Quantum Redshift : copie conforme

Qui aurait cru que le plagiat éhonté d’un jeu modèle réussirait à dépasser le maître. C’est pourtant ce que ce clone de WipeOut réussit à faire sur Xbox.

Quantum Redshift
Depuis le succès du premier WipEout de la PlayStation, les courses d’engins futuristes sont devenues obligatoires à tout catalogue qui se respecte. Au même titre que les courses de karts fantaisistes depuis Mario Kart. Nouvel arrivant dans le monde consoles avec la Xbox, Microsoft a donc cautionné sans remords le développement externe d’une imitation flagrante de Wipeout, la série exclusive de Sony sur PlayStation 1 et 2. Seulement voilà, à la surprise générale, Quantum Redshift réussit à faire plaisir là où le dernier WipEout (Fusion) né sur la PlayStation 2 laissait un petit goût d’inachevé.

Ride sans prétention

Absolument pas prétentieuse, cette course, ou plutôt ce ride digne d’une fête foraine, surprend par sa réalisation sans faille. Sans originalité aucune, il s’agit toujours de piloter des bolides futuristes sur coussin d’air le long de circuits en montagnes russes. Non content de glisser sur des parcours déjà bien accidentés, les six pilotes ont le loisir de se tirer dessus avec des armes récupérées sur le trajet. Comme le demande le genre, le plaisir de la vitesse est souvent giflé par des explosions qui arrêtent plus ou moins brutalement l’engin. Il faut s’y faire, après tout, un indicateur aussi simple que précis signale en permanence les armes disponibles et sur quel bouton (rouge ou bleu) il faut appuyer pour les déclencher. Idem pour le bouclier salvateur placé sur le bouton jaune. Là où, stylisé à l’extrême, le design des icônes de WipEout était parfois confus, la signalétique carrée, mais pas exempt d’effets spéciaux, de Quantum Redshift est d’une évidence confondante. Il en va de même de la progression dans les niveaux de difficultés. Pour accéder à la course suivante il faut évidemment arriver premier à la précédente, mais en cas d’échec, les points bonus glanés sur le parcours sont à disposition pour améliorer les capacités techniques de l’engin. Perdre la course ne signifie donc pas perdre son temps. A chaque tentative, le pilote capitalise quelque chose. C’est malin, simple et présenté avec assez de souplesse pour devenir un exemple de conception bien pensée. A tel point que, pour profiter des 16 circuits, il faut impérativement passer par les 5 modes de difficulté, y compris le niveau Novice souvent ignoré par orgueil. La puissance de la Xbox permet évidemment d’afficher quelques effets graphiques à la mode plus ou moins réussis (le fameux bump mapping, par exemple, qui crée une illusion de relief sur les textures planes) et on s’attardera en particulier sur les gouttes de pluie lumineuses qui éclaboussent le cockpit. Car, là aussi plus fort que la pluie de WipEout Fusion, ce sont de véritables orages qu’il faut parfois traverser à toute vitesse ici (son à l’appuie en vue du cockpit).

Belles aspirations mais guère d’inspiration

Sans la collaboration de graphistes talentueux comme en avaient profité les premiers WipEout (mais pas la version PS2 justement), le design général des pilotes, des engins et des décors de Quantum Redshift manquent nettement d’inspiration. Une exigence qui s’oublie très vite une fois la manette en mains. Car, en étant à la fois précis et d’une grande générosité (pas de pénalisation en se cognant aux bas-côtés, possibilité de survoler de grands pans de décors à la recherche de raccourcis…), le contrôle des engins allie confort et efficacité redoutable. Si toutes les imitations atteignaient ce niveau, tous beaux qu’ils sont, les modèles originaux n’auraient plus qu’à se remettre en question.

Quantum Redshift (Xbox / Curly Monsters – Microsoft / 1 à 4 joueurs / 16/9e : oui / Genre : Courses futuristes / Disponible / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

Project ZERO : Clichés mortels

Qui aurait cru que la meilleure arme contre des ectoplasmes serait un appareil photo ? En transformant une fragile héroïne en paparazzi chassant les fantômes, ce survival horror dépasse les bornes d’un genre qui commençait à puer le renfermé. Enfin un nouvel air putréfié…

Project ZERO PS2
Le genre jusque-là ultra balisé du survival horror certifié par Resident Evil est en train d’évoluer de l’intérieur à un point que l’on n’imaginait pas. Silent Hill a poussé le premier la porte à l’évolution en 1999 et cette année voit la confirmation que le survival horror est capable de s’ouvrir de véritables nouvelles perspectives. Après un Illbleed audacieux entraperçu sur Dreamcast en 2001, cela se confirmera prochainement avec un Eternal Darkness littéraire sur GameCube, et cela s’apprécie sur PlayStation 2 depuis la sortie récente de Project ZERO, une réussite aussi discrète qu’inattendue.

Cliché d’horreur littéral

Tous les clichés sont donc inclus dans ce Project ZERO : le manoir hanté, l’héroïne fragile à la merci des monstres, la semi obscurité permanente, une image crapoteuse, une bande son oppressante, un rythme de jeu d’autant plus lent que le rythme cardiaque du joueur va, lui, en s’accélérant. La courageuse et belle idée de cette aventure réside d’abord sur la disparition totale de tout armement. Seule « arme » défensive entre la jeune Miku en jupe trop courte et les fantômes blafards qu’elle rencontre : un vieil appareil photo à chambre. Idée d’abord saugrenue qui s’avère excellente après usage. Même si la version burlesque du manoir hanté et de l’appareil photo de Luigi’s Mansion sur GameCube a jeté un peu de dérision dans un monde bien trop premier degré.

Appareil photo « mystique »

Capable, donc, de voir les morts comme le jeune Haley Joel Osment du 6e Sens de M. Night Shymalan – et non des zombies pour une fois, la frêle Miku devra avoir le réflexe et l’assurance minimum pour photographier les ectoplasmes fuyant le décor. Silhouette spectrale traversant le décor au loin, fantôme agressif faisant face à l’objectif, chaque photo prise aura donc une valeur chiffrée en fonction de sa teneur. Allant même sur le terrain des jeux de rôle, l’appareil photo qualifié de « mystique » a des points d’évolution oscillant entre la qualité des pellicules utilisées, la portée et la vitesse de la visée, etc. Quand il y a un problème dans une pièce, vibration de la manette à l’appui, Miku tremble jusqu’à ce que, sous l’impulsion du joueur, l’objectif de l’appareil photo repère et shoote l’anomalie. Il sera même capable de révéler des objets ou des passages dissimulés.

Nouveaux éclairages sur un genre balisé

Proche de la tension dramatique d’un Silent Hill 2 (lampe torche par exemple), ajoutant des éléments franchement hallucinatoires utilisés dans Eternal Darkness, Project ZERO surprend par son savoir faire et l’aboutissement de ses concepts. Le jeu est plein d’idées et l’on sent bien que l’inventivité et l’attention dans les détails ont compensé le manque de moyens apparents. La modélisation et le look des personnages ne sont par exemple pas très heureux, et la lenteur les déplacements à la 3e personne agace. Mais l’utilisation en vue subjective de l’appareil photo qui devient alors une mire « inoffensive » est vraiment intuitive et souple. Et toute l’interface est agréablement au service du joueur. Sans révolutionner le genre, Project ZERO reprend la torche de l’évolution du survival horror tenue jusque là par Silent Hill 2 et lui ouvre de nouveaux horizons. Un horizon sombre et effrayant, bien entendu.

Project ZERO (PlayStation 2 / Tecmo – Wanadoo / 1 joueur / Mode 50-60 Hz : oui / V.A. Sous-titrée / Sauvegarde gourmande : 1,8 Mo / Genre : Survival-Horror / Disponible / Score : B)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

Eggo Mania : oeufs maçons

Las des effets plein la face de la production jeux vidéo nouvelle génération, il devient urgent de se simplifier la vie avec un Tetris-like aussi maniable que relaxant.

Eggo Mania

Le jeu vidéo se prend si souvent au sérieux avec ses scénarios alambiqués, ses musiques prétentieuses, ses univers surchargés, qu’il est rafraîchissant de retourner de temps en temps aux origines toutes simples du loisir interactif. Sur Game Boy et sûrement sur l’écran des ordinateurs de bureaux, Tetris, casse-briques ou Shanghai sont toujours vivaces et, n’en déplaise à la course affolante aux effets spéciaux, il n’en faut finalement pas plus pour faire un jeu vidéo. Les plus anciens gamers se dirigent en toute logique vers les logiciels disponibles sur Internet qui émulent les bornes d’arcade ou les consoles d’antan et se complaisent alors à retrouver des sensations nostalgiques.

Old school consensuel

En ce nouveau millénaire, les joueurs contemporains las de l’emphase des productions actuelles, et les néophytes du jeu vidéo peuvent alors se retrouver sur des jeux old school si évident qu’ils en deviennent consensuels. Anachronisme charmant, le petit Eggo Mania récemment disponible sur toutes les consoles surpuissantes du marché (et sur GBA) ne nécessite pourtant pas beaucoup de ressources. Héritier parmi tant d’autres du Tetris original inventé par Alexey Pajitnov, le jeu demande tout simplement de récupérer des morceaux de briques tombant du haut de l’écran pour édifier un mur commençant au bas de l’écran. Décidé à ne pas se prendre au sérieux, Eggo Mania s’amuse alors avec le principe d’empilage de briques cloné sur Tetris. Toujours face à un écran vertical rectangulaire où tout se passe, le joueur contrôle un petit personnage rondouillard sans jambes ni bras ni cou, mais avec des mains, des pieds et une tête. Un œuf humanisé donc, assemblé comme le célèbre Rayman. C’est donc cet œuf staïlé en Coolio, en diablotin, en DJ ou en samouraï (13 en tout) qui fait tout ce qu’il faut pour construire son mur le plus vite possible. Très intuitivement sous le contrôle de la manette, Yolko, Astro ou Funky, sautent pour attraper les morceaux de briques aux formes diverses qui tombent du ciel. Une fois la brique entre les mains, le petit bonhomme doit choisir où la poser pour que son édifice s’élève sans s’effondrer. Et il faut faire vite puisque pendant le temps de décision d’autres morceaux de briques tombent inutilement, le chronomètre défile, et le niveau de l’eau monte en bas de l’écran révélant que des mauvais choix conduiront à la noyade. Selon les modes de jeu en solo ou contre un adversaire construisant en simultané et sous les mêmes contraintes un mur de son côté, il faudra arriver le premier en haut de l’écran tout en résistant à divers aléas : bombes jetées par l’adversaire, oiseaux voleurs de briques, crocodiles sauteurs…

En paix

Curieusement, alors que le principe du jeu devrait conduire très vite à l’hystérie, le rythme imposé par les animations rondouillardes, les musiques enfantines de la dizaine d’environnements graphiques (fête foraine, usine, maison hantée…), les temps de chargements un peu exagérés entre parties (version PS2), les modes d’initiation simples et conviviaux, la maniabilité douillette et le côté minimaliste de l’ensemble, laissent l’esprit plutôt en paix. A condition toutefois de ne pas être irrité par le côté bon enfant de l’affaire et un prix de vente outrageusement égal à celui des super productions du jeu vidéo.

Eggo Mania (PS2 – GameCube – Xbox – GBA / Kemco / 1 à 2 joueurs / Genre : Puzzle-Action / Disponible / Score : C)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

Onimusha 2 Samurai’s Destiny : Résurrections

Sous les traits d’un véritable acteur japonais mort il y a 13 ans, un jeune et viril Samouraï virtuel part en guerre contre le vilain Seigneur Nobugana Oda lui aussi ressuscité. Après 2000 ans de civilisation, technologie et magie se rejoignent donc pour contenir la mort…

Onimusha 2 Samurai’s Destiny

Pendant que le cinéma se pose des questions existentielles insondables sur la légitimité des acteurs virtuels (S1m0ne actuellement en salle, ou le film Final Fantasy), le jeu vidéo plonge sans dilemme dans le cœur du sujet. Utilisant le procédé de motion capture pour mimer mouvements du corps et, même, expressions du visage, le premier jeu Onimusha avait fait appel à des vrais acteurs pour prêter corps et voix à des personnages recréés en 3D. Pour Onimusha 2, le studio Capcom fait encore plus fort en utilisant, pour le personnage principal, les traits d’un acteur célèbre au Japon (Masadu Matsura) mais décédé en 1989 ! Le fantasme de faire revivre les acteurs via des images de synthèses est donc déjà à portée de mains des concepteurs de jeux vidéo. A quand un jeu avec Marilyn Monroe, Elvis Presley (c’est vrai que d’après certaines rumeurs, le King n’est pas forcément mort, lui), Humphrey Bogart, ou, pour rester en France : Jean Gabin, ou Patrick Dewaere ?

Motion capture de luxe

Tel que le révèlera le Making Of accessible dans la partie Museum du soft, tous les personnages jouables et non jouables, du jeu proprement dit comme des magnifiques cinématiques d’introduction, ont été créés en passant par la luxueuse motion capture. Y compris les chevaux ! Les comportements et gestuelles de tous les protagonistes sont donc criants de réalisme et même souvent stylisés. Utilisant la même technique un peu vieillotte des Resident Evil, qui mélange décors 2D et personnages 3D, Onimusha est en effet mis en scène avec précision et même, parfois, avec recherche. Les plans uniquement fixes cherchent le bon compromis entre dramatisation et accessibilité pour jouer. Car, belle aventure scénarisée, il s’agit bien d’un jeu d’action, vif et saignant comme l’aiment les gamers.

N’est pas Ran samouraï qui veut

C’est d’ailleurs un des grands autres paradoxes de ce jeu vidéo en provenance du Japon, emblématique de l’approche très sérieuse des développeurs japonais. Le réalisme des animations n’a d’égal que dans la fidélité de la reconstitution graphique d’un Japon féodal du 16e siècle. Au cinéma, des costumes aux architectures, des batailles colossales aux discrètes scènes rurales, une telle reconstitution maniaque d’un Japon de l’an 1560 serait reconnu au même titre qu’un Ran d’Akira Kurosawa (1985). Ici, parce que le jeune samouraï en quête de revanche se bat à coup de sabres aux côtés d’une troupe d’aventuriers typés, éventre les démons dans des gerbes de sang, utilise des armes blanches soutenues par des magies fantaisistes, trouve comme par hasard des coffres plein de bonnes choses sur sa route, Onimusha 2 ne reste qu’un produit de loisirs pour acharnés de la manette. Mais quelle réalisation haut de gamme !

Onimusha 2 : Samurai’s Destiny (PlayStation 2 / Capcom / 1 joueur / Mode 50-60 Hz : oui / V. A. sous-titrée / Genre : Action-Aventure / Disponible / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

The Thing : Cette chose nommée licence

Pourquoi un film culte de 1982 engendre-t-il un jeu vidéo prometteur mais mal dégrossi en 2002 ? Parce que le prix d’achat de la licence absorbe l’essentiel du budget de développement. Sale histoire…

The Thing Xbox

Autant que l’on s’en souvienne, le film The Thing de John Carpenter datant de 1982 (20 ans !) n’a pas coûté bien cher. Il s’agissait même sûrement d’un petit budget. Le film pourtant ne fait toujours pas fauché et on n’y repère pas de problèmes techniques comme des fautes de raccords de plans, des perches de micro visibles dans le cadre, des dialogues ratés, des sautes de sons ou des notes de musiques sonnant faux. Malgré les moyens rudimentaires de l’époque, les effets spéciaux animant la créature étaient même crédibles, voire impressionnants. Et surtout, le jeu des acteurs étaient assez convaincants pour faire croire au suspens que le scénario voulait faire passer. Comment se fait-il que 20 ans plus tard, un jeu chargé de la licence d’un film culte qui, aux côté d’Alien, est à l’origine de nombreux jeux vidéo y compris le genre si populaire du Survival-Horror, soit techniquement si peu abouti ? Pourquoi un jeu avec une telle filiation souffre de défaillances provoquant presque l’hilarité : personnages passant à travers les portes comme si elles n’existaient pas, affichage saccadé des décors, ennemis surgissant du vide, visée hasardeuse, etc… ?

Jeu vidéo, 12% du budget du film

Une étude récente du Département des études et de la prospective donne une partie de l’explication. Elle révèle en effet que dans le prix de fabrication d’un jeu vidéo en France, 12 à 20% seulement du budget est alloué au développement proprement dit, et quand il y a achat de licence comme celle prestigieuse d’un film, c’est le même budget développement qui paie la dite licence. Combien reste-t-il ensuite d’argent aux développeurs pour réaliser un jeu derrière le nom célèbre ? On comprend alors facilement pourquoi si peu de jeux récupérant l’héritage d’un film, ou d’une BD, soient à la hauteur de créations originales.

Sur le papier ça va, mais…

Cette tentative de déclinaison du film The Thing en jeu vidéo a pourtant quelques bonnes idées sur le papier. Un commando est envoyé secourir une base scientifique perdue en Antarctique. Comme dans le film, scientifiques et, très vite, les hommes armés, se font décimer un à un par une créature mutante capable, notamment, de se camoufler dans un être humain avant de le consumer de l’intérieur. Essayant de recréer la paranoïa du film, le Capitaine Blake du jeu vidéo doit se préoccuper de l’humeur de sa troupe. Des jauges de confiance réciproques, et de peur, permettent au héros de surveiller l’état mental de ses partenaires pour éventuellement ajuster son comportement en conséquence : calmer un inquiet en lui donnant des tranquillisants, éliminer sans hésitation un éventuel porteur de La bête…. Via un menu d’icônes, Blake donne des ordres succincts à sa petite troupe qui tente alors tant bien que mal d’obéir : le technicien répare les fusibles, l’infirmier soigne un blessé, le soldat participe activement au coup de feu. L’idée est belle mais la réalisation est hélas approximative.

Doublage au niveau des films pornos

Excessivement verbeux, le début du jeu se voulant didacticiel, stigmatise le problème : les idées sont là, nombreuses, décrites en détails pour être sûr que le joueur comprenne bien, mais une fois dans le jeu proprement dit, mal réalisés, les concepts tombent à plat. La version Xbox affiche pourtant facilement des décors et des éclairages convaincants, le son fait aussi parfois illusion, et les déplacements à la 3e personne sont agréables. Mais à la seconde où les personnages dialoguent (en français), toute tentative de dramatisation jette le joueur spectateur dans la consternation. Tant que le jeu vidéo se contentera de scénarios mal dégrossis et de doublages du niveau des films pornos, le cinéma restera sans effort le véhicule privilégié de l’émotion et le jeu vidéo dans un ghetto culturel.

The Thing (Xbox / PS2 / PC / VU Games / Black Label Games / 1 joueur / Genre : Survival Horror / Sortie 27-09-2002 / Score : C)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

Silent Hill 2 : Cauchemar sans fin

David Lynch, Francis Bacon et quelques autres sont les inspirations d’une aventure intérieure conçue sans concession par trois jeunes concepteurs japonais de jeu vidéo. Commencé sur consoles Sony, le mauvais rêve de Konami continue son purgatoire sur la console de Microsoft.

Silent Hill 2 Inner fears Xbox

La plupart des jeux poussent le joueur à s’extérioriser. Destruction, course au score, massacres en masse ou au détail contribuent à la même catharsis. Le jeu en général sert à évacuer fantasmes et trop plein d’énergie. A contre-pied de ce qui est attendu, l’ambiguë aventure de Silent Hill 2 conduit le personnage principal du jeu, et donc le joueur, à l’introspection, à la rétention d’énergie. Point d’euphorie ici, nulle récompense ni bons points ne sont à attendre. Le jeu fonctionne plutôt en termes de soulagements progressifs. Soulagement quand le crissement insupportable d’un monstre rampant s’arrête, soulagement quand une porte parmi les dizaines de la ville abandonnée accepte enfin de s’ouvrir, soulagement quand un poème ésotérique donne accès à une nouvelle clé… Il y a autant de différences entre Silent Hill 2 et le reste de la production des jeux vidéo qu’entre un film de David Lynch et un blockbuster à la Michael Bay.

Au-delà du jeu vidéo et de la pop culture

L’œuvre renfermée des trois artistes japonais de Konami – un producteur designer, un musicien et un concepteur animateur (marionnettiste virtuel), puise son inspiration bien au-delà du jeu vidéo et de la culture pop habituelle. La balade rock acoustique, déchirant thème mélancolique principal de l’aventure, introduit gentiment une effrayante bande son bruitiste que ne renierait pas le David Lynch d’Eraserhead. Le design des monstres informes descend explicitement des peintures écorchées vives de Francis Bacon, leur animation au film l’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne. Le rythme des évènements et des maigres dialogues renvoient encore une fois à David Lynch, celui de l’insaisissable ville perdue de Twin Peaks. Alors que, vague satisfaction primitive de joueur, le dénommé James Sunderland à la recherche de sa femme morte mais peut-être vivante, élimine jusqu’à l’écœurement les monstres à coup de barre à mine ou de talon, l’approximation volontaire des contrôles rend l’affaire hasardeuse, irritante. L’empathie entre le joueur et le pauvre James si peu maître de la situation fonctionne sur des sentiments d’incertitudes partagés, d’aveuglements réciproques provoqués autant par le brouillard omniprésent que par une histoire dont on ne sait pas si elle existe de manière objective ou si elle est cauchemardée par James.

Purgatoire interactif

Peut-être le purgatoire intemporel de James, ou celui de sa femme Mary qui envoie apparemment des lettres de l’au-delà, l’histoire de Silent Hill 2 continue son parcours existentiel sur la Xbox après avoir marqué la PlayStation 2. Juste pour lever un peu le voile, non sur le mystère mais sur le remarquable travail graphique, une nouvelle option permet de supprimer l’effet granuleux, de sous-exposition volontaire de l’image. Une fonction qu’on laissera scrupuleusement de côté pour apprécier à sa juste le valeur l’équilibre voulu par les auteurs. Il faudra aussi sans doute s’abstenir de traverser le chapitre inédit et indépendant de cette version Xbox avant d’avoir fini l’aventure principale. Quête introspective inédite dans le jeu vidéo, Silent Hill 2 accuse sans doute quelques flottements. Mais comme tout travail artistique et de recherche, ce jeu là n’est qu’une des marches de l’escalier qui conduit inexorablement le jeu vidéo vers l’âge adulte.

Silent Hill 2 : Inner Fears (Xbox / Konami / 1 joueur / Genre : Survival Horror cérébral / Sortie 4-10-2002 / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

Ferrari F355 Challenge : L’étalon italien

La sortie sur PS2 de cette élitiste simulation automobile déjà pratiquée sur Dreamcast en 2000 rappelle une chose : le réalisme d’une simulation doit s’arrêter là où le joueur ne s’amuse plus. A moins que l’apprenti pilote soit aussi courageux que humble…

Ferrari F355 Challenge

La haute technologie entre les mains des meilleurs développeurs peut conduire directement au mur. C’est que révèle ce F355 Challenge signé Yu Suzuki, le créateur célèbre de Sega (de Outrun à Shenmue). Projet de salle d’arcade comprenant un cabinet entier et trois écrans pour reproduire une vue cinémascope, adapté efficacement en 2000 sur console Dreamcast, F355 Challenge a fait la double démonstration du talent de Yu Suzuki et de l’élitisme de sa démarche. La marque mythique italienne (Ferrari), un seul modèle à conduire (la fameuse F355), une dizaine de circuits réels dessinés au cordeau, une seule position pour conduire : derrière le volant. A l’heure où tous les jeux de course automobiles tentent d’offrir des centaines de véhicules, des dizaines de circuits et de modes de jeu, la concentration de ce F355 Challenge est stupéfiante, pour ne pas dire kamikaze.

Jouer n’est pas gagner

Conduire la Ferrari de Yu Suzuki ce n’est pas jouer pour gagner, c’est jouer pour apprendre à conduire, essayer de dompter un étalon automobile aussi prompt à démarrer qu’à désarçonner. Flatté par les jeux du marché faciles d’accès, habitué à gagner des courses improbables dans des circonstances invraisemblables, le candidat à F355 Challenge devra réapprendre la modestie, l’humilité. Les circuits officiels du Japon (Suzuka, Sugo…), d’Italie (Monza) ou des Etats-Unis (Atlanta…) sont aussi fidèles et arides que la réalité. Le contrôle du véhicule qui dépend de réglages hyper pointus n’est vraiment possible qu’avec toutes les assistances activées. Et même comme cela, l’apprenti pilote ne pourra pas rattraper la voiture une fois partie en dérapage dans un virage, ne saura pas freiner à temps avant une chicane. A 260 km/h, les panneaux d’avertissement le long des parcours défilent bien trop vite pour être d’un grand secours, surtout quand il faut tenir sans ciller les rênes d’un animal presque sauvage. Gagner les courses du Championnat ou même du mode Arcade contre les 7 autres concurrents du programme est si difficile que cette version PlayStation 2 offre d’emblée la possibilité de concourir sur les 11 circuits disponibles. Au moins pour le plaisir. Sur Dreamcast, cinq d’entres eux étaient verrouillés et forçaient à gagner sur les autres avant d’être accessibles !

Une seule concession « grand public »

Autre concession grand public de cette adaptation PlayStation 2, l’apparition d’une vue externe pour conduire qui confirme, avec les Replays peu crédibles, que le jeu ne se situe pas là. Encore une fois, plus proche d’une simulation hyper réaliste que d’un jeu vidéo, le travail de Sega se goûte de l’intérieur du véhicule, si possible avec un volant puisque le jeu le permet fort logiquement. Les puristes de la conduite, puisque c’est à eux que le jeu s’adresse avant tout, reconnaîtront que la version Dreamcast est meilleure que la toute nouvelle PlayStation 2. Mais que cela n’empêche pas les courageux d’essayer, la sensation de conduite est époustouflante, et les ciels au-dessus des circuits sont absolument magnifiques. Quoi qu’il en soit, que l’on réussisse ou pas à dompter la bête, pour le prix d’un jeu vidéo, n’importe qui peut dorénavant prétendre avoir une Ferrari sur son étagère. Même hyper réaliste, le jeu vidéo reste du rêve.

Ferrari F355 Challenge (PlayStation 2 / Sega / 1 à 2 joueurs / 60Hz : oui / 16/9e : oui / Genre : Simulation automobile élitiste / Sortie 25-09-2002 / Score : B)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.