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Les nouvelles frontières du jeu vidéo

Nul n’est censé ignorer le largage public du jeu Halo Reach par Microsoft le 14 septembre dernier pas plus que celui de Mafia II de Take-Two qui a pris la tête des affichages kiosques et des charts pendant trois semaines. Entre les deux Nintendo a mis le paquet médiatique sur la sortie de Metroid : Other M et aujourd’hui Sony agite les bras à qui mieux mieux pour accompagner la sortie de son nouvel accessoire PlayStation Move. Oui, les drapeaux blancs sont en berne, la saison des blockbusters du jeu vidéo est ouverte et, comme l’année dernière, elle s’étendra jusqu’au premier trimestre 2011. Dans la ligne de mire : les gamers toute catégorie. DÉCRYPTAGES…

Enslaved

C’est entendu, depuis le succès presque inattendu du premier trimestre 2008, l’industrie du jeu vidéo a pris note de deux phénomènes assez importants pour devenir méthodologie. Toujours privilégiée en terme de ventes, les fêtes de fin d’année ne sont plus tout à fait le seul moment où le jackpot se ramasse. Surtout que Noël peut aussi signer la mort de titres essayant de se frayer une place au milieu des licences déjà connues. Il y a encore quelques années, un jeu ratant le rendez-vous de Noël se voyait peu à peu repoussé jusqu’à la fin du printemps. L’hiver était mortel. Désormais, la sortie en janvier, février, ou mars (avant la fin de l’exercice fiscal annuel des sociétés) de titres forts devient alternative marketing crédible. Prévu pour le mois de novembre, et donc Noël, le jeu éminemment festif LittleBigPlanet 2 sur PS3 vient d’être reporté par exemple à janvier 2011 (pour raisons créatives) et non à mai-juin comme le voulait l’usage. Dans le jeu vidéo, la saison des « fêtes », et des affrontements, court désormais sans temps mort de septembre à mars. Soit, finalement 7 mois sur 12. Un progrès par rapport à la concentration sur environ trois mois des décades précédentes.

Le gamer le couteau sous la gorge 

L’exercice, pour le consommateur gourmand, reste dramatique. Contrairement à un passionné de cinéma qui peut assouvir sa passion de façon relativement économique avec un abonnement mensuel de 20 € donnant accès à un nombre illimité de films en salles, le passionné de jeux ne peut sérieusement envisager de jouer à tous les bons ou jeux importants sur une telle période. La location de jeux vidéo reste interdite en France (autorisée aux USA), le gamerphage ne peut que se rabattre sur le marché de l’occasion, non régulé, et proche d’un racket national. Une passion encore plus ruineuse, si, en gamer averti, le consommateur s’est équipé progressivement des consoles concurrentes au fur et à mesure de leur sortie ou de leurs baisses de prix. Seule condition pour accéder à des exclusivités associées à chaque marque comme, cette année, les attendus Epic Mickey sur Wii, Fable III sur Xbox 360, Dragon Quest IX sur DS, Halo Reach sur Xbox 360, Gran Turismo 5 sur PlayStation 3. La convergence des services audio-vidéo et interactifs lissent bien un peu plus chaque jour les différences entre chaque console, mais il reste encore des poignées de productions incontournables exclusives à chaque marque. Même si, depuis que le parc de machines vendues s’uniformisent (PS3 et Xbox 360 vont atteindre peu ou prou ensemble la barre des 40 millions d’unités vendues, la tendance s’inverse. Certains studios, Quantic Dream (Heavy Rain), Bungie (Halo) ont notamment repris leur liberté après avoir fourni leur exclusivité à quand console : Heavy rain sur PS3, Halo Reach sur Xbox 360. Eux et quelques autres ne voient plus l’intérêt de rater une grande partie du public gamer en ne sortant pas sur toutes les consoles.

Blasons & écussons

Certains jeux clés continueront néanmoins d’être exclusifs parce qu’au delà même du succès commercial, ils marquent le territoire de chaque fabriquant de consoles ou de chaque éditeur. Même si les mascottes des années 90 comme le Sonic de Sega ont perdu leur fonction de locomotive, Mario reste l’icône indétrônable de Nintendo. Alors qu’aucun jeu Mario ne fait l’actualité de cet automne, la société japonaise qui a pourtant bien d’autres cordes à son arc depuis la Wii, cherche à créer l’événement médiatique en saluant les 25 ans, non pas de la naissance du plombier moustachu sorti de la cuisse de Donkey Kong en 1981, mais du premier jeu phénomène à part entière Super Mario Bros commercialisé en 1985. Avec le nouveau et dernier Halo signé par le studio Bungie signataire de la série, Microsoft saisit à bras le corps, quitte à forcer le trait, l’occasion de le brandir en étendard de la marque (surtout à domicile, aux USA). Et de prendre les devants sur les sorties imminents des FPS (First-Person Shooters) militaires concurrents en annonçant quelques records dont les mises en perspectives auto satisfaites restent aussi discutables que celles de la concurrence les années précédentes. Halo Reach aurait ainsi rapporté 200 millions de $ de recettes le jour de sa sortie là où Halo 3 en avait gagné 170 millions en 2007. Sans qu’aucune allusion à l’inflation des prix, aux coûts de développement et de marketing n’y soit associée. Microsoft consolide ainsi sa base de hardcore gamers avant d’attaquer, au mois de novembre, le public familial avec son procédé de jeu sans manette Kinect.

L’étendard sanglant est levé

Situé entre les deux extrêmes que sont devenues la Xbox 360 pro gamers, et la Wii, pro grand public, la PlayStation 3 choisit de commencer par aller chercher d’abord le public familial avec la manette PS Move, fac-similé de Wiimote, et sa gamme de jeux touts publics (Sports Champions, Start The Party, Eye Pet…) copiant là aussi le catalogue Wii. Sony consolidera sa base tout de suite après avec l’hyper ambitieux jeu de course Gran Turismo 5 (sur la ligne de départ depuis au moins 5 ans) en novembre, puis Killzone 3 en février 2011 puisque, encore une fois, le 25 décembre n’est plus une frontière. Du côté des purs éditeurs de jeux qui ventilent leurs productions sur toutes les consoles du marché, la bataille des plus importants va se jouer aussi sur quelques titres devenus iconiques, à défaut d’être toujours recommandables. Totalement dominant le champ de bataille des FPS avec la série Call of Duty, Activision va chercher à recréer l’événement de 2009 avec l’épisode Black Ops en novembre bien que les créateurs originaux aient pris bruyamment le maquis cette année. En 2010 cependant, le concurrent direct Electronic Arts, ex numéro 1, cherche à reprendre la main sur le terrain militaire en redonnant vie à la série Medal of Honor originale mise en sommeil depuis plusieurs années. Bien décidé à retrouver une place sur le podium des campagnes militaires, Electronic Arts ne fait pas dans la demi-mesure et avance ses soldats/pions en plein Afghanistan. En allant au devant des polémiques – tout à fait officieusement parce que les porte-paroles nient en bloc toute intention maligne – l’éditeur américain compte bien attirer les regards, et le porte-monnaie des gamers toujours à l’affut d’un nouveau terrain d’affrontement en ligne.

Noël rock’n roll

La trêve de Noël n’aura donc pas lieu dans le jeu vidéo bien que le calendrier des sorties soit presque immaculé en décembre. Même les pacifiques jeux musicaux vont devoir s’affronter. Pour faire face à un Rockband 3 particulièrement novateur d’Electronic Arts (introduction d’un clavier, d’une presque véritable guitare et rapprochement avec un vrai logiciel d’apprentissage musical), Activision radicalise le 6e Guitar Hero en mettant en scène des « Warriors of Rock », avec Philippe Manœuvre en bateleur, et cherche à passer en force à coups de beats et de mashups son DJ Hero 2 dont la première tentative n’avait pas pris en 2009. Particulièrement singulier, le premier trimestre 2010 se retrouve en position de chanter un deuxième couplet vers le succès pour des jeux reconnus par la critique lors de leur première exploitation sans que le public n’ait suivi en masse. De janvier à mars, le chiffre 2 derrière Dead Space 2, LittleBigPlanet 2, inFamous 2 et Portal 2 devrait guider, en deux temps comme cela réussit à Uncharted….2, les consommateurs frileux devant l’inconnu et valider financièrement le talent des équipes à la tâche.

Nouveaux héros

Au milieu de cet interminable débarquement où même Les Sims seront de la partie sur consoles de salon (Les Sims 3), et un historique Civilisation V essaiera de raviver jeu sur PC, les outsiders, inconnus hier, auront encore une fois bien dû mal à exister, voire à s’imposer, quelles que soient leurs qualités. Pourtant, grâce aux démos jouables offertes sur consoles, le joueur consommateur n’a plus guère l’excuse de se laisser conditionner par les plans médias en oubliant de partir lui-même en reconnaissance, manettes en mains. Pour un énième Call of Duty ruminant, Star Wars radotant (Le Pouvoir de la Force II), Assassin’s Creed bégayant (Brotherhood), Fable III fabulateur, ou Sonic tournant en rond (Sonic Colours), combien de courageux et étonnants Vanquish (Sega), Epic Mickey (Wii), Kirby’s Epic Yarn (Wii) ou, notre grand favori 2010 : Enslaved : Odyssey to the West (Namco-Bandai) se casseront les dents ? Bien qu’ils s’appuient encore sur des repères fondateurs rigides, les éditeurs de jeux vidéo ont quand même entendu la rumeur publique des années passées et ont assoupli leur règle du jeu. Aux gamers maintenant de saisir les nouvelles opportunités et d’inventer de nouveaux horizons, de jeux, de consommation et d’attention.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 24 septembre 2010 sur Electron Libre)

 


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Quand les consoles « next-gen » se remaquillent

Comment dépoussiérer des consoles multimédia un jour baptisées « next gen » et pourtant déjà âgées de 3 ou 2 ans ? Comment donner l’illusion au consommateur que ces machines sont bel et bien encore en tête de la course technologique ? Après les façades interchangeables ou les coloris gadgets, les petites injections discrètes de Botox dans les menus, voici venir le temps des liftings en profondeur. Après les changements de robes voici les changements de visages. « Chéri, tu veux encore jouer avec moi ? » hurlent-elles en se remaquillant.

Consoles lifting

Depuis toujours, irrémédiablement accolé aux progrès fulgurants de l’informatique, le cycle de vie des consoles de jeux vidéo ne vaut guère plus que celui, éphémère, des insectes. Pour résister à cette implacable loi de l’évolution, les dernières consoles mettent toute leur énergie à durer en changeant de visage, non plus seulement extérieur mais intérieur. Ainsi, double première importante dans l’industrie interactive en cette fin d’année, la mise à jour mondiale le 19 novembre du logiciel interne de la Xbox 360 transforme radicalement l’interface familière. Avec le projet « Home » un peu plus tard, la PlayStation 3 à son tour offrira un tableau de commande alternatif où, à la manière de Second Life, l’avatar dessiné et habillé par l’utilisateur se promènera dans un environnement 3D, appartement ou maison, qu’il aura lui-même choisi et décoré pour lancer ses jeux ou ses films en DVD ou Blu-ray, rencontrera et devisera avec ses voisins du village global PlayStation.

Séduction féminine

Dans un mélange d’intelligence organisée et de séduction féminine, les consoles dernières générations présentent déjà à l’utilisateur une large gamme de services sous la forme la plus conviviale possible à l’écran. Le gentil tableau de vignettes des « chaînes » de la Wii réorganisable à volonté. Le système de sélection en croix des menus à icônes de la PlayStation 3 ou les onglets verticaux de la Xbox 360, toutes deux sur fonds colorés ou thématisés en fonction de ses goûts et passions… Des coquetteries cosmétiques habillant des fonctionnalités en ligne toujours plus sophistiquées qui ont néanmoins un coût. Pionnières dans la course à l’amélioration et à la sécurisation, les consoles réclament en effet d’être régulièrement mises à jour par Internet, comme les ordinateurs, la plupart des logiciels ou des mini ordinateurs portables tels les Smartphones ou l’iPhone. Des updates internes dignes d’une banale et souvent crispante maintenance informatique qui n’avaient jusqu’à aujourd’hui pas pour vocation d’être remarqués dans les consoles de jeux vidéo.

Toilettage

Cette fois, sur Xbox 360 le toilettage doit se voir, devient argument de vente, annoncer le nouveau départ d’une console « next-gen » déjà âgée de trois ans. Sur PS3, Home doit valider les promesses mirobolantes d’une console-ordinateur ouvrant enfin sur le 3e Monde déjà promis sur PlayStation 2 avec un clip signé David Lynch dans les années 2000.
Manette en main, la « Nouvelle Experience Xbox » donne l’impression d’avoir à faire à une autre console. Toute l’organisation et le défilement des menus, du design aux couleurs, annonce une renaissance. L’apparition d’avatars ludiques à créer facilement façons Mii en 3D de la Wii ajoute un peu de vie et d’humour dans l’écran. Plus polyvalente au quotidien encore que sa grosse concurrente, l’interface de la PlayStation 3 de son côté se modifie déjà régulièrement mais de manière moins forcée.

La nouvelle Life ?

Ainsi, avant l’arrivée de Home fin 2008 début 2009, rebaptisée Life with PlayStation, la fonction de calcul partagé Folding@home (la console participe discrètement sur Internet à la recherche contre les maladies graves) se dissimule derrière un impressionnant globe terrestre qui donne accès à la météo et à des news de villes et pays du monde entier.
Bien avant la mode tous azimuts des gadgets numériques et du Home cinéma, les consoles cherchent depuis les années 80 à avoir l’air sexy. Devenu culte, le design bicolore des premières consoles japonaises de Nintendo, par exemple, s’est fétichisé au point d’être reproduit régulièrement sur d’autres produits fac-similé. Jusqu’à récemment, les consoles n’avaient pas d’autres visages à présenter que leur carrosserie extérieure susceptible, au plus, de changer de coloris ou de façade.

Dans l’intimité

Désormais, à l’heure de la dématérialisation générale, aussi flatteuse soit-elle, une enveloppe ne suffit plus à appâter et, surtout, à entretenir une relation durable. Derrière leur taille de guêpe (Xbox 360), leur effacement modeste (Wii), ou les courbes laquées cachant avantageusement des rondeurs (PlayStation 3), les consoles devenues carrefour multimédia et familial veulent désormais séduire avec leur intimité. Ces cures de jeunesse transformeront-elles des consoles devenues chrysalides en nouveaux papillons de l’ère numérique ? Si le rechapage ne tient pas, un nouveau lifting sera toujours possible.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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