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Best of films 2024 : Entrechocs de civilisation

Jamais autant notre civilisation occidentale n’aura été aussi déchirée, n’aura remis autant en question nos acquis sociaux et humanistes. Et le cinéma, encore une fois, par miracle, réussit avec quelques films à mettre le doigt là où cela fait mal d’hier jusqu’à demain au nom de politiques accros au pouvoir (The Zone of Interest, Civil War), et où cela pêche au nom de croyances religieuses elles aussi accros au pouvoir (Conclave, Firebrand). Pas étonnant alors que, dans le même geste, un autre nombre de films puise dans ces mêmes entrechocs de civilisation le besoin de faire renaitre les créatures humaines que nous sommes. De celles qui rêvent et s’inventent une autre vie que celles imposées par le hasard (Anora, Emilia Pérez, The Outrun, Alien : Romulus). Heureusement que ces films existent pour mettre en scène l’espoir, car l’alternative à cette transmutation salvatrice serait un désir de mort et une planète forcée au silence comme le met bien en scène A Quiet Place : Day One.

Autant l’avouer d’entrée, je n’ai vu que 4 films en salle cette année. Pour toutes les raisons hygiénistes et d’impatience collective imaginables (voir explications 2023). Il m’a fallu la promesse de spectaculaires films d’auteur en IMAX de Civil War, Furiosa, Dune 2, A Quiet Place et les doux singes de Kingdom of the Planet of the Apes pour me décider. Heureusement tous les films finissent par se rendre rapidement disponibles en VOD et, de plus en plus souvent, dans la même année que leur sortie en salle. Il doit manquer dans mon échantillonnage une poignée de films français pas encore accessibles en streaming. J’ai quand même vu et apprécié Le Comte de Monte-Cristo et je retiens mon souffle en attendant L’ Amour ouf.

J’ai donc vu 194 films cette année dont 84 sortis en 2024 en salle ou directement en VOD SVOD.

Mes 10 films préférés de 2024

  • Civil War (de Alex Garland)
  • The Zone of Interest (de Jonathan Glazer)
  • Conclave (de Edward Berger)
  • Anora (de Sean Baker)
  • Poor Things (de Yorgos Lanthimos)
  • Emilia Pérez (de Jacques Audiard)
  • The Outrun (de Nora Fingscheidt)
  • Firebrand (Le jeu de la Reine) (de Karim Aïnouz)
  • Alien : Romulus (de Fede Alvarez)
  • A Quiet Place : Day One (de Michael Sarnoski)

Mentions spéciales…

Les grosses suites qui font beaucoup mieux que démériter… Elles ne surprennent pas comme leurs premiers opus mais elles entretiennent bien la flamme et la « suspension of disbelief » au cinéma. En se servant notamment avec intelligence des effets spéciaux vraiment au service du récit et de leurs mondes de fiction…

  • Furiosa : A Mad Max saga (de George Miller)
  • Dune : Part Two (de Denis Villeneuve)
  • Kingdom of the Planet of the Apes (de Wes Ball)

Des indés dans le top aussi (si je validais un top 20 plutôt qu’un top 10)

Plein d’énergies, de tripes et de sang, de dialogues qui fusent, de tête-à-tête d’acteur-rices, de rock’n roll, de sujets (dé)culottés…

  • Love Lies Bleeding (de Rose Glass)
  • MaXXXine (de Ti West)
  • Daddio (de Christy Hall)
  • LaRoy, Texas (de Shane Atkinson)
  • Heretic (de Scott Beck)
  • His Three Daughters (de Azazel Jacobs)
  • The Substance (de Coralie Fargeat)

Les déceptions craintes et confirmées 

Ridley Scott en tête, nos réalisateurs de films cultes restent de bons filmeurs mais – au secours –  ont complètement perdu la boussole de la structure d’un bon récit…

  • Gladiator 2 (de Ridley Scott)
  • Napoléon (de Ridley Scott)
  • Ferrari (de Michael Mann)
  • Rebel Moon – Part Two : The Scargiver (de Zack Snyder)

Les déceptions inattendues et attristantes

Il y a clairement dans ces films le sang et les larmes de réalisateurs (/acteurs) habités par leurs sujets, mais le résultat final, maladroit, tombe à côté de l’ambition. Ce qui veut être raconté l’est mal.

  • The Bikeriders (de Jeff Nikols)
  • Horizon : An American Saga Chapter 1 (de Kevin Costner)
  • The Dead don’t hurt (de Viggo Mortensen)

Ma synthèse top 10

Sans conteste, au centre de trois films d’affilés complètement différents, le talent de Cailee Spaeny s’est irrésistiblement imposé en 2024. De la passive fiancée d’Elvis Presley dans Priscilla (sorti en France en janvier 2024) qui perd ensuite sa naiveté et virginité métaphorique de photographe de guerre dans Civil War jusqu’à devenir une force en marche à la Ripley dans Alien : Romulus, son mélange de candeur enfantine et de force tranquille fait des ravages. Va-t-elle pouvoir enchaîner avec des rôles aussi forts et ce, sans se faire emprisonner dans les bulles digitales Marvel/DC ? Les occasions ne sont pas si fréquentes.

2024 est aussi l’année qui consacre définitivement en auteurs désormais majeurs. des réalisateurs jusque-là remarqués pour leur singularité. De films en série (excellent et fascinant Devs), Alex Garland confirme avec Civil War un regard d’une acuité exceptionnelle sur nos sociétés de l’ouest du globe. Dix ans après Under the Skin et vingt ans après Birth, aussi plastiquement beau que tétanisant, l’historiquement indispensable The Zone of Interest propulse Jonathan Glazer en réalisateur qui compte pour de bon. Lui aussi d’une puissance visuelle intimidante dans un film également murmuré, Conclave confirme que le réalisateur allemand Edward Berger responsable déjà de la claque militaire surprise All Quiet on the Western Front de 2022, a une vision profonde du monde qui nous anime. L’enivrante énergie d’Anora de Sean Baker qui nous a obligé à aller voir d’urgence son précédent film presque aussi fou Red Rocket, installe le réalisateur de The Florida Project, aux côtés de notre bien-aimé Jacques Audiard, des réalisateurs/auteurs capables d’offrir à leurs personnages les plus beaux voyages vers de nouvelles vies. Et donc des renaissances. Un chemin vers une nouvelle lumière qu’accomplit également Saoirse Ronan grâce à son interprétation magistrale bien sûr, mais aussi à la mise en scène et au montage de la réalisatrice Nora Fingscheidt de The Outrun dont on guettera avec ferveur le prochain film. Quant à Firebrand (renommé avec trop de facilité Le Jeu de la Reine), il met en scène la résilience féminine contre obscurantisme et patriarcat encore d’actualité aujourd’hui. Un film historique qui redonne enfin à Alicia Vikander une présence à la hauteur du rôle où son talent a explosé en 2012 : A Royal Affair.
Enfin, pour revenir à la culture purement pop, le Alien de Fede Alvarez presque comme le Blade Runner de Denis Villeneuve prouve qu’avec talent et respect il est possible de refaire du neuf avec du vieux. Alien : Romulus n’a pas la classe de Blade Runner 2049 mais il a la même compréhension intime de sa source qui fait qu’il la prolonge sans pour cela abîmer ou détourner l’héritage de façon purement mercantile (ce qu’a malheureusement fait l’inconséquent Ridley Scott avec son propre Gladiator 2).

François Bliss de la Boissière

Relecture DanyBliss
(Photo de Une : Civil War / Cailee Spaeny / DR)
(Poster ci-dessous © Andrew V.M.)

Best of Séries 2024 : Ripley, Fargo… chefs-d’œuvre en mode replay

Les mini-séries semblent en augmentation plutôt que les saisons dont on ne voit jamais la fin, voilà une bonne nouvelle. Savoir que la trame sera complète sur 4 ou 6 épisodes revient à accepter un contrat de visionnage, certes plus long qu’un film, mais complet. Bonus bâtard acceptable aussi : les demies saisons qui deviennent des finales… J’ai ainsi parcouru presque jusqu’au bout une quarantaine de séries cette année…

Mes 10 séries préférées de 2024…

  • Ripley (mini-série)
  • Fargo (saison 5)
  • Alice & Jack (mini-série)
  • The Penguin (saison 1)
  • Hippocrate (saison 3)
  • Feud : Capote vs The Swan (mini-série)
  • La Maison (mini-série C+)
  • La fièvre (mini-série C+)
  • Yellowstone (saison 5 finale)
  • Landman (saison 1)

Et aussi…

  • La Diplomate (saison 2) 
  • Expats (mini-série)
  • La Palma (mini-série Norvège/ Netflix)
  • Penelope (mini-série, encore inédite en France ?)

Ripley, l’inattendue adaptation N&B du roman Le Talentueux Mr Ripley de Patricia Highsmith remplace en un magnifique coup de grâce esthétique les versions cinéma de René Clément (Plein Soleil, 1960) et d’Anthony Minghella avec Matt Damon (1999). De toute beauté, impressionnants de maîtrise visuelle et sonore, les 8 épisodes de cette mini-série diffusée sur Netflix s’impose comme une oeuvre cinématographique majeure.

Pouvait-on encore attendre une surprise dans l’univers désormais bien balisé du Fargo des frères Cohen après un film et 4 saisons traitées comme une anthologie ? À cette question, le showrunner et scénariste Noah Hawley a livré une réponse sans équivoque. Oui et plus que oui. Saisissante à tous points de vue, cette saison 5 est sans doute la meilleure. D’une cruauté terrible, avec des personnages d’une candeur invraisemblable, des acteur-rices complètement habités, un contrôle incroyable du tempo et des situations tragico-comiques, la saison déroule un manifeste féministe autant qu’une dénonciation de l’Amérique nationaliste que l’on regarde éberlué les yeux dans les yeux, larmes de sang au coin de l’oeil. D’une présence incroyable malgré sa taille menue, Juno Temple au centre du récit devra recevoir toutes les récompenses du monde pour son rôle et son accent hilarant du Minnesota. Monstrueusement odieux et charismatique, Jon Hamm engloutit enfin son personnage de Don Draper des Mad Men dans un rôle de shérif sécessionniste « constitutionnel » qui ne s’oubliera pas non plus.

Dans le registre rôle à transformation, Colin Farrel réussit lui aussi un tour de force sous le lourd maquillage du Pingouin de Batman sans Batman. Au-delà du personnage lui-même, la série s’appuie sur un très bon scénario axé sur la psyché bien tordue des personnages (mention spéciale à Cristin Milioti qui s’impose durablement dans le rôle de femme fatale sociopathe de Sofia Falcone) et un Gotham qui ne démérite pas du film de Matt Reeves. Le générique illustré inhabituellement placé en fin d’épisodes est lui aussi une totale réussite.

Une nouvelle fois passionnante et cette fois presque à nu, Andrea Riseborough livre aux côtés de Domhnall Gleeson un numéro d’équilibriste dans une histoire d’amour insaisissable particulièrement juste et émotionnelle. Alice & Jack frôlerait le mélodrame si la justesse des dialogues ne mettaient à distance toute tentation de sentimentalisme excessif. Bouleversant malgré tout, d’où la réussite.

L’intarissable dialoguiste et scénariste Taylor Sheridan est tellement sur tous les fronts, y compris en tant qu’acteur dans ses séries, que cela en devient inquiétant, entre génie et égo-narcissisme. La finale excessivement larmoyante de Yellowstone qui se joue quasi exclusivement autour de la mort du personnage absent/démissionnaire de Kevin Costner renvoie avec une étonnante ironie à l’un des tout premiers rôles de l’acteur bougon, pour ne pas dire toujours fâché à l’écran. En effet, dans le très aimé The Big Chill de 1983 signé Lawrence Kasdan, des amis de longue date se retrouvent lors du décès précipité de l’un d’entre eux. Le mort en question aimé de tous est interprété par… Kevin Costner qui sera entièrement coupé au montage ! Curieux parallèle 40 ans plus tard.
Plus réussie que l’autre nouvelle série (paramilitaire) Lioness écrite par l’inévitable Taylor Sheridan, la saison 1 de Landman a le mérite de mettre à jour le fonctionnement de l’industrie aux mains sales du pétrole au Texas. Le tout avec des personnages féminins très hauts en couleurs dont se sort fort bien des clichés la volcanique, et sans doute bipolaire, Ali Larter. Tout aussi viriliste que soient les séries de Sheridan, celui-fait naître à chaque fois des personnages féminins aussi forts, sinon plus, que les hommes autour. Quitte à leur écrire des dialogues… exagérément couillus.

François Bliss de la Boissière

(relecture danybliss)
(Photo de Une : Ripley / Netflix (DR))

Juno Temple / Fargo Saison 5 (DR)

Best of jeux 2024 : La monnaie de singe du l’industrie du jeu vidéo

On ne va pas faire ici le énième procès de l’industrie en crise du jeu vidéo qui nous vend de la pure magie interactive tout en martyrisant ses artisans et talents. Sinon en rappelant que, dans les années 80, le Japon a sauvé in extremis le jeu vidéo occidental du crash total. Et aujourd’hui, dans un effet miroir élargi saisissant, c’est de Chine, de Corée du Sud et bien sûr du Japon, d’Asie donc, que le jeu vidéo retrouve un nouveau souffle là où l’occident s’étouffe sur lui-même.

Mes 10 jeux préférés de 2024…

  • Black Myth : Wukong
  • Still Wakes the Deep 
  • Astro Bot 
  • Robocop : Rogue City
  • Granblue Fantasy : Relink
  • Silent Hill 2 Remake
  • System Shock Remake
  • Animal Well
  • Indiana Jones and the Great Circle
  • Prince of Persia : The Lost Crown 

Pour la troisième fois après Returnal puis Elden Ring, me voilà en train de placer en haut du podium un jeu à la difficulté, en ce qui me concerne, insurmontable. Une difficulté dite hardcore que d’ordinaire je condamne quand les jeux en question (suivez mon regard : les productions From Software) conduisent à un mur non pas « invisible » mais qui demande un tel effort, voire une telle dextérité, qu’il décourage le commun des gamers mortels. On pourrait mettre ça sur le compte de mes mains de moins en moins habiles, certes, mais en vérité, je n’ai jamais été un surdoué de la manette (demandez à mes anciens camarades d’Overgame). Ce qui ne m’a jamais empêché de jouir de la richesse du jeu vidéo sous toutes ces formes depuis sa naissance dans les années 70. Ce qui sauve un peu Black Myth Wukong, comme Returnal et Elden Ring auparavant, et qui donne l’opportunité d’apprécier et comprendre sa valeur manettes en main, c’est qu’il permet de jouer un bon moment avant de se heurter au mur de titanium de tel ou tel magnifique boss à la barre de santé interminable. La structure plus ou moins monde ouvert – ou constituée « d’espaces ouverts » comme le revendiquent certains professionnels du jeu vidéo (les devs vétérans de Yellow Brick Games pour leur prochain jeu Eternal Strands), de ces trois jeux ne punit pas immédiatement le joueur. Il est ainsi possible d’explorer une partie des alentours, de comprendre les mécaniques de jeu, de se frotter à plusieurs sortes d’ennemis plus moins coriaces. Je maintiens que, bien qu’elle séduise un public se croyant élitiste, ce type de difficulté radicale est une erreur culturelle et même commerciale. Car si les développeurs veulent fanfaronner et flatter un public restreint mais hardcore lors de la première commercialisation de leur jeu, pourquoi ne pas proposer des options d’accessibilité six mois, ou même un an plus tard, pour se (re)trouver un nouveau public et relancer les ventes ? Contrairement à des jeux plus modestes qui cachent leur misère par une difficulté ingrate héritée des salles d’arcade, la richesse du contenu de Returnal, Elden Ring et Black Myth Wukong est bien assez énorme pour ne pas avoir à priver une grande majorité du public jeu vidéo. À l’heure des étonnants modes d’accessibilité à la carte des AAA les plus aboutis, cette difficulté encore assumée par certains studios est surtout synonyme d’immaturité et d’impolitesse. C’est dit.

En pratiquant 163 jeux, dont 71 inédits ou rééditions en 2024, je n’ai jamais autant fréquenté le jeu vidéo que cette année. Évidemment je ne vois que très rarement le terminus des jeux, même ceux qui me plaisent et qui conviennent à mes doigts. Un jeu chasse l’autre trop vite et ma curiosité reste insatiable. Et la plupart dissimulent mal des boucles de gameplay qui ne justifient pas spécialement de s’y attarder plus que quelques heures. En revanche, c’est à la fois une malédiction et un bonheur, un jeu apprécié non terminé est un jeu dans lequel j’ai toujours envie de retourner. Héritage de ma culture cinéma, je privilégie les jeux immersifs dans lesquels retourner consiste surtout à réouvrir en quelques clics une fenêtre sur un autre monde. La controversée et malgré tout spectaculaire PlayStation 5 Pro est, à ce titre, devenue le meilleur portail d’immersion sur grand écran.

Les rééditions/remakes/remasterisations exceptionnel(les)

  • Final Fantasy VII Rebirth 
  • Horizon Zero Dawn Remastered
  • The Last of Us Part II Remastered
  • Sonic X Shadows Generations
  • Mario versus Donkey Kong
  • Luigi’s Mansion 2 HD
  • Super Mario RPG 
  • Epic Mickey Rebrushed
  • Riven PC/Mac (Mac/PC : en attente urgente d’une adaptation consoles)

Les magnifiques indés

  • Nobody Wants to Die
  • Harold Halibut
  • The Möbius Machine
  • Abriss (PS5)

Le DLC le plus fou…

Les AA/A aussi dans la liste des best of 2024…

  • Outcast : A New Beginning
  • Stellar Blade 
  • Hunt : Showdown 1896
  • SandLand 
  • Visions of Mana
  • Warhamer 40 000 : Space Marine II 
  • Metro Awakening VR
  • Zelda : Echoes of Wisdom
  • STALKER 2 : Heart of Chornobyl 

Note finale. Le procès de qui finalement ?

Une grosse larme pour le d.o.a. Concord, symptôme le plus spectaculaire du problème actuel qu’affronte l’industrie du jeu vidéo. L’interface, l’ambiance, le lore, le touché, les graphismes de Condord étaient tous classieux et irréprochables. Et si l’on identifie facilement les soi-disant erreurs de l’éditeur ou du studio, cela n’explique pas le désintérêt si total du public visé. Sinon à qualifier de moutonnier (ou effet de meute) le public ordinaire des shooters multijoueur. Car si les décideurs de l’industrie du jeu vidéo sont coupables de mauvaise gestion, quid du public lui-même aux choix douteux de consommation. À commencer par la population mono-jeu bloquée sur un seul univers. Ne faudrait-il pas s’atteler surtout à les arracher à ce monothéisme vidéoludique plutôt que de les encourager soit à y rester, soit à tomber dans la secte interactive d’à-côté ? Je conserve précieusement la version boite PS5 de ce Concord symbole de la cicatrice indélébile que laissera l’année 2024 dans le jeu vidéo.

François Bliss de la Boissière

(Relecture danybliss)

Best of séries 2023 : et la série recréa la femme

Est-ce un choix personnel involontaire, ou une tendance générale ? La grande majorité des séries passionnantes et originales de l’année 2023 mettent en avant le woman power. Soit elles prennent une revanche justifiée sur les affreux bonshommes (Copenhagen Cowboy, The Lost Flowers of Alice Hart…) soit, quels que soient le lieu ou l’époque, elles résistent de toutes leurs forces et qualités au patriarcat (The Diplomate, The Morning Show, The Offer…) Dans tous les cas, alors que la société occidentale peine encore à vraiment donner la parole aux femmes au même titre que les hommes, les rôles les plus forts dans les séries sont ceux des femmes. Et c’est tant mieux.

Cette année j’ai regardé 38 séries parues en 2023, presque toutes jusqu’au bout. Et puisque l’exercice annuel du cinéphage consiste à faire le tri, voici…

Mes 10 + 5 séries préférées de 2023

  • Copenhagen Cowboy (mini série)
  • The Last of US (saison 1)
  • Fargo (saison 5 – en cours de diffusion US)
  • The Diplomate (saison 1)
  • The Morning Show (saison 4)
  • Love & Death (mini série)
  • Dear Edward [N’oublie pas de vivre] (mini série)
  • Black Mirror (saison 6)
  • The Lost Flowers of Alice Hart [Les Fleurs sauvages] (mini série)
  • The Offer (mini série)

Autant la première mini série Too Old to Die Young (2019) du réalisateur danois culte radical (et parfois incompris) Nicolas Winding Refn nous avait laissés sur le carreau, autant Copenhagen Cowboy nous a impressionnés. Formellement de toute beauté, les 6 épisodes de Copenhagen Cowboy sont un choc mental et esthétique monumental.
Les connaisseurs du monstrueusement émotionnel jeu vidéo The Last of Us du studio Naughty Dog avaient tout à craindre d’une adaptation télévisuelle et, miracle, la collaboration de l’auteur du jeu Neil Druckmann avec le showrunner Craig Mazin célébré pour la série Chernobyl, ont réussi leur pari. Le jeu vidéo et la série se répondent désormais sans se faire honte ni de l’ombre.

Surprise de cette fin d’année sur Netflix, la série politique La Diplomate devient instantanément la meilleure héritière de l’estimée série The West Wing des années 2000. D’une densité incroyable et juste, les dialogues de La Diplomate renvoient en effet à ceux de Aaron Sorkin. Sans lui, la showrunneuse, également scénariste, Debora Cahn déjà présente sur The West Wing (ce n’est donc pas un hasard) réussit un captivant tour de force intellectuel, féministe et donc moderne.

À la limite du ridicule, les deux premiers épisodes hystériques de la saison 4 de The Morning Show n’auguraient rien de bon. La suite, plus calme et raisonnée heureusement, remet la série sur le bon rail dramatique. La présence insidieusement dangereuse de Jon Hamm en gourou capitaliste-tech à la Elon Musk (qui se reconnaitra ici et là) prêt à en découvre avec les médias « traditionnels » confirme un nouveau souffle en méchant dans la carrière de l’ex Mad Men en chef. Le même Jon Hamm en affreux shérif patriarcal sécessionniste du Dakota dans la génialement tordue 5e saison de Fargo ne s’oublie pas de sitôt. De même que la présence incroyablement physique de la pourtant miniature Juno Temple.

Les desesperate housewives des suburbs américains n’ont définitivement pas fini de livrer leurs lourds secrets. Entourés d’hommes tellement engourdis – Jesse Plemons en amant involontaire comme le mari placide Patrick Fugit (le gamin devenu grand de Almost Famous, 2000), l’extravertie superficielle femme au foyer Elisabeth Olson de Love & Death prend une initiative naïve qui conduira au drame. Une nouvelle déconstruction réussie du rêve américain vendu des années 50 jusqu’au début des années 70.

À l’époque où, parmi nous, de trop nombreuses personnes vivent avec le traumatisme d’avoir survécu à un attentat ou même un accident, les tourments du jeune protagoniste de Dear Edward seul survivant d’un accident d’avion devient vite une affaire collective et pourtant intime : pourquoi moi ? La série qui s’intéresse également au traumatisme interrogatif des familles qui n’étaient pas dans l’avion garde assez de distance avec le mélodramatique pour ne pas sombrer dans l’excès.

En mélangeant high-tech et horreur, la saison 6 de Black Mirror s’éloigne un peu des saisons précédentes plus froides sans pour autant perdre sa force conceptuelle. Chaque épisode dérange comme il faut en partant du banal jusqu’à une bascule horrifique.

Dans le très étrange The Lost Flowers of Alice Hart, une Sigourney Weaver revêche jusqu’à la laideur, livre une de ses prestations les plus courageuses. Car s’il s’agit bien au coeur du récit de dénoncer une nouvelle fois (il le faut) l’horreur du comportement de l’homme /fils/frère/mari vis-à-vis des femmes, celles-ci ne sont pas du tout exemptes de défauts. Tout en célébrant une sororité salvatrice, la série fait la démonstration qu’une communauté uniquement constituées de femmes peut à son tour récréer, même en voulant bien faire, une hiérarchie de dominants et de dominés.

Osons la formule mise en abîme, aucun cinéphile ne peut refuser l’offre proposée par la série The Offer : rejouer la genèse du film Le Parrain de Coppola. Façon The Player de Robert Altman (1992), le récit nous entraine dans les coulisses de la fabrication du film, des tractations financières à l’implication de la vraie mafia, des coups de génie aux coups bas. Plaisir additionnel, là encore, comme dans la saison 5 de Fargo, l’actrice Juno Temple surnage au-dessus d’une mêlée de mâles plus arrogants les uns que les autres.

Les frenchies…

Sans les moyens des productions US, les séries françaises flanchent souvent sur la forme et la photographie mais peuvent, comme celles-ci, se rattraper avec des sujets forts, des comédien·ne·s haut de gamme, ancienne comme nouvelle génération et une mise en scène vive…

  • Salade grecque (mini série)
  • Tout va bien (mini-série)
  • B.R.I. (saison 1)
  • Pax Massilia (saison 1)
  • Bardot (mini série)

On n’aurait pas donné cher à une biosérie sur Brigitte Bardot, monument déchu d’une époque (elles ne vieillissent pas bien nos vedettes, cinéma ou chanson, des années 60-70, n’est-ce pas ?). Et puis, finalement, la réalisation et l’interprétation rassasient notre curiosité sur le personnage et l’époque qui avait, elle aussi, ses travers de moeurs au nom d’une carrière. Avec une très jolie troupe d’acteur·rices la Salade grecque de Klapisch réussit, sans forcer, à prolonger sur 8 épisodes la vibration jeune génération squatters Erasmus lancée par L’Auberge espagnole il y a … 21 ans. Et si le mélo Tout va bien nous installe avec douleur très longtemps dans l’hôpital Robert-Debré et son quartier du nord de Paris pas si fréquemment usité par le cinéma, le talent du casting nous fait vivre, démunis, les affres insurmontables d’une famille blessée collectivement. Profitant à fond de leur contexte urbain, Paris puis Marseille, le réalisme cru des deux néo polars français B.R.I. – le plus contrôlé, et Pax Massilia – aux péripéties trop vite enchainées, redonnent une belle énergie hexagonale au genre. Les suites sont attendues avec enthousiasme.

François Bliss de la Boissière

Illustration : Copenhagen Cowboy
Relecture danybliss

Best of jeux 2023 : Sur la terre comme au ciel (et en enfer)

2023 année exceptionnelle nous dit-on. Vraiment ? Peut-on encore faire l’autruche et apprécier les jeux vidéo en dehors de leur contexte social-économique ? Le grand public qui consomme deux, trois jeux par an, peut-être. Pour les autres, passionnés automatiquement engagés, les leaks crapuleux, les licenciements, les fermetures de studios, les rachats ogresques qui rebattent les cartes du jeu d’une industrie qui se cherche toujours, laissent un goût amer. Le plaisir du jeu a un coût et ce n’est pas seulement celui payé à la caisse par le gamer. En même temps (hum), le jeu vidéo continue d’être le plus efficace loisir échappatoire (escapism). Sa diversité et son impact culturel dépassent largement ceux du cinéma spectacle à bout de souffle. Parce qu’il nous engage physiquement, mentalement et artistiquement, chaque jeu laisse en nous une marque indélébile là où la plupart des films s’estompent de la mémoire comme un rêve éveillé. Le rituel des best of de fin d’année se veut néanmoins un moment de célébration plutôt que de doléances. Première année où je ne chronique pas professionnellement chaque mois des jeux vidéo depuis 25 ans, j’ai curieusement pratiqué 81 jeux, contre 58 en 2022 ! Dans le tas, un peu moins de nouveautés et plus de jeux sortis avant 2023 non terminés ou réédités sur un support ou un autre. Dernier jeu lancé : Assassin’s Creed : Mirage. Non, il ne rentre dans aucune liste.

Mes 10 jeux préférés de 2023

  • Zelda : Tears of the Kingdom
  • Atomic Heart
  • Star Wars : Jedi Survivor
  • Dead Space Remake + Resident Evil 4 Remake + Metroid Prime Remaster
  • Super Mario Bros Wonder
  • Sonic Superstars
  • Alan Wake 2
  • Forza Motorsport
  • Starfield
  • Wild Hearts


Si Zelda Tears of the Kingdom ne se retrouve pas en tête de tous les best of de l’année 2023, c’est sans doute à cause de Breath of the Wild. Le premier Zelda open-world avait fait tellement l’unanimité en 2017 que replacer Tears of the Kingdom – présenté comme une suite – tout en haut du podium 2023 pourrait sembler radoter pour une rédaction de JV, même six ans plus tard. Et puis il paraît que Baldur’s Gate 3 fait mieux. Pourtant, grands dieux, ce dernier Zelda explose tous les repères soit-disant acquis dans Breath of the Wild et des jeux d’aventure-action tout court. De la terre d’Hyrule remodelée, au ciel aérien jusqu’aux enfers des mystérieux sous-sols, il y a désormais trois terrains de jeux ! Trois surfaces de jeu et une multitude de manières de jouer et d’appréhender les situations. À partir du canevas de Breath of the Wild, l’équipe de Fujibayashi (directeur) et Aonuma (producteur) a repoussé les limites créatives d’un gameplay que l’on croyait déjà au sommet. Vivement les rééditions optimisées (4k / 60hz svp) de Breath of the Wild et Tears of the Kingdom sur le successeur de la Switch.

Le cas problématique Atomic Heart.

Le jeu n’apparait dans aucun top de l’année et presque plus personne n’en parle depuis sa sortie, y compris moi-même. Si la raison est politique, comme, encore une fois, moi-même, c’est légitime. Parce que, en effet, Atomic Heart est conçu par un jeune studio… russe (Mundfish) financé, semble-t-il en partie, par des investisseurs liés à l’État russe et que, en agressant l’Ukraine, la Russie est devenue de facto un état paria ouvertement criminel. Autant pris en otage de cette guerre que le reste du monde, le studio Mundfish n’a pas dénoncé ouvertement l’invasion russe en se contentant d’un tweet générique à valeur pacifique. Mieux que rien mais évidemment insuffisant. Et, pour ne rien simplifier, le jeu joue, comme Bioshock et Bioshock Infinite avant lui avec l’Amérique, sur un terrain de politique fiction glissant en mettant en scène une Union Soviétique rétro futuriste surpuissante des années 50 qui s’enfonce peu à peu en dystopie d’apparence colorée. Car il s’agit bien d’une uchronie satirique. J’ai pratiqué le jeu longuement, très aux aguets du moindre dérapage pro russe in game qui infiltrerait une propagande soviétique irrecevable en 2023. Bien qu’il soit quand même difficile de visiter depuis 2022 une Union soviétique même fantaisiste, je n’ai rien ressenti ni observé de condamnable. Je crois qu’en réalité l’aventure serait, avec plus ou moins de subtilité, plutôt subversive vis-à-vis de son sujet. Et de toutes façons, même quand la Russie sera condamnée internationalement pour cette tentative d’annexion de l’Ukraine, la culture russe ne sera pas « effacée ». Il faudra bien, culturellement et historiquement, continuer à la regarder.
Pour le reste, du côté ludique, gameplay, interface, gestion des armes et cyber pouvoirs, comme ses bandes-annonces le laissaient présager, Atomic Heart est bien le FPS le plus créatif et innovant depuis… Bioshock. L’inventivité visuelle et interactive est permanente. Les bruitages et bandes-son vraiment originaux, les décors souvent dingues, voire psychédéliques, des puzzles environnementaux s’invitent dans des environnements extérieurs et intérieurs jamais vus auparavant. Question originalité, trouvailles et qualité de réalisation (ambition artistique et technique parce que hyper fluide sur consoles), Atomic Heart n’a pas d’égal à part Zelda en 2023 (non, bien que valide, le tour par tour d’un Baldur’s Gate – comme d’un JRPG, n’a pas du tout le même enjeu interactif).

Les autres en un mot ou presque…

Avec sa réalisation plus qu’impeccable, ses personnages plus qu’attachants, son gameplay dynamique et fiable, son semi open world qui le transforme en terrain d’exploration, Jedi Survivor remet Star Wars (lui aussi fatigué au cinéma et en multiples séries) au centre du game. Le studio Respawn porte tellement bien son nom.
Assez ironiquement les sorties quasi jumelées de Super Mario Wonder et de Sonic Superstars au moment où les deux héros rejouent la partition 2D qui les a vus s’affronter et se rendre célèbres dans les 90s plaident plutôt en leur faveur. Évidemment que le Mario Wonder a plus d’idées à la minute que ce Sonic Superstars qui finit par nous perdre dans des labyrinthes aux parcours trop vite injustes. Il n’empêche que les deux icônes Nintendo et Sega vont trop bien ensemble pour les séparer. Que Mario et Sonic tracent encore leur route et continuent d’écrire côte à côte l’histoire du jeu vidéo c’est quand même éminemment sympathique.

Les poids (trop) lourds

Ô comme j’attendais aimer Alan Wake 2 comme son prédécesseur et, surtout, comme CONTROL, le dernier jeu du studio finlandais Remedy. Hélas, à trop vouloir en faire, le labyrinthe mental du scénariste mis en abîme plusieurs fois qui mélange pensée et écriture créative entraine le joueur manipulé dans une enquête qu’il ne contrôle absolument pas, où l’accumulation de mots et de pistes obscurantistes qui se collent seules au mur inhibent toute initiative. Noyés sous les mots, et les pseudo surcouches de réalité ou de cauchemar, le joueur subit l’intrigue, les décors, les twists, sans jamais rien maîtriser. Visuellement et d’un point de vue sonore, rien à dire, c’est impressionnant.
Pas grand chose à reprocher non plus à l’édition 2023 à vocation durable comme un game service de Forza Motorsport. En surface en tout cas. Les voitures sont impeccablement modélisées, les pistes aussi et le plaisir d’une conduite pointue et maitrisable aussi. Pourtant, spoilé sans doute par les magnifiques routes du Mexique de Forza Horizon 5, on s’y ennuie trop vite.
Et Starfield et son champ d’étoiles infini ? Je ne me lasse pas devant le spectacle des décollages et atterrissages de son vaisseau, plutôt chouette aussi à l’intérieur (le style nasapunk on prend !) comme à l’extérieur (moins cool quand même que celui de Jedi Survivor) mais bon sang, avant de viser l’horizon cosmique, Bethesda aurait pu s’occuper de l’humanité de ses personnages aux visages totalement désincarnés. Leurs regards reflètent le vide cosmique de l’aventure. Cet atterrissage là est plus dur.
Et, oui, hors jeux Nintendo et Sega à valeur universelle, le seul nouveau jeu japo-japonais de ma liste est un original (c’est même le label officiel) édité par Electronic Arts qui n’aurait pas marché commercialement. Dommage, parce que dans le genre action médiéval japonais archi -rabattu, Wild Hearts sort du lot avec son système de machines de combats et le style graphique singulier d’un magnifique bestiaire.

Rééditions de luxe 

Indispensables à ce niveau de qualité si on a l’estomac bien accroché, les remakes de Dead Space et Resident Evil 4 laissent sans voix. Les gameplay originaux sont complètement respectés tout en y ajoutant des améliorations de « qualité de vie » comme on dit en anglais. Et bien sûr les aptitudes graphiques contemporaines permettent de donner vie à ces univers avec une puissance d’évocation incroyable. Malgré son étouffante ambiance claustrophobe, j’ai une préférence marquée pour l’univers industriel rétro-futuriste spatial de Dead Space. Surtout que, cela ne me semble pas assez soulevé – certains diront que cela fait partie de son « charme » – la violence de Resident Evil 4 et de ses villageois hispaniques sous amok dégagent une ambiance beaucoup plus malsaine, malaisante même que le déjà pourtant peu ragoûtant Dead Space. Tirer sur des êtres humains avec autant de réalisme graphique ne peut pas se qualifier de « fun ». Le joueur ressent éventuellement une sorte de jouissance exutoire (on défend sa peau après tout) mais ce « plaisir » reste discutable. On préférera alors les loup-garous de Resident Evil Village.

De son côté, la sortie surprise de la réédition remasterisée plus modeste de Metroid Prime rappelle combien cette première version en vue subjective de la série Metroid était en avance sur son temps sur GameCube. Le level design intriqué et la prise en mains avec ses contraintes restent uniques. Et la réédition optimisée sur Switch est irréprochable.

Extensions

  • Cyberpunk 2077 : Phantom Liberty
    Mis à niveau next gen à plusieurs reprises dès 2022, il n’y avait pas besoin d’attendre le storytelling médiatisé de la renaissance de Cyberpunk 2077 fin 2023 pour le classer au top de l’année dès… 2022.
  • God of War Ragnarock : Valhalla

INDÉS

  • Planet of Lana
  • The Talos Principle II
  • Toem : A Photo Adventure
  • Viewfinder
  • Cocoon
  • Season : A Letter to the Future

Petit up courageux dans l’expérience narrative pour…

  • Fort Solis
    et
  • The Invincible

Mentions spéciales aux jeux PSVR2…

Sony a bien sorti le meilleur casque grand public, et plus agréable à porter, installer, lancer, et utiliser avec ses manettes façon DualSense haptiques. Mais aussi, que fait Sony à pratiquer un tarif hors sol pour son casque VR ? Quel dommage de ne viser qu’un marché de « niche » parce que, vraiment, les versions VR de GT7 et RE Village envoient du lourd en réalité virtuelle (et sûrement aussi le récent Resident Evil 4 en VR). Si l’on ne souffre pas de motion sickness / cinétose agravée, ce qui est hélas devenu mon cas. Avant de lâcher le casque j’ai quand même eu le temps, contre toute attente, de prendre un pied phénoménal avec le jeu de tir Pistol Whip qui se hisse, à ma grand surprise, aux côtés de Beat Saber comme meilleur jeu de réflexe, immersion, musical, ambiance et visée en VR. Ébloui par Beat Saber et le jeu de tir « bullet time » voisin Super Hot VR, on avait raté Pistol Whip sur les casques Oculus Rift et le premier casque PlayStation VR. Le choc fut alors d’autant plus grand de découvrir l’énergisant gameplay de Pistol Whip encore plus beau dans sa version améliorée sur le casque PlayStation VR2.

  • Pistol Whip
  • Horizon Call of the Mountain
  • Gran Turismo 7
  • Resident Evil Village

François Bliss de la Boissière

Illustration de Une : The Legend of Zelda : Tears of The Kingdom
Relecture danybliss

Best of films 2023 : le cinéma, c’est trop d’émotions, punaise !

Alors que l’on avait prudemment retrouvé le chemin des salles en compagnie du public après le long épisode Covid, voilà que les punaises de lit s’immiscent à leur tour entre nous et les grands écrans.
Cela tourne à la malédiction. D’aucuns bien équipés cinéma à domicile diront que cela confirme l’agonie progressive du modèle cinéma dans les salles. Si on ajoute à l’hygiène, et à l’accueil discutable, des complexes de cinéma comme des salles indépendantes, le prix d’entrée et les films grand spectacle hollywoodiens et même français (Astérix ?) plus vains les uns que les autres, il devient difficile de défendre les salles trop obscures pour être honnêtes. Si, parmi l’hécatombe des blockbusters, on a été content de voir le réussi (ouf) Gardiens de la Galaxie Vol 3 et le très acceptable Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan en salles (alors qu’ils sont très bien aussi à domicile sur écran OLED), on ne peut pas en dire autant des autres très bon films de l’année. Dès que le film se fait plus intimiste, il devient tout à fait calibré pour le cinéma à domicile (évidemment pas sur smartphones ou tablettes, là, il s’agit d’une autre population de spectateurs, comme celle des avions). Et d’ailleurs, parmi mes 10 films préférés de 2023, trois inédits n’existent que sur plateformes de streaming. Au-delà de cette liste plus subjective que jamais (parmi les 107 films de 2023 vus), je mets aussi en avant quelques listes thématisées, des films ouvertement indés aux nanars qui s’ignorent…

Mes 10 films préférés de 2023…

  • Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 (de James Gunn)
  • Women Talking (de Sarah Polley)
  • Super Mario Bros.  / Spider-Man: Across the Spider-Verse (ex aequo)
  • Le Monde après nous (de Sam Esmail)
  • Je verrai toujours vos visages (de Jeanne Herry)
  • Hawaii (de Melissa Drigeard)
  • Une Nuit (de Alex Lutz) 
  • Les Trois mousquetaires : d’Artagnan (de Martin Bourboulon)
  • The Covenant (de Guy Ritchie)
  • Traquée [No One Will Save You] (de Brain Duffield)

Je ne sais pas si le talent de James Gunn ira jusqu’à nous intéresser à un reboot du DC Univers après sa version kamikaze de Suicide Squad et la dernière ligne droite de mauvais films de super-héros mais il est certain qu’il a réussi à boucler à lui tout seul et de belle manière le Marvel Univers sans queue ni tête (surtout) auquel, entre nous, Les Gardiens « de la Galaxie » n’appartiennent pas vraiment (ou au forceps en-dehors de la trilogie à leur nom). Le dernier opus des Gardiens de la Galaxy a ainsi toutes les vertus attendues, spectaculaire bien sûr, burlesque, cabotin mais aussi et surtout extrêmement touchant. À ce point frôlant la sensiblerie, on ne s’y attendait pas. Devenue réalisatrice, Sarah Polley présente un des plus puissants films de femmes de l’ère moderne (post Metoo ?) avec le très maîtrisé Women Talking dont on ne parle pas assez en cette fin d’année damnée par le scandaleux Depardieu.

Plus paranoïaque que jamais et tout à fait dans l’air du temps complotiste, l’auteur Sam Esmail de la série Mr Robot propose avec Le Monde après nous le bad trip mental qui confirme en forme de faux huit-clos toutes nos frayeurs du moment. Dans The Covenant, Guy Ritchie surprend en oubliant tous ses tics de mise en scène pour capter une impossible amitié militaire en Afghanistan mâtinée d’un petit message politique envers l’Amérique. Bien plus culotté et déroutant dans le genre fantastique que le dernier Shyamalan (Knock at the Cabin), l’inattendu Traquée (exclusivité Disney+), ne lâche pas son emprise sur l’unique actrice (épatante Kaitlyn Dever) et le spectateur pendant 90mn. Une réussite formelle doublée d’un beau suspens.

Je verrai toujours vos visages, Une Nuit… ces films français vus, y compris le dépaysant et faux film de vacances inattendu Hawaï (et d’autres encore à voir, comme Le Règne Animal), offrent de magnifiques plongées dans l’âme humaine. Merci le cinéma français pour ça. Malgré sa naïveté de réalisation, on ne boudera pas par snobisme le spectacle français trop rare des Trois Mousquetaires : D’Artagnan de Martin Bourboulon. Les combats en plan séquence font presque mouche et on adopte très vite les acteurs dans leurs rôles iconiques de mousquetaires. Sans compter les participations réjouissantes du finaud Louis Garrel en Louis XIII et de la digne Vicky Krieps en Anne d’Autriche.

Les deux cartons cartoons enfin, Super Mario The Movie et l’extravagance graphique Spider-Man Across the Spider-Verse redonnent du souffle au film d’animation là où, aussi, les champions du genre n’avancent plus vraiment. Et au double titre de gamer (voir mon Best of jeux 2023) et cinéphage passionné, je me réjouis de la transposition réussie de l’univers des jeux Mario de Nintendo en grand film intéressant. Et pourquoi la chanson Peaches interprétée par Jack Black / Bowser n’est pas sélectionnable aux Oscars ? Pourquoi ?

Mentions spéciales…

Des indés inspirés et surtout portés à bout de bras par de puissantes, voire bouleversantes, interprétations…

  • Stars at Noon (Margaret Qualley), une étrange dérive en Amérique du sud signée de l’habituée du genre : Claire Denis
  • Winter Break [The Holdovers] (Paul Giammati) entre Dead Poets Society et Breakfast Club version 70s par Alexander Payne
  • The Whale (Brendan Fraser) Le retour littéralement monstrueux de Brendan Fraser par un Darren Aronofsky à la filmo décidément indéchiffrable
  • Reality (Sydney Sweeney) Même sans maquillage et bikini, Sydney Sweeney fascine et prouve son talent d’actrice
  • Vivre (Bill Nighty) On savait déjà (depuis au moins depuis Love Actually) que Billy Nighty avait un coeur gros comme ça
  • Flora and Son (Eve Hewson) La découverte (tardive) d’une actrice au fort tempérament
  • Emily (Emma Mackey) Emma Mackey porte décidément bien le costume d’époque, même pourtant celui bien usé d’Emily Brontë
  • Are You There God? It’s Me Margaret (tout le casting). Un joli film choral de « coming of age » comme on n’en voyait plus depuis… ?

Des Ovnis cinématographiques…

  • Saltburn de Emerald Fennell. Tout juste diffusé en exclusivité sur Prime Vidéo fin décembre, encore sous le choc, on ne sait pas où ranger dans sa psyché ce film tordu et beau, beaucoup écrit et beaucoup improvisé !
  • Barbie. Greta Gerwig à la réalisation et Margot Robbie à la production réussissent le hold-up de l’année avec cette improbable ode à la femme libre à partir d’une poupée sans âme. Chapeau.
  • Oppenheimer. Masculiniste et boursoufflé d’ambition thématique et formelle, le succès improbable du biopic plutôt classique et lourdaud de Christopher Nolan se regarde avec une certaine incrédulité.

Des réalisateurs haut de gamme qui s’enlisent à privilégier la forme…

  • Asteroid City de Wes Anderson
  • Empire of Light de Sam Mendes
  • The Killer de David Fincher
  • Babylon de Damien Chazelle (vu en 2022 mais sorti en 2023 en France)

Des films dits de prestige qui laissent froid, ou énervé, notamment à cause de personnages détestables, ouvertement égocentrés, et que l’on rejette pendant tout le récit…

Rien de pire que les films qui cherchent à nous faire adhérer pendant la majorité du métrage à des personnages aux comportements odieux, sous couvert de dénonciation. La palme à ce titre à Martin Scorcese indécrottablement fasciné par les sales types (de Raging Bull à Wall Street en passant par Les Affranchis ou Casino) au point de, à nouveau, donner la vedette pendant 3h aux odieux bourreaux de Killers of the Flower Moon (voir dans ce même sens l’avis de Paul Schrader sur le jeu pénible de DiCaprio associée à la longueur excessive du film) avant de consacrer seulement 20mn à leur condamnation. Et Lily Gladstone est bien plus vivante et intelligente en vraie (voir la conférence de presse du Festival de Cannes) que dans son rôle inexpressif de femme Osage cruellement passive. En ce qui me concerne, il s’agit de cinéma torture porn.
Une larme pour l’inspiration perdue de Sofia Coppola confirmée, après Les Proies et On the Rocks, avec le lisse et inutile portrait d’une Priscilla sans intérêt auprès d’un Elvis toujours aussi cliché et insupportable.
Le célébré Anatomie d’une chute maintient certes le spectateur en tension, mais enfin son filmage téléfilm, son sujet fait divers familial qui vire en film de procès théatreux figé, mérite vraiment autant d’attention ? Saluer la prestation de Cate Blanchett, forcément, mais détester le personnage jusqu’au bout de Tár aussi.
Évidemment que les films ne peuvent se contenter de portraits confortables et de situations cosy. De la même manière le spectateur peut aussi trouver pénible de se voir rabâcher de scène en scène combien tel personnage est un monstre social, mais attention, avec un talent (séparer l’artiste de l’humain, suivez mon regard). Surtout quand cela est ouvertement visible dès la première scène. Au-delà, le spectateur subit et pour moi, il s’agit de complaisance de metteurs en scène fascinés devant le détestable. Ainsi, il faudrait aimer le Leonard Bernstein de Bradley Cooper ? La forme du film Maestro oui; la pauvre Carey Mulligan victimisée, oui; le chef d’orchestre égocentrique grimaçant baguette à la main, non. Idem avec le personnage extraverti égotiste interprété par Annette Bening dans Insubmersible. Combien de fois tous ces films donnent envie de hurler aux autres personnages : attention individu toxique à fuir !

  • Killers of the Flower Moon
  • Priscilla (sortie en janvier 2024 en France)
  • Maestro
  • Anatomie d’une chute
  • Tár (vu en 2022 mais sorti en 2023 en France)
  • Insubmersible

Des Nanars vus parce qu’on aime le cinéma jusqu’au bout de la nuit…

  • Flash (pour Michael – « let’s get nuts » – Keaton)
  • Rebel Moon (pour Zack – Sucker Punch – Snider)
  • 65 Millions (pour Adam – Ferrari – Driver)
  • Astérix & Obélix : L’Empire du Milieu (pour…. rien, le patrimoine ?)
  • Indiana Jones et le Cadran de la destinée (pour James Mangold, si si)
  • Mission Impossible : Dead Reckoning part 1 (pour Maverick)
  • Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur (pour… les fringues)

François Bliss de la Boissière

Illustration de Une : Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3
Relecture danybliss

Tokyo Vice Saison 1 : Signé Michael Mann

Michael Mann, l’immense réalisateur des années 90-2000 (Le Dernier des Mohicans, Heat, Miami Vice…) produit et réalise le pilote d’un récit adapté d’un livre-enquête sur le crime organisé à Tokyo.

On y suit un américain japanophile, Ansel Elgort, haute silhouette charismatique de Baby Driver et West Side Story (version 2021), apprenti journaliste recruté en 1999 par… concours dans un quotidien japonais !

Parmi toutes les découvertes de la culture japonaise de surface, police, comme underground, Yakuzas, il subit avec stupeur, et nous avec, le mode de fonctionnement tyrannique du journal qui reflète la terrible hiérarchisation de toute la société japonaise.

Sur le chemin du jeune reporter, le grand Ken Watanabe (Le Dernier Samouraï, Inception…), inspecteur de police vertueux et bougonnant, fera l’intermédiaire avec le monde à peine sous-terrain de la mafia japonaise.

Petit regret, après le premier épisode mis en scène par Michael Mann lui-même où son style caméra à l’épaule et montage fait des merveilles, les épisodes suivants deviennent formellement plus ordinaire. Au moins aucun des réalisateurs conviés n’a cherché à (mal) singer le style de Mann. Malgré tout, une passionnante immersion au coeur de Tokyo, sur les pas d’un jeune reporter culotté et sans peur.

De J.T. Rogers, avec Ansel Elgort, Ken Watanabe, Rinko Kikuchi… Série en 8 épisodes de 52’ sur Canal+.

François Bliss de la Boissière

(Chronique publiée dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)


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Gaslit : Politiquement incorrect (Avis Express)

Une belle poignée de pointures du cinéma se met au service d’une nouvelle lecture prenante d’un des plus grand scandale politique américain : le Watergate.

Cent fois raconté, l’espionnage des bureaux du parti Démocrate qui a conduit à la démission forcée du président Républicain Richard Nixon en 1974 prend un nouvel éclairage en donnant corps et vie à toutes les personnes impliquées, du modeste gardien d’immeuble aux commanditaires politiques littéralement pourris.

Couple amoureux improbable de la haute société de Washington, et pourtant crédible à l’écran, Julia Roberts et un très grimé Sean Penn, luttent dans l’espoir respectif de révéler ou couvrir le scandale. Adulte et fascinant.

De Robbie Pickering, avec Dan Stevens, Julia Roberts, Sean Penn… Série en 8 épisodes de 50’ sur Starzplay

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2022 dans le mensuel Comment ça marche)

Cœurs vaillants : Rien d’impossible

Quand l’actualité rattrape l’Histoire, le témoignage dramatique de la population d’un pays fuyant désespérément une armée d’occupation redevient plus terrifiant encore.

Inédit et réussi, le récit rocambolesque d’une poignée d’enfants juifs cachés pendant la Seconde Guerre Mondiale dans le célèbre château de Chambord puis dans sa forêt offre de belles opportunités cinématographiques dont se saisit la réalisatrice. Ainsi, son premier long métrage manoeuvre avec talent entre drame odieux (dont la spoliation d’oeuvres d’art par l’armée allemande), légèreté enfantine et belles images du lieu prestigieux et de la nature qui l’entoure. La visite rare des coulisses, toits et coursives du fameux château où se cachent les enfants, les brumes du petit matin dans la forêt, où les enfants en fuite croisent des cerfs majestueux, montrent sans trop surligner la bêtise inexcusable des activités humaines.

Film avec des enfants qui évite les ficelles du film destiné aux enfants, Cœurs vaillants, du nom de « l’illustré » de BD d’origine catholique alors populaire, vire parfois au film de survie dans la nature plus présente, heureusement, que les soldats allemands. Conservatrice du musée du Louvre embarquée malgré elle dans l’aventure, Camille Cottin émeut aussi dans un rôle généreux quoique sévère.

De Mona Achache, avec Camille Cottin, Swann Arlaud…

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2022 dans le mensuel Comment ça marche)


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L’été nucléaire : Suspens radioactif (Avis Express)

Casque sur la tête, un jeune homme fait du jogging à travers champs. Les deux cheminées d’une centrale nucléaire apparaissent à l’horizon. Une puissante sirène d’alerte envahit la campagne. Musique à fond dans les oreilles le coureur ne l’entend pas.

En quelques plans graphiques et efficaces, le sujet et le suspens sont posés. Et si un incident technique provoquait le dysfonctionnement d’une centrale nucléaire française ? Un groupe de jeunes gens soudés se calfeutrent dans une ferme et tente de se protéger des possibles radiations.

Un sujet plus que jamais brûlant très bien traité sous forme de huit-clos et de débrouille. La justesse des jeunes acteur-rices sous tension compense l’absence d’effets spéciaux.

De Gaël Lepingle, avec Shaïn Boumedine, Théo Augier, Carmen Kassovitz…

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2022 dans le mensuel Comment ça marche)

Olivier Derivière (Interview) : De Dying Light 2 à A Plague Tale Requiem

Capable de travailler sur des projets à petit budget comme des grosses productions, le musicien autodidacte français Olivier Derivière a, depuis 2004, composé la musique de plus d’une vingtaine de jeux vidéo. Entre avril et mai 2022, juste après la sortie de Dying Light 2 dont qu’il continuait d’améliorer la musique, et du prochain, alors non daté, A Plague Tale : Requiem en cours de finalisation, il a pris le temps de nous expliquer son approche d’une profession encore en phase d’apprentissage.

Avant-propos

La musique de jeux vidéo a l’âge du jeu vidéo, soit comme le jeu Pong : 50 ans. Contrairement à la piste musicale d’un film lié sans jamais changer aux images, la musique de jeux vidéo fait partie intégrale du logiciel de jeu programmé sur des microprocesseurs et varie en fonction de l’action du joueur. Elle sonorise l’interactivité des jeux vidéo alors sur supports cartouches dans les premières consoles de jeu (Atari 2600, Megadrive, Super Nintendo…) et les bornes de salles d’arcade. Les mélodies existent mais le son est synthétique, limité. Au milieu des années 90 les jeux comme les logiciels s’installent sur des CD-ROM, puis des DVD. La musique atteint alors une qualité de CD audio. Des chansons pop, rock ou de la musique orchestrale donnent désormais vie aux jeux vidéo. Dans les années 2000, quand des disques durs aux temps d’accès plus rapides équipent les consoles et PC, la musique se complexifie en compagnie de jeux de plus en plus sophistiqués. Les jeux profitent de plus de pistes musicales et, surtout d’une meilleure intégration au gameplay. Avec l’arrivée des SSD (Solid-State Drive, disques à mémoire flash ultra rapide) sur PC et dans les dernières consoles, la musique s’enrichit encore avec de nouvelles possibilités liées à l’interactivité des jeux.

Profile express

Entre 2004 et 2021, Olivier Derivière compose la musique de plus d’une vingtaine de jeux vidéo dans son studio d’enregistrement aux portes de Paris. À partir de 6 ans, il étudie la musique classique, apprend les harmonies, les orchestrations, s’intéresse aux percussions mais, gamer depuis l’âge de 8 ans, il rêve de devenir programmeur de jeux vidéo. Il trouve alors un compromis en s’intéressant aux logiciels de composition musicale. Sa passion du jeu vidéo entraine sa connaissance de la musique, ou inversement. Résultat ? Ses BO illustrent de nombreuses productions françaises et internationales. Il semble se spécialiser dans les jeux d’aventure sombre (Alone in the Dark), ou « de survie » (Obscure), et puis quand l’occasion se présente il s’attaque à des jeux plus narratif (11-11 : Memories Retold), ou des jeux d’arcade comme le rétro Streets Of Rage 4. Son expertise lui permet ainsi de passer de musiques orchestrales sur un jeu d’aventure (Assassin’s Creed IV : Freedom Cry), à de l’électro au service d’un jeu d’aventure futuriste (Remember Me). Capable de travailler sur des projets indés comme des grosses productions, le très actif français Olivier Derivière fait désormais partie de la courte liste de compositeurs de musique de jeux vidéo connus dans le monde. 

Interview

« On a tendance à penser que la musique de jeu vidéo n’est faite que de blip et de blop »

Bliss : Question inévitable… Quelle différence entre une musique de film et de jeu vidéo ? Tu dis notamment que la musique de film concerne l’histoire alors que la musique de jeux vidéo accompagne le gameplay. Et si un jeu vidéo contient une histoire alors il faut écrire de la musique pour les deux ?

Olivier Derivière : Le terme “jeu vidéo” reste très réducteur. Il existe une multitude d’approches et d’expériences interactives. Le jeu vidéo est ce médium particulier où le spectateur est actif, contrairement au cinéma où nous sommes passifs. Dans les jeux les plus cinématographiques, avec une histoire, incluant des phases de passivité du joueur devant des cinématiques et des dialogues, il y a de fait une proximité avec le cinéma. Et cela se retrouve dans la musique du jeu qui emprunte alors ses codes au « grand frère » cinéma. À cause de ses contraintes et possibilités interactives, le jeu vidéo demande en réalité une toute autre approche créative et technique. Mais les codes de conception musicale propres aux jeux vidéo n’existent pas encore beaucoup. 

Bliss : On sait à peu près la quantité de musique et le nombre de pistes musicales fournies pour un film, mais de ton côté, combien de pistes musicales et même d’heures de musique fournis-tu en moyenne pour un jeu vidéo ?

O.D. : Tout dépend du jeu. Un film dure en moyenne plus de 2h alors qu’un jeu peut comptabiliser plus de 20h (voire 100h et plus, NDR). S’il s’agit d’un jeu de réflection, d’action pure, des genres étrangers à la narration, alors la quantité de musique à fournir varie de quelques minutes à 1h. En revanche, avec un jeu narratif, une production de jeu vidéo s’apparente à une production de série télé, et le nombre d’heures de musique se fait en fonction. Cela peut ainsi approcher plus de 6h de plages musicales comme avec le récent Dying Light 2… ou le prochain A Plague Tale : Requiem. 

Bliss : Dans une production en monde ouvert comme Dying Light 2 (voir chronique ici) tu « bruites » (mets en musique ?) de nombreux éléments et objets interactif… A titre d’exemple, combien de pistes musicales, micro ou majeures, sont disponibles à tout moment en cours de jeu en fonction de l’action et des manipulations du joueur ?

O. D. : Cette production a été une expérience très enrichissante. Dans une telle aventure en monde ouvert où le joueur est libre d’agir à sa guise dans le décor, j’ai illustré en musique une quantité d’activités uniques de gameplay qui se jouent et s’entendent en même temps que la musique narrative de l’aventure. Quand le joueur utilise des jumelles, par exemple, son geste déclenche des notes de musiques particulières qui donnent une humeur. Les séquences de Parkour où le joueur se déplace en équilibre à travers le décor et les dangers activent plus de dix variations musicales selon le contexte et le scénario. Si le joueur se contente de courir alors la musique reste en retrait. Lorsque le joueur pratique d’avantage de mouvements de Parkour, alors la musique s’amplifie jusqu’à atteindre ce que l’on a appelé le “Parkour flow”, une sorte de transe qui gratifie le joueur d’une musique encore plus excitante. 

Bliss : Initiative très inédite, après la commercialisation de Dying Light 2 tu as proposé à tes followers sur les réseaux sociaux de modifier ici ou là ta partition musicale malgré tes trois longues années de travail dessus, voire d’ajouter des pistes, à l’occasion d’une mise à jour du jeu. Pourquoi ? Et l’as-tu vraiment fait ?

O.D. : En effet, j’ai modifié des éléments musicaux très rapidement après les premiers commentaires des joueurs. Je trouve assez fascinant qu’un jeu vidéo puisse encore s’améliorer après sa commercialisation du fait des retours des joueurs. Souvent l’équilibrage du gameplay et la qualité technique de certains effets sont modifiés après la sortie, alors pourquoi ne pas faire la même chose avec la musique ?

Bliss : Il t’arrive de composer jusqu’à 3 musiques de jeux vidéo aux style très différents en une seul année, comment fais-tu ?

O.D. : Je ne sais pas. C’est une faculté qui ne s’explique pas. Je dirais que les jeux sont tellement inspirant et les équipes tellement passionnées que je peux naviguer à travers leurs univers sans trop de difficultés.

Bliss : Tu fais parfois appel à de prestigieux orchestres symphonique comme le Boston Symphony Orchestra, ou le Choeur d’Enfants de l’Opéra de Paris… Leur utilisation dépend du budget de la production ?

O.D. : Oui, mais j’ai toujours fait en sorte que la musique que je produisais soit interprétée par les meilleurs musiciens au monde. Pas parce que je pense que ma musique la mérite en soit, mais parce que ces orchestres l’élèvent à un niveau de musicalité incroyable. On a tendance à penser que la musique de jeu vidéo n’est faite que de blip et de blop mais quand on entend les musiciens de ces orchestres au service des jeux et des joueurs, l’expérience de jeu prend une autre ampleur…

Bliss : Tu as travaillé naturellement avec plusieurs studios et éditeurs français, mais comment t’es-tu retrouvé à collaborer avec les studios polonais Techland sur Dying Light 2 et Farm 51 sur Get Even ?

O.D. : Je collabore naturellement avec beaucoup de studios français comme Asobo, Spiders, Dontnod… dont les productions rayonnent partout dans le monde. Au-delà de nos frontières j’ai travaillé avec Disney à San Francisco, avec Ubisoft Québec, le studio d’animation anglais Aardman, des studios hongrois, polonais, et actuellement des allemands et des canadiens/américains. Le jeu vidéo est très international !

Bliss : Après les jeux Obscure 1 puis 2 de tes débuts, tu travailles à nouveau cette année sur une suite avec A Plague Tale : Requiem… Est-ce plus facile ou au contraire plus complexe pour notamment garder une similarité sans se répéter ? Est-ce aussi l’occasion de corriger, ou d’améliorer – si cela te semblait nécessaire, l’approche musicale du premier jeu ?

O. D. : C’est toujours la grande difficulté. Faire une suite directe oblige à apporter un vent frais sans trahir les pré-requis. Je pense que nous avons réussi cet exercice avec le studio Asobo (développeurs de A Plague Tale, mais aussi de Microsoft Flight Simulator 2020, NDR) mais seuls les joueurs/joueuses en décideront. L’essentiel est d’étendre l’univers pré existant vers de nouvelles zones émotionnelles. 

Bliss : De nombreux posts sur les réseaux sociaux à des Masters Class, tu as une approche très militante et pédagogique de ton travail, pourquoi ? La musique de jeu vidéo a-t-elle besoin d’être défendue, mieux reconnue ?

O. D. : Cela fait plus de 20 ans maintenant que je donne des conférences* et visite les équipes de création à travers le monde. La célébrité n’a jamais été mon objectif, je profite de ma notoriété pour tenter de sensibiliser les professionnels du jeu vidéo eux-mêmes sur la manière dont la musique interactive dans le jeu vidéo pourrait être plus distincte et qu’elle ne se suffise pas de faire de l’illustration façon cinéma. On parle souvent d’avancées technologiques dans le jeu vidéo tout en oubliant que la musique elle-même peut en bénéficier, au service de l’expérience interactive. Cela peut paraitre abstrait dit ainsi mais il suffit de voir les réactions des joueurs sur la musique réactive de Parkour de Dying Light 2 pour réaliser l’apport inouï que cela a sur le ressenti des joueurs. 

* Olivier Derivière participe à la série documentaire « Play » sur les métiers du jeu vidéo diffusée sur France TV Slash.

Propos recueillis entre avril et mai 2022.

François Bliss de la Boissière

(Interview éditée et écourtée parue dans le mensuel Comment ça marche en septembre 2022)

Notes complémentaires

  • En CD, vinyle ou streaming, la musique originale du jeu de survie Dying Light 2 interprétée par le London Contemporary Orchestra comptabilise 33 pistes pour une durée de 98 minutes. Mais le jeu complet contient plus de 6h de musique selon son compositeur Olivier Derivière.

À lire également, précédente interview en 2014…

Olivier Derivièvre : Talent brut


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Horizon Forbidden West : La nouvelle aristocratie du jeu d’aventure

Forcée, mille ans après le déclin de notre civilisation, à devenir championne du nouveau monde dans Horizon Zero Dawn (2017), la jeune Aloy aux cheveux de feu a depuis atteint le statut d’icône féminine, voire féministe. Car contrairement à trop de jeux, son apparence et ses manières n’exploitent pas une hyper sexualisation de sa silhouette.

Parmi les nouvelles prouesses techniques de cette suite directe de son histoire, les dialogues à partir de personnages animés en motion capture jouissent d’un niveau de rendu graphique jamais vu en jeu vidéo. Même si les discours s’enlisent dans trop de circonvolutions façon jeu de rôle inutilement touffu. Surtout que, de jour ou de nuit, sous la pluie, les tempêtes de sable ou les aurores boréales, les paysages et les vestiges de l’humanité parlent d’eux-même.

Époustouflante démonstration technique et artistique (privilégier la version PS5 si possible), Forbidden West entraine Aloy vers le désert du Nevada et la côte Ouest « interdite » américaine, la mer. Plus précis et maniables encore, ses combats à l’arc ou à la lance high-tech contre les majestueux animaux-robots préhistoriques laissent sans voix.

Et avec des aptitudes inédites, nager sous l’eau, grimper à flanc de montagnes, se hisser instantanément avec un super grappin, planer en Para-pente, Aloy surclasse même la vétérante Lara Croft.

  • PS4 & PS5 (exclusivité)
  • Aventure- action / jeu de rôle
  • VF et VO anglaise sous-titrée
  • 1 joueur
  • PEGI : à partir de 16 ans
  • Guerrilla Games / Sony Interactive Entertainment

François Bliss de la Boissière

(Publié en Mai 2022 dans le mensuel Comment ça marche)


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Elden Ring : Abyssal (Avis Express)

Oeuvre gothique, cryptique, taiseuse, rare et complexe à la beauté minérale intimidante, la nouvelle production du studio japonais culte FromSoftware cherche pour la première fois à se rendre accessible à tous, ou presque.

La difficulté impitoyable des combats de la série des Souls à laquelle appartient ce Elden Ring ne faiblit certes pas. En revanche, devenu un monde ouvert à l’exploration libre, Elden Ring offre au joueur malin et vif la possibilité de contourner les plus rudes affrontements et de visiter à son rythme L’Entre-terre, un abyssal monde de Dark Fantasy médiéval à nul autre pareil.

  • PC, Xbox One et Series, PS4 et PS5
  • Action-jeu de rôle / aventure exploration
  • VO anglaise sous-titrée
  • 1 joueur, multijoueur en ligne
  • PEGI : à partir de 16 ans
  • From Software / Bandai Namco

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Comment ça marche en mai 2022 )

DEATHLOOP : Shebam, pow, blop, wizz… pan dans les 60s

Brillant et intimidant jeu d’action-tir en vue subjective et, surtout, de cache-cache ultime, la nouvelle réalisation du studio lyonnais Arkane renverse la table et bouscule les neurones.

Grand spécialiste de la « simulation immersive », les productions Arkane immergent dans des architectures sophistiquées (cités victoriennes steampunk de Dishonored 1 et 2, station spatiale art déco de Prey), où le joueur a presque le contrôle physique sur les lieux, les objets et les évènements.En refusant la progression chapitrée chronologique de l’aventure, Deathloop bouscule ces conventions et entraine de façon audacieuse dans une boucle temporelle infernale qui échappe toujours au joueur.

Notre destin consiste justement à maîtriser en la revivant sans cesse cette boucle temporelle digne des films Un jour sans fin et Edge of Tomorrow. Prisonnier d’une île rocheuse où des millionnaires délirants se sont inventés une journée éternelle de jouissance, le héros recommence les mêmes 24h du matin au soir en se réveillant sur la même plage de sable noir d’une mer gelée. Totalement imbriquées dans le scénario, les règles complexes de gameplay imposent lecture copieuse et gymnastique cérébrale avant de comprendre les enjeux et surtout la méthode à suivre. Une charge mentale à accepter qui conduit le joueur/cobaye à ressentir émotionnellement et intellectuellement le gameplay et le scénario entremêlés.

Ambiance James Bondienne jazzy, ultra violence clownesque à la Orange Mécanique…, Deathloop multiplie les références culturelles des années 60-70 et donne à jouer une oeuvre plastique complexe et unique. Sans se prendre pour autant trop au sérieux. 

PC et PS5
Action-tir-infiltration-énigmes
VF et VO anglaise sous-titrée
1 joueur, 2 joueurs en ligne
PEGI : à partir de 18 ans
Arkane Studios (Lyon), Bethesda

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Comment ça marche / décembre 2021)


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Returnal : Feu d’artifice élitiste

Bon courage avant de découvrir les six biomes / écosystèmes de la planète Atropos inclus dans cette super production PlayStation 5.

Le frénétique jeu d’esquive et de tir d’arcade 2D de Housemarque devenu démonstration techniquo artistique next-gen 3D requiert des aptitudes à la manette hors norme. Returnal a d’ailleurs relancé le débat du seuil infranchissable de difficulté retenu parfois délibérément par les créateurs de jeu, surtout payé au prix fort des exclusivités PS5.

D’évidence Sony vise sa clientèle la plus élitiste, pour ne pas dire hardcore. Difficile mais pas bloquant (recomposé à chaque tentative, chaque périple dans le dédale d’Atropos est unique) et surtout extrêmement maniable, Returnal tient ses promesses de spectaculaire.

Les développeurs de Resogun réinventent avec brio le jeu de tir et d’exploration immersive à la Metroid Prime de Nintendo. L’impressionnante bande son atmosphérique donne vie à une grouillante planète organique. Sensations troublantes, la manette DualSense vibrante et sonore témoigne de chaque respiration et goutte de pluie. Les aliens protéiformes et la flore fluorescente transforment les confrontations en éblouissants ballets de lumières et de particules. Sélène, l’astronaute échouée sur Atropos, meurt, ressuscite, et revit en boucle son crash. Le joueur aussi et partage ainsi son traumatisme en recommençant inlassablement l’aventure.

PS5
Aventure – jeu de tir et d’esquive
1 joueur
PEGI : à partir de 16 ans
Housemarque / Sony Interactive Entertainment

François Bliss de la Boissière

(publié sous forme raccourcie dans le mensuel Comment ça marche / Juillet-Août 2021)


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What remains of Edith Finch : Lettres de noblesse

Tout en restant accessible, c’est encore une production indépendante pointue concoctée avec passion en-dehors des grands éditeurs qui donne de nouvelles lettres de noblesse au medium jeu vidéo.

Contrairement au silencieux Rime sorti aussi récemment (chronique ici), ce sont les mots qui font d’abord avancer le jeu d’aventure et d’exploration : la voix off d’une jeune femme de retour dans sa maison familiale, les mots écrits dans les journaux et courriers des membres disparus de la famille, les bulles dans des BD vintage mettant en scène des souvenirs familiaux…

Chaque pièce visitée en vue subjective de la grande demeure familliale abandonnée au bord d’un lac de l’état de Washington aux USA est prétexte à la découverte d’une histoire passée. Car il s’agit là, un peu à la manière des contes d’Edgar Allan Poe, de lever le voilà sur le destin macabre d’une douzaine de membres d’une famille norvégienne dont l’arbre généalogique remonte à 500 ans.

Descendant bien sûr des meilleurs « walking simulators » * Gone Home, Vanishing of Ethan Carter ou Firewatch, Edith Finch se distingue, outre son écriture et sa réalisation entre BD et photoréalisme, en multipliant les points de vue. Au moment de revivre les scènes du passé, le joueur se retrouve ainsi parfois provisoirement dans la peau d’un chat, d’un serpent, voire d’un… requin !

* « Simulateurs de marche » : terme moqueur pour décrire un type de jeu à vocation littéraire basé sur l’exploration et l’observation.

Note :
En juillet 2022, une mise à jour gratuite permet de profiter de l’aventure en qualité next-gen sur PlayStation 5 et Xbox Series !

  • Supports (téléchargement) : PC, PS4, PS5, Xbox One & Series
  • 1 joueur
  • Voix off en anglais STF, textes en français
  • Giant Sparrow
  • PEGI : à partir de 16 ans
François Bliss de la Boissière

(Publié en septembre 2017 dans le mensuel Comment ça marche)


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La petite musique des jeux vidéo

De ses débuts il y a tout juste 30 ans jusqu’à aujourd’hui, le jeu vidéo a évolué très vite, techniquement et artistiquement. La musique illustrant les jeux vidéo est par exemple passée des sons bip bip 8-Bits de ses débuts aux compositions orchestrales d’aujourd’hui. La technologie a suivi cette évolution mais pas toujours la législation. Surtout en France où l’exception culturelle qui protège les auteurs-compositeurs au risque de compromette l’équilibre budgétaire nécessaire à la conception d’un jeu vidéo.

L’âge adulte artistique

Bien que restitués avec des moyens techniques alors limités à sa naissance dans les années 70 aux années 90, les thèmes musicaux des premiers jeux vidéo ont acquis une célébrité jusqu’à devenir des classiques et être interprétés par des orchestres symphoniques. L’apparition du support CD sur ordinateur, puis la première console PlayStation de Sony, a changé les choses au milieu des années 90 en permettant d’illustrer l’environnement sonore et musical des jeux avec une qualité optimale de reproduction. Habitué à concevoir des musiques synthétiques plus économiques à produire, l’industrie dans son entier n’a pas immédiatement basculée vers des compositions acoustiques. Aujourd’hui néanmoins, les mélodies que l’on entend sur les derniers jeux Mario sur Wii (Super Mario Galaxy…) ont été enregistrées par un vrai orchestre symphonique et s’apprécient dans toute leur grâce pendant que le joueur saute de planètes en planètes. 

Avec l’arrivée des ambitieuses consoles PlayStation 2 et Xbox dans les années 2000, les jeux vidéo ont commencé à se mettre en scène et à se dramatiser avec des partitions musicales dignes de productions hollywoodiennes. Certains compositeurs travaillent d’ailleurs dans les deux industries. Un des plus connus, Harry Gregson-Williams, a composé la musique du jeu Metal Gear Solid et des films Shrek, Narnia, Kingdom of Heaven… Immédiatement identifiables, les thèmes des séries de jeux japonais Dragon Quest, ou Final Fantasy, composé par le respecté Nobuo Uematsu, et américains, Halo composé par Martin O’Donnell, génèrent, comme ceux des films Star Wars, Indiana Jones ou Superman un culte lié à toute l’émotion que les notes de musique peuvent provoquer.

La musique de jeux vidéo en tournée

Depuis 2005, un orchestre symphonique dirigé par la baguette de deux chefs d’orchestre compositeurs de musique de jeux, Tommy Tallarico (Earthworm Jim, Prince of Persia…) et Jack Wall (Myst III et IV, Splinter Cell, Mass Effect 1 et 2…), interprète en public dans les plus prestigieuses salles de concert du monde les thèmes d’une sélection de jeux vidéo célèbres. Déjà passée deux fois à Paris, la dernière prestation de la tournée Video Games Live a eu lieu dans le Palais des Congrès de la capitale le 17 décembre dernier avec un nouveau chef d’orchestre, l’italien Emmanuel Fratianni, compositeur co-crédité sur le jeu Advent Rising. Ponctuellement, des invités rejoignent les prestations live. Kinuyo Yamashita, la compositrice japonaise du jeu Castlevania a par exemple participé aux concert donnés à Newark aux USA fin décembre 2010. Lors de la première représentation à Paris en 2009, le créateur français du jeu Rayman, Michel Ancel, est monté sur scène avec deux musiciens pour jouer en live le thème de son prochain jeu Beyond Good and Evil 2. Une captation du concert existe en CD Audio et il est possible d’écouter des extraits gratuits en streaming sur Deezer.

L’élite des OST

Réservés à une élite de passionnés qui devaient acheter à prix d’or des versions imports, les OST (Original Sound Tracks), ou bandes originales de jeux vidéo, ont commencé à être éditée en CD Audio. D’abord au Japon grâce aux compositions très appréciées sur les jeux de rôle des éditeurs Square et Enix, puis, peu à peu dans le reste du monde. De nos jours, les OST ne sont plus rares et se trouvent presque facilement dans le commerce en France. À commencer par les magasins de musique dématérialisée accessible sur les stores d’Amazon ou d’Apple. La musique des jeux Mass Effect 1 et 2 signée Jack Wall est par exemple disponible en 6 albums sur iTunes. Le store Apple référence également 10 OST des jeux vidéo japonais Final Fantasy : des bandes originales complètes ou des réinterprétations orchestrales ou au piano.

Musique étouffée en France

En pleine effervescence, la création de musique pour jeu vidéo est freinée en France par une situation juridique aujourd’hui bloquée. Encore considéré comme un simple logiciel informatique, le jeu vidéo ne peut pas s’appuyer sur un réel statut législatif et culturel. Un trouble légal qui peut créer des situations dramatiques comme le raconte Emmanuel Forsans, un ancien producteur de jeux vidéo en France, actuellement responsable de l’Agence Française pour le Jeu Vidéo (AFJV).

« Les sociétés de jeux vidéo français ne veulent plus faire travailler les compositeurs français pour des raisons de droits d’auteurs inquantifiables à payer » explique Emmanuel Forsans. « Le jeu vidéo étant depuis son origine considéré juridiquement comme un logiciel et non une œuvre, l’usage jusqu’ici avait été de payer le travail d’un compositeur de musique de jeu vidéo une somme forfaitaire nette. Mais il y a quelque temps, un compositeur français est revenu sur cette convention et les tribunaux lui ont reconnu, comme pour les compositeurs de musique de films, un droit de propriété intellectuelle sur sa musique qui l’autorise à percevoir des droits d’auteurs, c’est à dire un fort pourcentage sur les ventes du jeu. Le studio de développement qui l’avait déjà payé une somme nette a été obligé de lui régler une somme rétroactive si élevée que l’entreprise a été mise en grande difficulté financière. Depuis, dans le milieu, plus personne n’ose faire travailler un musicien français. Même si la loi n’a pas été modifiée et que du côté de la Sacem (l’organisme qui collecte et redistribue les droits d’auteurs aux artistes), le jeu vidéo reste un logiciel, ce premier cas peut faire jurisprudence.« 

Musique de chambre entre le CNC, le SELL, le SNJV et la SACEM

Depuis plusieurs années et encore à ce jour, des discussions sont en cours entre la Sacem et le SELL (instance de représentation des éditeurs de jeux et de logiciels) autour de la définition du jeu vidéo et de ses composantes artistiques. Donnent-elles, ou pas, droit, à des rémunérations spécifiques liées à la propriété intellectuelle ? Déjà engagé dans le dossier jeu vidéo, le CNC (Centre National de la Cinématographie) arriverait un peu mieux plus à faire avancer les choses selon Emmanuel Forsans. Au cœur de cette négociation, c’est la définition même de ce qu’est le loisir interactif qui se pose. « Le jeu vidéo est un ensemble hétéroclite d’images, de sons, d’interactions » expliquait en 2009 Nicolas Gaume actuel Président du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo), « il n’a pas de statut juridique mais des jurisprudences contradictoires« .

« On a un peu surprotégé les musiciens en France« 

Programme informatique composé d’éléments rudimentaires animés et bruités à ses débuts, le jeu vidéo a évolué vers un ensemble composite faisant appel à des talents dans de nombreuses disciplines, en plus des programmeurs informatiques : illustrateurs, graphistes, animateurs, scénaristes, dialoguistes, acteurs, cascadeurs, compositeurs et musiciens. Avec sa singularité interactive, l’assemblage des disciplines autour de la création d’un jeu vidéo ressemble de plus en plus à son grand frère le cinéma. Pour cet ancien producteur de jeux néanmoins, « on a un peu surprotégé les musiciens en France« . Dommage collatéral de ce flou juridique qui gèle les relations de travail, les éditeurs de jeux vidéo font appel à des compositeurs résidant ailleurs qu’en France. Installé dans de nombreux pays, le français Ubisoft utilise par exemple, sur sa série de jeux Assassin’s Creed, le talent du compositeur danois Jesper Kid installé à New York. Un imbroglio juridique autour de la notion d’auteurs et de leurs droits sur le point de se complexifier avant d’être résolu en France. Les jeux les plus récents commencent à faire participer le joueur dans la création de contenu utilisable à l’infini par d’autres joueurs en ligne (LittleBigPlanet2 sur PS3 par exemple). Le joueur participatif devient, de fait, co-auteur. Sera-t-il un jour en droit de réclamer des droits d’auteur ?

Note complémentaire : La chance aux chansons

Le succès des jeux de rythme musicaux Guitar Hero et Rock Band a créé une nouvelle économie florissante entre l’industrie musicale et le jeu vidéo. Chaque chanson pop ou rock incluse dans les jeux ou vendue au détail sur les magasins PlayStation ou Xbox en ligne rapporte quelques centimes aux auteurs. Pas de quoi changer la carrière des stars de la musique sauf que, les musiciens concernés, dont des rockeurs un peu oubliés, ont eu la satisfaction de voir naître un regain d’intérêt pour leur albums grâce aux jeux vidéo musicaux. Les comptes semblent ici bon pour tout le monde jusqu’à ce qu’un éditeur de jeu ait eu la curieuse idée d’utiliser les silhouettes des dites stars de la musique en omettant d’obtenir leur autorisation et donc de payer cette présence célèbre par avatar interposé. Des procès de plusieurs millions de dollars sont maintenant en cours. Mais c’est une autre chanson.

François Bliss de la Boissière

(Enquête publiée (ou pas) dans le mensuel Comment ça Marche #9 de mars 2011)

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