On ne va pas faire ici le énième procès de l’industrie en crise du jeu vidéo qui nous vend de la pure magie interactive tout en martyrisant ses artisans et talents. Sinon en rappelant que, dans les années 80, le Japon a sauvé in extremis le jeu vidéo occidental du crash total. Et aujourd’hui, dans un effet miroir élargi saisissant, c’est de Chine, de Corée du Sud et bien sûr du Japon, d’Asie donc, que le jeu vidéo retrouve un nouveau souffle là où l’occident s’étouffe sur lui-même.
Mes 10 jeux préférés de 2024…
- Black Myth : Wukong
- Still Wakes the Deep
- Astro Bot
- Robocop : Rogue City
- Granblue Fantasy : Relink
- Silent Hill 2 Remake
- System Shock Remake
- Animal Well
- Indiana Jones and the Great Circle
- Prince of Persia : The Lost Crown
Pour la troisième fois après Returnal puis Elden Ring, me voilà en train de placer en haut du podium un jeu à la difficulté, en ce qui me concerne, insurmontable. Une difficulté dite hardcore que d’ordinaire je condamne quand les jeux en question (suivez mon regard les productions From Software) conduisent à un mur non pas « invisible » mais qui demande un tel effort, voire une telle dextérité, qu’il décourage le commun des gamers mortels. On pourrait mettre ça sur le compte de mes mains de moins en moins habiles, certes, mais en vérité, je n’ai jamais été un surdoué de la manette (demandez à mes anciens camarades d’Overgame). Ce qui ne m’a jamais empêché de jouir de la richesse du jeu vidéo sous toutes ces formes depuis sa naissance dans les années 70. Ce qui sauve un peu Black Myth Wukong, comme Returnal et Elden Ring auparavant, et qui donne l’opportunité d’apprécier et comprendre sa valeur manettes en main, c’est qu’il permet de jouer un bon moment avant de se heurter au mur de titanium de tel ou tel magnifique boss à la barre de santé interminable. La structure plus ou moins monde ouvert – ou constituée « d’espaces ouverts » comme le revendiquent certains professionnels du jeu vidéo (les devs vétérans de Yellow Brick Games pour leur prochain jeu Eternal Strands), de ces trois jeux ne punit pas immédiatement le joueur. Il est ainsi possible d’explorer une partie des alentours, de comprendre les mécaniques de jeu, de se frotter à plusieurs sortes d’ennemis plus moins coriaces. Je maintiens que, bien qu’elle séduise un public se croyant élitiste, ce type de difficulté radicale est une erreur culturelle et même commerciale. Car si les développeurs veulent fanfaronner et flatter un public restreint mais hardcore lors de la première commercialisation de leur jeu, pourquoi ne pas proposer des options d’accessibilité six mois, ou même un an plus tard, pour se (re)trouver un nouveau public et relancer les ventes ? Contrairement à des jeux plus modestes qui cachent leur misère par une difficulté ingrate héritée des salles d’arcade, la richesse du contenu de Returnal, Elden Ring et Black Myth Wukong est bien assez énorme pour ne pas avoir à priver une grande majorité du public jeu vidéo. À l’heure des étonnants modes d’accessibilité à la carte des AAA les plus aboutis, cette difficulté encore assumée par certains studios est surtout synonyme d’immaturité et d’impolitesse. C’est dit.
En pratiquant 163 jeux, dont 71 inédits ou rééditions en 2024, je n’ai jamais autant fréquenté le jeu vidéo que cette année. Évidemment je ne vois que très rarement le terminus des jeux, même ceux qui me plaisent et qui conviennent à mes doigts. Un jeu chasse l’autre trop vite et ma curiosité reste insatiable. Et la plupart dissimulent mal des boucles de gameplay qui ne justifient pas spécialement de s’y attarder plus que quelques heures. En revanche, c’est à la fois une malédiction et un bonheur, un jeu apprécié non terminé est un jeu dans lequel j’ai toujours envie de retourner. Héritage de ma culture cinéma, je privilégie les jeux immersifs dans lesquels retourner consiste surtout à réouvrir en quelques clics une fenêtre sur un autre monde. La controversée et malgré tout spectaculaire PlayStation 5 Pro est, à ce titre, devenue le meilleur portail d’immersion sur grand écran.
Les rééditions/remakes/remasterisations exceptionnel(les)…
- Final Fantasy VII Rebirth
- Horizon Zero Dawn Remastered
- The Last of Us Part II Remastered
- Sonic X Shadows Generations
- Mario versus Donkey Kong
- Luigi’s Mansion 2 HD
- Super Mario RPG
- Epic Mickey Rebrushed
- Riven PC/Mac (Mac/PC : en attente urgente d’une adaptation consoles)
Les magnifiques indés…
- Nobody Wants to Die
- Harold Halibut
- The Möbius Machine
- Abriss (PS5)
Le DLC le plus fou…
- Atomic Heart : Trapped in Limbo
Les AA/A aussi dans la liste des best of 2024…
- Outcast : A New Beginning
- Stellar Blade
- Hunt : Showdown 1896
- SandLand
- Visions of Mana
- Warhamer 40 000 : Space Marine II
- Metro Awakening VR
- Zelda : Echoes of Wisdom
- STALKER 2 : Heart of Chornobyl
Note finale. Le procès de qui finalement ?
Une grosse larme pour le d.o.a. Concord, symptôme le plus spectaculaire du problème actuel qu’affronte l’industrie du jeu vidéo. L’interface, l’ambiance, le lore, le touché, les graphismes de Condord étaient tous classieux et irréprochables. Et si l’on identifie facilement les soi-disant erreurs de l’éditeur ou du studio, cela n’explique pas le désintérêt si total du public visé. Sinon à qualifier de moutonnier le public ordinaire des shooters multijoueur. Car si les décideurs de l’industrie du jeu vidéo sont coupables de mauvaise gestion, quid du public lui-même aux choix douteux de consommation. À commencer par la population mono-jeu bloquée sur un seul univers. Ne faudrait-il pas s’atteler surtout à les arracher à ce monothéisme vidéoludique plutôt que de les encourager soit à y rester, soit à tomber dans la secte interactive d’à-côté ? Je conserve précieusement la version boite PS5 de ce Concord symbole de la cicatrice indélébile que laissera l’année 2024 dans le jeu vidéo.
François Bliss de la Boissière
(Relecture danybliss)