Archives par mot-clé : Steven Spielberg

Tales from The Loop : Les enfants de Stalenhag

On aime cette série fantastique car elle donne vie à un hypnotisant rétro futur tiré avec fidélité des si prégnantes peintures digitales du génial artiste suédois Simon Stålenhag.
Avis express…

Bien que l’on suive régulièrement la vie des mêmes habitants d’un village de l’Ohio, chaque épisode raconte une histoire indépendante. Telle une anthologie, l’ensemble décrit un monde rural et technologique sans date où des bâtiments futuristes façon ruines oubliées de l’architecture soviétique des années 30 à 50 occupent l’horizon. Des drôles de machines ou des robots rouillés trainent ici et là dans les bois ou sur les plages d’un lac gelé.
Déconcertante puis de plus en plus fascinante, la série vire à l’exercice de style magistral et accessible puisque racontée à la hauteur des enfants ou ados tels les films de Spielberg des années 80.

Showrunner : Nathaniel Halpern, avec Jonathan Price, Rebecca Hall, Paul Schneider… Saison 1 en 8 épisodes

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #117 de juin 2020)

Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé

Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Ready Player One : Portrait en fuite d’une génération régressive

Déclaration : Ready Player One présente le jeu vidéo sous forme de caricature, de vue extérieure et superficielle plutôt que intérieure et vécue. Ready Player One n’est pas non plus le révélateur de la réalité de la réalité virtuelle (VR). Sans doute fidèle au livre, il est d’abord le condensé fétichiste et régressif de la culture pop des années 80-90. Ni moins, ni plus.

Mettons les choses au clair dès le départ, car l’enjeu était là. Ready Player One n’a pas la pertinence thématique ni même visuelle de A.I. et Minority Report. Il n’y a dans ce film épuisant de 2h20 aucune vision futuriste crédible, aucun vrai thème à débat sociétal ou philosophique. Ready Player One est un pur popcorn movie, un film de distraction sans autre enjeu que de proposer un grand ride en images de synthèse. Et d’essayer de faire passer le message : « Wouah la réalité virtuelle, oui mais Attention ». Oui, présenté de manière aussi simpliste que ça.
Le talent de Steven Spielberg, comme tout bon cinéaste, n’est pas à mettre en cause, puisqu’il consiste avant tout à épouser son sujet écrit. Et visiblement, le bouquin de Ernest Cline (sur ma table de chevet depuis un moment, mais pas lu, désolé) n’offre pas plus de profondeur que ce que l’on voit à l’écran. Cline est co-scénariste du film, il n’y a donc aucune raison de le croire trahi. Au contraire dirions-nous puisque, tout de même, la folie visuelle du film met en images ce que les mots de l’auteur ne font qu’évoquer.

Immersion de surface

La plus grosse surprise et peut-être sa plus grand déception, en plus d’une superficialité là où on pouvait espérer une vraie réflexion, consiste à suivre un film beaucoup plus en images de synthèse (CGI) qu’en prises de vues réelles. Spielberg n’a jamais fait tournoyer autant sa caméra que pour montrer tous les mondes de l’OASIS virtuelle (plus que dans les pires séquences de son Tintin). Sa caméra devenue folle fait des 360° autour des personnages avatars virtuels comme s’il fallait sans arrêt les dynamiser ou traduire un état intérieur excité du joueur/visiteur virtuel. En tant que gamer pratiquant, on peut qualifier cela d’insultant ou de trompeur. Le jeu vidéo ne se réduit pas à cet état d’hystérie permanent, sinon il ne concernerait que les plus jeunes et non plus les adultes (la moyenne d’âge du videogame player est à 35 ans de nos jours). Autre erreur d’appréciation à l’écran, parce que l’immersion en VR décuple les sensations et le ressenti : moins on en fait plus on supporte l’immersion et plus on y croit. Le monde virtuel fou-fou montré par Steven Spielberg est une vision infantile et en réalité impraticable de la VR. À moins que d’ici 30 ans (le récit se déroule en 2045), le genre humain accouche d’une humanité plus 2.0 qu’attendue. Le film ne le dit pas et, au contraire, montre des humains tout à fait semblables à aujourd’hui. Spielberg fait un amalgame du fond et de la forme entre le jeu vidéo (le plus clinquant et énervé) et l’immersion de la réalité virtuelle. Même si, nous sommes d’accord, plonger dans la réalité virtuelle, pour peu qu’elle soit agréable, donne envie d’y rester pour « ne plus revenir« . Il s’agit donc encore une fois après, par exemple, le plus mature Blade Runner 2049, d’un rétro futur. D’un futur naïf vu à partir, cette fois, des années 80… naïves. Même si le bouquin a été publié en 2011. Ce prisme gentillet d’un avenir techno dystopique ne présente ainsi pas une vision sérieuse de la société future comme le proposaient encore une fois A.I (écrit par Brian Aldiss dans les années 60 puis revisité par Stanley Kubrick) et Minority Report (écrit par Philip K . Dick lui dans les années 50). Tron : Legacy de Joseph Kosinski et bien sûr le Avatar de James Cameron en disent plus long sur ce futur mélange de la réalité physique et de la réalité virtuelle. L’erreur générique et démagogique de Ready Player One consiste à continuer à présenter les expériences en réalité virtuelle comme une fuite ludique et vaine de la réalité actuelle et non comme un portail vers une nouvelle évolution de l’homme.

Avec ou contre les jeux vidéo ?

Esthétiquement, le film est un fourre-tout de plus ou moins bon goût. Bien fignolées mais rarement attachantes ou singulières, les images de synthèse majoritaires oscillent et ne se décident pas entre cartoon à la Dreamworks animation, Final Fantasy le film (qui date tout de même de 2001) et Warcraft (le film), sans compter les survols de troupes innombrables au sol qui évoquent les pires travellings aériens factices du seigneur des Hobbits Peter Jackson. C’est à se demander qui commande les plans et la caméra dans les scènes d’action en CGI. Spielberg délègue-t-il ces plans là ? (la post production du film lui a en tous cas laissé assez de temps pour aller tourner le plus intellectuellement stimulant The Post). Parce que les rares scènes en images réelles de Ready Player One ressemblent d’avantage à sa grammaire cinématographique que le reste du métrage, surtout avec Janusz Kaminski toujours à la photo. Mis à part sans doute le visage aux grands yeux de l’héroïne interprétée par Olivia Cooke, les avatars virtuels des personnages réels restent tout de même assez quelconque (une affaire de goût, admettons) : des silhouettes élancées androgynes à la japonaise aux gros musclors à l’américaine. Nous sommes loin par exemple des fascinants Na’vi d’Avatar. Disons que d’un point de vu jeu vidéo, même avancé, tout cela est cliché et renvoie donc au petit procès en loucedé, ou alors involontaire, que Spielberg fait au jeu vidéo à travers ce film censé lui rendre hommage. Alors que les bons films de SF sont aussi désormais des films sur les interfaces, revoir Minority Report et puis Avatar, Ready Player One s’amuse beaucoup avec des projections holographiques speedées devant les joueurs virtuels sans que cela ne fasse avancer le schmilblick UX ni ne reflète la vérité des solutions déjà existantes en jeu vidéo et en VR.

Le théorème Kubrick

Pourquoi Spielberg a-t-il eu envie de faire ce film à 70 ans (le tournage a commencé en 2016) ? Pour reprendre la main sur les images de synthèse qu’il a lui même popularisé avec Jurassic Park ? Pour faire un pied de nez au cinéma de super-héros dont il dénonce l’hégémonie à Hollywood ? Sans doute un peu tout cela mais pas seulement. Avant d’aller lire toutes les interviews et attraper les making-of qui confirmeront ou pas ses intentions, une séquence particulière de Ready Player One explique assez clairement pourquoi le film, en plus d’autres raisons, s’est imposé à Spielberg. Elle restera sans doute dans les annales plus que toutes les autres mises bout à bout. Elle fonctionne d’ailleurs de manière quasi autonome, comme un niveau de jeu vidéo hors sujet (ou bonus, ou en DLC). En tout état de cause la séquence existe dans le flux du récit. Puisque l’essence du film consiste à revisiter tous les fondamentaux de la pop culture des années 80, du jeu vidéo balbutiant au cinéma alors insouciant (de John Hugues par exemple, cité à plusieurs reprises), Spielberg a dû prendre un plaisir singulier à piloter une séquence où les personnages (attention SPOILER ALERT) se retrouvent DANS une reconstitution du film The Shining de Stanley Kubrick. Faut-il rappeler brièvement le lien intime qu’ont développé Spielberg et Kubrick à la fin de sa vie ? Spielberg a réalisé A.I à la place de Kubrick, à la demande de Kubrick, après la mort de Kubrick, pour Kubrick. À cet anoblissement posthume du maître et à ce titre, sans doute seul Spielberg pouvait se permettre de recréer The Shining et de s’en moquer sans que la cinéphilie crie au tabou. Les personnages en CGI de Ready Player One se retrouvent catapultés dans l’hôtel célèbre où Jack Nicholson va perdre la tête. Toutes les scènes mythiques et flippantes y sont visitées et récrées (décors et personnages compris) avec un soin maniaque avant d’être détournées parce que bien sûr, il s’agit d’une version jeu vidéo qui part en sucette. Spielberg aime le jeu vidéo depuis longtemps, il a même participé à la création de plusieurs franchises (notamment Medal of Honor devenu par imitation la série à succès Call of Duty, excusez du peu), mais on est moins sûr qu’il apprécie ce que représente la VR. Le film tombe dans le travers de dénoncer facilement les travers de la réalité virtuelle car au fond, Spielberg s’inquiète surtout d’un incontrôlable concurrent au cinéma narratif classique. C’est donc tout à son honneur que de s’y frotter pour mieux l’absorber. Pour autant, sa vision reste distante, condescendante, un chouia péjorative et plutôt simpliste. Il abordera peut-être ce sujet une prochaine fois avec plus de maturité.

Fétichisme et régression des années 80

Il faudra alors oublier sa conclusion bêta enfantine. Rappeler aussi grossièrement que la réalité est mieux que la réalité virtuelle parce que, oui, on peut… y manger de vrais repas et que les câlins charnels c’est mieux, ressemble à la conclusion dirigée d’un devoir de rédaction d’école secondaire. Malgré toute l’esbrouffe technologique qu’il déploie et le futur « dystopique » qu’il décrit à la marge, le film est foncièrement régressif. Et fétichiste. Des VHS aux consoles de jeux, des Gremlins à Doom et Street Fighter, de Gundam à l’anti daté Géant de fer tout y passe en un éclair, ou appuyé, et nécessitera des nombreux arrêts sur image. Encore une fois, il reflète certainement à la lettre le livre de « J’ai grandi à l’époque parfaite«  de Ernest Cline. On doit sans doute voir, dans ce fétichisme de la consommation et des loisirs qui aura accouché d’une génération sans âge adulte baptisée « geek », le désenchantement et l’inquiétude actuelle d’une population ayant grandi dans les années 80-90. Cette époque parenthèse post Vietnam, post hippie, post mai 68, post luttes pour la libération de la femme et pour les droits civiques et anté 9/11. Pubs, drogues et paillettes glam des années 80 synthé ont servi de récréation, de pause sans doute, dans le bouillonnement sanglant, politique et intellectuel permanent de la civilisation. La musique pop a succédé à la musique rock, la jouissance et le spleen à la rébellion, le blockbuster fantaisiste au cinéma de la rue du nouvel Hollywood. Spielberg en personne et ses troupes d’alors (Tobe Hooper, Joe Dante, Robert Zemeckis…) en ont été les maitres d’oeuvre involontaires (Jaws est considéré comme le premier « blockbuster » du cinéma, avant Star Wars). On peut donc voir aussi dans ce Ready Player One, une encyclopédie en mouvement, une compilation de tous les symboles de la culture populaire des années 80-90 dont Spielberg a été l’instigateur. Une carte postale rechapée et signée par un de ces GO (gentil organisateur) de vacances culturelles de cette époque.
En échouant à faire passerelle entre le passé et le futur, Ready Player One devrait servir à poser pour de bon la tragique question, au cinéma comme ailleurs : peut-on faire du neuf avec du vieux ? Doit-on continuer à tenter de faire du neuf avec du vieux ? On restera curieux de voir la réception du film par le jeune public qui, même fan de jeux vidéo, ne reconnaitra absolument aucune des références jeux vidéo et cinéma vintage qui font le sel et le sang du film. Le récit au premier degré suffira-t-il à retenir leur attention ?
Fétichiste moi-même, je retournerai voir le film en IMAX 3D pour remonter, pour la énième fois, le fil du jeu de piste culturel jusqu’à ma chambre à m’auto dorloter des années 80.

François Bliss de la Boissière


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

BEST OF FILMS 2015 : Rétrofuturs (la tête dans les étoiles)

Quelle période faste pour les amateurs de SF ! Ce qui était hier le plaisir des ados, geeks et autres nerds, est devenu le genre le plus attractif des salles de cinéma. Star Wars rattrape ainsi le record de Avatar au box office mondial et confirme l’aspiration populaire à décoller vers le futur et l’imaginaire. Beaucoup se plaignent de l’omniprésence des effets spéciaux numériques, et « beaucoup » a raison quand ils prennent la vedette sur les acteurs et l’humain. En réalité, puisque tout semble désormais possible à l’écran, le cinéma est vraiment en train d’atteindre la magie totale qu’on lui accordait un peu prématurément au siècle dernier. Et inévitablement, le cinéma redevient ce phénomène de foire délirant de ses débuts avec des orgies de trucages, cette fois numériques, plus ou moins spectaculaires ou de bon goût. Je crois que Méliès serait ravi de nos jours et s’amuserait comme un fou.

Mes 10 films de 2015 *

 

  1. Mad Max: Fury Road (George Miller)

  2. Ex Machina (Alex Garland)

  3. The Martian (Ridley Scott)

  4. Birdman (Alejandro Gonzalez Inarritu)

  5. Bridge of Spies (Steven Spielberg)

  6. La Belle Saison (Catherine Corsini)

  7. Maryland (Alice Winocour)

  8. Mon Roi (Maïwenn) / La Tête Haute (Isabelle Bercot)

  9. Dheepan (Jacques Audiard)

  10. Star Wars : The Force Awakens (J.J. Abrams) / Jurassic World (Colin Trevorrow)

Réalisateurs, vieux de la vieille et up & down

Si la carrière de J.J. Abrams est désormais totalement en orbite intergalactique (qui en doutait ?), le cinéma a perdu hélas en 2015 deux cinéastes majeurs des 90-2000. Michael Mann et P. T. Anderson ne sont évidemment pas morts, mais leurs derniers films ne sont plus que la caricature de leur cinéma. Six ans après le déjà discutable Public Ennemies, la présentation vieillotte des menaces cyber de Hacker dans un emballage superficiel de thriller file un terrible coup de vieux au cinéma de Michael Mann. Si l’on accordait le bénéfice du doute aux bizarreries indigestes mais si bien filmées en 70 mm de The Master, le décousu, pénible, lambin et complaisant Inherent Vice ne fait plus rire. P. T. Anderson s’enfonce ainsi dans un cinéma d’auteur private joke qui ne parle qu’à lui même et à ses acteurs. Avec l’incongru Knight of Cups (quête existentielle au coeur d’Hollywood blingbling ?), le soporifique Terrence Malick confirme qu’il ne prie plus que pour lui-même.
En parallèle, Ridley Scott (78 ans !) ne s’essouffle pas et continue de filmer des blockbusters à une cadence invraisemblable. Et tous les 3 ou 4 films il en réussi un vraiment bon. Tel The Martian que la Fox lui a proposé et qu’il a accepté en 24h. Après Alien, Blade Runner et Prometheus, et avant même la sortie de Alien Covenant, cela fait de lui devant Spielberg et J.J. Abrams le plus grand réalisateur de SF au monde avec James Cameron. Galon qu’il gardera probablement jusqu’à la sortie des 3 prochains Avatar.
Un peu dépassé par les évènements et la vague super-héros mais toujours actif contrairement au grincheux et déconnecté George Lucas, Spielberg, de son côté, lâche tranquillement un Bridge of Spies incroyablement pertinent à l’heure des frontières redevenues floues. Il rejoint sur le tard le classicisme historique visant la postérité de Clint Eastwood.

Coming out

2015 est l’année où des doubles talents aspirants réalisateurs ont réussi à s’exprimer avec leur premier film.  Avec Ex Machina le scénariste Alex Garland tape en plein dans le mille des problématiques de notre prochaine cohabitation avec l’Intelligence Artificielle. Cette version peut-être douce et cérébrale de Terminator aura certainement plu à Elon Musk. L’industriel s’est fendu d’un appel collectif à se méfier de la naissance incontrôlée d’une prochaine l’I.A potentiellement supérieure à l’homme.  Ryan Gosling a su prouver qu’il n’était pas seulement une belle gueule et un bon acteur avec son premier film Lost River entre David Lynch et Jim Jarmusch. Une carrière de réalisateur à la Sean Penn est à sa portée. Plus quelconque mais tout de même digne d’attention dans la veine des films parlés de Richard Linklater, le premier long métrage de Chris Evans réalisateur (Before we go) lui ouvre sans doute d’autres portes que celles gagnées à la force des muscles de Captain America.

Elles pour toutes

Les bonnes étoiles du 7e art ont aussi offert en  2015 une belle année, « saison », pour les femmes au cinéma, plus seulement devant mais derrière la caméra et dans les esprits. Ainsi, tout naturellement, 4 magnifiques films de réalisatrices qui frappent au ventre autant qu’à la tête s’installent dans mon palmarès pourtant plus orienté vers l’imaginaire que les drames quotidiens. Oui le cinéma français est visuellement plus modeste et plus terre à terre que le cinéma américain et ses gros moyens (sauf les films tellement stylés de Jacques Audiard) mais quand il réussit une étude de caractère, le cinéma français reste sans égal.  À l’écran, la place de la femme dans la société à plusieurs époques a été au centre d’un nombre inhabituel de films. Même si parfois maladroits, les Suffragette, Wild, Journal d’une femme de chambre, Les jardins du Roi, Far from the Madding Crowd, La Femme au tableau, Ricki and the Flash, Testament of Youth, Joy et même Big Eyes ont fait leur maximum pour rendre hommage au talent et à la détermination des femmes qui n’ont, évidemment, rien à envier aux hommes. Et qui d’autre que la guerrière Furiosa prend le pouvoir sur le monde des hommes-bêtes de Mad Max : Fury Road ?

It’s a Mad Mad Mad Mad World

Contrairement à d’autres, contemporains ou anciens, George Miller est sans doute un réalisateur économe qui prend son temps. Mais quand il sort un film, comme James Cameron d’ailleurs, il change le langage même du cinéma. Bien plus qu’une suite ou un reboot opportuniste que les producteurs espéraient sans doute, Mad Max : Fury Road, comme le nom de sa vraie héroïne Furiosa le dit, est une furieuse claque de cinéma dans une décennie cinématographique un tantinet désabusée et ronronnante à l’abri des boucliers numériques. Aussi énervé et sauvage que esthétique, Fury Road n’avait même pas besoin d’être en plus intelligent et porteur d’un message (écolo, féministe) pour balancer à la tête du monde une leçon de cinéma d’une pureté rock enfantine rare.
Finalement, le copié-collé assumé du metamodernisme** existe aussi au cinéma et ce de manière particulièrement flagrante en 2015. Les 4 reboots/remakes/relectures (comment les qualifier réellement ?) de Jurassic World, Terminator Genisys, Star Wars et même Mad Max installent un cinéma de la régurgitation, de l’auto citation, du recyclage à peine masqué. Ils ressemblent à cette époque trois-pas-en-avant-deux-pas-en-arrière, celle qui cherche à avancer avec tous les moyens technologiques du futur et n’arrive qu’à regarder et revivre le passé.

* Sur 89 vus en très grande majorité en salles (liste ici) Avec regret, on reportera au palmarès 2016 le fulgurant Steve Jobs de Danny Boyle/Aaron Sorkin et le monstrueux The Revenant de Inarritu. Futurs oscarisés que les distributeurs français déconnectés du 21e siècle n’ont pas jugé bons de sortir en 2015 en France. Ils font la joie et la tristesse du téléchargement improvisé. On retournera les voir en salle plutôt deux fois qu’une.

** « Today, we are nostalgists as much as we are futurists » (Metamodernisme Manifesto)

Quelques navets irrécupérables/inexcusables

  • Everest
  • The Walk
  • Le Tout nouveau Testament
  • In The Heart of the Sea
  • Welcome Back (Aloha)
  • Fantastic Four
  • Maze Runner : Scorch Trials
  • Chappie
  • Gunman
  • Love

Quelques coups de coeur (qui a ses raisons que…)

  • Imitation Game
  • American Ultra
  • Loin des hommes
  • La Tête haute
  • Valley of Love
  • Ricki and the Flash
  • La Résistance de l’air
  • Big Hero

François Bliss de la Boissière

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

King Kong : mariage mixte

Le cinéaste Peter Jackson a fait appel à un game designer français pour réaliser le jeu vidéo tiré de son film King Kong. Une alliance créative avant d’être commerciale.

King Kong

Peter Jackson, le réalisateur hirsute désormais mythique de la trilogie du Seigneur des Anneaux et du prochain remake de King Kong, parle aux médias par vidéo interposée : « Pendant les tournages je trouve toujours un moment pour jouer aux jeux vidéo. Dernièrement, le jeu Beyond Good & Evil m’a tellement plus que j’ai demandé à son auteur de réaliser le jeu tiré de mon film King Kong« . Cocorico ! Michel Ancel, l’auteur en question, est français ! Son éditeur Ubisoft, français aussi. Du jamais vu, les licences de films sont habituellement entre les mains des gros éditeurs américains. Mieux, alors que, en faillite, l’essentielle de la scène française du jeu vidéo s’est expatriée, Michel Ancel continue de travailler à Montpellier.

Credo : essayer d’imaginer un « film interactif »

Répétons-le, au risque de lasser : les jeux vidéo tirés de films sont rarement recommandables. Produits marketings aux qualités interactives discutables, ils ne font qu’exploiter la notoriété d’un blockbuster cinématographique. La situation s’améliore pourtant peu à peu, grâce aux énormes progrès technologiques et à l’implication d’une génération de cinéastes imprégnés de la culture jeu vidéo. Ainsi, Peter Jackson qui, non seulement a eu le bon goût de repérer un jeu d’aventure où l’héroïne est féminine, mais a poussé la délicatesse jusqu’à choisir de collaborer avec son auteur. « Peter Jackson a l’habitude de travailler avec des créatifs, explique Michel Ancel. À partir du moment où il a senti que nous étions dans l’esprit du film, il nous a laissé travailler librement ». Un seul credo : essayer d’imaginer un « film interactif » où l’immersion du joueur serait totale. L’écran n’affiche à cet effet aucune des indications techniques habituelles des jeux vidéo. Tout le design de l’aventure du jeu décalque celui du film. « Nous avons eu accès aux croquis préparatoires dessinés par Jackson lui-même, s’enthousiasme le producteur du jeu Xavier Poix. Nous avons ainsi utilisé tout le bestiaire, y compris des animaux non retenus pour le film« .

Projet commencé avant le film

Le développement d’un jeu vidéo ambitieux peut occuper des centaines de gens pendant plus de quatre ans. Celui de King Kong a démarré aussitôt le feu vert début 2004. « Comme la réalisation du jeu a commencé avant celle du film, les équipes de Weta Digital (studio d’effets spéciaux de Peter Jackson) ont eu la surprise de voir s’animer leurs créatures avant de les avoir eux-même créées« , s’enorgueillit Xavier Poix. La musique (interactive) devant être introduite au plus tôt dans la réalisation du jeu, un compositeur différent du film a été choisi. Une décision heureuse puisque, à six semaines de la sortie du film (14 décembre), le compositeur James Newton Howard remplace sans préavis Howard Shore ! Les cris effrayants de King Kong et des T-Rex ont aussi été fabriqués de toute pièce pour le jeu. L’écho déchirant de leur rage raisonnant encore dans la tête longtemps après l’avoir entendu, il n’y a pas à regretter la VO animalière du film. Surtout que les acteurs du film ont prêté leurs vraies voix aux dialogues additionnels (disponibles en VOST au côté d’une VF) et que les cris de détresse eux, sont bien assurés par Naomi Watts, la nouvelle fiancée du grand singe.

Spielberg d’abord

Si l’alliance artistique du jeu vidéo et du cinéma accouche d’un succès avec King Kong, la cohabitation des deux médias pourra s’autoriser une orientation plus créative. Les cinéastes interviendront d’avantage sur le développement des jeux inspirés de cinéma. On le sait peu, l’indémodable Steven Spielberg a par exemple initié, à partir de son film Il Faut Sauver le Soldat Ryan et le jeu Medal of Honor, le genre, depuis répandu, des simulations de guerre réaliste. D’ailleurs, son intérêt relancé par l’arrivée d’une nouvelle génération de consoles de jeux (Xbox 360, PlayStation 3) qu’il qualifie de prometteuse, le réalisateur d’E.T. vient de signer avec l’éditeur Electronic Arts pour concevoir trois jeux vidéo originaux, c’est à dire des jeux inspirés par aucun autre média ! Peter Jackson, enfin, dont la boulimie de travail a fini par avoir raison de son surpoids, s’est déclaré producteur exécutif du film Halo, un blockbuster du jeu vidéo dont il supervisera la montée jusqu’au grand écran.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 26 octobre 2005 dans TéléCinéObs)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 2/3 : Apprentis sorciers)

Depuis longtemps déjà certains concepteurs de jeu jouent en douce aux metteurs en scène de cinéma à travers leurs jeux vidéo. Récemment, ce sont des cinéastes accomplis qui se rêvent réalisateurs de jeu. État des lieux, part. 2…

acc-cine-jeux-8

Apprentis sorciers

Il n’y a pas que le jeu vidéo qui se fasse infiltré par un autre médium comme le cinéma. Presque aussi digital que le jeu vidéo, le cinéma à effets spéciaux se laisse lui aussi influencer plus ou moins maladroitement par l’ère numérique entre les mains des cinéastes de la génération interactive ou voulant faire moderne. Pour des résultats plus contre nature que satisfaisant. Quand quelques cadrages empruntés à Metal Gear Solid ou clins d’œil complices à Soul Calibur font sourire dans le film Le Pacte des Loups de Christophe Gans en 2001, son adaptation cinématographique trop littérale et vide de toute émotion (ni peur ni empathie) du jeu Silent Hill fait pleurer. Le cinéma récent emprunte ainsi au jeu vidéo des mouvements de caméra impossibles « en dur » comme les travellings invraisemblables qui survolent des millions de soldats pour venir filmer un point minuscule d’un gigantesque décor avant de repartir vers un horizon infini. Des aberrations physiques qui fonctionnent bien dans Un Seigneur des Anneaux fantasmatique mais nuisent aux reconstitutions à vocation réaliste comme le Alexander d’Oliver Stone (2005). Contrairement au cinéma qui, jusqu’à ces dernières années, construisait le décor de façade nécessaire et suffisant au cadre prédéfini de la caméra, le jeu vidéo se fabrique des décors complets à 360° sans avoir besoin de penser où sera la caméra puisque, avant tout, le joueur lui-même y pénètrera avec son avatar ou, immergé jusqu’au cou, en vue subjective. Une fois l’environnement virtuel construit, la caméra, toute aussi immatérielle, peut s’installer n’importe où. Évidemment, au lieu de valoriser l’espace, les game designers s’amusent comme des petits fous avec leur nouvel outil de liberté et, loin de l’habile cinéma qui sublime tout avec peu, diminuent l’impact de ce qu’ils veulent montrer au lieu de l’amplifier. Depuis longtemps déjà le jeu vidéo aurait dû faire appel à des cinéastes pour mettre en scène ces séquences ou, au minimum les storyboarder. Mais comme pour le scénario et les dialogues conçus de façon tout aussi amateur, officiellement pour des raisons de budgets mais surtout, par orgueil et culture artisanale persistante de l’homme orchestre, développeurs et éditeurs en font l’économie.

Et quand un réalisateur de jeu vidéo multitalentueux comme Hideo Kojima se laisse aller à de longues séquences non interactives dans ses Metal Gear Solid (trailers fameux ou même, in game), la virtuosité de ses mises en scène révèle surtout un amour immodéré du cinéma qui n’a fondamentalement plus rien à voir avec le jeu vidéo. Dans un MGS, des épisodes cinéma-manga succèdent à des séquences de jeu, et inversement. Le collage peut réjouir mais ne fait que renvoyer les deux médiums dos à dos. En cherchent à briser la passivité du spectateur en réinjectant une interactivité surprise et ponctuelle dans des séquences non interactives, les QTE (Quick Time Event) inventés par Shenmue (Dreamcast, 1999) sont peut-être recevables en tant que jeu vidéo quand ils se rapprochent assez du système des combos (enchaînement rapide d’actions sur des boutons) comme dans God of War, mais descendent aussi du malfamé et binaire Dragon’s Lair quand il s’agit d’appuyer sur un bouton pour enchaîner, ou non, sur l’événement suivant, comme le maquille fort bien Resident Evil 4. En 1981, le cinéaste alors trash John Waters avait proposé avec son film Polyester un procédé de visionnage en Odorama interactif digne du label QTE : une icône sur l’écran signalait au spectateur le moment de gratter telle ou telle surface d’un carton à renifler en regardant les images.

Fusions forceps

John Landau, proche collaborateur de James Cameron, explique pour justifier le rapprochement inévitable du cinéma et du jeu vidéo que, dorénavant, le cinéaste titanesque envisage de travailler sur un plateau totalement virtuel, y compris avec des silhouettes digitales. Il est suggéré ici que Cameron répétera tout son film en numérique avant de décider comment le filmer. David Fincher (Panic Room, 2002), autre cinéaste à l’avant-garde digital, utilise depuis longtemps lui-même l’image de synthèse animée pour, en particulier, remplacer le storyboard dessiné traditionnel. Et, dans un mélange de réticences et d’enthousiasme, Steven Spielberg – dont la scène du débarquement de son Soldat Ryan (98) a provoqué toute la vague de jeux de guerre en vue subjective de Medal of Honor à Call of Duty et qui travaille sur trois jeux « inédits » avec Electronic Arts – vient de se mettre lui aussi au storyboard digital numérique avec La Guerre des Mondes. Le décor de synthèse en 3D du film Avatar de James Cameron doit pouvoir servir au jeu vidéo en ligne et multijoueur. « Les films et les MMO (comme World of Warcraft) ne sont pas très différents » affirme John Landau. Pour lui, la création « physique » d’un monde virtuel suffit à faire le rapprochement entre les deux médiums. Une appréciation évidemment toute personnelle. Les MMO sont une branche très particulière et assez paresseuse du jeu vidéo puisqu’il s’agit fondamentalement d’offrir un terrain d’exploration virtuel sans limite d’espace et de temps réel où les joueurs errent rythmés par leurs rencontres et, essentiellement, leurs affrontements à l’aide de quelques outils interactifs (armes, gestions d’objets, interface de communication…). Les fameux Sims, ou même les MMO, sont plutôt au jeu vidéo ce que la télé réalité (Loft Story) est au cinéma. Bien qu’interactif et nécessitant la participation active du joueur, le jeu vidéo au sens plein est pourtant bel est bien un moyen d’expression, un art. Il a besoin d’un auteur pour lui insuffler une personnalité qui s’exprime non seulement dans l’apparence mais dans les rouages de l’interactivité, celle là même qui singularise totalement l’expérience jeu vidéo pendant qu’elle ne cesse, de Tetris ou Rez à Gears of War ou Super Mario Galaxy sur Wii, de repousser ses limites. L’espace, le temps, le degré de réactivité, les changements de rythme, la présence physique du monde et des codes de conduites associés, les personnages jouables ou non, sont autant d’instruments avec lesquels un jeu vidéo doit jouer sa musique originale. Même si le fameux qualificatif « bac à sable » essaie de résumer une forme de liberté d’agir dans le jeu vidéo, il ne faut pas le confondre avec une absence de contrôle des mécanismes de jeux. Au contraire.

Incestes

Assez curieusement, l’introduction du virtuel dans le cinéma lui enlève chaque jour de sa sincérité et, à l’inverse, et même laborieusement, l’arrivée des acteurs dans le jeu vidéo, donne un peu plus de réalité au jeu vidéo. Les deux médiums se rejoignent donc en effet quelque part sur un terrain un peu commun à mi chemin du réel et du virtuel et c’est peut-être à ce carrefour que James Cameron et Peter Jackson croient possible d’attraper une nouvelle essence. Les deux médiums peuvent effectivement profiter l’un de l’autre pour explorer un peu plus leur condition mais c’est forcément une erreur de croire, pour résumer, qu’il manque l’émotion cinéma au jeu vidéo et l’interactivité au cinéma et que d’une fusion des deux médiums surgira une entité plus efficace ou plus légitime. La fusion artistique semble pourtant possible entre jeu vidéo et cinéma pour Lorne Lanning qui après dix ans de jeu vidéo Oddworld (Abe, Munch, Stranger), se tourne, à l’inverse de la tendance, vers le cinéma pour mettre en scène son film Citizen Siege (jeu également), mais « elle viendra des créateurs indépendants, pas des grosses entreprises » (studios de cinéma ou éditeurs de jeux vidéo) précise-t-il dans le mensuel Chronic’Art (31, décembre 2006). Il faudra bien tout le talent de créateurs innovateurs comme James Cameron et Peter Jackson pour dépasser des syndromes de la convergence que le cinéma et le jeu vidéo ont déjà connu avec, notamment, le tristement célèbre Dragon’s Lair (en arcade sur disque laser dès 1983), un dessin animé où il fallait appuyer de temps en temps sur un bouton pour déclencher une séquence, ou les risibles « jeux » psychorigides intégrants des séquences vidéos (FMV) vaguement interactives (Night Trap, 1994). Les amateurs de cinéma et les gamers se toisent déjà les uns les autres avec circonspection et même, souvent, un mépris silencieux. Aussi cousins qu’ils soient, comme le démontre chaque adaptation vulgaire d’un film en jeu ou d’un jeu en film (ou directement en DVD comme le seront les prochaines, et sans doute désolantes productions de Uwe Boll : Bloodrain 2, Alone in the Dark 2…), tout amalgame malheureux entre le jeu vidéo et le cinéma prend le risque de les transformer plus durablement en frères ennemis. Au delà du tabou qualifié d’inceste, marier les membres d’une même famille est médicalement prohibé pour éviter la naissance d’un être consanguin fragile voire, génétiquement, dégénéré. Que le cinéma et le jeu vidéo partagent leurs ressources semble naturel, mais pour garder leur intégrité réciproque n’auraient-ils pas plutôt intérêt à rester à distance ?

A lire : État des lieux, part. 1 : La quête de l’essence
A lire : État des lieux, part. 3 : Hollywood du pauvre

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


Marvin Levy : À quoi sert Amblin ? (interview du porte-parole de Steven Spielberg)

Porte-parole privilégié de Steven Spielberg depuis 1982, Marvin Levy est un des hommes les plus proche du réalisateur d’E.T. Il a accepté de répondre à notre question : à quoi sert Amblin ?

Bliss : Pourquoi le logo Amblin Entertainment apparaît sur certains de DVD de Steven Spielberg et de Dreamworks et pas sur d’autres ?

Marvin Levy : Amblin a été le premier film tourné par Steven Spielberg en 1968 (26′ pour 20 000 dollars, ndr). Quand Steven a monté sa société de production avec Kathleen Kennedy et Frank Marshall pour produire E.T. (1982), il l’a baptisée du nom qui lui tenait à cœur. Contrairement au studio Dreamworks SKG fondé en 1994 avec Jeffrey Katzenberg et David Geffen, Amblin Entertainment appartient seulement à Spielberg. Avant la création de Dreamworks et même depuis, le logo Amblin apparaît au générique des films les plus proches de Steven, comme une deuxième signature. Ses films non estampillés Amblin (Les Dents de la mer, Rencontres du troisième type…) datent de l’époque où il louait ses talents de réalisateur à d’autres studios.

Bliss : Comment se répartit la réalisation des DVD entre Amblin et Dreamworks ?

Marvin Levy : Amblin et Dreamworks ne sont pas vraiment dissociés. Les 65 employés originaux d’Amblin travaillent pour Dreamworks depuis 1994. De l’authoring au packaging, en passant par tous les détails du contenu, Dreamworks-Amblin a le contrôle total sur le processus de création des DVD, mais ne les conçoit pas. Il faut savoir que, à part un département animation à Glendale (Californie), des salles de montage et des bureaux, Amblin et Dreamworks n’ont pas de locaux à proprement parler, même pas pour tourner les films. Abrité dans l’enceinte d’Universal Studios, Dreamworks loue ses espaces de tournage. En ce qui concerne les DVD, tout le travail technique est confié à des sociétés externes. Dreamworks fournit évidemment les éléments nécessaires au contenu du DVD comme les making-of, souvent signés Laurent Bouzereau que vous connaissez (1), et c’est en général Universal, distributeur des films Dreamworks aux USA, qui prend en charge l’essentiel du travail. Chaque étape est néanmoins validée par Dreamworks, le plus souvent par Steven Spielberg lui-même. Ce sont les directeurs de la photo comme Janusz Kaminski (Minority Report, Catch Me If You Can…) qui supervisent au plus prêt le transfert des films vers le support DVD. Un responsable de la post-production d’un film comme Martin Cohen (American Beauty, A.I. Intelligence artificielle….) contrôle aussi la post-production des DVD.

Bliss : Après avoir résisté au support jusqu’en 1998, que pense Steven Spielberg du DVD en 2003 ?

Marvin Levy : Il adore le processus de création du DVD, son potentiel. Il y pense dès le début de la production d’un film. Il fait actuellement filmer les préparatifs de son prochain film Terminal (2) pour le futur DVD. Il a supervisé les suppléments de l’édition prochaine de Casper. De la même façon qu’il préfère ne plus montrer de scènes coupées, il ne fait pas de commentaire audio complet pour que le film garde sa magie, reste pur.

Bliss : On attend toujours des nouvelles de La Liste de Schindler et de Duel en DVD…

Marvin Levy : Rien n’est décidé encore pour La Liste de Schindler, mais on en parle c’est sûr. Duel a été tourné pour la télévision en 1973. Je crois – mais ce n’est pas officiel, que le retard est dû à un problème de qualité de transfert.

(1) Français, réalisateur attitré des making-of des films de Steven Spielberg.
(2) Avec Tom Hanks et Catherine Zeta-Jones, tournage : 30 septembre 2003.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

 (Publié en 2003 dans le mensuel Les Années Laser)

Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


Arrête-moi si tu peux (Catch Me if You Can)

Fuyant le divorce de ses parents, un jeune homme débrouillard escroque les banques et déjoue les limiers du FBI en se faisant passer tour à tour pour un professeur, un pilote de ligne, un médecin ou un avocat.

catch_me_if_you_can

Fable « légère » devant permettre à un Spielberg toujours bouillonnant de respirer après les copieux et complexes A.I. Intelligence Artificielle et Minority Report, ce film presque musical au rythme aussi soutenu que son tournage au galop brille d’un éclat particulier. Notamment grâce à Janusz Kaminski, directeur de la photo aussi à l’aise ici dans les clinquants décors colorés des années 60 que dans les univers sombres et futuristes des précédents Spielberg, et – il faut bien l’avouer encore une fois – grâce à la mise en scène virtuose d’un réalisateur qui, à 57 ans, n’a pas fini de se renouveler et de surprendre son public, amateurs et détracteurs compris. Un Spielberg divertissant plus au service des acteurs que d’habitude (quel casting !) à visionner comme il s’annonce : avec légèreté.

Comédie dramatique
Réalisateur : Steven SPIELBERG.

Scénario : Jeff NATHANSON d’après le livre de Stan REDDING et l’histoire vraie de Frank W. ABAGNALE.
Acteurs : Leonardo DICAPRIO, Tom HANKS, Nathalie BAYE.
Musique : John WILLIAMS.

DVD Zone 2

Images

La compression aurait pu être meilleure, mais la gamme étendue et éclatante des couleurs est encore plus spectaculaire sur DVD qu’en salle.

Son

Quoique faisant bien son travail, la VF 5.1 reste bien pâle comparée à la VO 5.1 et surtout à la dynamique DTS.

Bonus

Sur le 2e DVD : En VOST, 7 modules thématiques de 3′ à 28′ pour un total de 78′, en réalité, comme sur la plupart des DVD Spielberg, un making-of saucissonné pour dissimuler le peu de matière réellement originale. Remarquable pour une fois, en l’absence d’effets spéciaux à expliquer, les coulisses du tournage montrent enfin Spielberg en metteur en scène derrière la caméra et en directeur d’acteur. Bien titré « Choisis-moi si tu peux », le chapitre consacré au casting rejoint les confidences du fidèle compositeur John Williams, les entretiens avec le vrai Frank Abagnale et un consultant du FBI pour expliquer en détail la genèse et la création du film, le tout en un mélange habile et crispant d’informations et de promotion. 3 jolies galeries de photos sur le casting, les coulisses et les costumes complètent le tout.

Format film : 1.85.
Format DVD : 16/9.
Versions sonores : VF et allemande en 5.1 ; VO en 5.1 DD et DTS.
Sous-titres : Français, anglais (pour malentendants mais non précisé), allemands, russes et hébreux.
USA – 2002 – Couleurs – 135’ – Universal Pictures – 1 DVD-9 + 1 DVD-5.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2003 dans le mensuel Les Années Laser)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


A.I. (Intelligence Artificielle) : le film schizophrène de deux génies du cinéma

Spielberg ou Kubrick ? Vrai ou faux ? Humain ou inhumain ? Mecha ou Orga ? Un androïde « aware » vaut-il mieux qu’un humain inconscient ? C’est toute la question. Et la réponse est dans le film… Quand Kubrick et Spielberg rêvent de moutons électriques. Réflexions…

Préliminaire.

Débrouillez vous pour voir le film, on discute après. Pourquoi ? Parce que, vous joueurs, vous êtes en contact quotidien avec l’intelligence artificielle. Pas celle des romans d’anticipation, celle qui se fabrique, se peaufine de jour en jour dans les jeux vidéo. Celle qui, un jour, sortira de l’écran pour se greffer dans le cerveau d’un être cybernétique. Pour jouer ou pour vivre. Vous ne le savez peut-être pas encore, mais la population des joueurs est au premier rang des cobayes de la recherche sur l’intelligence artificielle. Que vous jouiez à Quake ou Pokémon, à Mario ou Myst, vous êtes les betas testeurs quotidien du monde virtuel. A.I. vous concerne forcément. Donc allez-voir le film. Après seulement on parle 😉

Cette réflexion spontanée après la vision du film ne contient aucun  spoilers.

Qui est la marionnette de qui ?

Le cinéaste culte de 2001 : L’Odyssée de l’Espace, Orange Mécanique, Shining et quelques autres monstres cinématographiques est mort avant de mener à bien son ambitieux projet sur l’intelligence artificielle. Pour réaliser cette adaptation de la nouvelle Supertoys Last All Summer Long de l’écrivain Brian W. Aldiss, Stanley Kubrick attendait que les technologies soient à la hauteur de sa vision du sujet : Que se passe-t-il quand un androïde enfant devient capable d’aimer et donc conscient de la vie ?

Année 01

Depuis plusieurs années, le wonderboy d’Hollywood Steven Spielberg s’entretenait fréquemment par téléphone avec Kubrick. En cinéastes visionnaires aux antipodes de la production cinématographique (au cœur d’Hollywood Spielberg est capable de faire un ou deux films par an, totalement indépendant il faut parfois 10 ans à Kubrick pour en faire un seul) les deux hommes parlaient de leurs projets respectifs. Une relation de travail forcément de haut niveau. Spielberg savait que Kubrick travaillait sur A.I., ce dernier l’interrogeait d’ailleurs souvent sur l’avancée des technologies numériques que le metteur en scène de Jurassic Park maîtrise depuis des années. Malgré leurs différences, les deux hommes se respectaient. Quand Stanley Kubrick est mort juste après la sortie de Eyes Wide Shut en 1999, Steven Spielberg a eu l’audace, l’humilité et l’affection de faire le film de Kubrick en suivant les nombreuses notes de travail du « maître » perfectionniste. Adoubé par Christiane, la femme du cinéaste culte, et par le producteur habituel de Kubrick, Jan Harlan, Steven Spielberg bouscule son calendrier et, en cinéaste surdoué, s’arrange pour sortir le film en 2001, année éminemment symbolique dans l’œuvre de Kubrick.

Un film à double face

C’est donc un drôle de film que le spectateur averti découvre avec A.I.. Un peu Spielberg, beaucoup Kubrick, on cherche les traces de l’un et de l’autre dans les 146 minutes du film. Et, tel le robot et l’humain cherchant dans un miroir à distinguer le vrai du faux, le film A.I. est un miroir à double face, une mise en abîme confondante où forme et sujet se rejoignent. Qui est le vrai metteur en scène finalement ? Kubrick ou Spielberg ? Le maître décédé ou l’élève vivant ? Le cinéaste glacial (Full Metal Jacket) déshumanisé (2001 : L’Odyssée de l’Espace) souvent accusé de misanthropie (Barry Lyndon), ou le metteur en scène humaniste (La Liste de Schindler), spécialiste des émotions larmoyantes (Always) ? Qui est le véritable être artificiel du film : l’androïde enfant en quête d’humanité ou l’homme replié sur son chagrin et mort aux nouvelles émotions ? Le film dénonce la schizophrénie chronique de l’humanité et porte en lui-même le symptôme de sa propre folie. En ce sens, A.I. est bien un film de Kubrick, sorte de rêve futuriste qui décale la réalité pour mieux la révéler. Jamais un film de Spielberg, pas même Rencontres du 3e Type, n’a donné autant à penser. Le spectateur sort de la salle en critiquant telle séquence, en questionnant tel parti pris Spielbergien, en se racontant tel décor invraisemblable, en réfléchissant c’est sûr.

Famille artificielle

Evidemment, le débat éthique sur le bien fondé de créer un être synthétique au service de l’homme est vite posé pour, heureusement, être aussitôt dépassé. La société décrite dans le film fabrique des androïdes presque humain à la chaîne, le sujet commence quand on réussit à fabriquer un être capable d’émotion, un enfant programmé pour aimer. Dès lors, sans concession, ni même jugement, le regard neuf du jeune garçon va révéler au spectateur les limites de l’humain. Et c’est en rejetant les soit disant limites fonctionnelles de l’enfant de synthèse que la famille adoptive d’humains touche le fond corrompu d’une humanité émotive et irrationnelle. Au passage, la cellule familiale si encensée par Spielberg lui-même dans tous ses films, se fait salement égratigner sans en avoir l’air.

Geppetto Kubrick a-t-il programmé Spielberg ?

Les robots sonnent vrais, les humains sont faux, la vie spontanée et aveugle se laisse porter jusqu’à la mort, le préfabriqué prend son destin en mains et devient une lueur d’espoir pour l’humanité, pour la vie dans son essence. Les humains sont programmés, on ne sait par quel dieu idiot, pour faire des bêtises divines. Les androïdes, eux, programmés par des hommes, n’aspirent qu’à une chose, devenir humain. Et si le message du film semble trop lourd et trop appuyé au premier plan (du tout premier jusqu’au tout dernier d’ailleurs), il cache en fait une multitude d’alertes. Nous en retiendrons deux…
0) C’est l’esprit, la volonté, la capacité à rêver, à espérer, la flamme (l’âme dirons les religieux) qui fait l’humain, et non sa chair.
1) Quand les avatars virtuels sortiront de nos écrans de jeux il faudra vite apprendre à les comprendre, à les aimer, non pas dans la crainte de les détruire, mais dans le risque de nous mutiler nous mêmes. Par ignorance.

François (Pinocchio) Bliss de la Boissière

(Publié en septembre 2001 sur Overgame)

Sources d’inspiration pour Kubrick : Les aventures de Pinocchio par Carlo Lorenzini (dit C. Collidi) [1883] – Supertoys Last All Summer Long par Brian W. Aldiss – Les androides rêvent-ils de moutons électrique [1968] par Philip K. Dick…
Sources d’inspirations pour Spielberg : Stanley Kubrick – Rencontres du 3e Type – E.T. – Blade Runner…

Note.
Dire que les intellos rock des respectables Inrockuptibles ont évacué le film en quelques phrases assassines en dit long sur l’incompréhension et la distance qui sépare l’intelligentsia du paysage virtuel qui nous hante jour et nuit, nous les joueurs. Nous sommes à la frontière du réel, les joueurs et les concepteurs de jeux sont même les éclaireurs du monde virtuel. A.I. a le mérite de donner corps à un monde pour l’instant intangible qui ne manquera pas de se concrétiser. Un siècle ou l’autre.
Dommage que la culture installée se contente pour juger les jeux vidéo et la porte ouverte par Kubrick et Spielberg, de clichés, de pensées toutes faites et même de raccourcis intellectuels. L’intelligence artificielle balbutiante est notre lot quotidien, demain elle concernera tout le monde. Kubrick et Spielberg nous donnent quelques clés pour comprendre ce mystère, il serait peut-être temps que le débat gagne toutes les couches de la population. Quant au film A.I., l’enfant du couple improbable Kubrick dans l’au-delà et Spielberg dans le présent mériterait largement d’être décrypté.


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.