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Quand les consoles « next-gen » se remaquillent

Comment dépoussiérer des consoles multimédia un jour baptisées « next gen » et pourtant déjà âgées de 3 ou 2 ans ? Comment donner l’illusion au consommateur que ces machines sont bel et bien encore en tête de la course technologique ? Après les façades interchangeables ou les coloris gadgets, les petites injections discrètes de Botox dans les menus, voici venir le temps des liftings en profondeur. Après les changements de robes voici les changements de visages. « Chéri, tu veux encore jouer avec moi ? » hurlent-elles en se remaquillant.

Consoles lifting

Depuis toujours, irrémédiablement accolé aux progrès fulgurants de l’informatique, le cycle de vie des consoles de jeux vidéo ne vaut guère plus que celui, éphémère, des insectes. Pour résister à cette implacable loi de l’évolution, les dernières consoles mettent toute leur énergie à durer en changeant de visage, non plus seulement extérieur mais intérieur. Ainsi, double première importante dans l’industrie interactive en cette fin d’année, la mise à jour mondiale le 19 novembre du logiciel interne de la Xbox 360 transforme radicalement l’interface familière. Avec le projet « Home » un peu plus tard, la PlayStation 3 à son tour offrira un tableau de commande alternatif où, à la manière de Second Life, l’avatar dessiné et habillé par l’utilisateur se promènera dans un environnement 3D, appartement ou maison, qu’il aura lui-même choisi et décoré pour lancer ses jeux ou ses films en DVD ou Blu-ray, rencontrera et devisera avec ses voisins du village global PlayStation.

Séduction féminine

Dans un mélange d’intelligence organisée et de séduction féminine, les consoles dernières générations présentent déjà à l’utilisateur une large gamme de services sous la forme la plus conviviale possible à l’écran. Le gentil tableau de vignettes des « chaînes » de la Wii réorganisable à volonté. Le système de sélection en croix des menus à icônes de la PlayStation 3 ou les onglets verticaux de la Xbox 360, toutes deux sur fonds colorés ou thématisés en fonction de ses goûts et passions… Des coquetteries cosmétiques habillant des fonctionnalités en ligne toujours plus sophistiquées qui ont néanmoins un coût. Pionnières dans la course à l’amélioration et à la sécurisation, les consoles réclament en effet d’être régulièrement mises à jour par Internet, comme les ordinateurs, la plupart des logiciels ou des mini ordinateurs portables tels les Smartphones ou l’iPhone. Des updates internes dignes d’une banale et souvent crispante maintenance informatique qui n’avaient jusqu’à aujourd’hui pas pour vocation d’être remarqués dans les consoles de jeux vidéo.

Toilettage

Cette fois, sur Xbox 360 le toilettage doit se voir, devient argument de vente, annoncer le nouveau départ d’une console « next-gen » déjà âgée de trois ans. Sur PS3, Home doit valider les promesses mirobolantes d’une console-ordinateur ouvrant enfin sur le 3e Monde déjà promis sur PlayStation 2 avec un clip signé David Lynch dans les années 2000.
Manette en main, la « Nouvelle Experience Xbox » donne l’impression d’avoir à faire à une autre console. Toute l’organisation et le défilement des menus, du design aux couleurs, annonce une renaissance. L’apparition d’avatars ludiques à créer facilement façons Mii en 3D de la Wii ajoute un peu de vie et d’humour dans l’écran. Plus polyvalente au quotidien encore que sa grosse concurrente, l’interface de la PlayStation 3 de son côté se modifie déjà régulièrement mais de manière moins forcée.

La nouvelle Life ?

Ainsi, avant l’arrivée de Home fin 2008 début 2009, rebaptisée Life with PlayStation, la fonction de calcul partagé Folding@home (la console participe discrètement sur Internet à la recherche contre les maladies graves) se dissimule derrière un impressionnant globe terrestre qui donne accès à la météo et à des news de villes et pays du monde entier.
Bien avant la mode tous azimuts des gadgets numériques et du Home cinéma, les consoles cherchent depuis les années 80 à avoir l’air sexy. Devenu culte, le design bicolore des premières consoles japonaises de Nintendo, par exemple, s’est fétichisé au point d’être reproduit régulièrement sur d’autres produits fac-similé. Jusqu’à récemment, les consoles n’avaient pas d’autres visages à présenter que leur carrosserie extérieure susceptible, au plus, de changer de coloris ou de façade.

Dans l’intimité

Désormais, à l’heure de la dématérialisation générale, aussi flatteuse soit-elle, une enveloppe ne suffit plus à appâter et, surtout, à entretenir une relation durable. Derrière leur taille de guêpe (Xbox 360), leur effacement modeste (Wii), ou les courbes laquées cachant avantageusement des rondeurs (PlayStation 3), les consoles devenues carrefour multimédia et familial veulent désormais séduire avec leur intimité. Ces cures de jeunesse transformeront-elles des consoles devenues chrysalides en nouveaux papillons de l’ère numérique ? Si le rechapage ne tient pas, un nouveau lifting sera toujours possible.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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Silent Hill 2 : Inner Fears : cauchemar sans fin

David Lynch, Francis Bacon et quelques autres sont les inspirations d’une aventure intérieure conçue sans concession par trois jeunes concepteurs japonais de jeu vidéo. Commencé sur consoles Sony, le mauvais rêve de Konami a prolongé son purgatoire sur Xbox et continuera sur PC…

Silent Hill 2

La plupart des jeux poussent le joueur à s’extérioriser. Destruction, course au score, massacres en masse ou au détail contribuent à la même catharsis. Le jeu en général sert à évacuer fantasmes et trop plein d’énergie. A contre-pied de ce qui est attendu, l’ambiguë aventure de Silent Hill 2 conduit le personnage principal du jeu, et donc le joueur, à l’introspection, à la rétention d’énergie. Point d’euphorie ici, nulle récompense ni bons points ne sont à attendre. Le jeu fonctionne plutôt en termes de soulagements progressifs. Soulagement quand le crissement insupportable d’un monstre rampant s’arrête, soulagement quand une porte parmi les dizaines de la ville abandonnée accepte enfin de s’ouvrir, soulagement quand un poème ésotérique donne accès à une nouvelle clé…

Il y a autant de différences entre Silent Hill 2 et le reste de la production des jeux vidéo qu’entre un film de David Lynch et un blockbuster à la Michael Bay. L’œuvre renfermée des trois artistes japonais de Konami – un producteur designer, un musicien et un concepteur animateur (marionnettiste virtuel), puise son inspiration bien au-delà du jeu vidéo et de la culture pop habituelle. La balade rock acoustique, déchirant thème mélancolique principal de l’aventure, introduit gentiment une effrayante bande son bruitiste que ne renierait pas le David Lynch d’Eraserhead. Le design des monstres informes descend explicitement des peintures écorchées vives de Francis Bacon, leur animation du film l’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne. Le rythme des évènements et des maigres dialogues renvoie encore une fois à David Lynch, celui de l’insaisissable ville perdue de Twin Peaks.

Alors que, vague satisfaction primitive de joueur, le dénommé James Sunderland à la recherche de sa femme morte mais peut-être vivante, élimine jusqu’à l’écœurement les monstres à coup de barre à mine ou de talon, l’approximation volontaire des contrôles rend l’affaire hasardeuse, irritante. L’empathie entre le joueur et le pauvre James si peu maître de la situation fonctionne sur des sentiments d’incertitudes partagés, d’aveuglements réciproques provoqués autant par le brouillard omniprésent que par une histoire dont on ne sait pas si elle existe de manière objective ou si elle est cauchemardée par James. Peut-être le purgatoire intemporel de James, ou celui de sa femme Mary qui envoie apparemment des lettres de l’au-delà, l’histoire de Silent Hill 2 continue son parcours existentiel sur Xbox et sur PC après avoir marqué la PlayStation 2.

Juste pour lever un peu le voile, non sur le mystère mais sur le remarquable travail graphique, une nouvelle option permet de supprimer l’effet granuleux, de sous-exposition volontaire de l’image. Une fonction qu’on laissera scrupuleusement de côté pour apprécier à sa juste valeur l’équilibre visuel voulu par les auteurs. Il faudra aussi sans doute s’abstenir de traverser le chapitre inédit et indépendant de cette nouvelle édition avant d’avoir fini l’aventure principale. Quête introspective inédite dans le jeu vidéo, Silent Hill 2 accuse sans doute quelques flottements. Mais comme tout travail artistique et de recherche, ce jeu là n’est qu’une des marches de l’escalier qui conduit inexorablement le jeu vidéo vers l’âge adulte. Silent Hill 3 est déjà attendu, mais en décidant de placer au centre de cette nouvelle aventure une jeune femme aussi courtement vêtue que lourdement armée, on se demande si la série ne prend pas le risque de céder son âme aux tentations clichées et marketings. Silent Hill 2 resterait alors une œuvre unique.

Silent Hill 2 : Inner Fears 1 joueur Genre : Survival Horror cérébral + 1 chapitre inédit sur Xbox (disponible) et sur PC (sortie le 28 février 2003)

François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2003 sur Overgame)

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Silent Hill 2 : Cauchemar sans fin

David Lynch, Francis Bacon et quelques autres sont les inspirations d’une aventure intérieure conçue sans concession par trois jeunes concepteurs japonais de jeu vidéo. Commencé sur consoles Sony, le mauvais rêve de Konami continue son purgatoire sur la console de Microsoft.

Silent Hill 2 Inner fears Xbox

La plupart des jeux poussent le joueur à s’extérioriser. Destruction, course au score, massacres en masse ou au détail contribuent à la même catharsis. Le jeu en général sert à évacuer fantasmes et trop plein d’énergie. A contre-pied de ce qui est attendu, l’ambiguë aventure de Silent Hill 2 conduit le personnage principal du jeu, et donc le joueur, à l’introspection, à la rétention d’énergie. Point d’euphorie ici, nulle récompense ni bons points ne sont à attendre. Le jeu fonctionne plutôt en termes de soulagements progressifs. Soulagement quand le crissement insupportable d’un monstre rampant s’arrête, soulagement quand une porte parmi les dizaines de la ville abandonnée accepte enfin de s’ouvrir, soulagement quand un poème ésotérique donne accès à une nouvelle clé… Il y a autant de différences entre Silent Hill 2 et le reste de la production des jeux vidéo qu’entre un film de David Lynch et un blockbuster à la Michael Bay.

Au-delà du jeu vidéo et de la pop culture

L’œuvre renfermée des trois artistes japonais de Konami – un producteur designer, un musicien et un concepteur animateur (marionnettiste virtuel), puise son inspiration bien au-delà du jeu vidéo et de la culture pop habituelle. La balade rock acoustique, déchirant thème mélancolique principal de l’aventure, introduit gentiment une effrayante bande son bruitiste que ne renierait pas le David Lynch d’Eraserhead. Le design des monstres informes descend explicitement des peintures écorchées vives de Francis Bacon, leur animation au film l’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne. Le rythme des évènements et des maigres dialogues renvoient encore une fois à David Lynch, celui de l’insaisissable ville perdue de Twin Peaks. Alors que, vague satisfaction primitive de joueur, le dénommé James Sunderland à la recherche de sa femme morte mais peut-être vivante, élimine jusqu’à l’écœurement les monstres à coup de barre à mine ou de talon, l’approximation volontaire des contrôles rend l’affaire hasardeuse, irritante. L’empathie entre le joueur et le pauvre James si peu maître de la situation fonctionne sur des sentiments d’incertitudes partagés, d’aveuglements réciproques provoqués autant par le brouillard omniprésent que par une histoire dont on ne sait pas si elle existe de manière objective ou si elle est cauchemardée par James.

Purgatoire interactif

Peut-être le purgatoire intemporel de James, ou celui de sa femme Mary qui envoie apparemment des lettres de l’au-delà, l’histoire de Silent Hill 2 continue son parcours existentiel sur la Xbox après avoir marqué la PlayStation 2. Juste pour lever un peu le voile, non sur le mystère mais sur le remarquable travail graphique, une nouvelle option permet de supprimer l’effet granuleux, de sous-exposition volontaire de l’image. Une fonction qu’on laissera scrupuleusement de côté pour apprécier à sa juste le valeur l’équilibre voulu par les auteurs. Il faudra aussi sans doute s’abstenir de traverser le chapitre inédit et indépendant de cette version Xbox avant d’avoir fini l’aventure principale. Quête introspective inédite dans le jeu vidéo, Silent Hill 2 accuse sans doute quelques flottements. Mais comme tout travail artistique et de recherche, ce jeu là n’est qu’une des marches de l’escalier qui conduit inexorablement le jeu vidéo vers l’âge adulte.

Silent Hill 2 : Inner Fears (Xbox / Konami / 1 joueur / Genre : Survival Horror cérébral / Sortie 4-10-2002 / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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