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Philippe Sauze : « Les politiques n’ont jamais véritablement reconnu le jeu vidéo comme quelque chose d’important. »

Le Directeur Général d’Electronic Arts France défend les nouveaux choix éditoriaux à risques de son catalogue de jeux, avoue les difficultés de réussir sur consoles Nintendo et revient, quand on lui demande, sur la critique déplacée de la norme PEGI par Nadine Morano. Les politiques passent et leur ignorance du jeu vidéo reste chronique. INTERVIEW 2/2…

Philippe Sauze

Bliss : Avec l’annonce récente de la relance de la franchise Medal of Honor qui choisit l’Afghanistan comme glissant terrain de jeu on a encore l’impression, après la nudité de The Saboteur, que l’Electronic Arts qu’on a connu plus sage lorsqu’il était leader de l’industrie se retrouve beaucoup plus provocateur depuis qu’il est en deuxième place des éditeurs derrière Activision-Blizzard. Est-ce une posture nécessaire pour se faire remarquer ?

Philippe Sauze (directeur EA France) : Mais non ! Quand on était trop propre on nous reprochait de l’être trop, quand on était n°1, on nous reprochait d’être arrogant. Quand aujourd’hui on a un soupçon de polémique qui n’est même pas forcément voulu, on nous reproche de l’être. C’est une orientation qui a d’abord été prise par le studio. Nous avons mis la série Medal of Honor en sommeil et on s’est aperçu à travers les sondages que les gamers attendaient son retour à un moment ou à un autre. Alors évidemment nous ne sommes pas inconscient. L’Afghanistan est un sujet un peu délicat dans lequel on se doit d’être très attentif. On ne veut pas mélanger les genres. On n’a pas une volonté de prises de position ou d’opinions par rapport à un conflit actuel. Premier point. Deuxième point, je voudrais revenir sur ce qui a fait la force des FPS comme Medal of Honor. Quand la série a connu le succès, la tendance du genre était plutôt la Seconde guerre mondiale. Le Call of Duty : Modern Warfare 2 d’Activision (dont l’action se déroule pendant des guerres fictionnelles contemporaines, ndr) a ouvert une nouvelle tendance. Vous savez très bien qu’on surfe aussi sur les tendances, on fait tous ça. Surf, skate, musique, tout le monde y va… Avec Medal of Honor, nous essayons de coller à la tendance. Mais nous n’avons aucune volonté de polémique derrière le jeu. On essaie juste de répondre à l’attente des joueurs avec des jeux de qualité, c’est tout.

Bliss : La Wii semble poser un problème de positionnement à pas mal d’éditeurs, comme EA avec Dead Space : Extraction, qui découvrent que les jeux dits matures ne s’y vendent pas et forcent à développer des jeux casuals spécialement dédiés aux consoles Nintendo. Blockbusters sur consoles high-tech, jeux casuals sur consoles Nintendo, social gaming en ligne…, EA peut tout piloter en parallèle et au même niveau ?

Philippe Sauze : Nous avons toujours eu une stratégie multi plateforme et il faut l’assumer. Maintenant, il faut l’optimiser. On s’est aperçu que lancer trop de produits tue le produit. Nous n’avions pas le temps, comme on dit, « d’engineer » le produit, de le « fabriquer ». On a raté le démarrage Wii au début, mais nous y sommes revenus en mai 2009 avec trois produits forts, Grand Chelem Tennis, Harry Potter et EA Sports Active. Et nous avons vu que nous étions capables de prendre des parts de marché. Cela étant dit, sur la Nintendo nous n’aurons jamais les mêmes parts de marché que sur PlayStation ou sur Xbox. Parce que la politique de Nintendo c’est d’abord de développer ses propres productions. Ce qui est normal. Si vous analysez son historique, souvenez-vous du nombre de journalistes et de distributeurs qui donnaient Nintendo pour mort depuis la Nintendo 64. Nintendo ne mourra jamais parce qu’ils s’auto suffisent. Ils ont les consoles qu’il faut, avec les jeux qu’il faut. Nintendo n’avait pas une politique d’éditeurs tiers avant la DS et la Wii comme Sony en avait développée une avec la PlayStation depuis 1995. Ce n’est effectivement pas simple de rentrer sur ce marché Nintendo très orienté Nintendo.

Bliss : Vous avez été président du SELL et vous avez travaillé à l’élaboration de la norme PEGI (classification des jeux par âges recommandés). Que pensez-vous de la critique déplacée de Nadine Morano à propos de l’utilité du PEGI et de la réaction bouillante de Jean-Claude Larue, le porte-parole des éditeurs ?

Philippe Sauze : Pendant mes trois années de présidence du SELL je peux dire que les politiques n’ont jamais véritablement reconnu le jeu vidéo comme quelque chose d’important. Il a fallu œuvrer avec les membres du conseil d’administration et Jean-Claude Larue pour faire reconnaître le monde du jeu vidéo. À partir de là, le jeu vidéo a toujours voulu être volontaire et prendre ses responsabilités. C’est quelque chose que j’ai senti dès 1995 quand j’ai rejoint cette industrie. Il y a plusieurs volontés dans le jeu vidéo. D’abord celle d’installer ce marché qui, quand même, vient de loin. Et pèse aujourd’hui en France près de 2,7 milliards d’euro, deuxième marché derrière le livre ! Ce marché là se doit d’être régulé. Et le jeu vidéo a tout de suite identifié que nous aurions un moyen d’être connu et reconnu vis à vis des pouvoirs publics avec l’installation d’un système de contrôle, d’auto contrôle qui s’appelle PEGI. Et au niveau européen nous avons eu la chance de pouvoir, ensemble, mettre en place ce système d’information aux joueurs et aux parents. La problématique c’est qu’on a installé PEGI au niveau européen, mais qu’au niveau local, national, les politiques, qui sont très loin du jeu vidéo, qui ne connaissent les jeux vidéo que par les faits divers, tirent des boulets rouges sur cette activité qui leur pose problème. Sauf que, derrière, le marché du jeu vidéo est organisé. Et ils découvrent aujourd’hui PEGI. Alors, comme dans tous les domaines, chaque gouvernement voudrait revendiquer une petite partie de chaque mesure qui est prise. Et après c’est au tour de chaque ministre qui passe… « PEGI, pas PEGI, ah mais il nous faudrait quelque chose en plus en France »… Le système d’autocontrôle PEGI a été décidé avec la conseillère européenne Viviane Reding. À partir de là, PEGI a une légitimité européenne et, de fait, une légitimité nationale. On s’est mis tous d’accord au niveau des pays européens ! Donc Nadine Morano… En plus, je ne voudrais pas faire de polémique mais franchement on a vu une photo de Nadine Morano chez elle dans un média où ses enfants jouaient avec un jeu dont nous connaissons le nom (GTA IV, ndr) qui est un jeu + 18 ans… Jean-Claude Larue a réagi de façon violente mais, sincèrement, sa réaction a été saine parce que ça fait des années que cela dure. Encore une fois. La norme PEGI est européenne, a été validée par Bruxelles. Il n’y a pas beaucoup de systèmes européens qui fonctionnent, celui-ci fonctionne sur toute l’Europe.

Bliss : Comment se présentent les rapports avec le nouveau ministre de la culture ?

Philippe Sauze : Jean-Claude Larue et Georges Fornay (PDG de Sony Computer Entertainment France et actuel président du SELL, ndr) ont rencontré Frédéric Mitterrand. Ça se présente bien mais, comme à chaque fois, il faut qu’on réexplique notre histoire.

INTERVIEW Philippe Sauze 1/2 : « On n’a pas su faire ce qu’Ubisoft a très bien fait avec Assassin’s Creed 1. »

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié le 5 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Philippe Sauze : « On n’a pas su faire ce qu’Ubisoft a très bien fait avec Assassin’s Creed 1. »

Alors qu’une lourde restructuration mondiale de l’éditeur américain de jeux vidéo Electronic Arts est en cours, le Directeur Général de la branche française évoque une mutation nécessaire pour mieux optimiser ses ressources. Quant aux provocations plus ou moins originales de quelques uns des derniers titres de son catalogue, Philippe Sauze les minimise. La polémique ne serait que dans le regard des médias. INTERVIEW 1/2…

Philippe Sauze

Bliss : Le lancement du jeu The Saboteur en décembre dernier s’est accompagné d’un procédé inédit consistant en un patch à télécharger gratuitement dès le jeu acheté, puis payant plus tard,… et qui dénude presque totalement les danseuses de cabaret du jeu. C’était volontaire de prendre le risque de provoquer une réaction médiatique, en plus pendant la période de Noël ?

Philippe Sauze (directeur EA France) : Electronic Arts n’a pas nécessairement la volonté d’être polémique tout le temps contrairement à certains confrères. On peut voir ça de la façon que vous évoquez, médiatique, mais nous n’avons pas du tout vu ça sous cet angle. Grâce à ce système de patch il est possible d’éviter la nudité. Pour vraiment éviter les dérapages, rassurer les parents. Nous avons plutôt voulu instaurer un système de protection original contre le piratage et de protection vis à vis de l’enfant par rapport au vice qu’il y a dans le jeu (le jeu est officiellement recommandé aux + 18 ans, ndr). En terme d’initiative commerciale nous avons trouvé intelligente cette démarche développée par le studio de création.

Bliss : Le studio Pandemic à l’origine de The Saboteur a été fermé au moment même de la sortie du jeu. N’est-ce pas un peu politiquement incorrect ?

Philippe Sauze : Parfois la date de sortie des jeux peut être choisie, et parfois pas. Là c’est effectivement tombé au moment où Pandemic fermait. Je vous laisserai juge par rapport à ça mais, comme nous l’avons annoncé, nous avons lancé une grande restructuration de l’ordre de 1500 personnes. Cette restructuration a trois objectifs. On nous a reproché dans le passé de faire trop de jeux dont la qualité n’était pas à la hauteur de certains autres éditeurs. Là, notre premier objectif consiste à faire le chemin inverse : moins de quantité, donc moins de jeux, mais plus de qualité. Cela implique de plus gros investissements sur moins de titres avec plus de potentiel. Le deuxième objectif consiste à vendre des jeux et des services en ligne. Nous voulons vraiment toucher le consommateur en direct avec les jeux en ligne. Nous allons continuer d’investir parce que ce créneau là nécessite des ressources financières importantes. Ensuite, nous allons essayer d’optimiser nos dépenses et d’améliorer notre profitabilité. Nous sommes un groupe côté en bourse et ce troisième aspect est nécessaire. Comme pour toute entreprise, cotée en bourse ou pas cotée. Ce troisième objectif, dépense et amélioration de profitabilité, a cette fois impacté toutes les divisions d’Electronic Arts. Les 1500 personnes concernent toutes les divisions, le publishing mais aussi les studios où il y a eu des réorganisations, des redéploiements d’équipes et des fermetures.

Bliss : Il y a quand même eu quelques licenciements nets, notamment au studio Pandemic justement. Et en France ?

Philippe Sauze : Nous ne sommes pas appelés à commenter ça. Je dépasse un tout petit peu mon cadre pour vous donner une position générale et vous expliquer que nous avons d’abord cherché à optimiser nos équipes et, également, nos outils. Nous avions une tendance à développer des programmes d’intelligences artificielles studio par studio. Dorénavant nos studios vont partager ces ressources. C’est nécessaire et c’est ce que font déjà nos concurrents. Nous étions un peu dispersés de ce côté là. Concernant Pandemic en particulier, nous avons étudié tous nos studios, et évalué les caractéristiques de Pandemic. Mais il n’y avait pas matière aujourd’hui à les replacer ailleurs, et certains membres de l’équipe n’avaient pas nécessairement une volonté de continuer. Je ne peux pas aller beaucoup plus loin. La restructuration n’a pas d’impact sur toute la région dont je m’occupe, c’est à dire la France, le Benelux, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

Bliss : Le recentrage évoqué par vous et John Riccitiello, CEO monde d’Electronic Arts, autour de jeux de « qualité » sous-entend qu’EA n’aurait pas développé de tels jeux alors qu’au contraire, depuis quelques années, les productions EA montent en qualité. Mais, en revanche, la réussite commerciale n’est pas forcément au rendez-vous. Comment expliquez-vous ça ?

Philippe Sauze : Merci de le remarquer. Nous pensons pourtant avoir été trop loin dans la nouveauté. Nous n’avions ainsi pas l’habitude de lancer autant de titres sur une période donnée. Les équipes de distribution n’ont pas le temps de marketer le produit et de le vendre correctement. Il y a maintenant des périodes cruciales dans le jeu vidéo qui se dégagent de plus en plus clairement. Quand les blockbusters arrivent en novembre, ils raflent la mise. On le voit avec Mario, avec Assassin’s Creed… Ensuite, pour connaître le succès, ces titres là demandent d’être construits d’un point de vue marketing. Désolé, le gamer n’aime peut-être pas entendre ça, une fois qu’on a la qualité du produit il faut le faire savoir à l’aide du marketing. Et je pense qu’avec Mirror’s Edge (sorti fin 2008, ndr), qui est un très bon titre qui me tient à cœur, si on fait notre autocritique, on se rend compte qu’on n’a pas su faire ce qu’Ubisoft a très bien fait avec Assassin’s Creed 1. Ils ont créé un produit de A à Z et, en parallèle, ils l’ont créé aussi dans l’univers gamer. Nous n’avons pas su faire ça.

Bliss : Vous pensez donc agir dans ce sens là ?

Philippe Sauze : Nous allons agir dans deux directions. La qualité des jeux, et le marketing. Jusqu’à présent nous avions un savoir faire marketing. On savait prendre le temps, etc, mais on n’agissait pas assez sur la qualité. John (Riccitiello, ndr) a dit, et il a raison, il faut d’abord penser à la qualité produit. Au prix où sont les jeux aujourd’hui, on ne peut plus présenter au consommateur des produits au contenu moyen. C’est pour ça que plus de 14 de nos jeux ont dépassé les 85 % sur Metacritic (agrégateur de critiques notées des jeux, films, musiques…) l’année dernière. Metacritic est devenu un véritable vecteur pour nous. Mais ça ne suffit pas. Derrière, il faut l’appui marketing. Nous allons maintenir, voire augmenter le budget de développement des jeux et, comme nous aurons moins de titres à promouvoir, ils profiteront d’un marketing plus important.

Bliss : Le rachat de la société Playfish, spécialisée en jeux sociaux en ligne, au moment de la restructuration d’EA, par exemple, semble indiquer un redéploiement de ressources vers le développement de jeux dits casuals en ligne. Vous confirmez ?

Philippe Sauze : Non pas du tout. L’acquisition de Playfish répond à notre orientation prise dans le domaine on line. Les réseaux sociaux devenant tellement importants, voir le poids aujourd’hui de Facebook, il était nécessaire d’être présent dans le réseau social gaming. Mais ça n’a rien à voir avec le reste de notre production et nos produits package goods. Je crois qu’il ne faut pas tout mélanger.

Entretien Philippe Sauze 2e partie : « Les politiques n’ont jamais véritablement reconnu le jeu vidéo comme quelque chose d’important. »

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié le 3 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Jeux vidéo 2009 : Arrêts sur image

Le jeu vidéo se porte bien, merci, quoiqu’en dise la Bourse emberlificotée dans sa lecture asynchrone du marché réel. La crise a certes fini par rattraper en 2009 une industrie de loisirs devenue au fil des ans et malgré ses prix élevés une valeur refuge*, mais là où les marchés de la musique et de la vidéo s’effondrent inexorablement, le jeu vidéo résiste et, même, croit.

Best2009

DERNIERS REGARDS 2009…

En attendant le bilan chiffré post fêtes de Noël, l’étude du trafic Internet de cette fin d’année aux USA révèle que les intentions d’achats pour le jeu vidéo et les biens électroniques dépassent largement tous les autres secteurs. Le nombre de connexions vers le site d’Ubisoft aurait quadruplé depuis la sortie du hautement recommandable Assassin’s Creed II, tandis que les visites du site marchand spécialisé Gamestop auraient doublé entre octobre et novembre. En Grande-Bretagne, 1,73 milliards de Livres Sterling ont été dépensées en jeux vidéo contre 1 milliards de £ au cinéma et 198 millions de £ en DVD et Blu-ray. Le nombre de jeux console joué est ainsi passé de 13,5 millions en 2008 à 25 millions en 2009 au Royaume-Uni.
Les consoles de jeu profitent toujours de l’engouement pour la high-tech, même quand il s’agit de la « modeste » Wii. Visiblement, le ratio temps de jeu/prix d’achat semble convenir au public quand il s’agit de super productions pour grand écran à domicile allant jusqu’à coûter 70 €. Et, à 40 €, il semblait aussi être adapté aux jeux sur consoles portables comme la DSi de Nintendo. Jusqu’à maintenant. Car l’émergence et le succès inattendu du marché des minis jeux de l’AppStore d’Apple remettent tout en question.

Montagnes russes

L’industrie du jeu vidéo, toujours atypique bien qu’elle commence à se rapprocher du modèle structurel du cinéma, continue de fonctionner en montagnes russes avec ses hauts et ses bas qui s’apparentent à chaque fois à un lancer de dés. Si, du côté salariés, les contractions des équipes après chaque projet de jeu mené à terme doit continuer à faire mal, le dynamisme sans cesse renouvelé d’un secteur amarré avec une même ferveur au progrès des technologies informatiques, aux évolutions des softwares (auxquels les jeux appartiennent) et à la fascination du monde digital mis en images, lui permet sans cesse de rebondir. Du côté entreprises, le milieu continue de se structurer à coups de fermetures, rachats et fusions même si rien d’aussi spectaculaire – en dehors de l’acquisition de Marvel par Disney pour un impact plus large que le jeu vidéo – que la réunion d’Activision et Vivendi / Blizzard (World of Warcraft) de l’année dernière n’a bousculé l’ordre des choses.

Tremplins

Année de consolidation des savoir-faire sur les consoles Xbox 360 et PlayStation 3, les fondations invisibles de 2009 doivent servir de tremplin à une année 2010 charnière qui verra les trois consoles de salon se réinventer sans quitter leurs robes originales. La Xbox 360 et son projet Natal de reconnaissance des mouvements dans l’espace, la PlayStation 3 aussi sur ce créneau inspiré par le succès de la Wii mais aussi très vite apte à la 3D relief, et la Wii dont les vœux pieux de tous les observateurs pointent vers une Wii « Plus » en haute définition. L’upgrade technique ne suffira néanmoins pas à Nintendo pour justifier une nouvelle variation de sa console et il faudra s’attendre à quelqu’autre surprise tirée du chapeau de la créative entreprise japonaise. Autre joker 2010 susceptible de bousculer la donne, la déjà fameuse tablette Mac qui, si elle concrétisait tous les fantasmes (le sauvetage de la presse écrite, rien de moins), deviendrait, comme l’iPod Touch, une nouvelle machine à jouer obligeant tous les acteurs à repenser les modèles économiques et ludiques.

Quelques faits marquants de l’année jeu vidéo 2009…

Disparition de trois marques historiques du jeu vidéo.

  • En faillite, l’américain Midway, l’un des tous premiers éditeurs du jeu vidéo (1973), célèbre dans les salles d’arcade (Mortal Kombat) mais jamais marquant sur consoles, se vend par lots, dont une part importante à Warner Bros. Interactive et THQ. Ce qui reste de la branche en France a été renommé Tradewest Games.
  • En difficulté depuis des années malgré sa quasi absorption par l’éditeur SCI en 2005, l’éditeur britannique Eidos, célèbre pour avoir lancé Tomb Raider et son héroïne Lara Croft à la fin des années 90, a été absorbé par l’éditeur japonais Square Enix pour devenir Square Enix Europe (une anomalie alors que les mouvements du secteur se déplacent plutôt hors du Japon).
  • Dans le couple franco/américain Atari/Infogrames artificiellement formé par le fondateur d’Infogrames Bruno Bonnell en plein trip à la Messier au début des années 2000, il ne restera que Atari. Les dernières transactions 2009 d’une entité de plus en plus insaisissable (et ce n’est pas fini) ont vu le japonais Namco Bandai faire l’acquisition de la branche européenne et rassembler la marque sous le seul label Atari. Pour simplifier.

Le retournement de veste d’Electronic Arts

  • Après avoir perdu son titre de 1er éditeur du monde au profit de la fusion Vivendi-Blizzard / Activision en 2008, l’éditeur américain tente une inhabituelle percée créative en lançant un nombre courageux de projets inédits. Le marché plutôt conservateur ne suit pas vraiment et EA semble faire marche arrière dès cette année en annonçant un virage marqué vers le développement de jeux plus modestes dits sociaux confirmé par l’achat de la société spécialisée Playfish.

Doom perd son indépendance

  • La réunion du célèbre et vénéré studio de John Carmack id Software avec l’éditeur Bethesda, qui voit ainsi un des derniers studio indépendant de développement (Doom, Quake) rallier un éditeur à l’ambition croissante mais pour l’instant attentif à sa petite écurie de champions du jeu vidéo (les séries de jeux de rôle Elder Scrolls et Fallout). Doom 4 et l’inédit Rage sortiront de cette nouvelle alliance en 2010.

Rééquilibrages hardware

  • La chute spectaculaire des ventes de la console Wii après 4 années de domination sans partage ont obligé Nintendo a enfin baisser le prix de sa console (désormais à 200 €) pendant que Sony, cherchant encore à atteindre le seuil critique de sa PlayStation 3 baisse aussi le prix de sa machine qui impose, à 300 € et en version « Slim », le format Blu-ray dans les foyers. Réactif, Microsoft baisse aussi le prix de sa Xbox 360 plaçant le prix d’entrée de la première console HD du marché à 200 €. Les ventes de Wii sont bel et bien relancées pour Noël et les deux monstres High-tech concurrent jouent désormais au coude à coude. La PS3 qui décolle enfin dans son Japon originel pourrait sortir gagnante de ce combat de titans en 2010.

Mobiles glissants

  • Le lancement finalement peu spectaculaire en occident des consoles DSi et PSP Go, variations des modèles originaux. La DSi avec son double appareil photo se vend bien depuis le mois d’avril sans changer le succès déjà constant de la portable Nintendo (114 millions de DS dans le monde). La PSP Go ne jouant qu’avec des jeux dématérialisés ne donne aucun signe de vie depuis son lancement en octobre et laisse supposer un échec aggravant les difficultés de la PlayStation Portable de Sony (pourtant vendus à plus de 53 millions dans le monde).
  • Sur ce terrain sans fil, la vraie vedette se nomme iPod Touch. Un sous iPhone lecteur de MP3 devenu dans l’année la console de jeux mobile la plus sophistiquée du marché, sans doute la plus convoitée, d’abord officieusement, puis finalement officiellement intronisée nouvelle console de jeu par les dernières compagnes de communication d’Apple.

L’explosion de la scène dite « indé » du jeu vidéo

  • Auparavant cantonnés aux recoins les plus undergrounds du web, les nouveaux artisans du développement de jeux vidéo pénètrent toutes les plateformes à leur disposition. De l’iPhone/iPod Touch, nouvel Eldorado (et sans doute nouvelle bulle prête à imploser sur elle-même) aux stores WiiWare et DSiWare de Nintendo, « Jeux indépendants » sur le Xbox Live de Microsoft, et, tout récemment, jeux explicitement baptisés « Minis » sur le PlayStation Store. Un bel écosystème qui contrebalance les grosses productions trop formatées.

Pandémie digitale

  • La contagion planétaire du « social gaming » passant notamment par les 350 utilisateurs Facebook et dont on ne sait pas encore comment il va affecter le reste du marché et des comportements.

Les jeux marquants pour toutes les bonnes et mauvaises raisons de l’année 2009…

  • Call of Duty : Modern Warfare 2 : Le succès colossal (et discutable) du jeu rejoint celui de la série Grand Theft Auto. Ce dernier ayant profondément bousculé la culture jeu vidéo, difficile de savoir quelle influence aura ce jeu de guerre très années 2000…
  • Assassin’s Creed II : Une suite bien supérieure à l’originale réussissant le grand écart entre divertissement de masse et culture élitiste autour de l’Italie de la Renaissance.
  • Flower : Un faux jeu « indé » puisque couvé par Sony mais à la réalisation fulgurante posant, après flOw, des mêmes auteurs, les jalons d’un jeu vidéo intelligent, poétique, philosophique même, tout en restant grand public.
  • Uncharted 2 : Among Thieves : L’aboutissement technique d’un studio (Naughty Dog) capable de sortir un jeu d’aventure et d’action spectaculaire qui fait date.
  • The Beatles Rock Band : La première vraie alternative aux écrasants catalogues de musiques rock des populaires simulations musicales avec accessoires. Fétichiste, mais si mélodieux.
  • Batman : Arkham Asylum : Un des très rares (on les compte sur les doigts d’une main) jeux réussis adaptés d’une licence. Que les développeurs britanniques aient pu prendre le temps d’aller au bout de leur ambition plutôt que de respecter une date de sortie calée sur un autre produit y a fait beaucoup.
  • Avatar : L’adaptation interactive du film de James Cameron avait, pour une fois, le potentiel de s’arracher à sa condition de produit dérivé. Déception finalement à peine étonnante, le génie du cinéaste ne transparait pas du tout dans un jeu d’action réduit à sa plus simple expression. Et bien sûr, personne n’est équipé en 2009 pour y jouer en relief.

* Avec le cinéma qui lui aussi bat des records, notamment en France.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 30 décembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Sauve-qui-peut Electronic Arts

Licenciements, recrutement, fermeture de studio mais aussi acquisition de nouvelle structure, changement radical de politique éditoriale, depuis une vingtaine de jours l’ex n°1 du jeu vidéo accumule des mesures azimutées. Officiellement, tout va bien.

saboteur EA

Déconcertant comment le discours d’une entreprise se voulant rassurant et en plein contrôle pour les marchés financiers donne l’impression de gérer au coup par coup un sauve-qui-peut généralisé. Hier n°1 mondial du jeu vidéo avec ses Sims, ses licences de sport, et autres Spore, candidat glouton débouté à l’OPA sur notre presque national Ubisoft en 2004 puis au rachat de Take-Two Interactive en 2008 (où se niche la pépite Grand Theft Auto), Electronic Arts (EA) cherche aujourd’hui sa voie et à économiser 100 millions de $ par an. Début 2009, l’entreprise fondée en 1982 par le vénéré et dynamique Trip Hawkins depuis longtemps parti voir ailleurs, annonçait une réduction d’effectifs de 11 % (1100 emplois) et la fermeture de 12 bureaux. Le bilan sera plus lourd encore.

Emplois « abolits » pour raisons professionnelles

Du côté ressources humaines avec ses 1500 licenciements (1300 faisant partie d’un plan de « restructuration »), dont une bonne partie d’emplois « abolits » au Canada, comme le formulent nos amis québécois, la réduction de 17 % des effectifs d’ici fin mars 2010 coûte cher dès aujourd’hui.
Du côté consommateurs, gamers donc, premières cibles de l’éditeur, les réductions de personnels visant des équipes bien connues ou les fermetures niées puis avérées de plusieurs studios n’envoient pas un message aimable non plus. Les licenciements ou parfois mutations ont, semble-t-il, affecté des studios comme Maxis ayant travaillé sur Les Sims puis Spore du bien aimé Will Wright ayant quitté le bateau dès avril 2009, Mythic Entertainment (Ultima et Warhammer Online), Black Box (Skate, Need for Speed), EA Tiburon (Madden, Tiger Woods), l’équipe de Command & Conquer. On sait que la production de jeux vidéo fonctionne de plus en plus comme celle des films et que les équipes se constituent et grossissent autour des projets avant de se disperser. Mais chaperonnées par les éditeurs, les structures des studios se maintiennent généralement pendant que les talents circulent d’un projet à l’autre. Venus en tournée promotionnelle à Paris le mois dernier, les créateurs du jeu Saboteur vont pourtant se retrouver sans foyer professionnel aussitôt le jeu dans le commerce le 10 décembre. La décision quand même hasardeuse de sortir une nouvelle IP (Intellectual Property) comme The Saboteur juste avant Noël appartenait bien à EA nous avait confié Chris Hunt, responsable artistique de Pandemic Studios crée en 1998, acheté par EA en 2007 et dont la majorité des 200 employés vont chercher du travail puisque ce studio fait partie de ceux qui ferment leurs portes. Qui sabote qui est-on tenté de demander. But entrepreneurial de la manœuvre : « Réduire la taille de son portfolio et se concentrer sur des opportunités offrant plus de marge ». Avec de la paumade quand même. « Licencier des employés et fermer des installations n’est jamais plaisant, » a tenté le CEO John Riccitiello à la recherche d’une pilule anti douleur à faire avaler, « nous avons beaucoup de compassion pour ceux concernés, mais ses coupes sont essentielles pour transformer notre société ».

Dans l’espace commercial personne ne vous entend crier

Douze titres originellement prévus ne verront pas le jour et, puisque le mystère court encore sur les titres concernés, suites ou projets jamais annoncés, le pire reste à craindre. Depuis le retour en 2007 du vétéran d’EA John Riccitiello avec cette fois les pleins pouvoirs, forcé à muter suite à l’essoufflement des licences annuelles, de son fonctionnement pyramidale nivelant les talents comme l’avouait Riccitiello en prenant ses fonctions, et à la montée en puissance d’Activision que la fusion avec Vivendi et Blizzard (et ses 12 millions d’abonnés à World of Warcraft) en 2007 a propulsé n°1 du secteur, l’éditeur américain avait engagé une réjouissante politique d’édition. Dans le registre de ces nouveaux chefs d’entreprises jouant les mea culpa et l’empathie, Riccitiello avait en quelque sorte entériné l’échec des suites à répétition et prôné la créativité. Les forces vives d’EA ont ainsi pu être en position de lancer, pour la première fois et de façon presque massive, plusieurs nouvelles IP (Intellectual Property). L’accueil public timide de ces échappées se cristallisa fin 2008 autour des ventes insuffisantes du pourtant innovant Mirror’s Edge et des difficultés à imposer un Dead Space à l’accueil critique légitimement dithyrambique. Parallèle aggravant, dans le flux de nouveaux projets, EA avouera ne pas avoir saisi assez vite l’importance de la Wii et a basculé trop tardivement un nombre conséquent de ressources au marché familial ouvert par Nintendo.

Le blockbuster vaincu par le social gaming

L’annonce, en plein maelström humain, de l’acquisition pour 300 millions de $ de la société Playfish spécialisée dans le développement de jeux sociaux à petits budgets (Pet Society, Restaurant City… 150 millions de jeux installés et joués dans le monde) sur MySpace, Facebook, Google et iPhone, indique bien un revirement vers un système de productions plus modestes et moins coûteuses. Playfish fonctionnera dans la structure EA Interactive de la société qui travaille déjà sur des jeux web et mobiles. Est-ce le début de la fin de productions à la rentabilité désormais trop risquée de blockbusters à gros budgets chez EA ? Les ventes encore une fois trop paisibles d’un jeu mature sur Wii avec le récent Dead Space Extraction signera sans doute déjà l’arrêt de ce type de tentatives sur la console de Nintendo. Toujours pas officiellement confirmée, la suite officielle high-tech du célébré Dead Space devrait néanmoins être mise en chantier puisque toute l’équipe de Visceral Games autour de cette production initiale ne s’est apparemment pas volatilisée, mieux, elle recrute (les professionnels de la profession apprécieront). Mais plusieurs projets de jeux ambitieux avec Steven Spielberg ne donnent justement plus de nouvelles depuis des mois. Plus dramatique encore, c’est la politique de création de nouvelles franchises et donc de prise de risques qui devrait être la première remise en question. « It’s in the Game » scande depuis des années les pubs EA. Retour aux affaires, 2007-2009, le quart d’heure américain d’Electronic Arts n’aura duré que deux petites années.

François Bliss de la Boissière

(publié le 25 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Wii want to Boogie

Converted to casual gaming for all, Electronic Arts wants everybody to dance thanks to the Wii interface and their new rhythm-based musical game Boogie. Ready to sweat in Paris.

We all enjoy some creative killing and at Electronic Arts we know how to make those kinds of games”, explains Studio General Manager EA Montreal Alain Tascan while demonstrating Boogie on Wii in Paris, “but it’s time to go back to the basics, we want to put smiles on people faces when they play videogames”. Now that both the Wii and DS have sold and keep selling millions, the once Nintendo only philosophy, game is fun, game is for all, “casual” has become every videogame editor mantra. A few weeks ago in Paris, Ubisoft officially announced its casual gaming division, now Electronic Arts confirms its own EA Casual Entertainment. Both divisions based in Montreal with executive women in charge (Kathy Vrabeck for EA, Pauline Jacquey for Ubisoft).

Exclusive this fall on Wii, the musical videogame Boogie is the beginning of a new IP for EA. No other supports is announced but Alain Tascan answer’s to the absence of online features for the Wii is a hint that the game should appear on other consoles with market place facilities to buy, for instance, new songs.

Alan Tascan left foot is discreetly taping the floor on stage while playing Boogie. It’s not part of the gameplay but obviously it helps him keeping track of the main beat. The Wiimote in his hand has to perform some combos that skips and adds rhythms to the original beat of one of the 40 songs picked from 70s to the 2000’s. We’re familiar with the Miis, now meet the Boogs. The chosen preset cartoonish character dances while facing the player on exotic outdoor stages (gas station in the Arizona desert, jungle, pagoda, space station…) along the expected disco nightclub. The game plays seriously, but as the funny stylized characters, the overlook is definitely relaxed with bright colors and light menus. On this demo the nunchuck is only useful to strike a pose when a photo op is prompted, while the main game is played with the Wiimote only. Which is both a more accessible and limited design choice. Since the movements are only verticals and horizontals, first with no visual indications except the dance moves of the character, then with some arrow combos asking to make very brief left-right-ups or downs, the player itself is less dancing that agitating the arm like a chef d’orchestre (conductor ?). Unofficial resting is offered with various rhythms to be followed while only pressing the Z button. If the player tends to move like a robot, the characters on screen are wonderfully and very smoothly animated and make up for it. A cross between Jet Set Radio and Mad’s Don Martin characters, they mix comic postures and real dance steps accordingly to their personality.

As planned, with easy to difficult options and 2 players battles, the game seems destined to every member of the family, even, they say, the shy ones. Along the regular features, the karaoke section – a microphone will be included in the box with a pair of paper glasses to watch recorded video clip replayed in green-red 3D – offers a “shy mode” where the prerecorded voice sings with the player only if the player sings. It supposedly helps to hide false notes and give confidence. Will the girls be interested to join the party then?

François Bliss de la Boissière

(Published June 2007 on US online magazine NEXT GENERATION)