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Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 2/3 : à pomme et à vapeur

La PlayStation 4 et la Xbox One semblent siffler le top départ de la 8e génération de consoles de salon fin 2013 alors qu’en réalité, dilué, le palier générationnel a déjà été franchi il y a de longs mois. Réflexions en 3 parties autour d’un conflit chronique depuis… toujours.

Next-Gen DR

Trop low-tech pour flasher les esprits, la Wii U a ainsi été la première fin 2012 à mettre entre les mains une tablette permettant de jouer en coordination avec l’écran du téléviseur. Une innovation doucement complexe et next-gen tellement évidente que les deux concurrents Sony et Microsoft n’auront de cesse, encore une fois, d’imiter Nintendo et de proposer des contrôles similaires via des applis sur tablettes ou même en passant par la PSVita devenue manette auxiliaire avec écran tactile de la PlayStation 4. Mais, pour la première fois, ces trouvailles de gameplay et de contrôles tactiles désormais répandus n’ont pas été inventées par un des acteurs du jeu vidéo.

La pomme…

Le premier vrai danger pour l’industrie historique du jeu vidéo vient de l’extérieur et s’appellent Apple, et dans une moindre mesure, Android. Un flux ininterrompu d’applis interactives tactiles, jeux vidéo en tête, alimente sans tarir les 250 millions d’iPhone, les 153 millions d’iPad et les 500 millions de smartphones et tablettes Android. Des appareils mobiles potentiellement capables de communiquer avec le téléviseur, d’y faire afficher leur contenu et donc leurs jeux. Initiées par des start-ups qui confondent encore bonnes intentions et savoir-faire (nombre de prétendant aux consoles de salon se sont cassées les dents au fil des âges : 3DO, Jaguar, Pippin, Phantom…), les mini consoles Android à glisser sous le téléviseur ne sont pour l’instant que de pales imitations de consoles de salon. Google en personne, grand maître de l’écosystème Android, fera peut-être mieux en sortant une console à son nom. C’est prévu. En cachant le mieux ses ambitions, le concurrent le plus inquiétant de Nintendo, Sony et Microsoft se nomme donc Apple. La marque devenue la plus populaire au monde devant Coca-Cola et Google a déjà posé une bombe à retardement sous le téléviseur. Il suffirait d’une mise à jour logicielle pour que le discret galet Apple TV qui diffuse pour l’instant des chaînes de VOD devienne apte à afficher des applis et donc des jeux. Une mise à jour suffirait pour transformer un Apple TV qui ne coûte que 109 € en console de salon. Les iPhone et iPad déjà dans les foyers devenant de facto des manettes tactiles.

… et la vapeur

Alors que ces challengers sont bien connus, l’arrivée récente du projet Steam Machine du bien aimé et fortuné studio Valve ouvre une porte inattendue. Si passer des jeux PC/Mac à la moulinette Linux pour les afficher dans un PC tout en un à brancher sous le téléviseur s’avère une solution aujourd’hui incertaine, la révélation surprise de la manette tactile SteamOS osant éradiquer les sticks analogiques, concrétise l’ambition de Steam de conquérir à son tour le salon. Une chose est sûre, ultra puissantes, polyvalentes, aussi ouvertes sur le monde virtuel, le nuage que le salon, toutes ces machines sont aptes à évoluer en temps réel, à se diriger de façon organique là où les joueurs et les consommateurs iront. Dans 3 ou 5 ans, la même console dans la même boite n’offrira sans doute pas le même service qu’aujourd’hui.

À suivre…
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 1/3 : endémique
Consoles Next-gen, la guéguerre est déclarée 3/3 : reality check

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2013 dans le bimestriel Games)

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Badland : Quand le jeu prend vie

Tous les croisements sont possibles finalement de nos jours. Une production d’allure haut de gamme AAA, atmosphérique, immersive et pourtant associée à un gameplay habile, malicieux mais se jouant avec… un seul doigt comme un pseudo casual game. À partir de moyens simples mais hyper maitrisés Badland entraine le joueur ainsi dans un nouveau monde avec ses créatures fascinantes qui provoquent la curiosité et ses règles uniques qui interpellent la soif de contrôle du joueur.

Badland

Dessiné et peint avec chaleur et raffinement, ce Badland d’origine indé (et donc sans gros moyens) force l’admiration dès l’ouverture en rejoignant avec talent la qualité visuelle faussement artisanale d’une production majeure d’un Rayman Jungle Run. Chic et culotté, Badland se distingue même de façon originale en séparant les décors colorés loin à l’arrière plan et l’action à l’avant-plan tout en aplats noirs. Un effet ombre chinoise particulièrement réussi qui met en valeur les deux espaces sans rien leur enlever. Les créatures rondes qui doivent traverser saines et sauves l’écran de gauche à droite sont elles-mêmes complètement en noir avec seulement deux petits yeux blancs expressifs à la Limbo. La bande son à base de bruitages de forêt, de crissements d’insectes, de petits hululement lointains, de bruissements de feuillages ou de ruissellements d’eau complètent un tableau réellement captivant.

Totalement organique

Le monde de Badland prend vie avec ravissement devant les yeux, dans les oreilles puis – et heureusement – au bout du doigt. Le gameplay à la fois précis et chaotique entretient cette impression d’avoir vraiment à faire à des créatures vivantes, maladroites et capricieuses, jamais tout à fait domptables. Alors qu’il suffit d’appuyer brièvement sur la vitre pour que la créature ronde plane un instant en battant de ses petits bras atrophiés (ou ailes ?) dans un décor défilant inexorablement en scrolling horizontal, les déplacements hasardeux créent une incertitude propre à défier le gamer et une empathie affective telle que l’on ressent par exemple dans les trébuchements du Sackboy des LittleBigPlanet sur consoles PlayStation.

La science du parcours…

À la satisfaction du contact tactile tout à fait maîtrisé s’ajoute une science de l’obstacle toute aussi joliment masquée dans un emballage organique palpable. Voletant toujours en fonction de la pression d’un unique doigt sur la vitre, la créature seule ou en peloton doit contourner des stalactites et des stalagmites, se faufiler entre les mâchoires de roues crantées, frôler les dents de scies circulaires, éviter les pales d’hélices géantes, autant d’excroissances surgissant comme des racines de la masse noire menaçante du décor… Le doigt sans cesse sollicité pour maintenir vaille que vaille le Kirby noir en lévitation doit aussi à apprendre à donner des petits coups au plafond pour débloquer un rocher, à le laisser retomber sur le sol le temps que le décor s’effondre, qu’une mine embusquée explose…

… et du power-up

Bien que tout se déroule sur un plan 2D de gauche à droite, l’avancée réussit à ne pas être linéaire. Certains items, ou fruits mystérieux, qu’il faut absolument consommer en passant, modifient la taille de notre espèce d’oursin des forêts finalement transformiste. Devenue brutalement énorme, la boule hirsute écrase des pans entiers de décors, toute miniature elle se faufile rapidement entre deux pics mortels. À chaque variation de volume correspond une altération crédible de sa pesanteur et de sa vélocité qui oblige sans cesse à revoir son rapport tactile, sa méthode de contrôle. Plus tard d’autres fruits magiques l’obligeront à rouler bouler, ralentiront volontairement sa mobilité, ou au contraire accélèreront brusquement son vol. Quand un fruit la rend provisoirement collante, ses mouvements se limitent alors à des petits sauts pénibles, lourdauds, irritants sans doute, mais inversant tout à coup la proposition aérienne de jeu pour mieux aborder un obstacle demandant une autre maîtrise interactive.

Un pour tous et tous pour un

Toutes ces variations plus ou moins classiques au jeu vidéo prennent véritablement leur essor quand la créature se démultiplie à l’écran. Car ce que le jeu, volontairement sans mode d’emploi ou scénario intrusif, ne dit pas, c’est qu’il s’agit non pas seulement de sauver la peau de la créature mais aussi du plus grand nombre de ses congénères collectés sur le trajet. Car certains des fruits magiques font éclore à la volée un groupe de créatures qui volètent dans les mêmes conditions que le leader. Animées elles aussi de comportements capricieux et réagissant individuellement aux aléas du décor, elles s’éparpillent hélas dans un grand désordre. Tout l’exercice consiste alors à réussir à faire passer l’obstacle au plus grand nombre alors que chaque créature-boule ne se trouve pas forcément au même endroit et ne subit pas le même danger au même instant. Évidemment même si elles ont tendances à s’agglomérer un peu et même si elles aimantent les power-up croisés, il y a de cruelles pertes et de nombreux moments où il est bien heureux de réussir à arracher une seule créature à un ensemble d’obstacles. Mais le dépit n’est jamais long. Il devient rapidement clair qu’aucun espace de jeu n’existe par accident ou maladresse. Le level design se révèle aussi maîtrisé que l’animation interactive. C’est à dire que les créateurs du jeu savent pertinemment quand le joueur va perdre toute sa portée et quand lui redonner de l’élan en lui offrant à la dernière minute une poignée de nouveaux clones, et retrouver le sourire.

Un super logiciel sous camouflage artistique

Après échecs ou réussites jamais tout à fait maîtrisées jamais vraiment involontaires, le vrai plaisir du jeu intervient quand on comprend que derrière l’aspect artistique déjà pointu se cache un programme drôlement bien ficelé. On ira jusqu’à dire un code (informatique) super sophistiqué. La première preuve surgit quand on découvre planqué dans les options un listing complet et inattendu de statistiques, des données chiffres précises et informatives, ou inutiles et alors drôles. Les chiffres attendus : combien de niveaux franchis sur les 40 fournis, de « missions » accomplies sur les 120 comptabilisées, d’achèvements réussis sur les 23 prévus, de clones sauvés… ; puis des chiffres surprenants et rigolos : combien de clones ont été écrasés, empoisonnés, laissés derrière, quelle distance a été parcouru en volant (avec l’iPad en unité de longueur !), et combien de fois le joueur a-t-il touché l’écran (!)… La deuxième preuve d’un logiciel hautement programmé en coulisses provient de la présence d’un mode multijoueur qui marche vraiment. C’est à dire que, réunis autour d’un seul même écran, deux à quatre personnes contrôlent chacun une créature pour essayer d’aller le plus loin possible à travers plusieurs niveaux. Les séances de jeu se révèlent courtes, burlesques, mais prenantes et forcément échauffantes en conditions rapprochées sur iPad mais aussi sur iPhone puisque l’appli a également le bon goût de partager ses sauvegardes entre iDevices.

Game VIP

Badland appartient au club très fermé des jeux sachant fusionner aspiration plastique et gameplay à la hauteur de son ambition visuelle (évoquons le Insanely Twisted Shadow Planet de l’illustrateur/animateur Michel Gagné). Le mélange accompli propulse le joueur vers une autre dimension, vers un monde organique aux règles autonomes où le joueur intervient sans jamais prendre totalement le contrôle. Un espace interactif quasi biologique où le joueur n’est pas poussé à devenir une méga puissance qui doit contrôler et dominer l’univers mais un agent participatif. Un invité qui, en « jouant », en interagissant, participe à la naissance publique d’une nouvelle dimension. Le joueur jouant devient l’ambassadeur et le révélateur de ce nouveau monde.

François Bliss de la Boissière

Sur iPhone

Les plus…

  • Gameplay simplissime et pourtant sophistiqué
  • Style graphique dessiné chaleureux et dépaysant
  • Bande son nature/animaux immersive
  • Jouer jusqu’à 4 simultanément

Les moins…

  • Sensations de perte de contrôle
  • Difficulté pas toujours égale
  • Un peu cher peut-être
(Publié le 15/04/2013 sur Hitphone.fr)

 


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Gunman Clive : Le nouveau (rétro) western

Chacun le sait, en l’absence de budget les idées comptent davantage. Essentiellement graphique, la radicalité conceptuelle de Gunman Clive redonne à jouer le classicisme d’un jeu de plate-forme et de tir sous la forme d’un dessin animé au crayon évoquant les origines de l’animation. Malin, le contexte western pas si usité, suggère en parallèle le côté pionnier de la démarche.

Gunman Clive close up

Bien masqué par le trait quasi monochrome, le game design déroule de gauche à droite les grands classiques du jeu de plate-forme 2D. Entre hommage et simple décalque, il met en scène un petit cow-boy qui doit esquiver les balles des autres cow-boys embusqués qui derrière une caisse, qui sur le toit du saloon. Les ennemis humains, bientôt rejoints par des animaux, se contentent de faire des allers-retours sur une portion du décor tout programmés qu’ils sont pour gêner le parcours (canards), agresser frontalement (pumas) ou du ciel (cigognes larguant des explosifs), ou lancer des bâtons de dynamite (humains). Le parcours d’obstacle exploite avec logique le décor minimaliste d’une ville de western et de ses cactus parfaitement mis en valeur par la vue de profil et le scrolling horizontal. Très vite cependant les clichés du jeu vidéo reprennent la main : piles improbables de caisses, échelles allant nulle part plaquées contre les murs, plateformes suspendues et mobiles, trappes au rez-de-chaussée comme dans les étages d’où surgissent des tireurs, et cow-boys géants surarmés en boss avec lesquels il faudra danser rien qu’avec son six coups…

Jeu analogique

Sans trahir ni vraiment assouplir la manœuvre, le pad virtuel à gauche n’autorise que le tir à l’horizontal. Même si le petit cow-boy peut s’accroupir et sauter pour essayer de caser une de ses trois balles (rafales de base ainsi limitées) dans le buffet d’un tireur caché derrière un paravent, cette contrainte se ressent comme une injustice puisque les ennemis, eux, ne se gênent pas pour viser en diagonale. Une jauge de santé permet d’encaisser quelques coups mais elle ne résiste pas longtemps à des volées de balles pas toujours faciles à anticiper. On retrouve, ou on réapprend, les réflexes consistant à s’accroupir ou sauter en tempo pour laisser passer les balles au-dessus ou en dessous avant que son pistolet soit lui-même dans l’axe de la cible. En s’évaporant, certains ennemis relâchent des items (bonbons, gâteaux…) redonnant un peu de santé ou apportant aussi des améliorations au colt. Celui-ci devient alors provisoirement capable de projeter plusieurs balles simultanément dans plusieurs directions, voire des balles aimantées qui débusquent l’ennemi planqué ou rattrapent celui qui se déplace.

B.a.-ba du jeu vidéo des années 80-90

Petit thesaurus old school du jeu vidéo de plateforme d’hier et du run’n gun light, Gunman Clive n’offre rien de très neuf dans le gameplay. Ses raideurs font écho à celles de la première génération de jeux d’arcade, y compris dans l’échec qui renvoie implacablement au début du niveau, certes pas très long, ou à des checkpoints intermédiaires éloignés nécessitant de refaire inlassablement des portions périlleuses. Retour à la case départ dans tous les sens du terme : logiques de parcours et d’épreuves, réapparition des ennemis à distance, notamment quelques pas derrière soi, répétition, apprentissage par l’erreur. Néanmoins, le troisième essai du jeune développeur suédois, responsable, dans des registres bien différents, de propositions toutes aussi conceptuelles (Helium Boy et Trouser Trouble fait cette fois mouche en osant plaquer un tel style visuel rétro moderne sur un gameplay d’hier. Culotté, réussi notamment grâce aux animations très fluides des personnages, Gunman Clive gifle d’un geste apparemment négligé des années et des kilomètres de dessins et décors clichés du jeu vidéo. Au titre de cette audace artistique, d’une réalisation technique soignée (contrôles et visuels alternatifs intéressants dans les Options), d’une appli petit prix universelle iPhone/iPad (mais pas de sauvegarde partagée), et de la sincérité nostalgique de son gameplay, Gunman Clive mérite un coup de chapeau et une salve d’honneur.

Par François Bliss de la Boissière

Sur iPad et iPhone

Les plus…

  • Le trait et l’animation crayonnés
  • L’adéquation pionnière du western et du « sépia »
  • Retour aux sources gameplay 8 bits
  • Le western et son cow-boy

Les moins…

  • Difficulté old school rageante
  • Pas possible de tirer en diagonale
  • Les ennemis reviennent même derrière
  • Boucle musicale et bruitages trop maigres
(Publié le 18/05/2012 sur Hitphone.fr)

 


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Vectrex : Retour de la console atypique des années 80

La première console de salon à déporter le jeu vers un 2e écran n’est pas la Wii U de Nintendo mais la Vectrex distribuée par General Consumer Electric en… 1982 ! Et parce que la Vectrex était équipée de son écran, l’appli du même nom est la première à totalement reproduire sur iPad l’expérience non seulement des jeux mais de la machine elle-même !

Avec son écran incorporé, sa manette intégrée (elle se rangeait DANS le casier de la console/écran) et sa technologie vectorielle dépouillée radicale osant se détourner du graphisme bitmap brouillon mais coloré popularisé par la fameuse Atari 2600 et tous ses suiveurs (Intellivision), la console Vectrex avait dû surprendre à son époque par son audace, son culot même, et son prix forcément plus élevé. Elle avait tellement d’avance sur son temps que le design de son boitier incluait l’équivalent d’une poignée pour la transporter, détail pratique que l’on verra deux ans plus tard sur le tout premier ordinateur tout en un, le Macintosh d’Apple et même, 28 ans plus tard, sur le fameux tout en un, iMac du même Apple. Mais du coup, comme toutes les choses un peu singulières et un peu rares (distribution hasardeuse des jeux à l’époque en France), elle n’a pas dû manquer de faire l’objet d’un culte.

Culte jusqu’au fétichisme

C’est d’ailleurs la première conclusion à laquelle conduit l’appli Vectrex compatible iPhone mais qui prend vraiment sa mesure sur iPad standard. Car celle-ci ne se contente pas de copier à l’identique le catalogue de jeux. Elle va jusqu’à reproduire avec un mimétisme confondant toute l’expérience visuelle, sonore, et ergonomique de la machine. On ne glisse pas une cartouche dans l’iPad pour lancer un jeu mais c’est tout comme. Des photos hautes résolutions montrent une étagère où s’alignent les boites de jeux au-dessus d’une console posée sur un bureau. Un touché du doigt affiche en gros plan un scan de la boite du jeu retenu avant de plaquer sur l’écran de la console un des fameux caches en plastique associé à chaque jeu. L’expérience est troublante de fidélité et de soin. Nous sommes dans une zone de qualité affective allant bien au-delà des besoins techniques de reproduction. Plus qu’un fac-similé fétichiste, il y a là une sorte de volonté de réhabilitation, de refaire vivre toute l’expérience singulière de la console d’alors et pas seulement des jeux. Parce que l’expérience de chaque jeu Vectrex était intimement liée à la technologie, à l’ergonomie de la console et au rapport intime qu’elle générait avec son écran individuel.

L’arcade à domicile

Seule dans sa catégorie grâce à son écran et à sa technologie d’affichage vectorielle, la Vectrex reproduisait à domicile une expérience de salle d’arcade que les autres consoles de salon de l’époque reliées aux télévisions ne pouvaient vraiment dupliquer. L’écran vertical et autonome face à soi, la manette équipée à la fois de quatre boutons bien alignés et d’un mini stick analogique, la vitesse d’affichage et de déplacements des éléments à l’écran qu’autorisaient les formes vectorielles minimalistes moins gourmandes en calcul… autant de détails singuliers que l’adaptation presque littérale sur iPad réussit à faire renaître. Notamment, on l’imagine, en utilisant le mini cabinet iCade compatible (hélas non testé). En l’état, simplement avec la vitre de l’iPad, le choc est déjà grand. Parce que, tout en respectant la haute définition d’aujourd’hui, les fameuses lignes vectorielles s’affichent avec une clarté exceptionnelle sans adoucir leurs raideurs originales. Les écrans de chargement de la console ou de chaque jeu se calent, semble-t-il, aussi sur le même rythme que la console de 1982 qui était là aussi plutôt performante.

Émulation tactile impossible

Puisque d’un point de vue visuel, sonore et environnemental, l’appli duplique sans faillir les conditions originales, le vrai challenge consiste à tenter de reproduire aussi les conditions de contrôle. Le résultat, malheureusement, convainc moins. Le bas de l’écran totalement occupé par l’image du jeu affiche en surimpression les 4 boutons de la manette et sur la gauche un cercle tentant de symboliser le contrôle analogique du stick. Fixes, les 4 boutons chevauchent le cache en plastique du jeu (l’overlay en anglais) et gâche un peu l’esthétique d’ensemble. Comme dans la proposition des années 80, le cache devant l’écran sert à donner quelques couleurs (ici éclatantes) à l’image vectorielle monochrome et, dans certains jeux, à esquisser ou embellir des contours de terrain. L’appli permet d’enlever ce fameux revêtement plastique transparent à volonté et les 4 boutons semblent alors mieux intégrés sur la ligne horizontale du cadre. En revanche, leur espacement réduit complique lourdement la fidélité des contacts sur une vitre lisse sans repère. Car les jeux plaquent sur chacun d’eux des actions parallèles la plupart du temps (tir, accélération, téléportation instantanée, boost…). Et contrairement aux boutons des pads de consoles qui se pratiquaient plutôt avec les pouces, la manette Vectrex se posait sur la table pour être manipulée comme un piano avec quatre doigts de la main droite. Une prise en main proche aussi de l’arcade ou des micro-ordinateurs pilotés au clavier.

Position arcade sinon rien

L’iPad tenu en mains, ce sont les pouces qui sont sollicités et il faut quitter l’écran des yeux pour trouver leur marque. À moins de jouer en posant l’iPad sur une table, ce qui semble peu probable puisque le Vectrex avait adopté un format vertical. Mais le plus incontrôlable reste encore le stick analogique virtuel sur la main gauche. Très souvent celui-ci sert à faire tourner sur son axe le vaisseau, tel celui de MineStorm perdu au milieu de son champ d’astéroïdes, ou de Solar Quest aspiré par l’attraction du soleil, mais sans repère tactile, le doigt glisse désespérément d’un bord à l’autre dans l’espoir de trouver le point de réactivité. Le fait que l’icône du stick puisse être placée n’importe où sur l’écran embrouille la manœuvre au lieu de la faciliter. Curieusement, bien que tous les éléments graphiques soient bien trop petits à l’écran, le compromis de la prise en main sur iPhone fonctionnerait presque mieux puisque les 4 boutons occupent tout le bas de l’écran et obligent cette fois à utiliser le pouce droit tandis que le gauche se place n’importe où pour actionner les contrôles analogiques.

Rythme et raideur des années 80 inclus

Même si, de mémoire, chaque jeu est plutôt ramassé et donc court par rapport aux standards d’aujourd’hui (modes deux joueurs alternatifs originaux inclus), le niveau élevé des challenges reste associé à la raideur ergonomique des années 80 (et aux besoins goulus des machines à sous qu’étaient les bornes des salles d’arcade). À quoi s’ajoute involontairement la translation impossible sur des contrôles virtualisés à l’écran. Pour jouer vraiment pour de bon, aller au devant du score, l’afficher sur un joli tableau noir aux côtés de ceux de ses amis (fonctions non actives sur version, par ailleurs complète, fournie par le développeur), il faudra vraiment se diriger vers l’accessoire iCade qui fera grimper la facture (100 euros environ).

Vectrex Regeneration

L’appli Vectrex 2012 se présente presque comme un écosystème contemporain. L’appli est offerte avec le jeu MineStorm, un très efficace clone d’Asteroids d’Atari qui était justement inclus directement dans l’OS de la machine. Allumer la console lançait automatiquement le jeu ! Inévitablement pour prolonger l’expérience il faudra passer à la caisse en achetant un premier pack à 5,99 euros contenant 17 des jeux les plus connus et réussis de la console : WebWars (une fuite en avant dans un tunnel que l’on retrouvera plus tard en niveau spécial d’un Sonic, précurseur de la série WipeEout), Starhawk, Star Ship (tir en vue tellement subjective dans l’espace que si un vaisseau ennemi franchit le tir de barrage du joueur, la vitre de la console/cockpit se brise !), Star Castle, Spike (un hilarant détournement de Donkey Kong avec un personnage et sa dulcinée criant au secours grâce à un procédé de synthèse vocale que l’on imagine rare, voire inédit, à l’époque), Solar Quest, Scramble (quasi identique à celui de Konami – alors que la marque n’est pas créditée – tout premier modèle de shoot à défilement horizontal), RipOff, Pole Position, Hyperchase, Heads Up, Fortress of Narzod, Cosmic Chasm (un contre la montre curieusement tempéré dans un jeu de labyrinthe qui exploite la mémoire et les nerfs), Blitz !, Berzerk, Bedlam, Armor Attack (jeu de cache-cache incroyable entre tanks et hélicoptères vu du dessus).

Proof of life

Sur d’autres étagères qui s’affichent d’un glissement horizontal du doigt sur l’écran, l’appli met en scène un espace cassettes VHS avec plusieurs pubs internationales d’époque (dont une française !), une galerie de polaroïds et un court rappel historique de la console (hélas en anglais). Les étagères n’étant pas remplies, la passion et le soin visibles de l’ensemble laissent deviner qu’elles se complèteront dès que l’équipe de développement aura de nouveaux éléments vintage à présenter. Loin de se contenter de devenir le musée virtuel de référence qui se crisperait sur le passé, l’expérience Vectrex va encore plus loin puisque l’équipe développe ou fait développer à une communauté d’enthousiastes des jeux inédits. Pas forcément beaucoup plus accessibles ou inventifs que ceux des origines, mais preuves tangibles d’une envie commune. Quatre d’entre eux sont inclus dans le premier pack à 5,99 euros.

Noblesse de l’émulation

Il ne s’agit pas de prétendre que tous ces jeux vintages soient réellement jouables aujourd’hui sans d’incommensurables efforts. Comme beaucoup de leur cousins des années 80-90 ils ont surtout valeur d’énormes curiosités historiques, pour la nostalgie, l’étude ou, le plus important finalement comme l’a démontré l’exposition de prestige Game Story à Paris en 2011 : la mémoire historique et culturelle du jeu vidéo. À ce titre, l’appli Vectrex est non seulement exemplaire mais indispensable.

On aime…

  • L’expérience Vectrex globale reproduite à 99 %
  • Soin et respect absolus dans la présentation
  • Évolutif avec prochains packs vintage et jeux inédits

On aime moins…

  • Rotation à 360° du stick analogique virtuel très problématique
  • Pour jouer sérieusement il faut investir dans le cabinet iCade
  • À terme, l’addition peut devenir salée

Note : 4/5

Vectrex

Plate-forme : iPhone & iPad
Editeur : Rantmedia Games Ttd
Développeur : Rantmedia Games Ttd
Version testée : 1.1.0 (24/11/2012)
Langue : Anglais
Taille : 131 Mo
Prix : Gratuit + pack intégré 5,99 €

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2012 sur Hitphone.fr)

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Magnetic Billiards : Le génie de la réinvention

Inutile de faire des ronds de jambe littéraires, en se réappropriant les principes du billard classique, ce petit bijou interactif créé à lui tout seul un nouveau « fondamentaux » du jeu vidéo. Le glissement discret des règles et des lois physiques du billard pose de nouvelles bases interactives comme un Pong ou un Tetris en leur temps. En adoptant en plus une interface graphique comme dessinée à la craie sur un fond bleu de plans d’architecture (blueprint), le jeu se donne une allure durable, impossible à dater, à l’image de son gameplay à la fois moderne et classique.

Magnetic Billiards

Billard détourné par twists créatifs

Pour aller à l’essentiel, le jeu se pratique plutôt comme un billard français (sans poche) mais avec un nombre de boules variable et sans boule blanche de référence. Les boules de même couleur doivent être projetées les unes contre les autres en évitant le contact avec les autres. Une fois agglomérées en grappes de tailles variables, celles-ci s’évaporent automatiquement et le joueur peut s’atteler à une autre série de couleurs. Le but de la partie consiste à faire disparaître toutes les boules de la table, et celui des concepteurs à réinventer sans cesse des dispositions de base qui obligent à bien agir et à réfléchir. Gros ajout interactif malin au jeu de rebonds qu’il faut d’habitude deviner, le jeu permet de visualiser la trajectoire probable de la boule avant de lâcher son coup. Mieux, en cas de réussites successives, cette prévisualisation d’abord limitée augmente et permet d’anticiper la trajectoire complète de la boule. Une facilité qui semble d’abord gâcher le jeu d’adresse avant de finir par faire partie intégrante du gameplay puisqu’il faut générer le plus grand nombre de rebonds possibles pour atteindre un score maximum. Le trajet entre deux boules isolées sur une table ne doit jamais être une ligne droite. Et le système virtuel de visée anticipée devient un vrai jeu tactile quand il faut bien se caler sur l’angle qui va permettre 20 rebonds successifs avant le contact.

Règles de premier et de second plan

Puisqu’elles dérivent du billard, rien n’oblige à assimiler les règles pour se lancer. Et heureusement, parce que les créateurs, bavards et drôles, se sont amusés à les faire longues et qu’elles ne s’affichent qu’en anglais. Le joueur apprend assez vite et spontanément ce qu’il a le droit de faire ou pas en jouissant d’abord de l’excellent moteur physique, puis des bruitages et animations chargés en références entre bande dessinée, flipper traditionnel et psychédélisme doux. Deux vies, ou essais, autorisent deux échecs avant de devoir recommencer la table et, même si des menus/onglets en papier déchiré s’incrustent un peu trop souvent pour relancer la partie, les transitions restent rapides et fluides. D’un mode à l’autre, d’une table à l’autre, d’une explication – qui se propose en cas d’échecs répétés – à l’affichage arc-en-ciel d’un super score, tout ce qui constitue le logiciel disparaît dans une mise en scène graphique habile et toujours adaptée à la bonne ambiance. Les subtilités et la sophistication du gameplay qu’il faut absolument maitriser pour atteindre un score supérieur et déverrouiller une autre table (progression non linéaire laissée au libre choix du joueur) demande en revanche la consultation des règles avancées.

Jeu adulte fondamental

Derrière son apparence presque enfantine, Magnetic Billiards cache un jeu adulte. Le principe de visée et de contrôle des rebonds plus ou moins attendus dissimule, à moyen terme, un vrai jeu de réflexion. Tel le jeu de damier Othello qui se complique au fur et à mesure, ce néo billard se transforme en jeu de stratégie quand le nombre de boules à l’écran augmente (et il augmente jusqu’à étouffer tout l’espace !). Chaque coup devient précieux. Les trajectoires entre les boules « ennemies » et celles qui doivent se rencontrer deviennent périlleuses (bien frôler ajoute des points). Le système de viser tactile très novateur (avec deux variations optionnelles à essayer) permet de maîtriser finement la force de propulsion. Rien n’empêche de déclencher un chaos rageur dans la foule trop bien rangée des boules ou de se la jouer subtile et d’amortir chaque trajectoire jusqu’à ce que les boulent s’effleurent. L’apprentissage sera rude et les récompenses surprises qui surgissent lors d’un délai de réflexion allongé ou lors de la consultation de la 25ème page (chiffre non contractuel, la doc en contient 29, ou plus, les auteurs communiquent en effet de manière facétieuse avec leur public) indiquent bien que s’appliquer et prendre son temps comptent autant que de bien viser ou bien intuiter.

Héritages multiples

Décalées et chics, les mélodies ragtime au piano de ce Magnetic Billiards décidemment surprenant, évoquent un tripot au tournant du XXe siècle tandis que les bruitages puisent dans l’âge d’or des salles d’arcade des années 70-90 (le jeu s’invente d’ailleurs un historique remontant à 1888 !). Un mash-up sonore culotté rejoint par le greffon visuel entre BD et dessins industriels. L’ensemble oscille ainsi entre le sérieux et l’ironie. Ce que confirme la présence dessinée à la Robert Crumb des deux vétérans du jeu vidéo à l’origine de cette pépite, les frères John et Ste Pickford déjà habitués au détournement (au hasard d’une ludographie de plus de 80 jeux depuis 1983 : l’excellent et sous-estimé Wetrix dérivé aquatique de Tetris datant de 1996).

Précision et confort des sens

Magnetic Billiards réussit ce rare mélange effectif de gameplay pointu, presque technique, et de ressenti douillet propre au confort des sens. L’échec ne se perçoit pas comme une punition. Un score moyen encourage intellectuellement à rejouer sans faire appel aux ressorts habituels de frustration. Signe en général ultra positif de satisfaction, quand l’appli propose, sans chantage, de nouvelles tables ou de nouveaux modes de jeu en payant in app (de 0,79 € le mode bonus à 2,99 € la Skeleton Key qui donne accès à tout : 20 tables supplémentaires en niveau de difficulté supérieur et 3 modes dit d’arcades – contre la montre, « furie », etc), l’utilisateur a simplement envie de dire merci aux créateurs en payant pour davantage de contenu. Le houleux modèle freemium se déploie ici au mieux de ces avantages. Plaisir des sens et de l’intellect, aussi habile à faire parler les doigts que les neurones, Magnetic Billiards transforme le vieux en neuf avec un flair artistique et un brio technique qui prend à l’improviste. Et c’est tant mieux.

François Bliss de la Boissière

Sur iPhone et iPad…

Les plus…

  • Réalisation et ambiance inédites épatantes
  • A la fois novateur et roots (multi référenciel)
  • Gratuit (20 tables de jeu)

Les moins…

  • Aides et humour hélas en anglais uniquement
  • Achat in app un peu confus du contenu additionnel
  • Position verticale seulement
(Publié le 17/10/2011 sur Hitphone.fr)

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


Another World : Jeunesse éternelle

Qui aurait imaginé un jour que les plateformes mobiles Apple deviendraient des supports privilégiés pour revivre et donc archiver l’histoire du jeu vidéo ? Après les Final Fantasy, Secret of Mana japonais, les Prince of Persia et Myst américains, le Flashback français, c’est au tour du tout aussi historique Another World du, alors très jeune, développeur Éric Chahi d’être adapté sur iPad et iPhone.

Another World

Jeu immersif avant l’heure

Il ne le savait pas en créant le jeu tout seul en 1991, mais commençait peut-être à vraiment le mesurer en 2007 lors de la réédition 15ème anniversaire sur PC. Aujourd’hui, à l’occasion d’une nouvelle ressortie cette fois pour les 20 ans du titre (ça ne nous rajeunit pas !, ndlr) sur les très tendances appareils tactiles d’Apple, l’auteur-développeur Éric Chahi ne peut plus douter que son jeu vidéo appartient à la grande Histoire de l’industrie interactive. Celle, culturelle, qui la définit à travers les âges. Car, étonnamment, Another World se révèle un condensé de concepts utilisés aujourd’hui à grands renforts de budgets et de moyens techniques inimaginables il y a 20 ans. Premier jeu empruntant au cinéma un découpage de scènes non interactives (très très brèves), l’aventure de ce jeune scientifique propulsé par accident sur une planète hostile est aussi la première esquisse de jeu collaboratif quand il se fait aider par un gentil extra-terrestre local. Le qualificatif « immersion », revendiqué à toutes les occasions aujourd’hui, prévalait d’emblée dans un Another World mystérieusement silencieux, sans parole, sans texte, avec à peine de la musique. Les bruitages, capitaux dans leur économie, devenaient le guide pour survivre aux périls, et donnaient vie à cette planète rocheuse hors champ.

Mise à jour graphique respectueuse de l’original

Que peut faire de plus une réédition contemporaine sans dénaturer le jeu original ? Le moins possible. Lisser les contours en escaliers de la grossière définition des années 90, ajouter quelques coups de pinceaux (très réussis dans les grottes en sous-sol), transformer les pixels carrés en vrais aplats de couleurs. Exercice redoutable de retouche qui doit trouver l’équilibre entre l’original, difficilement regardable ou jouable de nos jours, et un reconditionnement high-tech qui risquerait de perdre l’essence de l’œuvre initiale (préfère-t-on jouer aujourd’hui aux éditions classiques de Prince of Persia ou au remake 3D du jeu de plateforme original ?). Cette édition iPad/iPhone, tout comme celle sur PC d’il y a quelques années, reste donc très prudente, limite conservatrice, et ne fait que raffermir le souvenir forcément enjolivé gardé en mémoire. Preuve permanente de la présence de l’original en coulisses, il suffit de glisser deux doigts vers le bas sur la vitre à n’importe quel moment pour rebasculer aux visuels d’alors, et inversement. Belle leçon technique à travers les âges.

Contrôles tactiles à la hauteur de l’enjeu

C’est entendu, malgré tous les efforts des développeurs, le contrôle aux pads virtuels sur iPhone ou iPad ne remplacera jamais celui d’une vrai croix directionnelle ou d’un pad analogique. Dans le cas d’Another World cependant, le contrôle original basique ne demandait pas vraiment une pure agilité des doigts. Il fallait surtout savoir exactement quel pas ou quel geste effectuer et cela se vérifie aujourd’hui malgré les 3 modes de difficultés dont un Normal plus facile que l’original, selon l’éditeur. Une fois compris ce qu’il faut faire, l’exécution est assez simple. Les deux modes optionnels de contrôle, tactile direct sur la vitre (n’importe où pour faire marcher ou courir son personnage vers la droite ou la gauche, dans les coins bas droite et gauche de la vitre pour qu’un frottement déclenche le saut et une pression fasse tirer le pistolet) ou fixe à l’aide de deux pads virtuels à afficher où l’on veut sur l’écran, donnent toute satisfaction. C’est à dire que mourir et recommencer cent fois fait partie de la méthode de progression. Inutile d’accuser les contrôles, le jeu a été construit comme cela à l’époque. Parfois pénible, ce système d’épreuves par l’échec avait, et a toujours, la vertu de participer à l’anxiété du héros jouant sa vie dans une fuite en avant perpétuelle.

Un précurseur à revisiter

Jeu total avant l’heure, Another World inventait dès 1991 un savant mélange qu’il n’est pas certain que les blockbusters d’aujourd’hui aient encore trouvé. Jeu d’aventure, de réflexion, d’action, éventuellement de contemplation, l’essai interactif du jeune Éric Chahi générait une émotion jusqu’alors inédite dans le jeu vidéo. Aujourd’hui, écouteurs aux oreilles, les sobres décors bleutés aux aplats désormais d’allure arty, les cent morts et répétitions d’actions (courir, sauter, tirer, et même nager) se visitent comme un musée vivant d’un jeu vidéo qui meurt et ressuscite autant de fois que nécessaire pour être qualifié d’éternel.

François Bliss de la Boissière

Sur iPad et iPhone

Les plus…

  • Retrouver une légende du jeu vidéo
  • Le lifting graphique respectueux de l’original
  • Les 13 « Réalisations » (trophées) GameCenter rajoutées

Les moins…

  • Le principe de progression par l’échec
  • Sobriété visuel et sonore un peu aride de nos jours
  • Prix un peu élevé
(Publié le 22/09/2011 sur Hitphone.fr)

 


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Apple, 33 ans pour réussir à jouer

Artistiquement, visuellement, ergonomiquement, humoristiquement, audacieusement, le Mac semble être né et conçu pour le jeu vidéo. Et pourtant, de promesses en attentes déçues, il aura fallu 33 ans et l’invention de l’iPhone pour que la pomme joue sérieusement…

Part I : La tentation du jeu

1955. Naissance du petit Steve Jobs à San Francisco le 24 février. Un 1er avril 21 ans plus tard, le jeune homme commencera à bouleverser la civilisation en fondant avec un compère une société informatique baptisée Apple. Avec un nom pareil, l’ordinateur se voulait déjà ludique.

1984 la 2e génération d’ordinateurs Apple se nomme Macintosh et présente pour la première fois une interface graphique et une souris pour la manipuler. Tout ça essentiellement pour travailler sans effort, pas pour s’amuser. Les artistes l’adoptent.

1993, sortie du jeu d’aventure graphique Myst sur Macintosh. Exploitant des images fixes photo réalistes pour immerger les visiteurs dans un autre monde surréaliste à la Jules Verne, le jeu aide à populariser le format CD-Rom dans les ordinateurs. Mais pour de nombreux gamers, Myst n’a jamais été un jeu.

Pendant son exil d’Apple, chassé par les actionnaires, Steve Jobs rachète le studio Pixar à George – La Guerre des étoiles qui ne voit pas venir celle-là – Lucas. Apple s’enlise dans le corporate pendant que Steve Jobs, toujours un coup créatif d’avance, s’amuse.

1996, sans Steve Jobs, Apple lance la console de jeux Pippin en partenariat avec la société japonaise Bandai. Un projet mort-né de console très informatique façon Xbox made in Mac avant l’heure qui se crash tragiquement faute de pertinence et de jeux disponibles.

Part II : Reset / retour à la case départ

 1998 de retour aux commandes d’Apple après s’être fait éjecté par les actionnaires, Steve Jobs fait appel à un designer de salle de bain pour relancer le look des ordinateurs Macintosh qui adoptent des formes et des couleurs acidulées. Les iMac aquarelles dédramatisent à nouveau l’informatique, séduisent les femmes et, toujours, les artistes. Malgré son design enfantin, l’iMac ne joue pas plus que ces prédécesseurs.

1999, la rockstar marketing Steve Jobs honore de sa présence l’Apple Expo de Paris pour présenter entres autres exclusivités un jeu développé uniquement pour Macintosh. L’équipe du studio Bungie le rejoint sur scène pour faire la démonstration du jeu… Halo ! Steve Jobs promet pour la énième fois que oui, les jeux arrivent en force sur Macintosh. On y croit. À tort.

Part III : L’approche latérale

2001, Apple détruit le Walkman avec un baladeur musical MP3 qui n’a l’air de rien. Quand l’iTunes Store devient opérationnel en ligne en 2003, l’iPod désintègre de facto le CD Audio et réinvente un business modèle avec la vente de musique dématérialisée. écouteurs blancs aux oreilles, le public suit pendant que l’industrie musicale crie au violeur. Ça danse mais joue de moins en moins.

2007 : L’iPhone et son petit frère l’iPod touch chauffent les oreilles des opérateurs de téléphonie mobile du monde entier et de Nintendo qui fait officiellement l’autruche. La DS fait semblant d’ignorer la menace que représentent les fonctions ludotactiles de l’iPhone/touch en adoptant un « i » à la DSi qui embarque, un appareil photo, voire deux.

2009 : L’Apple Store en ligne revendique 1 milliard d’applications vendues en neuf mois pour iPhone et iPod touch. 35 000 « applis » dont des milliers de jeux rarement intéressants développés avec 3 fois rien et vendus encore moins (de 1 à 5 euros) mais qui révèlent un inouï bouillonnement créatif. Au milieu de tout ce fatras, l’historique Myst devient lui aussi jouable sur l’iPhone/touch. Le Mac fête ses 25 ans sur le toit de la Grande Arche de la Défense *, et cette fois, la pomme croque vraiment du jeu.

* Exposition « Le Macintosh 25 ans déjà ! », Musée de l’informatique, Toit de la Grande Arche, Paris la Défense, tous les jours 10h-20h, jusqu’à décembre 2009, 01 49 07 27 27.

François Bliss de la Boissière (Chronotrigger)

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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