc du 11 septembre 2001 se répercuta très vite dans les allées de l’E3, le – alors – fameux salon annuel du jeu vidéo de Los Angeles. Pas du tout menaçante mais en promotion permanente, la présence de l’armée s’y manifesta de plus en plus ouvertement. Véritable hélicoptère posé sur l’esplanade, descente en rappel de militaires à partir d’un hélico en suspension, stand de l’armée à peine camouflé au milieu de ceux de jeux eux aussi décorés en forts retranchés… Au point de ne plus savoir si le militaire en uniforme circulant dans les allées du salon aux côtés des trolls, dragons, guerrières dénudées et autres peluches géantes de Pac-Man ou Mario, étaient de vrais soldats ou des figurants déguisés.

Drapeau blanc

Lors d’une rencontre à cette époque avec Shigeru Miyamoto, grand maître d’œuvre créatif de Nintendo, nous lui avions demandé ce qu’il pensait de voir le salon du jeu vidéo se transformer de plus en plus en warzone et l’industrie prendre ainsi les armes. Polie, sa réponse resta évasive et diplomatique, rappelant simplement que Nintendo s’intéressait à d’autres voies. Aujourd’hui, la réponse radicale de Nintendo à cet état de crise hystérique du jeu vidéo et le drapeau blanc tendu entre les joueurs se nomme DS et Wii et a pris la forme d’une démocratisation du jeu vidéo en social gaming.

Lire aussi… : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes / le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

François Bliss de la Boissière

(publié le 27 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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