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Best of jeux 2023 : Sur la terre comme au ciel (et en enfer)

2023 année exceptionnelle nous dit-on. Vraiment ? Peut-on encore faire l’autruche et apprécier les jeux vidéo en dehors de leur contexte social-économique ? Le grand public qui consomme deux, trois jeux par an, peut-être. Pour les autres, passionnés automatiquement engagés, les leaks crapuleux, les licenciements, les fermetures de studios, les rachats ogresques qui rebattent les cartes du jeu d’une industrie qui se cherche toujours, laissent un goût amer. Le plaisir du jeu a un coût et ce n’est pas seulement celui payé à la caisse par le gamer. En même temps (hum), le jeu vidéo continue d’être le plus efficace loisir échappatoire (escapism). Sa diversité et son impact culturel dépassent largement ceux du cinéma spectacle à bout de souffle. Parce qu’il nous engage physiquement, mentalement et artistiquement, chaque jeu laisse en nous une marque indélébile là où la plupart des films s’estompent de la mémoire comme un rêve éveillé. Le rituel des best of de fin d’année se veut néanmoins un moment de célébration plutôt que de doléances. Première année où je ne chronique pas professionnellement chaque mois des jeux vidéo depuis 25 ans, j’ai curieusement pratiqué 81 jeux, contre 58 en 2022 ! Dans le tas, un peu moins de nouveautés et plus de jeux sortis avant 2023 non terminés ou réédités sur un support ou un autre. Dernier jeu lancé : Assassin’s Creed : Mirage. Non, il ne rentre dans aucune liste.

Mes 10 jeux préférés de 2023

  • Zelda : Tears of the Kingdom
  • Atomic Heart
  • Star Wars : Jedi Survivor
  • Dead Space Remake + Resident Evil 4 Remake + Metroid Prime Remaster
  • Super Mario Bros Wonder
  • Sonic Superstars
  • Alan Wake 2
  • Forza Motorsport
  • Starfield
  • Wild Hearts


Si Zelda Tears of the Kingdom ne se retrouve pas en tête de tous les best of de l’année 2023, c’est sans doute à cause de Breath of the Wild. Le premier Zelda open-world avait fait tellement l’unanimité en 2017 que replacer Tears of the Kingdom – présenté comme une suite – tout en haut du podium 2023 pourrait sembler radoter pour une rédaction de JV, même six ans plus tard. Et puis il paraît que Baldur’s Gate 3 fait mieux. Pourtant, grands dieux, ce dernier Zelda explose tous les repères soit-disant acquis dans Breath of the Wild et des jeux d’aventure-action tout court. De la terre d’Hyrule remodelée, au ciel aérien jusqu’aux enfers des mystérieux sous-sols, il y a désormais trois terrains de jeux ! Trois surfaces de jeu et une multitude de manières de jouer et d’appréhender les situations. À partir du canevas de Breath of the Wild, l’équipe de Fujibayashi (directeur) et Aonuma (producteur) a repoussé les limites créatives d’un gameplay que l’on croyait déjà au sommet. Vivement les rééditions optimisées (4k / 60hz svp) de Breath of the Wild et Tears of the Kingdom sur le successeur de la Switch.

Le cas problématique Atomic Heart.

Le jeu n’apparait dans aucun top de l’année et presque plus personne n’en parle depuis sa sortie, y compris moi-même. Si la raison est politique, comme, encore une fois, moi-même, c’est légitime. Parce que, en effet, Atomic Heart est conçu par un jeune studio… russe (Mundfish) financé, semble-t-il en partie, par des investisseurs liés à l’État russe et que, en agressant l’Ukraine, la Russie est devenue de facto un état paria ouvertement criminel. Autant pris en otage de cette guerre que le reste du monde, le studio Mundfish n’a pas dénoncé ouvertement l’invasion russe en se contentant d’un tweet générique à valeur pacifique. Mieux que rien mais évidemment insuffisant. Et, pour ne rien simplifier, le jeu joue, comme Bioshock et Bioshock Infinite avant lui avec l’Amérique, sur un terrain de politique fiction glissant en mettant en scène une Union Soviétique rétro futuriste surpuissante des années 50 qui s’enfonce peu à peu en dystopie d’apparence colorée. Car il s’agit bien d’une uchronie satirique. J’ai pratiqué le jeu longuement, très aux aguets du moindre dérapage pro russe in game qui infiltrerait une propagande soviétique irrecevable en 2023. Bien qu’il soit quand même difficile de visiter depuis 2022 une Union soviétique même fantaisiste, je n’ai rien ressenti ni observé de condamnable. Je crois qu’en réalité l’aventure serait, avec plus ou moins de subtilité, plutôt subversive vis-à-vis de son sujet. Et de toutes façons, même quand la Russie sera condamnée internationalement pour cette tentative d’annexion de l’Ukraine, la culture russe ne sera pas « effacée ». Il faudra bien, culturellement et historiquement, continuer à la regarder.
Pour le reste, du côté ludique, gameplay, interface, gestion des armes et cyber pouvoirs, comme ses bandes-annonces le laissaient présager, Atomic Heart est bien le FPS le plus créatif et innovant depuis… Bioshock. L’inventivité visuelle et interactive est permanente. Les bruitages et bandes-son vraiment originaux, les décors souvent dingues, voire psychédéliques, des puzzles environnementaux s’invitent dans des environnements extérieurs et intérieurs jamais vus auparavant. Question originalité, trouvailles et qualité de réalisation (ambition artistique et technique parce que hyper fluide sur consoles), Atomic Heart n’a pas d’égal à part Zelda en 2023 (non, bien que valide, le tour par tour d’un Baldur’s Gate – comme d’un JRPG, n’a pas du tout le même enjeu interactif).

Les autres en un mot ou presque…

Avec sa réalisation plus qu’impeccable, ses personnages plus qu’attachants, son gameplay dynamique et fiable, son semi open world qui le transforme en terrain d’exploration, Jedi Survivor remet Star Wars (lui aussi fatigué au cinéma et en multiples séries) au centre du game. Le studio Respawn porte tellement bien son nom.
Assez ironiquement les sorties quasi jumelées de Super Mario Wonder et de Sonic Superstars au moment où les deux héros rejouent la partition 2D qui les a vus s’affronter et se rendre célèbres dans les 90s plaident plutôt en leur faveur. Évidemment que le Mario Wonder a plus d’idées à la minute que ce Sonic Superstars qui finit par nous perdre dans des labyrinthes aux parcours trop vite injustes. Il n’empêche que les deux icônes Nintendo et Sega vont trop bien ensemble pour les séparer. Que Mario et Sonic tracent encore leur route et continuent d’écrire côte à côte l’histoire du jeu vidéo c’est quand même éminemment sympathique.

Les poids (trop) lourds

Ô comme j’attendais aimer Alan Wake 2 comme son prédécesseur et, surtout, comme CONTROL, le dernier jeu du studio finlandais Remedy. Hélas, à trop vouloir en faire, le labyrinthe mental du scénariste mis en abîme plusieurs fois qui mélange pensée et écriture créative entraine le joueur manipulé dans une enquête qu’il ne contrôle absolument pas, où l’accumulation de mots et de pistes obscurantistes qui se collent seules au mur inhibent toute initiative. Noyés sous les mots, et les pseudo surcouches de réalité ou de cauchemar, le joueur subit l’intrigue, les décors, les twists, sans jamais rien maîtriser. Visuellement et d’un point de vue sonore, rien à dire, c’est impressionnant.
Pas grand chose à reprocher non plus à l’édition 2023 à vocation durable comme un game service de Forza Motorsport. En surface en tout cas. Les voitures sont impeccablement modélisées, les pistes aussi et le plaisir d’une conduite pointue et maitrisable aussi. Pourtant, spoilé sans doute par les magnifiques routes du Mexique de Forza Horizon 5, on s’y ennuie trop vite.
Et Starfield et son champ d’étoiles infini ? Je ne me lasse pas devant le spectacle des décollages et atterrissages de son vaisseau, plutôt chouette aussi à l’intérieur (le style nasapunk on prend !) comme à l’extérieur (moins cool quand même que celui de Jedi Survivor) mais bon sang, avant de viser l’horizon cosmique, Bethesda aurait pu s’occuper de l’humanité de ses personnages aux visages totalement désincarnés. Leurs regards reflètent le vide cosmique de l’aventure. Cet atterrissage là est plus dur.
Et, oui, hors jeux Nintendo et Sega à valeur universelle, le seul nouveau jeu japo-japonais de ma liste est un original (c’est même le label officiel) édité par Electronic Arts qui n’aurait pas marché commercialement. Dommage, parce que dans le genre action médiéval japonais archi -rabattu, Wild Hearts sort du lot avec son système de machines de combats et le style graphique singulier d’un magnifique bestiaire.

Rééditions de luxe 

Indispensables à ce niveau de qualité si on a l’estomac bien accroché, les remakes de Dead Space et Resident Evil 4 laissent sans voix. Les gameplay originaux sont complètement respectés tout en y ajoutant des améliorations de « qualité de vie » comme on dit en anglais. Et bien sûr les aptitudes graphiques contemporaines permettent de donner vie à ces univers avec une puissance d’évocation incroyable. Malgré son étouffante ambiance claustrophobe, j’ai une préférence marquée pour l’univers industriel rétro-futuriste spatial de Dead Space. Surtout que, cela ne me semble pas assez soulevé – certains diront que cela fait partie de son « charme » – la violence de Resident Evil 4 et de ses villageois hispaniques sous amok dégagent une ambiance beaucoup plus malsaine, malaisante même que le déjà pourtant peu ragoûtant Dead Space. Tirer sur des êtres humains avec autant de réalisme graphique ne peut pas se qualifier de « fun ». Le joueur ressent éventuellement une sorte de jouissance exutoire (on défend sa peau après tout) mais ce « plaisir » reste discutable. On préférera alors les loup-garous de Resident Evil Village.

De son côté, la sortie surprise de la réédition remasterisée plus modeste de Metroid Prime rappelle combien cette première version en vue subjective de la série Metroid était en avance sur son temps sur GameCube. Le level design intriqué et la prise en mains avec ses contraintes restent uniques. Et la réédition optimisée sur Switch est irréprochable.

Extensions

  • Cyberpunk 2077 : Phantom Liberty
    Mis à niveau next gen à plusieurs reprises dès 2022, il n’y avait pas besoin d’attendre le storytelling médiatisé de la renaissance de Cyberpunk 2077 fin 2023 pour le classer au top de l’année dès… 2022.
  • God of War Ragnarock : Valhalla

INDÉS

  • Planet of Lana
  • The Talos Principle II
  • Toem : A Photo Adventure
  • Viewfinder
  • Cocoon
  • Season : A Letter to the Future

Petit up courageux dans l’expérience narrative pour…

  • Fort Solis
    et
  • The Invincible

Mentions spéciales aux jeux PSVR2…

Sony a bien sorti le meilleur casque grand public, et plus agréable à porter, installer, lancer, et utiliser avec ses manettes façon DualSense haptiques. Mais aussi, que fait Sony à pratiquer un tarif hors sol pour son casque VR ? Quel dommage de ne viser qu’un marché de « niche » parce que, vraiment, les versions VR de GT7 et RE Village envoient du lourd en réalité virtuelle (et sûrement aussi le récent Resident Evil 4 en VR). Si l’on ne souffre pas de motion sickness / cinétose agravée, ce qui est hélas devenu mon cas. Avant de lâcher le casque j’ai quand même eu le temps, contre toute attente, de prendre un pied phénoménal avec le jeu de tir Pistol Whip qui se hisse, à ma grand surprise, aux côtés de Beat Saber comme meilleur jeu de réflexe, immersion, musical, ambiance et visée en VR. Ébloui par Beat Saber et le jeu de tir « bullet time » voisin Super Hot VR, on avait raté Pistol Whip sur les casques Oculus Rift et le premier casque PlayStation VR. Le choc fut alors d’autant plus grand de découvrir l’énergisant gameplay de Pistol Whip encore plus beau dans sa version améliorée sur le casque PlayStation VR2.

  • Pistol Whip
  • Horizon Call of the Mountain
  • Gran Turismo 7
  • Resident Evil Village

François Bliss de la Boissière

Illustration de Une : The Legend of Zelda : Tears of The Kingdom
Relecture danybliss

Les Derniers jours dans le désert : À méditer (Avis Express)

Maître Jedi ou Jesus ? Les deux puisque juste avant de réendosser l’habit d’Obi-Wan Kenobi dans la nouvelle série Star Wars sur Disney+, l’acteur Ewan McGregor s’est glissé dans la peau d’un autre « saint homme » dont l’identité ne se confirme qu’à la fin du film.

Celui-ci revisite les 40 jours de jeûne et de prières que, selon la Bible, Jesus se serait imposé dans le désert. Seul au milieu d’un interminable désert rocailleux, il dialogue avec lui-même hanté par son double tentateur à ses côtés, il rencontre une famille isolée en détresse qu’il tente d’assister et se dirige vers Jérusalem où l’attend l’insoutenable crucifixion.

Un poème cinématographique, sobre, beau, contemplatif, à la lenteur nécessairement exigeante.

De Rodrigo Garcia, avec Ewan McGregor, Tye Sheridan, Ciaran Hinds…

François Bliss de la Boissière

(Publié  dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)

The Mandalorian : Baby Star Wars

On aime cette série Star Wars à cause de… baby Yoda.
Avis express…

Ce n’est plus un secret depuis sa disponibilité aux États-Unis fin 2019, la vraie star du tout nouveau service de VOD Disney+ (en France depuis peu) est une version bébé de Yoda, le vieux sage Jedi de la trilogie Star Wars originale. Gazouillant, déjà capable d’utiliser la Force avant de sombrer, épuisé, dans le sommeil, il vole littéralement la vedette du mercenaire qui donne son titre à cette série inédite Star Wars exclusive à Disney+. The Mandalorian a le mérite de faire exister un univers Star Wars SF et western plus sobre et presque plus réaliste que les films. Les décors et effets spéciaux utilisent des moteurs graphiques 3D de jeux vidéo inégalement réussis qui facilitent les prises de vue en temps réel.

Court et ramassé, chaque épisode envoie le mercenaire toujours casqué tel un chevalier de croisade dans une nouvelle mission pour gagner sa vie. Il croise bébé Yoda et l’adopte un peu malgré lui. Et heureusement pour le spectateur, car en-dehors de cet adorable bébé tronant dans un couffin en lévitation, et de une ou deux séquences plus spectaculaires, The Mandalorian ne fait guère mieux qu’une série b. 

Showrunner : Jon Favreau, avec Pedro Pascal, Carl Weathers, Rio Hackford…
Saison 1 en 8 épisodes.

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #117 de juin 2020)

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Best of Films 2017 : L’horizon dans le rétroviseur

Le radotage du cinéma est passé de mode à tendance lourde en 2017. Lourde dans les deux sens : omnipotente et pénible. Où comment l’industrie du cinéma a transformé la nécessaire mémoire culturelle en tiroir caisse sans fond. Regarder en arrière est devenu un business. L’arrivée des femmes aux commandes sauvera-t-elle le cinéma et les hommes par la même occasion ?

Mes 10 films préférés de 2017 *

  1. Blade Runner 2049
  2. La La Land
  3. Dunkerque
  4. Borg McEnroe
  5. Mother!
  6. Les Gardiennes
  7. Les Figures de l’ombre
  8. Wind River
  9. Le Prix du succès
  10. Crash Test Aglaé

*Liste complète des 101 films sortis en 2017, vus en majorité en salle ou en numérique à domicile, est consultable ici

Témoin muet lové derrière sa douce modestie de surface, le singulier A Ghost Story témoigne et même symbolise l’incapacité de la culture pop du XXIe siècle à lâcher prise de son passé. Si jeune et déjà repliée sur elle-même. Le cinéma, en soi, de par son miracle technologique, a toujours été une histoire de fantômes, de théâtres d’ombres humaines capturées pour toujours par une lanterne magique. La tragicomédie humaine enregistrée et prête à être rejouer indéfiniment. Ce cinéma là avait commencé à témoigner de la vie humaine et de ses fantasmes. Depuis plusieurs années, le cinéma se transforme en miroir de lui-même. Malgré, ou à cause de ses moyens technologiques désormais sans limite, l’industrie piétine et peine à inventer un avenir neuf. Inspiration soufflée par le gouffre des possibles, ou cynisme financier surfant sur l’anxiété du monde, entrainent tous les moyens créatifs et techniques du cinéma à ruminer son propre passé. La Terre tourne apparemment trop vite pour le cinéma lui-même.

Be Kind Rewind (Soyez sympas, rembobinez)

Le culotté Mother! moebius de Darren Aronofsky confirme sur grand écran ce que le succès de la série Stranger Things a mis pour de bon au grand jour sur Netflix. Le cinéma « moderne » est devenu une cassette VHS folle qui se rembobine et se relance toute seule, encore, encore et encore. Personne n’appuie sciemment sur la touche Replay mais l’inconscient collectif si, et tout se rejoue en boucle. Pour le meilleur et le pire.
Quand le cinéma rejoue le titanesque match de tennis entre Björn Borg et John McEnroe, magnifie les tristes traces télévisuelles d’époque, réactualise un fait historique exemplaire et offre à la Suède la statue cinématographique que son héros méritait, on dit bravo. Une histoire édifiante a été inscrite au patrimoine cinématographique de l’humanité. Quand un tout jeune metteur en scène brasse les comédies musicales de l’âge d’or avec les bluettes musicales de Jacques Demy/Michel Legrand pour en faire un La La Land déchirant le coeur de la vocation d’artiste, on s’incline. L’intégrité artistique et la culture ont été valorisées. Quand Christopher Nolan fait vivre le siège de Dunkerque de manière si émotionnelle et donc inoubliable, et quand Xavier Beauvois réhabilite froidement le rôle des femmes des campagnes pendant la guerre de 14-18 dans Les Gardiennes, on dit chapeau et merci pour la mémorable double leçon d’histoire et de cinéma. Mais quoi dire devant les retours mercantiles d’Alien, de Kong, des Jedi et des Blade Runner ? Bon film (devinette il n’y en a qu’un parmi ces remakes/reboots/revisitations/fan service/melancolexploitation) ou pas, ce cinéma là n’a aucune autre raison d’être que financière. Ce n’est pas une nouvelle fraiche, c’est un coming out personnel de l’auteur de ces lignes qui condamne en bonne et dû forme la pratique. Le même auteur passionné de cinéma et de SF place l’hyper maîtrisé et haut de gamme Blade Runner 2049 en tête du podium 2017. Tout en critiquant ici-même l’objet qu’il représente. Il faudrait inventer un sobriquet pour qualifier le cinéma d’exploitation de la nostalgie. Il existe peut-être à Hollywood.

Me too

Et les femmes dans tout ça ? Curieusement, inattendu et non prémédité, c’est au genre féminin que profite ce regard en arrière de l’entertainment. Le scandale Weinstein oblige pour de bon à relire les filmographies, en particulier celles de Miramax et celles d’actrices aux carrières mystérieusement enlisées. L’enjeu est devenu réel et concret après avoir émergé sur pellicule. Il était temps. Depuis plusieurs années quelques films (Zero Dark Thirty par exemple) et surtout des séries exceptionnelles labourent le terrain (de Mad Men à Big Little Lies en passant par The Honorable Woman) et plantent des graines crues mais fertiles tel Masters of Sex et même l’ambigu The Girlfriend Experience. Millimètre par millimètre elles ont ouvert la porte au coming out libérateur des femmes du #MeToo et #Balancetonporc venu d’abord d’Hollywood la Babylone. Et la même année où les prédateurs sexuels masculins sont enfin dénoncés, des films magnifiques ou agaçants, tant pis, redonnent la parole et le pouvoir aux femmes.

Homo homini lupus est

Qui en doutait ? Si on leur donne l’occasion, ou plutôt si elles s’en saisissent, les femmes au pouvoir peuvent devenir des requins comme les autres. Demandez à la vraie Margaret Thatcher ou à la Claire Underwood de fiction de House of Cards. Et alors ? Quand les femmes seront vraiment les égales de l’homme dans toutes les pratiques de la société, il y a aura, comme chez les hommes, des monstres et des wonder women. Parmi les monstres, l’insupportable castratrice Miss Sloane interprétée par Jessica Chastain n’a rien à envier au premier parvenu masculin. L’intraitable Nathalie Baye chef de famille des Gardiennes en arrive à dominer les hommes à peine bons à guerroyer et courtiser. Comme dans Le Grand jeu de Aaron Sorkin avec la même Jessica Chastain, le Numéro Une de Tonie Marshall avec Emmanuelle Devos et dans une moindre mesure la Katharine Graham des Pentagon Papers incarnée par Meryl Streep (sortie en janvier), le cinéma place enfin avec succès les femmes au centre du jeu et parfois même aux commandes. Quitte à reprofiler au plus intime et remettre au centre avec le film Jackie une personnalité dont l’Histoire croit tout savoir.

Battle of the sexes

Parmi les wonder women, cachées derrière une facture cinématographique classique, Les Figures de l’ombre sont une révélation. Le film désamorce toutes les innommables problématiques et omissions de l’histoire américaine et met en lumière des femmes scientifiques qui ont concrètement et intellectuellement participé aux programmes de la conquête spatiale et de la conquête des femmes dans la société. Plus exemplaire et jouissif à regarder est impossible en 2017 au moment ou Elon Musk remet la conquête spatiale au goût du jour. Plus discret et sérieusement drôle, le Crash Test Aglaé français arrive lui aussi à éclairer d’une lumière salvatrice les femmes qui prennent leur destin en main. Car elles ont encore de la route à faire. Cela tombe bien, Crash Test Aglaé est un road movie. À travers un duel de tennis féminin/masculin Billie Jean King vs Bobby Riggs improbable et pourtant bien réel dans les 70s, Battle of the Sexes met ouvertement sur la table l’enjeu d’aujourd’hui comme d’hier, dans la société et dans le cinéma : les femmes ont tout à fait leur chance d’atteindre leur place légitime dans la société quand elles viennent sur le terrain des hommes. Les hommes accrochés à leur pouvoir de vieux singes peuvent s’en inquiéter.

Tout le monde redouble

Si l’industrie du cinéma regarde tant dans son rétroviseur c’est bien sûr parce que la civilisation humaine elle-même ne voit plus son avenir sereinement et se réfugie dans le passé. On se rassure comme l’on peut. Si le cinéma américain précédé par les séries du câble et du streaming, commence à laisser des femmes aux commandes devant et derrière la caméra*, c’est aussi parce qu’avec l’élection d’un Donal Trump notoirement machiste (entre autres qualités d’un autre âge), la société intellectuelle et culturelle américaine devient en partie militante.
Les cinéphiles et cinéphages passionnés se laissent aller à penser que le cinéma est une extension de la vraie vie, qu’il reflète la société. La preuve en VHS inusable cette année plus que les autres encore.

*La France a la chance et la fierté d’avoir de nombreuses femmes réalisatrices en activité. Présidente de Lucasfilm depuis 2012, Kathleen Kennedy contrôle d’une main de fer le destin des Jedi.

Coups de coeur

Des coups de coeur pour des films de série B super léchés, pas vraiment justifiables côté scénario mais dont la force de conviction, l’amour du cadre, l’envie d’en découdre avec des mythes de la pop culture tout en lui rendant hommage en font des moments goûteux de pur cinéma. Le Star Wars : The Last Jedi a les mêmes intentions et aurait sa place s’il n’était pas aussi foutraque et prétentieux simultanément.

  • Kong : Skull Island
  • Life : Origine Inconnue
  • Logan
  • Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2
  • Wonder Woman

et aussi…

  • A Ghost Story
  • Battle of the sexes
  • Good Time
  • Okja

Des films insupportables malgré eux et indéfendables…

  • Gold
  • Carbone
  • Atomic Blonde
  • Bright
  • La Momie
  • Split
  • The Lost City of Z
  • Les Fantômes d’Ismaël
  • Le Fidèle

François Bliss de la Boissière

Borg/McEnroe © Pretty Pictures


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Blade Runner 2049 : Le futur du passé

En 1982 le film Blade Runner soulevait des questions, posait des thèmes. Preuve de sa longévité dans les esprits, il avait l’intelligence de ne pas y répondre. Il laissait le spectateur hanté par ses interrogations. Ainsi vont les réflexions existentialistes d’hier, d’aujourd’hui, et du futur. Inévitablement, sans doute, pour justifier son existence à l’écran, Blade Runner 2049 répond à la plupart des questions laissées en suspens en 1982. C’est à la fois son intérêt et peut-être sa force mais aussi son plus grand défaut.

En surface, le film de Denis Villeneuve est incontestablement une réussite. Esthétiquement, il reprend presque sans trahir l’univers visuel posé à l’écran par Ridley Scott. Le réalisateur de Prisoners et Arrival a non seulement le courage de s’attaquer au monument de cinéma SF qu’il vénère comme son public (Blade Runner est une des raisons pour lesquelles Villeneuve fait du cinéma, explique-t-il ici), mais il a aussi l’audace de le prolonger et de l’agrandir. Si des éléments du scénario parfois faciles voire roublards, peuvent se chipoter, il serait malvenu de mettre en doute l’aspect visuel et sonore du film.

Dès la scène d’ouverture Villeneuve place la barre à la hauteur que la vénération du film originel le réclamait sans le savoir. 35 ans après le fameux premier survol d’un Los Angeles industriel méconnaissable en 2019, l’horizon du Los Angeles techno dystopique de 2049 est aussitôt familier et agrandit. La bande son où les accords indélébiles des synthés de Vangelis surnagent à peine au-dessus d’une marée industrielle sourde saisit les sens et colle au siège (extrait ici). Porté par ce profond tsunami sonore, le vol puissant et cette fois souple des voitures volantes au-dessus d’un horizon sans fin ne laisse aucun doute : on embarque pour un vertigineux voyage vers le rétro futur.

Tout en silences, langueurs et designs arty parfois gratuits, Blade Runner 2049 rejoue la même partition destinée aux fans que le Star Wars : A New Hope de J. J. Abrams. Une lettre d’amour au film original, avoue lui-même Villeneuve (ici). Les clins d’oeils graphiques plus ou moins discrets, l’apparition visuelle ou audio de vieux personnages, insistent à faire le lien affectif avec le passé. Sans prétendre pouvoir imaginer d’autres façons de créer dans ce début de siècle cinématographique rétro digest il est heureux que Ridley Scott en personne n’ait pas réalisé 2049. Plus ou moins condamné par l’histoire à revisiter ses chefs d’œuvre du passé, Ridley Scott comme au fond George Lucas, a plus envie de faire avancer ses histoires que de les remacher, quitte à saccager et ne pas respecter son Alien originel, par exemple, avec les très discutables Prometheus et Alien : Covenant.

Denis Villeneuve comme J. J. Abrams juste avant lui, se contente essentiellement de bâtir un temple hommage au film originel. « Une cathédrale » dit lui-même sans penser à mal Harrison Ford en interview pour qualifier le film. Une cathédrale, ou une pyramide, un temple en effet, où venir célébrer et revivre un miracle du passé.

De fresques murales en tapisseries, de peintures en dioramas, du théâtre au cinéma, l’homme n’a cessé de mettre en scène son histoire réelle ou rêvée, mythes et religions inclus.
Même si l’on doit regretter les deux pas en arrière que pratique désormais le cinéma qui semble piétiner sur sa propre histoire, il s’agit sans doute là aussi de la confirmation que le cinéma, et donc certains films, appartiennent viscéralement à l’histoire de la civilisation humaine.

Les cérémonies religieuses rejouent le même acte depuis des millénaires. Les pièces du répertoire sont rejouées ad nauseam au théâtre de siècles en siècles. Un film, lui, imprimé sur pellicule, peut être revisité indéfiniment bien sûr. Au-delà de l’opportunisme financier qui initient aussi tous ces semi remakes, il s’agit sans doute de répondre au besoin humain de conforter sa mémoire, de l’embellir et de la magnifier. Les outils technologiques du cinéma permettant de répondre à ce besoin, pourquoi s’en priverait-il ?

Le cynisme du marché ne suffit ainsi pas à expliquer le ripolinage des gloires du passé cinématographique. Les metteurs en scène de talent dont la carrière se porte bien comme J. J. Abrams ou Denis Villeneuve acceptent de rejouer de vieilles partitions parce qu’eux-mêmes aspirent à s’y replonger. Il s’agit sans doute à la fois d’un défi artistique et d’un défi de mémoire, dans tous les cas d’une démarche personnelle bien au-delà des attentes vénales du marché. Tim Miller désormais aux commandes de la franchise Terminator aux côtés de James Cameron le confirme avec candeur. Il ne manquait pas de projet, il aurait pu faire Deadpool 2 mais il choisit les yeux grands ouverts de s’approprier la série de films qui a marqué sa vocation : Terminator 1 et 2. Pour Tim Miller, J. J. Abrams et Denis Villeneuve, c’est aussi l’occasion de collaborer intimement avec les réalisateurs-auteurs originaux, puisqu’ils sont vivants. Une forme d’anoblissement sans doute, de relation filiale de cinéma. Depuis la fin du nouvel Hollywood, les réalisateurs de cinéma grand spectacle sont des geeks comme les autres ou presque.

Inévitablement, Blade Runner 2049 est une oeuvre bâtarde. Autonome et dépendante, elle parle du futur, voudrait visiblement avancer vers ce futur mais reste entravée par son histoire passée. Le nouvel exercice de style créatif du cinéma consiste à manoeuvrer dans ces contraintes : réinventer sans froisser ni l’oeuvre passée ni, pire encore, le public à l’attachement quasi religieux à tel ou tel film.

Denis Villeneuve, les scénaristes, Ridley Scott et Harrison Ford lui-même pas très loin (voir ici), ont-ils trouvé le bon équilibre ? Ce qui est sûr c’est que l’on sort rassasié de 2049. La longueur du film (2h43 avec le générique) se ressent et pèse même parfois quand certaines scènes s’éternisent sans grande raison perceptible. Comme il s’agit là de respecter le style et donc la lenteur du film original tout en bravant, tant qu’à faire, le rythme frénétique des films à effets spéciaux du XXIe siècle, pourquoi pas. Mais cette langueur générale ne garantit pas pour autant une maturité filmique.

À la première vision en tous cas, certains personnages et certaines scènes frôlent le surdosage et donc le ridicule. Sans le talent de filmeur de Denis Villeneuve, plusieurs scènes qui veulent absolument tout dire au spectateur et notamment lancer des pistes pour des suites éventuelles, sombreraient dans la série B. Le film de Ridley Scott avait lui-même des outrances. Le personnage de Tyrell par exemple et son bureau pyramide en faisait des tonnes démonstratives. Surenchérir là-dessus devient forcément caricature. Comme dans Suicide Squad, la présence de Jared Leto en héritier de Tyrell est de trop et fait regretter David Bowie pressenti dans le rôle. À trop vouloir surenchérir sur le fameux décor cuivré de Tyrell de Blade Runner, 2049 fait dans l’épate visuelle épurée pour l’antre glacée de son successeur Walllace. C’est très beau, mais aussi inutile.

Des personnages, et donc des acteurs singuliers, se retrouvent un peu gâchés. La silhouette massive et rassurante de Dave Bautista manque quand elle disparait trop vite. À appuyer de nouveau sur son profil de castratrice dans House of Cards, Robin Wright se trouve mal servie dans un rôle sans nuance et indéfini. Et puis, installé dans les rôles de héros au visage impénétrable depuis Drive, Ryan Gosling était-il le meilleur acteur dans un personnage qui porte en lui une faille que l’acteur retranscrit inégalement. Familier de Denis Villeneuve, le fiévreux Jake Gyllenhaal aurait pu mieux faire l’affaire.

Les réserves et critiques ciblées ne gâchent néanmoins pas l’énorme plaisir à prendre devant Blade Runner 2049. Même plus explicite et moins rébus que son prédécesseur, cette revisitation impressionne par son mélange d’hommage et d’inventivité, sa beauté plastique et sa maîtrise sonore. Et si tous les personnages ont l’air un peu fantomatiques, c’est sans doute parce qu’ils sont l’écho spectral du passé dans un futur au présent.

François Bliss de la Boissière

RYAN GOSLING as K in Alcon Entertainment’s sci fi thriller BLADE RUNNER 2049 in association with Columbia Pictures, domestic distribution by Warner Bros. Pictures and international distribution by Sony Pictures Releasing International.

Photos ©2016 Alcon Entertainment, LLC All Rights Reserved

 


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BEST OF FILMS 2015 : Rétrofuturs (la tête dans les étoiles)

Quelle période faste pour les amateurs de SF ! Ce qui était hier le plaisir des ados, geeks et autres nerds, est devenu le genre le plus attractif des salles de cinéma. Star Wars rattrape ainsi le record de Avatar au box office mondial et confirme l’aspiration populaire à décoller vers le futur et l’imaginaire. Beaucoup se plaignent de l’omniprésence des effets spéciaux numériques, et « beaucoup » a raison quand ils prennent la vedette sur les acteurs et l’humain. En réalité, puisque tout semble désormais possible à l’écran, le cinéma est vraiment en train d’atteindre la magie totale qu’on lui accordait un peu prématurément au siècle dernier. Et inévitablement, le cinéma redevient ce phénomène de foire délirant de ses débuts avec des orgies de trucages, cette fois numériques, plus ou moins spectaculaires ou de bon goût. Je crois que Méliès serait ravi de nos jours et s’amuserait comme un fou.

Mes 10 films de 2015 *

 

  1. Mad Max: Fury Road (George Miller)

  2. Ex Machina (Alex Garland)

  3. The Martian (Ridley Scott)

  4. Birdman (Alejandro Gonzalez Inarritu)

  5. Bridge of Spies (Steven Spielberg)

  6. La Belle Saison (Catherine Corsini)

  7. Maryland (Alice Winocour)

  8. Mon Roi (Maïwenn) / La Tête Haute (Isabelle Bercot)

  9. Dheepan (Jacques Audiard)

  10. Star Wars : The Force Awakens (J.J. Abrams) / Jurassic World (Colin Trevorrow)

Réalisateurs, vieux de la vieille et up & down

Si la carrière de J.J. Abrams est désormais totalement en orbite intergalactique (qui en doutait ?), le cinéma a perdu hélas en 2015 deux cinéastes majeurs des 90-2000. Michael Mann et P. T. Anderson ne sont évidemment pas morts, mais leurs derniers films ne sont plus que la caricature de leur cinéma. Six ans après le déjà discutable Public Ennemies, la présentation vieillotte des menaces cyber de Hacker dans un emballage superficiel de thriller file un terrible coup de vieux au cinéma de Michael Mann. Si l’on accordait le bénéfice du doute aux bizarreries indigestes mais si bien filmées en 70 mm de The Master, le décousu, pénible, lambin et complaisant Inherent Vice ne fait plus rire. P. T. Anderson s’enfonce ainsi dans un cinéma d’auteur private joke qui ne parle qu’à lui même et à ses acteurs. Avec l’incongru Knight of Cups (quête existentielle au coeur d’Hollywood blingbling ?), le soporifique Terrence Malick confirme qu’il ne prie plus que pour lui-même.
En parallèle, Ridley Scott (78 ans !) ne s’essouffle pas et continue de filmer des blockbusters à une cadence invraisemblable. Et tous les 3 ou 4 films il en réussi un vraiment bon. Tel The Martian que la Fox lui a proposé et qu’il a accepté en 24h. Après Alien, Blade Runner et Prometheus, et avant même la sortie de Alien Covenant, cela fait de lui devant Spielberg et J.J. Abrams le plus grand réalisateur de SF au monde avec James Cameron. Galon qu’il gardera probablement jusqu’à la sortie des 3 prochains Avatar.
Un peu dépassé par les évènements et la vague super-héros mais toujours actif contrairement au grincheux et déconnecté George Lucas, Spielberg, de son côté, lâche tranquillement un Bridge of Spies incroyablement pertinent à l’heure des frontières redevenues floues. Il rejoint sur le tard le classicisme historique visant la postérité de Clint Eastwood.

Coming out

2015 est l’année où des doubles talents aspirants réalisateurs ont réussi à s’exprimer avec leur premier film.  Avec Ex Machina le scénariste Alex Garland tape en plein dans le mille des problématiques de notre prochaine cohabitation avec l’Intelligence Artificielle. Cette version peut-être douce et cérébrale de Terminator aura certainement plu à Elon Musk. L’industriel s’est fendu d’un appel collectif à se méfier de la naissance incontrôlée d’une prochaine l’I.A potentiellement supérieure à l’homme.  Ryan Gosling a su prouver qu’il n’était pas seulement une belle gueule et un bon acteur avec son premier film Lost River entre David Lynch et Jim Jarmusch. Une carrière de réalisateur à la Sean Penn est à sa portée. Plus quelconque mais tout de même digne d’attention dans la veine des films parlés de Richard Linklater, le premier long métrage de Chris Evans réalisateur (Before we go) lui ouvre sans doute d’autres portes que celles gagnées à la force des muscles de Captain America.

Elles pour toutes

Les bonnes étoiles du 7e art ont aussi offert en  2015 une belle année, « saison », pour les femmes au cinéma, plus seulement devant mais derrière la caméra et dans les esprits. Ainsi, tout naturellement, 4 magnifiques films de réalisatrices qui frappent au ventre autant qu’à la tête s’installent dans mon palmarès pourtant plus orienté vers l’imaginaire que les drames quotidiens. Oui le cinéma français est visuellement plus modeste et plus terre à terre que le cinéma américain et ses gros moyens (sauf les films tellement stylés de Jacques Audiard) mais quand il réussit une étude de caractère, le cinéma français reste sans égal.  À l’écran, la place de la femme dans la société à plusieurs époques a été au centre d’un nombre inhabituel de films. Même si parfois maladroits, les Suffragette, Wild, Journal d’une femme de chambre, Les jardins du Roi, Far from the Madding Crowd, La Femme au tableau, Ricki and the Flash, Testament of Youth, Joy et même Big Eyes ont fait leur maximum pour rendre hommage au talent et à la détermination des femmes qui n’ont, évidemment, rien à envier aux hommes. Et qui d’autre que la guerrière Furiosa prend le pouvoir sur le monde des hommes-bêtes de Mad Max : Fury Road ?

It’s a Mad Mad Mad Mad World

Contrairement à d’autres, contemporains ou anciens, George Miller est sans doute un réalisateur économe qui prend son temps. Mais quand il sort un film, comme James Cameron d’ailleurs, il change le langage même du cinéma. Bien plus qu’une suite ou un reboot opportuniste que les producteurs espéraient sans doute, Mad Max : Fury Road, comme le nom de sa vraie héroïne Furiosa le dit, est une furieuse claque de cinéma dans une décennie cinématographique un tantinet désabusée et ronronnante à l’abri des boucliers numériques. Aussi énervé et sauvage que esthétique, Fury Road n’avait même pas besoin d’être en plus intelligent et porteur d’un message (écolo, féministe) pour balancer à la tête du monde une leçon de cinéma d’une pureté rock enfantine rare.
Finalement, le copié-collé assumé du metamodernisme** existe aussi au cinéma et ce de manière particulièrement flagrante en 2015. Les 4 reboots/remakes/relectures (comment les qualifier réellement ?) de Jurassic World, Terminator Genisys, Star Wars et même Mad Max installent un cinéma de la régurgitation, de l’auto citation, du recyclage à peine masqué. Ils ressemblent à cette époque trois-pas-en-avant-deux-pas-en-arrière, celle qui cherche à avancer avec tous les moyens technologiques du futur et n’arrive qu’à regarder et revivre le passé.

* Sur 89 vus en très grande majorité en salles (liste ici) Avec regret, on reportera au palmarès 2016 le fulgurant Steve Jobs de Danny Boyle/Aaron Sorkin et le monstrueux The Revenant de Inarritu. Futurs oscarisés que les distributeurs français déconnectés du 21e siècle n’ont pas jugé bons de sortir en 2015 en France. Ils font la joie et la tristesse du téléchargement improvisé. On retournera les voir en salle plutôt deux fois qu’une.

** « Today, we are nostalgists as much as we are futurists » (Metamodernisme Manifesto)

Quelques navets irrécupérables/inexcusables

  • Everest
  • The Walk
  • Le Tout nouveau Testament
  • In The Heart of the Sea
  • Welcome Back (Aloha)
  • Fantastic Four
  • Maze Runner : Scorch Trials
  • Chappie
  • Gunman
  • Love

Quelques coups de coeur (qui a ses raisons que…)

  • Imitation Game
  • American Ultra
  • Loin des hommes
  • La Tête haute
  • Valley of Love
  • Ricki and the Flash
  • La Résistance de l’air
  • Big Hero

François Bliss de la Boissière

 


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Van Ling interview HD : DVD producer pour James Cameron et Star Wars

En 2007, j’ai demandé à trois producteurs stars de DVD ce qu’ils pensent de la HD, est-elle tout bonus ?
Van Ling, concepteur d’effets spéciaux, proche collaborateur de James Cameron a conçu les DVD de Titanic, The Abyss, Starhip Troopers, Star Wars Trilogy… Excusez du peu !

Version originale anglaise complète ci-dessous après la VF éditée pour publication…

Version française éditée pour publication papier…

Bliss : Quel est le premier film/DVD sur lequel vous travaillez avec un format HD ?

Van Ling : J’ai travaillé sur 9 Blu-ray l’année dernière, y compris Terminator 2, mon premier. S’agissant de disques contenant seulement le film, ils m’ont donné l’occasion d’apprendre ce qui marche ou pas. Je suis actuellement sur le Blu-ray d’Independance Day et nous expérimentons des idées utilisant la programmation Java sur Blu-ray.

Bliss : Avez-vous une approche différente pour les bonus selon les formats HD DVD et Blu-ray ?

Van Ling : Entre la SD et la HD, surtout. Les objectifs sont les mêmes mais il y a plein de choses à réapprendre et beaucoup plus de problèmes de programmation, surtout pour la navigation dans les menus.

Bliss : Si l’un de vos précédents DVD ressort en HD, y travaillerez-vous ?

Van Ling : Oui parce que je sais déjà ce qui a été fait et que j’ai une bonne idée comment le surpasser. Il faudrait pouvoir inclure ce qui a été fait sur DVD et ensuite créer des choses inédites qui tiennent compte des nouvelles possibilités.

Bliss : Comment allez vous effectuer la transition entre SD et HD pour les documents d’archives déjà mastérisés ou à venir ?
 Est-ce utile de filmer documentaires et interviews en HD ?

Van Ling : Oui, nous filmons tout en HD. La majorité des films transférés en vidéo ces 8 dernières années l’ont été en HD, donc exploitables tel quel. Quand ils achètent un disque HD, les consommateurs s’attendent à ce que les suppléments soient en HD. Comme les vieux documents ont été filmés en vidéo SD ou 16mm, c’est un challenge de décider comme présenter une featurette mélangeant les formats.

Bliss : Les réalisateurs avec qui vous travaillez sont-ils concernés par la HD ?

Van Ling : Les plus jeunes sont déjà au courant des nouvelles possibilités des formats HD et participent. Les réalisateurs vétérans y voient d’abord une nouvelle manière d’intéresser plus de spectateurs.

Bliss : Les fonctions interactives propres au Blu-ray et au HD DVD ouvrent-elles de nouvelles possibilités ?

Van Ling : Oui mais c’est un vrai challenge parce qu’il s’agit plus de programmation créative que de création artistique. Nous sommes au point où les formats HD doivent faire leur preuve auprès des consommateurs, avec ce côté « essayons tout pour voir ce qui leur plait». Il y a beaucoup de gimmicks.

Bliss : Que pensez-vous des problèmes de compatibilités provoqués par ces nouvelles interactivités ?

Van Ling : Ces formats HD ont clairement des constitutions informatiques. Cela donne autant de possibilité de faire des choses que de les rater. Quand quelque chose ne fonctionne pas, vous n’êtes jamais sûr si cela vient du design, de la programmation, de la fabrication ou du lecteur.

Bliss : Avez-vous une préférence professionnelle entre le HD DVD ou le Blu-ray ?

Van Ling : J’ai surtout travaillé sur Blu-ray. Étant donné qu’une grande partie du succès de ces formats va dépendre de l’industrie du jeu vidéo qui a l’habitude de la cohabitation de formats, je ne pense pas qu’il y aura un vainqueur définitif.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Lire aussi…

  • Charles de Lauzirika : DVD producteur pour Ridley et Tony Scott
  • Kim Aubry : DVD producer pour France Ford Coppola

Version originale complète de l’interview…

Bliss : Do you think there is a need for high definition bonus or is it still for some happy few passionate? Meaning, is it worth the efforts for you, the studios and even the movie directors?

Van Ling : I’ve always said that DVD producers are the most optimistic people in the film business, because we put our blood, tears toil and sweat into creating materials that only a very small number of people will ever watch. But I do think that it’s worth the effort, because it can be a winning situation for all parties: the filmmakers get the chance to discuss their visions, the studios have more to sell and the viewers get more for their money, even if they don’t care to watch it. As for us DVD producers, some of us enjoy the challenge of extending a narrative/universe and exploring new ways of educating and interacting with viewers.

Bliss : What is the first film you worked, or are working on, that is going to be released on any HD formats?

Van Ling : I actually worked on nine Blu-ray titles last year, including T2 (which was my first), but these were essentially « movie-only » discs that gave me an opportunity to learn how the format works (or doesn’t work, as the case may be). I am currently working on « Independence Day (ID4) » for Fox on Blu-ray, and we are exploring some new bonus feature ideas using Blu-ray Java programming.

Bliss : Do you have a different approach regarding extras on HD DVD or Blu-ray?

Van Ling : If you mean as opposed to standard DVD, yes. Even though most of the goals are the same (movie, commentaries, bonus content), the formats are completely different in terms of technical approach. There’s a lot of things you have to learn to do anew, and a lot more programming issues you have to keep in mind while you are designing and creating materials, especially for the menus and navigation.

Bliss : If, or when, one of your previous DVD is re-released on a HD format, will you work on it ? Would the bonus be a simple transfer from the DVD or would you work again on it?

Van Ling : I expect to be working on many of the HD versions of the titles I’ve previously done, simply because I already know how and what I’ve done before, so I have a good idea of how to surpass it. I feel that we should be able to include what we’ve done before on DVD as a starting point on the HD version, and then create new material that takes advantage of the new format’s capabilities.

Bliss : Did the digital transfers of past archives have been readied for HD formats and could be ported without going back to the digital scan? What is your opinion regarding those past documents? Going HD with them or keeping the already digital transfer? What is the position of the studios you work with regarding this issue?

Van Ling : Most films that have been transferred to video in the past seven to eight years were transferred to HD in the first place, so many of them are already usable. But I believe most studios assess how the existing HD transfers look in light of today’s technologies, and if they feel that the new equipment can yield an appreciably better transfer, they will do it.

Bliss :  What about future archives you might dig up, which kind of technical treatment would you do for the HD formats (or not)?

Van Ling : Most older archival material tends to have originated on standard-definition video or 16mm film, so it is more of a challenge to decide how to present a mixed-format documentary or featurette. But with the advent of the new HD formats, more and more special features are being done in HD, because consumers expect that when they buy an HD disc, as much of the content as possible will be in HD format.

Bliss : Are you shooting your documentaries and interviews in HD ? Since when, or do you plan to? Is it relevant to do so?

Van Ling : Yes, for current films, all of the material is shot in HD, as are all interviews and new footage shot for bonus material on older titles. It is generally accepted as a good practice to shoot in HD if it can be afforded, even if you are currently finishing the project in standard definition. All of my projects going forward will likely be in HD.

Bliss : Are movie directors you work with concerned, interested by those high def contents that they may have to provide for future HD DVD or Blu-ray releases? Whether for a new projects or past projects?

Van Ling : The younger generations of filmmakers are already savvy to the possibilities of the HD formats and are usually very open to creating or participating in new HD content, while the older generation of directors view it as a good way to get more people to experience their films, which are still the most important component of any release. They are usually thrilled to see their films in such high resolution.

Bliss : Both HD DVD and Blu-ray may be programmed for some special interactivities during movie footage… Did you start working on that technology? Is it easy to do? Does is really open some new doors for you as a DVD producer and maybe the consumer or is it just a gimmick?

Van Ling : Yes, I am working with the technology and it can be a real challenge, because it’s more about creative programming than traditional creative work. We are currently at the stage where the HD formats have to prove themselves to the consumer as being more worth getting than regular DVD, so there’s a lo of the same « shotgun » approach to interactive features… let’s try everything and anything and see what strikes the consumer. There are a lot of gimmicks, but I hope that some of them will evolve into actual useful features. I know I’m doing my part…

Bliss : There seem to have some compatibility issues with those interactive programs, whether on Blu-ray players or the LG Blu-ray HD DVD combo that doesn’t play HD DVD interactive programs. How do you deal with that?

Van Ling : These HD formats are much more clearly computer formats, and the more like a computer your format is, the more capabilities you have… but the more opportunities you have to mess things up. We are still in the preliminary phase in which the formats are evolving, and when something doesn’t work, you’re never quite sure if the problem is due to the design, the programming, the manufacturing, or the player. From my standpoint, I just keep pushing. I find out what they think the format can do, and then come up ways for it to do more. And try to work with people who are willing to try it.

Bliss : Do you have a preference as a professional between the two formats : Blu-ray and HD DVD?

Van Ling : My experience so far has been exclusively with Blu-ray, so I am more familiar with it, but I am learning more about HD-DVD as well. Given that a significant portion of the success of these formats is going to depend on the video game industry -which has a history of multiple formats co-existing-I don’t think there is going to be one definitive winner. And the only way the consumer will win is if there are really good combo players so the viewers never have to worry about whether they can or cannot play any disc they buy.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Terminator 2 Van Ling BD menu

(Version française publiée en 2007 dans le mensuel Les Années Laser)

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Star Wars Republic Commando : Sur tous les fronts

Six films en salle, mais surtout plus de 50 jeux vidéo depuis 1991, la guerre des étoiles n’a jamais eu de trêve. Games vs ciné : qui influence qui ?

Star-Wars-Republic-Commando-PC

L’empire de George Lucas a depuis longtemps investi la galaxie jeux vidéo. Dans les années 80, il a même été le berceau de jeux d’aventure cultes (Monkey Island, Grim Fandango…). Les années 90 ayant eu raison des efforts créatifs, la branche LucasArts a rallié la force du marketing. Au point que l’on soupçonne les scènes d’action des films de la nouvelle trilogie d’être conçues aussi, et peut-être surtout, pour être exploitables en jeu vidéo, telle la fameuse course de Pods de Episode I.
Parmi la multitude de jeux SW, le récent « Knights of The Old Republic II » (PC, Xbox) reste une des meilleures variations grâce à son mélange jeu de rôle et action. Mais en attendant le jeu officiel du film mis au secret jusqu’au 5 mai, le jeu d’action-tir en vue subjective « Republic Commando » retient l’attention. Sombre et militariste, prenant des libertés avec l’univers ultra balisé de Star Wars (pas de générique rituel), le jeu permet de contrôler sans trop d’effort une escouade de 4 militaires équipés pour blaster droïdes, aliens et autres clones de l’Empire.

  • Star Wars : Republic Commando. PC, Xbox, Activision (textes et voix en anglais).

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Jim Ward/Lucasfilm : DVD mode d’emploi

Producteur exécutif chez Lucasfilm, Jim Ward a la responsabilité mondiale des licences Star Wars et Indiana Jones au cinéma, à la télévision et en DVD. Juste après George Lucas. Interview…

Jim Ward (c) Lucasfilm & TM. All rights reserved.

Bliss : Avec quelle fréquence consultez-vous George Lucas ?

Jim Ward, Vice-Président du Marketing/Lucasfilm : Cela dépend où nous sommes dans le cycle de production d’un projet. Au lancement d’un film, nous nous voyons chaque jour. Moins depuis qu’il tourne Episode III à Sydney* en Australie. Je lui ai parlé la semaine dernière (fin août, ndlr).

Bliss : Combien de gens chez Lucasfilm s’occupent de la production des DVD ?

Jim Ward : Si vous additionnez les sept activités, Industrial Light & Magic, Skywalker Sound, Lucas Digital, Lucas Licensing, LucasArts, Lucas Online et le récent Lucasfilm Animation Ltd de la société Lucasfilm Ltd originale fondée en 1971, vous pouvez comptabiliser 1800 à 2000 salariés (THX est dorénavant indépendant, ndr). Quand la production d’un DVD est décidée, nous assemblons une petite unité très concentrée de seulement dix à quinze personnes. Pour les suppléments nous recrutons des documentaristes, comme John Shenk sur Episode I et II. Nous avons confié le design des menus au talent de Van Ling (The Abyss, Starship Troopers, Titanic…) qui a la responsabilité technique de l’ensemble. Cette équipe négocie les meilleurs partenaires au cas par cas avec des sociétés spécialisées d’authoring et de compression comme DVCC ou PDSC. En général, la société THX avalise la qualité d’un DVD une fois le travail terminé. Pour les DVD Lucasfilm, THX valide rigoureusement la qualité à toutes les étapes. Et, toujours selon les situations, nous confions la duplication à des sociétés comme Sony (Episode I) ou Deluxe (Episode II).

Bliss : Comment se passent vos relations avec vos distributeurs ?

Jim Ward : Ils sont de bon conseil, ils connaissent bien le marché du DVD, les enjeux économiques. Nous discutons avec eux. Néanmoins, vis à vis de la Fox nous avons le dernier mot sur les Star Wars dont la licence appartient à Lucasfilm. Dans ce cas précis, ce sont nos propres risques financiers qui sont en jeu. Les décisions sont prises en commun avec Paramount sur les Indiana Jones. Universal est plutôt en charge d’American Graffiti et la Warner de THX 1138, le tout premier film de George Lucas.

Bliss : Lucasfilm supervise les versions internationales des DVD ?

Jim Ward : Oui, d’autant que le marché international est dorénavant plus grand pour Lucasfilm que le marché intérieur américain. Les recettes internationales d’Episode I ont dépassé pour la première fois celles des États-Unis. Est-ce que nous faisons confiance à nos studios partenaires pour comprendre les besoins de chaque pays ? Absolument. Nous n’envoyons personne sur place, mais THX reçoit les travaux de chaque pays et les valide.

Bliss : À quand le film THX 1138 et les trois premiers Star Wars en DVD ?

Jim Ward : Aucune date n’est décidée pour THX 1138 mais nous y travaillons avec Universal. Quant aux premiers Star Wars, c’est vraiment un problème d’emploi du temps de George Lucas. N’oubliez pas qu’il tourne trois films coup sur coup et sort aussi les DVD.

Bliss : Quelle est la disponibilité de George Lucas dans la création des suppléments DVD ?

Jim Ward : Cela a beaucoup changé depuis Episode I. A l’époque le marché du DVD n’était pas encore bien implanté, et ils n’avaient pas du tout été envisagés pendant la préparation et le tournage du film en 96-97. L’expérience aidant, pour Episode II nous avions réfléchi un peu plus à l’avance, et nous irons plus loin encore avec Episode III. Nous avons une équipe sur le plateau pour filmer le tournage. Mais actuellement, George Lucas est d’abord et avant tout concentré sur le film.

* Star Wars : Episode III : début du tournage 30 juin 2003, sortie salles en 2005.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié en 2003 dans le mensuel Les Années Laser)

 


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Ratchet & Clank : mascotte armée

Elles s’étaient fait oublier dans le grand chambardement des consoles nouvelle génération. On les croyait enterrées avec une époque et puis, coucou, les revoilou, les mascottes qui asticotent les manettes. Grosse artillerie au point, Ratchet et Clank traversent la galaxie pour réclamer leur part du gâteau…

Ratchet & Clank
Par un effet curieux du hasard, comme si tout le monde s’était concerté, l’année 2002 aura vu le grand retour des personnages mascottes après au moins deux années d’absence. Pour le grand plaisir des plus petits, et sans doute l’ennui des plus grands. Héros au design animalier improbable mais instinctivement familier. Condamné depuis les origines et Donkey-Kong à sauter de plate-formes en plate-formes, à donner des coups de cul définitifs. Emblème vidéoludique de la puérilculture qui, après d’innombrables agitations frénétiques de pixels, vient systématiquement s’essuyer dans les peluches de la culture bobo.

Chercher la bagarre aux anciens

Avant dernier candidat de qualité sur PlayStation 2 avant l’arrivée récente de Sly Raccoon, Ratchet le mécanicien et son alter ego métallique Clank, sont venus à leur tour chercher des crosses aux indétrônables Crash, Sonic et Mario des consoles concurrentes. Et pour affronter des grands frères à la réputation intouchable, l’étrange animal du futur ne vient pas les mains vides. Au cours du périple qui le conduira de planètes en planètes pour, encore et toujours, combattre un vilain empereur galactique (Président Drek en fait, un faux modeste), Ratchet trimballe avec lui un arsenal à rendre jaloux le responsable des stocks de Fort Knox. Du pistolet laser au lance-flamme, du Trespasser au Devastator, du canon sonique aux gants explosifs, du Morpha-A-Ray au Suck Cannon, et à condition de passer chez le revendeur local, le nouvel héros auto proclamé sauveur de l’univers, peut devenir une armée à lui tout seul. A tel point que même l’anciennement humaniste Moïse reconverti en Charlton Heston vindicatif à la tête de la NRA (National Rifle Association) pourrait venir lui demander des comptes, voire même ses licences.

Bon pour 3 ans et plus si affinités

Heureusement tout cela est bon enfant. A part un Conker halluciné dont on se demande encore comment il fut possible sur Nintendo 64, les mascottes dignes de cette appellation contrôlée trouvent toujours leur ligne de flottaison au-dessus de la barre des « Bon pour 3 ans et + ». Garantie surannée du Syndicat des Editeurs de Loisirs (SELL). Ce qui ne veut pas dire que cette mascotte là s’adresse aux enfants, loin de là. Tous les adultes et jeunes adultes sauront goûter les joies de la destruction efficace mais inoffensive de centaines de robots plus farfelus les uns que les autres.

Le 5e élément

Beaucoup plus tributaire de la pesanteur que ses prédécesseurs bondissants, Ratchet sautille sans grâce, n’atteint pas sans assistance mécanique les plate-formes supérieures. En s’aidant d’un Clank installé dans son dos, le malin animal utilise helipack,
jet pack, engin sur coussin d’air et autre grappin magnétique, pour décoller du sol. Malheureusement, cet amusant inventaire à la Prévert cache à peine la seule défaillance de cette production hyper soignée. Car aussi équipé qu’il soit, aussi rigolos que soient les ennemis, aussi flashants que soient les énormes environnements traversés par des dizaines d’engins volants (on pense à la circulation de New York du 5e élément et surtout à Coruscant, la ville aéroportuaire de Star Wars : Episode One), le monde de Ratchet & Clank est plutôt ennuyeux à traverser. Un défaut, que l’on peut rapprocher de celui des trois jeux Spyro le Dragon des mêmes développeurs, et qui n’a de toutes façons pas empêché le mignon dragon d’intéresser des millions de joueurs sur PlayStation 1.

Demi-frère avoué de l’excellent Jak and Daxter sorti l’année dernière, Ratchet & Clank partage la même technologie efficace, le même humour sain inspiré des meilleurs cartoons, et, porté par l’enthousiasme de Sony Computer, suivra sans doute son frère de sang (californien) vers le succès. Une grosse production forçant la sympathie, curieusement un peu plombée par une architecture des niveaux beaucoup trop ordinaire.

À lire : Ted Price : papa poule de Ratchet & Clank

François Bliss de la Boissière

(Publié le 28 janvier 2003 sur Overgame)

 


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