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inFamous Second Son : Le tour du propriétaire

Sur PS4, InFamous rejoint ces très rares propositions interactives dont l’existence et la réussite remettent d’autorité sur la table la question fondamentale : le jeu vidéo pour quoi faire ?

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Agir, courir, bondir, construire, détruire, asservir, tuer, gagner ou, parfois, être et regarder, les réponses sont multiples bien sûr, et personnelles. Mais si la célébration de la libération du corps physique encore impossible à l’homme biologique appartient bien à l’ADN du jeu vidéo, alors cette 3e incarnation d’inFamous devient cette ultime médecine de vaudou numérique qui transcende l’existence. « Free your mind » enseigne Morpheus à Neo au moment de sauter d’un gratte-ciel à l’autre dans Matrix, « oublie la peur, le doute et l’incrédulité ». En promettant un morceau de bravoure aérien à chaque instant au bord d’un précipice, Second Son transforme ce leap of faith initiatique en gage permanent. Décuplé par les improbables pouvoirs de contrôle de la fumée ou des néons (mais pas seulement), chaque saut impossible au-dessus du vide vers une façade de l’autre côté de l’avenue, chaque atterrissage invraisemblable sur une terrasse en contrebas, chaque rebond aérien d’une cheminée à une autre signe un triple bon de garantie : celui du savoir-faire technique sans commune mesure du studio Sucker Punch cette fois étalé au grand jour, celui d’une PS4 qui soutient sa thèse next-gen puissante et brillante, conviviale et tout terrain, et celui, enfin, de remettre tous les pouvoirs entre les mains du joueur.

Techno-pop-Arty

Tout en répondant à cette aspiration dévorante intrinsèque au jeu vidéo, la démonstration est technique puis arty. Car à ce Seattle ultra réaliste aux immeubles et quartiers si concrets, aux façades si solides et propices à l’escalade, répond une ville romantique habillée et déshabillée d’aubes et de crépuscules, aux nuits glams plus belles que les jours, illuminées par les gouttes de pluie et les reflets des néons sur les pavés trempés. Les années 80 ne sont pas si loin, le cinéma déambulatoire du Wong Kar Wai des années 90 non plus. De toit en toit, le joueur saute, vol plane, dash, glide presque comme le Surfer d’Argent. Qu’importe au fond la destination, les objectifs, les missions, et même l’histoire, pourvu que l’on en accepta l’ivresse. Les premières et capitales exaltations ? Celles de dominer sa propre pesanteur, puis de requalifier en joyeux terrain d’exploration l’espace urbain plombé par la sinistrose de la bassesse humaine des GTA, Max Payne et consorts.

Sunshine in

Au fil de son récit et de ses péripéties, Second Son utilise des moyens cinégéniques pour raconter quelques drames en refusant le pathos. La légèreté bêta comic book du ton s’accorde, au fond, à un gameplay où la grâce aquaplanante du vacancier Mario Sunshine fusionne avec le libertarisme assumé des graffeurs dissidents de Jet Set Radio. Peu importe alors que les figurants virtuels de la ville trébuchent sur leur propre ignorance. Cette foule anonyme de citoyens dupliqués et mal programmés occupe l’espace urbain avec un humour que Jacques Tati ne renierait pas. Début 2014, à lui tout seul et sans doute un peu involontairement, inFamous : Second Son convoque tacitement les États généraux et généreux du jeu vidéo. La technologie pour prouver quoi ? L’open world pour aller où ? Les super pouvoirs pour devenir qui ? Le jeu vidéo pour jouer à quoi ? La réponse est entre les mains du joueur, un immense sourire aux lèvres.

inFamous : Second Son
Sucker Punch / Sony Computer
PlayStation 4

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai-juin 2014 dans le bimestriel Games)

 


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InFamous : Décharges électriques

Pour s’intéresser à ce wannabe super-héros d’apparence trop ordinaire, il faut commencer par faire confiance à ses géniteurs. Alors seulement il devient possible de se laisser aller et peut-être même de se laisser électriser par l’ambition du projet.

Électrolyse

Comme beaucoup de grosses productions des dernières années, le jeu commence avec une citation prestigieuse cherchant à interpeller le participant et lui signifier qu’il devra sans doute, une fois en capacité, faire quelques choix moraux : « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir « (Abraham Lincoln). De même, presque tous les gros éditeurs de jeux vidéo sont capables de réaliser des productions bluffantes, mais si vous voulez être sûr de trouver un bon jeu, intéressez-vous d’abord au studio qui le développe.
Infamous par exemple, dont le titre court après la célébrité, ressemble trop à tous les Grand Theft Auto wannabe pour se distinguer au premier coup d’œil : héros solidement masculin vu de dos arpentant en grognant une grande ville américaine, avec ses habituels buildings en briques, ses avenues canyon, ses ponts gigantesques au-dessus d’un fleuve frontière… Cent fois vu, cent fois (mal) appréciés du gangster de rue (GTA), au justicier (Crackdown), au super héros vert, Hulk, ou rouge, Spider-Man. Pourquoi lancer un InFamous, lui, inconnu, pour sauter encore d’immeubles en immeubles, éliminer des vilains cagoulés et écouter un énième compère bavard et je sais tout ? Parce que le studio Sucker Punch dont le nom de baptême, déjà, annonce une volonté de surprendre, a déjà commis un vrai classique sur PlayStation 2 avec Sly Raccoon (3 épisodes). Et que jusqu’à preuve du contraire, il faut faire à priori confiance à une équipe ayant déjà réussi à façonner un jeu personnel et solide. C’est comme cela que la (bonne) culture jeu vidéo doit se construire et se perpétuer.

Ainsi, tel Sly Raccoon en son temps, InFamous ne cherche pas à réinventer la roue mais s’applique avec une obstination d’artisan à fignoler l’exercice du free roaming game (jeu d’action et d’exploration libre à travers un décor sans limite) et à lui donner une touche singulière. Bonne idée déjà, c’est en appuyant sur le bouton Start que le joueur innocent déclenche l’explosion dont va découler toute l’histoire d’une ville en décadence rendue à la sauvagerie. Le héros malgré lui découvre ensuite en situation et avec le joueur ses super pouvoirs électriques. Plutôt que d’utiliser des armes à feu, ses mains projettent des décharges électriques héritées d’un Electro de la Marvel et s’il peut tuer, il peut aussi soigner. L’aventure qui se construit sans surprise à coup de missions éparpillées dans la ville devient réellement tangible et plaisante parce que le héros, monte-en-l’air à la Assassin’s Creed, saute sans dommage du toit des immeubles, joue sans effort les funambules, bondit et se rattrape de justesse aux corniches. Souvent inutiles, pirouettes, acrobaties et audaces aériennes donnent du plaisir simple et direct comme un certain Mario. D’ailleurs, les atterrissages fracassants du héros électrique balayant tout sur son passage doivent pas mal aux coups de cul du célèbre plombier. Et le survol provisoire au dessus du vide rappelle aussi les aptitudes de Super Mario Sunshine. Sucker Punch cherche ainsi à réunir sur un même toit, et non sous, des plaisirs tactiles venant de plusieurs horizons et si le mixe manque encore d’un peu de punch, l’ensemble gagne largement à être (re)connu.

Infamous / Sony Computer / PlayStation 3

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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