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Sony achève le format UMD avec la PSPgo

Comme en politique, paroles et gestes industriels ne suivent pas la même trajectoire. 53 millions de PSP en circulation oblige, Sony le niera jusqu’au bout. Pourtant, en sortant un nouveau modèle de PlayStation Portable sans lecteur de disque optique, la société japonaise signe elle-même l’arrêt de mort du format UMD « révolutionnaire » lancé en 2004. Chronique d’une mort annoncée par tout le monde sauf le premier intéressé.

UMD

Avec la sortie du modèle PSPgo abandonnant le lecteur d’UMD au profit exclusif d’une mémoire flash de 16 Go, la nouvelle PlayStation Portable signe officieusement la mort du format UMD. Une euthanasie encore seulement officieuse parce que, soucieux tout de même de ménager les 53 millions de propriétaires de PSP équipées d’un lecteur UMD (2,5 millions en France), Sony Computer le réfute franchement et continuera d’ailleurs vaillamment à entretenir le support en sortant les jeux à la fois sous forme dématérialisée pour la PSPgo et sur UMD pour les anciens modèles de PSP. C’est actuellement le cas des deux jeux importants que sont les versions portables des séries Gran Turismo et MotorStorm (Arctic Edge) ou du FIFA 10 d’Electronic Arts disponibles au lancement de la Go. Jusqu’au 10 octobre Gran Turismo est ainsi offert en téléchargement aux premiers acheteurs de PSPgo.

Le « Walkman du XXIe siècle »

Inventés à usage exclusif de la PlayStation Portable sortie fin 2004 au Japon, les petits disques optiques Sony baptisés UMD (Universal Media Disc) n’ont jamais rencontré le succès attendu. On se souvient pourtant d’une fameuse conférence à Los Angeles en 2003 où Sony Computer, péremptoire, introduisait sa PlayStation Portable en « Walkman du XXIe siècle ». Le petit CD UMD encapsulé dans un cache transparent protecteur sorti d’un geste triomphant de la poche de Ken Kutaragi – grand manitou de la marque PlayStation depuis tombé en disgrâce – avait fait sensation. Sur le moment, les perspectives de développement parurent positives. D’abord parce que la marque Sony PlayStation avait encore un capital de confiance, d’innovation et de satisfaction au beau fixe dans l’industrie du jeu vidéo. Ensuite parce que Sony tentait de refaire le coup de sa console de salon PlayStation dont le format CD-Rom avait signé la fin du règne des cartouches de jeux Nintendo et Sega des années 80 et 90. La PSP, ses capacité graphiques 3D et ses disques UMD devaient donc supplanter le business modèle à base de cartouches des indétrônables Game Boy de Nintendo et faire barrage au projet de console DS. 100 millions et plus de DS/DSi vendues pour « seulement » 53 millions de PlayStation Portable, l’alternance de leadership n’a finalement pas eu lieu et Nintendo continue de dominer aujourd’hui le marché du jeu portable.

Guerres nomades

Les jeux DS font encore l’événement là où les productions PSP passent souvent inaperçues à l’exception de quelques épisodes de Monster Hunters (Capcom) devenus phénomènes alternatifs aux Pokémon de Nintendo au Japon. La version mobile originale de la si lucrative série PlayStation Grand Theft Auto (Chinatown Wars) est ainsi sortie d’abord en exclusivité sur DS au mois de mars. À peine une version PSP évoquée pour le 23 octobre, une adaptation iPhone/iPod Touch retrouvant une interface tactile lui vole la vedette. Pire, la PSP, avec la DSi de Nintendo, est en train de se faire rattraper par l’éco système de l’Apple Store qui a transformé en quelques mois seulement l’iPhone et l’iPod Touch en véritables plateformes de jeux mobiles. La PSPgo à laquelle il manque quand même un écran tactile, se veut ainsi sans doute une forme de contrefeu à cette montée en puissance. Connectable par tous les moyens du jour avec ou sans fil, directement à Internet ou via sa grande sœur PlayStation 3, la PSPgo se dote d’un service de jeux à petits prix téléchargeables, baptisés sans grande imagination « Minis » (10 jeux disponibles seulement au lancement sur le PS Store, 3 à 5 euros l’unité). Encore aujourd’hui, officiellement, le modèle historique de jeux de grosse capacité et susceptible d’être vendus sur disque UMD continu d’exister. Mais la courbe de croissance des ventes de jeux de l’AppStore comme le développement déjà bien avancé de minis jeux à télécharger sur le DSiware de la portable Nintendo ne laissent que peu d’espace à ce genre de productions vendues entre 30 et 40 euros. À moins que Sony et les éditeurs tiers soient capables de garder la même ambition de production tout en abaissant radicalement le prix d’achat (l’économie des versions dématérialisées pourraient le permettre), il est à prévoir que la majorité des productions de jeux portables PSP rejoigne cette nouvelle génération de mini jeux tout public.

Largage hollywoodien

Embarquée de force par Sony dans l’aventure, l’industrie du cinéma a quitté l’embarcation mobile PSP peu à peu au fil des maigres années sans même le déclarer. Garant de la viabilité de la PSP en lecteur portable de films, le blockbuster Spider-Man était offert aux premiers acheteurs de PSP. Plusieurs centaines de films et programmes vidéo en provenance des plus gros représentants du cinéma ont été édités sur UMD. Très vite cependant, les studios hollywoodiens n’ont pas réussi à se créer un marché avec ce support mobile doublonnant, à un prix bien trop élevé, celui du DVD et se faisant dépasser en efficacité et réactivité, comme souvent, par les initiatives pirates exploitant bien plus efficacement les Memory Sticks de la PSP. Dorénavant, sur le marché américain encore un peu en avance sur l’européen, les versions mobiles des films sont offertes avec certains DVD et de plus en plus de Blu-rays. Une nouvelle petite jungle d’incompatibilités se met d’ailleurs en place sans grand décryptage public. Les versions « digitales » des films Sony Pictures incluses sur Blu-ray sont ainsi exploitables, après manipulation sur ordinateur, uniquement sur PSP quand ceux d’autres éditeurs, tel Warner, sont théoriquement transférables sur PSP et iPhone (ça marche). Prochainement, les versions digitales des films Sony se transfèreront directement vers la PlayStation Portable à partir du disque Blu-ray inséré dans la PlayStation 3. Les autres éditeurs suivront peut-être.

Handicaps techniques

Pour une initiative attendue – la disparition du lecteur UMD – la nouvelle itération de PlayStation Portable cumule encore des handicaps. L’autonomie de la batterie ne semble guère supérieure selon les premiers tests et, surtout, le prix de vente calé à 250 €, soit 50 € de moins seulement que la Playstation Slim de salon, et 80 € de plus que le dernier modèle de PSP (« 3000 », vendu à 170 €) laisse stupéfait distribution et consommateurs. Sony multiplie les initiatives pour faire passer la pilule, notamment sur le terrain où des commerciaux présentent agressivement dans certains magasins le produit et ses offres réduisant le prix d’entrée. Et 5 jours après les débuts de la commercialisation, Sony Computer affirme que les ventes correspondent aux prévisions, sans donner aucun chiffre. Outre le boycott annoncé de quelques revendeurs hollandais et australiens, la grogne de la distribution se manifeste concrètement en Angleterre où 3 revendeurs au moins, de plein pied ou en ligne (Amazon, HMV et Game), ont pris l’initiative de baisser le tarif de 25 livres sterling pour afficher la PSPgo à 199,99 livres (217 euros). Le responsable de la chaine de magasins indépendants de jeux vidéo (Chips, 30 magasins en Grande-Bretagne) n’hésite pas à prévoir un échec à « 99,9 % ».. Autre entaille à une éventuelle conversion PSP vers PSPgo des « early adopters », l’échange gratuit des jeux UMD en versions dématérialisées un moment envisagé n’aura finalement pas lieu, selon Sony, pour « des raisons légales et techniques ». Seule compensation, sous inscription, un nouvel acheteur européen peut théoriquement récupérer gratuitement 3 jeux en téléchargement.

UMD, condamné depuis ses débuts

À titre d’expérience empirique, depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui, l’UMD n’a jamais réussi à résoudre de lourds problèmes technologiques. Le prestigieux Gran Turismo sorti le 1er octobre après 5 années de production, se révèle une impasse sur support UMD au même titre que la grande majorité des jeux PSP. Gran Turismo a beau avoir fait l’effort, très critiqué du côté gamers, d’avoir simplifié sa structure – comme il se doit avec un jeu « mobile » – pour donner rapidement et facilement accès à des courses, les délais d’attentes entre chaque menu, chaque option, chaque début et fin de courses restent insupportables, voire rédhibitoires dans le contexte d’un jeu à « grignoter » pendant ses déplacements. Il reste à supposer que la version dématérialisée du même jeu renoue avec une optimisation du temps, et donc du plaisir, revendiqué depuis toujours avec logique par le jeu nomade made in Nintendo et maintenant l’iPhone/iPod Touch.
Ce n’est pas la première fois bien sûr que Sony échoue à faire adopter un nouveau format de disque. Pour des raisons qui lui sont propres, l’UMD rejoint les expériences du MiniDisc (lancé en 1992) ou du SACD (Super Audio CD lancé avec Philips en 1999) sans jamais atteindre, en revanche, le moindre capital de sympathie. Contrairement au SACD encore apprécié par les audiophiles, l’UMD ne sera pas regretté. Mieux, pour les utilisateurs les plus courageux s’obligeant depuis 5 ans à subir ses contraintes, sa disparition ne peut être qu’un soulagement.

François Bliss de la Boissière

(publié le 8 octobre 2009 sur Electron Libre)

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