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DSi XL : Nintendo essaie de voir grand

Ce week-end en France, Nintendo lance une version géante de sa console à double écran. Une DSi XL qui aurait avalé, comme Mario, un champignon décuplant sa taille et ses capacités. Une affiche publicitaire joue ce clin d’œil gamer et contourne ainsi tout blabla technophile. Plus grande, donc plus efficace, devra suffire comme message. Et tant pis si on ne sait pas vraiment à qui s’adresse ce produit king size d’une autre époque. GROS PLAN…

DSi XL

Vraiment comme Apple, le business modèle hardware de Nintendo fonctionne dans une logique autonome. Les deux entreprises se créent pratiquement ex nihilo des marchés que les autres entreprises n’imaginent pas. Des modèles écono-créatifs, des écosystèmes si efficaces que tous les challengers-copieurs s’y écrasent à postériori comme un insecte sur le pare-brise d’une voiture lancée sur une voie unique. Les concurrents à la Game Boy Advance furent nombreux à échouer. La PlayStation Portable existe et se vend (56 millions/monde) dans l’ombre de la DS toujours vedette. Nintendo s’est succédé à lui-même avec la console Dual Screen dont les 3 modèles déclinés en six ans se sont vendus à 125 millions d’exemplaires faisant de la DS la console la plus répandue dans le monde derrière la PlayStation 2 qui vient de fêter ses 10 ans et 140 millions vendues.

Effet de loupe

L’upgrade de la DSi Xl n’est cependant que cosmétique. Processeurs et résolutions d’écrans (256×192 pixels) restent identiques. L’écran original de 3,25’ passe à 4,2’, la dimension générale de 13,7 cm à 16,1 cm et le poids de 214g à 314g. Seule amélioration technique tangible, moyennant 3h au lieu de 2h30 de charge, la batterie de la DSi XL doit tenir 13 à 17h contre 9 à 14 h pour la DSi (en mode éclairage réduit). Nintendo fournit ainsi ouvertement tous les chiffres comparatifs. Mais ils ne disent pas tout. Entre les mains la DSi XL se révèle un monstre, une aberration par rapport à la miniaturisation des appareils électroniques. Au point que l’engin ne peut sérieusement pas envisager une vie de console itinérante. Ce n’est d’ailleurs pas sa vocation puisque Nintendo la décrit comme une « console portable de salon ». Elle vise les jeux familiaux à plusieurs avec la console posée sur une table, et les adultes, pour ne pas dire séniors, plus à l’aise avec des écrans plus grands.

Réalisme social

Le premier réflexe serait de voir dans cette DSi extra large une opportuniste concurrente à l’iPad qui vient dangereusement jouer sur son terrain du jeu mobile. La DSi XL est en réalité vendue depuis novembre 2009 au Japon, bien avant l’annonce de l’iPad. Et le projet d’une DS géante circule depuis plusieurs années dans les labos de R&D de Nintendo qui attendait juste le bon moment pour la commercialiser. Le bon timing, c’est à dire celui que Nintendo estime, comme Apple, par rapport à sa propre clientèle, ses propres courbes de vente et sa force de pénétration de marché. Et non par rapport à la concurrence. Rétrograde au premier abord, la géante DSi XL peut faire ricaner ou laisser sceptique. Comme l’iPad dont une majorité ne voit pas l’intérêt. En réalité il s’agit là de sauts dans le vide. Ces produits sont lancés sans référents et n’utilisent comme tremplin que le savoir-faire et l’instinct socio-industriel de l’une et l’autre entreprise.

Populisme haut de gamme

Vendue 180 €, 20 € de plus que la DSi standard, le modèle géant de DSi, comme la Wii, n’embarque plus aucune technologie coûteuse. Non seulement Nintendo ne perd pas d’argent avec chaque console vendue comme nombre de ses concurrents, Sony en particulier, mais en gagne dans les grandes largeurs. Ce que les technophiles savent et calculent avant d’acheter ou de rejeter un produit « high-tech », le grand public l’ignore et base son achat, dans le cas de Nintendo, à partir d’une côte de popularité contagieuse. Toute l’intelligence de Nintendo consiste à entretenir et faire payer ce sentiment haut de gamme populaire. Populiste, Nintendo appâte néanmoins sans tromper sur la marchandise. Si le matériau brut ne vaut plus son prix aujourd’hui, l’ergonomie de ses consoles et l’accessibilité tout terrain tout public n’ont pas de prix. Les millions de la concurrence cherchent encore le vocabulaire d’un langage ludo-interactif aussi universel. Telle une crème anti rides, une lotion adoucissante aux vertus magiques, l’ergonomie effacée des produits Nintendo renvoie à chaque utilisateur l’impression flatteuse d’être maître de son jeu.

Alternatives XL

Coincée chez soi, l’imposante et peu engageante DSi XL va permettre d’enfin se perdre sur les terres d’Hyrule du dernier Zelda, de décrypter les énigmes de l’adorable Professeur Layton, de lire sans effort les livres de la cartouche 100 Livres Classiques disponible ce jour. Et tant pis si la nouvelle surface rêche de la console irrite comme l’image agrandie devenue rugueuse ou anguleuse, et si, quitte à entériner le confort du jeu chez soi, Nintendo aurait pu préférer à la DSi XL un accessoire à la Game Boy Player qui permettait de jouer aux jeux Game Boy sur son écran de télé en passant par la GameCube. Ou, mieux encore aujourd’hui, de récupérer par la boutique en ligne Wii les jeux DS de façon à les jouer sur son écran plat.

L’eau qui dort

Peu d’observateurs avisés ou attitrés ont vu venir les succès colossaux de la DS, de la Wii, pas plus que de l’iPod ou de l’iPhone. Diagnostiqué agonisant au début des années 2000, Nintendo a fait le nécessaire pour aller chercher un public qui ignorait son appétit pour le jeu vidéo. L’anachronique DSi XL a la même vocation. Il faut laisser le bénéfice du doute au géant de Kyoto qui doit voir dans la population un besoin larvé. Déjà il devient difficile de revenir aux petits écrans de la DSi pour jouer. Et rien ne fait ici obstruction à la naissance d’une DS 2, dont on ne sait rien, avant la fin de l’année. Méfions-nous de la stratégie de l’humble. Pour voir grand, Nintendo commence toujours par jouer petit.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 6 mars 2010 sur Electron Libre)

 


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