Archives de catégorie : Movies

Best of films 2023 : le cinéma, c’est trop d’émotions, punaise !

Alors que l’on avait prudemment retrouvé le chemin des salles en compagnie du public après le long épisode Covid, voilà que les punaises de lit s’immiscent à leur tour entre nous et les grands écrans.
Cela tourne à la malédiction. D’aucuns bien équipés cinéma à domicile diront que cela confirme l’agonie progressive du modèle cinéma dans les salles. Si on ajoute à l’hygiène, et à l’accueil discutable, des complexes de cinéma comme des salles indépendantes, le prix d’entrée et les films grand spectacle hollywoodiens et même français (Astérix ?) plus vains les uns que les autres, il devient difficile de défendre les salles trop obscures pour être honnêtes. Si, parmi l’hécatombe des blockbusters, on a été content de voir le réussi (ouf) Gardiens de la Galaxie Vol 3 et le très acceptable Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan en salles (alors qu’ils sont très bien aussi à domicile sur écran OLED), on ne peut pas en dire autant des autres très bon films de l’année. Dès que le film se fait plus intimiste, il devient tout à fait calibré pour le cinéma à domicile (évidemment pas sur smartphones ou tablettes, là, il s’agit d’une autre population de spectateurs, comme celle des avions). Et d’ailleurs, parmi mes 10 films préférés de 2023, trois inédits n’existent que sur plateformes de streaming. Au-delà de cette liste plus subjective que jamais (parmi les 107 films de 2023 vus), je mets aussi en avant quelques listes thématisées, des films ouvertement indés aux nanars qui s’ignorent…

Mes 10 films préférés de 2023…

  • Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 (de James Gunn)
  • Women Talking (de Sarah Polley)
  • Super Mario Bros.  / Spider-Man: Across the Spider-Verse (ex aequo)
  • Le Monde après nous (de Sam Esmail)
  • Je verrai toujours vos visages (de Jeanne Herry)
  • Hawaii (de Melissa Drigeard)
  • Une Nuit (de Alex Lutz) 
  • Les Trois mousquetaires : d’Artagnan (de Martin Bourboulon)
  • The Covenant (de Guy Ritchie)
  • Traquée [No One Will Save You] (de Brain Duffield)

Je ne sais pas si le talent de James Gunn ira jusqu’à nous intéresser à un reboot du DC Univers après sa version kamikaze de Suicide Squad et la dernière ligne droite de mauvais films de super-héros mais il est certain qu’il a réussi à boucler à lui tout seul et de belle manière le Marvel Univers sans queue ni tête (surtout) auquel, entre nous, Les Gardiens « de la Galaxie » n’appartiennent pas vraiment (ou au forceps en-dehors de la trilogie à leur nom). Le dernier opus des Gardiens de la Galaxy a ainsi toutes les vertus attendues, spectaculaire bien sûr, burlesque, cabotin mais aussi et surtout extrêmement touchant. À ce point frôlant la sensiblerie, on ne s’y attendait pas. Devenue réalisatrice, Sarah Polley présente un des plus puissants films de femmes de l’ère moderne (post Metoo ?) avec le très maîtrisé Women Talking dont on ne parle pas assez en cette fin d’année damnée par le scandaleux Depardieu.

Plus paranoïaque que jamais et tout à fait dans l’air du temps complotiste, l’auteur Sam Esmail de la série Mr Robot propose avec Le Monde après nous le bad trip mental qui confirme en forme de faux huit-clos toutes nos frayeurs du moment. Dans The Covenant, Guy Ritchie surprend en oubliant tous ses tics de mise en scène pour capter une impossible amitié militaire en Afghanistan mâtinée d’un petit message politique envers l’Amérique. Bien plus culotté et déroutant dans le genre fantastique que le dernier Shyamalan (Knock at the Cabin), l’inattendu Traquée (exclusivité Disney+), ne lâche pas son emprise sur l’unique actrice (épatante Kaitlyn Dever) et le spectateur pendant 90mn. Une réussite formelle doublée d’un beau suspens.

Je verrai toujours vos visages, Une Nuit… ces films français vus, y compris le dépaysant et faux film de vacances inattendu Hawaï (et d’autres encore à voir, comme Le Règne Animal), offrent de magnifiques plongées dans l’âme humaine. Merci le cinéma français pour ça. Malgré sa naïveté de réalisation, on ne boudera pas par snobisme le spectacle français trop rare des Trois Mousquetaires : D’Artagnan de Martin Bourboulon. Les combats en plan séquence font presque mouche et on adopte très vite les acteurs dans leurs rôles iconiques de mousquetaires. Sans compter les participations réjouissantes du finaud Louis Garrel en Louis XIII et de la digne Vicky Krieps en Anne d’Autriche.

Les deux cartons cartoons enfin, Super Mario The Movie et l’extravagance graphique Spider-Man Across the Spider-Verse redonnent du souffle au film d’animation là où, aussi, les champions du genre n’avancent plus vraiment. Et au double titre de gamer (voir mon Best of jeux 2023) et cinéphage passionné, je me réjouis de la transposition réussie de l’univers des jeux Mario de Nintendo en grand film intéressant. Et pourquoi la chanson Peaches interprétée par Jack Black / Bowser n’est pas sélectionnable aux Oscars ? Pourquoi ?

Mentions spéciales…

Des indés inspirés et surtout portés à bout de bras par de puissantes, voire bouleversantes, interprétations…

  • Stars at Noon (Margaret Qualley), une étrange dérive en Amérique du sud signée de l’habituée du genre : Claire Denis
  • Winter Break [The Holdovers] (Paul Giammati) entre Dead Poets Society et Breakfast Club version 70s par Alexander Payne
  • The Whale (Brendan Fraser) Le retour littéralement monstrueux de Brendan Fraser par un Darren Aronofsky à la filmo décidément indéchiffrable
  • Reality (Sydney Sweeney) Même sans maquillage et bikini, Sydney Sweeney fascine et prouve son talent d’actrice
  • Vivre (Bill Nighty) On savait déjà (depuis au moins depuis Love Actually) que Billy Nighty avait un coeur gros comme ça
  • Flora and Son (Eve Hewson) La découverte (tardive) d’une actrice au fort tempérament
  • Emily (Emma Mackey) Emma Mackey porte décidément bien le costume d’époque, même pourtant celui bien usé d’Emily Brontë
  • Are You There God? It’s Me Margaret (tout le casting). Un joli film choral de « coming of age » comme on n’en voyait plus depuis… ?

Des Ovnis cinématographiques…

  • Saltburn de Emerald Fennell. Tout juste diffusé en exclusivité sur Prime Vidéo fin décembre, encore sous le choc, on ne sait pas où ranger dans sa psyché ce film tordu et beau, beaucoup écrit et beaucoup improvisé !
  • Barbie. Greta Gerwig à la réalisation et Margot Robbie à la production réussissent le hold-up de l’année avec cette improbable ode à la femme libre à partir d’une poupée sans âme. Chapeau.
  • Oppenheimer. Masculiniste et boursoufflé d’ambition thématique et formelle, le succès improbable du biopic plutôt classique et lourdaud de Christopher Nolan se regarde avec une certaine incrédulité.

Des réalisateurs haut de gamme qui s’enlisent à privilégier la forme…

  • Asteroid City de Wes Anderson
  • Empire of Light de Sam Mendes
  • The Killer de David Fincher
  • Babylon de Damien Chazelle (vu en 2022 mais sorti en 2023 en France)

Des films dits de prestige qui laissent froid, ou énervé, notamment à cause de personnages détestables, ouvertement égocentrés, et que l’on rejette pendant tout le récit…

Rien de pire que les films qui cherchent à nous faire adhérer pendant la majorité du métrage à des personnages aux comportements odieux, sous couvert de dénonciation. La palme à ce titre à Martin Scorcese indécrottablement fasciné par les sales types (de Raging Bull à Wall Street en passant par Les Affranchis ou Casino) au point de, à nouveau, donner la vedette pendant 3h aux odieux bourreaux de Killers of the Flower Moon (voir dans ce même sens l’avis de Paul Schrader sur le jeu pénible de DiCaprio associée à la longueur excessive du film) avant de consacrer seulement 20mn à leur condamnation. Et Lily Gladstone est bien plus vivante et intelligente en vraie (voir la conférence de presse du Festival de Cannes) que dans son rôle inexpressif de femme Osage cruellement passive. En ce qui me concerne, il s’agit de cinéma torture porn.
Une larme pour l’inspiration perdue de Sofia Coppola confirmée, après Les Proies et On the Rocks, avec le lisse et inutile portrait d’une Priscilla sans intérêt auprès d’un Elvis toujours aussi cliché et insupportable.
Le célébré Anatomie d’une chute maintient certes le spectateur en tension, mais enfin son filmage téléfilm, son sujet fait divers familial qui vire en film de procès théatreux figé, mérite vraiment autant d’attention ? Saluer la prestation de Cate Blanchett, forcément, mais détester le personnage jusqu’au bout de Tár aussi.
Évidemment que les films ne peuvent se contenter de portraits confortables et de situations cosy. De la même manière le spectateur peut aussi trouver pénible de se voir rabâcher de scène en scène combien tel personnage est un monstre social, mais attention, avec un talent (séparer l’artiste de l’humain, suivez mon regard). Surtout quand cela est ouvertement visible dès la première scène. Au-delà, le spectateur subit et pour moi, il s’agit de complaisance de metteurs en scène fascinés devant le détestable. Ainsi, il faudrait aimer le Leonard Bernstein de Bradley Cooper ? La forme du film Maestro oui; la pauvre Carey Mulligan victimisée, oui; le chef d’orchestre égocentrique grimaçant baguette à la main, non. Idem avec le personnage extraverti égotiste interprété par Annette Bening dans Insubmersible. Combien de fois tous ces films donnent envie de hurler aux autres personnages : attention individu toxique à fuir !

  • Killers of the Flower Moon
  • Priscilla (sortie en janvier 2024 en France)
  • Maestro
  • Anatomie d’une chute
  • Tár (vu en 2022 mais sorti en 2023 en France)
  • Insubmersible

Des Nanars vus parce qu’on aime le cinéma jusqu’au bout de la nuit…

  • Flash (pour Michael – « let’s get nuts » – Keaton)
  • Rebel Moon (pour Zack – Sucker Punch – Snider)
  • 65 Millions (pour Adam – Ferrari – Driver)
  • Astérix & Obélix : L’Empire du Milieu (pour…. rien, le patrimoine ?)
  • Indiana Jones et le Cadran de la destinée (pour James Mangold, si si)
  • Mission Impossible : Dead Reckoning part 1 (pour Maverick)
  • Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur (pour… les fringues)

François Bliss de la Boissière

Illustration de Une : Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3
Relecture danybliss

Best of films 2022 : De l’ombre à la lumière

Retour en grâce du cinéma dans les salles ? Qui sait ? En tous cas les films eux se sont bien portés en 2022 où qu’ils soient diffusés. Après avoir vu 132 films de cette année, je me plie comme tous les ans au rituel du pire et du meilleur. Exercice aussi ridicule qu’une remise de récompenses qu’indispensable pour s’y retrouver. Alors Batman ou Blonde ? Athena ou Cyrano ? Faut-il vraiment choisir ?

En 2022, aucun film ne s’impose indiscutablement, quelles que soient les cultures cinématographiques. Il suffit de lire ici ou là les listes des 10 films préférés des médias et rédactions pour se demander si tout le monde a traversé la même année cinématographique. Il faut dire que la dissémination des supports disperse et dilue autant l’accès que les opinions. Étant moi-même plateforme agnostique et me donnant les moyens d’avoir accès à tous les films sortants (c’est du boulot), en m’assurant de les voir dans de bonnes conditions techniques (c’est un investissement), pas de snobisme, je ne fais pas de hiérarchie entre les films projetés en salle, disponibles directement en VOD ou en streaming. De la même manière, n’appartenant à aucune chapelle, sinon celle du cinéphage, je mélange sans snobisme films d’auteurs et films de divertissement, films indés américains et films sociaux français. J’avoue ne pas (encore) avoir vu les films internationaux autre qu’anglo-saxons, salués ailleurs.

N’ayant pas non plus à négocier mes choix avec une rédaction, ma liste de 10 films 2022 correspond clairement à mes goûts du moment. La hiérarchie est aisément interchangeable après… The Batman.

Plus bas, parce que le rituel du podium des 10 préférés est toujours trop court et ridicule, je continue le jeu des listes en m’inventant des rubriques « Mentions spéciales » qui permettent de ranger un peu une production cinématographique naturellement et heureusement azimutée …

Mes 10 films préférés de 2022…

Parmi les 132 films vus et sortis, sauf erreur, en 2022 (voir ma liste ici) je retiens donc ceux-ci en priorité…

  • The Batman
  • Athena
  • Blonde
  • Vesper Chronicles
  • A l’Ouest, rien de nouveau
  • Revoir Paris
  • Men
  • Cyrano
  • Les Nageuses
  • Causeway

Épuisé (comme tout le monde ?) des films de super-héros numériques sans queue ni tête ou rejouant sans cesse la même partition, je n’attendais vraiment rien de ce énième Batman. La surprise fut d’autant plus grande de découvrir un vrai grand film. Un bel essai visuel d’abord qui, culotté en 2022, égratigne l’esthétique passe-partout numérique actuellement répandue en salopant sciemment l’image. Résultat, chaque plan devient un tableau, sensuel, sombre et insaisissable comme ses personnages jamais nets. Le spleen général et la neurasthénie du personnage principal transforment ce Batman en grand film malade (c’est un compliment), comme le précédent Joker de Todd Philips. Alors malgré des échecs, on ne rêve certainement pas d’un DCU similaire au MCU. De Zack Snyder à Matt Reeves en passant par Todd Philips, surtout, surtout…, que chaque film reste un prototype unique signé par des cinéastes auteurs.

Certains longs métrages se retiennent pour leur énergie et leur brio technique (Athena), d’autres pour leur poésie (Blonde, Vesper) et leur interprétation à fleur de peau (Blonde – qui élève définitivement Ana de Armas au rang des grandes actrices, et Causeway qui rappelle l’immense présence de Jennifer Lawrence même dans un rôle tout en retenue). Le sidérant À l’Ouest, rien de nouveau prouve, lui, que le film de guerre ne s’est arrêté ni à Dunkerque ni en 1917.
En revenant à une proposition plus modeste et introspective, le film de SF anticipation retrouve enfin du sens et de l’humain grâce au surprenant de justesse formelle et thématique Vesper Chronicles. Si Novembre frappe fort en restant un peu trop dans les clous du film d’enquête, le véritable ressenti d’un attentat est indéniablement le poignant Revoir Paris d’Alice Winocour qui laisse sonné et en larmes comme son héroïne. Avec le toxique et contagieux Men, Alex Garland signe un grand film lynchien féministe bien utile à dénoncer le masculinisme toujours en vigueur dans nos sociétés. La musique nous sauvera toujours, alors on défendra becs et ongles contre la critique boudeuse l’élégant Cyrano lalaland avec Peter Dinklage et Haley Bennett. Pépite socio-géo-politique cachée sur Netflix, écho tragique de la sisuation en Ukraine, Les Nageuses de Syrie débarque à point pour rappeler l’horreur de l’exil forcé d’un pays en guerre.

Mentions spéciales :

Parce qu’une seule liste ne suffit pas…

La (bonne) cause des femmes…

Directement ou indirectement, ces films redonnent aux femmes le pouvoir que les hommes ne cessent de lui enlever…

  • She Said
  • Don’t Worry Darling
  • Emily the criminal
  • Spencer

Les Ovni…

Inclassables, évidemment prestigieux vu les auteurs, pas forcément agréables à voir, un tantinet auto complaisants avec leurs mises en scène et leurs dialogues, ils marquent quand même au fer rouge…

  • Nope
  • Bardo, Fausse chronique de quelques vérités
  • Les Banshees d’Inisherin
  • Triangle of Sadness (Sans filtre)

Prisonniers de leur nostalgie…

Des films techniquement brillants mais qui exploitent outrageusement le passé, y compris l’ex futuriste suite d’Avatar mâtinée Disney qui rhabille nombre de scènes clés du premier film. Un exercice de régurgitation qui fonctionne mieux avec Top Gun Maverick parce que distant de 35 ans du premier opus contre les « seulement » 13 ans qui séparent les deux Avatar (vu et revu le vénéré Avatar de 2009 un nombre incalculable de fois). Et quand les trois grands cinéastes, Spielberg, James Gray et Kenneth Branagh racontent leur enfance, leur talent s’exprime toujours mais transforme plus que jamais le spectateur en voyeur en peu gêné devant leur déballage familial personnel…

  • Avatar The Way of Water
  • Top Gun Maverick
  • The Fabelmans
  • Armageddon Time
  • Belfast

La France mordante…

Au-delà de ses gros auteurs attitrés, le cinéma français continue heureusement de nourrir un cinéma social, voire, plus rarement mais ici bien réussi, politique…  Certains de ces films atteignent même une sorte de psycho trance (En Roue libre, Inexorable, Selon la police), mettant à jour une psycho France… 

  • Les Promesses
  • Un Autre monde
  • Le Monde d’hier
  • En Roue libre
  • Selon la police
  • Ouistreham
  • Inexorable

La faute à qui ?

Dans la tendance lourdingue des whodunit transformés en grosses farces théâtrales prétexte à rassembler (et vendre) plein d’acteurs sur une même affiche jusqu’au crash d’Amsterdam (pas encore vu en entier tellement le cabotinage insupporte), je retiens ces deux films plus discrets et pourtant encore mieux ficelés. Ceux-là, on ne les voit vraiment pas venir…

  • The Outfit avec un Mark Rylance plus subtil que jamais
  • Contrecoups, où entourée d’un Jesse Plemons inhabituel et d’un Jason Segel fidèle à lui-même, une Lily Collins désemparée montre mieux son talent d’actrice sur Netflix que dans Emily in Paris.

Les nanars big time

On les a vu, parce qu’on aime le cinéma toutes catégories, mais trop c’est trop (et on oublie les Marvel annuels tout aussi boursoufflés et vides)…

  • The Gray Man
  • Uncharted
  • Ambulance
  • Moonfall
  • Le Samaritain
  • Bullet Train
  • Ticket to Paradise
  • Lost city (Le Secret de la cité perdue)

Les films trop appuyés

Avec une flamboyance visuelle indiscutable, ils en font des tonnes pour dire ce qu’ils ont à dire, voire pour ne rien dire du tout, ou alors en en faisant trop pour en dire peu ou rien de nouveau…

Rendez-vous manqués

On les attendait en particulier, ils sont arrivés, et ils ont laissé froid comme si formes et sujets ne se rejoignaient pas…

  • The Northman
  • Les Olympiades

François Bliss de la Boissière

Best of séries 2022 : Riches & pervers

Reine, impératrice, millionnaires de la tech ou du rap, oui ils sont riches, célèbres, oisifs et le plus souvent odieux. Les séries ordinaires célèbrent le bling et le glam. Les grandes séries prennent les mêmes VIP par les tripes et les détruisent, gold brick by gold brick. L’année 2022 en séries a aussi et surtout donné naissance à plusieurs magnifiques portraits de femmes.

La fin des confinements à domicile n’a heureusement pas signé la fin du tsunami des bonnes séries. Discerner les passionnantes des quelconques, se jeter dans les inédites et laisser tomber les anciennes interminables fait partie de l’exercice et du plaisir. Choisir, essayer, zapper, trancher et, de temps en temps, rester. Presque pas de saison 2 dans ma sélection 2022 même si, comme toutes les générations, on s’est laissé entraîner dans l’interminable et lourdaude saison 4 de Stranger Things et que Yellowstone s’essouffle et s’auto exploite au moment même où la série atteint la célébrité internationale, dommage. Pas de miracle, derrière les bonnes séries se cache presque toujours un auteur, et non pas juste un showrunner.

Mes 11 séries préférées et indispensables de 2022 (et vues jusqu’au dernier épisode)

  • The White Lotus (S02)
  • 1883 (mini série)
  • Atlanta (S03 & 4)
  • L’Impératrice (S01)
  • The Old Man (S01)
  • Tokyo Vice (S01)
  • The First Lady (mini série)
  • Les Papillons noirs (mini série)
  • The Dropout (mini série)
  • The Serpent Queen (S01)
  • Les Hautes herbes (mini-série)

Champions récidivistes

En récidivant sans faiblir et même en s’améliorant, Mike White, Taylor Sheridan et Donald Glover ont élevé les séries White Lotus, 1883 et Atlanta à un niveau d’écriture sidérant.
Les qualités de la première saison de White Lotus ne laissaient pas imaginer une suite aussi puissante, inédite, iconoclaste et corrosive. Sorte de Tarantino showrunner, son auteur Mike White cumule portraits et monologues mordants avec l’envie d’aller chercher des acteurs méconnus ou trop vite oubliés par Hollywood. Avec en tête, le coup de génie du retour au casting de l’extravagante Jennifer Coolidge.

Déjà spécialiste des femmes à têtes dures dans Yellowstone, Taylor Sheridan profite de la traversée de l’Ouest par des pionniers en 1883 – dont la première génération Dutton qui fondera Yellowstone – pour offrir à la jeune actrice Isabel May une voix intérieure d’une force qui ne s’oubliera pas de sitôt. Brûlants, à la vie à la mort et à l’amour, scénario et dialogues de Sheridan grattent cette fois directement l’os et donc l’âme. Il y a dans cette fuite remarquable à travers l’Ouest sauvage un jusqu’au boutisme à la Dernier des Mohicans de Michael Mann et du Hostiles de Scott Cooper (2017).

Les Dudes

La nonchalance naturelle de Donald – Childish Gambino – Glover et de sa petite troupe d’Atlanta, dont le désormais incontournable Brian Tyree Henry (Causeway, 2022), cache une acuité thématique et formelle inouïe. Unique et concept, chaque épisode vire au haïku. Tout n’est pas dit ni même résolu, et pourtant chaque petit récit, parfois surréaliste, en dit long sur les personnages et le monde en suspension qui les entoure, le nôtre. Sensation de vertige après chaque épisode.

La nonchalance de Jeff – The Dude – Bridges, que l’on croit un bon moment être le Old Man du titre de la série qui le met en vedette, cache lui aussi une narration puissante au style proche de la première saison de True Detective. Quel meilleur pedigree ? Le scénario ne va jamais là où il est attendu, les dialogues ou monologues sont aussi utiles qu’introspectifs, voire meta (le scénariste-dialoguiste commente insidieusement sa propre posture devant le récit incertain). Quand l’action survient parfois dans de brillants longs plans séquences inattendus, tout le rythme bascule sans alerte dans le chaos avant de redevenir un objet d’auto réflexion. Grosse surprise.

Viril et virevoltant, immersif et saisissant, le premier épisode de Tokyo Vice dirigé par Michael Mann en personne rejoint (mieux que ses derniers films) le niveau qualitatif de la filmographie du maitre du cinéma caméra à l’épaule des années 90-2000. Sans sa patte, les épisodes suivants perdent ce brio formel mais l’élan est donné, sujet et acteurs avec Tokyo en toile de fond restent extrêmement prenants.

Portraits de fame

Adieu les impératrices froufrouteuses ciné-télévisuelles des années 50 et 60 (respect à Romy Schneider), depuis le film A Royal Affair de 2012 et le wake-up call post Metoo, les cours royales abritent hommes lubriques pitoyables, et femmes fortes à l’affût du pouvoir et avides d’apprendre. Dans la foulée de la série The Great de 2021 où Elle Fanning en Catherine de Russie domine Nicholas Hoult en idiot royal, The Serpent Queen transforme la géniale Samantha Morton en une Catherine de Médicis impitoyable au centre d’un parterre d’hommes imbéciles imbus d’eux-mêmes. Enfin mis à jour, le ridicule des hommes de pouvoir consterne et réjouit terriblement. Idem dans L’Impératrice où la jeune princesse de Bavière (Sissi de son vrai surnom) apprend peu à peu à s’émanciper du patriarcat royal, à respirer, exister et, peut-être, prendre le pouvoir. Contrairement à la trop passive Marie-Antoinette de Sofia Coppola, cette princesse là devrait s’en sortir la tête haute. On espère en tous cas qu’une deuxième saison le confirmera.

Et, au 20e siècle, les épouses de Présidents sont-elles encore des princesses de procuration ? En portraiturant trois de ces épouses catapultées premières dames à la Maison Blanche, Eleanor Roosevelt, Betty Ford, Michelle Obama (respectivement jouées par Gillian Anderson, Michelle Pfeiffer, Viola Davis, excusez du peu), la prestigieuse mini-série The First Lady nous fait découvrir trois femmes bien plus puissantes et volontaires que les apparences laissent croire, tandis que les conventions et le mobilier de la Maison Blanche les tiennent tel un corset, . Une belle plongée dans les coulisses d’un pouvoir qui ne se partage qu’à l’arraché, même dans l’intimité d’un couple.

Portrait de shame

Retour à la réalité cependant avec la série contemporaine The Dropout qui décrit cette fois l’abus de pouvoir qu’une femme peut aussi exercer. Royauté auto promue de la Silicon Valley, pour de bon condamnée à la prison par la justice en 2022, le portrait implacable de l’escroc millionnaire de la tech Elizabeth Holmes par Amanda Seyfried en devient encore plus glaçant.

France insondable

S’il est plus difficile d’adhérer au style plus télévisuel que cinématographique des séries françaises, il n’est pas interdit de tomber sur des pépites, notamment noires. Le tête-à-tête Duvauchelle / Arestrup des Papillons noirs pèse très lourd. Le sujet bateau rabâché et violent du serial killer prend une tournure littéraire et féministe tout en cultivant une photographie dense et granuleuse particulièrement réussie. Seule lumière dans Les Hautes Herbes qui dissimulent, la quête de vérité d’Emmanuelle Devos révèle, comme il se doit, des secrets que seuls les habitants d’un village savent enterrer. Une France profonde que la série creuse et sonde avec beaucoup d’intelligence.

François Bliss de la Boissière

(relecture et corrections Danybliss)

Illustration de Une : The White Lotus @ HBO

Novembre : La vraie traque

Réaliser un film de fiction sur les attentats du 13-Novembre 2015 à Paris est-il une bonne idée ? Inhabituel en France en tous cas…

De son côté, sincère ou d’exploitation industriel, sans même attendre cicatrisation des blessures, le cinéma américain ne se prive pas de produire des films sur les scandales politiques, assassinats, attentats, faits de guerre qui blessent l’empire américain. Par pudeur, manque de moyens ou de culot, ce genre de film existe à peine en France. Initiative rare, Jean-Jacques Annaud a osé cette année une version cinématographique de l’incendie de Notre Dame de Paris (Notre-Dame brûle) qui n’avait, il est vrai, pas fait de victimes.

Signé par le réalisateur du tétanisant Bac Nord (2021), Novembre suit exclusivement le travail des brigades anti-terroristes engagées dans la poursuite des terroristes encore en fuite après les fusillades dans Paris et le massacre du Bataclan. Respectueux des victimes réelles et des traumatismes inconsolables, le film ne montre aucune image des attentats eux-mêmes. Avec une efficacité redoutable, la mise en scène ne s’intéresse qu’à la course folle de la police, des bureaux jusque dans Paris et sa banlieue. Une course aussi contre la montre et l’inconnu puisque de nouveaux actes de terrorisme restent alors probables.

Le générique prévient que le scénario ne respecte pas à la lettre la vraie enquête judiciaire*. Il n’empêche, avec sa réalisation nerveuse, l’incarnation puissante des acteurs, Novembre devient évènement et témoin devant l’Histoire.

* Un voile est malheureusement venu se poser sur les bonnes intentions du film lorsqu’une des protagonistes réelles et capitales de la chasse aux terroristes à dénoncer une mauvaise représentation d’elle dans le film. Sa plainte a été reçue et un message l’annonce au générique du film diffusé dans les salles publiques.

De Cédric Jimenez, avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain… Au cinéma le 5 octobre.

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2022 dans le mensuel Comment ça Marche #142)

Yellowstone saison 3 : Néowestern enfin star

Alors que la saison 5 sera diffusée le 15 novembre sur le territoire américain, que la saison 4 a intéressé une audience record inattendue (devenue n°1 en 2021 aux USA avec 14,7 millions de spectateurs) qui catapulte le drame rural politico-familial en nouveau phénomène, la saison 3* s’installe enfin sur Salto aux côtés des saisons 1 et 2. Voilà au moins une bonne raison de se réabonner à ce service de streaming français spécialisé dans les séries françaises familiales.

Grâce à l’écriture percutante du créateur-scénariste-acteur, texan et cow-boy authentique, Taylor Sheridan, devenu à lui tout seul un énorme vivier créatif (scénariste des films Sicario, il s’occupe aussi des séries 1883 – formidable – et Mayor of Kingstown encore inédits en France), Yellowstone dresse un portrait néo-classique des cow-boys d’aujourd’hui en l’encrant dans les problématiques de la vie contemporaine.

Le bourru Kevin Costner chef de famille propriétaire du ranch et sa fille (très impressionnante actrice Kelly Reilly dans la peau d’une femme d’affaire intraitable, remarquée depuis 2002 avec L’Auberge Espagnole puis Les Poupées Russes de Cedric Klapisch mais aussi en junkie réhabilitée dans Flight avec Denzel Washington en 2012) défendent leur territoire et leur mode de vie traditionnel contre des multinationales cherchant à installer un aéroport et des complexes hôteliers.

Filmée dans le Montana aux abords du parc national de Yellowstone, la série fait goûter des modes de vie – cow-boys alias « garçons vachers », réserves indiennes, dressages de chevaux, rodéos… tout en offrant le spectacle fascinant des indémodables paysages du Nord Ouest américain.

*La saison 4 arrive finalement très vite sur Salto dès le 14 octobre!

De Taylor Sheridan, avec Kevin Costner, Kelly Reilly, Luke Grimes… Série en 10 épisodes de 45’ sur Salto.

François Bliss de la Boissière

(Chronique parue dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)


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Tout partout tout à la fois : Multivers kung-fu fou

Vous pensiez avoir compris la théorie des multivers avec les derniers films Marvel ? Erreur.

Ce film OVNI complètement kung-fu fou produit par les frères réalisateurs Joe et Anthony Russo (Avengers : Endgame) propose une version encore plus schizophrénique du concept des multivers. Actrice asiatique légendaire, Michelle Yeoh (qui sera dans les prochains films Avatar de James Cameron) se contente ici d’un rôle de mère de famille désabusée au petit commerce endettée. Sauf que tout bascule quand son mari comme possédé lui apprend que lui et elle, et le monde visible autour, appartiennent à une minuscule branche d’un univers cosmique constitué d’innombrables réalités parallèles.

S’en suit une multitude de quiproquos spatio-temporels où les protagonistes changent de personnalité et de lieux en une fraction de seconde. Tantôt victimes hurlantes tantôt champions d’arts martiaux, ils luttent pour reprendre le contrôle de l’une ou l’autre réalité. Un délire visuel et conceptuel cartoonesque, pas toujours de bon goût, qui emprunte aussi effets visuels et concepts des univers parallèles aux films Matrix.

Everything Everywhere All at Once (titre original aussi dingue) : De Daniel Kwan & Daniel Scheinert, avec Michelle Yeoh, Stephanie Hsu, Ke Huy Quan, Jamie Lee Curtis…

François Bliss de la Boissière

(Chronique parue dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)


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For All Mankind Saison 3 : Objectif Mars (Avis Express)

Pourquoi continuer à suivre cette série aux qualités inégales ? Parce que, revenue au premier plan de l’actualité, la conquête de l’espace fascine toujours.

Fidèle à l’idée d’un rétro futur alternatif et du high concept qui fait avancer de 10 années à chaque nouvelle saison, on retrouve nos pionnières astronautes dix ans après la saison 2, soit : en 1995. Celles-ci occupent désormais des postes à responsabilité qui vont très vite être remis en cause et les forcer à se réinventer un destin.

Car bien installés sur la Lune, les premiers touristes de l’espace font la fête en orbite et l’humanité prépare un premier voyage vers Mars. Conflits générationnels, politiques et technologiques freinent ou accélèrent les préparatifs. Valeur ajoutée : le brassage amusant des références passées, présentes et futures (gadgets, décors, start-ups commerciales contre NASA…).

De Ronald D. Moore, avec Joel Kinnaman, Shantel VanSanten, Jodi Balfour… Série en 10 épisodes de 60’ sur Apple TV+

François Bliss de la Boissière

(Chronique parue dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)

Les Derniers jours dans le désert : À méditer (Avis Express)

Maître Jedi ou Jesus ? Les deux puisque juste avant de réendosser l’habit d’Obi-Wan Kenobi dans la nouvelle série Star Wars sur Disney+, l’acteur Ewan McGregor s’est glissé dans la peau d’un autre « saint homme » dont l’identité ne se confirme qu’à la fin du film.

Celui-ci revisite les 40 jours de jeûne et de prières que, selon la Bible, Jesus se serait imposé dans le désert. Seul au milieu d’un interminable désert rocailleux, il dialogue avec lui-même hanté par son double tentateur à ses côtés, il rencontre une famille isolée en détresse qu’il tente d’assister et se dirige vers Jérusalem où l’attend l’insoutenable crucifixion.

Un poème cinématographique, sobre, beau, contemplatif, à la lenteur nécessairement exigeante.

De Rodrigo Garcia, avec Ewan McGregor, Tye Sheridan, Ciaran Hinds…

François Bliss de la Boissière

(Publié  dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)

Revoir Paris : Décharge émotionnelle (Avis Express)

Les films Augustine et Maryland, ont démontré la force unique du cinéma de la réalisatrice française Alice Winocour. Qu’elle réussisse à faire partager avec tant de justesse et de respect l’indicible retour à la vie de survivants à un attentat au coeur de Paris ne surprend donc pas.

De l’amnésie absolue sous le choc, aux incompréhensions, reconstructions individuelles et solidarité collective, le film épouse le parcours émotionnel des survivants à un attentat hagards en quête de sens.

Aux côtés d’une Virginie Efira d’une grande justesse introspective à la recherche de sa mémoire perdue, la grouillante ville de Paris – oui avec ses lumières, mais elle aussi meurtrie, est un personnage à part entière. Pleurer est recommandé.

De Alice Winocour, avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin…

François Bliss de la Boissière

(Chronique publiée dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)

Tokyo Vice Saison 1 : Signé Michael Mann

Michael Mann, l’immense réalisateur des années 90-2000 (Le Dernier des Mohicans, Heat, Miami Vice…) produit et réalise le pilote d’un récit adapté d’un livre-enquête sur le crime organisé à Tokyo.

On y suit un américain japanophile, Ansel Elgort, haute silhouette charismatique de Baby Driver et West Side Story (version 2021), apprenti journaliste recruté en 1999 par… concours dans un quotidien japonais !

Parmi toutes les découvertes de la culture japonaise de surface, police, comme underground, Yakuzas, il subit avec stupeur, et nous avec, le mode de fonctionnement tyrannique du journal qui reflète la terrible hiérarchisation de toute la société japonaise.

Sur le chemin du jeune reporter, le grand Ken Watanabe (Le Dernier Samouraï, Inception…), inspecteur de police vertueux et bougonnant, fera l’intermédiaire avec le monde à peine sous-terrain de la mafia japonaise.

Petit regret, après le premier épisode mis en scène par Michael Mann lui-même où son style caméra à l’épaule et montage fait des merveilles, les épisodes suivants deviennent formellement plus ordinaire. Au moins aucun des réalisateurs conviés n’a cherché à (mal) singer le style de Mann. Malgré tout, une passionnante immersion au coeur de Tokyo, sur les pas d’un jeune reporter culotté et sans peur.

De J.T. Rogers, avec Ansel Elgort, Ken Watanabe, Rinko Kikuchi… Série en 8 épisodes de 52’ sur Canal+.

François Bliss de la Boissière

(Chronique publiée dans le mensuel Comment ça marche, septembre 2022)


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La Cour des miracles : Des moutons dans l’école (Avis Express)

La cour des miracles en question est une école primaire de Seine Saint-Denis (93) qui cherche à se rendre attractive et garder ses élèves quand une école neuve et « moderne » s’installe dans un quartier neuf deux rues plus loin.

Après l’excellent La Lutte des classes (2019) voilà une nouvelle occasion de rire et compatir à toutes les difficultés liées à la cohabitation, dans l’école, des nombreuses communautés et cultures qui font la France d’aujourd’hui. À commencer ici par les profs, plus ou moins blasés, usés voire même dépressifs que tous les efforts de l’énergique directrice n’arrivent plus à motiver.

Planche de salut inattendue, l’initiative contestée d’une nouvelle institutrice transforme l’école en laboratoire expérimental écologique. Une école « verte » avec potagers, poules et moutons qui font la joie des enfants.

De Carine May et Hakim Zouhani, avec Rachida Brakni, Anaïde Rozam, Gilbert Melki…

François Bliss de la Boissière

Le Sixième enfant : Maman à tout prix (Avis Express)

Trop fertile, un couple de gitans catholiques pratiquants a cinq enfants. Ils vivent dans un lotissement de caravanes. Stérile, un couple d’avocats aisés n’arrivent pas à concevoir d’enfant ni à en adopter.

Les deux couples se croisent et envisagent un échange de service lorsqu’une sixième grossesse involontaire se profile. Peut-on vendre ou acheter un bébé ? Non bien sûr, la loi interdit ce qu’elle qualifie de « trafic d’êtres humains ». Et pourtant, l’un parce qu’il en a les moyens, l’autre par misère, les deux couples s’engagent vers un processus qui va les déchirer. Grâce aux acteurs-rices, la tension est totale dans ce suspens psychologique qui finit par transcender les clichés sociétaux.

De Léopold Legrand, avec Sara Giraudeau, Judith Chemla, Benjamin Lavernhe, Damien Bonnard…

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2022 dans le mensuel Comment ça Marche #142)

Gaslit : Politiquement incorrect (Avis Express)

Une belle poignée de pointures du cinéma se met au service d’une nouvelle lecture prenante d’un des plus grand scandale politique américain : le Watergate.

Cent fois raconté, l’espionnage des bureaux du parti Démocrate qui a conduit à la démission forcée du président Républicain Richard Nixon en 1974 prend un nouvel éclairage en donnant corps et vie à toutes les personnes impliquées, du modeste gardien d’immeuble aux commanditaires politiques littéralement pourris.

Couple amoureux improbable de la haute société de Washington, et pourtant crédible à l’écran, Julia Roberts et un très grimé Sean Penn, luttent dans l’espoir respectif de révéler ou couvrir le scandale. Adulte et fascinant.

De Robbie Pickering, avec Dan Stevens, Julia Roberts, Sean Penn… Série en 8 épisodes de 50’ sur Starzplay

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2022 dans le mensuel Comment ça marche)

Cœurs vaillants : Rien d’impossible

Quand l’actualité rattrape l’Histoire, le témoignage dramatique de la population d’un pays fuyant désespérément une armée d’occupation redevient plus terrifiant encore.

Inédit et réussi, le récit rocambolesque d’une poignée d’enfants juifs cachés pendant la Seconde Guerre Mondiale dans le célèbre château de Chambord puis dans sa forêt offre de belles opportunités cinématographiques dont se saisit la réalisatrice. Ainsi, son premier long métrage manoeuvre avec talent entre drame odieux (dont la spoliation d’oeuvres d’art par l’armée allemande), légèreté enfantine et belles images du lieu prestigieux et de la nature qui l’entoure. La visite rare des coulisses, toits et coursives du fameux château où se cachent les enfants, les brumes du petit matin dans la forêt, où les enfants en fuite croisent des cerfs majestueux, montrent sans trop surligner la bêtise inexcusable des activités humaines.

Film avec des enfants qui évite les ficelles du film destiné aux enfants, Cœurs vaillants, du nom de « l’illustré » de BD d’origine catholique alors populaire, vire parfois au film de survie dans la nature plus présente, heureusement, que les soldats allemands. Conservatrice du musée du Louvre embarquée malgré elle dans l’aventure, Camille Cottin émeut aussi dans un rôle généreux quoique sévère.

De Mona Achache, avec Camille Cottin, Swann Arlaud…

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2022 dans le mensuel Comment ça marche)


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L’été nucléaire : Suspens radioactif (Avis Express)

Casque sur la tête, un jeune homme fait du jogging à travers champs. Les deux cheminées d’une centrale nucléaire apparaissent à l’horizon. Une puissante sirène d’alerte envahit la campagne. Musique à fond dans les oreilles le coureur ne l’entend pas.

En quelques plans graphiques et efficaces, le sujet et le suspens sont posés. Et si un incident technique provoquait le dysfonctionnement d’une centrale nucléaire française ? Un groupe de jeunes gens soudés se calfeutrent dans une ferme et tente de se protéger des possibles radiations.

Un sujet plus que jamais brûlant très bien traité sous forme de huit-clos et de débrouille. La justesse des jeunes acteur-rices sous tension compense l’absence d’effets spéciaux.

De Gaël Lepingle, avec Shaïn Boumedine, Théo Augier, Carmen Kassovitz…

François Bliss de la Boissière

(Publié en juin 2022 dans le mensuel Comment ça marche)

Mi iubita mon amour : Vacances gitanes roumaines

Appréciée dans Portrait de la Jeune fille en feu (2019) et Les Olympiades de Jacques Audiard, l’actrice Noémie Merlant passe à la réalisation avec un premier long métrage plus tragique que son allure de film de vacances ne laisse supposer.

Projet de copines comédiennes semi improvisé à l’écran, quatre amies libres et insouciantes partent en virée en Roumanie. Hébergées par une famille de Roms, elles découvrent leur vie rurale ordinaire loin des clichés des rues de Paris où ils font la manche.

Co-écrit et dirigé avec le jeune acteur roumain principal (Gimi Covaci), visiblement talentueux, le flirt sensuel entre lui et Noémie Merlant, témoigne aussi de leur histoire d’amour et de travail dans la vraie vie. Impudique et rafraichissant.

De Noémie Merlant, avec Gimi Covaci, Noémie Merlant, Sandra Codreanu…

François Bliss de la Boissière

(Publié en juillet-août 2022 dans le mensuel Comment ça Marche #140)

After Yang : Techno-sapiens (Avis Express)

Nous revoilà encore une fois confronté aux androïdes conçus à notre image. Sont-ils humains ou pas ?

Quand un père de famille tente de faire réparer Yang, l’androïde qui participe à l’éducation de leur fille, il découvre dans sa mémoire informatique une vie sensible au-delà de sa programmation. Le spectateur habitué à cette thématique découvre de son côté un traitement esthético-expérimental inédit qui ravive le sujet. Dans cette société écologique, douce et japonisante de demain, les humains vivent entourés de plantes, de « techno-sapiens » et même de clones indiscernables. Poétique, picturale et lente, cette nouvelle quête co-existentielle se vit comme un rêve semi éveillé.

De Kogonada, avec Colin Farrell, Jodie Turner-Smith, Malea Emma Tjandrawidjaja…

François Bliss de la Boissière

(Publié en juillet-août 2022 dans le mensuel Comment ça Marche #140)

Stranger Things (Saison 4) Volume 1 & 2

Netflix a gardé jusqu’à la dernière minute le plus grand secret sur le retour de sa série phénomène et les nouvelles péripéties surnaturelles de la bande de copains originaire de la petite ville de Hawkins.

À l’heure où ces lignes sont écrites juste avant le bouclage du mensuel (mai 2022), tout le monde aura vu la première salve d’épisodes de cette saison 4 (29 mai) qui en comptabilise neuf séparés en deux « volumes » (1er juillet) pour une durée totale deux fois plus longue qu’auparavant ont annoncé les frères Duffer créateurs de la série à qui Netflix ne refuse rien (30 millions de dollars par épisode, un record). Les épisodes durent ainsi 64, 75, 98 mn jusqu’u final à 150 mn (!!) et cela se ressent.

Trop de situations s’éternisent, le retour en groupe des copains et copines dispersés à la fin de la saison 3 prend trop de temps. Puisqu’elle se déroule en 1986, cette saison 4, rejoue le pot-pourri des films d’adolescents et d’horreur des années 80 en piochant aussi dans les 70s et 90s. La surenchère de décors, de la figuration généreuse et donc des costumes, coiffures et accessoires entraine l’hommage aux 80s jusqu’au fétichisme. Quand cela n’arrache pas un sourire.

Plus horrifique et parfois exagérément cruelle entre lycéens, ce début de saison 4 permet surtout de renouer avec les sympathiques, plus si jeunes, acteurs passés de l’enfance à l’adolescence, du collège au lycée. Pas toujours convaincant mais devenu un incontournable de la culture pop.

De Matt et Ross Duffer, avec Millie Bobby Brown, David Harbour, Winona Ryder… Série en 9 épisodes de 60 à 150 min sur Netflix.

François Bliss de la Boissière

(Publié en juillet-août 2022 dans le mensuel Comment ça Marche #140)

Cyrano : Chansons d’amour

Un musical avec un Cyrano de Bergerac sans problème de nez ? Hérésie américaine ou coup de génie universel ? La réussite audacieuse s’impose très vite.

Les spectateurs de Game of Thrones ou de The Station Agent (2003) le savent, malgré sa petite taille, Peter Dinklage dégage une énorme présence à l’écran. Sa voix puissante soutenue par de brillantes tirades remaniées des vers originaux d’Edmond Rostand vaut bien celle de Gérard Depardieu (célèbre Cyrano de Bergerac à la française au cinéma de 1990).
Sans nez postiche, la différence handicapante du Cyrano de petite taille saute aux yeux. Elle suffit sans explication à compatir devant un Cyrano réellement pudique s’interdisant de déclarer sa flamme à Roxanne.

Mieux encore, le casting modernise les personnages. Sobre chef de garde militaire, Cyrano s’avère fort logiquement capable d’escrimer comme un D’Artagnan. Jouée par une Haley Bennett à suivre depuis Le Come back (2007), plus ronde que fine, Roxanne prend véritablement chair. Interprété par un acteur noir américain (Kelvin Harrison Jr.), son prétendant amoureux peine à trouver ses mots parce qu’il n’est qu’un soldat et non plus un noble. Quant au registre musical, loin de toute niaiserie, les chansons occasionnelles, parfois juste parlé-chantées, élèvent avec raffinement chaque moment émotionnel.

De Joe Wright, avec Peter Dinklage, Haley Bennett, Ben Mendelson, Kelvin Harrison…

François Bliss de la Boissière

(Publié en Avril 2022 dans le n° 137 du mensuel Comment ça marche)

Notre-Dame Brûle : Rallumer le feu (au cinéma)

Célèbre pour ses films historique longuement documentés (La Guerre du feu, Le Nom de la Rose, Stalingrad…) le réalisateur français Jean-Jacques Annaud a pour la première fois entrepris de réaliser un film dans l’urgence afin de reconstituer le sauvetage de la cathédrale Notre-Dame de Paris. 

Comme une grande partie des français, le réalisateur Jean-Jacques Annaud a été choqué et attristé par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019. Alors que son producteur lui propose de réaliser un documentaire sur le sujet, Annaud envisage plutôt un vrai film de fiction avec des acteurs et s’étonne lui-même d’avoir écrit le scénario « beaucoup plus vite que d’habitude ». En salle le 16 mars 2022, soit trois ans après l’incendie, le film (pas encore projeté à l’heure du bouclage) retrace heure par heure l’intervention des pompiers du feu…

Encore en post-production quelques semaines avant la sortie du film, le réalisateur explique dans une note d’intention « avoir mêlées les images réelles enregistrées de l’extérieur au cours de l’évènement du 15 avril, avec celles, reconstituées dans de vastes décors reconstruits à l’identique ». Son intention consiste, « au-delà du désastre et du chagrin » à faire vivre les évènements dans une dimension émotionnelle cinématographique assumée. Notamment en reconstituant, à partir des témoignages, documents et rapports, le fil précis des évènements « que nul n’a pu filmer au moment du drame ».

Un appel à témoins lancé en mars 2021 lui a permis de mettre la main sur des images d’archives amateurs manquantes : embouteillages crées par l’évènement, chants d’encouragement des observateurs nocturnes, témoignages aussi venus de pays étrangers. Son équipe a ainsi réceptionné 6000 vidéos dès la première semaine ! Celles exploitées représentent 7% du film terminé.

Doté d’un budget de 30 millions d’euros, le tournage a commencé en mars 2021 avec 150 techniciens et 150 figurants dans la cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Une Notre-Dame « de cinéma, un peu rêvée et plus adaptée à la narration », a ainsi été recrée en filmant l’intérieur des cathédrales d’Amiens, Bourges, Sens et Saint-Denis, explique Jean-Rabasse*, chef décorateur renommé de La Cité des enfants perdus, Jackie, le récent Oxygène sur Netflix…, et premier collaborateur du réalisateur sur ce projet titanesque. Des images ont également été prises dans les infrastructures rescapée et accessibles de Notre-Dame elle-même, la sacristie, sur le parvis… Le reste a été construit aux studios la Cité du Cinéma à Saint-Denis (93) et de Bry sur Marne (94). Sur le tournage, des pompiers ayant participé au sauvetage de Notre-Dame sont venus décrire précisément qui faisait quoi où et à quel moment à l’intérieur du monument pendant cette nuit brûlante, « dans la fumée, la claustrophobie et des flammes de 1200 degrés ». 

* Entretien Martine Pesez dans Le Berry Républicain

Notes complémentaires…

La construction originale de Notre-Dame (aussi au cinéma !)

Dans le film Le Dernier Duel de Ridley Scott (2021), plusieurs scènes montrent le chantier en cours de Notre-Dame de Paris sur l’Île de la Cité en… 1386 ! Commencée en 1163, la construction de la cathédrale la plus célèbre de France a donc duré plus de deux cents ans. L’incendie accidentel du 15 avril  2019 a failli l’abattre en une nuit. Grâce à l’intervention acharnée de 400 hommes et femmes de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (la BSPP), l’édifice principal d’architecture gothique en pierres a tenu mais la fameuse flèche ajoutée en 1859 qui pointait vers le ciel et la charpente en bois qui la soutenait ont disparu. La restauration à l’identique qui comprend la sécurisation et la consolidation du monument, doit durer cinq ans. Quarante entreprises et corps et métiers y travaillent avec un budget, majoritairement de dons, de 900 millions d’euros. Selon une estimation, le coût total de la rénovation pourrait atteindre les 7 milliards d’euros.

Sapeurs-pompiers : Sauver ou périr

Le film se veut un hommage à l’édifice historique rescapé de justesse, mais aussi et surtout au dévouement des militaires, hommes et femmes, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris en première ligne cette nuit du 15 avril 2019. Le film en profite pour rappeler en résumé le code éthique de ces combattants du feu : « Quand tu m’appelles, j’accours, mais assure-toi de m’avoir alerté par les voies les plus rapides et les plus sûres. Les minutes d’attente te paraitront longues, très longues, dans ta détresse, pardonne mon apparente lenteur. » (rédigée par le Colonel Casso à la fin des années 60). À quoi s’ajoute un Code d’honneur de 10 commandements et une devise à faire frissonner : « Sauver ou périr ».

François Bliss de la Boissière

(Publié sous une forme remaniée et écourtée dans le mensuel Comment ça Marche #137 d’avril 2022)

Severance (Saison 1) : Double vie (Avis Express)

Dans son film tendrement poétique La Vie rêvée de Walter Mitty (2013), l’acteur devenu réalisateur Ben Stiller stigmatisait le malaise de la vie de bureau. On découvre aujourd’hui que ce thème l’obsède durablement.

Réalisateur et coproducteur d’une série filmée avec une volonté graphique belle et singulière, Ben Stiller jette un pavé dans la marre du progrès technologique poussé à son extrême ridicule. Et si, pour se rendre la vie supportable, un processeur greffé au cerveau permettait de vivre sa vie de bureau puis sa vie de famille en oubliant totalement les soucis de l’une ou l’autre ? Une schizophrénie organisée qui, inévitablement, tourne à la paranoïa. Un scénario à thèse tragiquement drôle.

De Dan Erickson, avec Adam Scott, Britt Lower, Patricia Arquette… Série en 9 épisodes de 55’ sur Apple TV+.

François Bliss de la Boissière

(Publié en Avril 2022 dans le n° 137 du mensuel Comment ça marche)

Cinq nouvelles du cerveau : Au coeur de l’esprit humain

Le cerveau humain contient 70 milliards de neurones rappelle ce documentaire en introduction. Et même si les moyens technologiques utiles à l’observer progressent, les neuro scientifiques l’avouent, le mystère de son fonctionnement reste presque entier.

Sans effets de manche, la caméra de ce doc atypique épie le quotidien de cinq scientifiques qui réfléchissent, inlassablement, sur les grandes questions liées, au fond, à la nature de l’humanité. Dans cet amas spongieux qu’est donc le cerveau, où se situe la conscience ? Pourra-t-on la reproduire dans une intelligence artificielle ? Donnera-t-on naissance à une âme 2.0 ? Peut-on lire les pensées d’une personne dans le coma ? Autant de questions que de vertiges.

De Jean-Stéphane Bron, avec Alexandre Pouget, Christof Koch, David Rudrauf… Au cinéma.

François Bliss de la Boissière

(Publié en Avril 2022 dans le n° 137 du mensuel Comment ça marche)

Best of Series 2021 : Drames d’intérieurs

Que dire sur les séries réussies et essentiellement adultes sinon qu’elles font la démonstration que le cinéma ne suffit plus. En tous cas pas, sans le nommer, celui trop numérique qui essaie de remplir les salles. 

Même en osant l’hérésie d’un intouchable remake tout en inversant le propos (Scenes from a Marriage), une saison 2 (The Morning show), un western contemporain faussement réac (Yellowstone enfin en France), des pseudos vacances à la plage (The White Lotus) ou pauses thérapeutiques (Nine Perfect Strangers et le tétanisant En Thérapie français), ces séries là ont plongé dans l’âme humaine avec une force incisive peu commune.

Dialogues, mise en scène, photogénie n’ont absolument rien à envier au meilleur du cinéma. Et quand les sujets et les showrunners font venir les acteurs/actrices du grand écran – avec des statuts de co producteurs, donc pour entendre leur opinion créative – on obtient des objets cinématographiques qui ne se contentent plus de 1h30 ou 2h de projection.

En passant, de Yellowstone en 4 saisons (2 seulement accessibles en France ? Allons !), au récent préquel 1883 (pas encore en France ? Allons !), Taylor Sheridan s’installe aux côtés de Aaron Sorkin comme un des plus importants scénariste/dialoguiste au monde (au style concis et mordant à la James Cameron). Sans compter qu’il met aussi en scène films et nombreux épisodes. Très fort aussi, tout en valorisant le masculin, il développe des personnages féminins hors du commun. Dans Yellowstone, Sheridan offre à l’actrice britannique Kelly Reilly (que le public français avait tant aimé dans L’ Auberge espagnole et Les Poupées russes de Cédric Klapisch) un rôle d’une puissance telle que son talent explose à l’écran d’épisodes en épisodes.

Un petit regret enfin avec la disparition du réalisateur Jean-Marc Vallée cette année. Il laisse derrière lui, avec un style particulier de filmage et de montage, deux formidables séries (Big Little Lies saison 1, et Sharp Objects) ainsi que, moins connu dans sa filmographie, le long métrage Demolition qui, avec beaucoup d’élégance, en dit long sur la mort et le deuil.

Mes 10 séries préférées (et vues jusqu’au bout) de 2021

  • Scenes from a Marriage
  • En thérapie
  • Yellowstone
  • Colin in B&W
  • Cry Wolf
  • The White Lotus
  • Nine Perfect Strangers
  • Mare of Easttown
  • The Morning show 2
  • Dopesick

Mention spéciale

  • The Beatles : Get Back. Signée Peter Jackson, la vertigineuse réhabilitation de l’enregistrement du Get Back des Beatles redonne vie à toute une époque. Et laisse voir de très près le processus créatif des Fab Four. Magique.

François Bliss de la Boissière

Kelly Reilly dans Yellowstone

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Best of Films 2021 : un air de victoire

Bons et mauvais films, la liste 2021 va être longue car malgré les sorties limitées en salle et la pandémie en cours, les films arrivent jusqu’à nous généreusement par tous les canaux. J’ai donc eu la chance de voir 106 films datés de 2021 (liste ici). En voici une rapide synthèse.

Les reports 2020 enfin sortis en 2021 révèlent des réussites inégales, en tous cas qui ne méritaient pas de tenir en haleine tant de mois. Sans plaisir de bouder, les Black Widow, Matrix Resurrections et autre « dernier » James Bond sont aussi boursouflés d’orgueil, d’auto-citation, et donc de vide, que les blockbusters direct-to-vidéo (c’était le terme auparavant) récupérés ou produits par les plateformes de streaming. On en liste ci-dessous avec carton rouge. Pas encore vu le Spider-Man sous-titré sans doute méta « No Way Home « (pas projeté à domicile donc) mais celui-ci joue autant le recyclage et le fan-service que Matrix Resurrections. Donc méfiance…

Malgré le prestige annoncé, les longs métrages inédits d’Apple TV + plus nombreux que l’année précédente (Palmer, La Mission, Cherry, Finch, Swan Song, le remake Coda) tombent la plupart à plat et à côté de leurs trop bonnes intentions affichées. Les blockbusters à effets spéciaux déclarés chez Amazon Prime Vidéo (The Tomorrow war, Sans aucun remords, Infinite…) ou Netflix ont l’air plus ridicules encore sur nos beaux écrans à domicile, qu’au cinéma si l’occasion leur avait été donné.

Alors si le cocktail effets spéciaux et mega stars ne suffit plus à donner le là du cinéma, il reste heureusement les drames humains et l’écriture. Et même si d’évidence, les séries prennent de plus en plus la vedette sur ce terrain plus dramaturgique et psychologique (ma sélection 2021 bientôt en ligne…), le cinéma d’auteur et de hauteur sait encore exprimer le meilleur. Et, très bonne nouvelle, les films français en particulier renouent avec une intensité pas si fréquemment au rendez-vous.

Mes 16 films préférés de 2021…

  • Annette
  • Suprêmes
  • The Father
  • Mes frères et moi
  • Ammonite
  • The World to come
  • Land
  • Oxygène (Netflix)
  • Malcom & Marie (Netflix)
  • Comment je suis devenu super-héros
  • Cruella
  • Les fantasmes
  • Supernova

Où l’on remarque une majorité de films français. Deux films français semi musicaux, Annette, l’un opéra-rock qui signe le retour au top du top de Leos Carax, l’autre, Suprêmes, rap de rue (forcément), qui s’arrachent enfin au syndrome Jacques Demy. Des films sociaux entre satire et réelle dénonciation (Présidents, La Fracture, France) qui donnent autant à rire qu’à réfléchir, et à compatir. Des intrusions sans concession dans les douleurs des familles avec The Father et Mes Frères et moi. Des films puissants de femmes sur les femmes (Ammonite, The World to Come, Land) qui rappellent que la dignité de la solitude n’est, évidemment pas, l’apanage de l’homme comme, du cow-boy au flic ténébreux, trop de récits l’ont fait croire. Des films quasi expérimentaux culottés sur Netflix avec Oxygène et Malcom & Marie où le spectateur est invité dans la tête de belles (et un beau) actrices en pleine crise introspective. Les meilleurs films de super-héros de l’année, vraiment, avec l’Unbreakable français Comment je suis devenu super-héros et l’explosif fashion victim Cruella. Et des revisitations de l’amour par l’intimité du sexe avec Les Fantasmes et jusqu’au bout de la vie avec Supernova.

Mention spéciale…

  • Dune. Trop de froideur sans doute, grosse impression de redite sur de nombreuses scènes vues dans le Dune de David Lynch. Les récits de messies de Superman à Néo/Matrix sont-ils encore utiles ? Et puis surtout, une moitié d’histoire. On attend la suite pour saisir tout l’ensemble.
  • Le Dernier Duel. Sujet fort et malin d’actualité mais le principe de la répétition des mêmes faits sous trois versions donnent quand même l’impression de radoter. Et, défaut récurrent depuis Kingdom of Heaven, les montages de plus en plus elliptiques, et donc à trous, de Ridley Scott nuisent à la compréhension et à la logique du récit et des personnages.
  • Sans un bruit 2. Pas aussi puissant que le premier arrivé par surprise mais qui confirme le talent de metteur en scène de John Krasinski.
  • Oranges sanguines. Une claque redoutable, un humour noir et sang qui ronge l’os jusqu’à la moelle. Une satire punk et donc destroy qui décape la comédie française.
  • Clair-obscur (Netflix). Un noir et blanc sublime pour un sujet féministe et racial fort.
  • The Lost Daughter (Netflix). Premier long métrage mature et maitrisé de l’actrice Maggie Gyllenhaal avec une Olivia Colman encore stupéfiante d’intériorité et une Dakota Johnson quasi méconnaissable.
  • Pieces of a Woman (Netflix). Encore un très beau film sur les femmes avec une poignée d’actrices hyper intenses dont Vanessa Kirby et Molly Parker.
  • Zack Snyder’s Justice League (VOD). Le (re)montage signé Snyder méritait d’exister ne serait-ce que pour la curiosité et le format plein 4/3 inédit au format numérique
  • Guermantes (salles). Un bel essai entre cinéma, théâtre, Covid-19, impros individuelles et en troupe. Pour moi le meilleur film de Christophe Honoré.

Gros ratage

  • Chaos Walking
  • Godzilla vs Kong

Embarrassant plus qu’autre chose

  • Benedetta
  • OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
  • Matrix Resurrections

François Bliss de la Boissière

Dune
Dune de Denis Villeneuve (2021)

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LA FRACTURE : Du rire aux drames (Avis express)

En enfonçant sa caméra scalpel au coeur des motivations et blessures des manifestations de gilets jaunes fin 2018, la réalisatrice-scénariste de La Belle saison (2015) plonge sans anesthésie dans la plaie béante de la crise économique, sociale et politique qui divise la société française.

Le tout avec un mélange de légèreté (les gags et les gaffes pleuvent) et de profondeur (les souffrances physiques et psychiques sont réelles) qui laissent sans défense.

On pensait avoir tout vu et tout compris des difficultés des hôpitaux avec les films et la série Hippocrate de Thomas Lilti et puis quand les violences policières cognent à la porte des urgences d’un hôpital parisien submergé, le réel et le niveau d’intensité grimpent jusqu’à ébullition. Dans l’énorme capharnaüm où les urgences s’entassent, les actrices et acteurs eux aussi au bord de l’implosion osent des prestations tragicomiques inoubliables. Un film français coup de poing rare et précieux.

De Catherine Corsini, avec Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmaï…

François Bliss de la Boissière

(paru dans le mensuel Comment ça marche / novembre 2021)

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Rouge : Alerte Usine pollueuse en France

Il était sans doute temps qu’un film français s’attelle à son tour au sujet brûlant de la pollution industrielle. Avis express…

Le cinéma américain tente d’éveiller les consciences sur les usines pollueuses depuis au moins l’an 2000 avec le célèbre Erin Brockovich et récemment avec le plus maladroit et manichéen Dark Waters.

Dans Rouge – la couleur des rejets d’une usine chimique – un délégué syndical offre à sa fille le poste d’infirmière de l’usine où il travaille depuis 30 ans. Alarmée par l’état de santé négligé des ouvriers, celle-ci découvre les secrets que cachent l’usine et ses responsables.

Couplée à des rapports affectifs père veuf avec ses deux filles, dont une préparant son mariage, le plaidoyer écologique et sanitaire avance avec de gros sabots. Surtout en brossant superficiellement au passage les politiques, journalistes et activistes. Interprétation sensible et pédagogie nécessaire rendent l’effort louable.

De Farid Bentoumi, avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette, Olivier Gourmet… 

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2020 dans le mensuel Comment ça marche)


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ADN : L’origine du moi

Du Bal des actrices à Polisse et Mon Roi, Maïwenn nous a habitué à son cinéma ou fiction et réalité s’entremêlent avec une sincérité confondante.

Cette fois encore, la réalisatrice/actrice nous fait vivre, littéralement, le deuil du grand-père bien aimé de sa famille. Jusqu’à tomber dans un excès lacrymal, la première partie du film suit les dernières heures du grand-père en Ehpad, entouré des petits enfants qui l’adorent.
On retiendra de cette longue et lourde séquence une pertinence évidemment non prévue au tournage. Depuis son arrivée, le Covid-19 a provoqué de nombreux décès dans des maisons de retraite confinées sans que les familles puissent se réunir. Quitte à tomber en larmes, ADN servira alors peut-être de catharsis. Le film sera par contre à éviter si une douleur familiale reste trop vive. Heureusement, la présence finement utilisée de Louis Garrel (Le Bureau des Légendes) désamorce régulièrement le drame. Bien écrit, son personnage faussement désinvolte introduit de l’humour là où il ne devrait pas y en avoir et offre des bouffées d’air frais et de rires qui soulagent.
Et puisqu’il s’agit d’une histoire de famille en deuil, les scènes d’embrassades et de disputes s’enchainent entre tragédie et drôlerie comme dans la vraie vie. La mort du grand-père né en Algérie envoie ensuite Maïwenn en quête de ses origines et ouvre le film sur d’autres perspectives, toujours intenses mais aussi plus légères.

De Maïwenn, avec Maïwenn, Louis Garrel, Fanny Ardant…

François Bliss de la Boissière

Publié en novembre 2020 dans le mensuel Comment ça marche


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Slalom : Dérapages glacés (avis express)

À peine arrivée à sa formation de ski-étude dans les Alpes, Lyz, 15 ans, se fascine pour l’entraineur pourtant autoritaire du club. « C’est la première fois que quelqu’un s’intéresse à moi » confesse-t-elle à une amie. Ses parents divorcés la délaissent trop et, sans surprise, l’entraineur va entamer avec sa jeune championne une relation inappropriée.
L’emprise des hommes en situation de pouvoir sur des jeunes aspirantes sportives, actrices ou autres mineures est un des graves problèmes de société qui remontent enfin.
Ce film, convenu mais utile, essaie d’en témoigner en gardant le point de vue de l’adolescente qui ne dit pas non, mais pas oui non plus.

De Charlène Favier, avec Noée Abita, Jérémie Renier, Muriel Combeau…

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2020 dans le mensuel Comment ça marche)


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Antoinette dans les Cévennes : Laure Calamy seule en selle

Tout le monde adore Laure Calamy, n’est-ce pas ? De la série Dix pour cent à ses rôles de meilleure amie, soeur, collègue, voisine,… sa drôlerie, sa bonhommie, son sens du burlesque et son intensité (rires ou pleurs instantanés) dynamise chacune des scènes où elle apparait.Laure Calamy seule en selle

Retrouver Laure Calamy seule en tête d’affiche n’était qu’une question de temps. Même si elle la partage avec un âne. Institutrice follement amoureuse d’un homme marié, Antoinette a l’idée évidemment saugrenue de le rejoindre là où il passe ses vacances avec sa femme et son fils. Avec l’espoir de le croiser, elle se lance alors toute seule sur un parcours de randonnée dans le Parc national des Cévennes. Sur le modèle du livre Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson, Antoinette entreprend son parcours avec un âne plutôt qu’un sac à dos comme tout le monde. Sans surprise, le duo de la fille qui ne connait rien à la randonnée et de l’âne têtu déclenche presque toutes les situations comiques attendues. Il renvoie aussi à La Vache et le Prisonnier, un classique de la comédie française avec Fernandel (1959). Présente dans presque tous les plans, avec ou sans âne, Laure Calamy électrise la pellicule de son humour, de son énergie et de cette candeur dont elle fait sa spécialité. Finalement anecdotique, le vaudeville amoureux champêtre annoncé s’estompe dans le beau paysage des Cévennes pour laisser la place à un sympathique film de vacances. 

De Caroline Vignal, avec Laure Calamy, Benjamin Lavernhe, Olivia Cote…

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2020 dans le mensuel Comment ça marche)



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Effacer l’historique : Numérique pour les nuls

Ici franchement décalé et à la limite d’un 3e degré inculte, le procès des usages du numérique se concentre sur les banalités de ses embrouilles quotidiennes. Quitte à présenter une version désuète du numérique.
Avis express…

Les trois héros paumés du film luttent ainsi pour reprendre le contrôle de leur vie. L’une tente d’empêcher une sextape de se propager, une autre espère améliorer sa note sur une appli professionnelle et un papa essaie de protéger sa fille de cyber harcèlement. Malheureusement, la présentation du duo iconoclaste de réalisateurs est très poussiéreuse. Les plus anciens s’identifieront peut-être pendant que les plus avertis du monde 2.0 auront raison de se moquer de personnages sots et candides. Heureusement, quelques excellents caméos (Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Philippe Rebbot…) dynamitent le plan-plan du récit.  Et il y a Blanche Gardin.

De Benoît Delépine et Gustave Kervern, avec Blanche Gardin, Denis Podalydès, Corinne Masiero…

François Bliss de la Boissière


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Devs : L’IA d’Alex Garland

On aime cette série d’anticipation car elle traite des possibilités quasi miraculeuses de l’informatique sous un angle psycho-métaphysique passionnant.

Contrairement à son titre, Devs ne dresse pas le portrait du métier de développeur informatique (familièrement : les « devs »). Les Devs ici appartiennent à un projet ultra secret d’une entreprise high-tech de la Silicon Valley. D’ailleurs, un peu Steve Jobs, cheveux longs, voix trainante et baskets aux pieds, le mystérieux patron de l’entreprise se comporte comme un gourou hippie. Alors qu’il recrute les meilleurs développeurs en leur faisant jurer le secret, quitte à y engager leur vie, le suspens principal consiste à découvrir petit à petit à quoi sert le super-ordinateur quantique au coeur de l’entreprise dont les énormes capacités de calcul permettent de… ?
Sans tout révéler, disons qu’au moment où la silhouette d’un personnage célèbre du passé apparait sur un grand écran neigeux, le frisson gagne tout le monde, les spectateurs comme les devs eux-mêmes.

Depuis longtemps habité par le thème de l’humain face à l’intelligence artificielle (Ex Machina) ou venant d’ailleurs (Annihilation) le scénariste et réalisateur Alex Garland questionne une nouvelle fois et avec une formidable puissance formelle (cadres, photographie, bande son, rythme contrôlé) le rapport de l’homme avec l’ordinateur tout puissant. Une série mature et éminemment contemporaine.

Showrunner : Alex Garland, avec Sonoya Mizuno, Nick Offerman, Jin Ha…
Mini série en 8 épisodes

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #117 de juin 2020)

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Tales from The Loop : Les enfants de Stalenhag

On aime cette série fantastique car elle donne vie à un hypnotisant rétro futur tiré avec fidélité des si prégnantes peintures digitales du génial artiste suédois Simon Stålenhag.
Avis express…

Bien que l’on suive régulièrement la vie des mêmes habitants d’un village de l’Ohio, chaque épisode raconte une histoire indépendante. Telle une anthologie, l’ensemble décrit un monde rural et technologique sans date où des bâtiments futuristes façon ruines oubliées de l’architecture soviétique des années 30 à 50 occupent l’horizon. Des drôles de machines ou des robots rouillés trainent ici et là dans les bois ou sur les plages d’un lac gelé.
Déconcertante puis de plus en plus fascinante, la série vire à l’exercice de style magistral et accessible puisque racontée à la hauteur des enfants ou ados tels les films de Spielberg des années 80.

Showrunner : Nathaniel Halpern, avec Jonathan Price, Rebecca Hall, Paul Schneider… Saison 1 en 8 épisodes

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #117 de juin 2020)

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Validé : Droit de cités

On aime cette série française car l’ascension d’un jeune prodige du rap de la cité jusqu’au milieu parisien de la musique a des élans de vérité et une pêche pas possible.
Avis express…

Quand ils essaient de s’arracher au trafic de drogue du quartier tout en affrontant les grosses têtes des labels musicaux et les rappeurs stars jaloux, le trio de jeunes acteurs en tête d’affiche fait des merveilles de spontanéité et même de talent. Habité aussi par d’excellents acteurs confirmés, Adel Bencherif (Un Prophète), Sabrina Ouazani (Plan coeur…), chaque épisode de 30 mn ne laisse aucun temps mort entre sérieux espoirs, bouffonneries, gros sons, battle rap, clashs, rires et amitiés.

Showrunner (et acteur) : Franck Gastambide, avec Hatik, Saïdou Camara, Brahim Bouhlel…
Saison 1 en 10 épisodes

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #117 de juin 2020)

Franck Gastambide (Sno), Saïdou Camara (William), Clément Penhoat « Hatik » (Clément), Brahim Bouhlel (Brahim), Sabrina Ouazani (Inès) Moussa Mansaly (Mastar), Adel Bencherif (Mounir), Hakim Jemili (Rico), Liv Del Estal (Louise), Bosh (Karnage)

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The Mandalorian : Baby Star Wars

On aime cette série Star Wars à cause de… baby Yoda.
Avis express…

Ce n’est plus un secret depuis sa disponibilité aux États-Unis fin 2019, la vraie star du tout nouveau service de VOD Disney+ (en France depuis peu) est une version bébé de Yoda, le vieux sage Jedi de la trilogie Star Wars originale. Gazouillant, déjà capable d’utiliser la Force avant de sombrer, épuisé, dans le sommeil, il vole littéralement la vedette du mercenaire qui donne son titre à cette série inédite Star Wars exclusive à Disney+. The Mandalorian a le mérite de faire exister un univers Star Wars SF et western plus sobre et presque plus réaliste que les films. Les décors et effets spéciaux utilisent des moteurs graphiques 3D de jeux vidéo inégalement réussis qui facilitent les prises de vue en temps réel.

Court et ramassé, chaque épisode envoie le mercenaire toujours casqué tel un chevalier de croisade dans une nouvelle mission pour gagner sa vie. Il croise bébé Yoda et l’adopte un peu malgré lui. Et heureusement pour le spectateur, car en-dehors de cet adorable bébé tronant dans un couffin en lévitation, et de une ou deux séquences plus spectaculaires, The Mandalorian ne fait guère mieux qu’une série b. 

Showrunner : Jon Favreau, avec Pedro Pascal, Carl Weathers, Rio Hackford…
Saison 1 en 8 épisodes.

François Bliss de la Boissière

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #117 de juin 2020)

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L’envolée : Diamant brut (Avis express)

Ce portrait d’une ado britannique en quête d’identité scintille comme un diamant brut.

Moquée par ses partenaires de gymnastique acrobatique où elle excelle, ignorée par son père veuf quasi absent, Leigh se découvre à 14 ans un demi-frère.
Dans un mélange de rejet et d’attirance réciproque, ils s’apprivoisent en commettant quelques larcins. Malgré leurs mauvaises influences, Leigh s’éveille au contact des garçons autour de son frère.
Un portrait naturaliste d’ados dont chaque minute de vie est essentielle, quand chaque émotion bascule sans transition du chaud au froid puis au chaud.

De Eva Riley, avec Frankie Box, Alfie Deegan, Sharlene Whyte…

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2020 dans le mensuel Tout Comprendre +)


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Milla / babyTeeth : Bouleversant de tendresse

Un mélodrame bouleversant de tendresse

On aime cette histoire d’amour improbable entre une lycéenne et un toxico parce qu’elle entraine le spectateur dans un trip émotionnel unique et bouleversant. Leur rencontre est brusque et disruptive.
Lui, presque inoffensif, drogué tatoué et percé de partout vit au jour le jour dans la rue. Elle, fille de parents aisés, vit apparemment une vie confortable et ordinaire de lycéenne.

Quand ils se bousculent sur un quai de train, Milla se fascine pour un garçon à peine plus âgé frôlant, avec le sourire, la mort au quotidien. Elle va l’imposer chez elle à ses parents curieusement démunis et laxistes devant son choix. Ce n’est qu’assez tard dans le film que le spectateur comprend l’attitude hyper sensible et pas toujours rationnelle des uns et des autres : bien qu’aucun signe extérieur le signale, Milla souffre d’un cancer. Sa mère tient tout juste le choc en se gavant de médicaments et le père, psy dépassé par les évènements, essaie lui aussi de ne pas craquer. Des petits moments éparses d’un quotidien en train de dérailler construisent le puzzle de la vie de chacun avec une sorte de nonchalance trompeuse.
Car on entre dans ce film puissant par le petit bout d’un entonnoir. Au début étriqué, voire un peu convenus, le sujet et les personnages grandissent au contact des uns et des autres jusqu’à un final éblouissant et inoubliable. Un mélange habile de drame et d’insoutenable légèreté de l’être ponctué de musiques électro chic donnant envie de bouger et de vivre. 

Babyteeth (titre original) De Shannon Murphy, avec Eliza Scanlen, Ben Mendelson, Essie Davis…

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai puis octobre 2020 dans le mensuel Tout comprendre)


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La Daronne : Huppert ose le deal

On aime ce film parce que Isabelle Huppert, la reine glacée du cinéma français, joue un personnage de trafiquant de drogue amateur avec un naturel et une douceur qu’on ne lui connaissait plus. Avis express…

Isabelle Huppert porte le hijab avec un mélange d’élégance fashion victime et de drôlerie qui dédramatise toutes les stigmatisations que traine le foulard des femmes musulmanes. Traductrice franco-arabe dans un service de surveillance de la police, Huppert profite d’une information pour récupérer un stock de « shit » et tenter de l’écouler. Avec comme prétexte de devoir régler les factures de la maison de retraite de sa mère. Une comédie polar pas vraiment sérieuse mais sensible.

De Jean-Paul Salomé, avec Isabelle Huppert, Hippolyte Girardot…

François Bliss de la Boissière 

(Publié en avril 2020 dans le mensuel Tout Comprendre # 115)


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Poissonsexe : Fable nonsensique (Avis express)

On aime ce film parce qu’il cherche à nous sensibiliser à l’état des océans envahi, vous le savez, de déchets plastiques.
Avis express…

Ainsi, dans un futur pas si alternatif, tous les poissons ont disparu (!) et le monde entier suit des yeux la dernière baleine vivante (!!). Une poignée de scientifiques français douteux essaie justement d’accoupler deux poissons de friture dans un labo minable.
Pas aussi drôle qu’il le souhaiterait, le film oscille entre maladresse formelle et fable nonsensique. En mal d’amour et incapable de finir ses phrases, l’énervant personnage principal n’aide vraiment pas. Dommage.

De Olivier Babinet, avec Gustave Kervern, India Hair, Ellen Dorrit Petersen…

François Bliss de la Boissière 

(Publié en avril 2020 sans le mensuel Tout Comprendre #115)


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Police : Human after all

On aime ce film parce qu’en nous faisant partager le quotidien de trois policiers ordinaires en mission inhabituelle, il redonne de la chair et de l’humanité à cette police que l’on ne voit plus qu’en robocop apparemment déshumanisé dans la rue ou dans les médias.

Anne Fontaine, réalisatrice habituée aux portraits forts et atypiques de femmes (Les Innocentes, Gemma Bovary, Perfect Mothers…) essaie de montrer simultanément le ressenti d’une femme policier (Virginie Efira, tout en retenue), et de deux de ses collègues : Omar Sy (grande gueule presque en mode dramatique), et le pas encore assez célèbre Grégory Gadebois. Ce dernier livre en effet la prestation la plus impressionnante et la plus chaleureuse en policier responsable en apparence ingrat luttant contre l’alcool, son épouse acariâtre et son devoir hiérarchique.

En urgence nocturne alors qu’un camp de migrants a pris feu, le trio doit conduire un réfugié étranger à l’aéroport de Roissy où il sera renvoyé dans son pays. Le temps du trajet, les trois flics dont la vie privée est également en difficulté, finissent par douter du bien fondé de leur mission.

C’est évidemment le dilemme entre l’empathie naturelle (surtout de la femme flic nous dit le film, enfonçant par là quelque porte ouverte) et le respect des ordres aveugles et hiérarchiques, auquel s’intéresse le film. Mais avant d’en arriver à ce huit-clos dans la voiture, le film se perd un peu en tentant de multiplier les points de vue. Remontrer les mêmes scènes banales de commissariat ou d’interventions vécues par chaque protagoniste est une fausse bonne idée formelle s’il ne s’agit, comme ici, que de déplacer la caméra.  

De Anne Fontaine, avec Virginie Efira, Omar Sy, Grégory Gadebois…

François Bliss de la Boissière 

(Publié dans le mensuel Tout Comprendre #115 et en version courte #119)

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Best of films 2019 : Le crépuscule des idoles

Ce n’est pas à la conclusion boursoufflée de la saga Avengers que fait allusion ce « crépuscule des idoles » mais bien au vieillissement, trop visibles dans leurs oeuvres, de cinéastes légendaires. Quand il y a plus à critiquer dans une année qu’à encenser…

Mon insatiable désir de cinéma m’a conduit à voir 122 films sortis en 2019. La liste complète est consultable là. Puisque l’exercice de fin d’année consiste à n’en retenir que 10, voici ceux que j’aimerais mettre en avant. Explications à lire juste en-dessous…

Mes 10 films préférés de 2019

1/ Les Misérables 

2/ Joker

3/ Green Book

4/ Mary Queen of Scots

5/ La Lutte des classes

6/ Parasite

7/ The Two Popes 

8/ Ad Astra

9/ Ford v Ferrari

10/ 1917

Ad Astra

Nanar et art de veillir

L’année a vu un record d’inédits inintéressants sur Netflix et surtout de blockbusters cinéma ratés virant carrément au nanar. Les X-Men:  Dark Phoenix, Godzilla 2 complètement à côté de leurs sujets et potentiels, l’effroyablement inutile et hideux Rambo : Last Blood, et même l’inédit Gemini Man signé Ang Lee dont on critiquera surtout le scénario plutôt que l’image expérimentale surréaliste qui nous convient bien. Comptabilisons aussi, ou plutôt décomptabilisons les films « d’auteurs » qu’il faut absolument aimer aussi, sous peine de lèse-majestés, comme le dernier Tarantino, Once Upon a Time in Hollywood, aux thématiques de plus en plus frelatées malgré son talent formel (et non, même pour de rire, on n’égratigne pas aussi grossièrement la légende de Bruce Lee). Idem pour la troupe de retraités gérontologiques autour de Martin Scorcese, The Irishman, dont on a fait grand bruit sur Netflix. Le sujet et les personnages sont plus que surannés et le de-aging numérique d’une grande laideur. Jim Jarmusch pensait peut-être se refaire une santé économique en réalisant un film de zombies avec son The Dead Don’t Die . Mais il ne montre aucun respect au genre et, surtout, enlise ses acteurs dans une forme encore plus fatiguée et neurasthénique que le Scorcese. Un ressassement littéralement poussiéreux de ces auteurs à qui, visiblement, on donne carte blanche. Tout le monde a le droit de vieillir et même de vieillir bien comme en font, eux, la formidable démonstration des Deux Papes de Fernando Meirelles.

L’âge de la relève

Heureusement la relève est toujours là, sinon dans l’âge des metteurs en scène, mais dans leur coeur et leurs intentions. Peter Farrelly n’est pas de la dernière couvée et ses personnages de Green Book viennent d’un autre âge, mais il renouvelle son propre cinéma et y met tellement de coeur qu’il retrouve une seconde jeunesse professionnelle. Une génération en-dessous, Todd Philipps opère lui aussi un virage formel et thématique et nous offre avec Joker le meilleur résumé du malaise actuel de la société. Il a fait rire qui ?

En France, bien sûr, le même constat social est plus littéral et ce n’est pas plus mal. Ainsi Les Misérables de Ladj Ly met exactement le doigt où cela fait mal. Et La Lutte des classes de Michel Leclerc réussit le meilleur film et jeu de mot du moment pour associer lutte de l’école et classes sociales. 

On se plaindra aussi de la quête interminable du père que nous impose James Gray de film en film jusqu’au fin fond de l’espace. Mais formellement, Ad Astra est un film sensuel qui s’écoute autant qu’il se regarde. Enfin, dans un film à la plastique impressionnante, l’affrontement pour le pouvoir entre Marie Stuart et Elisabeth 1 sans se préoccuper plus que ça des hommes, Mary Queen of Scots devient de facto le film le plus féministe de l’année.

Alita Battle Angel

De battre mon coeur a continué en 2019

Puis-je m’autoriser, au risque du ridicule, à clamer mon coup de coeur pour Alita : Battle Angel ? Parce que malgré ses défauts, son côté gnangnan enfantin greffé plus ou moins exprès par Robert Rodriguez sur le projet pourtant sérieux de James Cameron, il en reste quelque chose. Le personnage motion capturé d’Alita elle-même de toute beauté, quelques scènes d’action et quelques plans neo noir steampunk. On a encore le droit d’aimer un film pour sa plastique. Et non, on ne mettra Terminator : Dark Fate ni dans les ratages ni dans le podium. Il se laisse regarder avec plaisir, il n’était juste pas utile d’exister. Surtout pas pour broyer en 5 mn d’introduction toute la mythologie passée du diptyque Cameron. C’est ce qu’on appelle une faute originelle. Mais elle ne froisse que les spécialistes concernés de la saga. Et comme semble le démontrer le box office décevant du film, cela ne concerne qu’une frange limitée et vieillissante de l’audience. 

Idem pour Avengers : Endgame. Ce n’est pas parce que le film a battu et Titanic et Avatar au box office que cela en fait un grand film. Sans tomber dans le délire auto-défensif de Scorcese, Coppola, Ken Loach et maintenant Terry Gilliam, les films Marvel sont bien du « cinéma », au moins autant qu’un film de gangsters ruminants, mais ils ne sont pas pour autant des chefs d’oeuvre immortels du 7e Art. Un peu de modération de part et d’autre serait bienvenu. Le plus grinchant dans tout cela est d’entendre maintenant, en 2019 enfin, tous ces vieux talents contester la puissance hégémonique Disney sur la production, les dates de sortie, la réservation des studios et des plateaux, et certainement des équipes d’effets spéciaux ! Où étaient tous ces vénérables râleurs quand Disney a racheté Marvel, puis Star Wars, puis la Fox. Et même Pixar auparavant, devenu depuis une machine à radoter. Il me semble que c’était au moment de ces acquisitions qui bâtissaient le méga monstre d’aujourd’hui qu’il fallait se manifester. Mais peut-être qu’ils se sont manifestés. Où qu’ils n’ont pas vu venir le monstre tout occupés à préparer leur prochain film. À ceux là, Netflix, Amazon (vous avez vu l’inédit The Report avec l’incontournable Adam Driver ? Lourd et didactique, mais politiquement engagé) et même Apple, leurs tendent les bras. Donc aucun talent ne se perdra vraiment.

Serial killers

Ce qui est certain en ce qui me concerne, au-delà des statistiques et des polémiques sur les modes de visionnage et de distribution, les séries, en l’occurrence les mini séries complètes, ont complètement pris la main sur le cinéma cette année. Même s’il y a eu aussi des bides haut de gamme comme la saison 2 de Big Little Lies, complètement inutile et réchauffée.
Le service Apple TV + est arrivé avec une poignée vraiment réussies de séries. Dickinson (enfin une héritière pop rock féministe du Marie Antoinette de Sofia Coppola), For All Mankind, The Morning Show et même See, dont la forme rattrape le fond un peu idiot, réussissent leurs paris sous des formats bien différents. Diffusée sur Amazon Prime Vidéo, la série Modern Love perpétue mieux qu’au cinéma la culture rom com new-yorkaise analytique tirée de la cuisse de Woody Allen. La saison 2 de Fleabag prend une épaisseur inespérée qui va de pair avec le talent grandissant de Phoebe Waller-Bridge. Euphoria est un Sex Education 2.0 brûlant et, on ne va pas citer toutes les séries, The Boys est le meilleur antidote à l’invasion impérialiste des super-héros du cinéma. 

François Bliss de la Boissière

Dickinson


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Best of films 2018 : La France fait de la résistance

À quel point le soulèvement populaire des Gilets jaunes était-il prévisible ? Dans la rue, dans les campagnes, et au cinéma. De très rares hommes politiques l’avaient plus ou moins anticipé, et certains cinéastes aussi si l’on en croit un retour très marqué du cinéma social politique en France. Stéphane Brizé en tête avec Vincent Lindon qui, après La Loi du Marché en 2015 et En Guerre cette année ont littéralement montré sur grand écran tous les symptômes du malaise et de la misère dans les entreprises made in France. Il suffisait d’ouvrir les yeux pour le voir. Dommage que le jury international de Cannes ait plébiscité les films jetant un coup de loupe sur les problèmes ailleurs dans le monde avec notamment BacKkKlansman aux États-Unis, Capharnaüm au Liban et Une Affaire de famille au Japon, tout en oubliant le En Guerre français, qui évoquait une urgence sociale finalement bien plus proche et bien plus brûlante comme le prouve l’actualité dans les rues de France à peine six mois plus tard. Il est vrai que le Festival de Cannes, son tapis rouge entre les palaces et les conférences de presse n’est pas le meilleur endroit pour observer le monde à ses pieds.

Le retour du cinéma français social ?

Grâce à quelques films marquants, souvent réussis même, pertinents à chaque fois, le cinéma français semble enfin plus près du monde du travail que de la petite bourgeoisie où s’enferme désormais le cinéma d’Agnès Jaoui (Place Publique et Les Bonnes Intentions) et Jean-Pierre Bacri (qui cumule aussi Place Publique et Le Sens de la fête). Ces films français à valeur sociale-réaliste (voir la liste non exhaustive ci-dessous) ne sont pas tous dans le haut de ma liste des films préférés de 2018, parce que l’écran de cinéma cherche à filmer (même sur Netflix) un monde plus grand que celui qui se déroule sous nos fenêtres. Néanmoins, les évènements de cette fin d’année tumultueuse m’incitent à mettre sans tergiverser le En Guerre de Brizé en première place. Quand le cinéma fait mouche à ce point, on s’incline.

Le cinéma français si souvent décrié pour son côté tantôt téléfilm, nombriliste, franchouillard ou littéraire (trop ostensible dans L’Homme fidèle de Louis Garrel, si immense et indispensable avec La Douleur d’après Duras), offre tout de même une planche de salut pour le cinéma mondial. Entre la violence gratuite du cinéma nord-américain, la violence sourde ou explicite du cinéma social de presque tout le reste du monde, le cinéma français arrive à osciller entre (grosse) détente, intellectualisme et social-politique. Encore un miracle en 2018.

Mes films préférés de 2018
(ma liste complète films vus ici)

1/ En Guerre

2/ La Forme de l’eau

3/ Three Billboards Outside Ebbing, Missouri

4/ Le Grand bain

5 / Sans un bruit

5/ Hostiles

6/ Roma

7/ First Man

8/ Ready Player One (voir ma chronique)

9/ La Douleur

10/ Sparring

Les productions US féministes ou militantes ?

Sally Hawkins in the film THE SHAPE OF WATER.

Quitter le cinéma français des yeux renvoie assez vite aux États-Unis, inévitablement avec des films qui les uns après les autres fournissent du cinéma plus grand que la vie et pourtant si proche de l’humain. Guillermo del Toro a peut-être pondu un film français à la Jean-Pierre Jeunet avec La Forme de l’eau et alors ? La réussite de la fusion entre son univers de monstres et le rétro fétichisme de Jeunet ne contrariera que les grincheux quand la synthèse est aussi flamboyante, plastique et touchante. Étonnamment, La Forme de l’eau est rejoint par le presque subversif Three Billboards, sans doute aussi Hostiles, et enfin Roma pour former un quatuor de films offrant des rôles centraux à des personnages féminins forts interprétés par des actrices aussi puissantes que leurs rôles. Même s’ils ont été réalisés et produits avant le mouvement Metoo, ils arrivent au bon moment pour démontrer l’évidence du bon sens, oui, les rôles de femmes comptent autant que les hommes. Il paraît que, aux États-Unis (et sur le continent Africain même), le Black Panther de Marvel fait aussi la démonstration que les rôles de femmes, de surcroît noires comme tout le casting et le réalisateur, sert la même cause féminine en plus de celle des afro-américains à Hollywood. On s’en réjouit tout en restant circonspect qu’il faille, pour légitimer sa place à Hollywood, le succès d’un film de super-héros tout de même bien puéril. Un procès d’infantilisation trumpesque qui vaut pour tous les autres films de super-héros (dont je suis client depuis l’enfance, Stan Lee était un de mes mentors putatif). Y compris cette année le boursoufflé Avengers : Infinity War qui, lui, veut nous faire avaler une dramaturgie cosmique 1er degré après que la lumière se soit rallumée dans la salle. Les films de super-héros restent des films de pop-corn, tout à fait honorables, mais chercher à y voir un reflet des problèmes dans le monde est faire insulte à la réalité souffrante.

Les naufrages de classe A ou de série B, et Netflix 

Un mot encore pour évoquer quelques gros ratages pas toujours attendus. Complètement raplapla et factice malgré le « reacting » des vrais soldats, Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood a failli écorner le mythe du réalisateur intouchable. Le bien-aimé Terry Gilliam fait lui aussi naufrage avec L’Homme qui tua Don Quichotte qui aurait dû rester ce mystérieux projet jamais abouti. Mis à part l’incroyable et languissant Roma du si brillant Alfonso Cuaron, la majorité des gros films inédits Netflix (achetés ou produits) qui, nous dit-on, bousculent Hollywood, sont ou ratés ou des navets navrants. S’il faut des noms… Le récent Bird Box de Suzanne Bier au scénario avançant aussi en aveugle que sa protagoniste. Le Mute irregardable du pourtant motivé Duncan Jones. Le Zoé avec un casting haut de gamme Erwan McGregor et Léa Seydoux… The Cloverfield Paradox qui n’a aucun sens ni intérêt. Le Annihilation du culte Alex Garland qui part au ralenti dans tous les sens sans en développer un. Seuls les frères Cohen, heureusement pour tout le monde, s’en sortent avec un inégal mais néanmoins fascinant western à sketchs : La Balade de Buster Scruggs. En salles, du côté politique et social sérieux, le cinéma américain est sauvé par Pentagon Papers de Spielberg, Last Flag Flying de Richard Linklater, et Lean on Pete (la Route sauvage).

Des films français qui ont remis en 2018 la question vie sociale au coeur du cinéma, ou inversement…

/ Comme des rois, sur la débrouille du travail au noir

/ Normandie Nue, sur la paysannerie confrontée à la prétention des villes (chronique caricaturale mais qui prolonge le très sérieux Petit Paysan de 2017)

/ Nos Batailles, sur les conditions de travail dans un grand entrepôt façon Amazon

/ Première année, sur la folie de la première année de médecine et de la pression que subissent les étudiants bien avant d’intégrer le monde du travail

/ Roulez jeunesse avec un Eric Judor, garagiste provincial, confronté à la détresse d’enfants sans parents

/ Amanda, sur l’impact du terrorisme dans la vie de tous les jours à Paris

/ I feel good, sur la vie dans une communauté Emmaüs

/ Les Invisibles (en salle le 9 janvier 2019) où le quotidien d’un centre d’accueil pour femmes SDF

On peut aussi y inclure dans cette coupe transversale de la France de tous les jours…

/ Pupille pour suivre d’une manière presque pédagogique le parcours d’adoption

/ L’Apparition pour voir l’impact social et économique d’un lieu de pèlerinage

Quelques coups de coeur 2018

/ Love, Simon 

/ La Fête des mères

/ Lean on Pete (La Route sauvage)

/ Figlia Mia (Ma fille)

/ Désobéissance

/ Mademoiselle de Joncquières

François Bliss de la Boissière

Roma Netflix Alfonso Cuaron

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Ready Player One : Portrait en fuite d’une génération régressive

Déclaration : Ready Player One présente le jeu vidéo sous forme de caricature, de vue extérieure et superficielle plutôt que intérieure et vécue. Ready Player One n’est pas non plus le révélateur de la réalité de la réalité virtuelle (VR). Sans doute fidèle au livre, il est d’abord le condensé fétichiste et régressif de la culture pop des années 80-90. Ni moins, ni plus.

Mettons les choses au clair dès le départ, car l’enjeu était là. Ready Player One n’a pas la pertinence thématique ni même visuelle de A.I. et Minority Report. Il n’y a dans ce film épuisant de 2h20 aucune vision futuriste crédible, aucun vrai thème à débat sociétal ou philosophique. Ready Player One est un pur popcorn movie, un film de distraction sans autre enjeu que de proposer un grand ride en images de synthèse. Et d’essayer de faire passer le message : « Wouah la réalité virtuelle, oui mais Attention ». Oui, présenté de manière aussi simpliste que ça.
Le talent de Steven Spielberg, comme tout bon cinéaste, n’est pas à mettre en cause, puisqu’il consiste avant tout à épouser son sujet écrit. Et visiblement, le bouquin de Ernest Cline (sur ma table de chevet depuis un moment, mais pas lu, désolé) n’offre pas plus de profondeur que ce que l’on voit à l’écran. Cline est co-scénariste du film, il n’y a donc aucune raison de le croire trahi. Au contraire dirions-nous puisque, tout de même, la folie visuelle du film met en images ce que les mots de l’auteur ne font qu’évoquer.

Immersion de surface

La plus grosse surprise et peut-être sa plus grand déception, en plus d’une superficialité là où on pouvait espérer une vraie réflexion, consiste à suivre un film beaucoup plus en images de synthèse (CGI) qu’en prises de vues réelles. Spielberg n’a jamais fait tournoyer autant sa caméra que pour montrer tous les mondes de l’OASIS virtuelle (plus que dans les pires séquences de son Tintin). Sa caméra devenue folle fait des 360° autour des personnages avatars virtuels comme s’il fallait sans arrêt les dynamiser ou traduire un état intérieur excité du joueur/visiteur virtuel. En tant que gamer pratiquant, on peut qualifier cela d’insultant ou de trompeur. Le jeu vidéo ne se réduit pas à cet état d’hystérie permanent, sinon il ne concernerait que les plus jeunes et non plus les adultes (la moyenne d’âge du videogame player est à 35 ans de nos jours). Autre erreur d’appréciation à l’écran, parce que l’immersion en VR décuple les sensations et le ressenti : moins on en fait plus on supporte l’immersion et plus on y croit. Le monde virtuel fou-fou montré par Steven Spielberg est une vision infantile et en réalité impraticable de la VR. À moins que d’ici 30 ans (le récit se déroule en 2045), le genre humain accouche d’une humanité plus 2.0 qu’attendue. Le film ne le dit pas et, au contraire, montre des humains tout à fait semblables à aujourd’hui. Spielberg fait un amalgame du fond et de la forme entre le jeu vidéo (le plus clinquant et énervé) et l’immersion de la réalité virtuelle. Même si, nous sommes d’accord, plonger dans la réalité virtuelle, pour peu qu’elle soit agréable, donne envie d’y rester pour « ne plus revenir« . Il s’agit donc encore une fois après, par exemple, le plus mature Blade Runner 2049, d’un rétro futur. D’un futur naïf vu à partir, cette fois, des années 80… naïves. Même si le bouquin a été publié en 2011. Ce prisme gentillet d’un avenir techno dystopique ne présente ainsi pas une vision sérieuse de la société future comme le proposaient encore une fois A.I (écrit par Brian Aldiss dans les années 60 puis revisité par Stanley Kubrick) et Minority Report (écrit par Philip K . Dick lui dans les années 50). Tron : Legacy de Joseph Kosinski et bien sûr le Avatar de James Cameron en disent plus long sur ce futur mélange de la réalité physique et de la réalité virtuelle. L’erreur générique et démagogique de Ready Player One consiste à continuer à présenter les expériences en réalité virtuelle comme une fuite ludique et vaine de la réalité actuelle et non comme un portail vers une nouvelle évolution de l’homme.

Avec ou contre les jeux vidéo ?

Esthétiquement, le film est un fourre-tout de plus ou moins bon goût. Bien fignolées mais rarement attachantes ou singulières, les images de synthèse majoritaires oscillent et ne se décident pas entre cartoon à la Dreamworks animation, Final Fantasy le film (qui date tout de même de 2001) et Warcraft (le film), sans compter les survols de troupes innombrables au sol qui évoquent les pires travellings aériens factices du seigneur des Hobbits Peter Jackson. C’est à se demander qui commande les plans et la caméra dans les scènes d’action en CGI. Spielberg délègue-t-il ces plans là ? (la post production du film lui a en tous cas laissé assez de temps pour aller tourner le plus intellectuellement stimulant The Post). Parce que les rares scènes en images réelles de Ready Player One ressemblent d’avantage à sa grammaire cinématographique que le reste du métrage, surtout avec Janusz Kaminski toujours à la photo. Mis à part sans doute le visage aux grands yeux de l’héroïne interprétée par Olivia Cooke, les avatars virtuels des personnages réels restent tout de même assez quelconque (une affaire de goût, admettons) : des silhouettes élancées androgynes à la japonaise aux gros musclors à l’américaine. Nous sommes loin par exemple des fascinants Na’vi d’Avatar. Disons que d’un point de vu jeu vidéo, même avancé, tout cela est cliché et renvoie donc au petit procès en loucedé, ou alors involontaire, que Spielberg fait au jeu vidéo à travers ce film censé lui rendre hommage. Alors que les bons films de SF sont aussi désormais des films sur les interfaces, revoir Minority Report et puis Avatar, Ready Player One s’amuse beaucoup avec des projections holographiques speedées devant les joueurs virtuels sans que cela ne fasse avancer le schmilblick UX ni ne reflète la vérité des solutions déjà existantes en jeu vidéo et en VR.

Le théorème Kubrick

Pourquoi Spielberg a-t-il eu envie de faire ce film à 70 ans (le tournage a commencé en 2016) ? Pour reprendre la main sur les images de synthèse qu’il a lui même popularisé avec Jurassic Park ? Pour faire un pied de nez au cinéma de super-héros dont il dénonce l’hégémonie à Hollywood ? Sans doute un peu tout cela mais pas seulement. Avant d’aller lire toutes les interviews et attraper les making-of qui confirmeront ou pas ses intentions, une séquence particulière de Ready Player One explique assez clairement pourquoi le film, en plus d’autres raisons, s’est imposé à Spielberg. Elle restera sans doute dans les annales plus que toutes les autres mises bout à bout. Elle fonctionne d’ailleurs de manière quasi autonome, comme un niveau de jeu vidéo hors sujet (ou bonus, ou en DLC). En tout état de cause la séquence existe dans le flux du récit. Puisque l’essence du film consiste à revisiter tous les fondamentaux de la pop culture des années 80, du jeu vidéo balbutiant au cinéma alors insouciant (de John Hugues par exemple, cité à plusieurs reprises), Spielberg a dû prendre un plaisir singulier à piloter une séquence où les personnages (attention SPOILER ALERT) se retrouvent DANS une reconstitution du film The Shining de Stanley Kubrick. Faut-il rappeler brièvement le lien intime qu’ont développé Spielberg et Kubrick à la fin de sa vie ? Spielberg a réalisé A.I à la place de Kubrick, à la demande de Kubrick, après la mort de Kubrick, pour Kubrick. À cet anoblissement posthume du maître et à ce titre, sans doute seul Spielberg pouvait se permettre de recréer The Shining et de s’en moquer sans que la cinéphilie crie au tabou. Les personnages en CGI de Ready Player One se retrouvent catapultés dans l’hôtel célèbre où Jack Nicholson va perdre la tête. Toutes les scènes mythiques et flippantes y sont visitées et récrées (décors et personnages compris) avec un soin maniaque avant d’être détournées parce que bien sûr, il s’agit d’une version jeu vidéo qui part en sucette. Spielberg aime le jeu vidéo depuis longtemps, il a même participé à la création de plusieurs franchises (notamment Medal of Honor devenu par imitation la série à succès Call of Duty, excusez du peu), mais on est moins sûr qu’il apprécie ce que représente la VR. Le film tombe dans le travers de dénoncer facilement les travers de la réalité virtuelle car au fond, Spielberg s’inquiète surtout d’un incontrôlable concurrent au cinéma narratif classique. C’est donc tout à son honneur que de s’y frotter pour mieux l’absorber. Pour autant, sa vision reste distante, condescendante, un chouia péjorative et plutôt simpliste. Il abordera peut-être ce sujet une prochaine fois avec plus de maturité.

Fétichisme et régression des années 80

Il faudra alors oublier sa conclusion bêta enfantine. Rappeler aussi grossièrement que la réalité est mieux que la réalité virtuelle parce que, oui, on peut… y manger de vrais repas et que les câlins charnels c’est mieux, ressemble à la conclusion dirigée d’un devoir de rédaction d’école secondaire. Malgré toute l’esbrouffe technologique qu’il déploie et le futur « dystopique » qu’il décrit à la marge, le film est foncièrement régressif. Et fétichiste. Des VHS aux consoles de jeux, des Gremlins à Doom et Street Fighter, de Gundam à l’anti daté Géant de fer tout y passe en un éclair, ou appuyé, et nécessitera des nombreux arrêts sur image. Encore une fois, il reflète certainement à la lettre le livre de « J’ai grandi à l’époque parfaite«  de Ernest Cline. On doit sans doute voir, dans ce fétichisme de la consommation et des loisirs qui aura accouché d’une génération sans âge adulte baptisée « geek », le désenchantement et l’inquiétude actuelle d’une population ayant grandi dans les années 80-90. Cette époque parenthèse post Vietnam, post hippie, post mai 68, post luttes pour la libération de la femme et pour les droits civiques et anté 9/11. Pubs, drogues et paillettes glam des années 80 synthé ont servi de récréation, de pause sans doute, dans le bouillonnement sanglant, politique et intellectuel permanent de la civilisation. La musique pop a succédé à la musique rock, la jouissance et le spleen à la rébellion, le blockbuster fantaisiste au cinéma de la rue du nouvel Hollywood. Spielberg en personne et ses troupes d’alors (Tobe Hooper, Joe Dante, Robert Zemeckis…) en ont été les maitres d’oeuvre involontaires (Jaws est considéré comme le premier « blockbuster » du cinéma, avant Star Wars). On peut donc voir aussi dans ce Ready Player One, une encyclopédie en mouvement, une compilation de tous les symboles de la culture populaire des années 80-90 dont Spielberg a été l’instigateur. Une carte postale rechapée et signée par un de ces GO (gentil organisateur) de vacances culturelles de cette époque.
En échouant à faire passerelle entre le passé et le futur, Ready Player One devrait servir à poser pour de bon la tragique question, au cinéma comme ailleurs : peut-on faire du neuf avec du vieux ? Doit-on continuer à tenter de faire du neuf avec du vieux ? On restera curieux de voir la réception du film par le jeune public qui, même fan de jeux vidéo, ne reconnaitra absolument aucune des références jeux vidéo et cinéma vintage qui font le sel et le sang du film. Le récit au premier degré suffira-t-il à retenir leur attention ?
Fétichiste moi-même, je retournerai voir le film en IMAX 3D pour remonter, pour la énième fois, le fil du jeu de piste culturel jusqu’à ma chambre à m’auto dorloter des années 80.

François Bliss de la Boissière


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Best of Films 2017 : L’horizon dans le rétroviseur

Le radotage du cinéma est passé de mode à tendance lourde en 2017. Lourde dans les deux sens : omnipotente et pénible. Où comment l’industrie du cinéma a transformé la nécessaire mémoire culturelle en tiroir caisse sans fond. Regarder en arrière est devenu un business. L’arrivée des femmes aux commandes sauvera-t-elle le cinéma et les hommes par la même occasion ?

Mes 10 films préférés de 2017 *

  1. Blade Runner 2049
  2. La La Land
  3. Dunkerque
  4. Borg McEnroe
  5. Mother!
  6. Les Gardiennes
  7. Les Figures de l’ombre
  8. Wind River
  9. Le Prix du succès
  10. Crash Test Aglaé

*Liste complète des 101 films sortis en 2017, vus en majorité en salle ou en numérique à domicile, est consultable ici

Témoin muet lové derrière sa douce modestie de surface, le singulier A Ghost Story témoigne et même symbolise l’incapacité de la culture pop du XXIe siècle à lâcher prise de son passé. Si jeune et déjà repliée sur elle-même. Le cinéma, en soi, de par son miracle technologique, a toujours été une histoire de fantômes, de théâtres d’ombres humaines capturées pour toujours par une lanterne magique. La tragicomédie humaine enregistrée et prête à être rejouer indéfiniment. Ce cinéma là avait commencé à témoigner de la vie humaine et de ses fantasmes. Depuis plusieurs années, le cinéma se transforme en miroir de lui-même. Malgré, ou à cause de ses moyens technologiques désormais sans limite, l’industrie piétine et peine à inventer un avenir neuf. Inspiration soufflée par le gouffre des possibles, ou cynisme financier surfant sur l’anxiété du monde, entrainent tous les moyens créatifs et techniques du cinéma à ruminer son propre passé. La Terre tourne apparemment trop vite pour le cinéma lui-même.

Be Kind Rewind (Soyez sympas, rembobinez)

Le culotté Mother! moebius de Darren Aronofsky confirme sur grand écran ce que le succès de la série Stranger Things a mis pour de bon au grand jour sur Netflix. Le cinéma « moderne » est devenu une cassette VHS folle qui se rembobine et se relance toute seule, encore, encore et encore. Personne n’appuie sciemment sur la touche Replay mais l’inconscient collectif si, et tout se rejoue en boucle. Pour le meilleur et le pire.
Quand le cinéma rejoue le titanesque match de tennis entre Björn Borg et John McEnroe, magnifie les tristes traces télévisuelles d’époque, réactualise un fait historique exemplaire et offre à la Suède la statue cinématographique que son héros méritait, on dit bravo. Une histoire édifiante a été inscrite au patrimoine cinématographique de l’humanité. Quand un tout jeune metteur en scène brasse les comédies musicales de l’âge d’or avec les bluettes musicales de Jacques Demy/Michel Legrand pour en faire un La La Land déchirant le coeur de la vocation d’artiste, on s’incline. L’intégrité artistique et la culture ont été valorisées. Quand Christopher Nolan fait vivre le siège de Dunkerque de manière si émotionnelle et donc inoubliable, et quand Xavier Beauvois réhabilite froidement le rôle des femmes des campagnes pendant la guerre de 14-18 dans Les Gardiennes, on dit chapeau et merci pour la mémorable double leçon d’histoire et de cinéma. Mais quoi dire devant les retours mercantiles d’Alien, de Kong, des Jedi et des Blade Runner ? Bon film (devinette il n’y en a qu’un parmi ces remakes/reboots/revisitations/fan service/melancolexploitation) ou pas, ce cinéma là n’a aucune autre raison d’être que financière. Ce n’est pas une nouvelle fraiche, c’est un coming out personnel de l’auteur de ces lignes qui condamne en bonne et dû forme la pratique. Le même auteur passionné de cinéma et de SF place l’hyper maîtrisé et haut de gamme Blade Runner 2049 en tête du podium 2017. Tout en critiquant ici-même l’objet qu’il représente. Il faudrait inventer un sobriquet pour qualifier le cinéma d’exploitation de la nostalgie. Il existe peut-être à Hollywood.

Me too

Et les femmes dans tout ça ? Curieusement, inattendu et non prémédité, c’est au genre féminin que profite ce regard en arrière de l’entertainment. Le scandale Weinstein oblige pour de bon à relire les filmographies, en particulier celles de Miramax et celles d’actrices aux carrières mystérieusement enlisées. L’enjeu est devenu réel et concret après avoir émergé sur pellicule. Il était temps. Depuis plusieurs années quelques films (Zero Dark Thirty par exemple) et surtout des séries exceptionnelles labourent le terrain (de Mad Men à Big Little Lies en passant par The Honorable Woman) et plantent des graines crues mais fertiles tel Masters of Sex et même l’ambigu The Girlfriend Experience. Millimètre par millimètre elles ont ouvert la porte au coming out libérateur des femmes du #MeToo et #Balancetonporc venu d’abord d’Hollywood la Babylone. Et la même année où les prédateurs sexuels masculins sont enfin dénoncés, des films magnifiques ou agaçants, tant pis, redonnent la parole et le pouvoir aux femmes.

Homo homini lupus est

Qui en doutait ? Si on leur donne l’occasion, ou plutôt si elles s’en saisissent, les femmes au pouvoir peuvent devenir des requins comme les autres. Demandez à la vraie Margaret Thatcher ou à la Claire Underwood de fiction de House of Cards. Et alors ? Quand les femmes seront vraiment les égales de l’homme dans toutes les pratiques de la société, il y a aura, comme chez les hommes, des monstres et des wonder women. Parmi les monstres, l’insupportable castratrice Miss Sloane interprétée par Jessica Chastain n’a rien à envier au premier parvenu masculin. L’intraitable Nathalie Baye chef de famille des Gardiennes en arrive à dominer les hommes à peine bons à guerroyer et courtiser. Comme dans Le Grand jeu de Aaron Sorkin avec la même Jessica Chastain, le Numéro Une de Tonie Marshall avec Emmanuelle Devos et dans une moindre mesure la Katharine Graham des Pentagon Papers incarnée par Meryl Streep (sortie en janvier), le cinéma place enfin avec succès les femmes au centre du jeu et parfois même aux commandes. Quitte à reprofiler au plus intime et remettre au centre avec le film Jackie une personnalité dont l’Histoire croit tout savoir.

Battle of the sexes

Parmi les wonder women, cachées derrière une facture cinématographique classique, Les Figures de l’ombre sont une révélation. Le film désamorce toutes les innommables problématiques et omissions de l’histoire américaine et met en lumière des femmes scientifiques qui ont concrètement et intellectuellement participé aux programmes de la conquête spatiale et de la conquête des femmes dans la société. Plus exemplaire et jouissif à regarder est impossible en 2017 au moment ou Elon Musk remet la conquête spatiale au goût du jour. Plus discret et sérieusement drôle, le Crash Test Aglaé français arrive lui aussi à éclairer d’une lumière salvatrice les femmes qui prennent leur destin en main. Car elles ont encore de la route à faire. Cela tombe bien, Crash Test Aglaé est un road movie. À travers un duel de tennis féminin/masculin Billie Jean King vs Bobby Riggs improbable et pourtant bien réel dans les 70s, Battle of the Sexes met ouvertement sur la table l’enjeu d’aujourd’hui comme d’hier, dans la société et dans le cinéma : les femmes ont tout à fait leur chance d’atteindre leur place légitime dans la société quand elles viennent sur le terrain des hommes. Les hommes accrochés à leur pouvoir de vieux singes peuvent s’en inquiéter.

Tout le monde redouble

Si l’industrie du cinéma regarde tant dans son rétroviseur c’est bien sûr parce que la civilisation humaine elle-même ne voit plus son avenir sereinement et se réfugie dans le passé. On se rassure comme l’on peut. Si le cinéma américain précédé par les séries du câble et du streaming, commence à laisser des femmes aux commandes devant et derrière la caméra*, c’est aussi parce qu’avec l’élection d’un Donal Trump notoirement machiste (entre autres qualités d’un autre âge), la société intellectuelle et culturelle américaine devient en partie militante.
Les cinéphiles et cinéphages passionnés se laissent aller à penser que le cinéma est une extension de la vraie vie, qu’il reflète la société. La preuve en VHS inusable cette année plus que les autres encore.

*La France a la chance et la fierté d’avoir de nombreuses femmes réalisatrices en activité. Présidente de Lucasfilm depuis 2012, Kathleen Kennedy contrôle d’une main de fer le destin des Jedi.

Coups de coeur

Des coups de coeur pour des films de série B super léchés, pas vraiment justifiables côté scénario mais dont la force de conviction, l’amour du cadre, l’envie d’en découdre avec des mythes de la pop culture tout en lui rendant hommage en font des moments goûteux de pur cinéma. Le Star Wars : The Last Jedi a les mêmes intentions et aurait sa place s’il n’était pas aussi foutraque et prétentieux simultanément.

  • Kong : Skull Island
  • Life : Origine Inconnue
  • Logan
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François Bliss de la Boissière

Borg/McEnroe © Pretty Pictures


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Detroit : En ligne de mire

Le Detroit de Kathryn Bigelow remet en lumière un évènement tragique des années 60 qui reste hélas d’actualité aux États-Unis d’Amérique où les tensions raciales persistent.

En 1967, il y a exactement 50 ans, un quartier de la ville de Détroit (état du Michigan) a été saccagé quand la population noire, ulcérée par une intervention brutale de la police, se révolte, détruit son voisine nage et pille les magasins. L’armée a même été appelée en renfort par les autorités locales débordées. Les émeutes ont duré cinq jours et ont réduit une partie de la ville, comme le dit un des personnages du film, en zone de guerre.
Avec la même force cinématographique que dans Démineurs et Zero Dark Thirty, la réalisatrice sans peur Kathryn Bigelow met en scène par un montage tétanisant l’engrenage des évènements qui conduit la population noire à se révolter contre la police faisant usage de ses armes à feu. Puis le rythme emballé du film ralentit franchement pour souligner de manière très appuyée un cas de violences sadiques sur de jeunes noirs littéralement pris en otage par des hommes blancs en uniformes et ouvertement racistes. Cette longue séquence d’humiliations et de brutalités gratuites contraint le spectateur, lui aussi pris en otage, au malaise et devient le coeur saignant tragique du film. Celui-ci a donc vocation de mémoire et résonne, après les évènements récents de Ferguson en 2014 et Charlottesville au mois d’août, comme un énième message de dénonciation du racisme endémique aux USA.

De Kathryn Bigelow, avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith… Au cinéma depuis le 11 octobre. 

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2017 dans le mensuel Tout Comprendre +)


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Demain et tous les autres jours : L’âge triste

Ce film raconte de manière inattendue et parfois poétique la relation compliquée d’une petite fille avec sa mère souffrant de troubles mentaux.
Avis express…

Dans le rôle de la maman dysfonctionnelle, l’actrice et réalisatrice Noémie Lvovsky incarne un personnage ingrat et laisse à la jeune actrice prendre la vedette. Entre l’école et son appartement souvent vide, celle-ci tient le coup en discutant avec un hibou de compagnie doué de parole qui lui prodigue des conseils. Un film un peu triste avec des personnages néanmoins généreux.

De Noémie Lvovsky, avec Luce Rodriguez, Noémie Lvovsky, Mathieu Amalric… Au cinéma depuis le 27 septembre.

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2017 dans le mensuel Tout Comprendre +)


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L’école buissonnière : Surrané

Si on apprécie déjà le style naturaliste bon enfant du réalisateur de Loup (2008) et Belle et Sébastien (2013), alors ce film retient l’attention.
Avis express…

Documentariste animalier, Nicolas Vanier filme ici avec beaucoup de soin la Sologne de son enfance pour raconter l’histoire d’un petit parisien orphelin venant vivre à la campagne en 1927. Quoiqu’attachants, les personnages sont superficiels, et le récit suranné, mais l’envie de montrer cette époque et ces paysages est contagieuse. Un feel-good movie familial à la française.

De Nicolas Vanier, avec François Cluzet, Valérie Karsenti, Éric Elmosnino… Au cinéma depuis le 11 octobre.

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2017 dans le mensuel Tout Comprendre +)


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Blade Runner 2049 : Le futur du passé

En 1982 le film Blade Runner soulevait des questions, posait des thèmes. Preuve de sa longévité dans les esprits, il avait l’intelligence de ne pas y répondre. Il laissait le spectateur hanté par ses interrogations. Ainsi vont les réflexions existentialistes d’hier, d’aujourd’hui, et du futur. Inévitablement, sans doute, pour justifier son existence à l’écran, Blade Runner 2049 répond à la plupart des questions laissées en suspens en 1982. C’est à la fois son intérêt et peut-être sa force mais aussi son plus grand défaut.

En surface, le film de Denis Villeneuve est incontestablement une réussite. Esthétiquement, il reprend presque sans trahir l’univers visuel posé à l’écran par Ridley Scott. Le réalisateur de Prisoners et Arrival a non seulement le courage de s’attaquer au monument de cinéma SF qu’il vénère comme son public (Blade Runner est une des raisons pour lesquelles Villeneuve fait du cinéma, explique-t-il ici), mais il a aussi l’audace de le prolonger et de l’agrandir. Si des éléments du scénario parfois faciles voire roublards, peuvent se chipoter, il serait malvenu de mettre en doute l’aspect visuel et sonore du film.

Dès la scène d’ouverture Villeneuve place la barre à la hauteur que la vénération du film originel le réclamait sans le savoir. 35 ans après le fameux premier survol d’un Los Angeles industriel méconnaissable en 2019, l’horizon du Los Angeles techno dystopique de 2049 est aussitôt familier et agrandit. La bande son où les accords indélébiles des synthés de Vangelis surnagent à peine au-dessus d’une marée industrielle sourde saisit les sens et colle au siège (extrait ici). Porté par ce profond tsunami sonore, le vol puissant et cette fois souple des voitures volantes au-dessus d’un horizon sans fin ne laisse aucun doute : on embarque pour un vertigineux voyage vers le rétro futur.

Tout en silences, langueurs et designs arty parfois gratuits, Blade Runner 2049 rejoue la même partition destinée aux fans que le Star Wars : A New Hope de J. J. Abrams. Une lettre d’amour au film original, avoue lui-même Villeneuve (ici). Les clins d’oeils graphiques plus ou moins discrets, l’apparition visuelle ou audio de vieux personnages, insistent à faire le lien affectif avec le passé. Sans prétendre pouvoir imaginer d’autres façons de créer dans ce début de siècle cinématographique rétro digest il est heureux que Ridley Scott en personne n’ait pas réalisé 2049. Plus ou moins condamné par l’histoire à revisiter ses chefs d’œuvre du passé, Ridley Scott comme au fond George Lucas, a plus envie de faire avancer ses histoires que de les remacher, quitte à saccager et ne pas respecter son Alien originel, par exemple, avec les très discutables Prometheus et Alien : Covenant.

Denis Villeneuve comme J. J. Abrams juste avant lui, se contente essentiellement de bâtir un temple hommage au film originel. « Une cathédrale » dit lui-même sans penser à mal Harrison Ford en interview pour qualifier le film. Une cathédrale, ou une pyramide, un temple en effet, où venir célébrer et revivre un miracle du passé.

De fresques murales en tapisseries, de peintures en dioramas, du théâtre au cinéma, l’homme n’a cessé de mettre en scène son histoire réelle ou rêvée, mythes et religions inclus.
Même si l’on doit regretter les deux pas en arrière que pratique désormais le cinéma qui semble piétiner sur sa propre histoire, il s’agit sans doute là aussi de la confirmation que le cinéma, et donc certains films, appartiennent viscéralement à l’histoire de la civilisation humaine.

Les cérémonies religieuses rejouent le même acte depuis des millénaires. Les pièces du répertoire sont rejouées ad nauseam au théâtre de siècles en siècles. Un film, lui, imprimé sur pellicule, peut être revisité indéfiniment bien sûr. Au-delà de l’opportunisme financier qui initient aussi tous ces semi remakes, il s’agit sans doute de répondre au besoin humain de conforter sa mémoire, de l’embellir et de la magnifier. Les outils technologiques du cinéma permettant de répondre à ce besoin, pourquoi s’en priverait-il ?

Le cynisme du marché ne suffit ainsi pas à expliquer le ripolinage des gloires du passé cinématographique. Les metteurs en scène de talent dont la carrière se porte bien comme J. J. Abrams ou Denis Villeneuve acceptent de rejouer de vieilles partitions parce qu’eux-mêmes aspirent à s’y replonger. Il s’agit sans doute à la fois d’un défi artistique et d’un défi de mémoire, dans tous les cas d’une démarche personnelle bien au-delà des attentes vénales du marché. Tim Miller désormais aux commandes de la franchise Terminator aux côtés de James Cameron le confirme avec candeur. Il ne manquait pas de projet, il aurait pu faire Deadpool 2 mais il choisit les yeux grands ouverts de s’approprier la série de films qui a marqué sa vocation : Terminator 1 et 2. Pour Tim Miller, J. J. Abrams et Denis Villeneuve, c’est aussi l’occasion de collaborer intimement avec les réalisateurs-auteurs originaux, puisqu’ils sont vivants. Une forme d’anoblissement sans doute, de relation filiale de cinéma. Depuis la fin du nouvel Hollywood, les réalisateurs de cinéma grand spectacle sont des geeks comme les autres ou presque.

Inévitablement, Blade Runner 2049 est une oeuvre bâtarde. Autonome et dépendante, elle parle du futur, voudrait visiblement avancer vers ce futur mais reste entravée par son histoire passée. Le nouvel exercice de style créatif du cinéma consiste à manoeuvrer dans ces contraintes : réinventer sans froisser ni l’oeuvre passée ni, pire encore, le public à l’attachement quasi religieux à tel ou tel film.

Denis Villeneuve, les scénaristes, Ridley Scott et Harrison Ford lui-même pas très loin (voir ici), ont-ils trouvé le bon équilibre ? Ce qui est sûr c’est que l’on sort rassasié de 2049. La longueur du film (2h43 avec le générique) se ressent et pèse même parfois quand certaines scènes s’éternisent sans grande raison perceptible. Comme il s’agit là de respecter le style et donc la lenteur du film original tout en bravant, tant qu’à faire, le rythme frénétique des films à effets spéciaux du XXIe siècle, pourquoi pas. Mais cette langueur générale ne garantit pas pour autant une maturité filmique.

À la première vision en tous cas, certains personnages et certaines scènes frôlent le surdosage et donc le ridicule. Sans le talent de filmeur de Denis Villeneuve, plusieurs scènes qui veulent absolument tout dire au spectateur et notamment lancer des pistes pour des suites éventuelles, sombreraient dans la série B. Le film de Ridley Scott avait lui-même des outrances. Le personnage de Tyrell par exemple et son bureau pyramide en faisait des tonnes démonstratives. Surenchérir là-dessus devient forcément caricature. Comme dans Suicide Squad, la présence de Jared Leto en héritier de Tyrell est de trop et fait regretter David Bowie pressenti dans le rôle. À trop vouloir surenchérir sur le fameux décor cuivré de Tyrell de Blade Runner, 2049 fait dans l’épate visuelle épurée pour l’antre glacée de son successeur Walllace. C’est très beau, mais aussi inutile.

Des personnages, et donc des acteurs singuliers, se retrouvent un peu gâchés. La silhouette massive et rassurante de Dave Bautista manque quand elle disparait trop vite. À appuyer de nouveau sur son profil de castratrice dans House of Cards, Robin Wright se trouve mal servie dans un rôle sans nuance et indéfini. Et puis, installé dans les rôles de héros au visage impénétrable depuis Drive, Ryan Gosling était-il le meilleur acteur dans un personnage qui porte en lui une faille que l’acteur retranscrit inégalement. Familier de Denis Villeneuve, le fiévreux Jake Gyllenhaal aurait pu mieux faire l’affaire.

Les réserves et critiques ciblées ne gâchent néanmoins pas l’énorme plaisir à prendre devant Blade Runner 2049. Même plus explicite et moins rébus que son prédécesseur, cette revisitation impressionne par son mélange d’hommage et d’inventivité, sa beauté plastique et sa maîtrise sonore. Et si tous les personnages ont l’air un peu fantomatiques, c’est sans doute parce qu’ils sont l’écho spectral du passé dans un futur au présent.

François Bliss de la Boissière

RYAN GOSLING as K in Alcon Entertainment’s sci fi thriller BLADE RUNNER 2049 in association with Columbia Pictures, domestic distribution by Warner Bros. Pictures and international distribution by Sony Pictures Releasing International.

Photos ©2016 Alcon Entertainment, LLC All Rights Reserved

 


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Blade Runner 2049 : avant-goût

Après Star Wars, il s’agit de la suite la plus attendue et aussi la plus crainte d’un film de SF.

Culte depuis sa sortie en 1982, Blade Runner a marqué des générations de cinéphiles, de cinéastes, d’artistes et d’amateurs de science-fiction. Produit et cautionné par le réalisateur de l’original Ridley Scott, réalisé par le talentueux, et lui-même fan de Blade Runner, Denis Villeneuve (Prisoners, Premier Contact…), 2049 reprend l’histoire des androïdes aspirants humains (les « réplicants ») exactement trente ans après la fin de l’original. Harrison Ford retrouve son mystérieux rôle de chasseur d’androïdes face au nouveau venu Ryan Gosling (La La Land) qui vient lui demander des comptes. L’ambition ici consiste à réussir à prolonger le style visuel SF polar noir rétro avant-gardiste de l’original tout en le réactualisant.

Même si le scénario s’affranchit du roman culte de Philip K. Dick (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?), cette suite est un évènement cinématographique et culturel considérable. Réussi, comme espéré, ou copie inutile de l’original, comme on peut le craindre, le film reste incontournable.
(lire aussi ma chronique à la sortie du film)

  • Réalisateur : Denis Villeneuve
  • Interprètes : Ryan Gosling, Harrison Ford… 
  • En salle à partir du 4 octobre

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2017 dans le mensuel Comment ça Marche)


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Terminator 2 : Le jugement dernier 3D

Sur grand écran et en 3D, Terminator 2 (T2 pour les intimes) fait la démonstration d’une efficacité insurpassable malgré les 26 années écoulées depuis sa sortie.

En 1991, T2 a été le tout premier film à utiliser des effets spéciaux numériques (le cyborg T-1000 en métal liquide par exemple) que l’on retrouve maintenant dans tous les films à grand spectacle. Supervisées par le légendaire et exigeant auteur-réalisateur James Cameron lui-même (Titanic, Avatar…), la conversion puis restauration en images 4K de la pellicule originale 35mm et l’adaptation en 3D stéréoscopique inédite ont demandé plus d’un an de travail à trois équipes spécialisées. Le résultat visuel et sonore est à la hauteur des standards techniques d’aujourd’hui. L’image est d’une netteté à toute épreuve, les couleurs ont repris de l’éclat tout en respectant la colorimétrie originale. La 3D est employée discrètement et offre de la profondeur à l’image sans occasionner de gène comme certains films pourtant plus récents.

L’histoire où un jeune ado apprivoise puis s’attache à un dangereux cyborg (organisme mi robot mi humain) pendant que sa mère que tout le monde croit folle annonce une imminente guerre nucléaire, et donc la fin du monde, reste passionnante et plus que jamais actuelle. Car derrière les Terminator se cache Skynet, une intelligence artificielle qui a pris le pouvoir sur toutes les machines. T2 reste un grand film d’action humaniste et prophétique.

  • Réalisateur : James Cameron
  • Interprètes : Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Edward Furlong…
  • En salle le 14 septembre. En DVD, VOD, Blu-ray 2D et 3D, Blu-ray 4K Ultra-HD le 3 octobre

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2017 dans le mensuel Comment ça Marche)


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BEST OF FILMS 2016 : Seigneurs des plaines et du cosmos

Fin 2015, je saluais le nouvel âge d’or de la SF si cher à la génération des débuts de la conquête de l’espace et à la génération geek. Et bien que la tendance continue grâce au numérique, ce sont assez curieusement les films avec l’humanité au centre qui ont repris la main en 2016. Des films d’anticipation SF comme Arrival et Passengers se concentrent ainsi d’abord sur l’humain plutôt que les effets spéciaux. Doit-on attendre pour autant une accalmie dans le tsunami des trucages numériques et des super-héros casse-briques ? Sans doute pas. Mais en 2016, au moment même où le monde perd de nombreuses personnalités qui ont façonné la culture populaire et même parfois le paysage politique (on pense à Mohamed Ali notamment), il faudra apprécier cette capacité du cinéma à venir compenser, voire combler, les repères perdus. Ainsi le portrait aussi ambivalent que flatteur de Steve Jobs capable d’offrir au monde à la fois une représentation tangible du secret patron d’Apple et un exercice de cinéma d’autant plus éblouissant qu’il est exclusivement constitué de dialogues et même de monologues. Et donc aux antipodes des films d’action numérique agités.

Mes 10 films de 2016 *

 

  1. Steve Jobs (Danny Boyle / Aaron Sorkin)
  2. Captain Fantastic (Matt Ross)
  3. Arrival (Denis Villeneuve)
  4. Hell or High Water (Comancheria) (David Mackenzie)
  5. Carol (Todd Haynes) / Danish Girl (Tom Hooper)
  6. The Revenant (Alexandro G. Inarritu)
  7. Sing Street (John Carney)
  8. Busanhaeng (Dernier Train pour Busan) (Sang-ho Yeon)
  9. Juste la fin du monde (Xavier Dolan)
  10. La Danseuse (Stéphanie Di Giusto)

*Liste complète des 126 films 2016 vus en salle ou en numérique à domicile consultable ici

Tous égaux devant l’humanité

Pour une fois, en ce qui me concerne, la hiérarchie de ce « top » films 2016 ne s’impose pas du tout comme les années précédentes (l’indiscutable Mad Max : Fury Road en 2015 par exemple). Tous les films de cette liste sont exceptionnels dans leur fond et leur forme et les différencier est essentiellement une histoire de goût.

Malgré la présence de plus en plus grande de films d’anticipation et de SF sur grand écran, ce sont des histoires d’hommes et de femmes (ou entre les deux : troublants et nécessaires Carol et Danish Girl) qui marquent vraiment le cinéma de l’année 2016. La multiplication des films importants remettant au coeur de leur thème le facteur humain montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une lecture personnelle de l’année cinéma 2016. Il y en a même assez pour que mes « coups de coeur » (ci-dessous) retiennent aussi un bon nombre de portraits d’hommes et de femmes uniques devant l’adversité.

Les sobres journalistes de Spotlight qui refont croire à l’utilité de ce beau métier. La résilience inattendue du personnage de Blake Lively seule face à un requin dans The Shallows comme celui de Leonardo Di Caprio dans le tourneboulant The Revenant. Le voyage intérieur du deuil de Jake Gyllenhaal dans Demolition. Le scepticisme salutaire d’un seul homme face à l’endoctrinement communautaire dans l’inattendu The Invitation. L’obstination amoureuse de Samir Guesmi dans le si délicat L’Effet aquatique… Tous ces films renouent avec l’humain qui est en nous et le besoin vital de sortir de soi-même. Et ce sans passer par la case improbable de super héros littéral. C’est évidemment le cas des 10 premiers films de cette liste.

Danny Boyle et Aaron Sorkin transforment le portrait de Steve Jobs en un exercice de synthèse vertigineux et trouble. Viggo Mortensen et l’acteur réalisateur Matt Ross, qu’on n’a pas vu venir à ce niveau d’intelligence, inventent avec Captain Fantastic un héros des temps modernes, un résistant idéal qui dénonce le monde d’aujourd’hui sans tomber pour autant dans le fatalisme et le repli sur soi.. Le temps d’un long métrage, les deux frères de Hell or High Water passent de l’état de losers à héros magnifiques (pas près d’oublier ces Lords of the plains). Arrival, bien sûr, parle d’abord d’une mère – ambassadrice emphatique pour nous les hommes – seule apte à communiquer avec les seigneurs du cosmos. On peut y voir un parallèle avec la mère prisonnière de Room qui cherche elle aussi à comprendre et digérer le langage de l’homme – alien à la condition humaine – qui la séquestre avec son enfant.

Le cinéma de 2016, celui qu’on regarde avec attention, serait donc revenu aux fondamentaux, à savoir le coeur (ou l’âme) des hommes et des femmes. À travers la fiction (la famille en résistance alternative de Captain Fantastic, le couple dans le vide métaphysique de Passengers…) ou le réel avec le biopic Steve Jobs (auquel on pourrait rajouter celui de The Founder de fastfood McDonald); les bouleversants enfants musiciens de Sing Street, La danseuse obstinée de l’ombre à la lumière et la famille décalée de Juste la fin du monde.
Si l’on ajoute au wake up call global du cinéma de 2016 le Dernier Train pour Busan, où le personnage de trader absent à lui-même et aux autres doit être submergé par une foule de zombies pour se réveiller, on voit bien que le cinéma mondial aspire, comme la population de tous les pays, à une secousse générale. Pas besoin de filmer des bagarres numériques ou une révolution sanglante pour faire passer le message.

Quelques navets qui n’auraient pas dû en être à ce point et donc sans excuses…

  • 13 Hours
  • Allied
  • Ben-Hur
  • L’outsider
  • Tarzan
  • The Nice Guys

Beaucoup de coups de coeur, et donc à voir sans hésiter (dans le désordre)…

  • Demolition
  • Passengers
  • Manchester by the Sea
  • Room
  • Elvis & Nixon
  • Spotlight
  • Victoria
  • Les Chevaliers blancs
  • The Invitation
  • L’effet aquatique
  • Equals
  • The Shallows (Instinct de survie)
  • Blood Father
  • Nerve
  • 10 Cloverfield Lane
  • Sully
  • Le fondateur

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