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Philippe Sauze : « Les politiques n’ont jamais véritablement reconnu le jeu vidéo comme quelque chose d’important. »

Le Directeur Général d’Electronic Arts France défend les nouveaux choix éditoriaux à risques de son catalogue de jeux, avoue les difficultés de réussir sur consoles Nintendo et revient, quand on lui demande, sur la critique déplacée de la norme PEGI par Nadine Morano. Les politiques passent et leur ignorance du jeu vidéo reste chronique. INTERVIEW 2/2…

Philippe Sauze

Bliss : Avec l’annonce récente de la relance de la franchise Medal of Honor qui choisit l’Afghanistan comme glissant terrain de jeu on a encore l’impression, après la nudité de The Saboteur, que l’Electronic Arts qu’on a connu plus sage lorsqu’il était leader de l’industrie se retrouve beaucoup plus provocateur depuis qu’il est en deuxième place des éditeurs derrière Activision-Blizzard. Est-ce une posture nécessaire pour se faire remarquer ?

Philippe Sauze (directeur EA France) : Mais non ! Quand on était trop propre on nous reprochait de l’être trop, quand on était n°1, on nous reprochait d’être arrogant. Quand aujourd’hui on a un soupçon de polémique qui n’est même pas forcément voulu, on nous reproche de l’être. C’est une orientation qui a d’abord été prise par le studio. Nous avons mis la série Medal of Honor en sommeil et on s’est aperçu à travers les sondages que les gamers attendaient son retour à un moment ou à un autre. Alors évidemment nous ne sommes pas inconscient. L’Afghanistan est un sujet un peu délicat dans lequel on se doit d’être très attentif. On ne veut pas mélanger les genres. On n’a pas une volonté de prises de position ou d’opinions par rapport à un conflit actuel. Premier point. Deuxième point, je voudrais revenir sur ce qui a fait la force des FPS comme Medal of Honor. Quand la série a connu le succès, la tendance du genre était plutôt la Seconde guerre mondiale. Le Call of Duty : Modern Warfare 2 d’Activision (dont l’action se déroule pendant des guerres fictionnelles contemporaines, ndr) a ouvert une nouvelle tendance. Vous savez très bien qu’on surfe aussi sur les tendances, on fait tous ça. Surf, skate, musique, tout le monde y va… Avec Medal of Honor, nous essayons de coller à la tendance. Mais nous n’avons aucune volonté de polémique derrière le jeu. On essaie juste de répondre à l’attente des joueurs avec des jeux de qualité, c’est tout.

Bliss : La Wii semble poser un problème de positionnement à pas mal d’éditeurs, comme EA avec Dead Space : Extraction, qui découvrent que les jeux dits matures ne s’y vendent pas et forcent à développer des jeux casuals spécialement dédiés aux consoles Nintendo. Blockbusters sur consoles high-tech, jeux casuals sur consoles Nintendo, social gaming en ligne…, EA peut tout piloter en parallèle et au même niveau ?

Philippe Sauze : Nous avons toujours eu une stratégie multi plateforme et il faut l’assumer. Maintenant, il faut l’optimiser. On s’est aperçu que lancer trop de produits tue le produit. Nous n’avions pas le temps, comme on dit, « d’engineer » le produit, de le « fabriquer ». On a raté le démarrage Wii au début, mais nous y sommes revenus en mai 2009 avec trois produits forts, Grand Chelem Tennis, Harry Potter et EA Sports Active. Et nous avons vu que nous étions capables de prendre des parts de marché. Cela étant dit, sur la Nintendo nous n’aurons jamais les mêmes parts de marché que sur PlayStation ou sur Xbox. Parce que la politique de Nintendo c’est d’abord de développer ses propres productions. Ce qui est normal. Si vous analysez son historique, souvenez-vous du nombre de journalistes et de distributeurs qui donnaient Nintendo pour mort depuis la Nintendo 64. Nintendo ne mourra jamais parce qu’ils s’auto suffisent. Ils ont les consoles qu’il faut, avec les jeux qu’il faut. Nintendo n’avait pas une politique d’éditeurs tiers avant la DS et la Wii comme Sony en avait développée une avec la PlayStation depuis 1995. Ce n’est effectivement pas simple de rentrer sur ce marché Nintendo très orienté Nintendo.

Bliss : Vous avez été président du SELL et vous avez travaillé à l’élaboration de la norme PEGI (classification des jeux par âges recommandés). Que pensez-vous de la critique déplacée de Nadine Morano à propos de l’utilité du PEGI et de la réaction bouillante de Jean-Claude Larue, le porte-parole des éditeurs ?

Philippe Sauze : Pendant mes trois années de présidence du SELL je peux dire que les politiques n’ont jamais véritablement reconnu le jeu vidéo comme quelque chose d’important. Il a fallu œuvrer avec les membres du conseil d’administration et Jean-Claude Larue pour faire reconnaître le monde du jeu vidéo. À partir de là, le jeu vidéo a toujours voulu être volontaire et prendre ses responsabilités. C’est quelque chose que j’ai senti dès 1995 quand j’ai rejoint cette industrie. Il y a plusieurs volontés dans le jeu vidéo. D’abord celle d’installer ce marché qui, quand même, vient de loin. Et pèse aujourd’hui en France près de 2,7 milliards d’euro, deuxième marché derrière le livre ! Ce marché là se doit d’être régulé. Et le jeu vidéo a tout de suite identifié que nous aurions un moyen d’être connu et reconnu vis à vis des pouvoirs publics avec l’installation d’un système de contrôle, d’auto contrôle qui s’appelle PEGI. Et au niveau européen nous avons eu la chance de pouvoir, ensemble, mettre en place ce système d’information aux joueurs et aux parents. La problématique c’est qu’on a installé PEGI au niveau européen, mais qu’au niveau local, national, les politiques, qui sont très loin du jeu vidéo, qui ne connaissent les jeux vidéo que par les faits divers, tirent des boulets rouges sur cette activité qui leur pose problème. Sauf que, derrière, le marché du jeu vidéo est organisé. Et ils découvrent aujourd’hui PEGI. Alors, comme dans tous les domaines, chaque gouvernement voudrait revendiquer une petite partie de chaque mesure qui est prise. Et après c’est au tour de chaque ministre qui passe… « PEGI, pas PEGI, ah mais il nous faudrait quelque chose en plus en France »… Le système d’autocontrôle PEGI a été décidé avec la conseillère européenne Viviane Reding. À partir de là, PEGI a une légitimité européenne et, de fait, une légitimité nationale. On s’est mis tous d’accord au niveau des pays européens ! Donc Nadine Morano… En plus, je ne voudrais pas faire de polémique mais franchement on a vu une photo de Nadine Morano chez elle dans un média où ses enfants jouaient avec un jeu dont nous connaissons le nom (GTA IV, ndr) qui est un jeu + 18 ans… Jean-Claude Larue a réagi de façon violente mais, sincèrement, sa réaction a été saine parce que ça fait des années que cela dure. Encore une fois. La norme PEGI est européenne, a été validée par Bruxelles. Il n’y a pas beaucoup de systèmes européens qui fonctionnent, celui-ci fonctionne sur toute l’Europe.

Bliss : Comment se présentent les rapports avec le nouveau ministre de la culture ?

Philippe Sauze : Jean-Claude Larue et Georges Fornay (PDG de Sony Computer Entertainment France et actuel président du SELL, ndr) ont rencontré Frédéric Mitterrand. Ça se présente bien mais, comme à chaque fois, il faut qu’on réexplique notre histoire.

INTERVIEW Philippe Sauze 1/2 : « On n’a pas su faire ce qu’Ubisoft a très bien fait avec Assassin’s Creed 1. »

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié le 5 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Philippe Sauze : « On n’a pas su faire ce qu’Ubisoft a très bien fait avec Assassin’s Creed 1. »

Alors qu’une lourde restructuration mondiale de l’éditeur américain de jeux vidéo Electronic Arts est en cours, le Directeur Général de la branche française évoque une mutation nécessaire pour mieux optimiser ses ressources. Quant aux provocations plus ou moins originales de quelques uns des derniers titres de son catalogue, Philippe Sauze les minimise. La polémique ne serait que dans le regard des médias. INTERVIEW 1/2…

Philippe Sauze

Bliss : Le lancement du jeu The Saboteur en décembre dernier s’est accompagné d’un procédé inédit consistant en un patch à télécharger gratuitement dès le jeu acheté, puis payant plus tard,… et qui dénude presque totalement les danseuses de cabaret du jeu. C’était volontaire de prendre le risque de provoquer une réaction médiatique, en plus pendant la période de Noël ?

Philippe Sauze (directeur EA France) : Electronic Arts n’a pas nécessairement la volonté d’être polémique tout le temps contrairement à certains confrères. On peut voir ça de la façon que vous évoquez, médiatique, mais nous n’avons pas du tout vu ça sous cet angle. Grâce à ce système de patch il est possible d’éviter la nudité. Pour vraiment éviter les dérapages, rassurer les parents. Nous avons plutôt voulu instaurer un système de protection original contre le piratage et de protection vis à vis de l’enfant par rapport au vice qu’il y a dans le jeu (le jeu est officiellement recommandé aux + 18 ans, ndr). En terme d’initiative commerciale nous avons trouvé intelligente cette démarche développée par le studio de création.

Bliss : Le studio Pandemic à l’origine de The Saboteur a été fermé au moment même de la sortie du jeu. N’est-ce pas un peu politiquement incorrect ?

Philippe Sauze : Parfois la date de sortie des jeux peut être choisie, et parfois pas. Là c’est effectivement tombé au moment où Pandemic fermait. Je vous laisserai juge par rapport à ça mais, comme nous l’avons annoncé, nous avons lancé une grande restructuration de l’ordre de 1500 personnes. Cette restructuration a trois objectifs. On nous a reproché dans le passé de faire trop de jeux dont la qualité n’était pas à la hauteur de certains autres éditeurs. Là, notre premier objectif consiste à faire le chemin inverse : moins de quantité, donc moins de jeux, mais plus de qualité. Cela implique de plus gros investissements sur moins de titres avec plus de potentiel. Le deuxième objectif consiste à vendre des jeux et des services en ligne. Nous voulons vraiment toucher le consommateur en direct avec les jeux en ligne. Nous allons continuer d’investir parce que ce créneau là nécessite des ressources financières importantes. Ensuite, nous allons essayer d’optimiser nos dépenses et d’améliorer notre profitabilité. Nous sommes un groupe côté en bourse et ce troisième aspect est nécessaire. Comme pour toute entreprise, cotée en bourse ou pas cotée. Ce troisième objectif, dépense et amélioration de profitabilité, a cette fois impacté toutes les divisions d’Electronic Arts. Les 1500 personnes concernent toutes les divisions, le publishing mais aussi les studios où il y a eu des réorganisations, des redéploiements d’équipes et des fermetures.

Bliss : Il y a quand même eu quelques licenciements nets, notamment au studio Pandemic justement. Et en France ?

Philippe Sauze : Nous ne sommes pas appelés à commenter ça. Je dépasse un tout petit peu mon cadre pour vous donner une position générale et vous expliquer que nous avons d’abord cherché à optimiser nos équipes et, également, nos outils. Nous avions une tendance à développer des programmes d’intelligences artificielles studio par studio. Dorénavant nos studios vont partager ces ressources. C’est nécessaire et c’est ce que font déjà nos concurrents. Nous étions un peu dispersés de ce côté là. Concernant Pandemic en particulier, nous avons étudié tous nos studios, et évalué les caractéristiques de Pandemic. Mais il n’y avait pas matière aujourd’hui à les replacer ailleurs, et certains membres de l’équipe n’avaient pas nécessairement une volonté de continuer. Je ne peux pas aller beaucoup plus loin. La restructuration n’a pas d’impact sur toute la région dont je m’occupe, c’est à dire la France, le Benelux, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

Bliss : Le recentrage évoqué par vous et John Riccitiello, CEO monde d’Electronic Arts, autour de jeux de « qualité » sous-entend qu’EA n’aurait pas développé de tels jeux alors qu’au contraire, depuis quelques années, les productions EA montent en qualité. Mais, en revanche, la réussite commerciale n’est pas forcément au rendez-vous. Comment expliquez-vous ça ?

Philippe Sauze : Merci de le remarquer. Nous pensons pourtant avoir été trop loin dans la nouveauté. Nous n’avions ainsi pas l’habitude de lancer autant de titres sur une période donnée. Les équipes de distribution n’ont pas le temps de marketer le produit et de le vendre correctement. Il y a maintenant des périodes cruciales dans le jeu vidéo qui se dégagent de plus en plus clairement. Quand les blockbusters arrivent en novembre, ils raflent la mise. On le voit avec Mario, avec Assassin’s Creed… Ensuite, pour connaître le succès, ces titres là demandent d’être construits d’un point de vue marketing. Désolé, le gamer n’aime peut-être pas entendre ça, une fois qu’on a la qualité du produit il faut le faire savoir à l’aide du marketing. Et je pense qu’avec Mirror’s Edge (sorti fin 2008, ndr), qui est un très bon titre qui me tient à cœur, si on fait notre autocritique, on se rend compte qu’on n’a pas su faire ce qu’Ubisoft a très bien fait avec Assassin’s Creed 1. Ils ont créé un produit de A à Z et, en parallèle, ils l’ont créé aussi dans l’univers gamer. Nous n’avons pas su faire ça.

Bliss : Vous pensez donc agir dans ce sens là ?

Philippe Sauze : Nous allons agir dans deux directions. La qualité des jeux, et le marketing. Jusqu’à présent nous avions un savoir faire marketing. On savait prendre le temps, etc, mais on n’agissait pas assez sur la qualité. John (Riccitiello, ndr) a dit, et il a raison, il faut d’abord penser à la qualité produit. Au prix où sont les jeux aujourd’hui, on ne peut plus présenter au consommateur des produits au contenu moyen. C’est pour ça que plus de 14 de nos jeux ont dépassé les 85 % sur Metacritic (agrégateur de critiques notées des jeux, films, musiques…) l’année dernière. Metacritic est devenu un véritable vecteur pour nous. Mais ça ne suffit pas. Derrière, il faut l’appui marketing. Nous allons maintenir, voire augmenter le budget de développement des jeux et, comme nous aurons moins de titres à promouvoir, ils profiteront d’un marketing plus important.

Bliss : Le rachat de la société Playfish, spécialisée en jeux sociaux en ligne, au moment de la restructuration d’EA, par exemple, semble indiquer un redéploiement de ressources vers le développement de jeux dits casuals en ligne. Vous confirmez ?

Philippe Sauze : Non pas du tout. L’acquisition de Playfish répond à notre orientation prise dans le domaine on line. Les réseaux sociaux devenant tellement importants, voir le poids aujourd’hui de Facebook, il était nécessaire d’être présent dans le réseau social gaming. Mais ça n’a rien à voir avec le reste de notre production et nos produits package goods. Je crois qu’il ne faut pas tout mélanger.

Entretien Philippe Sauze 2e partie : « Les politiques n’ont jamais véritablement reconnu le jeu vidéo comme quelque chose d’important. »

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié le 3 février 2010 sur Electron Libre)

 


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Sauve-qui-peut Electronic Arts

Licenciements, recrutement, fermeture de studio mais aussi acquisition de nouvelle structure, changement radical de politique éditoriale, depuis une vingtaine de jours l’ex n°1 du jeu vidéo accumule des mesures azimutées. Officiellement, tout va bien.

saboteur EA

Déconcertant comment le discours d’une entreprise se voulant rassurant et en plein contrôle pour les marchés financiers donne l’impression de gérer au coup par coup un sauve-qui-peut généralisé. Hier n°1 mondial du jeu vidéo avec ses Sims, ses licences de sport, et autres Spore, candidat glouton débouté à l’OPA sur notre presque national Ubisoft en 2004 puis au rachat de Take-Two Interactive en 2008 (où se niche la pépite Grand Theft Auto), Electronic Arts (EA) cherche aujourd’hui sa voie et à économiser 100 millions de $ par an. Début 2009, l’entreprise fondée en 1982 par le vénéré et dynamique Trip Hawkins depuis longtemps parti voir ailleurs, annonçait une réduction d’effectifs de 11 % (1100 emplois) et la fermeture de 12 bureaux. Le bilan sera plus lourd encore.

Emplois « abolits » pour raisons professionnelles

Du côté ressources humaines avec ses 1500 licenciements (1300 faisant partie d’un plan de « restructuration »), dont une bonne partie d’emplois « abolits » au Canada, comme le formulent nos amis québécois, la réduction de 17 % des effectifs d’ici fin mars 2010 coûte cher dès aujourd’hui.
Du côté consommateurs, gamers donc, premières cibles de l’éditeur, les réductions de personnels visant des équipes bien connues ou les fermetures niées puis avérées de plusieurs studios n’envoient pas un message aimable non plus. Les licenciements ou parfois mutations ont, semble-t-il, affecté des studios comme Maxis ayant travaillé sur Les Sims puis Spore du bien aimé Will Wright ayant quitté le bateau dès avril 2009, Mythic Entertainment (Ultima et Warhammer Online), Black Box (Skate, Need for Speed), EA Tiburon (Madden, Tiger Woods), l’équipe de Command & Conquer. On sait que la production de jeux vidéo fonctionne de plus en plus comme celle des films et que les équipes se constituent et grossissent autour des projets avant de se disperser. Mais chaperonnées par les éditeurs, les structures des studios se maintiennent généralement pendant que les talents circulent d’un projet à l’autre. Venus en tournée promotionnelle à Paris le mois dernier, les créateurs du jeu Saboteur vont pourtant se retrouver sans foyer professionnel aussitôt le jeu dans le commerce le 10 décembre. La décision quand même hasardeuse de sortir une nouvelle IP (Intellectual Property) comme The Saboteur juste avant Noël appartenait bien à EA nous avait confié Chris Hunt, responsable artistique de Pandemic Studios crée en 1998, acheté par EA en 2007 et dont la majorité des 200 employés vont chercher du travail puisque ce studio fait partie de ceux qui ferment leurs portes. Qui sabote qui est-on tenté de demander. But entrepreneurial de la manœuvre : « Réduire la taille de son portfolio et se concentrer sur des opportunités offrant plus de marge ». Avec de la paumade quand même. « Licencier des employés et fermer des installations n’est jamais plaisant, » a tenté le CEO John Riccitiello à la recherche d’une pilule anti douleur à faire avaler, « nous avons beaucoup de compassion pour ceux concernés, mais ses coupes sont essentielles pour transformer notre société ».

Dans l’espace commercial personne ne vous entend crier

Douze titres originellement prévus ne verront pas le jour et, puisque le mystère court encore sur les titres concernés, suites ou projets jamais annoncés, le pire reste à craindre. Depuis le retour en 2007 du vétéran d’EA John Riccitiello avec cette fois les pleins pouvoirs, forcé à muter suite à l’essoufflement des licences annuelles, de son fonctionnement pyramidale nivelant les talents comme l’avouait Riccitiello en prenant ses fonctions, et à la montée en puissance d’Activision que la fusion avec Vivendi et Blizzard (et ses 12 millions d’abonnés à World of Warcraft) en 2007 a propulsé n°1 du secteur, l’éditeur américain avait engagé une réjouissante politique d’édition. Dans le registre de ces nouveaux chefs d’entreprises jouant les mea culpa et l’empathie, Riccitiello avait en quelque sorte entériné l’échec des suites à répétition et prôné la créativité. Les forces vives d’EA ont ainsi pu être en position de lancer, pour la première fois et de façon presque massive, plusieurs nouvelles IP (Intellectual Property). L’accueil public timide de ces échappées se cristallisa fin 2008 autour des ventes insuffisantes du pourtant innovant Mirror’s Edge et des difficultés à imposer un Dead Space à l’accueil critique légitimement dithyrambique. Parallèle aggravant, dans le flux de nouveaux projets, EA avouera ne pas avoir saisi assez vite l’importance de la Wii et a basculé trop tardivement un nombre conséquent de ressources au marché familial ouvert par Nintendo.

Le blockbuster vaincu par le social gaming

L’annonce, en plein maelström humain, de l’acquisition pour 300 millions de $ de la société Playfish spécialisée dans le développement de jeux sociaux à petits budgets (Pet Society, Restaurant City… 150 millions de jeux installés et joués dans le monde) sur MySpace, Facebook, Google et iPhone, indique bien un revirement vers un système de productions plus modestes et moins coûteuses. Playfish fonctionnera dans la structure EA Interactive de la société qui travaille déjà sur des jeux web et mobiles. Est-ce le début de la fin de productions à la rentabilité désormais trop risquée de blockbusters à gros budgets chez EA ? Les ventes encore une fois trop paisibles d’un jeu mature sur Wii avec le récent Dead Space Extraction signera sans doute déjà l’arrêt de ce type de tentatives sur la console de Nintendo. Toujours pas officiellement confirmée, la suite officielle high-tech du célébré Dead Space devrait néanmoins être mise en chantier puisque toute l’équipe de Visceral Games autour de cette production initiale ne s’est apparemment pas volatilisée, mieux, elle recrute (les professionnels de la profession apprécieront). Mais plusieurs projets de jeux ambitieux avec Steven Spielberg ne donnent justement plus de nouvelles depuis des mois. Plus dramatique encore, c’est la politique de création de nouvelles franchises et donc de prise de risques qui devrait être la première remise en question. « It’s in the Game » scande depuis des années les pubs EA. Retour aux affaires, 2007-2009, le quart d’heure américain d’Electronic Arts n’aura duré que deux petites années.

François Bliss de la Boissière

(publié le 25 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Festival du jeux vidéo à Paris : 16+ petites impressions sans langue de bois manette en main

La journée réservée presse du jeudi 17 septembre a permis d’essayer sereinement la plupart des jeux présentés. La foule publique attendue des trois jours suivant (18-20 et 21 septembre) va forcément compliquer l’accès aux jeux. Avec beaucoup de passion et de patience, l’attente devant chaque borne devrait tout de même valoir le coup. Bruyants podiums avec danseurs et danseuses, jolies hôtesses et figurantes costumées dans les allées et quelques décors donnent à ce salon parisien des allures de petit E3 pas désagréable. Après la réussie Games Convention de Cologne et l’annulation à la dernière minute de l’événement GameOn de Londres en novembre, le Festival de Paris devient vite indispensable. En attendant le Micromania Games Show qui s’installera à la Grande Halle de la Villette en octobre.

Nous avons donc pu jouer à 16 jeux (!) au fil de l’inspiration et observer quelques autres… Le grand événement technique du salon se présente sous la forme de plusieurs écrans Panasonic de 103′ (261 cm de diagonale). De véritables monstres sur lesquels Ubisoft fait une démonstration assez laborieuse en pleine allée de Splinter Cell Conviction et, dans une toute petite salle drapée noire, du jeu Avatar en 3D. Une présentation de luxe sur un tel écran au résultat inégal. Les effets de perspectives, d’avant et d’arrière plan de la 3D stéréoscopique fonctionnent plutôt bien avec les lunettes polarisantes. Voir les indicateurs du jeu flotter devant l’écran ajoute bien à l’effet un peu irréel de l’image. Les réserves viennent plutôt du moteur graphique du jeu lui-même. Bien qu’il utilise celui de Far Cry 2 comme l’annonce le démonstrateur d’Ubisoft Montréal où le jeu est conçu, l’affichage saccade, la définition semble basse (version Xbox 360 en démo), les contours peu nets et aliasés de la si importante jungle de Pandora. L’eau sur le sol est rudimentaire, les effets d’éclaboussures quasi inexistants. Du côté du gameplay le contact entre les personnages et le décor laisse à désirer. Bref c’est un jeu loin d’être fini, et si l’on sait que l’assemblement technique de certains gros jeux se fait à la dernière seconde (on se souvient du premier Halo plein de hoquets quelques semaines avant sa sortie), la sortie calée pour la fin novembre, avant celle du film le 16 décembre, ne laisse pas beaucoup d’espoir.

Assassin’s Creed 2 était lui aussi présenté de façon magistrale dans une petite salle à part pour un résultat en demi teinte. La section présentée se déroule dans des sous-sols aux décors de pierre assez neutres, loin des bâtiments colorés italiens attendus en surface. Les déplacements d’Ezio se calent pour l’essentiel sur ceux d’Altair et, mis à part des aptitudes comme celle, montrée, de pouvoir poignarder deux personnes en même temps dans le dos (!), en se laissant tomber d’une hauteur par exemple. On ne sent pas, avec cette démonstration, un changement significatif. Une section de saute-mouton et de plate-forme à la Prince of Persia ne réussit pas non plus à donner plus de poids aux actions du personnage. Il saute beaucoup trop vite d’une poutre à l’autre, ne semble pas avoir la pesanteur de son corps et se résume à une version superficielle des déplacements acrobatiques du dernier Prince of Persia. Même si le voir s’accrocher à des chaines suspendues et de s’y balancer réjouit.

Les 3 gros jeux multi-joueurs installés dans des décors thématisés se sont laissés regarder de plus ou moins loin. Y accéder demande plus de temps et d’organisation collective que les manettes simplement disponibles. Un coup d’œil rapproché à Halo ODST laisse visuellement très froid. Rien de neuf, des effets et des environnements bien connus et une image à la résolution plutôt basse. À réserver visiblement aux grands habitués des parties en ligne. Deux regrets : ne pas voir pu assister à la présentation d’Aliens vs Predator chez Sega pour cause de présentations trop espacées dans le temps, et de Battle Field Bad Company 2 dont les postes n’ont pas voulu fonctionner.

Gran Turismo 5 et Forza 3 : Tous les deux disponibles sur des écrans et dans des baquets, le plaisir du premier contact avec les deux monstres va très nettement en faveur du jeu sur Xbox 360, alors qu’un seul circuit est pourtant praticable. Forza surprend d’ailleurs avec des couleurs pétantes à la Sega qui l’éloigne un peu du réalisme photographique, il faut bien l’avouer, de plus en plus désincarné de Gran Turismo. Les tracés déjà connus du jeu de Polyphony, l’aliasing flagrant, et la lourdeur générale transforment Gran Turismo en vieux dinosaure figé dans sa formule. Les maigres extraits ne donnent pas, on l’espère, la mesure du jeu complet. Signalons quand même que les icones des menus et le curseur qui les survole vont beaucoup plus vite que l’interface de GT5 Prologue. En bon copieur de Gran Turismo, Forza 3 accentue encore son réalisme avec une prise en main d’une efficacité redoutable. Plusieurs tours dans un baquet avec un volant estampillé Porsche donne toute la mesure de l’exercice physique demandé ici. Sur la base de ce premier essai, Forza 3 renvoie à l’arraché le plus d’excitations visuelles, sonores et nerveuses.

Le retour des beat’em all, ou plutôt des slash’em all : Pratiquer l’un après l’autre Bayonetta, Dante’s Inferno et God of War III et même Ninja Gaiden 2 – le Brutal Legends esquivé pourrait s’ajouter à cette liste – provoque une certaine gène. Avec, bien sûr des variations bien à eux, les 3 premiers jeux déclinent le même gameplay, la même procédure générale de jeu. Les grands moulinets d’armes extensibles des uns et des autres font voler avec la même efficacité les vagues d’assaillants surnaturels au point que les mêmes gestes de bases semblent interchangeables d’un jeu à l’autre. Les petits et gros combos évidemment varient, comme la mise en scène de certaines extravagances, mais ces jeux là se ressemblent trop et ne devraient pas sortir en même temps au premier trimestre 2010 comme actuellement planifié. Pour entrer dans quelques détails, Dante’s Inferno semble accentuer davantage les énigmes de passage. Plutôt abscons, l’exemple donné à jouer à base de leviers, de déplacements de socles et de contrepoids n’était pas très probant. Les menus et les différentes possibilités de gestion apparaissent dès maintenant très plaisantes. L’amour des détails de l’équipe derrière Dead Space se ressent. Le Bayonetta japonais décline ouvertement et légitimement l’ADN de Devil May Cry puisque le même créateur en est responsable. Les animations de l’héroïne à la Sarah Palin mérite toute l’attention des hétéros. Elle n’hésite pas à onduler outrageusement du bassin par provocation et le déclenchement de certains combos font disparaître sa combinaison moulante pour laisser voir en une fraction de seconde sa nudité (à la Samus Aran période 16 bits). Très chaud pour un jeu vidéo. Une attraction qui cacherait presque une mise en scène des combats complètement délirante avec des entités monstrueuses sortant du sol et des jets de matières et de couleurs hors normes. Joué en mode Normal après avoir jeté un œil aux différents modes assistés bien présents et bien expliqués dans les menus, l’affaire fonctionne avec une belle aisance. Bayonetta se révèle beaucoup plus impressionnant en jouant que dans les extraits vidéo. Commun aux 3 jeux, le spectaculaire jaillit sans effort du moindre bouton. Entre les mains, God of War III a pour lui une familiarité confortable. Peut-être trop, coups et QTE se déclenchent sans surprise. L’ensemble s’appuie sur une fluidité particulièrement convaincante, le personnage solidement ancré dans son monde et les animations d’une rigueur exemplaire. Un passage où il fallait franchir des obstacles en s’accrochant plusieurs fois à la suite aux pattes de harpies capricieuses a bien posé quelques problèmes mais avec un peu plus d’application et sans doute d’adresse, un joueur plus habile doit pouvoir manœuvrer ça sans problème. Rien ne surprend dans cet extrait de God of War III mais tout fait plaisir. Ninja Gaiden 2 quant à lui, plus mécanique dans ses mouvements et déplacements, devient capable, dans le petit parcours essayé sous tutorial, de courir sur les murs façon Prince of Persia. Plus vertical, puisque le niveau se déroule dans les escaliers d’une pagode géante, et quand même plus sobre que ses congénères à la sauce mythologique, la démo renoue avec le gameplay à la fois travaillé et raide de la série.

Sur Wii, Red Steel 2 et Dead Space Extraction, présenté lui dans les tentes ouvertes du stand Nintendo, arrivent difficilement à retenir l’attention, avec leurs petits écrans et leur basse résolution, et à générer un plaisir de jeu spontané avec leur maniabilité compliquée. Il faut impérativement un ou une hôtesse à côté pour expliquer comment jouer (un comble pour la Wii tout public) et même comme ça, le début de Dead Space Extraction oblige à affronter un monstre trop gros pour soi, demandant trop d’effort physique et une coordination entre la Wiimote et le Nunchuk qui ne s’apprend visiblement pas en cinq minutes. L’ambiance et certains détails reflètent pourtant bien l’univers de Dead Space et le jeu mérite sûrement plus d’attention. Red Steel 2 n’appelle pas beaucoup de reproche ni d’enthousiasme. Le réussi aspect visuel dessiné presque cellshadé flatte un peu l’œil comme le décor entre western et Japon féodal. La prise en main, après explications, s’avère certainement plus efficace et moins trouble que sur le premier Red Steel. Déplacements, mouvements d’épée, reconnaissance des mouvements de la main fonctionnent apparemment avec assez de fidélité. On y croirait plus si les situations de jeux avaient un peu plus d’originalité. Épée, pistolet, époque, prise en main… Red Steel (2) continue d’être tout et rien et donc d’avoir un problème d’identité.

The Saboteur : L’outsider presque caché au stand chez Electronic Arts se laisse pourtant regarder et jouer comme un jeu à l’environnement totalement inédit. Quelque part dans la France de la Seconde guerre mondiale, un ouvrier en casquette et manches retroussée, un début en noir et blanc sous la pluie avec taches de rouges évidemment nazis, une campagne vallonnée avec petits murs de pierre, des oiseaux innocents qui se dégomment au vol, clochers au loin, Tour Eiffel irisée aussi…, l’ambiance et le rythme posé du jeu tranchent nettement avec l’hystérie du reste du salon. La prise en main à la 3e personne aussi à base de visée tranquille et de cachecache derrière les caisses ou murs et d’échelles à grimper ou descendre. Tout irait bien si dès le départ le level design n’avait pas recours à des répétitions de couloirs et d’espaces digne d’un jeu vidéo paresseux et non d’une architecture crédible.

DJ Hero : La proue musicale du stand Activision dont les couleurs, la musique et les faux musiciens de Guitar Hero 5 sur scène ont fini par attirer le nouveau ministre de la culture en visite. Un casque sur la tête et une platine DJ Hero sous les mains ont permis d’échapper un moment au superficiel brouhaha politique pour vérifier que, oui, l’interface de jeu de DJ Hero fonctionne bien. L’exercice sera clairement moins convivial et sexy que le rock band multi instrumentistes, même avec 2 platines simultanées, mais le plaisir de jeu descend sans équivoque de celui des Guitar Hero. L’option pour gaucher place curieusement les 3 boutons colorés sur l’extérieur du disque plutôt qu’à sa position initiale à l’intérieur. Retourner la platine pour utiliser la main gauche ne semble pas possible. Un détail minoritaire. La fausse platine de disques qui permet de singer les scratchs ne fait pas toc (juste un peu tristoune, stickers colorés à venir probablement) et s’avère même assez lourde pour demander un vrai effort musculaire pour scratcher avec tel ou tel doigt appuyé sur la couleur demandée. Petites déceptions avec l’intérêt acoustique des mixes des Daft Punk, notamment celui qui absorbe de façon très anecdotique le We will Rock you de Queen.

Uncharted 2 : Among Thieves : Est-ce vraiment utile de confirmer qu’il s’agit là d’un grand jeu ? Que ce qu’on voit de spectaculaire en vidéo a encore plus d’impact la manette en mains ? La richesse visuelle des détails et des couleurs n’a d’égal que dans le raffinement des contrôles du personnage. Ça shoote beaucoup dans le centre urbain explosé jouable, mais les phases de grimpette sur les façades et dans les bâtiments détruits laissent augurer du meilleur. Petit moment privilégié recommandé : jouer installé sur la banquette arrière d’une petit Fiat 500 sortie tout droit des décors du jeu.

Heavy Rain : Deux impressions simultanées ressortent après avoir pris le jeu en main. Impatience et doutes face à une séquence d’enquête sous la pluie bien trop lente et lourde. Et une stimulante et, pour le coup vraiment inhabituelle, séquence où une jeune femme se maquille, s’habille et va, toujours sous le contrôle minutieux de la manette, séduire un mafiosi sur la piste de danse d’un night-club. Maintenir une pression permanente sur le bouton R2 pour marcher et ne pas pouvoir courir irrite d’emblée. Les gestes contextuels à accomplir avec le stick droit quasi organique, l’affichage évanescent des pensées des personnages en appuyant sur L2 et les secousses de la manette qui complètent les gestes à l’écran, en revanche, surprennent et enthousiasment. Il y a là nettement « more than meet the eyes » (plus que ce que les yeux ne peuvent voir) et cette aventure ne se mesurera pas en quelques minutes de prise en main sans contexte, et sans musique.

New Super Mario Bros : Jouable uniquement à plusieurs, le nouveau Mario sur Wii fait tout sauf neuf. L’impression d’avoir déjà vu et pratiqué les niveaux mille fois laisse un peu sur le carreau malgré l’envie enfantine que procure toujours un jeu Mario. La description du gameplay et des contrôles impeccables ne nécessite aucune explication au-delà de la réserve chronique de la prise en main à l’horizontale de la Wiimote. Cette incarnation Wii du succès de la DS réussira-t-elle à sortir des casquettes et Mario et Luigi des surprises permettant de rouvrir grand les yeux sur le monde Nintendo ? Mario et Luigi faisant de la luge sur le ventre rhabillé en costumes de pingouins font-ils rire ? On demande à voir.

François Bliss de la Boissière

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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