L’adaptation sur iOS de jeux Flash n’a pas fini de joliment surprendre. Ainsi ce très rétro chic Canabalt disponible depuis 2009 sur PC et qui entraine dans une exténuante et irrésistible fuite en avant sur iPad et iPhone.
Rien ne vaut le noir et blanc pour faire chic. Ajoutez quelques dégradés de gris, un dessin en aplats avec des contours angulaires en escaliers faisant référence aux jeux vidéo des années 80 et voilà que surgit, avec le bon dosage, du « pixel art ». La scène Flash, par définition limitée dans ses ressources, en a fait grand usage. Issu de ce vivier créatif, le trop discret Canabalt passe beaucoup moins inaperçu une fois en main. Parce que derrière cet emballage sobre presque aristocratique se cache un jeu totalement hystérique, fondamentalement rigolo, et drôlement bien rodé.
« Run Forrest Run » (Forrest Gump)
Dans un pur dépouillement du jeu de plateforme réduit à l’essentiel, le gameplay consiste exclusivement à aider un petit bonhomme courant automatiquement de gauche à droite à éviter les obstacles ou à chuter dans le vide. Son parcours se fait sur le toit de buildings avec la ville en arrière-plan. Dès la première seconde le type court comme un fou sans jamais s’arrêter. Son pas va même en accélérant au fur et à mesure que le joueur réussit à éviter des obstacles friables sur sa route qui le ralentissent un peu. Plus il va vite, plus il va loin, plus il peut sauter loin et donc franchir des distances de plus en plus grandes entre les toits d’immeubles ou les quelques grues qui les séparent. Mais plus il va vite, plus l’anticipation devient difficile dans un redoutable mélange de jeu de réflexe et d’appréciation des distances. L’unique action consistant à déclencher le saut en appuyant sur la vitre, la vraie difficulté consiste à apprécier en une fraction de seconde la distance et la hauteur du saut à effectuer. Plus la pression sur la vitre est longue plus le bonhomme saute haut et, en fonction de sa vitesse, loin. Mais certains immeubles ou échafaudages se révèlent plus étroits que d’autres, un saut trop enthousiaste peut conduire de l’autre côté du toit visé.
Hystérie intérieure
Totalement concentré sur son objectif (course hystérique), et son contexte (les toits de buildings), le jeu organise le tumulte intérieur du joueur avec des moyens économes mais particulièrement bien choisis. Le vrai régal vient ainsi du minimalisme des moyens qui n’assomment pas les sens et qui, au contraire, incite à la revisitation. Visuels, animations, bruitages et musique de Danny Baranowsky, tous finement ciselés et mis en scène redonnent une apparence artistique presque fraiche à un gameplay bien connu dans les parcours finaux ou alternatifs de mille et un jeux de plate-forme old school. Un bruit de verre brisé en franchissant une fenêtre, l’envol d’un groupe de pigeons affolés, le grondement monstrueux du passage d’un aéronef incongru, nourrissent les yeux et les oreilles d’informations à la fois utiles à donner vie à l’action et volontairement troublantes par rapport aux micro-décisions à prendre. Le vrombissement du survol de l’engin à réaction annonce par exemple le largage d’un robot qu’il faudra éviter, ou pas. La tension s’installe parce que les évènements ne sont pas systématiques et qu’il n’est pas possible de mémoriser par cœur le parcours. Le décor et ses obstacles déclinent un nombre évidemment limité d’aléas mais leur enchainement parfaitement fluide varie d’une partie à l’autre. Y compris quand l’immeuble sur lequel on court s’effrite et s’effondre ou quand (un des accidents les plus mortels) il faut limiter son saut pour franchir brusquement un couloir limité en plafond alors que la majorité du temps seul le ciel est la limite.
Course sans fin
On avait laissé avec un peu de regret l’héroïne de Mirror’s Edge s’essouffler dans une course de run and jump en 2D faisant contre mauvaise fortune bon coeur sur iPhonepar rapport au jeu original en full 3D sur consoles de salon. Pas de regret ici, Canabalt offre tout son potentiel de la première à la dernière seconde. Avec classe, humour et ironie comme le révèlent discrètement le simple bruit des pas de courses puis, plus ouvertement, les phrases qui décrivent en détail l’échec et la mort du joueur. Et d’ailleurs quelle est exactement cette dernière seconde ? On ne le saura sans doute jamais. Si l’on en croit les scores mondiaux enregistrés consultables dans le jeu, comme ceux de ses amis Game Center, la course effrénée du mec affolé continue indéfiniment. Le score comptabilise le nombre de mètres parcourus en une session. De quelques centaines à quelques milliers dès que la concentration du joueur arrive à se maintenir et résister aux surprises du parcours. Et surtout à tenir la distance et la durée. Le meilleur score est à ce jour calé à 141 505 mètres, contre les 8000 maximums décrochés pour ce test après bien des efforts ! Aucun doute, Canabalt survol et trace sa route.
François Bliss de la Boissière
Sur iPad et iPhone
Les plus…
- Style graphique pixel art
- Musique de Danny Baranowsky (Super Meat Boy)
- Toucher précis et capable de nuances
- Interface hyper réactive
Les moins…
- Principe de jeu unique forcément répétitif
- Connexion Twitter intégrée défaillante
- Un peu cher
(Publié le 28/02/2012 sur Hitphone.fr)