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Why Play ? [Pourquoi jouer] ?

Le jeu vidéo est encore un formidable work in progress où toutes les intentions, trivialités et plaisirs se télescopent sans hiérarchie. Jouer pour les sensations ou la recherche du sens ? Telle peut être la question.

Why play (DR)

Sorti fin 2007, Super Mario Galaxy a remis l’essentiel du jeu vidéo au centre d’un débat qui n’avait plus lieu : le fun. Son grand maître d’œuvre et occasionnellement maître à penser Shigeru Miyamoto le revendique, le jeu vidéo doit être avant tout… fun. Même si la définition de fun peut s’interpréter de différentes manières, il suffit de jouer quelques minutes à ce Mario Galaxy sur Wii pour comprendre où le jeu et Miyamoto veulent en venir. Comprendre, comme saisir avec les mains et les doigts, les yeux et les oreilles, le cœur et même parfois l’âme, mais pas avec le cerveau.

[Tête en bas, au-dessus d’un mini trou noir, retenu sur un petit astéroïde par la gravitation, un moustachu en salopette se jette sans crainte dans le vide en poussant un cri joyeux… _Super Mario Galaxy, 2007].

Car ce plaisir, ce fun, provoqué par le lien interactif entre le joueur et ce qui se passe à l’écran appartient en propre au jeu vidéo et reste à ce jour largement inexpliqué, ou, plutôt, difficilement exprimable. Même si visiblement une entreprise comme Nintendo en a compris quelque chose d’essentiel puisque de la 2D pixélisée des origines à la complexe 3D d’aujourd’hui, toutes les grandes productions Nintendo (Mario, Zelda, Metroid, Pikmin…) réussissent immanquablement à récréer ce plaisir.

[Suspendu à une feuille d’arbre géant, le petit héros se lance d’une falaise en espérant que le vent le portera sur l’autre rive… _The Wind Waker, 2002]

Prenant par surprise les observateurs et les professionnels, la console Wii avec son système de pointage vers l’écran réinvente à son tour les canons de l’interactivité ludique et donc des plaisirs que le jeu vidéo peut offrir. Le changement de paradigme technologique de la Wii rappelle que depuis plus de 30 ans, accolé à l’évolution technologique, le jeu vidéo continue d’être un énorme work in progress.

[Le vaisseau s’oblige à frôler le sol, deux bombes seulement pour détruire les silos ennemis pendant que le museau crache des missiles pour annihiler les fusées qui décollent _Scramble, 1982]

Dès ses débuts, le jeu vidéo contient une double lecture, celle du plaisir tactile immédiat et celle, intellectuelle, de la stupeur et du vertige, l’intuition d’apercevoir un écho du futur : mais qu’est-ce donc que je joue derrière l’écran informatique ? Et, de révolutions technologiques avérées en révolutions numériques en cours, qu’est-ce que cela veut dire par rapport à l’homme ? Ces questionnements peuvent rester à l’état d’étonnement non exprimé, déclencher des plaisirs liés à la curiosité sans cesse sollicité comme elle peut s’intellectualiser, provoquer le frisson conscient du découvreur de territoires inexplorés.

[Le pont de pierre s’écroule, le petit garçon se retourne et attrape de justesse la main de la jeune fille au teint diaphane _Ico, 2001]

En creux, l’inaboutissement et la fuite en avant perpétuelle du jeu vidéo contiennent ce qu’une œuvre d’art exprime à plat : un regard sur la condition de l’homme. Plus précisément encore à cause de l’interactivité : la condition de l’homme agissant, évolutif, et son lien avec l’univers physique. Car après avoir maîtrisé la plupart de la matière observable, éprouvé ses limites dans l’espace, depuis l’avènement de l’informatique et du numérique, l’homme explore sans l’avoir prémédité une nouvelle brèche spatiotemporelle, une matière digitale immatérielle, une nouvelle frontière peut-être jumelle avec celle du Big-bang dont le jeu vidéo repousse avec une innocente candeur la ligne et les limites.

[Le tronc d’arbre couché en travers du ravin tourne sur lui-même, en maintenant coûte que coûte la manette horizontale le jeune homme peut garder son équilibre et faire la traversée _Uncharted : Drake’s Fortune, 2008]

Si l’on regarde les pratiques ordinaires ou populaires du jeu vidéo, qu’il soit orienté compétition, culture du score, évacuation ou entretien des sentiments de violence, passe-temps, la noblesse potentielle de l’activité disparait bien sûr derrière une trivialité quotidienne que connaissent tous les arts populaires tels le cinéma ou la musique. Ce qui n’empêche pas le jeu vidéo comme ses cousins de loisirs de se trouver des bulles d’exceptions dignes d’elles-mêmes.

Avant de générer ses grands œuvres cohérentes d’un bout à l’autre, le jeu vidéo encore balbutiant existe donc par petits morceaux d’œuvres éparpillés dans telle ou telle production. Il appartient au joueur, visiteur d’un autre monde, d’y trouver ses marques, ses plaisirs, ses intentions et avec un peu de chance, un semblant de sens.

François Bliss de la Boissière

(Publié dans Amusement #1 en 2008)

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


Okami : Test PS2 + Q/R

Jeu d’aventure colossal et imaginatif, réalisé par une équipe à part au sein du célèbre développeur/éditeur japonais Capcom, Okami fusionne avec une aisance vertigineuse la forme et le fond. Véritable hommage induit à la série légendaire de Nintendo, le jeu s’appuie sur les principes de base des Zelda pour très vite décoller vers quelque chose de totalement unique.
Le cell-shading cartoon de The Wind Waker est ainsi surclassé et anoblit par un aspect dessiné façons Beaux Arts où chaque décor ou personnage semble peint au pinceau, contourné à l’encre de chine, et coloré à l’aquarelle pour un effet saisissant et, il faut le préciser, tout à fait lisible à l’écran. L’histoire et le design général n’hésitent pas à piocher dans l’imaginaire traditionnel japonais en n’oubliant pas une bonne dose d’humour. Et, invention unique et géniale, le joueur manipule à volonté un pinceau dit « céleste » qui intervient en direct dans le jeu. Substitut du loup blanc divin, héros obligé de rester sur terre pour combattre le mal rampant armé d’un pinceau suprême, le joueur devient ainsi le bras armé céleste qui intervient « d’en haut » sur l’aventure ! La vertigineuse boucle artistique et interactive est ainsi intégrée dans un ensemble hyper sophistiqué et pourtant extrêmement accessible.
Avec son aspect visuel inouï, ses interactivités innovantes et parfaitement intégrées, ses thèmes musicaux déjà grands classiques, l’intelligence de sa réalisation, Okami satisfait l’esprit, les sens et, bien sûr, les doigts.

Note : 5/5

  • Public concerné : Toute personne curieuse de voir jusqu’où peut aller le jeu vidéo dans la création artistique sans rien perdre de sa dimension interactive de loisir.

LES PLUS

  • L’ergonomie impeccable
  • Les nombreuses idées de gameplay
  • La durée de l’aventure qui se compte en plusieurs dizaines d’heures
  • L’histoire à la fois traditionnelle et atypique et la façon dont elle est racontée
  • L’originalité graphique qui élève le jeu au rang de chef d’œuvre pictural en gardant toutes ses qualités interactives
  • Les dialogues écrits façon BD dont la traduction du japonais vers l’anglais a été supervisée par l’auteur en personne
  • Excellente VF qui en découle

LES MOINS

  • Visuellement assez déconcertant pour un public nourri de polygones homogénéisés
  • Négligé par le distributeur européen qui n’a pas fait une promotion à la hauteur de la valeur du jeu (avantage de ce désintérêt : le jeu ne coûte plus que 30 € neuf)

Questions / Réponses

On parle tellement des similitudes entre Okami et la série Zelda, est-ce donc un plagiat ?

Eh bien non, là est le miracle. Comme Prince avec la musique de James Brown, ou Tarentino avec les films des années 70, Okami absorbe les fondamentaux du game design et du gameplay des Zelda pour en faire autre chose, une œuvre singulière et à part entière. Le côté familier de la structure recherche/donjon/rencontre, propre d’ailleurs à beaucoup de RPG, s’adapte à l’histoire et au rythme et à la logique d’Okami sans que l’on puisse dire qu’il s’agisse de copiage pur et simple. Dans bien des cas (graphique, audace conceptuelle, dialogues…) Okami va même plus loin que son inspirateur. En intégrant l’ADN des Zelda dans son corps propre, Okami réussit d’ailleurs à faire avec élégance, dégagement et honneur ce que quelques dizaines de titres ont tentés sans le réussir. (Voir le paragraphe RPG ou Action-RPG).

RPG ou Action-RPG ?

Bien qu’il vaille bien davantage que ce label au fond réducteur, Okami peut se classer dans la catégorie des action-RPG, c’est-à-dire que tous les mouvements, déplacements, gestes ordinaires ou de combats se déroulent en temps réel au moment même où le joueur appuie sur le bouton requis. Même les actions étonnantes au pinceau ont lieu instantanément. Moins prisé au Japon, que les RPG traditionnels aux déplacements assez contrôlés et aux combats ritualisés au tour par tour, les action-RPG dont le maître étalon reste les Zelda en 2D de la Nes et de la SuperNes puis en 3D sur N64 (où aux États-Unis dans la lignée des hack and slash à la Diablo ou à la Baldur’s Gate). Les exemples réussis en provenance du Japon sont assez d’ailleurs assez rares. En voici une liste presque exhaustive…
En 2D, les Secret of Mana, Illusion of Gaïa, Brainlord, Equinox (Solstice II), Secret of Evermore, Chrono Trigger, Spike Mc Fang, Terranigma (Tenchisôzô) sur SuperNintendo. Landstalker, Soleil (Ragnacenty), Legend of Thor sur Megadrive. Magic Knight Rayearth, Oasis 2, Dark Savior (3D isométrique) sur Saturn. L’ultime Alundra sur PlayStation. Avec l’’arrivée de la 3D sur N64, après Zelda Ocarina of Time, les prétendants se résument à un… Mystical Ninja Starring Goemon sur Nintendo 64.

A quoi sert le pinceau ? Ce « gadget » artistique n’est-il pas agaçant dans un jeu d’action ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître avant d’avoir pratiqué soi-même le jeu, non seulement le pinceau ne gène pas l’action, ou les séquences d’action, mais il en fait partie intégrante. Un ennemi vous jette un objet à la tête, le pinceau, comme une épée utilisée en vue subjective, permet de le frapper d’un coup transversal et de l’éliminer. Toutes les indispensables et géniales méta actions (des aptitudes qui supplantent et dominent l’ordre ordinaire du jeu) que propose le pinceau influent instantanément sur le monde. Un cercle dessiné au pinceau d’un geste rapide autour d’un arbre calciné ou d’un sol asséché fait jaillir aussitôt une végétation luxuriante (feuilles, fleures, herbes…). Un autre geste fait apparaître une bombe à retardement sur le sol. Plus énormes encore jusqu’au point de surpasser l’idée en provenance de Zelda The Wind Waker ou de Zelda Ocarina of Time (ATTENTION SPOILER), un coup de pinceau bref permet de changer la direction du vent, de faire apparaître le soleil dans le ciel ou la lune pour transformer la nuit en jour ou inversement !

Le côté artistique du jeu n’est-il pas mis en avant au détriment de la technique ?

Dans les années 2000, un jeu ne peut être qualifié de majeur sans que les deux données soient présentes. Or Okami est un des meilleurs exemples de jeu techniquement impeccable, voire même exemplaire. Rien n’interfère dans la fluidité de l’action, les temps de chargement sont minimes et animés de telle façon que l’on ne s’ennuie pas, la procédure de sauvegarde à des endroits spécifiques très bien répartis est quasi instantanée. Toutes les options d’équipement du loup en bouclier et autres armes magiques sont immédiates et nombreuses à cohabiter en pleine action. Même le rituel, ici détourné et ingéré, et souvent laborieux des RPG classiques qui introduit et conclut les combats dans une arène fictive avec un décor « générique » est optimisé dans Okami : les ennemis sont repérables sur le terrain, évitables, et si le loup choisit la confrontation, une « barrière d’énergie se dresse sur place pour créer en temps réel un espace délimité pour le combat. A l‘intérieur évidemment tous les mouvements sont libres et en temps réels et il est possible d’en sortir en repérant une fissure dans la paroi. L’accumulation de coups directs ou spéciaux simultanés en pleine action sans que rien du programme ne faillasse évoque la série Viewtiful Joe initiée, ce n’est pas un hasard, par la même équipe de développement.

Un loup dans le dernier Zelda Twilight Princess, un loup dans Okami, hasard ou coïncidence ?

Cela restera sans doute un des grands mystères créatifs du milieu des années 2000. Okami est en développement depuis de longue date et n’importe quel jeu Zelda se façonne pendant des années avant de prendre totalement forme pour surgir en tel ou tel épisode. Devant l’énormité de la coïncidence (les deux jeux sont presque sortis en même temps), le bon sens voudrait admettre que quelqu’un a piqué l’idée à quelqu’un d’autre. Mais quand on connaît la créativité et la probité afférente des deux équipes concernées (Clover Studio chez Capcom et Nintendo) cela devient impensable que l’une ou l’autre ai voulu se copier. Reste donc une coïncidence étrange ou, comme le dit la formule populaire : quand les grands esprits se rencontrent…

Un loup blanc en héros, c’est du Disney ?

Pas du tout. Comme tout bon héros laconique portant la responsabilité de sauver le monde, le loup reste sur sa réserve, ne parle pas et laisse (tolère) son minuscule cavalier (un insecte insolent façon celui qui sait tout à l’avance) se lancer dans des monologues souvent grinçants et plein d’esprit. Le sérieux du loup est ainsi rattrapé par l’ironie du cavalier qui n’hésite pas à traiter son hôte pourtant divin de « sac à puces ». Pas d’anthropomorphisme façon dessin animé non plus, le loup se comporte comme un animal à quatre pattes. Son animation est d’ailleurs absolument remarquable de souplesse et de crédibilité alors même que c’est le joueur qui le contrôle. Son aptitude au combat rapproché façon chevalier équipé d’une épée s’explique par une sorte de bouclier qu’il porte sur l’échine. Une attaque façon « dash » consiste pour le loup à baisser la tête et courir en avant pour donner un coup de bouclier comme un bouc ou un buffle. Le même bouclier magique de plus en plus sophistiqué au fur et à mesure de l’aventure devient capable de donner des coups à distance et autres gymnastiques sophistiquées totalement crédibles visuellement et au bout des doigts. Ce n’est ni du Disney ni un truc expérimental incompréhensible, juste une intégration cohérente de différents éléments : animalité, magie et imagination.

Le jeu n’est-il pas trop… « japonais » ?

L’aspect graphique général, le logo du titre lui-même dessiné au pinceau façon calligraphie, font japonais et l’aventure raconte l’équivalent d’une vieille légende japonaise mythologique. Le contexte et le background sont eux aussi très japonais. Donc, oui, Okami fait « japonais » dans tout ce que cela implique d’étalage de la culture japonaise médiévale. Mais le background historique traditionnel est en fait un canevas sur lequel les auteurs redessinent leur propre légende. Parmi toutes ses réussites, Okami parvient avec la même aisance à immerger le joueur occidental dans cet univers si exotique tout en lui donnant les clés pour le comprendre, l’apprécier et, aussitôt s’en moquer. Plus exactement, le jeu est « japonais » dans le sens original, inattendu, libre comme seuls les développeurs japonais en sont capables, mais surtout pas « obscur, abscons, typique, pour initiés ou fan absolus de mangas et de japanimation ». Okami respire et fait respirer un air totalement universel au joueur de n’importe quelle culture.

Refaire fleurir les fleurs ou les arbres, tout cela ne serait-il pas un peu niais, voire destiné aux enfants ?

Un film de Miyazaki (Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro…) se destine-t-il à un public d’enfants ? Si Okami déconcerte ceux qui ne s’intéressent plus qu’à fragger leurs voisins en ligne, à déchirer du zombie, descendre du soldat, ou d’une façon plus générale, à détruire tout ce qui bouge avant la fin d’un niveau, c’est la faute aux gamers trop habitués au goût du sang et non au jeu de Clover Studio qui s’adresse à n’importe quel public susceptible de trouver selon sa culture et son âge différents niveaux de lecture et d’intérêt. Fondamentalement Okami donne au joueur des outils artistiques – « poétiques » dirait le penseur Edgard Morin – qui l’incitent à reconstruire le monde, pour ne pas dire « sauver » le monde menacé, comme les contrées de tous les RPG, par les forces du mal. Okami est un hymne aux couleurs et à la vie. Une aspiration universelle, même chez les hardcore gamers mal nourris par l’industrie du jeu vidéo et qui l’ignorent encore.

Le testeur-critique de ce jeu ne serait-il pas exagérément enthousiaste ?

Le nombre de superlatifs élogieux rencontrés dans cette critique donne raison de douter de la raison raisonnable du chroniqueur. Il faut alors s’attarder sur les argumentaires, repérer les confirmations techniques sur lesquels s’appuie la créativité du jeu, aligner les Plus, dont l’un d’entre eux renvoie au reste de la critique elle aussi unanime comme le confirme l’ensemble de la presse critique. Quoique le lecteur ait lu et entendu comme enthousiasme ici est encore inférieur à celui vécu et rationnalisé par l’auteur de ses lignes. Ceux qui le croisent en personne peuvent témoigner de sa sincérité militante. La grande bataille menée par l’auteur de ces lignes est de convaincre et faire connaître au plus grand nombre un jeu qui élève celui qui le pratique, comme toute l’industrie du jeu vidéo.

Si le jeu est si bien, il y aura donc une suite ?

Impossible. Aussi absurde que cela puisse paraître, presque aussitôt le jeu terminé, l’éditeur Capcom a décidé, pour des raisons de restructurations apparemment, de dissoudre le studio Clover. Le temps de pondre très vite un beat’em all (God Hand) en forme d’adieu improvisé ou de bras d’honneur, les auteurs (Hideki Kamiya, responsable d’Okami et auparavant de Resident Evil 2, Devil May Cry et Viewtiful Joe et son compère responsable du studio et producteur, Atsushi Inaba connu pour Steel Battalion) sont partis fondés un nouveau studio Seeds (graines). Des graines qui deviendront de nouvelles fleurs n’en doutons-pas. Néanmoins, puisque Okami a été développé exclusivement sur PlayStation 2, des rumeurs laissent entendre qu’une adaptation sur la console Wii serait envisagée par Capcom. En toute logique, le pinceau Céleste serait manipulé avec la Wiimote ! Quoiqu’il en soit, Okami est destiné à être une œuvre unique, dans tous les sens du terme.

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2007 sur Gameweb)

 


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ZELDA : TWILIGHT PRINCESS : test GameCube et Q/R

Jeu d’aventure et d’action fantastico-médiéval phénomène à chaque épisode, ce dernier Zelda fait lui aussi date. Commencé sur GameCube, le développement a finalement été basculé sur Wii pour devenir l’ambassadeur de la nouvelle console « révolutionnaire » de Nintendo. Zelda prend ainsi pour la première fois un rôle dévolu à Mario. Avec son système de combat à l’épée ou à l’arc directement pointé vers l’écran grâce à la Wiimote, cet épisode réussit à son tour à surprendre, faire plaisir, puis initier de nouvelles façons de jouer qui seront, comme A Link to The Past sur Super Nintendo ou Ocarina of Time sur Nintendo 64, un jour ou l’autre adoptées par les autres concepteurs de jeux.
Épisode compilation aussi, cherchant à réconcilier la série avec un public un peu trop déconcerté par Majora’s Mask puis The Wind Waker, Twilight Princess accumule, comme un jeu anniversaire, toutes les trouvailles des épisodes précédents (sauf la navigation maritime). L’aventure permet même de repasser par les lieux mythiques (modifiés et agrandis) de Ocarina of Time. A l’usage toutefois, ces multiples références géographiques et interactives tirent très fort sur une corde nostalgique alors que, jusque-là , la série jouait sur un registre mélancolique plus fin. Malgré la transformation du héros en loup et l’esthétique singulière du monde des ténèbres qu’il explore, l’aventure laisse un goût de déjà -vu, voire de déjà joué. En tous cas pour les vétérans de la série. Les nouveaux venus, notamment sur Wii, n’y verront que du feu et du bonheur.

LES PLUS

  • L’héritage de la lignée des Zelda : gameplay impeccable et narration exemplaire
  • La fluidité sans faille du jeu : animations, action, transitions
  • La liberté d’exploration et de rythme
  • Le retour aux sources du gameplay et du personnage

LES MOINS

  •  La tradition ici trop lourde et trop respectueuse de la lignée des Zelda
  • Les paysages figés et peu détaillés
  • Manque de souffle épique et d’émotion
  • Personnage ni adulte ni enfant (ni loup) trop falot

Note : 5/5

  • Plus confortable sur GameCube que sur Wii.
  • Public concerné : Les puristes, et les fans de Zelda déconcertés par la Wiimote.

Questions / Réponses

Cet épisode innove-t-il comme les précédents ?

Oui grâce à l’implémentation des contrôles de la Wiimote et du Nunchak de la console Wii. Sans ce système de jeu direct à l’écran, les péripéties et les interactivités ne surprennent pas vraiment malgré les bondissements de Link devenu un loup.

A qui s’adresse ce nouveau Zelda ?

Plus que tous les autres épisodes, Twilight Princess porte plusieurs casquettes et supporte une responsabilité à la fois historique (l’héritage d’une longue lignée de jeu vidéo tous unique), culturelle (il doit réconcilier les habitués de la série perturbés par les détours thématiques et graphiques des deux épisodes précédents : Majora’s Mask sur N64 et The Wind Waker sur GameCube), technologique (faire la démonstration qu’un jeu peut être bon et spectaculaire sans forcément faire appel à une technologie couteuse), économique (il doit faire la démonstration ludique de l’interface Wii et faire vendre la console aux gamers comme à un nouveau public). Twilight Princess doit avoir les épaules assez larges et les jambes assez longues pour tenter un grand écart de séduction impossible englobant le plaisir de la découverte des casuals gamers, la satisfaction des gamers gardiens du temple, aux intérêts des actionnaires. Le risque inhérent à ce besoin de séduction tous azimuts que subit Twilight Princess ? La dilution de la personnalité et de sa singularité.

Quels sont les points forts de ce Zelda ?

Les combats à l’épée mimés avec la Wiimote font leur petit effet même si le nombre de mouvements reste limité. Viser directement à l’écran l’arc, au boomerang ou au grappin devient vite indispensable et naturel. La générosité (distances énormes) et le plaisir (vitesse, fluidité) des chevauchées sur le dos d’Epona à travers les plaines d’Hyrule.

Y a-t-il, comme d’habitude avec cette série, de nouvelles trouvailles ?

La thématique astucieuse des mondes parallèles (un normal lumineux, un sombre jumeau) récurrente de la série se traduit dans Twilight Princess en deux étapes : d’abord la transformation en loup seul capable de visiter le monde des ténèbres, puis l’utilisation des sens olfactifs du quadrupède qui lui permettent de distinguer des choses invisibles aux autres. Finalement crispante malgré son utilité et son ingéniosité, cette dernière fonction génére un sentiment de claustrophobie accentué puisque lorsqu’il utilise son odorat, le loup voit mieux mais dans un tout petit périmètre, le reste du décor étant plongé dans le noir absolu (façon lampe torche). Appréciable et nouveau dans la série – quoique pas toujours bien compris par tous les utilisateurs parce que scénarisé plutôt qu’implémenté comme une méta fonction – des petites créatures permettent de sortir et de revenir au même endroit dans les donjons, et donc de sauvegarder en cours d’exploration !

L’augmentation du nombre de donjons et d’items laisse-t-elle pour autant des souvenirs ?

Le soupçon du syndrome carnet de commandes obligatoirement bien remplis qui plane au dessus de du développement de Twilight Princess semble se confirmer dans les quantités, parfois au détriment de l’intensité. Puisque critiques passées il y eut, le nombre de donjons a nettement augmenté par rapport à l’épisode précédent The Wind Waker. Idem pour le nombre d’objets et d’armes à utiliser. Il y a donc là de quoi s’occuper entre 50 (les joueurs au galop) et 100 heures (les minutieux). Mais la vraie question qu’il faudrait se poser ne serait-elle pas : combien de souvenirs (épreuve, donjon ou simplement moment) cet épisode grave-t-il en mémoire ? Moins que les autres, avancerons-nous.

Link est-il devenu ranger de parc national ?

Beaucoup plus cow-boy que chevalier ou samouraï, le nouveau et plus âgé Link côtoie un bon nombre d’animaux. Des images diffusées les années précédentes laissaient entendre qu’il entretiendrait même des liens particuliers avec toutes sortes d’animaux. Il semblait même susceptible de s’en occuper, voire de les élever comme dans certains RPG. Au bout du compte, Link devient en effet un loup, monte à cheval ou à sanglier, gardes des chèvres, pêche des poissons, utilise un faucon, se fait aider par des singes aux fesses rouges ou un oiseau géant, mais ses rapports restent très fonctionnels et circonstanciés. Twilight Princess ne développe aucune nouvelle mythologie autour de ce thème.

Le loup a-t-il du chien ?

Le lupus est bien la double vedette du jeu et cabriole court et saute comme il faut (assez curieusement il se contrôle de la même façon que Link). Mais à côté du loup du monumental Okami, celui-çi fait un peu fade, comme le héros toujours en retrait. D’ailleurs, même si l’idée du loup est né du responsable du jeu Eji Aonuma et de son équipe, c’est sur le conseil du grand-petit manitou Shigeru Myamoto qui trouvait lassant de regarder un loup courir de dos que les développeurs ont créé le personnage féminin expressif (surtout vocalement et en soupirs) de Midona qui chevauche le loup en permanence.

Version Wii vs version GameCube, laquelle faut-il vraiment jouer ?

Chacun ses moyens économiques et il serait compréhensible que les propriétaires de GameCube se contentent de la version GameCube, surtout que visuellement, à part l’affichage optimisé 16/9 de la version Wii (tout de même appréciable sur écran 16/9) les deux jeux sont identiques. Mais en réalité Nintendo a choisi pour nous. La version GameCube était prête un an plus tôt quand Nintendo a repoussé la sortie jusqu’à celle de la Wii fin 2006. Le jeu GameCube a été distribué tardivement en catimini et en petites quantités pendant que la version Wii est officiellement catapultée ambassadeur de la nouvelle console Wii. Remplacer Mario par Zelda au lancement d’une nouvelle console est un symbole assez fort envoyé par Nintendo pour être entendu. Il n’empêche que les inconditionnels de la série ont de quoi être embarrassés en ne jouant que l’une ou l’autre version : le contrôle classique à la manette n’existe que sur la version GameCube et pour des raisons évidentes de cohérences gestuelles, le petit Link est devenu droitier pour bretter avec la Wiimote (et tout le jeu Wii est du coup présenté en miroir gauche > droite du jeu GameCube original).

Que vaut ce Zelda à l’heure de la haute définition ?

Voilà sans doute le problème majeur des amateurs de belles images et de partitions symphoniques. Si le jeu est techniquement impeccable et profite à merveille de tout le savoir faire de Nintendo (temps d’accès quasi absent, adéquations interactives sans faille), l’aspect visuel et la bande sonore font datés. Sans le style marqué dessin animé de l’épisode Wind Waker sur GameCube, ce Zelda plus réaliste affiche des textures ni détaillées ni lumineuses. Tout mignons et bien animés qu’ils soient, les personnages ont un aspect un peu rustique. Bruitages et musiques synthétiques sonnent… synthétiques. Mais le public que vise en priorité Nintendo avec ce Zelda Wii est équipé majoritairement d’une télé à tube et n’a probablement pas relié sa console à une chaine stéréo. Dans ces conditions d’utilisation, Twilight Princess choque sans doute moins à côté des super productions visuelles et sonores sur consoles Microsoft et Sony.

Alors nouveau chef d’œuvre ou pas ?

Ocarina of Time étant unanimement considéré comme l’un des meilleurs jeux de toute la courte histoire du jeu vidéo, le débat a été sérieusement lancé par un site français méconnu et n’aura de réponse que… subjective. Les nouveaux venus dans l’univers Zelda découvrent brusquement toute la profondeur et l’intuitivité des propositions de jeu, alors que les habitués de la série ne manquent pas de ressentir les redites interactives et thématiques. Destiné à réconcilier tous les publics, âge, public occidental et oriental, Twilight Princess cherche un équilibre entre le western et le Seigneur des Anneaux tout en essayant de garder un peu de sa légèreté humoristique (c’est cette légèreté juvénile qui pâtit le plus de ce positionnement). Ocarina of Time avait réussit sur N64 en 1998 un tel équilibre entre innovations technologiques et sensibilité poétique qu’il est difficile de mettre sur le même piédestal historique un Twilight Princess plus technique calculé et suiveur qu’innovateur et inspiré.

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2007 sur Gameweb)

 


Message aux lecteurs. Vous avez apprécié cet article, il vous a distrait un moment ou aidé dans vos recherches ? Merci de contribuer en € ou centimes de temps en temps : Paypal mais aussi en CB/Visa avec ce même bouton jaune sécurisé


Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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Faut-il dire Wii à la REVOLUTION ?

Pour réinventer la pratique du jeu vidéo avec sa nouvelle console, Nintendo a remplacé le nom et la notion trop explicite de Revolution par un logo à peine digne d’une interjection enfantine. En grattant un peu, le Wii de Nintendo recèle pourtant, comme les jeux Mario, une inventivité révélatrice de toute une philosophie ludique.

En mai dernier, Shigeru Miyamoto a présenté de façon spectaculaire la révolution Wii en jouant au chef d’orchestre sur la scène du célèbre Kodak Theatre de Los Angeles. Télécommande Wii à la main, il mimait les gestes nécessaires à la direction d’un orchestre virtuel intimé d’interpréter à l’écran le célèbre thème de Zelda. Exagérant l’exercice face aux 3000 spectateurs, ses bras étaient le plus souvent dressés à auteur d’épaules comme si, entre deux battements de mesure, il ne pouvait se retenir de les lever en signe de victoire.
Plus tard, sur cette même scène, le Président de Nintendo, Satoru Iwata, vint expliquer plus sobrement le concept de la console Wii. Un peu gauchement, il ouvrait largement ses bras en vantant, tel un prêcheur, le concept rassembleur des anciens joueurs et des nouveaux autour de la console Wii dont le nom simpliste doit évoquer le « we » anglais, « nous ». En regardant les photos de l’événement quelques jours plus tard, une observation troublante émergea : en direct-live devant un parterre de journalistes, les deux hommes s’obstinaient à dessiner avec leurs bras et leurs corps le W du logo Wii. Dans les années 90, Prince, l’artiste musicien de Minneapolis, s’amusait sur ses photos posées à reproduire de façon quasi subliminale avec son corps et ses postures son fameux logo « Love Symbol« …

Quand Nintendo a annoncé le nom officiel de sa prochaine console de jeu en remplacement du sobriquet Revolution, la surprise fut totale. L’entreprise avait réussit à contenir toute fuite, et le nom retenu, Wii, tomba sur le monde comme une goutte d’urine acidulée, une mauvaise plaisanterie. En anglais wee, ou wee-wee, signifie pipi, voire, plus vulgairement, « pissou » si l’on veut comprendre le choc de la communauté anglo-saxonne. Les railleries fusèrent puis devinrent critiques : ce Wii au bord du ridicule continue d’enfermer Nintendo dans son image enfantine. Les médias avaient donc déjà oublié l’indirecte insolence dont peut être capable Nintendo quand, par exemple, Mario s’arme d’un pistolet à eau et pisse (justement !) en toute insouciance humide sur la popularité des arides FPS dans Super Mario Sunshine.
Encouragés par Nintendo, les analystes rappelèrent alors le succès médiatiques des entreprises au nom d’oiseau cyber adoptés facilement : Yahoo, Google, voire en France, Noos. Plus précis encore avec la démarche de la console Wii, Nintendo revendique la notion de « technologie disruptive » qu’a réussi Apple en brisant l’ordonnance de l’industrie musicale avec son iPod. Au « i » individuel d’Apple, la première personne du singulier, répond le Wii collectif (we) de Nintendo, la première personne du pluriel. Les deux ii de Wii ne laissent d’ailleurs aucun doute quant à la filiation avec Apple. Une seule syllabe « i » ou Wii qui a vocation de se glisser en préfixe d’un néologisme marketing pour singulariser un concept, un objet, une attitude, une action : iMac (je fais du Macintosh), iBook, iSight, iPod… Une première série de petits de jeux de sports Nintendo a ainsi été nommée Wii Sports et se déclinent en Wii Golf, Wii Tennis, Wii Baseball, « nous jouons au golf, au tennis, au base-ball »… La connexion Internet permanente de la console a été nommée WiiConnect24, « nous nous connectons »…

Quoiqu’on en pense, Nintendo a déjà gagné une première bataille médiatique, le nom Wii a réussi à marquer les esprits. On estime alors très vite que l’entreprise a pris le risque d’une démarche marketing simpliste en rupture avec son propre héritage terminologique associant au moins deux mots : Game Boy, SuperFamicom, Nintendo 64, GameCube, Dual Screen… Le nom de la marque Nintendo serait presque proscrit aux alentours de la Wii. A l’instar du mode de jeu « révolutionnaire », à base d’une simple télécommande pointant vers l’écran, proposé par la nouvelle technologie Nintendo, le logo Wii et sa signification n’ont apparemment plus rien à voir avec l’historique des jeux et des consoles Nintendo. Néanmoins, une observation à la loupe de ce symbole Wii met à jour une surprenante multitude de signes, codes, significations, directes ou indirectes, explicites comme implicites, étendues comme résumées, du monde Nintendo et de ses intentions.

La vague dessinée par la lettre W est, par exemple, un symbole familier chez Nintendo. Wario, le double racaille de Mario a été nommé en retournant le M de Mario. Même s’il suffit de supprimer la première barre du W pour qu’il redevienne un N, le W est d’abord pour Nintendo un M inversé, l’initiale du génial Miyamoto (Wiamoto ?). Et si l’on retourne tel quel le logo Wii, c’est le M cousu sur la casquette de Mario suivi de deux points d’exclamations qui se lisent ! Un Mario tête en bas directement en osmose avec le nouveau jeu Super Mario Galaxy sur Wii où le fameux plombier trotte, en oubliant l’assiette horizontale, tout autour de petites planètes flottantes dans le cosmos comme autant de points sur le i !

La télécommande Wii avait également surpris quand elle avait été révélée. Elle est pourtant la grande sœur logique du stylet de la DS que tout le monde avait déjà en main. Le i du logo Wii évoque autant le stylet de la DS et sa pointe que le pictogramme d’une silhouette humaine, la télécommande rectangulaire Wii et son curseur pointé au loin sur l’écran de la télévision, ou, comme nous le montre un teaser vidéo, une raquette et sa balle. Le double i, bien sûr, signale Nintendo, que le jeu Wii se veut collectif. On peut d’ailleurs insérer autant de i que l’on veut, le nom se prononce toujours pareil, et le nombre de joueurs reliés à la Wii grâce à sa connectivité Internet n’altèrera pas son fonctionnement, au contraire exponentiel. Avec une console Wii « aware » reliée, allumée ou en veille, 24h sur 24 à Internet, et éventuellement avec d’autres joueurs, le Wii sonne Wi-fi, le tracé du W devient une sorte de fil symbolisant la connectivité, le lien de communication susceptible de s’étirer indéfiniment comme un accordéon ou une onde se propageant WWWWWWW. Le W de la Wii est aussi celui du wagon attaché à d’autres wagons tant qu’ils roulent ensemble dans une même direction. Ou une population de gens, nommée Touch Generation par Nintendo, se tenant la main en une longue chaîne de fraternité interactive. Les deux ii qui peuvent devenir mille ne rappellent-ils pas aussi les Pikmin ? En leur imaginant un peu d’épaisseur, les deux barres obliques du W symbolisent la télécommande Wii d’un côté et son accessoire nunchaku de l’autre, les deux reliés par leur cordon, ou brandis par une personne au centre comme l’ont mimé insidieusement sur scène les deux têtes pensantes de Nintendo. Plus tangible, quoi que, derrière le double V de la Wii se cache aussi le mot videogame et le concept de Virtual Console, une « deuxième » console capable de télécharger et faire fonctionner des jeux anciennes générations (Nes et SuperNes) tandis que la Wii proprement dite est apte à lire inhabituellement deux formats de disques, ceux de la GameCube et ceux de la Wii ! La Wii, une console double, multiple, comme le synthétise sans en avoir l’air son logo.
Définitivement confondant, les deux V du W peuvent aussi s’interpréter comme deux oiseaux, ou un seul avec une grande envergure, dont le vol induit que la Wii prend son envol et s’affranchit du reste du monde, en l’occurrence, des habitudes de l’industrie du jeu vidéo.

Le concept de la Wii a tellement étonné que certains médias se sont pris à l’imaginer en dernière solution farfelue et improvisée d’un Nintendo incapable de suivre la course technologique entretenue par Sony et Microsoft. On retrouve pourtant l’idée et l’envie, voire le besoin impérieux, de faire surgir l’interface sans manette de la Wii dans plusieurs jeux importants Nintendo de ces dernières années. Avant même la concrétisation de l’interface touch screen de la DS, un certain Luigi’s Mansion, premier jeu de la GameCube, brandissait son aspirateur vers les fantômes, les retenait d’un fil invisible avant de les amener à lui. Luigi allait même jusqu’à frapper de la main le mobilier, les murs, et l’écran de la télévision transformé en vitre (toc toc), toucher donc. Dans Super Mario Sunshine, Mario et son pistolet à eau tendent en permanence une main virtuelle vers le décor et les gens tout en pourchassant un Shadow Mario lui-même équipé d’un pinceau prompt à peinturlurer le décor. Dans sa dernière aventure sur GameCube, le petit Link de Zelda agite au bout du bras une baguette de chef d’orchestre pour jouer de la musique et changer le cours du vent. N’a-t-il pas en substance une télécommande Wii à la main ? Non seulement l’aspiration à créer la télécommande Wii s’exprimait déjà avant l’heure, mais l’esquisse du logo lui-même circule aussi avant sa naissance. Il veut déjà surgir du Legend of Zelda dont le sous-titre Wind Waker contient déjà beaucoup de W, comme la série des WarioWare. Et il apparaît de façon quasi explicite dans Super Mario Shunshine, quand, au lancement du jeu, Shadow Mario signe à l’écran le M de Mario avant de se l’approprier en appliquant deux points sur le sommet des deux barres du M. Avant même d’être formulé ou cherché, le logo Wii est déjà là, en train de naître.

« N’est-ce pas tout de même une erreur de donner un nom qui embarrasse les gens au moment de le prononcer ? » insiste le respecté et très british magazine Edge encore gêné par l’écho au wee anglais dans son numéro de juillet (164) à la double Une malgré tout entièrement consacrée au logo Wii. « Quand vous prononcez le mot « we », avez-vous une hésitation ? » rappelle Satoru Iwata avec une incontournable évidence, alors que, étonnamment complice, l’amorce de son nom de famille semble décliner le « i » d’Apple, ou, inversée, le Wii Nintendo.

L’incroyable convergence de signes complices référents, voulus ou fortuits, signifiants ou simplement évocateurs, autour d’un logo d’apparence si basique, révèle de façon inattendu ce que les jeux Nintendo dissimulent déjà en surface : une entreprise capable de transformer sa complexité créative inouïe en une façade aimable et simple destinée à séduire puis retenir n’importe quel public. Face aux mastodontes de son secteur, Nintendo joue la carte de l’intelligence contre la force brute. L’entreprise séculaire déclare ne plus vouloir se battre avec ses concurrents engagés dans une bataille technologique mal choisie. Pour autant, comme Shigeru Miyamoto et Saturo Iwata l’ont montré physiquement en dessinant dans l’air le double V de victoire, Nintendo n’a pas baissé les bras. L’entreprise compte bien propager avec la Wii une « win attitude » qui a le potentiel de lui redonner sa place de leader de l’industrie du jeu vidéo. Si Nintendo gagne son pari, les journaux pourront facilement titrer Wiintendo !

François Bliss de la Boissière

(Publié le 7 juillet 2006 dans Chronic’art 27)

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Wii want to Boogie

Converted to casual gaming for all, Electronic Arts wants everybody to dance thanks to the Wii interface and their new rhythm-based musical game Boogie. Ready to sweat in Paris.

We all enjoy some creative killing and at Electronic Arts we know how to make those kinds of games”, explains Studio General Manager EA Montreal Alain Tascan while demonstrating Boogie on Wii in Paris, “but it’s time to go back to the basics, we want to put smiles on people faces when they play videogames”. Now that both the Wii and DS have sold and keep selling millions, the once Nintendo only philosophy, game is fun, game is for all, “casual” has become every videogame editor mantra. A few weeks ago in Paris, Ubisoft officially announced its casual gaming division, now Electronic Arts confirms its own EA Casual Entertainment. Both divisions based in Montreal with executive women in charge (Kathy Vrabeck for EA, Pauline Jacquey for Ubisoft).

Exclusive this fall on Wii, the musical videogame Boogie is the beginning of a new IP for EA. No other supports is announced but Alain Tascan answer’s to the absence of online features for the Wii is a hint that the game should appear on other consoles with market place facilities to buy, for instance, new songs.

Alan Tascan left foot is discreetly taping the floor on stage while playing Boogie. It’s not part of the gameplay but obviously it helps him keeping track of the main beat. The Wiimote in his hand has to perform some combos that skips and adds rhythms to the original beat of one of the 40 songs picked from 70s to the 2000’s. We’re familiar with the Miis, now meet the Boogs. The chosen preset cartoonish character dances while facing the player on exotic outdoor stages (gas station in the Arizona desert, jungle, pagoda, space station…) along the expected disco nightclub. The game plays seriously, but as the funny stylized characters, the overlook is definitely relaxed with bright colors and light menus. On this demo the nunchuck is only useful to strike a pose when a photo op is prompted, while the main game is played with the Wiimote only. Which is both a more accessible and limited design choice. Since the movements are only verticals and horizontals, first with no visual indications except the dance moves of the character, then with some arrow combos asking to make very brief left-right-ups or downs, the player itself is less dancing that agitating the arm like a chef d’orchestre (conductor ?). Unofficial resting is offered with various rhythms to be followed while only pressing the Z button. If the player tends to move like a robot, the characters on screen are wonderfully and very smoothly animated and make up for it. A cross between Jet Set Radio and Mad’s Don Martin characters, they mix comic postures and real dance steps accordingly to their personality.

As planned, with easy to difficult options and 2 players battles, the game seems destined to every member of the family, even, they say, the shy ones. Along the regular features, the karaoke section – a microphone will be included in the box with a pair of paper glasses to watch recorded video clip replayed in green-red 3D – offers a “shy mode” where the prerecorded voice sings with the player only if the player sings. It supposedly helps to hide false notes and give confidence. Will the girls be interested to join the party then?

François Bliss de la Boissière

(Published June 2007 on US online magazine NEXT GENERATION)

PS3 launch in Paris : giant’s falling

The press should’ve seen it coming. Sony should have seen it coming. No need for a national poll. Just a few questions here and there, checking the forums. And, why not, checking the weather thru the global warning alert channel. Because the PS3 may be launching on a spring date, with a temperature between 0 and 5 degrees Celsius during the night, this is winter. And who wants to wait several hours in the freezing cold for a 599 € machine?

The first question by a televiewer that popped up Wednesday 22 on the French 24/7 news network LCI, during a talk show where the PS3 launch was squeezed between analysis of the hot presidential campaign, was more of a complain than a question : the PS3 is too expensive. Everybody knew.
In Paris, two days before launch, it was still possible to make a guaranteed PS3 reservation for the first day, or night. Videogame chain store Games, asked for a 50 € deposit (US$ 66), as the Virgin Megastores. For the same 50 € deposit, the other big French videogame chain store Micromania offered a second year guaranty. Implying that in France, the PS3 is under a one year guaranty from Sony. Several of those stores stayed opened past midnight to sale the long due Sony console. Fnac, the most important book, DVD, music and videogame chain store in France (72 nationally, 119 in Europe and Brazil) which is holding the official event for the night launch, was still asking 120 € (US$ 160) deposit for a reservation.
Although, on the Champs-Elysées Fnac store, where the launch event started Thursday at noon with PS3 playable demonstrations, you could buy the full PS3 price (599 € / US$ 800, thanks to the euro/dollar change) in exchange of a ticket that allowed you to skip the cash register at midnight and get your PS3 as fast as possible. When asked, most stores confirmed the day before that even without a reservation, anybody could come and get a console. The small Fnac store located on the famous Bastille place revealed having 5 reservations and 36 PS3 units in stock. 60 000 PS3 have been reserved from the 100 000 units shipped to France says Sony, “more than the PlayStation 2 and the PSP when they launched”.  And 150 000 units total will be available in the next ten days. No shortage for once, the late launch is offering Europe first easy to get PlayStation. 

One thing is clear, Sony did its best to get the media’s attention. You can’t pick more renown spot in Paris that Les Champs-Elysées where all consoles are launched,  and then on a Louisiana like paddle boat at the feet of The Eiffel Tower. On a communication point a view, it’s probably what Sony needed to beat the Microsoft incredible fireworks that illuminated the sky of L’Arche de la Défense in Paris little Manhattan quarter La Défense, for the launch of Windows Vista last January.

To start the festivities, the media were invited to come and see the activities at the Champs-Elysées Fnac store at 7pm. But neither the MotorStorm or Resistance or Formula One demo gathered more than a handful of peepers. Already, there were more media people around than declared PS3 buyers. Outside the store, right on the large side walk of “la plus belle avenue du monde”, security people in red jackets were ready to guard a big line of PS3 lovers that were not showing up. At 8pm, only one young man supposedly started to officially wait for the midnight launch. All craving cameras and microphones turned to him. But he didn’t have anything to say.

Next rendez-vous was at the Suffren port on the Seine river, just by the Eiffel Tower, where the Louisiana Bell Boat was waiting. The large embankment was ready to welcome thousands of people. A big screen outside was showing some clips and the popular French movie OSS 117 which was just released on Blu-ray.
By 9h30 pm, only a few dozens young people were waiting for their console. When asked, they revealed that any one real buyer was surrounded by one or more friends that wouldn’t buy the console themselves. They didn’t care for the Blu-ray player and yes, they thought the PS3 price was too high. But “the Sony console is something special, a high class product”, conceded one young worker with enough cash in his pocket and a Plasma screen al(HD)ready at home.

The  president ot the Fnac group was supposed to make a speech but left before doing so. Long time General Manager of Sony Computer France Georges Fornay was also supposed to show and tour the temporary store boat with the media. But if it happened, it was in front of a few selected TV cameras. Despite the 15 cash registers ready, the ad hoc store in the boat was too small for any tour anyway.
At 10 pm, a majority of smiling journalists received on their mobile phones a written message whishing them a good evening from the “Team Xbox”. Later, people outside started to run and scream. A large illuminated and trumpeting boat was passing by with Xbox 360 giant logos all over. Microsoft became the instantaneous uninvited star of the evening.

At midnight no doubt was possible anymore. No more than 50 people only were actually queuing for a PS3. More than 100 media people were trying to get an image or an interview worthwhile. They were the crowd. The first official buyer didn’t get any gift from Sony, not even it’s console ecause his Visa Card didn’t work ! The second buyer was suddenly surrounded by way too many cameras and microphones. He didn’t have much to say. All in all, maybe 50 PS3 were sold by the river, over the 1000 planned by Sony.

What probably started as a cool idea became a fatal blow for the PS3 launch in Paris. By moving the media attention out of the usual spot on Les Champs-Elysées, and by trying and failing to gather several hundred so called privileged consumers to buy a limited numbers of PS3 under the Eiffel Tower far from all the regular lights of the city, the midnight momentum lost its focus. And the small temporary Fnac store on boat with a huge inflatable PlayStation 3 on top that sailed, for the photographers, way too slowly under the lights of The Eiffel Tower, became a joke when the surprise Xbox 360 barge came and went two more times with all lights on with 4 or 5 people on board shouting and weaving the sleepy Sony crowd for attention. Sony just created it’s own Titanic, and the PS3 boat metaphorically sank a dreadful night of march in Paris.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 22 mars 2007 sur le magazine en ligne NEXT GENERATION)

Almost no buyers came to the PS3 boat docked by the Eiffel tower (Photo (c) Bliss)
Xbox trolling live at PS3 2007 launch in Paris (photo (c) Bliss)

Van Ling interview HD : DVD producer pour James Cameron et Star Wars

En 2007, j’ai demandé à trois producteurs stars de DVD ce qu’ils pensent de la HD, est-elle tout bonus ?
Van Ling, concepteur d’effets spéciaux, proche collaborateur de James Cameron a conçu les DVD de Titanic, The Abyss, Starhip Troopers, Star Wars Trilogy… Excusez du peu !

Version originale anglaise complète ci-dessous après la VF éditée pour publication…

Version française éditée pour publication papier…

Bliss : Quel est le premier film/DVD sur lequel vous travaillez avec un format HD ?

Van Ling : J’ai travaillé sur 9 Blu-ray l’année dernière, y compris Terminator 2, mon premier. S’agissant de disques contenant seulement le film, ils m’ont donné l’occasion d’apprendre ce qui marche ou pas. Je suis actuellement sur le Blu-ray d’Independance Day et nous expérimentons des idées utilisant la programmation Java sur Blu-ray.

Bliss : Avez-vous une approche différente pour les bonus selon les formats HD DVD et Blu-ray ?

Van Ling : Entre la SD et la HD, surtout. Les objectifs sont les mêmes mais il y a plein de choses à réapprendre et beaucoup plus de problèmes de programmation, surtout pour la navigation dans les menus.

Bliss : Si l’un de vos précédents DVD ressort en HD, y travaillerez-vous ?

Van Ling : Oui parce que je sais déjà ce qui a été fait et que j’ai une bonne idée comment le surpasser. Il faudrait pouvoir inclure ce qui a été fait sur DVD et ensuite créer des choses inédites qui tiennent compte des nouvelles possibilités.

Bliss : Comment allez vous effectuer la transition entre SD et HD pour les documents d’archives déjà mastérisés ou à venir ?
 Est-ce utile de filmer documentaires et interviews en HD ?

Van Ling : Oui, nous filmons tout en HD. La majorité des films transférés en vidéo ces 8 dernières années l’ont été en HD, donc exploitables tel quel. Quand ils achètent un disque HD, les consommateurs s’attendent à ce que les suppléments soient en HD. Comme les vieux documents ont été filmés en vidéo SD ou 16mm, c’est un challenge de décider comme présenter une featurette mélangeant les formats.

Bliss : Les réalisateurs avec qui vous travaillez sont-ils concernés par la HD ?

Van Ling : Les plus jeunes sont déjà au courant des nouvelles possibilités des formats HD et participent. Les réalisateurs vétérans y voient d’abord une nouvelle manière d’intéresser plus de spectateurs.

Bliss : Les fonctions interactives propres au Blu-ray et au HD DVD ouvrent-elles de nouvelles possibilités ?

Van Ling : Oui mais c’est un vrai challenge parce qu’il s’agit plus de programmation créative que de création artistique. Nous sommes au point où les formats HD doivent faire leur preuve auprès des consommateurs, avec ce côté « essayons tout pour voir ce qui leur plait». Il y a beaucoup de gimmicks.

Bliss : Que pensez-vous des problèmes de compatibilités provoqués par ces nouvelles interactivités ?

Van Ling : Ces formats HD ont clairement des constitutions informatiques. Cela donne autant de possibilité de faire des choses que de les rater. Quand quelque chose ne fonctionne pas, vous n’êtes jamais sûr si cela vient du design, de la programmation, de la fabrication ou du lecteur.

Bliss : Avez-vous une préférence professionnelle entre le HD DVD ou le Blu-ray ?

Van Ling : J’ai surtout travaillé sur Blu-ray. Étant donné qu’une grande partie du succès de ces formats va dépendre de l’industrie du jeu vidéo qui a l’habitude de la cohabitation de formats, je ne pense pas qu’il y aura un vainqueur définitif.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Lire aussi…

  • Charles de Lauzirika : DVD producteur pour Ridley et Tony Scott
  • Kim Aubry : DVD producer pour France Ford Coppola

Version originale complète de l’interview…

Bliss : Do you think there is a need for high definition bonus or is it still for some happy few passionate? Meaning, is it worth the efforts for you, the studios and even the movie directors?

Van Ling : I’ve always said that DVD producers are the most optimistic people in the film business, because we put our blood, tears toil and sweat into creating materials that only a very small number of people will ever watch. But I do think that it’s worth the effort, because it can be a winning situation for all parties: the filmmakers get the chance to discuss their visions, the studios have more to sell and the viewers get more for their money, even if they don’t care to watch it. As for us DVD producers, some of us enjoy the challenge of extending a narrative/universe and exploring new ways of educating and interacting with viewers.

Bliss : What is the first film you worked, or are working on, that is going to be released on any HD formats?

Van Ling : I actually worked on nine Blu-ray titles last year, including T2 (which was my first), but these were essentially « movie-only » discs that gave me an opportunity to learn how the format works (or doesn’t work, as the case may be). I am currently working on « Independence Day (ID4) » for Fox on Blu-ray, and we are exploring some new bonus feature ideas using Blu-ray Java programming.

Bliss : Do you have a different approach regarding extras on HD DVD or Blu-ray?

Van Ling : If you mean as opposed to standard DVD, yes. Even though most of the goals are the same (movie, commentaries, bonus content), the formats are completely different in terms of technical approach. There’s a lot of things you have to learn to do anew, and a lot more programming issues you have to keep in mind while you are designing and creating materials, especially for the menus and navigation.

Bliss : If, or when, one of your previous DVD is re-released on a HD format, will you work on it ? Would the bonus be a simple transfer from the DVD or would you work again on it?

Van Ling : I expect to be working on many of the HD versions of the titles I’ve previously done, simply because I already know how and what I’ve done before, so I have a good idea of how to surpass it. I feel that we should be able to include what we’ve done before on DVD as a starting point on the HD version, and then create new material that takes advantage of the new format’s capabilities.

Bliss : Did the digital transfers of past archives have been readied for HD formats and could be ported without going back to the digital scan? What is your opinion regarding those past documents? Going HD with them or keeping the already digital transfer? What is the position of the studios you work with regarding this issue?

Van Ling : Most films that have been transferred to video in the past seven to eight years were transferred to HD in the first place, so many of them are already usable. But I believe most studios assess how the existing HD transfers look in light of today’s technologies, and if they feel that the new equipment can yield an appreciably better transfer, they will do it.

Bliss :  What about future archives you might dig up, which kind of technical treatment would you do for the HD formats (or not)?

Van Ling : Most older archival material tends to have originated on standard-definition video or 16mm film, so it is more of a challenge to decide how to present a mixed-format documentary or featurette. But with the advent of the new HD formats, more and more special features are being done in HD, because consumers expect that when they buy an HD disc, as much of the content as possible will be in HD format.

Bliss : Are you shooting your documentaries and interviews in HD ? Since when, or do you plan to? Is it relevant to do so?

Van Ling : Yes, for current films, all of the material is shot in HD, as are all interviews and new footage shot for bonus material on older titles. It is generally accepted as a good practice to shoot in HD if it can be afforded, even if you are currently finishing the project in standard definition. All of my projects going forward will likely be in HD.

Bliss : Are movie directors you work with concerned, interested by those high def contents that they may have to provide for future HD DVD or Blu-ray releases? Whether for a new projects or past projects?

Van Ling : The younger generations of filmmakers are already savvy to the possibilities of the HD formats and are usually very open to creating or participating in new HD content, while the older generation of directors view it as a good way to get more people to experience their films, which are still the most important component of any release. They are usually thrilled to see their films in such high resolution.

Bliss : Both HD DVD and Blu-ray may be programmed for some special interactivities during movie footage… Did you start working on that technology? Is it easy to do? Does is really open some new doors for you as a DVD producer and maybe the consumer or is it just a gimmick?

Van Ling : Yes, I am working with the technology and it can be a real challenge, because it’s more about creative programming than traditional creative work. We are currently at the stage where the HD formats have to prove themselves to the consumer as being more worth getting than regular DVD, so there’s a lo of the same « shotgun » approach to interactive features… let’s try everything and anything and see what strikes the consumer. There are a lot of gimmicks, but I hope that some of them will evolve into actual useful features. I know I’m doing my part…

Bliss : There seem to have some compatibility issues with those interactive programs, whether on Blu-ray players or the LG Blu-ray HD DVD combo that doesn’t play HD DVD interactive programs. How do you deal with that?

Van Ling : These HD formats are much more clearly computer formats, and the more like a computer your format is, the more capabilities you have… but the more opportunities you have to mess things up. We are still in the preliminary phase in which the formats are evolving, and when something doesn’t work, you’re never quite sure if the problem is due to the design, the programming, the manufacturing, or the player. From my standpoint, I just keep pushing. I find out what they think the format can do, and then come up ways for it to do more. And try to work with people who are willing to try it.

Bliss : Do you have a preference as a professional between the two formats : Blu-ray and HD DVD?

Van Ling : My experience so far has been exclusively with Blu-ray, so I am more familiar with it, but I am learning more about HD-DVD as well. Given that a significant portion of the success of these formats is going to depend on the video game industry -which has a history of multiple formats co-existing-I don’t think there is going to be one definitive winner. And the only way the consumer will win is if there are really good combo players so the viewers never have to worry about whether they can or cannot play any disc they buy.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Terminator 2 Van Ling BD menu

(Version française publiée en 2007 dans le mensuel Les Années Laser)

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Kim Aubry interview HD : DVD producer Coppola, George Lucas

En 2007 j’ai demandé à trois producteurs stars de DVD ce qu’ils pensent de la HD, est-elle tout bonus ?…
Kim Aubry, ingénieur du son, collaborateur intime de Francis Coppola a conçu les DVD de THX-1138, Apocalypse Now, Le Parrain… Des pans entiers du cinéma !

Version originale anglaise complète ci-dessous après la version française éditée pour publication

Version française éditée

Bliss : Quel est le premier film/DVD sur lequel vous travaillez avec un format HD ?

Kim Aubry : Notre premier enregistrement en vidéo HD a été une interview de Francis Coppola en 2004 pour le DVD de son film La Vallée du Bonheur (1967), jamais utilisé en HD. En 2005 nous avons commencé à filmer en HD des documentaires pour l’édition 2 DVD de Apocalyse Now The Complete Dossier, mais on nous a dit qu’à cause de la confusion de l’industrie autour des formats, le film sortirait sur DVD SD (Z1). Notre premier gros effort en HD a été fourni pour filmer les 70’ de bonus pour la nouvelle édition du Dracula (Coppola, 1992). Le documentaire d’époque a été filmé dans 16 mm impeccable, nous avons pu le transférer en HD. Sony a l’intention de sortir le film sur 2 DVD SD et en Blu-ray dans l’année. Nous avons créé les menus (formidables, ndr) et les bonus pour le DVD de Marie-Antoinette qui doit sortir en Blu-ray. Nous travaillons sur une édition spéciale de L’Idéaliste (1998) qui aura des éléments en HD.

Bliss : Avez-vous une approche différente pour les bonus selon les formats HD DVD et Blu-ray ?

Kim Aubry : Préparation des menus et programmation sont deux choses différentes. Nous concevons les éléments graphiques et l’authoring est confié à d’autres.

Bliss : Si l’un de vos précédents DVD ressort en HD, y travaillerez-vous ? Comment allez vous effectuer la transition entre SD et HD pour les documents d’archives déjà mastérisés ou à venir ?

Kim Aubry : Le transfert et la restauration coûte plus cher en HD parce que les imperfections sont beaucoup plus visibles en haute résolution et la réparation digitale bien plus longue et onéreuse. De nombreux professionnels m’ont dit que d’après leurs enquêtes marketings, la plupart des gens trouvent que de la SD lue sur un lecteur DVD capable d’upscaling ou même sur un lecteur HD DVD ou Blu-ray comme la PlayStation 3 rend très bien sur un diffuseur HD. Les studios n’ont donc aucune motivation pour dépenser plus d’argent pour remastériser les bonus en HD.

Bliss : Est-ce utile de filmer documentaires et interviews en HD ?

Kim Aubry : Nous avons commencé à filmer avec une HDCAM le documentaire d’un film tourné en Afrique du Nord, et pour des raisons de budget et les incertitudes concernant le Blu-ray et le HD DVD, l’équipe a continué avec des caméras SD !

Bliss : Les réalisateurs avec qui vous travaillez sont-ils concernés par la HD ?

Kim Aubry : C’est une distraction pour eux. Ils sont d’abord préoccupés à finir leur film ou planifier leur prochain.

Bliss : Les fonctions interactives propres au Blu-ray et au HD DVD ouvrent-elles de nouvelles possibilités ?

Kim Aubry : Dans les DVD du Parrain et de THX 1138 nous avons créé un peu d’interactivité. Si nous utilisons nous-mêmes ces nouveaux outils sur des BD ou des HD DVD, cela ouvrira des portes. Si d’autres le font, ce ne sera qu’un gadget.

Bliss : Avez-vous une préférence professionnelle entre le HD DVD ou le Blu-ray ?

Kim Aubry : Non. C’est Coca Cola et Pepsi.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Lire aussi…

  • Charles de Lauzirika : DVD producteur pour Ridley et Tony Scott
  • Van Ling : DVD producer pour James Cameron,  Star Wars Trilogy…

Version originale anglaise complète

Bliss : Do you think there is a need for high definition bonus or is it still for some happy few passionate? Meaning, is it worth the efforts for you, the studios and even the movie directors?



Kim Aubry : I can’t really speak to the economics of creating new bonus content in the HD format for release on HD homevideo.
I can say that IF you have access to visual elements that are potentially of higher quality than standard definition video, obviously anything you produce will be of greater value eventually, as the world switches to HD.

Bliss : What is the first film you worked, or are working on, that is going to be released on any HD formats?

Kim Aubry : The first visual element that we photographed in HD was an on-camera video introduction by Francis Coppola for the 2004 re-release of the 1967 film “Finian’s Rainbow” on DVD, although this never went out in HD.
We began work on documentary featurettes for our special 2-disc “Apocalypse Now – The Complete Dossier” in 2005. Originally, we intended to shoot and finish all new materials in HD because the North American distributor intended an HD home video release. But shortly after starting work, we were told that due to confusion in the industry over formats, the plan was to release the DVD in just standard definition. We ended up finalizing only the “Watch Apocalypse Now with Francis Coppola” featurette in HD, and as of this writing, we are unaware of any plans to release the film or sbonus materials in an HD format.

Our first full-blown HD effort was in 2006 when we completed around 70 minutes of new bonus materials for a new release of “Bram Stoker’s Dracula” (1992).
It is Sony’s plan to release both a 2-disc SD and a BD version of the film later this year with these new documentaries produced in HD.  
We created menus and some bonus materials for the release of Marie Antoinette which may get a BD release. 
We are now working on a special edition DVD of Coppola’s 1997 film “The Rainmaker” which will have some elements in HD. We do not know the distributor’s plans regarding HD-DVD or BD release on this title.

Bliss : Do you have a different approach regarding extras on HD DVD or Blu-ray?
 


Kim Aubry : No. The menu preparation and programming is different, but we only do graphic design elements which are authored by others.

Bliss : If, or when, one of your previous DVD is re-released on a HD format, will you work on it ? Would the bonus be a simple transfer from the DVD or would you work again on it?

Kim Aubry : 

I would say it depends on whether or not we can improve the original bonus content in any way by incorporating newer or better visual elements.
If the distributor plans to just re-use the original SD materials, they don’t need us. Many industry insiders have told me that, according to their marketing research, most people think standard definition materials viewed on a up-converting DVD player or even a HD-DVD or BD player (like a Sony PS3) when seen on an HD display look great, and they have no motivation to spend more money to re-master the bonus elements in HD.

Bliss : Did the digital transfers of past archives have been readied for HD formats and could be ported without going back to the digital scan? What is your opinion regarding those past documents? Going HD with them or keeping the already digital transfer? What is the position of the studios you work with regarding this issue?



Kim Aubry : No simple answer, no official position that I know of. Every case is different. 
There are HD 1920 X 1080 transfers of films made 3-5 years ago that are not very good. 
No doubt, there are “2-k” scans that have been made that could be improved upon.
There are other HD transfers made 6 years ago that are fantastic. 
Some films are finished (for creating theatrical 35mm release prints) using Digital Intermediate technology for color correction, replacing the laboratory color timing step. But until quite recently, the “DI” masters did not necessarily consider the issue of making HD masters directly for the eventual broadcast, or home video markets. Indeed, most films finished with DI, end up with a film negative element that is scanned on a Telecine for home video, which might sound a bit strange. I say, this is a constantly evolving process, and the most important thing a responsible studio can and should do is to consult the filmmakers anytime they re-transfer the image to confirm that they are reflecting the original artistic intent.

At the moment, some of the distributors are having internal discussions about what characteristics make an older film title suitable for HD-DVD or BD release. 
I have heard many executives dismiss important classic films for BD because they fear it will not “wow” the audience sufficiently. Imagine a 1950s recording industry executive saying “We don’t need to release this recording of Pablo Casals from the 1940s on LP, we want to launch the new HiFi LP format with just brand new “sparkling” stereophonic recordings!”
 I find this point of view very strange.

Bliss : What about future archives you might dig up, which kind of technical treatment would you do for the HD formats (or not)?

Kim Aubry : 

Don’t understand the question. We are doing some restoration work for some wonderful documentary films made in the 1960s and 1970s. 
We encouraged the filmmakers to locate the best film elements possible and we transferred them to HD format on a good telecine. 
We see that the cost of doing transfer and restoration at HD is far greater than SD, because imperfections that require DNR or other kinds of treatments are far more visible at the greater resolution, and digital repair work is far more time consuming and expensive.

Bliss : Are you shooting your documentaries and interviews in HD ? Since when, or do you plan to? Is it relevant to do so?


Kim Aubry : Yes, we do. (See #2 above). Since 2003. Sometimes HDCAM 1920 X 1080 24P, sometimes Varicam 24 P.

Bliss : Are movie directors you work with concerned, interested by those high def contents that they may have to provide for future HD DVD or Blu-ray releases? Whether for a new projects or past projects?

Kim Aubry : Most directors I work with (so far) are preoccupied with finishing their film, or with making plans for their next film, and the technical details of the home video release seem like a distraction to them at the time. But this is changing, as filmmakers recognize the importance of the home video and electronic record we are creating, both artistically and commercially.

Bliss : Both HD DVD and Blu-ray may be programmed for some special interactivities during movie footage… Did you start working on that technology? Is it easy to do?  Does is really open some new doors for you as a DVD producer and maybe the consumer or is it just a gimmick?

Kim Aubry : 

I have very little experience with the interactivity. We tried to do some very basic interactive “added value” on some of our titles, including The Godfather DVD Collection which had a Corleaone Timeline plotted against actual news events, and a living Corleone Family Tree with many hidden aster eggs. In our THX 1138 DVD, we provided a “white rabbit” function that allowed viewers to jump out of the movie at pre-selected times and view sections of a documentary in which Walter Murch explained the audio style of that scene. If we use any of these new technical features in BD or HD-DVD, it will open doors; if someone else uses them, it will be a gimmick.

Bliss : 

Do you have a preference as a professional between the two formats : Blu-ray and HD DVD?



Kim Aubry : No. Coke and Pepsi. Warsaw Pact and NATO… One more note regarding the Dracula project.

 We were greatly aided in this because the “behind the scenes” unit that was on the set during the shooting of Bram Stoker’s Dracula (1991-1992) was a proper 16mm film crew. We accessed the original 16mm documentary negative (more than 20 hours of behind-the-scenes footage) negative which was pristine, and we transferred it to HD. We cropped the original 4:3 aspect to 16:9 on a scene by scene basis. We also made use of over 80 hours of informal doc footage shot on Hi 8 videotape at 60i. We had to treat this footage to make it 24 fps progressive. These days, “making of” units on the set are shooting in MiniDV, or sometimes in Digibeta, but it is almost always standard def. 

We are working on creating bonus materials for a new feature that began photography in North Africa with a doc unit shooting in HDCAM, but after a few weeks, for budget reasons and uncertainties about BD and HD-DVD, the documentary unit actually switched down to standard definition cameras!

Ironically, the older films with doc footage on 16mm will make the transition to HD better.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

THX 1138 DVD menu by Kim Aubry

(Publié en 2007 dans le mensuel Les Années Laser)

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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Charles de Lauzirika Interview HD : DVD producer Ridley Scott

En 2007 j’ai demandé à trois producteurs stars de DVD ce qu’ils pensent de la HD, est-elle tout bonus ?
Charles de Lauzirika, réalisateur de documentaires, collaborateur rapproché des frères Ridley et Tony Scott a conçu les DVD de : Alien Quadrilogy, Spider-Man 2, Gladiator, La Chute du Faucon Noir…
  
Rien que ça ! 

Version originale anglaise complète à lire après la version française éditée pour publication…

Version française éditée pour publication

Bliss : Les nouveaux supports Blu-ray et HD DVD offrent-ils un meilleur support pour les bonus ?

Charles de Lauzirika : La qualité du son et de l’image du film doivent être prioritaires. HD DVD et Blu-ray offrent de nombreuses manières d’augmenter votre appréciation et votre connaissance d’un film mais à part filmer en HD je vois beaucoup de gimmicks et peu de réinvention.

Bliss : Quel est le premier film/DVD sur lequel vous travaillez avec un format HD ?

Charles de Lauzirika : Déjà sur Kingdom of Heaven, Man on Fire, Monster House et Déjà Vu. Et actuellement sur Blade Runner qui sortira, comme l’a dit Warner, en HD DVD et Blu-ray.

Bliss : Avez-vous une approche différente pour les bonus selon les formats HD DVD et Blu-ray ?

Charles de Lauzirika : Pas encore. Entre le In-Movie Experience de Warner ou le U-Choose d’Universal il y a des choses à faire, à condition de donner aux spectateurs quelque chose qui mérite d’être vu. J’ai expérimenté des choses sur DVD SD adoptées sur les nouveaux formats, je n’imagine pas m’arrêter maintenant.

Bliss : Si l’un de vos précédents DVD ressort en HD, y travaillerez-vous ?

Charles de Lauzirika : Il sera facile de faire des upgrades directs vers la HD pour certains, tandis que d’autres auront un sérieux besoin d’être recalibrés. Cela donnera l’occasion de faire des petits ajustements.

Bliss : Comment allez vous effectuer la transition entre SD et HD pour les documents d’archives déjà mastérisés ou à venir ? Est-ce utile de filmer documentaires et interviews en HD ?

Charles de Lauzirika : J’ai commencé à travailler en HD l’année dernière. Pour des raisons de budget, presque aucun des suppléments de mes anciens projets ont été préparé pour la HD. Tout ce que je conçois et archive est désormais en HD. Tout cela a un coût que les studios ne veulent pas payer tant qu’ils ne sont pas sûrs de leur stratégie vis-à-vis des deux formats HD. Nous sommes dans une période transitoire.

Bliss : Les réalisateurs avec qui vous travaillez sont-ils concernés par la HD ?

Charles de Lauzirika : Ils sont beaucoup trop occupés sur leur film pour être très concerné par les bonus HD. Ils sont plus intéressé de savoir si ces formats vont améliorer la présentation de leurs films.

Bliss : Les fonctions interactives propres au Blu-ray et au HD DVD ouvrent-elles de nouvelles possibilités ?

Charles de Lauzirika : Je ne crois pas que ces contenus interactifs synchronisés avec le film vont améliorer significativement ce que nous faisons en SD. Les capacités du DVD SD n’ont pas été assez vantées et maintenant que l’on veut attirer de nouveaux consommateurs, le marché insiste sur ces fonctionnalités sur HD DVD et Blu-ray.

Bliss : Que pensez-vous des problèmes de compatibilités provoqués par ces nouvelles interactivités ?

Charles de Lauzirika : Je crée le contenu, le livre au studio et m’assure que cela fonctionne comme prévu. Après, c’est la responsabilité des unités d’authoring et de duplication de s’assurer que les disques fonctionnent correctement chez les gens.

Bliss : Avez-vous une préférence professionnelle entre le HD DVD ou le Blu-ray ?

Charles de Lauzirika : Pas pour le moment. Aucun des deux formats ne rend mon travail plus facile ni plus satisfaisant.

Propos recueillis et traduits en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Lire aussi…

  • Van Ling : DVD producteur pour James Cameron, Star Wars Trilogy…
  • Kim Aubry : DVD producer pour France Ford Coppola

Version originale anglaise complète

Bliss : Do you think there is a need for high definition bonus or is it 
still for some happy few passionate? Meaning, is it worth the efforts 
for you, the studios and even the movie directors?

Charles de Lauzirika : First and foremost, picture and sound quality for the film itself has 
to take top priority.  Then, if there’s room available and there’s an 
interesting behind-the-scenes story to be told, I think the first you 
thing you have to do is consider what are the best ways to tell that 
story, regardless of format.  Right now, there are many possibilities 
with HD and Blu-Ray in terms of finding new ways to supplement your 
enjoyment and knowledge of a film but aside from shooting interviews 
and behind-the-scenes footage in hi-def for protection, I’m not seeing 
a lot of new ways to better tell the story.  I see a lot of gimmicks 
but not a lot of reinvention.  Hopefully, as HD and Blu-Ray evolve, 
that will change for the better.

Bliss : What is the first film you worked, or are working on, that is going 
to be released on any HD formats?

Charles de Lauzirika : 

The first DVDs I worked on with an eye towards an eventual HD or 
Blu-Ray release were Kingdom of Heaven, Man On Fire, Monster House and 
Deja Vu.  I’m currently working on Blade Runner, which Warners has 
announced will also be released on HD and Blu-Ray.

Bliss : Do you have a different approach regarding extras on HD DVD or 
Blu-ray?



Charles de Lauzirika : Not yet. It’s still about imparting information and meaningful 
content.  There are different ways of doing that with HD and Blu-Ray, 
such as Warner’s In-Movie Experience or Universal’s U-Choose features, 
but ultimately, it’s still about giving viewers something worth 
watching. I’ve been experimenting with interactive features since the 
beginning and doing things on standard-def DVD that are now being 
adopted or enhanced by the next generation formats, so I don’t imagine 
I’ll stop now.

Bliss : If, or when, one of your previous DVD is re-released on a HD format, 
will you work on it ? Would the bonus be a simple transfer from the DVD 
or would you work again on it?
  


Charles de Lauzirika : It depends on the project, the studio, the budget, the schedule, the 
availability of assets in HD and so many other things.  There are some 
projects that I think will be very easy to simply make a direct up-res 
to HD while others will require more serious retooling.  At the very 
least, it could provide me with an opportunity to make little tweaks 
and fixes I didn’t have time to make the first time.

Bliss : Did the digital transfers of past archives have been readied for HD 
formats and could be ported without going back to the digital scan? 
What is your opinion regarding those past documents? Going HD with them 
or keeping the already digital transfer? What is the position of the 
studios you work with regarding this issue?

Charles de Lauzirika : Due to budgetary considerations, almost none of the past projects I’ve 
worked on have been readied for HD, at least in terms of the 
supplements.  It’s really only within the last year that we’ve started 
doing that, and not on every title.  It would make things a lot easier 
to deliver everything as HD-ready but that costs more money and the 
studios don’t usually want to pay that unless they’re sure about their 
future strategy on HD or Blu-Ray.

Bliss : What about future archives you might dig up, which kind of technical 
treatment would you do for the HD formats (or not)?



Charles de Lauzirika : From now, almost everything I do will be protected for HD, so long as 
the budget allows for that.  Seriously, there is a significant 
difference in cost between a simple standard-def delivery and then 
including HD and Blu-Ray into the equation.  But in terms of scanning 
and shooting, the overwhelming majority of the content I’m working with 
will be archived with HD in mind.

Bliss : Are you shooting your documentaries and interviews in HD ? Since 
when, or do you plan to? Is it relevant to do so?



Charles de Lauzirika : Again, it depends on the budget, but yes, most of the interviews and 
behind-the-scenes footage are now being shot in HD.  We’re still in a 
little bit of a transitional period with the studios, as they decide 
how much money to spend on a given title and what kind of treatment 
that title deserves.  But for the most part, HD is part of the process 
now, especially on new movies.

Bliss : Are movie directors you work with concerned, interested by those 
high def contents that they may have to provide for future HD DVD or 
Blu-ray releases? Whether for a new projects or past projects?

Charles de Lauzirika : 

So far, they’re too busy working on their own films to be 
overly-concerned with HD or Blu-Ray extras.  They’re more interested in 
– -and rightly so —  how HD and Blu-Ray can improve the presentation 
of their films.  Everything else is icing on the cake.

Bliss : Both HD DVD and Blu-ray may be programmed for some special 
interactivities during movie footage… Did you start working on that 
technology? Is it easy to do? Does is really open some new doors for 
you as a DVD producer and maybe the consumer or is it just a gimmick?

Charles de Lauzirika : 

I discussed this above, but I don’t think the kind of synchronous HD 
and Blu-Ray content you’re talking about are allowing significantly 
more creative freedom or improved information delivery than what we 
already had in standard definition.  The difference is, most people 
weren’t pushing the capabilities of SD DVD and now they need something 
new to attract consumers, so they’re pushing that kind of experience 
harder with HD and Blu-Ray.

Bliss : There seem to have some compatibility issues with those interactive 
programs, whether on Blu-ray players or the LG Blu-ray HD DVD combo 
that doesn’t play HD DVD interactive programs. How do you deal with 
that?

Charles de Lauzirika : 

Fortunately or unfortunately, that’s out my hands.  I create the 
content, deliver it to the studio and make sure it works as designed.  
After that, it’s up to the various authoring and duplication facilities 
to make sure the discs they’re manufacturing actually work in people’s 
homes.

Bliss : Do you have a preference as a professional between the two formats 
: Blu-ray and HD DVD?

Charles de Lauzirika : 

Not at the moment. Both formats have their pros and cons. Originally 
I was rooting for Blu-Ray because of the higher disc capacity but as 
the format war drags on, it’s become more about survival of the 
fittest. I’ll wait for a clear winner before investing in one format 
or the other. Neither one makes my job any easier, or more fulfilling. Yet.

Propos recueillis en mars 2007 par François Bliss de la Boissière

Kingdom of Heaven DVD menu

(Publié en 2007 dans le mensuel Les Années Laser)

Éric Chahi : Another time (entretien 4/4)

(…)

Éric Chahi (DR)

Bliss : Est-ce que tu es sollicité par de jeunes créateurs de jeu vidéo ? Maintenant que tu fais presque partie des vétérans…

Éric Chahi : Des jeunes game designers me demandent des stages, mais je ne peux pas donner suite. Comme j’ai des idées assez claire sur ce que je veux faire, je fais attention à ne pas me laisser embarquer, je reste focalisé sur mon truc. Il y a un an j’ai donné une conférence à Supinfogame (école de game design à Valenciennes, ndlr) où j’ai présenté des repères sur l’évolution du jeu vidéo à travers mon parcours. C’était très intéressant parce que, c’est évident, de futurs bon game designers sortent de cette école spécialisée.

Bliss : Qu’est-ce que tu penses de la scène du jeu vidéo française ? La « French touch » ça existe encore ?

Éric Chahi : (Rires) Tu me poses une colle. Le terme French Touch m’a toujours un petit peu agacé. C’était déjà cataloguer la création française et ça a fini par devenir péjoratif, synonyme de beaux jeux sans gameplay, sans contenu. Je n’aime pas trop le catalogage. Aujourd’hui il y a bien une scène française du jeu vidéo même si, dans les années 2000, elle s’est prise une grosse claque. J’ai le sentiment qu’elle est en train de se restructurer. Même si il y a pas mal de développeurs expatriés à Montréal et aux Etats-Unis… Je crois au renouveau. Il y a pas mal de petits studios. Ce qui manque le plus finalement c’est l’autonomie créative. Tu es obligé de dépendre d’un éditeur pour créer des jeux. Sur le contenu, c’est dommage.

Bliss : Le débat est sans fin, mais à ton avis, le jeu vidéo est-il de l’art ou pas ?

Éric Chahi : Ça dépend ce qu’on appelle de l’art. C’est un regard sur quelque chose dans un contexte culturel… Est-ce que l’esthétique c’est de l’art, par exemple ? Est-ce que le simple fait d’avoir quelque chose d’esthétique, c’est de l’art ? Ce n’est pas évident. J’ai une définition assez imprécise de l’art. J’aurais tendance à dire qu’une œuvre d’art vient enrichir la personne qui la regarde, que l’art c’est communiquer une vision personnelle sur le monde. Le jeu vidéo, au minimum, est culturel, une forme d’expression. Je pense que c’est une forme d’art qui n’a pas atteint sa maturité mais comme il y a des choses qui s’y sont exprimées, j’aurais plutôt tendance à dire que, oui c’est de l’art. Dans certains jeux (rires).

Bliss : Aucun jeu ne réunit les critères que tu évoques comme semblant appartenir à l’art ?

Éric Chahi : Il y en a qui ont ces qualités, même si elles n’ont pas été consciemment voulues par leurs concepteurs. Katamari damacy est pour moi une oeuvre d’art. Et son créateur (Keita Takahashi) dit le contraire ! Le jeu a un sens contextuellement, il n’est absolument pas neutre par rapport à notre monde. C’est une sorte de métaphore du pouvoir. Il a un écho avec la société de consommation, Il ne s’agit pas simplement de faire grossir une petite boule. Il y a plus que ça.

Bliss : Tu ne cites justement pas des jeux plus plastiques…

Éric Chahi : Comme Shadow of the colossus ? Oui ce jeu là aussi. Il se rapproche plus d’une œuvre d’art… Il travaille sur le ressenti, sur l’émotion. En même temps ce n’est pas l’émotion qui fait une oeuvre d’art. A l’opposé, le terme divertissement pour qualifier le jeu vidéo est dégradant. Ce n’est pas suffisant. Aucun jeu n’est totalement neutre, il se place dans un contexte culturel. Sim city, Civilization, ou un jeu de guerre se positionnent. Ils délivrent une certaine vision du monde qui sera celle donnée volontairement ou non par les designers. Certains jeux ne sont évidemment que du divertissement mais il faudrait un peu plus de recul pour bien saisir tout ça. Dans une vingtaine d’années on se rendra peut-être un peu plus compte.

Bliss : Ne peut-on pas trouver dans les pixels des premiers jeux d’il y a vingt ou vingt-cinq ans des éléments qui, par exemple, pourraient relever de l’art contemporain comme semblait le montrer l’exposition Game On ?

Éric Chahi : Quand des images et des symboles du jeu vidéo s’infiltrent dans l’art contemporain, est-ce que ça implique que le jeu vidéo c’est de l’art ? Pas forcément. La comparaison est violente, c’est un questionnement : Coca Cola aussi est réutilisé dans l’art contemporain. Il y a des œuvres qui vont puiser dans la manne publicitaire, mais comme matière, comme vecteur d’expression. Coca Cola ne devient pas pour autant une oeuvre d’art. Donc il ne faut pas faire un amalgame entre les icônes du jeu vidéo récupérées dans l’art contemporain et le jeu vidéo lui-même. Les pixels colorés, les bruitages très primaires des tous premiers jeux d’arcade évoquent quelque chose, mais je ne saurais pas dire quoi… Entre les lignes du divertissement il y a peut-être des choses qui sont communiquées. Et peut-être que la qualité artistique d’un jeu vidéo ne réside pas dans le visuel mais dans ses interactions. C’est quand même ce qui caractérise le plus et différencie vraiment le jeu vidéo des autres médias.

Bliss : Dans l’art contemporain on croise des installations à l’interactivité rudimentaire bien inférieure à ce que propose depuis longtemps le jeu vidéo, et pourtant elles sont qualifiées d’oeuvre d’art…

Éric Chahi : L’important dans ces installations ce n’est peut-être pas la qualité des interactions mais le sens, le sens de l’oeuvre, le sens artistique de l’oeuvre. C’est peut-être ce qui lui confère un statut d’art.

Bliss : Donc ça veut dire que même les premiers jeux vidéo sont vides de sens ?

Éric Chahi : Un game designer de l’époque du nom de Chris Crawford (auteur du livre The Art of computer game design, organisateur à domicile des tous premiers GDC, ndlr) avait écrit que si Space Invaders avait eu autant de succès parmi tous les autres jeux du même genre, c’était parce qu’on pouvait y projeter ce qu’on peut ressentir dans la vie quotidienne, par exemple confronté à des grosses administrations, aux rouleaux compresseurs de la société. Il avait une lecture métaphorique en terme de ressenti pour y lire dans les jeux autre chose que le premier degré du pur divertissement. Il y trouvait un écho avec le réel. Cela me semple assez pertinent.

À lire aussi…

Éric Chahi : Another time (entretien 1/4)
Éric Chahi : Another time (entretien 2/4)
Éric Chahi : Another time (entretien 3/4)

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2007 sur Chronicart.com)

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


Éric Chahi : Another time (entretien 3/4)

(…)

Éric Chahi (DR)

Bliss : Comment es-tu passé d’une activité assise comme la création de jeu vidéo à une activité aussi physique ?

Éric Chahi : C’est vrai que pour approcher les volcans il faut crapahuter, avec un gros sac à dos. Les volcans m’ont toujours attiré mais je n’avais aucune idée que c’était accessible. Je pensais qu’il n’y avait que les scientifiques qui pouvaient y aller. Et puis j’ai découvert qu’il y avait une agence qui organisaient des voyages sur les volcans actifs. Je me suis inscrit et ça a commencé par là. J’y suis allé ensuite en autonomie avec des amis aussi passionnés de volcans rencontrés sur l’Etna. J’ai été dans des endroits assez reculés, il fallait le vouloir. Quand on est en milieu volcanique, proche d’une éruption, il faut faire gaffe, trouver la distance limite à ne pas franchir. Ma passion est née de la rencontre physique avec les volcans. Elle s’est pleinement révélée suite à une confrontation physique où j’ai pu voir de très près un volcan exploser avec de l’incandescence, de la lave en fusion et des choses comme ça.

Bliss : Tu as ressenti le danger quand c’est arrivé ?

Éric Chahi : Je me suis retrouvé dans une situation limite où j’ai eu très peur en effet. C’était au sommet du Lopevi au Vanuatu. Des bombes incandescentes sont tombées autour de nous à dix-vingt mètres, c’est super impressionnant. Je me suis dis : je suis foutu, je vais mourir (rire). J’étais en voyage organisé à ce moment là. Quand j’y vais seul je suis plus prudent désormais. Mais on n’est jamais à l’abri d’une explosion plus forte. C’est arrivé avec un volcan de type strombolien, des blocs incandescents éjectés sont éjectés en l’air régulièrement. Une explosion a été projetée vers nous. On début on voit des blocs très denses qui partent en l’air et on se dit qu’ils vont nous tomber dessus et qu’on est mort. En fait, les blocs s’écartent, ce qui est normal, en se rapprochant, mais c’est très impressionnant. On se demande quel bloc est pour soi. Dans ces cas là il ne faut surtout pas paniquer, ne pas courir dans tous les sens. Il faut rester et immobile et observer. On bouge uniquement s’il y a un projectile qui arrive sur nous, sur soi. Je n’ai pas eu à bouger. Mais quel stress ! Là j’ai décidé de ne plus revenir sur un volcan. Et j’y retourne quand même (rires).

Bliss : C’est ce rush là qui t’as rendu accroc ? Comme les sportifs ou les gens qui font des trucs extrêmes ?

Éric Chahi : Il y a une espèce de montée d’adrénaline c’est vrai. Ce fut une expérience assez extraordinaire pour moi. Je l’assimile à un traumatisme, mais un traumatisme positif. On angoisse complètement mais ce qu’on voit est tellement incroyable que l’on en retient un sentiment positif, même si au fond on n’a pas envie de le réitérer. Je ne fais rien pour me retrouver dans une telle situation. Quand je vais sur un volcan, je fais très attention et je reste beaucoup plus loin que cette première expérience volcanique.

Bliss : Tu as accumulé, semble-t-il, de véritables expériences sensorielles et même, en t’écoutant, du gameplay qui peuvent te servir à ton prochain projet de jeu, n’est-ce pas ?

Éric Chahi : (rires) Je ne peux rien dire mais tout vient nourrir. Comme je le disais tout à l’heure à propos de mon parcours en zigzag, quand on crée du jeu vidéo il ne faut pas s’intéresser qu’au jeu vidéo. Si on se nourrit de jeu vidéo pour créer du jeu vidéo on tourne en rond. Et on sort des jeux comme il en sort aujourd’hui à la pelle. Il faut s’intéresser à tout pour créer des jeux vidéo.

Bliss : N’y a-t-il pas un rapport entre le monde désolé alien et très rocheux d’Another world et celui des flancs de volcans ?

Éric Chahi : Complètement. Je suis passionné de désert aussi. J’aime les milieux arides, inhospitaliers… On retrouve des points communs entre le monde virtuel, par exemple d’Another world, et ce qui m’attire dans le monde réel.

Bliss : Est-ce que tu suis ce qui se passe en jeux vidéo ?

Éric Chahi : Oui, mais pas grand chose m’attire. J’aime bien les jeux originaux qui apportent quelque chose. Il y a des jeux que je commence sans les finir et il y ceux que je termine. Même si ça commence à dater, le dernier jeu que j’ai fini c’est Katamari damacy justement. Un jeu original que j’adore, un jeu qui parle. Qui m’a parlé. Je regarde ce qui sort comme consoles. J’ai joué à Half life 2, j’essaie des classiques sortis il y a quelques années que je n’avais jamais joué comme Civilization. Mais je ne suis pas forcément attaché à l’actualité du jeu vidéo. Je m’y intéresse sans suivre absolument au quotidien. Ça ne m’est pas indispensable. Je suis néanmoins très intéressé par la Wii. Je n’en n’ai pas encore mais je suis vraiment curieux de voir ce que donnent les jeux. J’ai une DS qui me plaît avec un certain nombre de jeux.

Bliss : Tu as une opinion sur ce qu’est devenu le jeu vidéo d’aujourd’hui ?

Éric Chahi : L’époque que j’ai connue était encore artisanale, aujourd’hui c’est une industrie. L’artisanat émerge encore avec un mouvement indépendant comme les développeurs de Darwinia ou de Chronic logic qui ont développé le jeu Gish (du même studio, Wik & the fable of souls est disponible sur le Xbox Live Arcade, ndlr). Mais du côté de l’industrie on sent la pression marketing. Les budgets des jeux sont tellement énormes, ont un tel besoin de rentabilité, que ce ne sont pas les créatifs qui dirigent ou orientent le contenu des jeux mais le marketing, l’aspect business. Ça conduit à refaire les mêmes recettes, les mêmes FPS ou jeux de voiture. Mais ça évolue un peu quand même. Tout est tellement marketing qu’il y a un mouvement de fond indépendant qui s’est élargi depuis deux trois ans qui cherche à créer des jeux sans prétention, plus conceptuels et un peu plus originaux que les autres, que les gros budgets tout du moins. Il faudrait aussi évoquer la responsabilité des éditeurs, des créateurs de jeux quand sort le énième jeu de guerre qui met en action sans retenu des GI dans la guerre du Golf. Il n’y aucun regard critique. Je trouve ça très dérangeant et je n’ai pas le sentiment que les éditeurs ou même les créateurs de ces jeux se posent des vraies questions de fond.

Bliss : Comment expliquer que tous ces créatifs du jeu vidéo acceptent et supportent de passer des jours, des mois, des années à recréer des situations de guerre avec les sons, les armes, les agonies ?

Éric Chahi : Peut-être que l’envie de travailler dans le jeu vidéo est plus forte que le problème éthique du contenu des jeux. Ils ont toujours espoir de se dire qu’après avoir commencé par ça ils travailleront sur un autre jeu. Et puis je pense qu’il y en a que ça ne dérange pas de bosser sur ce genre de jeu. Le programmeur se dit que de toutes façons ce qui l’intéresse c’est le code, le graphiste qu’il fait des animations sympa… Je caricature un peu mais il y a sans doute de ça. On peut y trouver son compte au niveau de la création. Mais dans l’ensemble, ce qui est généré au final n’est pas très beau. Quand on écoute les interviews de certains producteurs on remarque qu’apparemment ça leur plaît. La machine commerciale pressurise toutes ces personnes derrière. Il faudrait vraiment discuter avec les gens qui travaillent sur ces projets là pour avoir un regard plus éclairé. Je sais qu’il y a en France pas mal de développeurs qui en ont marre des jeux de guerre.

(à suivre…)

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Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2007 sur Chronicart.com)

 


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Éric Chahi : Another time (entretien 2/4)

(…)

Éric Chahi (DR)

Bliss : Pourquoi privilégier un remixe d’Another world à une suite que tu aurais pu même déléguer ?

Éric Chahi : Je n’ai jamais pousser derrière. Je ne suis pas quelqu’un qui aime les suites. Je préfère des créations originales. Quitte à construire un projet je préfère que ce soit neuf.

Bliss : Déjà téléchargeable sur Internet, la version retravaillée en haute résolution sort sur PC-CD Rom pour les quinze ans anniversaire de sa première sortie mais le jeu ne pourrait-il pas être disponible aussi en téléchargement sur le Xbox Live Arcade ou la Console Virtuelle de la Wii ?

Éric Chahi : Oui, si je lance un développement là-dessus ce serait possible. Il n’y a rien qui m’en empêche. Ce serait plus compliqué pour diffuser la version SuperNintendo sur Wii, je parle de la ROM originale. Il y aurait sans doute un accord à trouver avec Interplay qui avait développé le code à l’époque. J’ai tous les droits de la propriété intellectuelle sur le jeu mais je n’ai pas le code source des versions consoles (SuperNintendo, Megadrive et 3DO).

Bliss : Est-ce que tu vois des descendants à Another world ?

On m’a souvent posé cette question… Flashback (1992, Amiga) évidemment. Dans le domaine de l’évidence, et reconnu par son auteur Fumito Ueda, il y a Ico (2001, PS2). ça se ressent un peu. Mais je ne cherche pas trop…

Bliss : Après plusieurs années de travail et de réflexion solo, Frédéric Raynal (créateur français de jeu vidéo, Alone in the dark…) a expliqué que ce qui lui manquait le plus dans la réalisation d’un jeu était le travail d’équipe. Ce n’est pas ton cas…

Éric Chahi : Le travail d’équipe sur Heart of darkness m’avait un petit peu refroidi et vacciné. C’est une des raisons pour lesquelles je n’avais pas spécialement envie de repartir sur un projet. Mais avec le recul je réalise que ce n’est pas mal, voire même très bien. Ça permet de travailler plus vite et d’échanger des idées.

Bliss : Ton prochain projet ne peut plus être, à notre époque, un jeu « garage ». Qu’as-tu en tête ? Aura-t-il une influence cinématographique comme Another world ou Heart of darkness ?

Éric Chahi : Il y a encore tout de même quelques jeux faits maison mais ce que j’envisage ne peut pas être créé tout seul en effet. Il me faudra une équipe, pas petite mais pas aussi grosse que celles des projets next-gen non plus. Et non, il n’y aura pas cette dimension cinématographique.

Bliss : Que fais-tu depuis Heart of Darkness finalement ? Des choses qui ont rapport avec le jeu vidéo ?

Éric Chahi : Heart of Darkness a été une sacré tranche de vie, un peu trop longue, qui m’a poussé à prendre un peu de recul. J’étais quand même assez exténué. Je ne me voyais plus travailler dans ce milieu là pendant un certain temps. Et puis c’était le début de la 3D, l’évolution de l’industrie, des grosses équipes, des grosses prods, je ne me sentais pas trop à l’aise. En plus ce n’était pas très structuré à l’époque. Ça ne me correspondait plus, en sus de la fatigue et du raz le bol accumulé sur Heart of darkness. C’est vrai que cette période de recul a duré à peu près autant que le développement du jeu (plus de six ans) (rires). Mais je crée des jeux depuis très longtemps, depuis 1983. Et surtout, entre Les Voyageurs du temps (1989), Another world (1991) et Heart of darkness (1998) il n’y a pas eu vraiment de temps mort. J’avais vraiment besoin de reprendre mon souffle et de me ressourcer. Donc j’ai fait des choses qui n’ont rien à voir avec le jeu vidéo. J’ai créé un outil pour manipuler de la synthèse sonore. Un truc fait pour moi pas tout à fait finalisé ni évident à utiliser qui s’appelle Sympheo et que j’ai mis à disposition sur Internet. Dans le domaine du créatif, j’ai fait de la peinture abstraite… J’ai pas mal voyagé et je me suis découvert une passion pour les volcans. J’ai assisté à des éruptions, j’ai vu de la lave en fusion. La photo m’a toujours intéressé et là je me suis exprimé. Je cherchais à créer des images susceptibles de retranscrire au mieux ces activités.

Bliss : Travaux photographiques et peinture abstraite ont-il un rapport ?

Éric Chahi : Dans mes peintures il y a un certain dynamisme que l’on peut retrouver dans les photos de volcans. Et je cherche à cadrer les volcans pour capter une certaine esthétique dans le mouvement, l’énergie. Il y a des points communs entre les deux, oui.

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Éric Chahi : Another time (entretien 1/4)

Son premier succès, prémonitoire, se nommait « Les Voyageurs du temps », car en effet, depuis la sortie d’Another world il y a quinze ans, le créateur de jeux vidéo Éric Chahi voyage dans un autre espace temps. Six ans pour accoucher du houleux jeu suivant Heart of darkness et, depuis 1998, plus un mot.

Éric Chahi (DR)

Pourtant, quand on lui demande à l’occasion de la réédition anniversaire en version HD d' »Another world » s’il travaille encore dans le jeu vidéo, il répond naturellement oui et qu’il prépare un projet, comme si les huit dernières années de silence ne comptaient pas. En tous cas pas selon son horloge.

Bliss : Est-ce que le fait d’avoir conçu un jeu aussi marquant qu’Another world à l’âge de 24 ans, au point d’occulter le reste de tes réalisations, n’est pas finalement une malédiction ? Le poids de la notoriété et de son héritage n’empêchent-ils pas d’avancer ?

Éric Chahi : Another world n’a pas changé grand chose en fait. J’étais un peu connu pour Les Voyageurs du temps, puis pour Heart of darkness et évidemment Another world qui m’a vraiment fait connaître. Il n’y a pas longtemps que j’ai réalisé qu’il a survécu au passage du temps, au moins dans les mémoires. Ce n’était pas du tout clair au moment de sa création. A cause de la nature même du jeu, son aspect immersif, son contenu, il a marqué les gens. ça me fait super plaisir. Je vois bien qu’il y a une attente d’autre chose. On me demande, oui mais qu’est-ce que tu prépares Eric ? Mais c’est plus un moteur qu’un frein, ça ne m’empêche pas d’avancer. Il y un côté stimulant.

Bliss : Pourquoi la fausse traduction du titre Another world en « Out of this world » aux Etats-Unis ?

Éric Chahi : Parce qu’aux Etats-Unis, il existe un soap opera assez populaire daté de la fin des années 60 (diffusé de 1964 à 1999 sur NBC, ndlr) qui porte le même nom. L’éditeur Interplay a estimé que ce n’était pas judicieux de garder le titre original et a imposé « Out of this world ». Je pouvais difficilement dire grand chose. Il aurait fallu argumenter. Au niveau culturel, je ne connaissais pas suffisamment les Etats-Unis, et je n’avais pas une maîtrise suffisante de la langue anglaise pour savoir si le titre était pertinent pour un américain. J’ai laissé faire et puis voilà. Je ne pense pas que cela ait eu d’incidence. Les titres résonnent un peu pareil. Au Japon, le jeu s’intitule « Outer world », contracté probablement pour des raisons de prononciations.

Bliss : Tu as dessiné la fameuse illustration de couverture de la boite ainsi que tous les graphismes du jeu et, plus tard, tu as fait de la peinture abstraite. Ta première envie d’un jeu est picturale ?

Éric Chahi : C’est plus compliqué que ça. J’ai un parcours assez sinueux. Le jeu vidéo est le tronc principal depuis le début mais j’ai eu d’autres pôles d’attractions. Des centres gravitationnels comme l’illustration, l’animation, le cinéma qui ont fait que tout en restant dans le jeu vidéo je me suis parfois spécialisé dans des domaines bien précis. Quand j’ai commencé sur Oric en 1983, les graphismes étaient très sommaires, programmer ces jeux là était bien plus simple. J’ai évolué avec la progression technologique. Au début je réalisais tout. J’étais très attiré par les jeux d’arcade que je recréais. Et puis petit à petit je me suis découvert une passion pour l’illustration, l’image, la peinture, et quand il y a eu la période Atari, Amiga, j’ai commencé à buter en programmation. Je me sentais un peu largué, je me suis retrouvé dans une situation où je ne pouvais plus tout créer. Il fallait que je prenne une décision : m’orienter vers la programmation ou vers l’image. Et je me suis orienté vers l’image. C’est comme ça que je suis devenu graphiste pendant un certain temps. Et quand j’ai suffisamment dominé le sujet, à l’époque des Voyageurs du temps, je me suis remis à la programmation. Another world est ainsi né d’un ensemble de compétences. Il y a eu une synergie de l’ensemble des passions qui m’avaient traversé depuis que je m’étais intéressé au jeu vidéo. Illustration, animation, le cinéma, le montage se sont cristallisés dans Another world.

Bliss : Another world avait un feeling cinématographique bien en avance sur son temps. A quel point était-ce volontaire ?

Éric Chahi : C’est vrai que le cinéma est très présent avec le montage de l’introduction, mais en réalité -malgré les quelques changements de plans ponctuels- cette sensation perdure pendant le jeu parce qu’il a une structure cinématographique. Il a un rythme, des rebondissements, une mise en scène dans le jeu sans forcément des changement de plans. ça caractérise vraiment Another world. Si on enlève la séquence d’introduction, je trouve qu’il garde son essence cinématographique. Même s’il a aussi été fait d’improvisations, quand j’ai programmé les premières scènes sans savoir comment le jeu allait se terminer, j’ai structuré la manière dont les choses sont révélées au joueur. C’était voulu. Il y a bien quelques gros plans et recadrages mais ce sont d’avantage des ponctuations qui ne cassent pas l’interactivité. Dans Heart of darkness, justement, les séquences de type cinématographiques étaient fluides mais trop longues et nuisaient à l’interactivité du jeu. Je ne suis pas un fan des cinématiques dans les jeux je trouve que c’est chercher à imiter le cinéma au détriment de l’interaction qui définit vraiment le jeu vidéo. En tant que joueur je ne suis pas trop fan des jeux avec des longues séquences où on ne fait rien du tout. Sur Another world j’ai énormément travaillé sur le ressenti. Je prenais du recul par rapport à la création du jeu et j’essayais de le vivre comme quelque chose de neuf et après j’écoutais ce que ça donnait par rapport à ce que je voulais communiquer. C’était un peu schizophrène comme approche, être à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du jeu.

Bliss : La notion de coopération, un mot devenu marketing, où deux personnes dans le jeu s’entraident pour faire des choses, descend aussi d’Another world, non ?

Éric Chahi : Dans les jeux de guerre ? Je ne crois pas. La coopération entre les deux personnages d’Another world est assez émotionnelle. Alors que les jeux de guerre héritent de l’aspect sportif. N’importe quel jeu d’équipe a plus d’influence sur ces jeux qu’Another world. Quand j’ai créé Another world, je n’avais aucune idée du succès qu’il allait rencontrer (400 000 exemplaires vendus environ). Mais par contre j’étais bien conscient qu’il y avait des éléments nouveaux : il n’y avait aucun score à l’écran, alors que la plupart des jeux affichaient le nombre de vies, les points, les jauges d’énergie, etc. Et il y avait l’aspect cinématographique, le côté mise en scène. C’était les deux points dont j’étais conscient. La relation entre Lester et l’ami extra-terrestre c’est faite en revanche un peu spontanément. Pendant longtemps, cet aspect là ne m’a pas semblé très novateur ni important. Avec le recul, c’est vrai que c’est une des caractéristiques du jeu qui apporte beaucoup de sens à l’ensemble de l’expérience. Je me suis rendu aussi compte qu’Another world avait marqué des joueurs mais aussi des développeurs. Mais j’ai un regard critique, il a marqué mais je ne l’encense pas. Il a ses qualités mais aussi ses défauts. (…)

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Zelda Twilight Princess : l’ombre d’un chef d’œuvre

La différence entre une œuvre inspirée et une réalisation réussie est de l’ordre de celle qui distingue Ocarina of Time de son descendant appliqué Twilight Princess. Un chef d’œuvre et son ombre. Réflexions en direct d’Hyrule.

Zelda TP by Bliss

Malgré tout le capital passionnel qu’il véhicule avec raison depuis 20 ans, le dernier – nouveau – Zelda laisse beaucoup plus froid, voire indifférent, que ses prédécesseurs. Pourtant, la presse unanime valide avec des notes « osant » ou frôlant le 10/10 la descendance avouée avec Ocarina of Time, chef d’œuvre désormais incontestable, mais que peu en dehors d’Overgame (Bliss donc, NDR 2015) et du magazine Edge ont osé porter aux nues dès la sortie en 1998 (10/10). Puisqu’en terme de contenu (durée, nombre de donjons, multitude de taches annexes) et de finition technique, ce Zelda offre plus de jeu à jouer que son référent Ocarina of Time, la quantité impose aux observateurs attitrés et défenseurs du gamer consommateur, le raisonnement du « value for money ». Et l’argument tient si l’on reste au niveau du jeu loisir, de la distraction durable, de l’amortissement de son prix d’achat. Mais, quitte à froisser quelques certitudes, les jeux Zelda, jusqu’à aujourd’hui, se sont toujours élevés au-dessus de leur condition jusqu’à titiller, selon l’appréciation de chacun, des cimes interactives indistinctes auparavant et aussitôt en manque de définition, de description, de vocabulaire.

En quête d’inspiration

En bref, quoi qu’inspiré par tous les précédents Zelda, Twilight Princess manque cruellement d’inspiration. Si les jeux Zelda se sont volontiers laissés influencer, même sous forme de clins d’œil, par les tendances du moment (les phases d’infiltration de Link dans Wind Waker), jamais ils n’ont aussi explicitement évoqués la concurrence sans, en parallèle, aller plus loin. Au point qu’il s’avère difficile de départager les hommages haut de gamme de l’absence d’idées propre. La mémoire reste ainsi davantage marquée par le Boss du Temple de l’eau que par les autres parce qu’il ressemble ouvertement à l’un des colosses de Shadow of The Colossus. Les créatures noires aux formes indistinctes en provenance du royaume du crépuscule évoquent, elles, les monstres de fumée de Ico, la première œuvre de Fumito Ueda et Kenji Kaido. Comme il a été dit précédemment, il reste inutile de comparer point par point les similitudes entre ce Zelda et l’Ovni Okami de Clover Studio sauf à rester stupéfié qu’un émule comme Okami innove et fasse mieux que son maître Zelda, avant lui, sur une console PlayStation 2 moins puissante, aussi bien d’un point de vue graphique et conceptuel que dans l’utilisation du loup, nettement plus gracieuse.
Après la surprise et les quelques émois du retour dans les lieux familiers, transformés et agrandis, du monde d’Ocarina of Time, le village Kakariko, le lac Hylia, le désert de Gerudo ou le domaine des Zora, ce dernier Zelda transformé en pèlerinage fait regretter qu’il fonctionne plus sur la nostalgie que sur la mélancolie.

L’ombre de lui-même

D’où surgit la petite Midna quand on appuie sur le haut de la croix de la Wiimote dans ce Zelda devenu Wii ? De l’ombre de Link couchée à ses pieds. Planquée à l’affût dans les coulisses des agissements du héros, celle-ci s’arrache brusquement à sa servitude, se détache du sol, s’anime et prend la forme de Midna alors devenue une silhouette provisoirement autonome. Cette jolie trouvaille symbolise, de façon assez tordue d’ailleurs, les limites de ce Twilight Princess, double respectueux de Ocarina of Time offrant au joueur un menu « supersize » plus bourratif que raffiné.

Link, le robot

Compilation presque exhaustive de toutes les interactivités inventées par ses aînés, ce Zelda cumule les mécaniques de jeu et s’empêtre dans une froideur justement mécanique. Un Link discipliné, accomplissant sans faillir les épreuves et prouesses que l’on attend de lui depuis toujours, mais un Link robotique que même la présence à ses côtés, ou en lui, d’animaux (loup, faucon, cheval, singes, sangliers, nintendogs and cats) ne rend pas plus vivant ni même humain. Le style graphique de Wind Waker semblait une prise de risque artistique inutile à l’époque sur GameCube mais confirme, maintenant que le monde reçoit le Link pseudo réaliste réclamé, que la sincérité et la vérité du personnage existe dans l’enfance, son enfance.

Les limbes des origines

Link a un syndrome de naissance que Twilight Princess met à jour : il ne pourra et ne devra sans doute jamais être adulte. C’est toute la difficulté et l’ambivalence de ce Twilight Princess de chercher à l’être un peu, puisque la communauté le demandait, mais qui coince toujours malgré tout Link dans l’adolescence. Les signes d’une volonté de sortir des limbes, de s’auto accoucher sont pourtant là. Le seuil entre le monde de la lumière et celui du royaume du crépuscule se concrétise sous la forme d’un gigantesque triangle noir tiré tel un rideau au milieu du chemin, une « origine du monde » encore plus mystérieuse et inquiétante de près car couverte d’indéchiffrables signes cabalistiques. Pour y pénétrer, le Link fondamentalement incapable de devenir adulte, doit impérativement se transformer en loup, comme si tout acte de virilité assumé, y compris celui de l’apparition d’un système pileux, devait passer par une mutation alien. Même ainsi masqué en loup, Link doit subir, avant de franchir le pas, les railleries et avertissements quasi castrateurs d’une Midna qui renvoie à l’angoisse ressentie par le jeune mâle pubère devant la gente féminine. Une fois à l’intérieur, le loup Link utilise ses sens pour suivre, dans le tunnel obscur et claustrophobe que provoque son odorat, un filet rose le conduisant à des enfants qu’il doit libérer, arracher à l’obscurité, faire revenir à la vie. Cette mystérieuse symbolique utérine cristallise-t-elle l’impossibilité génétique de Link de passer à l’âge adulte malgré toutes les incitations ? Ou symbolise-t-elle, en général, pour une fois de façon plus sexuée, la difficulté de grandir ? A moins qu’il s’agisse là d’une aspiration à peine formulée aussitôt avortée, d’accoucher une bonne fois pour toute de son enfance.

Éternelle enfance

A décrire, les aventures de Link n’ont rien d’exceptionnelles. Quoi de plus banal qu’un jeune héros, que rien ne prédestinait, sauvant royaume et princesse épée à la main ? La majorité des RPG japonais s’appuie sur ce canevas. Pourtant, quand le petit personnage sort de sa maison en pleine nuit sous la pluie au début de A Link to The Past, ou s’embarque sur l’océan à bord de son frêle esquif dans The Wind Waker, l’émotion émerveillée ressentie par le joueur n’est pas accessible qu’aux enfants. Avec les jeux Zelda, Nintendo a réussi une manipulation tout à fait magique de la position du joueur-spectateur. Le jeu glisse si bien le joueur dans les petits souliers de Link que tous les dangers, mystères et clichés héroïques qu’un adulte devrait balayer d’un geste réducteur sont vécus avec la même importance et gravité premier degré qu’on imagine un enfant éprouver devant l’épreuve. Le joueur traverse l’aventure à la hauteur de l’enfant Link. Ni débilitantes ni infantilisantes, les aventures de Link communiquent au joueur des émotions puisées dans l’enfance sans pour autant lui enlever sa maturité d’adulte ou de jeune adulte. On le sait, les péripéties de Link sont ainsi nées des souvenirs d’enfance de Shigeru Miyamoto lorsqu’il s’amusait dans les bois, et tous les jeux Zelda ont continué à développer cette qualité émotionnelle qui ne peut être vécue que par un enfant. Quelles émotions devraient provoquer un Link devenu vraiment adulte ? Pourraient-elles encore être fidèles aux souvenirs de jeux d’enfance de Shigeru Miyamoto à l’origine de la saga ? Les tentatives de transformer Link en jeune adulte n’ont été jusque là que temporaires voire masquées. Et celle, plus affirmée, de Twilight Princees, prouve la sècheresse que provoque sur le jeu la mutation.

Jeux de masques

Dans Ocarina, un Link enfant et un Link presque adulte cohabitaient alternativement, mais, telle une aspiration à devenir avant l’heure, le Link presque adulte était fantasmé, irréel, comme une projection probable du futur, non une affirmation du présent. Majora et son monde parallèle, faisait évoluer uniquement le petit Link enfant. En mutation, peut-être en quête d’identité parce que englué dans ce corps de garçonnet, celui-ci ci enfilait de nombreux masques et se transformait en toutes sortes d’entités. Au fond, Nintendo esquivait ainsi déjà le passage à l’âge adulte de Link. Avec son rendu en toon-shading Wind Waker assuma ouvertement une stagnation dans l’enfance. Elle fut décriée à l’époque mais finalement plus en accord avec l’origine du héros et, ce que l’on finit par comprendre en traversant avec une indifférence inquiétante Twilight Princess, sa vibration intérieure. Le Link adulte, qui ne l’est d’ailleurs toujours pas vraiment dans Twilight, ne saurait exister sans perdre sa raison d’être en tant qu’aventure interactive émotionnelle. Si Link devenait vraiment une personne adulte, tout son univers, celui d’Hyrule, ses grottes, ses fées, ses châteaux féodaux, n’auraient plus aucun sens. La charge émotionnelle, la candeur nécessaire du héros et du joueur embarqué dans l’aventure ne fonctionnerait plus. Il faudrait inventer un autre monde, plus vrai, moins fantasmé, moins contes et merveilles, moins naif. Link deviendrait alors un Conan, un Aragorn du Seigneur des Anneaux, ou même un Dante de Devil May Cry ajoutant un canon scié à son Excalibur.

Le QI entre deux chaises

Œuvre tout de même complexe, ce Zelda retrouve aussi la tradition plus fine des niveaux de lecture toujours intrigante puisqu’il est, encore une fois, impossible de distinguer les intentions volontaires ou inconscientes des créateurs. Le mot Twilight du titre par exemple, littéralement, le demi-jour, le clair-obscur, ou plus simplement, le crépuscule, évoque un entre deux. Un moment suspendu entre deux lumières, deux états. Un mot plein de mystère parfait pour décrire le destin suspendu du royaume d’Hyrule (éclairé) menacé par les ténèbres, comme celui de Link, tantôt jeune homme, tantôt loup, ou même de la petite Midna puisque en cours d’aventure, l’esprit de la princesse Zelda l’habitera.
Twilight, le crépuscule, l’heure entre deux, entre chien et loup (!), mais aussi, concernant le logiciel de jeu : entre deux consoles, la GameCube et la Wii, entre deux ères, celle d’avant et celle du futur que l’interface de la Wii esquisse. Dans le cas de la console Wii, il semblerait que l’entre deux soit plutôt du côté de l’aube que du crépuscule. La console blanche célèbre la naissance d’une interactivité et laisse sans doute derrière elle quelque chose comme l’obscurantisme moyenâgeux des balbutiements interactifs. Cet état intermédiaire souligné de toute part par Twilight Princess rappelle très explicitement que le nom de baptême de Link signifie toujours chaînon manquant, le maillon intermédiaire entre deux évolutions du temps, de la matière ou de l’esprit.

Wii, mais…

Bien entendu, la greffe tardive réussie de l’interface de jeu Wiimote + Nunchuk offre à ce Zelda le petit plus innovant qui lui permet d’être à la hauteur de la lignée. D’un point de vue technique et ergonomique, le jeu est quasi sans faille et l’on comprend, après quelques chevauchées à bride abattue et sabre au clair sur les plaines d’Hyrule que les contours au couteau de l’horizon et les textures peu détaillées sont au service d’une fluidité irréelle. Les limites graphiques auto imposées par Nintendo (pas par la console qui doit pouvoir faire mieux si l’on se rappelle le chatoyant Starfox Adventures de Rare aux premières heures de la GameCube) permettent à Link de se battre avec de nombreux ennemis à l’écran, de les faire exister très loin dans l’horizon (goblins, rapaces et autres bizarreries de la nature sauvage). L’accès instantané à un équipement plus copieux que jamais comme aux transformations immédiates en loup en disent long sur l’orientation du travail de Nintendo. Tout est au service de l’ergonomie, de la véracité des gestes et de l’instant. A ce titre, et à celui de la conception des donjons (même quand leur résolution est trop technique), Twilight Princess est sans égal et conforme à la philosophie Nintendo qui affirme et démontre avec la Wii que le jeu est plus dans le geste que dans l’apparence. Mais Zelda reste un cas à part. Jusqu’à cet épisode bâtard entre la GameCube et la Wii, les jeux Zelda ont toujours proposé, de la 2D à la 3D, une fusion cohérente et hors norme entre une interactivité fignolée et des visuels repoussant les limites attendues, dans son propre univers (les plaines de OoT, l’océan de WW) et dans le contexte technologique de la console du moment. Sur Nes comme sur SuperNes et N64. Même le doublon Majora’s Mask sur Nintendo 64 profitait, à son détriment vu les ralentissements, de l’Expansion Pack ajoutant un surcroit de puissance d’affichage au jeu. Tout au service de son optimisation fonctionnelle, la nature figée du royaume d’Hyrule fait regretter les palpitations du monde terrestre et maritime de Wind Waker où le vent prêtait vie au moindre brin d’herbe sur une GameCube alors au firmament. Contrairement à tous ses prédécesseurs, précurseurs tout en restant fidèles à leurs origines, ce Twilight Princess regarde tellement vers le passé, que même les incursions technos du royaume du crépuscule (où la technologie du futur représente LA menace de l’ordre des choses immuables) ne permettent pas d’apercevoir le futur de Link. A moins que la puissance graphique d’une Wii 2 alliée à une Wiimote next-gen réinsuffle la vie qu’il manque désormais cruellement au monde d’Hyrule. Rendez-vous dans cinq ans ?

François Bliss de la Boissière

(Publié le 22 décembre 2006 sur Overgame.com)

 


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Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 3/3 : Hollywood du pauvre)

Des anciennes célébrités comme Robert Duvall ou James Can, aux méconnus Ron Perlman ou Michael Wincott, du culte Michael Madsen aux obscurs acteurs de séries TV, l’armée des ombres d’Hollywood infiltre le jeu vidéo. État des lieux, part. 3… 

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Hollywood du pauvre

Quand un éditeur comme Electronic Arts annonce en fanfare que « les plus grands talents d’Hollywood composent le casting de Command & Conquer III », un RTS, il faut lire ensuite entre les lignes que les dits acteurs jouent sur les séquences vidéo, que ceux-ci, pas si célèbres, sont cités bien après les films ou les séries TV où ils ont participé. Pour les cinématiques ou pour les séquences interactives, le jeu vidéo emploie en réalité depuis plusieurs années une foule sans cesse grandissante d’acteurs de seconds plans, prêt à cachetoner pour prêter leur voix, mal dirigés en l’absence flagrante de sérieux directeurs d’acteurs et, à l’oreille, peu motivés malgré leur talent naturel. Des jeunes, Michelle Rodriguez, Halo 2, comme des vieux, Kris Kristofferson, Gun. « Il faut bien nourrir sa famille » nous avait confié en toute ingénuité américaine le pourtant toujours excellent Ron Perlman (La Guerre du feu, Alien: Resurrection) en 2004 lors de la promotion du film Hellboy où il avait, enfin, humble et heureux quoique que grimé en diable rouge, le premier rôle. Précurseur sur le créneau et représentatif de cette population sans corps mais entendu dans des dizaines de séries animées de la TV, Perlman a participé à 17 jeux depuis 1995 dont les Fallout et Les Chroniques de Riddick avec Vin Diesel. Trogne ingrate pour l’écran, âge trop avancé mais voix toujours imposante suffisent à retrouver un acteur en train de donner de la voix dans un jeu vidéo. La machine à cracher du dollar qu’est devenu le jeu vidéo réussit même à se payer la participation de pointures moins has been que d’autres comme Robert Duvall ou James Caan sur Le Parrain (mais Al Pacino, toujours au premier plan, n’a pas participé à la version Interactive de Scarface). Et si Michael Madsen, célèbre pour manger à tous les râteliers, est venu rejouer les Mister Blond dans la version interactive de Reservoir Dogs, il est bien le seul. Enregistrés en quelques demi journées, soumis à des contraintes techniques drastiques comme le time code qui minute à tous prix le dialogue et malgré la présence de vétérans du cinéma, de la télévision et du doublage, les performances d’acteurs n’existent pas dans le jeu vidéo ou, comble, elles sonnent faux. Et quand une performance vocale sort exceptionnellement du lot comme celle du Prophète de la Vérité de Halo 2, tout le monde croit reconnaître la voix de John Hurt (Alien, V pour Vendetta) alors qu’il s’agit de Michael Wincott (Strange Days, Alien: Resurrection). Les voix sont la plupart du temps désincarnées, peu appropriées à la scène, et on peut même douter que les comédiens aient vraiment l’occasion de se donner la réplique. La voix rauque de Michael Ironside en Sam Fisher dans Splinter Cell est, par exemple, d’une neutralité affligeante. Cela est dû en partie au procédé qui consiste à enregistrer des répliques, à l’intonation forcément passe-partout, destinées à être réutilisées dans de multiples circonstances du jeu (« bonjour », « tu vas mourir », « votre mission sera »…). L’artificialité de la présence des acteurs est d’ailleurs totalement confirmée avec les versions européennes des jeux qui, localisées dans le jargon, sont majoritairement doublées en VF. Seul le studio Rockstar laisse systématiquement et avec pertinence ses productions en VOST, et malgré le succès commercial et critique de cette politique d’édition, elle fait peu d’émule chez les autres éditeurs.

Plan sur plan plan-plan

Pire syndrome justifiant la présence de vrais acteurs dans des jeux vidéo, les versions interactives de quelques monuments du cinéma ne se contentent pas de proposer une extension interactive (toujours discutable) du film mais recopient presque plan pour plan des scènes du film, le plus souvent avec les voix d’acteurs de remplacement. Comme si l’on se mettait à faire des remakes live de dessins animés (Shrek ?) ou des remakes en images de synthèse de films avec de vrais acteurs (Certains l’aiment chaud ? A bout de souffle ?). Malin, tout en offrant sa bénédiction, Hollywood laisse l’industrie du jeu vidéo se torpiller elle-même avec ce procédé si cheap et si inutile qu’il ne peut que renvoyer le spectateur en salles ou devant son DVD. Le générique des Warriors (79) de Walter Hill est ainsi reconstitué à l’identique en vilaine 3D avec de hideux personnages virtuels. Des scènes célèbres du Parrain de Reservoir Dogs et de Scarface sont décalquées avec une gaucherie et une laideur ahurissante. Les thèmes musicaux originaux veulent aider à compléter l’illusion mais cristallisent surtout la candide bêtise de la démarche. Sega vient de signer avec la Fox pour ressusciter la franchise Alien sous la forme de deux jeux, un FPS et un RPG. Naturellement, Sega va chercher à faire participer Sigourney Weaver et Lance Henriksen. Bien qu’il n’arrêtent pas de travailler, la carrière des deux acteurs ne fait plus les têtes d’affiche. Leur collaboration devrait donc facilement être acquise et puisque le premier jeu n’est pas prévu avant 2009 (!) on peut espérer que le jeu vidéo et le cinéma ait réussi à s’inventer d’ici là un vrai terrain d’entente créatif. La participation active de la Sigourney Weaver déjà productrice avisée des deux derniers films Alien pourrait, devrait, être un plus.

A lire : État des lieux, part. 1 : La quête de l’essence
A lire : État des lieux, part. 2 : Apprentis sorciers

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


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Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 2/3 : Apprentis sorciers)

Depuis longtemps déjà certains concepteurs de jeu jouent en douce aux metteurs en scène de cinéma à travers leurs jeux vidéo. Récemment, ce sont des cinéastes accomplis qui se rêvent réalisateurs de jeu. État des lieux, part. 2…

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Apprentis sorciers

Il n’y a pas que le jeu vidéo qui se fasse infiltré par un autre médium comme le cinéma. Presque aussi digital que le jeu vidéo, le cinéma à effets spéciaux se laisse lui aussi influencer plus ou moins maladroitement par l’ère numérique entre les mains des cinéastes de la génération interactive ou voulant faire moderne. Pour des résultats plus contre nature que satisfaisant. Quand quelques cadrages empruntés à Metal Gear Solid ou clins d’œil complices à Soul Calibur font sourire dans le film Le Pacte des Loups de Christophe Gans en 2001, son adaptation cinématographique trop littérale et vide de toute émotion (ni peur ni empathie) du jeu Silent Hill fait pleurer. Le cinéma récent emprunte ainsi au jeu vidéo des mouvements de caméra impossibles « en dur » comme les travellings invraisemblables qui survolent des millions de soldats pour venir filmer un point minuscule d’un gigantesque décor avant de repartir vers un horizon infini. Des aberrations physiques qui fonctionnent bien dans Un Seigneur des Anneaux fantasmatique mais nuisent aux reconstitutions à vocation réaliste comme le Alexander d’Oliver Stone (2005). Contrairement au cinéma qui, jusqu’à ces dernières années, construisait le décor de façade nécessaire et suffisant au cadre prédéfini de la caméra, le jeu vidéo se fabrique des décors complets à 360° sans avoir besoin de penser où sera la caméra puisque, avant tout, le joueur lui-même y pénètrera avec son avatar ou, immergé jusqu’au cou, en vue subjective. Une fois l’environnement virtuel construit, la caméra, toute aussi immatérielle, peut s’installer n’importe où. Évidemment, au lieu de valoriser l’espace, les game designers s’amusent comme des petits fous avec leur nouvel outil de liberté et, loin de l’habile cinéma qui sublime tout avec peu, diminuent l’impact de ce qu’ils veulent montrer au lieu de l’amplifier. Depuis longtemps déjà le jeu vidéo aurait dû faire appel à des cinéastes pour mettre en scène ces séquences ou, au minimum les storyboarder. Mais comme pour le scénario et les dialogues conçus de façon tout aussi amateur, officiellement pour des raisons de budgets mais surtout, par orgueil et culture artisanale persistante de l’homme orchestre, développeurs et éditeurs en font l’économie.

Et quand un réalisateur de jeu vidéo multitalentueux comme Hideo Kojima se laisse aller à de longues séquences non interactives dans ses Metal Gear Solid (trailers fameux ou même, in game), la virtuosité de ses mises en scène révèle surtout un amour immodéré du cinéma qui n’a fondamentalement plus rien à voir avec le jeu vidéo. Dans un MGS, des épisodes cinéma-manga succèdent à des séquences de jeu, et inversement. Le collage peut réjouir mais ne fait que renvoyer les deux médiums dos à dos. En cherchent à briser la passivité du spectateur en réinjectant une interactivité surprise et ponctuelle dans des séquences non interactives, les QTE (Quick Time Event) inventés par Shenmue (Dreamcast, 1999) sont peut-être recevables en tant que jeu vidéo quand ils se rapprochent assez du système des combos (enchaînement rapide d’actions sur des boutons) comme dans God of War, mais descendent aussi du malfamé et binaire Dragon’s Lair quand il s’agit d’appuyer sur un bouton pour enchaîner, ou non, sur l’événement suivant, comme le maquille fort bien Resident Evil 4. En 1981, le cinéaste alors trash John Waters avait proposé avec son film Polyester un procédé de visionnage en Odorama interactif digne du label QTE : une icône sur l’écran signalait au spectateur le moment de gratter telle ou telle surface d’un carton à renifler en regardant les images.

Fusions forceps

John Landau, proche collaborateur de James Cameron, explique pour justifier le rapprochement inévitable du cinéma et du jeu vidéo que, dorénavant, le cinéaste titanesque envisage de travailler sur un plateau totalement virtuel, y compris avec des silhouettes digitales. Il est suggéré ici que Cameron répétera tout son film en numérique avant de décider comment le filmer. David Fincher (Panic Room, 2002), autre cinéaste à l’avant-garde digital, utilise depuis longtemps lui-même l’image de synthèse animée pour, en particulier, remplacer le storyboard dessiné traditionnel. Et, dans un mélange de réticences et d’enthousiasme, Steven Spielberg – dont la scène du débarquement de son Soldat Ryan (98) a provoqué toute la vague de jeux de guerre en vue subjective de Medal of Honor à Call of Duty et qui travaille sur trois jeux « inédits » avec Electronic Arts – vient de se mettre lui aussi au storyboard digital numérique avec La Guerre des Mondes. Le décor de synthèse en 3D du film Avatar de James Cameron doit pouvoir servir au jeu vidéo en ligne et multijoueur. « Les films et les MMO (comme World of Warcraft) ne sont pas très différents » affirme John Landau. Pour lui, la création « physique » d’un monde virtuel suffit à faire le rapprochement entre les deux médiums. Une appréciation évidemment toute personnelle. Les MMO sont une branche très particulière et assez paresseuse du jeu vidéo puisqu’il s’agit fondamentalement d’offrir un terrain d’exploration virtuel sans limite d’espace et de temps réel où les joueurs errent rythmés par leurs rencontres et, essentiellement, leurs affrontements à l’aide de quelques outils interactifs (armes, gestions d’objets, interface de communication…). Les fameux Sims, ou même les MMO, sont plutôt au jeu vidéo ce que la télé réalité (Loft Story) est au cinéma. Bien qu’interactif et nécessitant la participation active du joueur, le jeu vidéo au sens plein est pourtant bel est bien un moyen d’expression, un art. Il a besoin d’un auteur pour lui insuffler une personnalité qui s’exprime non seulement dans l’apparence mais dans les rouages de l’interactivité, celle là même qui singularise totalement l’expérience jeu vidéo pendant qu’elle ne cesse, de Tetris ou Rez à Gears of War ou Super Mario Galaxy sur Wii, de repousser ses limites. L’espace, le temps, le degré de réactivité, les changements de rythme, la présence physique du monde et des codes de conduites associés, les personnages jouables ou non, sont autant d’instruments avec lesquels un jeu vidéo doit jouer sa musique originale. Même si le fameux qualificatif « bac à sable » essaie de résumer une forme de liberté d’agir dans le jeu vidéo, il ne faut pas le confondre avec une absence de contrôle des mécanismes de jeux. Au contraire.

Incestes

Assez curieusement, l’introduction du virtuel dans le cinéma lui enlève chaque jour de sa sincérité et, à l’inverse, et même laborieusement, l’arrivée des acteurs dans le jeu vidéo, donne un peu plus de réalité au jeu vidéo. Les deux médiums se rejoignent donc en effet quelque part sur un terrain un peu commun à mi chemin du réel et du virtuel et c’est peut-être à ce carrefour que James Cameron et Peter Jackson croient possible d’attraper une nouvelle essence. Les deux médiums peuvent effectivement profiter l’un de l’autre pour explorer un peu plus leur condition mais c’est forcément une erreur de croire, pour résumer, qu’il manque l’émotion cinéma au jeu vidéo et l’interactivité au cinéma et que d’une fusion des deux médiums surgira une entité plus efficace ou plus légitime. La fusion artistique semble pourtant possible entre jeu vidéo et cinéma pour Lorne Lanning qui après dix ans de jeu vidéo Oddworld (Abe, Munch, Stranger), se tourne, à l’inverse de la tendance, vers le cinéma pour mettre en scène son film Citizen Siege (jeu également), mais « elle viendra des créateurs indépendants, pas des grosses entreprises » (studios de cinéma ou éditeurs de jeux vidéo) précise-t-il dans le mensuel Chronic’Art (31, décembre 2006). Il faudra bien tout le talent de créateurs innovateurs comme James Cameron et Peter Jackson pour dépasser des syndromes de la convergence que le cinéma et le jeu vidéo ont déjà connu avec, notamment, le tristement célèbre Dragon’s Lair (en arcade sur disque laser dès 1983), un dessin animé où il fallait appuyer de temps en temps sur un bouton pour déclencher une séquence, ou les risibles « jeux » psychorigides intégrants des séquences vidéos (FMV) vaguement interactives (Night Trap, 1994). Les amateurs de cinéma et les gamers se toisent déjà les uns les autres avec circonspection et même, souvent, un mépris silencieux. Aussi cousins qu’ils soient, comme le démontre chaque adaptation vulgaire d’un film en jeu ou d’un jeu en film (ou directement en DVD comme le seront les prochaines, et sans doute désolantes productions de Uwe Boll : Bloodrain 2, Alone in the Dark 2…), tout amalgame malheureux entre le jeu vidéo et le cinéma prend le risque de les transformer plus durablement en frères ennemis. Au delà du tabou qualifié d’inceste, marier les membres d’une même famille est médicalement prohibé pour éviter la naissance d’un être consanguin fragile voire, génétiquement, dégénéré. Que le cinéma et le jeu vidéo partagent leurs ressources semble naturel, mais pour garder leur intégrité réciproque n’auraient-ils pas plutôt intérêt à rester à distance ?

A lire : État des lieux, part. 1 : La quête de l’essence
A lire : État des lieux, part. 3 : Hollywood du pauvre

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


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Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 1/3 : La quête de l’essence)

Après les frères Wachowski, Vin Diesel, John Woo et Steven Spielberg, Peter Jackson et James Cameron se mêlent aussi de faire du jeu vidéo. L’ambition grimpe, pourtant, jeux et cinéma continuent de se faire du mal. État des lieux, part. 1…

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Les frères Wachowski y ont cru avec Matrix. Vin Diesel aussi, à sa manière avec Les Chroniques de Riddick et, bientôt, The Wheelman, et John Woo, fâché de se faire piller, s’y jette aussi en personne avec Stranglehold. Et Spielberg, bien sûr, s’en mêle jusqu’au cou. Maintenant c’est au tour de James Cameron et Peter Jackson de s’y engager. Mais d’où vient cette fausse bonne idée que, cousins, jeu vidéo et cinéma doivent fondre l’un dans l’autre ?

La quête de l’essence

Après des années de cohabitation maladroite faite de copiés-collés commerciaux, le cinéma et le jeu vidéo entament une nouvelle collaboration qui ne cherche plus seulement à transposer chaque médium dans l’autre mais à, semble-t-il, fusionner. Avec des nouveaux parrains comme James Cameron et Peter Jackson la sincérité de la démarche ne se discute pas. Mais qu’en est-il exactement ?
De retour des abysses, James Cameron travaille depuis un moment déjà à un projet cinématographique baptisé provisoirement Avatar, une love story au cœur d’une guerre interplanétaire. Fervent défenseur du cinéma tout digital, Cameron devrait tourner son film avec de nouvelles caméras 3D et rêve de projections idoines. En parallèle, il s’est associé à la société Multiverse fondée en 2004 par des anciens ingénieurs de Netscape, spécialisée dans la création de jeux massivement multijoueur en ligne, pour créer un monde persistant (MMOG) à partir du même univers que son film.
Peter Jackson de son côté, qui s’ennuie, dit-il, au cinéma au point, aujourd’hui, d’apprécier d’avantage les jeux vidéo, est monté sur la scène du Théâtre de Catalogne à Barcelone pendant la manifestation X06 de la division jeux de Microsoft en septembre dernier pour rappeler que non seulement il continuait de produire le film Halo (projet abandonné en octobre suite au désengagement financier de la Fox et de Universal) et participait aux prochains jeux de la série, mais qu’il allait tenter de créer une œuvre de loisir encore innommable qui serait ni du cinéma ni du jeu vidéo ou, évidemment par déduction, un peu des deux à la fois.
Une initiative saluée par Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft : « L’alliance des industries du cinéma, des effets spéciaux numériques et du jeu vidéo est une bonne chose. C’est le bon chemin pour apporter plus d’émotions dans le jeu vidéo, ces types (cinéma et effets spéciaux) savent comment créer de l’émotion et ils vont aider notre industrie à y parvenir. »

De l’utopie au mirage

L’espèce de fusion artistique – la commerciale on la connaît, à quelques exceptions près (King Kong, Riddick) les adaptations de films en jeux sont une impasse créative – que veulent tenter de tels cinéastes révèlent surtout la méconnaissance de l’essence, il est vrai insaisissable, du jeu vidéo.
Sans prétendre se substituer à ces forces créatives autant artisans-ingénieurs-inventeurs de leur métier que visionnaires qui ont largement fait leurs preuves au cinéma et qui peuvent fort bien accoucher d’œuvres impensables avant leurs naissances, une lucidité hors commerce voudrait tout de même faire quelques observations et rappeler quelques fondamentaux que les pourtant très connaisseurs frères Wachowski n’ont eux-mêmes pas respecté en se contentant d’insérer des séquences de film inédites dans le jeu vidéo Enter The Matrix qui devait concrétiser la synergie ultime entre le cinéma et le jeu vidéo. Le résultat catastrophique reste en mémoire. Parce que le jeu vidéo contemporain partage avec le cinéma les images qui bougent, la musique, les bruitages et, de plus en plus, les effets spéciaux et les comédiens, on croit en déduire une filiation qui n’aurait pas encore maturée en un hypothétique potentiel. L’intimité certes existe, de plus en plus d’artistes et de techniciens travaillent dans l’un et l’autre milieu et apportent forcément leur savoir faire. Le compositeur Harry Gregson-Williams, par exemple, doit sa plus grande célébrité à la BO des jeux Metal Gear Solid alors qu’il a composé plusieurs dizaines de scores de films à succès, dont Shrek et Kingdom of Heaven. Après la réussite du jeu vidéo Les Chroniques de Riddick s’insérant habilement entre les épisodes du grand écran de la saga Riddick, l’acteur-producteur Vin Dielsel, amateur avisé de son image et de jeux vidéo – il a créé le studio de développement Tygon Studio – continue sur sa lancée et développe en parallèle le film et le jeu The Wheelman dont il est la vedette. Agacé, nous dit-on, de voir le jeu vidéo emprunter maladroitement ses fameux guns fights au ralenti (Max Payne ?), John Woo a décidé de s’impliquer lui-même dans la réalisation du jeu Stranglehold présenté comme la suite directe de son célèbre film Hard Boiled (A toute épreuve, 92), l’acteur principal Chow Yun-Fat y reprend d’ailleurs son rôle. John Woo dirige apparemment l’histoire, les placements de caméra et les cutscenes. Après avoir décliné de justesse la réalisation du film Halo, Guillermo Del Toro devient consultant sur deux projets de jeux, dont un nouveau Hellboy. Contrairement à l’ambition affichée de Peter Jackson et James Cameron, ces collaborations et échanges de compétences dépasseront sans doute, grâce à quelques talents, le simple portage d’un produit vers l’autre mais resteront dans le domaine déjà cadrés du cinéma d’un côté et du jeu vidéo de l’autre.

Théâtres virtuels

L’arrivée de la 3e dimension a fait passer le jeu vidéo du théâtre 2D de marionnettes où le joueur intervenait toujours du même point de vue du spectateur face à une estrade (voir à cet égard l’énorme clin d’œil conceptuel des combats au tour par tour sur scène de Paper Mario: The Thousand-Year Door sur GameCube) à un spectacle nouveau qui utilise, en effet, des outils propre au cinéma comme les placements et déplacements de caméra et les dialogues entre personnages. Sur ces deux points là le jeu vidéo moderne échoue à être crédible parce que, justement, il ignore les bases de la syntaxe cinématographique ou s’y essaie avec maladresse et peu d’inspiration. Les premiers Resident Evil jouaient admirablement la carte cinéma avec des plans fixes choisis en fonction de leur angle dramatique mais prêtaient aux protagonistes de l’aventure des voix terriblement inappropriées. Pour faire vrai et communiquer de l’émotion avec l’information « utile » qu’elle fait transiter, une discussion entre deux ou plusieurs personnages nécessite une mise en place particulière dans le décor, un montage alterné de plans avec des tailles et des cadrages très contrôlés aussi raccords que les directions de regards. Le cinéma a depuis longtemps défriché ce langage et les spectateurs du monde entier comprennent instinctivement sa grammaire, même dans sa plus simple expression lors d’émissions télévisuelles. En refusant, par ignorance, paresse ou économie, de se plier à ces codes « universels », et en attendant d’inventer, pourquoi pas, une autre manière de réaliser, le jeu vidéo ne fait que du très mauvais sous cinéma. Les scènes de dialogues s’éternisent dans des cadrages statiques ou des montages bancaux et la direction d’acteur n’existe pas sérieusement même quand des comédiens professionnels participent.

L’âme des marionnettes

Au cinéma, bien sûr, l’émotion et la crédibilité d’une scène s’appuient d’abord sur les comédiens auxquels le spectateur adhère ou s’identifie par empathie naturelle. Un avantage humanisant que le jeu vidéo ne rattrapera pas s’il veut garder son intégrité polygonale. La puissance de calcul des nouvelles générations de consoles ou du PC permet d’animer plus facilement les avatars virtuels, mais comme le prouve avec pertinence la démonstration d’une pure scène « Actor Studio » face caméra d’une actrice de polygone tirée du projet Heavy Rain du game designer français David Cage déjà sur la route de la fusion avec son jeu Fahrenheit, donner vie à une silhouette polygonale demande d’autres talents que la simple maîtrise technique, et une magie encore à inventer. L’échec commercial sans appel du film Final Fantas : Les Créatures de l’Esprit (2001) a tristement démontré que le public n’était pas, à froid, prêt à reconnaître l’humanité de personnages virtuels réalistes, même si tout ce qui est cartoon 3D en revanche séduit et si Peter Jackson et son studio Weta Digital ont réussi à convaincre avec des créatures virtuelles hybrides comme Gollum et King Kong. Si l’on utilise des outils du cinéma pour créer de la narration et de l’émotion (scénario, dialogues, acteurs) alors, oui, le savoir faire cinématographique reste indispensable et profiterait bien au jeu vidéo. Mais les meilleures œuvres interactives, les plus fortes émotionnellement, pour prendre ce critère qui manquerait au jeu vidéo, comme Ico et Shadow of The Colossus, Zelda et Okami, n’ont rien en commun avec le cinéma, à part, peut-être, la musique. Il en est ainsi pour les émotions à peine qualifiables générées par l’incidence interactive de jeux, réjouissants comme Super Mario Sunshine, ou angoissants comme Silent Hill 2 que, justement, l’adaptation cinématographique n’a pas réussi à retranscrire malgré toute l’application à restituer le contexte. Le jeu vidéo a déjà prouvé qu’il peut s’inventer une expérience complète, physique, cérébrale et émotionnelle au-delà, évidemment, du cinéma.

A lire : État des lieux, part. 2 : Apprentis sorciers
A lire : État des lieux, part. 3 : Hollywood du pauvre

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


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Zelda : la fin des illusions ?

En retard d’une année (2006 au lieu de 2005), dépassé pour la première fois par ses fils spirituels (Okami, Kaméo…), l’imminent Zelda Twilight Princess arrivait avec un profil bas inhabituel. Et en le faisant adopter sans ménagement l’interface Wii, Nintendo prenait le risque de couper le cordon ombilical reliant depuis vingt ans le jeu aux joueurs.

Un mois avant sa sortie fin 2006, Zelda Twilight Princess ne fait pas tellement parler de lui sauf, peut-être, auprès des plus passionnés qui envisagent, en guise d’alerte et pour se rassurer, au cas où, dans une valeur refuge, de faire l’acquisition de la version GameCube si le gameplay version Wii ne leur convient pas. Oui, une nouvelle aventure de Link s’apprête à sortir dans le commerce et, malgré un héritage sans égal, elle soulève plus d’inquiétudes que d’enthousiasme. Avouons-le, questionner la valeur d’un Zelda avant sa sortie fait désormais partie de la légende, ou du folklore. Moins par habitude que par réaction au mélange détonnant de mystère et de surprises qu’entretient Nintendo pendant les longues années de développement. C’est peut-être d’ailleurs cette remise en cause systématique du contrat de confiance avec les joueurs auquel Nintendo n’a pourtant jamais failli qui sacralise chaque Zelda dans le rôle de rescapé d’une catastrophe crainte par les joueurs et les médias spécialisés et donc, toujours, en miraculé.

Scepticisme de principe

Tant qu’il n’était pas joué par tous, le gameplay 3D de Ocarina of Time ne pouvait remplacer celui en 2D de A Link to The Past. Le cell-shading de The Wind Waker renvoyait Link dans un monde enfantin que personne ne voulait. Pourtant le miracle a lieu à tous les coups. La puissance d’évocation émotionnelle, les innovations de gameplay et la finition technique et artistique incomparables repoussent dans tous les Zelda les limites de ce que le jeu vidéo peut offrir. Au point de s’autoriser à frôler le hors jeu conceptuel avec le vertigineux Majora’s Mask et son éternel recommencement moebiusien à la complexité encore insondable. Le niveau qualitatif des Zelda est tel que chaque chapitre n’a jamais pu se mesurer qu’avec le précédent. Aussi prestigieux et réussis furent-ils, les descendants action-RPG d’une hypothétique lignée Zelda n’ont jamais réussi à s’immiscer dans la généalogie originale. Ni en 2D ni en 3D (1). Jusqu’à aujourd’hui.

Pseudo réalisme

Retrouvant une veine pseudo réaliste attendue par les gamers, le prochain Zelda sous-titré Twilight Princess aurait dû sortir fin 2005 avant que Nintendo ne décide brusquement de l’adapter à l’interface de jeu Wii et d’en faire l’évènement de la sortie de la console fin 2006. Les raisons exactes de cette mutation restent obscures. Le jeu tel qu’il se finalisait sur GameCube n’était-il pas, pour un Zelda, assez innovant au point de devoir lui ajouter la technologie de contrôle direct à l’écran de la Wii ? La concrétisation physique crédible d’un Zelda plus « photo réaliste » pose-t-il autant de problèmes que le réalisateur Eiji Aonuma – disparu des médias depuis plus d’un an – l’a laissé entendre lors de ses dernières sorties publiques mi 2005 ? Les avancées cette fois remarquables de la concurrence ont-elles poussé Nintendo à revoir sa copie ? Intrigantes, les démonstrations jouables versions GameCube en 2005 puis Wii en 2006 laissent plutôt circonspect. Les combats inédits à cheval sont un peu laborieux, comme l’exploration un chouia trop classique du village ou d’un donjon. Passé la surprise, les manipulations à la Wiimote se révèlent plus pénibles que plaisantes, et surtout plus complexes qu’intuitives. Visuellement, le jeu développé pour GameCube n’impressionne pas malgré l’étendue des paysages. Les textures font lavasses, la nature reste figée. Fonctionnelles, les animations de Link ou de son cheval sont aussi bien raides, presque gauches. Des impressions décevantes renforcées par l’apparition de trois jeux appelés à faire beaucoup mieux dans des domaines clés d’habitude réservés à Zelda : l’animation, l’ambiance, l’émotion, l’innovation.

Fils spirituels

Depuis 2005, Kameo, Shadow of The Colossus et Okami confirment avoir attrapé, voire sublimé, certaines essences propre à Zelda. Sur Xbox 360, la crinière blanche du cheval de la princesse Kameo a autrement plus de classe que celui, pourtant célèbre, de Link. Même si le gameplay du jeu final ne se hisse pas au niveau d’un Zelda, animations et restitutions visuelles du monde fantastico médieval de Kameo étourdissent la concurrence. Comparativement, le monde de Twilight Princess entraperçu fait triste et terne, petit et poussiéreux. Sur PlayStation 2, Shadow of The Colossus rappelle qu’esquisser avec intelligence un monde suffit à le rendre tangible même sur une console ancienne génération. Quitte à ce que sa désolation devienne sa singularité. Agro, l’étalon noir de Shadow, galope et s’exprime avec un réalisme raffiné qui renvoie l’Epona de Link à son manège de chevaux de bois. Le gracieux lien émotionnel exprimé avec si peu de moyens entre le héros et la princesse diaphane endormie de Shadow of Colossus résume celui de Link et de la Princesse Zelda en un vaudeville de boulevard.

Oh animaux

On sait que Twilight Princess s’appuie beaucoup sur les animaux que Link contrôle et chevauche. Proche de la malédiction schizophrénique du film Ladyhawke, le petit Elf se transforme sous la lune en loup (garou ?) et visite un monde parallèle plus sombre. Coïncidence étrange, le héros d’Okami, le chef d’œuvre annoncé de Clover Studios (Capcom), est un loup ! Okami, un Zelda-like totalement affirmé et d’autant plus réussi qu’il fait ce que fait un vrai Zelda : s’appuyer sur les acquis accumulés par la série puis aller au delà. Okami ne serait qu’un clone honteux si les créateurs n’avaient pas transcendé le concept en une interprétation personnelle totalement valide. Okami pourrait être très officiellement un épisode parallèle et onirique de Zelda.

Défis inédits

Constitutivement, les Zelda abritent plusieurs idées majeures autour desquelles s’articule l’aventure. Des concepts interactifs intimement reliés au scénario révélés parcimonieusement par Nintendo avant la sortie du jeu. Voire pas du tout puisque les Zelda se ménagent toujours une grosse surprise inattendue. Malgré les nombreuses informations circulant autour de Twilight Princess, celui-ci cache vraisemblablement encore au moins une révélation fondamentale. Mais, en attendant d’en savoir plus, ce Zelda fait réchauffé et demande notre confiance sans preuve. Monde parallèle déjà souvent exploité, mixité avec les animaux déjà réussie chez Shadow et Okami, technologie GameCube dépassée, greffe pour l’instant douteuse de l’interface Wii, ce que l’on sait, que l’on a vu et goûté de Twilight Princess fait pâle figure. Artistiquement dépassé par ses fils spirituels et, techniquement, par les consoles next-gen, le nouveau Zelda arrive fragilisé. Il est pourtant porteur d’enjeux économiques et culturels colossaux : accompagner, pour la première fois, la naissance d’une nouvelle console et entériner un basculement théorique de la façon de pratiquer le jeu vidéo. En coupant le cordon ombilical reliant le joueur à Zelda, Nintendo cherche moins à provoquer un nouveau miracle qu’à faire adhérer à une nouvelle et anti dogmatique religion, celle de la Wii. On aimerait y croire.

(1) Secret of Mana, Illusion of Gaïa, Brainlord, Equinox (Solstice II), Secret of Evermore, Chrono Trigger, Spike Mc Fang, Terranigma sur SuperNintendo. Landstalker, Soleil, Legend of Thor sur Megadrive. Magic Knight Rayearth, Oasis 2, Dark Savior (3D isométrique) sur Saturn. Alundra sur PlayStation. En 3D, les prétendants se résument à un… Mystical Ninja Starring Goemon.

  • The Legend of Zelda : Twilight Princess
    Wii / GameCube
    (Nintendo)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2006 dans Chronic’art)

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GameCube : R.I.P. 2001-2006

Avec la Wii, Nintendo s’autorise une sorte d’euthanasie hardware jamais vue dans la courte mais dense histoire du jeu vidéo. La Wii étant 100% compatible avec la GameCube (jeux et accessoires) celle-ci n’a plus aucune raison d’exister et peut être enterrée sans regret. Sans regret ?
Sans doute la moins aimée de toutes les consoles Nintendo (hors Virtual Boy et autres expérimentations inabouties comme le 64 DD de la N64), la GameCube s’apprête à être éjectée manu militari du marché comme aucune autre console avant elle. Tout le monde le sait et le craint un peu, en dehors de son interface de jeu pointé à l’écran, la console Wii bientôt disponible fonctionne grosso modo sur une technologie légèrement améliorée mais semblable à celle de la GameCube. Si les jeux Wii à venir (Super Mario Galaxy) révèlent discrètement à l’œil quelques progrès techniques, industrie et observateurs s’entendent pour dire que la Wii serait une GameCube 1.5. Cette promiscuité technique inédite entre deux générations de consoles génère au moins un avantage certain : la Wii accepte de lire sans condition tous les jeux GameCube (les régions restent incompatibles). Le terme de rétro compatibilité employé depuis que Sony a inauguré avec la PlayStation 2 la première console de salon capable de lire les jeux de la génération PlayStation précédente, ne s’applique même pas pour la Wii. Contrairement à la Xbox 360 obligée d’émuler les jeux Xbox et donc de les retravailler un par un, et à la PlayStation 3 qui, elle aussi, va émuler les jeux PS2 et sans doute PSOne si elle ne passe pas la main directement à la PSP, la Wii est tout simplement compatible avec les jeux GameCube.

Wii mange tout

Alors que Nintendo adopte pour la première fois avec la GameCube le format CD sous la forme de mini DVD propriétaires en 2000, la Wii se résout apparemment à utiliser des DVD (propriétaires là aussi) de diamètre standard. Le mange-disque Wii, cependant, accepte d’attraper les minis DVD GameCube et il semblerait – Nintendo ne donne pas de détails – que la Wii fasse fonctionner les jeux GameCube normalement, sans passer par une surcouche logicielle, un émulateur (contrairement aux jeux 8, 16 et 64 bits, eux, téléchargeables). Aussi lisse d’apparence et sans fil en façade soit-elle, la Wii a quelques trappes qui abritent des slots pour brancher directement les Memory Cards et les manettes GameCube. Il est même possible de brancher le petit émetteur de la fameuse manette sans fil WaveBird. Très vraisemblablement les jeux GameCube ne se lanceront pas automatiquement et seront sélectionnables via l’interface des Wii Channels à l’emplacement prévu et immuable des jeux Wii (en haut à gauche de l’écran). Et Nintendo a également évoqué la possibilité que les jeux GameCube, comme ceux des générations précédentes, lancés sur Wii profitent automatiquement de quelques améliorations visuelles (anti aliasing par exemple) comme la réédition du Zelda Ocarina of Time N64 sur GameCube en a fait la jolie démonstration (mais pas celle de Majora’s Mask). 100 % compatible avec le catalogue et les accessoires GameCube (bongos, micro ne devraient pas poser de problème), la Wii rend de facto obsolète la GameCube le jour de sa sortie.

Prémisses de révolution

Sortie fin 2001 (mai 2002 en Europe), il y a exactement 5 ans, la GameCube avait été présentée publiquement à l’été 2000. A l’époque, son design carré et ramassé, ses couleurs vives et sa poignée façon vanity féminin faisaient l’événement même si l’originalité affichée de Nintendo devenait de plus en plus insaisissable. La manette GameCube, avec ses deux sticks analogiques, son petit bouton z accroché sur la tranche et la disposition minutieuse et colorée des boutons, devait simplifier l’identification des taches. Vrai sans doute dans un certain idéal ergonomique, Nintendo a fini par avouer que l’invention de la Wiimote blanche, sans aspérité et donc passe partout, avait surgi de la nécessité de simplifier des manettes aux boutons de plus en plus nombreux et de plus en plus intimidants (le gros bouton vert A central de la manette GameCube, presque grossier pour un gamer, ne réussit même pas à être une évidence pour un non initié). L’aspect jouet de l’ensemble GameCube et manette restait aussi trop apparent alors même que Nintendo disait déjà vouloir intéresser les joueurs plus âgés après que Sony lui ai chipé le leadership (face à la Nintendo 64) du marché avec sa PlayStation. Las, cinq ans plus tard, le nouveau challenger Microsoft réussit avec sa presque candide Xbox à repousser Nintendo en troisième position d’un marché des consoles de salon (parc mondial fin 2005 :21 millions de GameCube et 22-23 millions de Xbox) qui, jusque là, n’acceptait d’absorber que deux consoles simultanément. Contrairement à ses deux gros concurrents Sony et Microsoft, Nintendo ne perd pas d’argent avec son hardware, en gagne même, mais sa place à côté du téléviseur est de plus en plus contesté.

Fins de rêves

La Dreamcast de Sega s’est officiellement retirée du marché début 2001 après s’être écoulée à 8 millions d’exemplaires. Mais le culte de la dernière console de Sega perdure encore. Quelques jeux ont continué à être développés et sans successeur officiel, la Dreamcast garde sa place près du téléviseur et du cœur dès lors que l’on veut rejouer à un de ses jeux emblématiques ou rares et inédits ailleurs (ChuChu Rocket!, Power Stone, D-2, Blue Stinger, Cosmic Smash…). Devenue PSOne et redésignée, la PlayStation a refusé de lâcher prise même après la mise en vente de la PS2. La PlayStation 2 reliftée slim à son tour va suivre le même mouvement et continuera d’exister sur le marché en parallèle à l’arrivée progressive de la PS3 (le modèle PS2 Silver sort aux US et une version Pink en Europe cet hiver). Le 8 décembre, en Europe, la GameCube n’a plus aucune raison d’exister. Zelda Twilight Princess sera effectivement édité sur GameCube après la Wii mais, on l’aura compris, il peut très bien fonctionner tel quel et peut-être même plus joliment sur la Wii avec les manettes GameCube. Même si quelques jeux GameCube sont encore susceptibles d’être commercialisés, eux aussi fonctionneront sur Wii. Et quand un projet haut de gamme créatif comme la suite de Paper Mario : La Porte Millénaire prévu sur GameCube bascule en développement Wii, le doute n’existe plus de l’inutilité de la GameCube.

Perfection au carré

Ultra compacte et parfaitement réalisée dès sa conception, la GameCube n’a changé ni de contenu ni de forme. De nombreux coloris (noir, gris, orange, vert pal…) sont venus, selon les pays et les cultures, s’ajouter au violet original, quelques habillages associés à certains jeux (MGS Twin Snakes, Resident Evil 4, Tales of Symphonia…) ont bien tenté sans trop convaincre de les personnaliser, mais la GameCube a toujours gardé son impeccable intégrité d’origine même en se zébrant de noir au Japon pour une édition limitée associée à une équipe de baseball. Seules des fonctions additionnelles se sont autorisées d’altérer sa silhouette: le Game Boy Player qui une fois fixé comme un socle sous la console la surélève et la transforme en rectangle pour permettre de jouer sur télévision aux jeux Game Boy Advance. Et, bien sûr, le fameux modèle Q cosigné avec Panasonic exclusif au Japon : une GameCube chromée, sur pieds avec un petit écran LCD en façade et capable de lire des DVD vidéo.

Culte(s)

Plus que toutes les autres consoles qui ont continué de respirer après leur mort officielle, soit pour leurs jeux soit, encore comme la Dreamcast, parce que des bidouilleurs exploitent son contenu à d’autres fins, la GameCube est vouée sans regret software à la casse dès la sortie de la Wii à tout faire. A moins, bien sûr, que le lien très étrange, atachement difficilement explicable en dehors de la passion jeu vidéo, qui lie le joueur à la console qui lui a permis de vivre des expériences interactives inoubliables, élève la GameCube en objet fétiche, bibelot culte, réceptacle à phantasme vidé de sa fonction mais pas de ses souvenirs. Il n’empêche, consciemment ou pas de la part d’un Nintendo dont les consoles Nes et SuperNes font encore l’objet de cultes païens, le concept de Virtual Console de la Wii va faire la démonstration jusqu’aux jeux GameCube que si culte il doit y avoir, c’est autour des jeux, du loisir ou de l’art lui-même et non de son support mécanique que la magie doit perdurer, ou, éventuellement, être vénérée.

François Bliss de la Boissière

(Publié en le 31 10 2006 sur Overgame)

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Prey : prescience de l’immersion

Assurément, Prey n’est pas un FPS comme les autres. Un constat vérifiable même sans jouer en relevant les écarts d’appréciations au sein de la critique anglo-saxonne.

Prey mini

L’inquiétante disparité des avis s’éclaircie toutefois quand on comprend que les réserves proviennent essentiellement des spécialistes du genre FPS. Souvent arc-boutés à leurs PC comme derrière une mitrailleuse, ces pratiquants ne jaugent visiblement un FPS qu’au sens sportif strict, sur le degré de résistance que leur procurent les gunfights.
Une des qualités principales de Prey est de justement ne pas s’intéresser à ce besoin de prouesse physique là. Le jeu préfère cultiver la science de l’immersion, de la manipulation psychologique, la personnalité des protagonistes (très bonne VOST), le rythme de l’aventure, la cohérence de l’enchaînement des séquences et des décors. Comme Halo avec son bouclier rechargeable, Prey s’invente un système de récupération d’énergie intimement lié à son scénario et à ses aspirations mystiques. Dans le jargon du hardcore gamer cela veut dire « vies illimités », une hérésie donc. Pour tous les autres candidats cela signifie, enfin et sans connotations péjoratives déplacées : accessible. L’intérêt de Prey est donc volontairement ailleurs.

Dans le déroulement de son histoire qui transforme peu à peu une série B en épopée personnelle : séquestré dans un vaisseau alien abattoir à humains, un indien d’Amérique en rupture de ban devra renouer avec son héritage spirituel Cherokee pour espérer retrouver sa fiancée. Dans le raffinement d’un level design particulièrement pensé par Human Head Studios où il faut jouer avec les lois de la gravité ou franchir des « portails » zappant instantanément d’un endroit à l’autre. Le jeu ouvre ainsi des perspectives ludiques vraiment inédites. Preuve ultime que Prey tient l’idée en passe de devenir de facto une nouvelle étape dans l’évolution du FPS, le respecté studio Valve vient d’annoncer un chapitre Portal exploitant cette trouvaille à la fois technologique et de game design pour la suite de la saga Half-Life 2.

François Bliss de la Boissière

(Publié en septembre 2006 dans Chronic’art)

 


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NDE (Near Death Experience) : Prey

Chronique en vue subjective…

Prey vulve

« J’ai vu des choses que vous autres humains ne pourriez croire » lâche dans un dernier souffle le répliquant cosmique Roy Batty à la fin de Blade Runner. Un gamer peut revendiquer la même chose chaque jour. Dernièrement j’ai vu ma fiancée potentielle se faire aspirer par un rayon vert venu du ciel. J’ai assisté, impuissant, à la mise à mort de mon grand-père, chaman un peu fou mais inoffensif, empalé par les machineries infernales d’un sordide abattoir alien. J’ai pleuré sur des loques humaines psychiquement brûlées en train de gémir, en slip, recroquevillées dans des corridors malsains. J’ai évité de justesse les déjections projetées par des anus géants immondes. J’ai croisé des vagins muraux d’où sortaient, ou retournaient en rampant, des créatures innommables. J’ai dû marcher et me battre sur les murs et au plafond alors que Fred Astaire, lui, y dansait dans Royal Wedding en 1951. J’ai été pris au piège dans l’énigme d’un gigantesque et fluo Rubik’s Cube suspendu dans le vide. Aussi incrédule qu’un certain jour de septembre 2001, j’ai vu un avion de ligne venir s’écraser dans le ventre creux d’un vaisseau alien en pleine digestion. J’ai laissé derrière moi un bus scolaire en flammes. J’ai appris à manipuler des armes biomécaniques vivantes et écœurantes. J’ai massacré, pour survivre, des restes d’humanité greffés à des monstruosités extra-terrestres. J’ai piloté des navettes aliens à travers des espaces où l’on ne m’entendait pas crier, marché sur des lunes microscopiques, franchit des portails me transportant instantanément et sans explication d’un endroit à un autre. Moi terrien et rationnel, j’ai dû abandonner mon corps physique, me déplacer sous forme éthérée et faire confiance à un faucon, lui aussi réduit à sa forme astrale. Terrassé d’horreur, j’ai attendu et espéré, attendu et encore espéré un miracle avant d’achever de mes propres mains euthanasiques ma fiancée qui n’en finissait plus d’agoniser. J’ai joué Prey, et j’ai prié, oui prié, pour avoir ma vengeance. Et je l’ai eue.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’Art)

 


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Brando reloaded

Marlon Brando était un phénomène de son vivant et va sans doute continuer de l’être dans la mort. Décédé en 2004, l’acteur monstre n’a pas dit son dernier mot. On aurait dû s’en douter. Mort, mais finalement pas enterré, grâce aux nouvelles technologies l’homme facétieux fait un come back artistique qu’il n’aurait jamais assumé de son vivant.

Marlon Brando The Godfather (DR)

Tel un Elvis Presley, aperçu encore aujourd’hui ici ou là, Brando pouvait-il vraiment mourir ? Car, « bigger than life », l’acteur fait mieux que ses congénères immortels du royaume argentique : il réussit post-mortem à s’installer dans une nouvelle durée en s’invitant par une géniale intuition non préméditée dans l’ère digitale. Ressuscité par les nouvelles technologies, Brando se paie un come-back deux ans après sa mort sur les fronts simultanés du cinéma digital (Superman Returns), du jeu vidéo (Le Parrain, bientôt sur Xbox 360 et PSP) et du DVD avec la réédition d’Apocalypse Now agrémentée d’une scène inédite.

Super Brando

Précurseur de l’ère des guest-stars, l’acteur, déjà en pré retraite, accepte de jouer en 1978 le rôle du père de Superman en échange d’un cachet de plusieurs millions de dollars. A l’époque, Brando vient ouvertement ramasser un gros cachet dans un film commercial, et éphémère. Pourtant, aussi trivial que cela puisse paraître ces années là, l’acteur se taille, à l’insu de tous, une nouvelle tunique d’immortalité. Dans le film de Richard Donner, son personnage de Jor-El meurt et ressuscite partiellement en hologramme pour répondre aux questions de son fils Kal-El / Superman. Dans la bande-annonce du récent remake inavoué Superman Returns réalisé après la mort de Brando, la réutilisation de sa voix spectrale cautionne tout à coup le projet et l’élève vers une dimension métaphysique. « Lors du premier film, il a enregistré des mots dans un microphone mais pas devant la caméra », explique le Dr Frankenstein cinéaste, Bryan Singer, « la silhouette de Jor-El à nouveau projetée dans les cristaux de Krypton a été recréée à partir de photos granuleuses de Brando puis animée en plusieurs dimensions ». Un Brando d’outre-tombe, d’outre-espace et d’outre-temps convié à ressusciter un mythe moderne auquel, contre tous les pronostics, il restera autant attaché qu’à ceux des films d’Elia Kazan, Mankiewicz, Bertolucci ou Coppola.

Parrainage digital

D’après Phil Campbell, producteur du jeu vidéo Le Parrain chez Electronic Arts, Brando était spontanément intéressé par les nouvelles technologies quand il a accepté de participer à cette adaptation interactive. « Il avait une faculté d’émerveillement enfantine, il ouvrait grand les yeux en imaginant ce qui allait le surprendre et le réjouir dans le futur », confie Campbel. Le jeu vidéo utilise ainsi le physique et la voix originale de Brando dans le rôle de Don Corleone et de nouveaux dialogues enregistrés avant sa mort. Brando existe dorénavant sous une forme polygonale numérique propre à résister au temps et à s’adresser, comme Jor-El, à de nouvelles générations.

Immortels

Même si elles font entrer Brando dans une nouvelle immortalité digitale susceptible de prolonger celle de la pellicule argentique, ces esquisses de parrainages posthumes ne suffiraient pas à entériner le retour de Brando. Pour confirmer sa présence parmi les mortels, il faut le retrouver bien visible à l’écran en pleine maîtrise de son art. C’est acquis : cet été, Apocalypse Now (The Complete Dossier) est ressorti en DVD aux Etats-Unis accompagné de nouveaux suppléments. On y trouve une version longue (17′ au lieu de 1’30) de la scène à l’origine expérimentale où Brando, le Colonel Kurtz, lit le brûlant poème The Hollow Men de T. S. Elliot.
Dans les années 90, Alain Delon écrivait dans la revue La Règle du jeu : « Dieu fasse que Brando se porte bien… S’il lui arrivait quelque chose, ce serait la vraie fin. Et, ce jour-là, je serais cliniquement mort ». Delon a donc oublié ? Les stars du cinéma ne meurent pas vraiment. Plus vivant que jamais en 2006, Highlander parmi les Highlanders, Marlon Brando, désormais virtuel, est peut-être en passe de confirmer qu’il reste le « meilleur acteur de tous les temps ». Suite de la mutation en 2007 : en pleine renaissance numérique Brando interprète, enfin, dans le film d’animation Big Bug Man, son premier rôle de femme.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’art)

 


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Cloning Clyde : douce schizophrénie

Après plusieurs mois sans nouveauté, le service Live Arcade de la Xbox 360 a vu arriver un jeu par semaine cet été. Parmi les grands classiques (Pac-Man, Galaga, Frogger, Street Fighter II Hyper Fighting), l’inédit Cloning Clyde est à découvrir d’urgence. C’est facile, tous les jeux disponibles en ligne sont jouables gratuitement en version limitée (et ne coûtent, comme Cloning Clyde, que 10 € l’achat pour la version complète).

Cloning Clyde
Qu’est-ce donc que ce Cloning Clyde ? Sur la forme, un jeu de plate-forme-réflexion où il faut sortir du niveau avec le plus de congénères « clonés » possibles. Les personnages se dirigent alternativement et leurs aptitudes variables servent à débloquer les différents mécanismes qui entravent le trajet vers la sortie. Le tout se joue en coupe de profil dans un univers graphique cartoon en volume parfaitement adapté à l’ambiance souhaitée. Le gameplay rétro et parodique rappelle, en plus décontracté, les Lost Vikings de la SuperNintendo (92). Avec sa maîtrise technique et son game design réfléchi le jeu respecte complètement le joueur appliqué mais s’apprécie vraiment grâce à son 2e degré. Le principe de démultiplication du personnage conduit, via des petits messages dans le décor, à des dialogues entre le moi et le surmoi de Clyde qui entraînent le joueur dans une douce schizophrénie. Et les mutations nécessaires du rigolo, et fou de kung-fu, Clyde avec des animaux (poule, mouton, singe, grenouille…) ou, franchement plus explosif, avec un tonneau de poudre, déclenchent des soubresauts de burlesque totalement jubilatoires.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’Art)

 


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Charles de Lauzirika Interview : Kingdom of Heaven Director’s Cut

Documentariste de Ridley Scott et responsable des éditions DVD de ses films, Charles de Lauzirika s’est occupé des 4 DVD de la Director’s Cut de Kingdom of Heaven après avoir travaillé sur l’édition 2 DVD (il m’en parlait ici). Le film a ses défauts mais les documentaires et  interviews sur le tournage de cette super production restent précieux…

Charles de Lauzirika 2006

Version française éditée de l’interview ci-dessous en scrollant un peu..

Version originale anglaise intégrale…

Bliss : What part of your work you are most proud of on this 4 DVD edition ? 
And did you fail to achieve something you were aiming at ?

Charles de Lauzirika

 : I always aim for honesty and meaning in everything my company puts 
together. We try to avoid promotional fluff at every turn. So I’m 
most proud of the intimate access we were allowed in documenting the 
making of this film. You get to see meetings and stages of filmmaking 
that most other documentarians aren’t allowed to shoot. For instance, 
on Kingdom of Heaven, Ridley allowed me to shoot his cast rehearsals, 
something he had never let me, or anyone else, do before. I think 
Ridley might have had an unfair reputation as a director who doesn’t 
take care of his actors and I believe this rehearsal footage clearly 
proves otherwise. 

Something else I’m very pleased with is the Roadshow presentation of 
the Director’s Cut. For months, I had been encouraging people in 
editorial that a film of this scope should be presented with an 
overture, an intermission and an entr’acte, the same way epics of old 
were.  Everyone was simply too busy finishing the actual Director’s Cut 
to take that into consideration at the time, so very late in the 
process, I asked Ridley if we could do that, and he said yes 
immediately.  He got it. I’m relieved that so many fans and reviewers 
have really appreciated this little nod to past epics.

Bliss : You said once that you always try to avoid the « talking heads » 
syndrome on screen, so why didn’t you use more voice over real footage 
than showing the people involved on screen just sitting, surely there 
are hundred of hours of documentary on location left to show ?

Charles de Lauzirika

 : 

Because you end up losing some of the emotions and body language that 
the interviewee is giving off. You still need a human face to anchor 
the story to. And in the early stages of pre-production, it’s weird to 
cut on-set footage because, in context, it hasn’t happened yet. So 
that leaves you with script pages, which get boring after a while, and 
reference art, which can be expensive to license. Yes, we have 
hundreds of hours of behind-the-scenes footage but it needs to mean 
something when you use it. It’s not just video wallpaper. Every shot, 
every cut, every soundbite, every piece of music…it all has to add up 
to something, either informationally, intellectually or emotionally. More than ever, I’m trying to tell a story and not simply run 
surveillance video like some kind of half-assed webcam. I’ve seen a 
couple other DVD producers do that and I think it’s a very aloof and 
lazy way of presenting material.

Bliss : Thanks to your documentary, we witness some unusual things as Ridley 
Scott commenting the work in progress of the trailer and the actors 
rehearsing with Ridley Scott when they are, supposedly, at their most 
vulnerable moments, and it’s presented on the DVD as an unusual and 
welcome extended length… How did you manage to be accepted by the 
actors (and the director) and how did you film it (how many cameras, 
distance from the actors…) ? Did you have to check with them afterward 
for approval ?



Charles de Lauzirika

 : In the case of the cast rehearsals, I arrived at the location very 
early and basically waited in the basement for a few hours while Ridley 
started working with Orlando and Liam, just to warm them up.  At some 
point, he brought up the idea of shooting this for the DVD, and they 
agreed, so I was summoned into the rehearsal hall where Orlando and 
Liam greeted me very warmly, and from that point on, I was fairly 
well-established in the room, allowing me to shoot whatever I wanted. 
It was literally just me and my camera. So people start to forget that 
there’s even a camera in the room, and they really open up. I would 
shoot from one angle for a while, then quietly move to another spot, 
and continue this throughout the day, getting closer and closer as a 
comfort level was reached. Eventually more and more actors would show 
up, and they were very friendly as well.  I think most actors are 
familiar with the DVD process now, so if the director has no problem 
with it, chances are, they won’t have a problem with it either.

Bliss : The end of your documentary is not afraid to confront the lacklustre 
reception of the movie in theatres including bad reviews. Did you have 
to work hard on that, or were Ridley Scott, and the studio, ready to go 
along ?

Charles de Lauzirika

 : 

In retrospect, I think I went a little too negative with the ending. It’s honest, yes, and you can’t sugarcoat the fact that the film was 
not a big hit. But at the time we were finishing the documentary, 
there hadn’t been much reaction to the Director’s Cut yet, so I 
couldn’t balance things out. It would have been better to portray the 
film’s theatrical release as a disaster but then give things a more 
celebratory note at the end, with the overwhelmingly positive reaction 
to the Director’s Cut. I guess that’s why I titled the documentary 
 »The Path to Redemption, » because it was more about the journey than 
the arrival.

Bliss : This is presented as the Director’s cut, so that definitely mean 
there won’t be another cut at some point (from the studio for instance) 
even though they are 30 mn of cut scenes left ?



Charles de Lauzirika

 : I seriously doubt there will ever be another cut of this film. I even 
doubt that we’ll see the theatrical version released again, unless as a 
supplemental curiosity. There are probably a few more deleted bits 
that didn’t make this DVD, that could show up on some future release, 
but there’s really no reason to add them back into the film. This is 
the definitive cut of the film.  End of story.

Bliss : Did you start thinking or working on any new ways of presenting or 
making bonus material using HD DVD or Blu-Ray high defintion and 
capacity discs, for this project or any futures one ?

Charles de Lauzirika

 : 

I’m always thinking of new ways to present supplemental material, which 
is why I’ll occasionally experiment on Standard Definition to see if 
the concept works. Things like the MI6 DataStream on Die Another Day, 
or Enter The Web on Spider-Man 2, or the Interactive Production Grid on 
the theatrical version of Kingdom of Heaven, are all baby steps towards 
what we could eventually be doing on HD or Blu-Ray, if they can ever 
figure out the technical spec. Right now, you can do more with SD than 
you can with HD, which is ridiculous for a next generation format. But 
hopefully they’ll fix that soon.

Propos recueillis en août 2006 par François Bliss de la Boissière

Kingdom of Heaven Director’s Cut 4 DVD

Version française éditée pour publication…

Bliss : En tant que documentariste du film et producteur du DVD, que pensez-vous avoir le mieux réussi sur cette quadruple édition ?

Charles de Lauzirika : L’approche intime que nous avons pu obtenir en suivant ce film. J’ai assisté à des réunions et à des étapes de fabrication que les documentaristes n’ont d’habitude pas le droit de filmer. Je suis également très content de l’ouverture Roadshow de ce Director’s Cut. Pendant des mois j’ai essayé de convaincre qu’un film de cette ampleur devrait être présenté avec une ouverture, un entracte et une intermission comme les anciens péplums. Tout le monde était trop occupé à finaliser le Director’s Cut pour en tenir compte, alors, très tardivement, j’ai demandé à Ridley. Il a compris immédiatement et a dit oui.

Bliss : Pourquoi avoir privilégié les interviews de face que vous aviez dit ne pas aimer faire plutôt que des voix off sur des images inédites ?

Charles de Lauzirika

 : Parce qu’avec une voix off vous perdez les émotions que l’interviewé révèle avec ses gestes et son corps. Vous avez toujours besoin d’un visage humain pour ancrer l’histoire. Et injecter des images de tournage lorsqu’on parle de pré production serait bizarre puisqu’il n’a pas effectivement commencé. Alors oui, nous avons des centaines d’heures d’images de coulisse mais ce n’est pas juste du papier peint vidéo, elles doivent avoir un sens pour être montrer. Chaque plan, chaque coupe, chaque son, chaque morceau musical s’additionne pour créer quelque chose d’informatif, intellectuellement ou émotionnellement. Plus que jamais j’essaie de raconter une histoire plutôt de faire simplement tourner une caméra vidéo de surveillance sans point de vue comme j’ai vu faire ailleurs.

Bliss : Vous montrez des choses assez rares comme les acteurs en répétition au moment où ils sont le plus vulnérables. Comment avez-vous obtenu ça ?

Charles de Lauzirika

 : Ridley n’avait effectivement jamais laissé personne filmer les répétitions auparavant. En plein travail avec ses acteurs, il a évoqué cette idée de filmer ce moment pour le DVD et ils ont dit oui. J’ai alors été invité dans la salle de répétition où Orlando et Liam m’ont accueilli très chaleureusement. À partir de ce moment là j’ai pu filmer ce que je voulais. Les gens finissent par oublier qu’il y a une caméra dans la pièce et ils se livrent. Je filmais d’un angle pendant un moment, puis me déplaçais silencieusement jusqu’à un autre spot et ainsi toute la journée, jusqu’à atteindre une distance confortable pour tout le monde. Je pense que la plupart des acteurs sont familiers avec le processus des DVD maintenant, alors si le réalisateur n’a pas de problème avec ça, il y a des chances qu’eux non plus.

Bliss : L’échec critique et commercial du film est évoqué sans détour…

Charles de Lauzirika

 : Rétrospectivement je crois avoir été trop négatif avec la fin. C’est honnête, oui, on ne peut pas cacher le fait que le film n’a pas été un gros succès. Mais au moment où nous finissions ce documentaire, il n’y avait pas encore eu de réactions au Director’s Cut et je n’ai pas pu mieux équilibrer le propos. Cela aurait été mieux de présenter la sortie en salle comme un désastre puis de finir sur une note plus joyeuse à la fin grâce aux réactions extrêmement positives au Director’s Cut.

Bliss : Ce Director’s Cut est-il bien la version définitive ?

Charles de Lauzirika

 : Je doute sérieusement qu’il y ait un autre montage et même que l’on revoit un jour la version salle autrement qu’en curiosité offerte en bonus. Il y a probablement quelques morceaux coupés qui pourraient atterrir sur une future édition mais il n’y a aucune raison de les réintroduire dans le film. Ceci est le montage définitif du film. Point final.

Propos recueillis et traduits en août 2006 par François Bliss de la Boissière

Kingdom of Heaven

(Publié en 2006 dans le mensuel Les Années Laser)


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Charles de Lauzirika interview : Blade Runner Final cut, enfin !

Producteur attitré des DVD Ridley Scott et premier fan de la filmo du réalisateur, Charles de Lauzirika nous donne des nouvelles de l’édition « finale » de Blade Runner enfin annoncée pour… 2007 !

Version anglaise originale intégrale ci-dessous en scrollant un peu…

Version française éditée…

Bliss : Où en est le chantier du DVD Blade Runner ?

Charles de Lauzirika : Nous venons tout juste de recommencer à travailler sur le film. Le deal a enfin été signé après des mois de négociations. On ne peut plus reculer maintenant. Ma société (Lauzirika Productions) sera impliquée dans la création du Final Cut et de tous les bonus.

Bliss : Quel est le degré d’implication de Ridley Scott ?

Charles de Lauzirika : Ridley Scott se concentrera principalement sur le montage du Final Cut, mais nous voulons qu’il soit heureux avec tout ce qui va être fait. Il était très impliqué quand nous travaillions sur le DVD Blade Runner en 2001.

Bliss : Combien y aura-t-il de versions du film Blade Runner entre les anciennes éditions et les prochaines ?

Charles de Lauzirika : Il y a plusieurs variantes avec des différences mineures. Cela dépend des critères que représentent pour vous une véritable et unique version. Pour moi il y a cinq versions majeures : la toute première sortie de la salle de montage (Workprint) et ses deux ou trois versions ; la version cinéma américaine avec la narration et le happy end ; la version internationale avec davantage de violence ; le Director’s Cut de 1992 – qui n’est pas vraiment un Director’s Cut, qui se passe de la narration et du happy end et inclut le rêve de la licorne, des modifications que souhaitait Ridley Scott. Et enfin il y la prochaine Final Cut. Mais si vous êtes un vrai fanatique de Blade Runner vous pouvez probablement identifier des variations plus subtiles si vous incluez les versions TV et les tests screenings.

Bliss : Les acteurs participeront-ils aux suppléments ?

Charles de Lauzirika : Nous espérons en avoir autant que possible. Jusque là, les réponses ont été positives. Les gens qui ont travaillé sur le film me contactent eux-même, ça change pour une fois !

Bliss : Avez-vous déjà décidé des caractéristiques techniques du DVD ?

Charles de Lauzirika : Le DVD a une capacité de stockage limitée et avec la quantité de documents que nous devons mettre sur ces disques cela va être un challenge de tout faire rentrer et de maintenir une image et un son optimal. Nous ferons humainement tout notre possible.

Bliss : Y aura-t-il des bonus sur la réédition du Director’s Cut fin 2006 ?

Charles de Lauzirika : Je ne suis pas très sûr de ce que Warner a prévu. Cette ressortie du montage de 1992 est une surprise pour moi. Je suis essentiellement concentré sur la sortie 2007.

Propos recueillis et traduits en juin 2006 par François Bliss de la Boissière

Version originale anglaise intégrale

Bliss : Since when have you started to really work on Blade Runner all over 
again ?

Charles de Lauzirika : 

We’re literally just re-starting now.  The new deal was made very 
recently, after several months of negotiations.  I’ve known that things 
were looking very optmistic for months but it’s nice to see that the 
deal has finally been made.  There’s no turning back now.  My company 
will be involved in the creation of the Final Cut and production of all 
the extras.

Bliss : How many people are involved in the new DVD (and HD DVD/Blu-ray) 
project : decision process and actual daily work, and for how long ?

Charles de Lauzirika : 

Too early to say. We’re just getting back into it.  We’ll be working 
on this for the next several months.

Bliss : What kind of budget ($$) is given to such a project ? Who, roughly, 
is paying for it : the studio Warner, Lauzirika Production, Scott Free… 
?

Charles de Lauzirika : 

I can’t talk about that.

Bliss : How much is Ridley Scott concerned about the different versions and 
editions coming up, is he only focused on the Final Cut for instance ? 
Did he give you a specific direction for the editorial process of the 
future DVDs, or maybe only the final complete one ? Or do you have some 
conceptual idea(s) yourself that you can work on freely ?



Charles de Lauzirika : Ridley’s primary focus will be on the Final Cut, but we want him to 
happy with everything. He was heavily involved when we last worked on 
this DVD, back in 2001, but again, we’re just getting back into it now.

Bliss : Why are there several editions coming up by the way ? Why not go 
straight to the complete Ultimate one in 2007 ? To be more specific : 
which edition can be considered « commercial » one, and which can be 
considered « director’s artistically » one ?



Charles de Lauzirika : You’d have to ask Warner Bros. about that. But obviously our goal is 
to make the 2007 DVD the best release humanly possible.

Bliss : How many versions of Blade Runner (the movie) will that make total 
after all the past and future editing ?



Charles de Lauzirika : Well, there are several different variants, with only minor 
differences, so it depends on your own criteria for what represents a 
truly unique version. For me, there are five major versions. There’s 
the Workprint, and there are two or three variations of that. There’s 
the U.S. Theatrical Cut, with the narration and happy ending. There’s 
the International Cut, with additional violence.  There’s the 1992 
Director’s Cut, which isn’t really a director’s cut, but it omits the 
narration, happy ending and includes the unicorn dream, all of which 
Ridley wanted. And then there will be the Final Cut. But again, if 
you’re a true Blade Runner fanatic, you can probably identify a few 
more subtle variations, if you include TV versions and test screenings.

Bliss : Will there be bonuses on the Director’s cut re-edition coming at the 
end of 2006 or not at all ?



Charles de Lauzirika : I’m not exactly sure. The 2006 release of the 1992 Director’s Cut was 
a surprise to me, so I’m not sure what Warners has planned. I’m mostly 
focused on the 2007 release.

Bliss

 : Can you tell us already whom from the cast will be participating 
(Harrison Ford, Sean Young, Rutger Hauer… ?) ?



Charles de Lauzirika : We’re hoping to get as many of the cast as we can, and so far, the 
response has been positive. People who worked on the film are actually 
contacting me, for a change!

Bliss : Can you tell us some of the technical details of those releases ? 
Can we expect a  DD 5.1 sound mix for instance, or even a DTS track ? 
Anything else ?

Charles de Lauzirika : 

There’s only so much room on a DVD, and given how much material we have 
to put on these discs, it’s going to be a challenge to fit all of that 
on and still maintain optimal picture and sound quality.  So we’ll see. 
 We’ll certainly do the best we can.

—

10) Will there be any high definition disc released by the time of the 
Director’s cut DVD release at the end of 2006 ? Surely in 2007 ?

Again, hard to say.  It’s still too early to know for sure.  Obviously, 
it’s a safe bet that there will be an HD version at some point, but I 
couldn’t even begin to guess when.

Propos recueillis en juin 2006 par François Bliss de la Boissière

(Publié partiellement dans le mensuel Les Années Laser en 2006)

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Interview Kim Aubry/Zoetrope Studios : Apocalypse Now : The Complete Dossier

Intime de Francis Ford Coppola, Vice Président de la post production et des films aux studios American Zoetrope, Kim Aubry a ouvert en 1999 le laboratoire DVD de Zoetrope* pour directement s’occuper de la réédition en DVD des films de Coppola. À son actif, entre autres, le coffret Le Parrain, le DVD du THX 1138 de George Lucas et Apocalypse Now Redux. A la veille de la sortie en zone 1 d’une nouvelle édition d’Apocalypse Now sous-titrée The Complete Dossier en 2006, je lui ai demandé les raisons de cette troisième édition DVD…

*Devenu ZAP depuis…

Note : Voici retranscrites ici les deux versions de cette interview par écrit. D’abord la version intégrale en VO évidemment préférable, mine d’informations et confidences de Kim Aubry. Puis une version raccourcie en français publiée dans un mensuel spécialisé en home cinéma à qui j’ai proposé cette interview. Celle-ci reste de mon initiative de bout en bout et j’en reste très fier et honoré. Voilà aussi pourquoi les questions sont essentiellement orientées techniques et DVD. Mais on y apprend plein de choses sur les différents montages « artistiques » du film par exemple et ses relations avec Coppola. Puisque la conversation tourne autour des versions complètes et rééditées voire remontées d’Apocalypse Now (mais pas seulement), il me semble naturel de jouer, en restant humble, le même jeu en proposant ici plusieurs éditions de cet entretien. Comparer la longueur des deux versions VO et VF de l’interview (28 000 signes VO > 6000 signes VF !) soulignera une nouvelle fois pourquoi les contraintes de la presse papier, notamment en pages et surface, ne peuvent que s’incliner devant l’espace illimité que permet une seule page sur le web. Sans compter la somme de travail et d’informations fournie par l’interviewer et l’interviewé réduite à peau de chagrin pour être imprimée. Les longues réponses visiblement passionnées et concernées de Kim Aubry font aussi la démonstration que de longues questions bien articulées (laissées ici en l’état), et pas forcément flatteuses, peuvent déclencher de riches réponses. Quand la passion se transmet. Savoir ensuite quelle version de l’interview est plus intéressante ou facile à lire restera à la discrétion du lecteur bien entendu. Ici, il a le choix en scrollant à volonté.

Version originale intégrale en anglais…

Bliss : Can you explain to us the reason behind the re release of Apocalypse Now (Complete Dossier) on DVD ? There is an archivist working full time at Zoetrope to drill and organize past documents… Could it be because he found new materials that this Apocalypse Now Complete DVD is coming up ? Who’s initiative is it to re release it ? Coppola’s, Paramount’s ?

Kim Aubry : 
We had always planned on putting together a comprehensive “collector’s edition” DVD of Apocalypse Now…but the dream and reality never seemed to be “in sync.” 
Our very first large commercial DVD project was “Apocalypse Now” in 1999. This was before we even conceived of making Apocalypse Now Redux, and it was early days for DVD…few had players, the mastering technology was primitive. We made a very simple short bonus extra for that DVD edition; an explanation of the ending of the film, really a debunking of the old rumors that Coppola had  two different endings for Apocalypse Now when the film was first released. We called this “The Destruction of the Kurtz Compound” and Coppola narrates.

Then in 2000, Walter Murch became available and after doing a feasibility study to determine whether original film elements (negative and sound) still existed, we embarked on the adventure that eventually became known as Apocalypse Now Redux. By the time we completed the project and prepared it for theatrical release (we premiered at Cannes in May of 2001), we already had experience putting together elaborate DVDs with bonus extras, such as The Godfather DVD Collection. BUT, again fates conspired…the decision was made that Redux would go out on DVD without any significant bonus extras. This was a decision based on the belief that 49 minutes of additional scenes would provide a great incentive to buy the DVD, and the studio did not want us to take 6-12 months to prepare additional documentaries. They must have been right, as the Redux DVD was commercially very successful, despite the fact that it had no commentary or featurettes. We re-visited the idea of a “Collector’s Edition” DVD every year since Redux was released in 2001 and finally, in late 2004, all parties agreed that the time was right for a complete comprehensive special edition DVD that would include both versions of the film along with documentary materials.

While producing Redux, I came in contact with many artists and crew involved in the post production of the original film in 1977-79. I discovered so many fascinating stories about the finishing of the film, in that chaotic time in the remarkably experimental, eccentric atmosphere that was San Francisco and Zoetrope in the late 1970s. While digging in the Zoetrope vaults for original 35mm materials from AN production, I re-encountered many kilometers of 16mm documentary footage from the Philippines AND from the post production phase in San Francisco. Almost every aspect of film post production was documented in some way; the weird collaboration between rival composers working on the synthesized musical soundtrack for the film; the process of conceiving, writing, and recording of Captain Willard’s voiceover narration; the decision to create a movie soundtrack with a unique six channel stereo surround sound, something that practically no cinema could exhibit in 1979. 

We also studied many hours of restrospective interviews with Apocalypse Now collaborators that were shot in 1990 for the documentary that eventually was to become Eleanor Coppola’s film “Hearts of Darkness.” Originally, that film project was going to be broader in scope, but as the team who produced it focused their story more specifically on the shooting phase in the Philippines, it opened the door for us to access some interviews covering the editing and post production phase. 

Eventually, we were given a date by the distributors for this enhanced Apocalypse Now DVD, and we spent approximately 16 months in researching, interviewing, writing and producing the new materials. Coppola’s audio commentary was recorded while he was shooting on location in Bucharest, Romania. We interviewed others in Los Angeles and in the San Francisco Bay Area.

Amazingly, Zoetrope did not have a full-time trained archivist on staff during the editing and restoration of Apocalypse Now Redux of the new soundtrack re-master of The Conversation. We relied on the kindness and professionalism of a legendary Hollywood negative cutter name Mo Henry of Donah Bassett. Those experiences in locating and tracking old film assets were so arduous, that it allowed me to argue for the cause of recruiting and hiring a staff archivist. Zoetrope finally did hire a wonderful qualified film archivist in 2002 who is still there maintaining their film vault and materials archive.


Bliss : The market (circa 2006) seems to be flooded of so called new editions of films already released on DVD. After the Apocalypse Now Redux, don’t you and Coppola think it’s going to be a hard sale, especially if it is released on DVD and then on HD-DVD or Blu-Ray ? How many times one person can buy the same product, even an immortal one ?

Kim Aubry : I can only speak to the DVD editions that we do. I can understand how consumers and the press may become cynical as they see various editions released over the years. But speaking for myself, I can say that creating documentaries and in-depth features takes time. So in the case of Redux, the feeling was, it was not wise to hold back the release of Apocalyse Now Redux until we had spent 2 or 3 years to plan and produce all of the bonus extras we wanted to do.  I feel the same way about our other enhanced DVD titles, such as “Rumble Fish,” and “The Outsiders – The Complete Novel.” Both of these enhanced edition DVDs were preceded by “plain vanilla” (good luck translating that expression!) movie-only editions. 

It also needs to be said that technology marches on, and the image quality of film transfers improves with time, technique and new equipment. Why not release another DVD of important films such as The Godfather, The Conversation or Apocalypse Now if we can take advantage of a better video master? If the Blu-Ray or HD-DVD formats catch on with the public, then certainly some may choose to buy new higher resolution images of their favorite films. (I still play vinyl LPs from time to time; but bit by bit, much of my favorite music collection is being replaced with CDs).  The consumer can decide whether or not to buy it, just as they can decide whether or not to “upgrade” their automobile or their personal computer as better ones become available.

Bliss : You’re working on new content for both Apocalypse Now and Dracula in High definition : is it new content as in new interviews and testimonies, or is it original documents that might have not been found before or used since ? How much does it change the process, or restoration for instance, to work for HD ?

Kim Aubry : With very few exceptions, practically ALL of the films we have adapted for DVD since 1999 have been transferred or remastered to High Definition videotape as a preliminary step in preparing the film for home video DVD. This was despite the fact that there was no practical consumer HD home-video format. The mastering departments at the studios led this effort, because it was felt that the film elements were deteriorating and delicate and it would be best to get the best possible copy from these film elements on a digital medium in case the film elements degraded further. Whereas films were previously  transferred with a resolution of approximately 720 pixels X 480 pixels (NTSC…. 720 X 576 in PAL countries), these HD masters were all made with a resolution of 1920 X 1080 pixels at 24 frames per second. Roughly 8 times the detail as ”standard definition” television with more precise color fidelity and a few other improvements.
 
Down conversions to NTSC and PAL were made from these High Definition masters. The Apocalypse Now Redux HD transfer was personally supervised by Vittorio Storaro, the great cinematographer. This transfer took over 150 hours to complete; and Storaro and his colorist had to access the delicate original camera negative in many cases to get the very best color reproduction possible.

What is new, is the idea of preparing bonus content for the next generation HD home video channels in high definition. (For BluRay, HD-DVD, and HDTV /DTV broadcast, cable and satellite) 
In the case of Apocalypse Now, The Complete Dossier, we photographed our new interviews with Francis Coppola in HD and we transferred some of the archival materials we are using in HD. 
When a distributor announces plans to release an HD DVD of some kind, we will be ready.

 Our new DVD treatment of Bram Stoker’s Dracula (now in the editorial phase) will also feature a brilliant new HD transfer of the film (désormais disponible en 4K fin 2017 ! NDR). But in this case, we were commissioned by the studio (Sony) to create most of our new bonus content in high definition. New interviews are all shot in HD. And much of the documentary behind-the-scenes footage was shot in 16mm, making for a very high quality new HD transfer. It is a huge undertaking for a small company like ours. Fortunately, we already had limited experience with working in HD, and are slowly, sometimes painfully getting through the process. It is early days, like the Wild West, in HD post production. Procedures and formats are not standardized; software is buggy. But our cultural roots are in artistic and technological R&D (research and development) as I was in charge of post production at Coppola’s “American Zoetrope” from 1987-2004. We were always being asked to adapt TV, recording studio and computer technology to the art and practice of making films. We spent a great deal of time on the “cutting edge” although we usually called it the “bleeding edge.”

Bliss : As you used to work specifically on sound, and Apocalypse Now pioneered DD 5.1 soundtrack back in 1979, what kind of improvement can we expect for this new edition ?

Kim Aubry : This DVD will have a better looking “encode” than ever before, partly because of our decision to split the film onto two separate discs, with ACT 1 and ACT 2. This allows a greater bit rate which means less compression. The intermission is not so disturbing, as the filmmakers originally intended for there to be an intermission (in the cinema) right after the Puppy Sampan Massacre scene. The scene is followed by a dip to black and silence and the next scene begins with a very long fade in from black and silence. 

The new DVD features four separate short documentary films on the topic of SOUND:

“Heard Any Good Movies Lately – The Sound of Apocalypse Now”  
“The Final Mix”
“The History of 5.1 Sound”
“Ghost Helicopter Demo”

We discuss in great depth the historic collaboration between Zoetrope’s sound designers and mixers with the engineers at Dolby Laboratories (just three blocks away from Zoetrope in San Francisco’s North Beach district). We see Coppola at work with his sound department team discussing details of the sound mix and soundtrack. And we show how the signature “Ghost Helicopter” Sound which opens the film was created. The original 70mm soundtrack itself was completely painstakingly re-mastered in 2000 by Walter Murch at our facilities in Napa and in San Francisco for the release of Apocalypse Now Redux, and this mix is on the DVD soundtrack in Dolby Digital 5.1 channel surround sound.

Bliss : Can you explain the « art student » option included in the future release of Apocalypse Now and Dracula ? Does this feature work differently depending on which format it will be published on ? We’re guessing a « follow the white rabbit » à la Matrix for the regular DVD that stops the film to check out documents, but what about on HD-DVD or Blu-Ray ? Could the same feature be done in a more integrated and fluid way ?

Kim Aubry : We did a feature like this on our DVD of George Lucas’ film “THX-1138” a few years ago, but we have not created this feature for either Apocalypse or Dracula.

“Apocalypse Now The Complete Dossier” does have two unusual authoring features:
-Dual Feature. The viewer can select whether they wish to watch the original 1979 “Apocalypse Now” or the 2001 “Apocalypse Now Redux” by choosing a menu button. 
The director’s commentary switches automaticaly, so one hears the commentary for the desired version of the film.


-Redux Marker. 
When watching the Redux version of the film, if this mode is turned on, a logo appears on screen ONLY during the scenes which were added to Apocalypse Now Redux.

I am sure that when HD-DVD and BluRay mature, and we get into the second wave of releases, much more sophisticated interactivity will be available to DVD producers like me which will make creating them much more interesting and viewing them more fun.

Bliss : The Apocalypse Now : The Complete Dossier won’t include the Hearts of Darkness documentary. Can you answer why at this point ? Is it a question of copyrights ? Budget ? The good will of someone ? Could it be included in another more « complete » edition ?

Kim Aubry : There are rights and clearance problems with the documentary so sadly, it is unavailable for distribution at this time. I am reasonably certain that these issues will be resolved and the documentary will become available at some point in the future. All agree that it is a terrific documentary. The editors and producers of that documentary were extremely helpful to us in making some of the new featurettes that will appear on The Complete Dossier.

Bliss : The full scene of Marlon Brando’s reading a poem is in the extra features. How long is it ? Did Brando knew that his complete recording would be publicly seen one day ? As far as you know, was he happy with his interpretation?

Kim Aubry : The scene was shot as an experiment during the 3 weeks of Brando’s  cinematography on location in the Philippines. A few brief excerpts are in the finished Apocalypse Now film. 
In 2005, Francis Coppola personally supervised the creation of a new “visual poem” integrating the complete reading of the poem intermingled with outtakes of the film and with some of Eleanor Coppola’s documentary footage that has never before been seen. The run-time of this featurette is 17 minutes.

Bliss : Let’s clarify one point : this new Complete Dossier doesn’t include a new director’s cut of the movie, does it ? Was Coppola tempted at one point ?

Kim Aubry : I would say that Apocalypse Now Redux is the definitive “director’s cut” of the film.
 Coppola explains this in the new DVD featurette called “The Added Scenes and Expanded Themes of Apocalypse Now Redux”

Bliss : Since you began DVD production for Francis Ford Coppola in 1999, what has changed in the medium since then ? Is it now technically and artistically fully exploited to the point where the new high def supports are welcome to go one step beyond ?

Kim Aubry : I have always been content to work within the limitations of the medium I have at the time. Those limitations inform the style and art we create. 
It can be argued that the original monaural soundtrack of Coppola’s 1974 film “The Conversation” has one of the greatest and most courageous soundtracks of all time, designed by the great Walter Murch. Of course when we had the chance to go back into that soundtrack and update it for DVD in 2000, we did so with utmost respect for the original, and it allowed us to realize how great the original really was.

The interactive features on DVD are primitive; and they reflect the technology at the time of DVD development in the mid-1990s. The idea was to make a cheap consumer product, the set-top player that would be completely functional, easy to operate, universal, with a very small amount of RAM (as this was expensive at the time). That is the DVD system we got in 1997. It was essentially a cheap adaptation, though inferior, of the functionality of basic CD-ROMs of that era. An advancement over Laserdisc. But as consumers, we are spoiled with our personal computers, video games, sophisticated websites, TIVO and so on. The designers and programmers who are developing the tools for authoring the next generation of DVD (HD-DVD and BluRay) are working with much more sophisticated tools and constructs. The players have much more memory allowing for animated full video quality moving menu overlays, and the user interface they seem to be implementing resembles a computer desktop with hidden toolbar, rather than the sequence of menus  we are accustomed to. But it needs to be said that of course, as soon as they commit to hardware and software standards to ensure inter-operability between manufacturers and low cost for the retailer, the standard will seem obsolete and everyone will attack it in 2 years as short-sighted. 
PLUS, there are many who question the future viability of this model: delivering movie content to consumers on physical media, which requires physical hardware, packaging, shipping, inventory, and a trip to the store. I-Tunes hasn’t killed the CD recorded music business yet, but I am sure that the distributors are looking back over their shoulders when they hear the letters “VOD.”

 Building our DVD lab in 1999 was a real departure for a film post production boutique facility. In retrospect, it seems as though it was a natural means to an end. I hope to remain firmly in the front lines of creative enterprise and technical quality control of the mastering process. I want to ensure that the film viewer gets the best possible highest quality viewing and listening experience and I want to produce bonus content and graphic presentation that is beautiful and edifying, no matter what medium is used to get the content onto the consumer’s TV, home theater or…gasp…microchip implant in their visual cortex.

Bliss : How does it work between you and FF Coppola when planning new DVD content ? Who drops the ideas first ? Is Coppola very specific for what he wants or is he more opened minded to discussion ? Being a precursor of new video technologies in the 80’s is he still aware or even interested in the new HD formats or does he leave it to you ?

Kim Aubry : Sometimes, we brainstorm about what should go on a new DVD, or what topics we should cover within a documentary featurette. Francis remembered the existence of outtakes of Brando’s reading of The Hollow Men. I discovered the audio cassette of a 1971 private first meeting in Nino Rota’s apartment in Rome  to discuss the musical soundtrack for “The Godfather.” Sometimes he hates my ideas, but lets me pursue them to see where they will go. For example, the dinner – reunion in Napa with the cast of The Outsiders was something he was not so crazy about, but then it turned into a wonderful and fun event for all concerned, and gave us very good material for the DVD. Maybe the best way to describe the paradoxical relationship is this: Francis says he hates thinking about the past, re-hashing old films, events, relationships. He resists. Sometimes, he gets angry before a scheduled video shoot. Sometimes, he gets physically ill just before we begin recording a director’s commentary. But when the red light comes on, he transforms despite any infirmity or mood. Coppola is simply the most eloquent, engaging, skillful raconteur I have ever met. Recording the Godfather Part I commentary was especially grueling. I think he said the words “I hate the Godfather” at least twenty times before during and after our difficult 5-hour session. He had a fever of 102 degrees, and was coughing constantly. We were recording this episode after midnight in an industrial warehouse in Brooklyn with no sound proofing and mid-way into the session, it began to storm outside with the sound of rain torrents on the skylights impossible to filter out. But he carried on to record one of the most interesting personal, vulnerable and illuminating commentaries we ever did. It was as if he transported himself psychologically into the incredibly arduous period of shooting The Godfather in 1970-71, during which he was sure he was about to be fired every minute of every single day.

 I showed him rough cuts of the documentaries we prepare (for his films) and he usually has a few constructive suggestions or corrections. We have been doing this for so long that it is rare we come to blows over content or form in these. My designer Elisa Tanaka and I prepare two or three concepts for graphic menu designs, and he selects his preferences, or makes suggestions for improvements and refinements. We have never disagreed although in a few cases, I may have had a hard time understanding a concept. For instance, although we designed the concept of the book-cover for “The Outsiders – The Complete Novel” using a switchblade as a prop, it was Francis who suggested we slash the book with the knife as an animated element. 
We looked at one another…,maybe we rolled our eyes (as if to say “this guy’s crazy”). 
But when we executed the concept, we were very pleased with the effect. (“He still has it.” “Absolutely.”)

Bliss : Among other things, your company ZAP Zoetrope Aubry Productions LLC, is taking care of audio restoration, but, apparently, not actual film restoration. How come ?

Kim Aubry : Film image restoration is a hugely technical process that involves proximity to a film laboratory, negative handling, and then very computer-intensive functionality. There are some companies that have gotten involved in film restoration for TV, meaning they use packaged solutions (hardware and software) that allow them to bring in a digital videotape transfer of a film and scene by scene, frame by frame, make corrections and repairs. But in our world, with our technical depth, we would only be doing this work on standard definition transfers for DVD, and we haven’t felt sufficient demand for this service that is not already being met by those companies already in the business. 
Because Zoetrope had such deep roots in film sound and high quality audio recording, mixing and mastering, we HAVE maintained involvement in this activity as there are many films that were produced and mixed in the 1970s and 1980s that may have wonderful sounding original sound elements (original tapes, pre-mixes and master stems)  but the final soundtracks are of inferior quality because of the limited fidelity of film projection equipment of that era. This is an area in which we can essentially revive and resuscitate a great sounding stereo mix for DVD or even theatrical release. A few examples of this kind of work we have done with great success:
-The Conversation (1973/2000)
-Tucker, The Man and His Dream (1988/1999)
-Theremin – An Electronic Odyssey (1991/1994)
-Rumble Fish (1983/2005)
-The White Dawn (1973/2003)
-One From the Heart” (1982/2003)
-The Escape Artist (1981/2005)
I have written extensively about the audio restoration work we did on The Conversation and on The Escape Artist and would be happy to send these writings your way if you are interested. I am especially proud of the work we did last year for the relatively un known film “The Escape Artist directed by Caleb Deschanel and starring Raul Julia, Griffin O’Neal and Teri Garr. 
The score was composed by the great Georges Delerue, and I think it is one of his best, if somewhat unknown.

Bliss : You said that if the DVDs were only meant for rental there wouldn’t be the need for additional content. But it is known that even the vast majority of DVD buyers don’t watch the extra features. So why really bother ? In the case of Coppola’s film isn’t it more a question of : let’s make a archive on DVD, for the director’s sake and memory of the film, and then let’s do a product to sale with it ? Or the other way around ?

Kim Aubry : I am not sure what you are asking here. Marketing executives who work at the studios make decisions about what contributes to the commercial success of a DVD release; sometimes they won’t offer us any money to produce extras, sometimes they do. I can’t control this. Many strangers that I meet at parties or while riding my bike or in a café tell me that they do enjoy these extras. Fortunately, I don’t have to decide whether or not to risk a distributors’ money to produce them. They decide.

Bliss : As you’re working on high def transfer, do you think you can homogenize all the restored documents to offer a clean feature whether for Apocalypse Now or Dracula or any other movies you’re working on ? Surely the high resolutions might show some defaults in the original documents that wasn’t visible before (colors, lights…) ?

Kim Aubry : This happens occasionally. Less than you might think. 
Remember, the film originally was work-printed and reviewed by the cinematographer in a proper screening room on a large screen so major flaws in original photography are usually caught at this phase. But it is true that dirt, dust and film damage can be more apparent in HD transfers compared to the original standard definition TV presentation and sometimes, we need to spend more time and money to clean up defects. 

A more significant consideration is this: Films were originally shot and edited with the intention of showing them in the cinema to a viewer ONCE at 24 frames-per-second. Perhaps there would be a subsequent TV broadcast. But home video has changed this. If you own a videotape or DVD of a film, you can watch it over and over, using the frame-by-frame control to study in excruciating detail the architecture of every shot and every transition. Films are essentially magic shows.* The bad news is…our magic tricks are naked and revealed. 
It is as if we videotaped  a great illusionist on stage performing a card trick, with multiple cameras and then we studied all of the angles.
 Not much to be done here, but more than a few people have shown me what they call “defects” in effects such as “swish pans” where we trick the eye into thinking they are seeing a real-time transition. 
Tant pis.
… * We go into great detail in discussing this on our new DVD of Bram Stoker’s Dracula (1992), in a featurette we call “In Camera – The Naïve Visual Effects of Dracula.” 
Since the film’s visual style was profoundly influenced by the visual style of turn of the last century magicians and filmmakers such as Georges Méliès , Auguste and Louis Lumière, Murnau, Lang, Abel Gance to name a few.


Bliss : Which DVD are you working on besides Coppola’s related projects ?



Kim Aubry : We do DVD compression and authoring work on many titles for The Criterion Collection. Check our website for the most recent releases that are available.
 I am generally not permitted to disclose film titles that we are working on if their release dates have not yet been announced.

Bliss : More generally, how long you and Coppola think the HD market will really take off, if it does ever ? Do you think that « regular » people are really ready to notice the difference between DVD definition and HD definition to the point of buying new expensive materials and their collection of movies all over again ?

Kim Aubry : 

No predictions. Coppola said in 1979 at the Academy Awards Broadcast that he imagined a future for filmmakers that involved computers, digital electronics, videotape and satellites. (He had recently seen a primitive demonstration of high definition television at NHK in Japan).  He confidently predicted that film was to be replaced with an all-electronic cinema in 5 to 10 years. So there is no advantage in predicting these things. HD TV is already modestly successful here in the U.S. For sports broadcasts and other entertainment. 
Most consumers who purchase new expensive flat TVs watch their DVDs on them and they think they ARE watching HD. After all the salesman in the store told them this is an “HD-Ready TV!” 
I think the unfortunate (ridiculous) Betamax/VHS guerre of competing high definition disc formats will further set back the launch of HD movies in the home by years. 

Mais qui sait?

Bliss : Is HD VOD the future of movie consuming ?

Kim Aubry (en français dans le texte) : “Boh?” J’sais pas, moi!”

Version française raccourcie…

Bliss : Pourquoi sortir en 2006 une nouvelle édition d’Apocalypse Now ?

Kim Aubry : Nous avions toujours prévu d’assembler une édition collector complète, mais rêve et réalité n’ont jamais coïncidé. Notre premier grand projet de DVD commercial a été Apocalypse Now en 1999, au tout début du format DVD. C’était avant même d’imaginer faire Apocalypse Now Redux. Peu de gens avait des lecteurs DVD et les techniques de mastering étaient primitives.
Quand, en 2000, Walter Murch (célèbre et respecté sound designer et monteur, ndr) devint disponible, et après une étude de faisabilité pour savoir si des anciens éléments du film (négatifs et son) existaient encore, nous nous sommes embarqués dans l’aventure qui a fini par s’appeler Apocalypse Now Redux qui contenait 49′ de film inédit.
En 2001, nous avons pensé avec le studio qu’il n’était pas raisonnable de ne pas commercialiser Redux en attendant les un, deux ou trois ans nécessaires pour réaliser les suppléments que nous voulions. Il faut aussi préciser que la technologie avance et que le transfert des films s’améliore avec le temps et les nouveaux équipements. Pourquoi alors ne pas ressortir les DVD de films aussi importants que Le Parrain, Conversation Secrète et Apocalypse Now, si l’on peut tirer avantage de meilleurs masters vidéo ?

Bliss : Vous préparez dorénavant les bonus en haute définition ?

Kim Aubry : Ce qui est nouveau, en effet, c’est de préparer des suppléments pour les prochains canaux de diffusion en haute définition (Blu-ray, HD DVD, TV HD par satellite ou sur le câble). Pour Apocalypse, nous avons filmé les nouvelles interviews de Francis en HD. Nous avons également transféré un certain nombre d’archives en HD. à quelques exceptions près, tous les films que nous avons adaptés pour DVD depuis 1999 ont été transférés ou remasterisés sur des cassettes haute définition, même s’il n’y avait aucun canal de diffusion HD pour les consommateurs. Cet effort a été fourni parce ce qu’il a été constaté que les éléments originaux se détérioraient et qu’il valait mieux anticiper sur la future dégradation. Alors que les films étaient auparavant transférés avec une résolution de 720×480 pixels (NTSC, 720×576 pour le PAL), ces masters HD ont tous été faits avec une résolution de 1920×1080 pixels à 24 images/seconde. Grosso modo huit fois le niveau de détails de la définition standard TV. Le transfert HD de Apocalypse Now Redux a été personnellement supervisé par le grand chef opérateur Vittorio Storaro et son coloriste qui y ont travaillé pendant 150 heures pour obtenir la meilleure coloration possible. Quand un distributeur sera prêt à sortir un DVD HD sur un format ou un autre, nous serons prêt.

Bliss : Le film Apocalypse Now a initié le format DD 5.1 en 1979, et vous êtes vous-mêmes spécialiste du son. Quelle amélioration sonore envisagez-vous sur ce nouveau DVD ?

Kim Aubry : L’encodage du DVD sera encore plus précis qu’auparavant, en partie parce que nous avons décidé de répartir le film sur deux DVD avec l’Acte 1 et l’Acte 2. L’intermission ne gênera pas, elle était originellement prévue lors de la sortie cinéma, juste après la scène de massacre du Sampan Puppy. Le DVD contient quatre courts documentaires sur le son : “Heard Any Good Movies Lately – The Sound of, Apocalypse Now” , “The Final Mix”, “The History of 5.1 Sound”, “Ghost Helicopter Demo”. Nous y discutons en profondeur de la collaboration historique entre les ingénieurs du son et les mixeurs de Zoetrope avec les ingénieurs de Dolby Laboratories qui sont installés à trois pâtés de maison des studios Zoetrope à San Francisco.

Bliss : Des bonus particuliers ?

Kim Aubry : Ce nouveau DVD a deux procédés d’authoring inhabituels : le commentaire audio du réalisateur se cale automatiquement sur la version du film visionnée (version 1979 ou Redux de 2001), et sur la version Redux, une option permet de faire apparaître un logo sur les scènes ajoutées au film original. Une longue scène presque inédite avec Marlon Brando réapparaît…

Bliss : Une longue scène presque inédite  avec Marion Brando a été réintroduite…

Kim Aubry : Ce moment dans le film où Brando – le Colonel Kurtz – lit un poème de T.S. Eliot (The Hollow Men, 1925), a été filmé comme une scène expérimentale pendant ses trois semaines de tournage aux Philippines. Un court extrait apparaît dans le film. En 2005, Francis Coppola a supervisé lui-même un nouveau « poème visuel » intégrant la lecture complète du poème par Brando montée sur des chutes du film et des extraits inédits du documentaire Hearts of Darkness filmé par Eleanor Coppola. Le tout fait 17′.

Bliss : Pourquoi le célèbre documentaire Hearts of Darkness n’est-il justement pas inclus ?

Kim Aubry : Des problèmes d’autorisations et de droits n’ont malheureusement pas été réglés à ce jour. Les monteurs et producteurs de ce documentaire, que nous trouvons tous formidable, nous ont beaucoup aidé à réaliser certaines des nouvelles featurettes.

Bliss : Sur quels DVD travaillez-vous en dehors ceux de Coppola ?

Kim Aubry : Nous faisons de la compression et de l’authoring sur de nombreux titres de la collection Criterion. Mais en général je n’ai pas le droit de citer les films tant que les dates de sortie n’ont pas été annoncées. Vous trouverez les derniers titres disponibles listés sur notre site Internet.

Bliss : Pensez-vous que la HD va vraiment s’installer ?

Kim Aubry : La plupart des consommateurs qui achètent un nouvel, et cher, écran plat, y regardent leurs DVD en pensant être déjà en train de voir de la HD. Après tout, le vendeur du magasin leur a dit qu’il s’agissait d’une TV « HD Ready » ! Je crois que, comme pour le Betamax/VHS, la malheureuse (et ridicule) guerre des formats de disques HD va brider pour des années encore le lancement des films HD dans les foyers. Mais qui sait ce qu’il va se passer ?

Propos recueillis et traduits en juin 2006 par François Bliss de la Boissière

Photo © DR : Kim Aubry et Francis Ford Coppola

Apocalypse Now The Complete Dossier contient le film original de 1979 et la version Redux de 2001 plus de nombreux suppléments inédits puisés dans les archives de Zoetrope Studios. Disponible le 15 août en zone 1 (attention : sans VF ni STF), l’édition zone 2 n’est pas encore prévue.

(Version française éditée publiée en 2006 dans le mensuel Les Années Laser)

 


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Kingdom of Heaven Interview : 2 DVD sans mal

Proche collaborateur de Ridley Scott, Charles de Lauzirika est devenu le documentariste et producteur DVD attitré des productions Scott Free et donc de la version 2 DVD de Kingdom of Heaven..

Version française éditée à lire ci-dessous en scrolling un peu…

Version originale anglaise intégrale…

Bliss : Since you are so particularly close to Ridley Scott’s work, did the studios let you more freedom with producing this 2 DVD Kingdom of Heaven edition  (compared to Spider-Man 2 for instance) ?



Charles de Lauzirika : Creatively-speaking, Fox Home Entertainment rarely interferes with 
my work in DVD.  As such, KINGDOM OF HEAVEN, was a very straightforward 
experience.  The biggest challenge was trying to come up with something 
worthwhile for the 2-disc edition.  I had an idea for another DVD 
project involving an interactive production grid that would allow 
viewers to tailor the behind-the-scenes material to their liking.  So, 
as an experiment, I thought it would be nice to try it out for the 
2-disc edition of KINGDOM OF HEAVEN.  We’ll see if people like it or 
not.

Bliss : There are supposed to be 5 hours long of bonus on the 2 DVD edition : if not counting the movie commentaries, what are they ?


Charles de Lauzirika : There’s a historical text commentary that runs over the course of 
the film called The Pilgrim’s Guide.  There are about 90 mins. of 
content in the Interactive Production Grid, but you can watch it 16 
different ways, so who knows how long you can spend watching it?  Then 
there are a pair of A&E TV specials, each about 45 mins., one called 
 »History Vs. Hollywood » and the other called « MovieReal. »  There are 
several internet promos and trailers as well, so all told, this 2-disc 
edition is fairly well loaded.

Bliss : What’s the main program (attraction) of the bonuses ?

Charles de Lauzirika : The main attraction of the 2-disc edition is clearly the Interactive 
Production Grid, but The Pilgrim’s Guide and the two A&E specials are 
also very worthwhile.

Bliss : Can you confirm and explain the « interactive » making of that seems to be planned ?


Charles de Lauzirika : Basically, the Interactive Production Grid is an easy-to-use 
navigation portal that allows you to choose the configuration of 9 
different featurettes.  You can choose perspective, such as the 
director’s, or a timeframe, such as pre-production.  You can watch the 
whole thing chronologically in « play all » mode, or you can watch a 
single featurette at an intersection between time and perspective.  I 
know that might sound complicated, but it’s actually all very easy.

Bliss : You filmed a documentary of the shooting, how many hours did you record and how long is your final documentary ? Was Ridley Scott involved in the editing ? Did he have specific demands you had to fulfill ?


Charles de Lauzirika : Since I’m still documenting KINGDOM OF HEAVEN, it’s hard to say how 
many hours of footage there will be when it’s all done. A few hundred 
hours, to be sure. I’ve been shooting video on KINGDOM OF HEAVEN for a 
roughly two years now, so there’s a vast archive of footage now. For 
the 2-disc edition, Ridley approved the materials I put together, with 
no changes, so it was a fairly easy process on this one.

Propos recueillis et traduits en août 2005 par François Bliss de la Boissière

Version française éditée pour publication…

Bliss : Avez-vous eu plus de liberté pour concevoir le DVD de Kingdom of Heaven que, disons, celui de Spider-Man 2 ?

Charles de Lauzirika : D’un point de vue créatif, la Fox se mêle rarement de mon travail. Le plus gros challenge a été d’inventer quelque chose valant le coup sur cette édition 2 DVD *. A titre expérimental, j’ai utilisé un système de grille interactive qui permet au spectateur d’adapter à son goût la vision des coulisses du tournage. Cette édition 2 DVD a été plutôt facile à faire, Ridley Scott a tout approuvé sans rien changer.

Bliss : Quels sont les bonus ?

Charles de Lauzirika : Nous avons un commentaire historique écrit nommé le « Guide du Pèlerin », et deux programmes de la chaîne TV câblée A&E (Arts & Entertainment) de 45′ chacun : « History vs Hollywood » et « Movie Real ». L’attraction principale des bonus est néanmoins l' »Interactive Production Grid », soit une grille de production interactive de 90′ visible de 16 façons différentes. Ce portail permet de choisir la configuration de 9 featurettes parmi différents points de vue : celui du réalisateur, de la pré-production, ou temporel. On regarde une featurette à partir d’un croisement entre le temps et le point de vue. Cela semble compliqué mais en réalité c’est très facile à utiliser. L’ensemble est aussi lisible chronologiquement en mode « play all ». En ajoutant plusieurs clips Internet et des trailers, cette édition 2 DVD est plutôt bien remplie.

Bliss : Combien d’heures de documentaire avez-vous enregistré sur le film ?

Charles de Lauzirika : Comme je continue à y travailler, c’est difficile à dire. Plusieurs centaines, c’est sûr. Je filme en vidéo depuis deux ans maintenant, cela fait une masse considérable d’archives.

* Une rumeur non officialisée(qui se confirmera) imagine une édition 4 DVD avec un long documentaire et une Director’s Cut pour 2006.

Propos recueillis en août 2005 par François Bliss de la Boissière

Kingdom of Heaven édition 2 DVD

(Publié partiellement en 2005 dans le mensuel Les Années Laser)


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E3 2005 : Le jeu vidéo fait son cinéma

Les nouvelles consoles présentées au salon annuel des jeux vidéo de Los Angeles font leur cinéma tout en ne voulant plus seulement jouer.

TéléObs E3 2005

Cela se passe au pied du downtown de Los Angeles, aux portes d’Hollywood, pendant le Festival de Cannes. Le Convention Center de L.A. accueille chaque mois de mai le grand raout annuel des jeux vidéo : l’Electronic Entertainment Expo, l’E3, ses 70 000 participants venus de 79 pays présenter et voire plus de 5000 produits. Un événement hypertrophié entre foire du trône à l’américaine où chaque stand cherche à attirer le passant dans un déchaînement d’images et de sons, salon professionnel où contrats et projets se discutent et se signent dans des back rooms privées, rendez-vous culturel avec conférences réunissant les éminences artistiques du milieu, et centre d’expositions cautionnées par l’Académie des Arts et Sciences Interactives et le Musée LACMA* de Los Angeles. Un délire dionysiaque électronique digne de l’activité bouillonnante du jeu vidéo qui rejette sans ménagement tout intrus ou curieux non averti.

Nouvelle génération, nouveaux challengers

Année charnière, 2005 signe le basculement vers une nouvelle génération technologique d’une industrie du jeu vidéo si étroitement liée au progrès informatique qu’elle est condamnée à l’éternel recommencement. Les trois constructeurs de consoles de jeux qui se partagent le marché des années 2000, Sony et sa PlayStation 2, Nintendo et sa GameCube et, surtout sa Game Boy, et le nouveau challenger Microsoft et sa Xbox ont présenté des nouvelles machines « Next -Gen » surpuissantes destinées à conquérir le marché des loisirs numériques des cinq prochaines années. Des machines à jouer capables d’aller sur Internet, de lire, télécharger, centraliser, films, musiques, photos, et communications, au point de ne plus vouloir s’appeler consoles de jeux mais centres de loisirs multimédia. « Super ordinateur de loisirs » ou « serveur de divertissement » s’affirme la PlayStation 3 de Sony et son inédit processeur CELL auto qualifié de « synthétiseur de réalité ». « Revolution » revendiquée chez Nintendo dont le projet encore mystérieux mais sans fil abrite des processeurs surnommés Hollywood (ATI) et Broadway (IBM) ! Microsoft, enfin, dont la Xbox 360 sortira la première fin 2005 en plaçant l’utilisateur au « centre de l’expérience » de « l’ère de la Haute Définition » comme l’explique Bill Gates en couverture du Time**.

Bad boys reloaded

Cette 11e édition de l’E3 entérine également une coopération de plus en plus étroite, quoique encore ambiguë, entre les industries du cinéma et du jeux vidéo. Après l’exploitation de films récents, les éditeurs cherchent à faire revivre les bad boys les plus célèbres de l’histoire du cinéma dans des productions interactives souvent bancales mais si lucratives. Ainsi, les attendues affiches géantes des prochains Batman Begins, Madagascar, Aeon Flux (Charlize Theron offre au jeu aussi sa voix et son physique) ou le plus prometteur King-Kong, côtoient les anciens James Bond, Scarface, Warriors (Walter Hill, 79), Taxi Driver, Dents de la Mer, ou Parrain et concurrencent celles des jeux les plus populaires (+ de 1000 titres inédits présentés !). Modeste domaine réservé d’acteurs peu connus (écouter la magnifique Linda Hunt en narratrice, Ron – Hellboy – Perlman est un habitué…), le doublage vocal de jeux vidéo devient aussi l’affaire d’acteurs de premier plan. Sans doute grâce aux zéros confidentiels récemment alignés sur des chèques par de gros éditeurs de jeux vidéo (Electronic Arts, Vivendi Universal…) mais aussi parce que cautionnés par le vrai parrain des acteurs modernes, Marlon Brando lui-même, qui, malicieux jusqu’au bout, a joué le jeu avant sa mort en 2004 en enregistrant de nouveaux dialogues du Godfather. Depuis, comme si le parrainage posthume valait pour blanc-seing, les autres suivent. Et tant pis si, non consulté, Francis Ford Coppola en est réduit à dénoncer et les méthodes et le résultat (Le Parrain n’est pas un film d’action, le jeu, oui). Robert Duvall et James Caan ont enregistré de nouveaux dialogues pour une adaptation du Parrain. Sans aller jusqu’à redonner de la voix, Al Pacino a accepté de réapparaître en Tony Montana dans un Scarface virtuel. Sean Connery refait du 007 sur Bons Baisers de Russie, et le grand Clint a dit oui à Warner pour prêter sa voix et son physique à des aventures interactives de L’Inspecteur Harry. Les séries TV les plus célébrées se convertissent également, avec notamment la présence de Kiefer Sutherland sur le jeu 24h Chrono, Vincent d’Onofrio sur New York District, tandis que Les Sopranos sont en discussion. Une participation des acteurs devenue si importante que la puissante SAG (Screen Actors Guild) envisage la grève pour renégocier des cachets ne tenant pas compte jusqu’ici des royalties sur les ventes de jeux vidéo. François B. de la Boissière

* (Los Angeles County Art Museum)
** Edition du 23 mai 2005

François Bliss de la Boissière

(Publié le 3 juin 2005 dans TéléCinéObs)

 


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Brothers in Arms : Road to Hill 30/Mario Party 6/Robots

Sélection rapido des sorties JV du numéro de MAI 2005 de Première quand le mensuel du cinéma croyait encore à une critique du jeu vidéo dans ses colonnes. Que l’équipe rédactionnelle d’alors en soit ici remerciée.

Robots

Brothers in Arms : Road to Hill 30

Dans la lignée de la série TV Band of Brothers produite par Spielberg (2001), le joueur endosse le destin d’un jeune Sergent US parachuté en pleine campagne normande au lendemain du Débarquement. Narrée en flashback, l’histoire retrace le journal personnel du soldat. Décidément singulier, ce jeu de guerre presque humaniste impressionne autant pour son système de jeu tactique cérébral que par sa force émotionnelle subjective. (PS2, Xbox, PC,Ubisoft. Pegi 16 ans).

Mario Party 6

« Vas-y ! Plus fort ! Poussez ! Vers l’avant ! Vers l’arrière ! Saute ! »… Nintendo deviendrait-il hardcore ? Non, bien sûr. Mais malicieux, oui, grâce à l’inclusion d’un microphone et donc de jeux basés sur des commandes audio ! Quiz, courses d’obstacles, et même séances de tirs bon enfant commandés par la voix rappellent, même aux habitués de ce jeu de l’oie avec gages interactifs, à quel point le jeu vidéo a quelque chose de fondamentalement magique.
 (NGC, Nintendo)

ROBOTS

La sympathie du design retro futuriste du film de Chris Wedge est si forte que la prise en mains peu précise de Rodney s’excuse éventuellement sur consoles de salon. D’autant que cette petite production interactive fait l’effort d’offrir un mixe aventure/action/plate-forme plutôt variée, à défaut d’être originale. De quoi contenter les plus petits, mais aussi écorcher les oreilles des adultes avec des dialogues vraiment insipides.
 (PS2, NGC, PC, Sierra.)

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Splinter Cell Chaos Theory : Pattes de velours

L’espion Sam Fisher adopte une attitude plus féline et donc plus accessible que son aîné Metal Gear Solid et, validé par l’écrivain Tom Clancy, se prend très au sérieux.

Splinter Cell Chaos Theory

Pourtant, les missions d’infiltration (campement, cargo en mer…) contredisent des jeux d’ombres et de lumières plus propices à la mise en scène qu’à un vrai réalisme des situations. De même, le malin radar signalant le degré de discrétion sonore du héros dans le décor perd sa crédibilité quand l’espion se soigne en poussant un gros soupir sans attirer l’attention… L’ensemble de la production force néanmoins le respect grâce au mode coopératif jouable en ligne, aux bruitages d’ambiances, et à la bande musicale signée Amon Tobin.

  • Splinter Cell Chaos Theory. Xbox, PS2, NGC, PC, Ubisoft (Pegi 16 ans).

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Star Wars Republic Commando : Sur tous les fronts

Six films en salle, mais surtout plus de 50 jeux vidéo depuis 1991, la guerre des étoiles n’a jamais eu de trêve. Games vs ciné : qui influence qui ?

Star-Wars-Republic-Commando-PC

L’empire de George Lucas a depuis longtemps investi la galaxie jeux vidéo. Dans les années 80, il a même été le berceau de jeux d’aventure cultes (Monkey Island, Grim Fandango…). Les années 90 ayant eu raison des efforts créatifs, la branche LucasArts a rallié la force du marketing. Au point que l’on soupçonne les scènes d’action des films de la nouvelle trilogie d’être conçues aussi, et peut-être surtout, pour être exploitables en jeu vidéo, telle la fameuse course de Pods de Episode I.
Parmi la multitude de jeux SW, le récent « Knights of The Old Republic II » (PC, Xbox) reste une des meilleures variations grâce à son mélange jeu de rôle et action. Mais en attendant le jeu officiel du film mis au secret jusqu’au 5 mai, le jeu d’action-tir en vue subjective « Republic Commando » retient l’attention. Sombre et militariste, prenant des libertés avec l’univers ultra balisé de Star Wars (pas de générique rituel), le jeu permet de contrôler sans trop d’effort une escouade de 4 militaires équipés pour blaster droïdes, aliens et autres clones de l’Empire.

  • Star Wars : Republic Commando. PC, Xbox, Activision (textes et voix en anglais).

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Metal Gear Solid 3 : Snake Eater/Project rub/The CHRONICLES OF RIDDICK : ESCAPE FROM BUTCHER BAY

Sélection rapido des sorties JV du numéro d’avril 2005 de Première quand le mensuel du cinéma croyait encore à une critique du jeu vidéo dans ses colonnes. Que l’équipe rédactionnelle d’alors en soit remerciée.

Project Rub

Metal Gear Solid 3 : Snake Eater

Jeu d’auteur/star japonais réalisé avec un budget de super production, MGS3 jette le ramboesque Solid Snake en pleine jungle. Encore plombé par une ostentatoire mise en scène, ce 3e volet mélange spectacle grand public et jeu d’action-infiltration hyper pointu où il faut, cette fois, subvenir à ses besoins en chassant ! Hypertrophié, ardu, et incontournable.
 (PS2, Konami, Pegi 16 ans).

Project rub

Formidable premier exemple des situations de jeux tactiles possibles sur la nouvelle console Dual Screen de Nintendo, cette compilation de minijeux réunie autour de l’idée de séduire une jeune fille par ses prouesses au stylet, surprend à chaque seconde. Immergé dans un design 70’s très réussi, gratter le dos de sa copine, souffler sur les bougies (micro capteur intégré), danser avec elle, ou même lui tenir la main en balade, ravit et interpelle à coup sûr.
 (NDS, Sega).

The CHRONICLES OF RIDDICK : ESCAPE FROM BUTCHER BAY

Les adaptations réussies de film en jeu vidéo sont si rares, qu’après l’excellente version Xbox, il ne faut surtout pas rater cette édition PC, d’autant qu’elle contient un système inédit de commentaires des réalisateurs. Jeu d’action et de tir en vue subjective supervisé par un Vin Diesel très concerné, cette aventure sombre, bien jouée (acteurs originaux en VOST) et inédite, puisqu’il s’agit d’une prequel aux films, suit l’évasion de Riddick d’un pénitencier galactique. (PC DVD-Rom, (Director’s Cut), Sierra, Pegi 16 ans) [ P4 1,8 GHZ minimum].

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 


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Gran Turismo 4 : Divas

Dès la religieuse introduction par un cœur d’opéra, nous sommes entraînés ailleurs, dans la « zone » d’un créateur obsessionnel : Kazunori Yamauchi.

gran-turismo-4

Quand la caméra tourne amoureusement autour d’une étincelante Ford GT posant devant les décors fabuleux du Grand Canyon, de New York ou de Paris, la transcendance de l’expérience s’impose. Par définition une simulation de course automobile, la série Gran Turismo revendique avec ce 4e chapitre plus fourni que jamais (700 véhicules, 50 variations de circuits) son fétichisme contagieux. En jouissant des replays hypnotisant de réalisme classieux (sur du Bach ou du Liszt), du système de pilotage télécommandé multi caméras façon réalisateur, et du plaisir de photographier les engins en pleine action (résultat imprimable !), on finit par comprendre que l’indestructibilité irréaliste des voitures entérine leur statut d’engins mécaniques élevés au rang de divinités.

  • Gran Turismo 4. PS2. (Sony).

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 


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Oddworld : La Fureur de l’Étranger : Le cas Eastwood

Enterrée dans Impitoyable (92), l’ombre du cow-boy Eastwood hante désormais le nouvel Eldorado du jeu vidéo. Game vs Ciné: qui influence qui ?

Oddworld Stranger's Wrath

En 2004, le remarqué Read Dead Revolver (RockStar) lui donnait officieusement la vedette en porteur de poncho à la voix traînante. Mais c’est dans le récent jeu d’Oddworld Inhabitants que l’hommage prend un nouveau sens. « L’Étranger est un croisement entre un gorille, un Minotaure et Clint Eastwood » ose Lorne Lanning, ancien de l’image de synthèse d’Hollywood, patron créatif du studio. Chasseur de prime malgré lui, il n’aime pas les flingues et utilise une arbalète dont les munitions sont des créatures vivantes aux aptitudes diverses (les abeilles piquent, par exemple). Aussi original que respectueux de l’iconographie cinématographique, ce western animalier réussit un inédit cocktail technique, pastiche et artistique. Quant à Eastwood, le vrai, il a donné le feu vert à Warner pour un jeu Dirty Harry auquel il prêtera ses traits et sa voix. La vraie, elle-aussi.

  • Oddworld: La Fureur de l’Étranger. Xbox. (Electronic Arts).

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 



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Dead or Alive Ultimate/Rumble Roses : Poupées virtuelles

L’industrie le reconnaît volontiers, le jeu vidéo est encore dans l’adolescence. C’est pourquoi il faut regarder avec tolérance ses excès et errements. Notamment quand il donne la vedette à des héroïnes grossièrement bimbos. Comme ailleurs il s’agit alors de distinguer le produit racoleur du sincère.

Dead or Alive Ultimate

Dans le catalogue de l’éditeur japonais Konami, la simulation de catch Rumble Roses découle par exemple d’un calcul marketing : féminiser les populaires jeux de catch pour tenter un succès. Le résultat : des poupées gonflées malhabiles dans un festival de positions explicites. Le Dead or Alive de Tecmo, en revanche, a fait le chemin inverse. Vrai jeu de combat cherchant à se faire remarquer, le studio eu l’idée maligne dès 1997 de donner à ses guerrières des formes généreuses. Pari réussi et réinvesti depuis dans des extensions de plus en plus abouties. Cette Ultimate édition, désormais jouable en ligne sur Xbox, compile les premiers épisodes et rehausse aux normes techniques d’aujourd’hui le deuxième épisode. Sexy, oui, mais honorable.

  • Dead or Alive Ultimate. Xbox. (Tecmo)
  • Rumble Roses. PS2. (Konami).

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 


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Charles de Lauzirika Interview : L’ogre du DVD… Spider-Man 2 et les autres

Responsable des plus généreux et passionnants suppléments que l’on puisse trouver dans les DVD ces dernières années, proche de Ridley Scott, Charles de Lauzirika a bien voulu m’expliquer son travail sur l’édition 4 DVD de Spider-Man 2 et quelques autres, dont l’étourdissante Alien Quadrilogy…

Version complète intégrale française

Bliss : Quelle est votre profession ?

Charles de Lauzirika : Je suis actuellement un producteur de DVD freelance et un metteur en scène frustré. J’ai des bureaux chez Deluxe Digital Studios qui ont la gentillesse de m’offrir un toit au-dessus de ma tête. Naturellement, ma longue collaboration avec Scott Free continue à ce jour. Mais je suis ouvert pour travailler avec d’autres réalisateurs en fonction de mes disponibilités. J’ai dorénavant travaillé avec la plupart des grands studios et je continue d’apprécier ma relation de travail avec la plupart. Le cœur de mon équipe est constituée de trois personnes mais en fonction de la quantité de travail ce nombre augmente très vite. Pour Spider-Man 2 j’ai eu quatre monteurs, un coordinateur, un producteur associé et une paire d’assistants de production. Pour Alien Quadrilogy j’ai eu une équipe encore plus grande, mais bien sûr, il s’agissait d’un projet bien plus grand, sur une période bien plus longue.

Bliss : De Alien Quadrilogy à La Chute du Faucon Noir, chacun de vos projets prend des proportions énormes, comment cela se fait-il ?

Charles de Lauzirika : Je ne crois tout simplement pas au fait de créer intentionnellement du contenu incomplet ou superficiel. Quelquefois vous n’avez pas le choix, pour des raisons légales, marketings ou parcequ’une partie du matériau est perdu ou indisponible. Mais j’essaie toujours de remplir mes disques avec autant de matériaux de qualité que possible. Ce n’est pas toujours possible mais je ne veux jamais créer un disque qui laisse les gens réclamer une deuxième assiette. Ultimement, j’essaie simplement de faire des disques que je voudrais moi-même posséder. Cela permet de comprendre facilement ma façon de travailler.

Bliss : Le DVD de Spider-Man 2 se serait vendu même sans autant de suppléments. Comment convaincre la production ?

Charles de Lauzirika : Eh bien j’ai apparemment acquis la réputation d’être cher dans l’industrie du DVD ou de ne m’attaquer qu’à des projets à gros budget. Ce n’est certainement pas mon intention. A grand film mérite un grand DVD, et un gros DVD coûte simplement beaucoup d’argent. J’ai aussi fait de nombreux petits disques pour de maigres budgets. Les variables sont toujours différentes. Cela étant dit, l’étendue (la taille, le volume) du DVD Spider-Man 2 n’a pas été difficile à vendre à Sony. C’est leur plus gros film de l’année et ils voulaient une grosse et impressionnante édition spéciale qui non seulement satisferait les fans mais ferait taire toutes les critiques du premier DVD Spider-Man dans lequel je n’étais pas impliqué. Mais vous avez raison, Spider-Man 2 serait une grosse vente même sans y mettre aucun supplément. Mais je ne crois pas que les fans en auraient été particulièrement heureux.

Bliss : Quand avez-vous pu commencer votre travail sur Spider-Man 2 ?

Charles de Lauzirika : J’ai été contacté par Sony bien avant le début du tournage. Mais à cause de la sécurité très resserrée sur ce projet, j’ai dû supplier et plaider (implorer, gratter) pour chaque petit morceau (fragment) que j’ai pu obtenir tout du long. Heureusement, Avi Arad et Kevin Feige de chez Marvel m’ont incroyablement soutenu dès le tout début, alors grâce à leur enthousiasme j’ai pu filmer le segment multi-angle « Enter The Web » pendant la production du film. A part ça, la plupart de mon travail a eu lieu près que le film fut terminé. J’ai eu plus de chance sur les projets de Ridley Scott, comme vous pouvez le voir sur le documentaire des Associés. Il m’a donné un accès total dès le début et le résultat est un rare aperçu du processus créatif d’un maître de la mise en scène. Je trouve ce matériau bien plus perspicace que les interviews promotionnelles que je suis parfois obligé d’assembler en featurettes.

Bliss : Avez-vous réussi à éviter l’aspect promotionnel des bonus DVD ?

Charles de Lauzirika : Je ne suis pas sûr que nous l’ayons évité ou pas. Pas entièrement en tous cas. C’est certainement moins promotionnel et duveteux (sucré ?) que nombre de featurettes DVD pour des films récents mais ce n’est toujours pas aussi immersif que je l’aurais souhaité. Au moins j’ai eu l’autorisation de couvrir un grand nombre de sujets cette fois-ci. Vous voyez, c’est tout le problème. Pour de nouveaux blockbuster il y a beaucoup de politiques impliquées. Beaucoup de problèmes de contrôle. Les suppléments DVD sont parfois d’abord vus comme un outil marketing qu’une archive signifiante sur la substance d’un travail. Comme il s’agit d’un nouveau film, ils essaient encore de le vendre plutôt que de mettre un peu de lumière sur le dur labeur accompli. Encore une fois, j’ai été chanceux sur certains films récents, mais je trouve beaucoup plus faciles de rassembler des suppléments de qualité sur des vieux films qui n’ont pas toute l’attention des producteurs. J’ai horreur de le dire mais c’est parfois comme ça.

Bliss : À quel bonus êtes-vous le plus attaché ?

Charles de Lauzirika : J’ai toujours voulu faire un documentaire multi-angle sur le plateau de tournage qui permettrait aux spectateurs de vraiment voir ce que représente la préparation d’un plan. Combien de temps cela prend, combien de décisions doivent être prises, tout cela pour quelques secondes de film. Je ne l’ai jamais vu fait ainsi auparavant. J’ai vu des coulisses en multi-angle sur d’autres disques qui simulaient l’expérience temps-réel, mais je voulais rendre l’exprience aussi réelle que possible, pour mettre le spectateur dans le moment. Ainsi est né « Enter The Web ». Ce n’est pas parfait, mais c’est un bon début. Je ferais même mieux que ça la prochaine fois.

Bliss : Que manque-t-il à ce DVD de Spider-Man 2 ?

Charles de Lauzirika : Visiblement il n’y a pas de scènes coupées, mais c’est la décision pleine et entière du réalisateur. Il y a déjà eu pas mal de discussions autour d’un Spider-Man 2.5, nous verrons bien ce qu’il adviendra. Autrement, tout ce que j’ai voulu inclure dans le disque s’y trouve. C’est le ton et la substance qui ne sont pas tout à fait ce que j’avais à l’esprit. Mais c’est quand même pas mal vu les circonstances.

Bliss : Quelles nouvelles du DVD « définitif » de Blade Runner ?

Charles de Lauzirika :  Autant que je le sache la situation n’a pas changée. Il n’y a pas eu beaucoup d’activité sur le projet ces deux dernières années. Mais un jour proche, j’espère, nous aurons le feu vert et pourrons avancer. C’est une honte que les fans soient privés ainsi. Pour paraphraser Roy Batty : « Si seulement ils pouvaient voir ce que j’ai vu avec leurs yeux ». Il y a vraiment un fantastique matériau à explorer.

Bliss : Quels sont vos projets actuels ?

Charles de Lauzirika : Le plus gros en ce moment est Kingdom of Heaven, le film de croisades épiques de Ridley Scott. Le film est monstrueux et le DVD est un projet très ambitieux. Je travaille aussi sur Domino pour Tony Scott, Tristan & Isolde for Kevin Reynolds et quelques autres dont je ne peux pas encore parler. Mais surtout, j’essaie que mon propre film se fasse. Je suis très content avec le script et j’espère tourner à cette époque l’année prochaine.

Bliss : David Fincher a-t-il commenté la version longue d’Alien 3 de la Quadrilogie ?

Charles de Lauzirika : Je n’ai pas eu de contact avec Fincher et n’ai absolument aucune idée de ce qu’il pense de l’édition spéciale d’Alien 3. Il a désavoué le film et j’ai désavoué le DVD, alors je ne suis pas sûr qu’il y a de quoi parler. J’adorerais produire le DVD d’un film dont il serait vraiment fier. Il est un réalisateur exceptionnellement doué et c’est une honte que ma chance unique de produire le DVD pour l’un de ses films fut celui qui ne l’intéresse pas du tout. Mais je suis malgré tout heureux d’être le premier producteur DVD à avoir créé un long et approfondi documentaire sur l’un des films de David Fincher.

Propos recueillis et traduits en novembre 2004 par François Bliss de la Boissière

Version originale anglaise complète

Bliss : Please, for the record, state your current job title and the company (ies) you work for…

Charles de Lauzirika : I’m currently a freelance DVD producer and frustrated filmmaker.  I have offices at Deluxe Digital Studios, who have been kind enough to provide a roof over my head.  Naturally, I have a longtime relationship with Scott Free, which continues to this day, but my services are also available to other filmmakers depending on my availability. I’ve worked with almost all of the major studios now and currently enjoy continuing business relationships with many of them.

My core staff consists of about three people but depending on the workload, that number could easily go up depending on the workload.  For Spider-Man 2, I had four editors, a coordinator, an associate producer and a couple of production assistants.  For Alien Quadrilogy, I had even larger team, but of course, it was a much larger project, over a much longer period of time.

Bliss : Alien Quadrilogy had some of the most complete bonus of all time, so does Black Hawk Down, and the Bonus material on Spider-Man 2 are supposed to total 10 hours (audio commentaries included I suppose)… How come your projects become so enormous ? Is it something you decide up front ? Or your way of digging so deep for material, that you come up with so much ? No question about it that you’re looking for quality but still you end up with both quality and quantity that puts any other projects to shame. Is it in your nature to work all the way or a conscious decision ?

Charles de Lauzirika : I simply don’t believe in intentionally creating incomplete or superficial content. Sometimes you have no choice, for legal reasons, for marketing reasons or because certain material is lost or unavailable.  But I always try to load my discs up with as much quality material as I can.  It’s not always possible but I never want to create a disc that leaves people begging for a double-dip.  Ultimately, I just try to make discs that I myself would want to own, so that makes understanding my process very easy to grasp.

Bliss : So much material to gather must cost a lot of money and time to the production… How do you obtain their agreement to such a huge commitment? The Spider-Man 2 DVD would sell great without so much work (and money) anyway, how do you convince the production ?

Charles de Lauzirika : Well, apparently I’ve recently gained a reputation in the DVD industry for being expensive, or only taking on big budget projects. That’s certainly not my intention. A big film deserves a big DVD, and a big DVD simply costs big money. I’ve done plenty of smaller discs for ridiculously meager budgets as well. The variables are always different. Having said that, the large scope of the Spider-Man 2 DVD wasn’t a tough sell for Sony. It’s their biggest film of the year and they wanted a big, impressive special edition that not only satisfied fans but also silenced all the critics of the first Spider-Man DVD, which I was not involved with. But you’re right, Spider-Man 2 would be a huge seller even if you didn’t put any supplements on it.  But I don’t think the fans would have been particularly happy about it.

Bliss : For Alien your work was one of research, but did you start working up front to make the Spider-Man 2 DVD ? How much were you able to decide and ask for before or during principal photography ?

Charles de Lauzirika : I was approached by Sony to produce the Spider-Man 2 DVD long before photography began. But because of the very tight security on this project, I really had to beg and plead for every scrap I could get a long the way.  Fortunately, Avi Arad and Kevin Feige at Marvel were incredibly supportive from the very beginning, so thanks to their enthusiasm, I was able to shoot the multi-angle « Enter The Web » featurette while the film was still in production. Beyond that, most of my work took place after the film wrapped. I’ve been luckier on Ridley Scott projects, as you can see in the documentary for Matchstick Men. He gave me total access from the very beginning, and the result is an extremely rare glimpse into the creative process of a master filmmaker. I find that material to be far more insightful than the promotional interviews I sometimes have to use to cobble together featurettes.

Bliss : You rightfully despise the promotional documentaries we see on too many DVD, so how did you avoid it on the Spider-Man 2 DVD (if you did avoid it) ?

Charles de Lauzirika : I’m not sure if we avoided it or not.  Not entirely, anyway. I mean, it’s certainly less promotional and fluffy than a lot of featurettes for new films on other DVDs, but it’s still not as immersive as I would have hoped.  At least I was allowed to cover a lot of different kinds of material this time. See, that’s the problem.  For new blockbuster films, there are a lot of politics involved. A lot of control issues. The DVD supplements are sometimes seen more as a marketing tool than as a meaningful archive of substantive material.  Being a new movie, they are still trying to sell the film, rather than trying to shed light on the hard work that went into it. Again, I’ve gotten lucky on some new films, but I find it much easier to put together quality supplements on older films that don’t have the full attention of the filmmakers. I hate saying that, but that’s just the way it is sometimes.

Bliss : What was the most unusual/hard to do bonus you succeeded on this Spider-Man 2 DVD ?

Charles de Lauzirika : I’ve always wanted to do a multi-angle on-set featurette that allowed viewers to see what it was really like to set up a shot. How much time it takes, how many decisions have to be made, all for a few seconds of film. I had never seen it done before quite like this. I’ve seen some multi-angle behind-the-scenes material on other discs that fake the « real-time » experience, but I wanted to make it as real as possible for the viewer, to put them in the moment. So « Enter The Web » was born. It’s not perfect, but it’s a good start. I’ll make it even better next time.

Bliss : Even with this huge projects, are there still some ideas and materials that didn’t make the DVD, and why ?

Charles de Lauzirika : Well, obviously there are no deleted scenes, but that’s enitrely the filmmaker’s decision. There has already been plenty of talk about Spider-Man 2.5, so we’ll have to see what happens with that. Otherwise, most of what I wanted to include on the disc is there. It’s just the tone and substance is not exactly what I had in mind. But it’s still pretty damn good, considering.

Bliss : What’s the last update on the Blade Runner DVD project ?

Charles de Lauzirika : As far as I know, its status hasn’t changed.  There hasn’t been a lot of activity on it in the last couple of years.  But hopefully, one day soon, things will get cleared up and we’ll be able to proceed.  It’s a shame the fans are being deprived like this.  To paraphrase Roy Batty, « If only they could see what I have seen with their eyes. »  There’s some truly fantastic material to explore.

Bliss : On what DVDs are you working now ?

Charles de Lauzirika : The big one I’m working on right now is Kingdom of Heaven, Ridley Scott’s new crusades epic. It’s a massive film and likewise, the DVD is a very ambitious undertaking. I’m also working on Domino for Tony Scott, Tristan & Isolde for Kevin Reynolds, and a few others I can’t talk about yet. Mostly, I’m just trying to get my own film made. I’ve got a script I’m very happy with and I’m hoping to be shooting by this time next year.

Bliss : Once the job done without him, what did Fincher said about your Alien 3 cut on Alien Quadrilogy  ? Did you work on any of his past DVD ? Will you ?

Charles de Lauzirika : I haven’t had any direct contact with Fincher and have absolutely no idea what he thinks of the Alien 3 Special Edition. He disowned the film and I disowned the DVD, so I’m not sure there’s a lot to talk about. I would love to produce the DVD for a film he’s truly proud of. He’s an exceptionally gifted filmmaker and it’s a shame that my one chance to produce a DVD for one of his films was the one he had no interest in. But I’m still happy to have been the first DVD producer to create a in-depth, longform documentary on one of Fincher’s films.

Propos recueillis en novembre  2004 par François Bliss de la Boissière

 

(Publié partiellement en 2004 dans les mensuels Première et Les Années Laser)


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David Cage : Gaulois, à ses risques et périls (entretien fleuve 3/3)

Plus instinctif que calculé, le travail de David Cage ne s’inspire pas vraiment des jeux vidéo d’autrui, ni forcément du cinéma non plus. Même si l’un et l’autre font toujours parts égales dans ses productions interactives. Premier objectif sans doute : l’émotion.

DavidCage © bliss 02

Bliss : Certains metteurs en scènes de cinéma avouent ne plus pouvoir regarder un film normalement. Est-ce votre cas avec un jeu vidéo ?

David Cage : Je regarde très rarement quelque chose en me demandant comment c’est fait. Si je pense au making-of c’est que le jeu n’est pas très bien fait finalement. Qu’il n’a pas été capable de prendre aux tripes. Il laisse le temps de réfléchir. Donc ce n’est pas un si bon jeu que ça.
Quand on regarde le moteur 3D c’est qu’il n’y a que ça à regarder. Comment ils font ça ? Combien ils affichent de polygones… C’est qu’en fait le jeu est tellement inintéressant qu’on se concentre sur la techno. C’est vrai que quand je regarde Doom 3 – je déteste ce genre de jeu – la seule chose que je regarde c’est la technique. Conceptuellement il n’y a pas grand chose qui m’intéresse. Je joue 10 mn le soir en rentrant tard à Pro Evolution Soccer 3 (Konami, 2003) pour me détendre. C’est une drogue dure (rires). Et j’ai eu un coup de foudre pour Ico (Sony-PS2, 2001). Il m’a passionné parce que c’est un jeu basé sur l’émotion, sur la création de ce sentiment d’empathie. Pour moi, ça c’est un vrai challenge, la difficulté.

Bliss : Vous espérez que les joueurs soient des co-réalisateurs ou des co-scénaristes en jouant à Fahrenheit, mais la majorité des joueurs préfèrent rester dans leur rôle d’acteur agissant dans un contexte donné qui ne demande ni grandes décisions ni incertitudes, non ?

David Cage : L’intérêt dans Fahrenheit est de changer un petit peu la relation entre le joueur et son personnage. J’avais déjà essayé de le faire dans Nomad Soul avec la possibilité de changer de corps. Cela modifiait la relation avec le personnage puisque vous n’êtes pas lui mais l’âme, en lui. Et comme cette âme peut voyager de corps en corps, son apparence change. J’ai gardé cette idée là et je l’ai un peu fait évoluer dans Fahrenheit où le joueur n’est pas Lucas Kane mais tous les différents protagonistes de l’histoire. Je pense qu’à un moment, ce processus d’identification à plusieurs personnages donnera au joueur le sentiment qu’il oriente l’histoire à travers tous les protagonistes.

Bliss : Vous avez dit qu’il fallait que les joueurs soient impliqués émotionnellement pour que ça marche. Mais le procédé des splitscreens simultanés utilisé dans Fahrenheit pour voir une scène sous plusieurs points de vue risque de donner conscience au joueur du jeu en marche et donc l’extirper de l’expérience immersive ?

David Cage : Sincèrement, je ne pense pas. Nous ne sommes de toutes manières pas en vue subjective dans Fahrenheit, mais à la 3e personne. Cela crée de toutes façons une distance. Il y a une incompréhension assez répandue dans le jeu vidéo qui consiste à dire que la vue subjective est davantage immersive. Ça n’est pas vrai. C’est une relation différente entre vous et votre personnage. En vue subjective vous avez une certaine relation, en vue third vous en avez une autre. Vous voyez votre personnage, et le fait de le voir donne des messages sur ce qu’il pense, comment il est, sa tenue vestimentaire, comment il se coiffe, comment il réagit. Tout ça vous le perdez en first person. Je pense que la relation est infiniment plus riche en third, elle n’est absolument pas moins immersive, simplement différente. Et le fait de jouer sur des splitscreens moi ça ne me pose aucun problème. Que se passerait-il dans un jeu classique ? Quand Lucas Kane est dans son appartement, une cut-scene intervient où on perd complètement son personnage pour montrer un joli film qui dit « attention il y a un flic qui tape à la porte » et hop, ça y est retour, au personnage pour reprendre la main. Nous disons qu’il n’est pas utile de perdre la main sur Lucas. On peut dire en même temps et en temps réel qu’il est en train de se passer ça ailleurs, en parallèle à ce que le joueur est en train de faire. Et le splitscreen est une manière, j’espère ingénieuse, de montrer ce qu’il se passe ailleurs en même temps tout en laissant la main sur le personnage.

Bliss : Mais le joueur devient hyper conscient par rapport au personnage. Il sait ce que le personnage ne sait pas et n’est déjà plus tout à fait le héros. Comment se génère l’émotion que vous cherchez à créer ?

David Cage : D’abord vous n’êtes pas le personnage. Ensuite c’est une mécanique de film. Tous les films d’Hitchcock reposent sur le fait que l’audience en sait plus que les personnages. Vous vous identifiez moins au héros d’un film quand vous voyez ce qu’il se passe à d’autres endroits et en connaissant des faits que le personnage ignore ? Au contraire. Ce sont des choses avec lesquelles le réalisateur et le scénariste peuvent jouer. Ils instrumentalisent l’audience en lui donnant une information que n’a pas le personnage. Au moment où Lucas va pousser la porte, c’est infiniment plus intense émotionnellement qu’il approche de la porte alors que vous savez ce qu’il se passe derrière et que lui non. Mais c’est pareil dans tous les films d’horreur…

Bliss : Vous pensez que cette syntaxe là est vraie pour le jeu où on contrôle un personnage apte à l’action comme pour le cinéma où le spectateur subit l’action ?

David Cage : Bien sûr. Il ne faut pas réinventer la roue tout le temps. Cette mécanique d’identification fonctionne même dans la tradition orale. Quand vous racontez un conte, vous vous identifiez au Petit Chaperon Rouge et on peut vous dire… »Pendant ce temps là, le loup est chez la grand-mère ». Quand vous revenez sur le Petit Chaperon Rouge vous en savez plus qu’elle et c’est là que vous dites : « Non n’y va pas ! N’y va pas ! » Mais si, elle y va et c’est là que c’est marrant, parce que vous savez ça.

David Cage entretien fleuve..1ère partie

David Cage entretien fleuve… 2e partie

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


David Cage : Gaulois, à ses risques et périls (entretien fleuve 2/3)

À la tête d’un des rares studios de jeu vidéo français résistant à la crise du milieu, David Cage parle franc comme un irréductible faisant front aux invasions barbares du jeu vidéo. Et la politique dans tout ça ?

DavidCage © bliss 05

Bliss : Que pensez-vous de l’action de l’APOM (Association des Producteurs d’œuvres Multimédia) auprès du gouvernement, ou des autres associations représentatives ? Êtes-vous impliqué ?

David Cage : Auparavant, historiquement, les développeurs de jeu n’étaient pas représentés. Le Sell (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs) qui existe depuis longtemps est très actif, notamment à travers son Délégué Général Jean-Claude Larue, mais il n’y avait rien pour les développeurs. Il y a un ou deux ans, j’ai ressenti une vive inquiétude en voyant les développeurs français « mourir » les uns après les autres dans l’indifférence générale et en voyant de plus en plus d’éditeurs partir à l’étranger, délocaliser, et ne plus donner de travail aux développeurs en France. J’ai fait une lettre ouverte au gouvernement en expliquant : « Je suis un acteur de l’industrie française, voilà ce qui s’y passe, si on ne fait rien elle va intégralement disparaître. Ce serait dommage parce que c’est une industrie stratégique à la frontière de la technologie et de la culture. On fait partie des rares produits culturels capables de s’exporter et de se vendre à l’étranger, aux américains. On a des gens qui ont beaucoup de talent, qui sont très bien formés, on a d’excellentes écoles ici, un réservoir de ressources humaines inépuisable et de très grande qualité. Donc ne laissons pas les choses se dégrader et disparaître parce que cela prendra beaucoup de temps jusqu’à que l’on puisse recréer un tissu industriel équivalent. »
Cette lettre ouverte a soulevé beaucoup d’intérêt dans notre industrie. Une espèce de mouvement spontané s’est créé qui a donné lieu aux états généraux du jeu vidéo. Cette fois les gens de l’industrie française se sont concertés tous ensemble sur un texte : développeurs, l’APOM, des auteurs, tous les créatifs qui constituent ce métier.

Bliss : Sans les éditeurs ?

David Cage : Sans eux, oui. Ce texte destiné au gouvernement a été signé par plus de 5000 personnes, via une pétition sur le net. C’est à ce jour le texte qui a le plus été soutenu par l’industrie et puis… il a été un petit peu enterré, malheureusement, pour des raisons purement politiciennes, parce que ce mouvement n’était pas vraiment contrôlé, il ne se voulait pas contrôlé, il n’y avait pas de président. Je ne voulais pas en prendre la tête même si j’avais été à l’origine de l’initiative. Je voulais garder ce mouvement aussi populaire que possible. Donc ça a été joyeusement enterré, et quand je regarde le rapport Fries (étude cartographiant le désastre du milieu du jeu vidéo français rendu fin 2003 au Ministère de l’économie et des finances par Fabrice Fries, Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, ndlr) qui ne fait rien d’autre que le même constat deux ans plus tard pour proposer les mêmes solutions, je suis très content et aussi un peu frustré qu’il ait fallu deux ans pour revenir à ce que je disais. Ça fait partie des petites choses qui m’agacent.

Bliss : Comment vous situez-vous alors aujourd’hui dans la communauté des développeurs français ?

David Cage : Je suis redevenu membre de l’APOM après l’avoir quittée pour manifester mon désaccord sur son mode de fonctionnement. Je n’étais pas satisfait des conditions de concertation, de démocratie, de respect des statuts au sein de cette association. Il n’y avait strictement aucune concertation, zéro. Donc à partir de ce moment là ça ne m’intéressait pas de servir de caution morale. Ma position était publique. Je suis aujourd’hui membre du Conseil de l’APOM et j’essaie avec d’autres de faire avancer les choses.

Bliss : La crise de la scène française du jeu vidéo provoque une compétition ou au contraire de la solidarité entre les développeurs ?

David Cage : C’est un milieu très atypique par rapport à d’autres industries. Nous ne sommes pas réellement en compétition les uns avec les autres. On essaie de réfléchir ensemble plutôt que de se tirer dans les pattes. Il n’y a pas de compétitions parce qu’aujourd’hui quand moi je fais Fahrenheit, personne d’autre en France ne peut le faire. Mais en même temps quand un développeur français fait Top Spin (simulation de tennis sur Xbox réalisée par PAM, ndlr), personne d’autre en France ne peut le faire. Par contre c’est un métier où, paradoxalement, il n’y a aucune solidarité. On est tous copain on se connaît tous, on sympathise tous, mais quand il s’agit de faire des choses vraiment ensemble, partager des ressources, il n’y a presque plus personne. C’est encore pire lorsqu’il s’agit de réfléchir ensemble à l’avenir de ce métier. On a l’impression que chacun défend pour le coup des intérêts un peu partisan et voit midi à sa porte. C’est une situation qui est d’autant plus stupide que cette industrie aurait vraiment besoin de ça. Il y a tout de même quelques initiatives intéressantes comme celle de SPL (Capital Games : Système Productif Local) menée par Frédéric Weil qui regroupe les entreprises du secteur des jeux vidéo parisiens et les encourage à l’entraide avec partage de ressources, organisation de salons… Des initiatives qui vont dans le bon sens.

Bliss : Vous évoquez la délocalisation… Que pensez-vous du développement de la communauté franco-canadienne chez les éditeurs Electronic Arts et UbiSoft ?

David Cage : Ce qui se passe est un drame total pour la France. Encore une, fois je dénonçais la fuite des cerveaux il y a deux ans, et à l’époque personne n’y voyait un problème. J’allais régulièrement parler à des éditeurs aux États-Unis où j’avais souvent à faire à des français ! Je leur demandais ce qu’ils faisaient là ? « On est mieux payés, c’est plus intéressant. On est partis ». Et je voyais des gens qui avaient des profils extrêmement intéressants, des gens de valeur qui étaient en train d’apporter leur savoir faire aux américains. Ou aux anglais. Et c’était dans tous les secteurs ! J’ai vu ça chez des designers, des infographistes, des programmeurs, chez les gens du marketing, du business, à tous les niveaux. Tous ces gens qui travaillent pour Electronic Arts, pour les plus grands éditeurs du jeu vidéo, sont partis. Ubi Soft est en train de délocaliser concrètement toute sa prod à Montréal (l’éditeur français vient de recruter 500 personnes pour ses studios internationaux en excluant publiquement de recruter en France, ndlr). Ils sont présents à Shanghai, au Maroc, à Montréal, partout. Le PDG d’Ubi Soft Yves Guillemot l’a dit à plusieurs reprises : il n’est pas possible de travailler en France, c’est trop compliqué et trop cher. Et donc que fait-il ? Il va faire travailler des canadiens, des américains, des chinois, il va expatrier des français pour aller faire ça ailleurs, dans des endroits où il y a un tissu économique et industriel un peu plus intéressant qu’aujourd’hui en France.

Bliss : Est-ce si grave ? On sent bien une qualité française dans les Prince of Persia et Splinter Cell justement faits au Canada…

David Cage : Bien sûr que c’est grave. À Montréal ils font travailler des canadiens. La logique est d’envoyer 4-5 mecs d’Ubisoft France pour chapeauter 200 canadiens à Montréal. C’est ça la logique et c’est ça qui se passe. Et c’est pareil en Chine. Et l’expertise est aussi en train de se barrer puisque quand vous allez faire travailler des chinois, vous leur apprenez comment on travaille ici. Mais le plus grave est que pendant ce temps là les développeurs ferment leurs studios en France. Il faut savoir qu’il y a très peu de développeurs français qui travaillent pour des éditeurs français. Et surtout il y a tout un savoir-faire et un tissu économique qui sont en train de se barrer. Quand on voit qu’Electronic Arts ouvre du jour au lendemain un studio de 600 personnes à Montréal alors que pendant longtemps ils étaient 20, c’est hallucinant ! Je milite depuis longtemps pour qu’on prenne conscience de cette situation en France.

Bliss : Profitez-vous des nouvelles mesures d’aide gouvernementales ?

David Cage : Il y a aujourd’hui un décalage entre les annonces et les faits. Quand on lit les journaux, quand on parle à des étrangers, ils nous disent : « c’est incroyable, en France vous recevez de l’argent tous les jours de la part du gouvernement ! Vous êtes quasiment subventionnés  » ! Alors on explique que « c’est vrai il y a eu des annonces, mais non, sur le terrain on n’a pas eu grand chose ». On a vu le FAEM (Fonds d’Aide à l’Édition Multimédia), mais il existe depuis des années. On en avait bénéficié bien avant les annonces qui ont été faites. Il n’y a rien de vraiment concret (au titre de « fonds d’aide à la production », une enveloppe de 30M€ d’euros pilotée par l’APOM a été promise par la Ministre Déléguée à l’Industrie Nicole Fontaine fin 2003, ndlr). Parmi les « grandes annonces » il y a la création d’une grande école pour former des ingénieurs du jeu vidéo (Ecole Nationale Supérieure des Médias Interactifs à Angoulême). On est très contents, sauf qu’il existe déjà l’école Supinfogame (à Valenciennes) et qu’on ne voit pas comment cette industrie a les moyens d’absorber les gens qu’on va former alors que les entreprises coulent. On est en train d’investir dans la formation de gens qui vont partir à l’étranger parce qu’ils ne vont pas trouver de travail en France. Ça ne me semblait pas la mesure prioritaire.

David Cage entretien fleuve..1ère partie

David Cage entretien fleuve… 3e partie

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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David Cage : Gaulois, à ses risques et périls (entretien fleuve 1/3)

Créateur du respecté jeu The Nomad Soul et du prochain Fahrenheit qui espère apporter du neuf dans le genre fatigué du jeu d’aventure, David Cage est aussi musicien, scénariste, game designer, PDG. Quelle est sa potion magique ? La passion et la raison.

DavidCage © bliss 03

Bliss : Vous avez travaillé avec David Bowie sur le jeu The Nomad Soul, Enki Bilal est venu tourner des scènes de son film l’Immortel dans votre studio Quantic Dream… Comment faites-vous pour attirer de tels talents et que retenez-vous de ces collaborations ?

David Cage : Il faut de l’enthousiasme, être vraiment convaincu de ce qu’on fait pour être capable de convaincre les autres. C’est aussi bête que ça. Je suis passionné par ce que je fais et je crois que j’arrive à communiquer cette passion. Et je frappe aux portes. J’en retire un truc énorme : c’est possible ! Il est possible d’attirer des gens de ce calibre là sur des projets qui ne sont pas basés uniquement sur l’argent mais sur l’envie de faire quelque chose ensemble. Sur un vrai désir de challenge créatif. Et que des gens aussi importants et talentueux que David Bowie puissent consacrer du temps au média jeu vidéo est pour moi la vraie bonne grande nouvelle. A titre personnel, ce fut une expérience fantastique parce que c’est quelqu’un qui a vécu et fait des choses extraordinaires, qui a une aura extraordinaire. Et surtout, il m’a montré quelque chose que je savais intellectuellement mais que je n’avais pas vraiment pratiqué, c’est qu’on peut se servir de la musique soit pour renforcer l’image et dire la même chose que l’image, soit pour dire quelque chose que ne dit pas l’image et que sous-entend l’image. Ma première démarche quand j’ai commencé à en parler avec Bowie était de vouloir une musique glauque, inquiétante, sombre, qui représentait le jeu et son univers inquiétant. J’avais envie d’une musique qui renforce ce côté là. Et puis Bowie est venu avec une idée complètement opposée en disant : « Puisque c’est un monde complètement déshumanisé, faisons en sorte que la musique, elle, soit la dernière chose humaine dans cet univers. Le contraste va renforcer l’impression que tu veux donner plutôt que de remettre une couche de la même chose« . Donc il est venu avec des chansons hyper mélodiques, avec des guitares électriques, des choses très harmonieuses au contraire, et très humaines (2h30 de musique instrumentale + 8 morceaux retrouvés sur l’album Hours, David Bowie/Reeves Gabrels, 1999, ndlr). Ça m’a beaucoup surpris. On était parti sur quelque chose de beaucoup plus froid que ce qu’il avait fait. J’ai mis un peu de temps à m’y faire, et puis j’ai vite compris que, bien sûr, il avait 100 000 fois raison, c’était évidemment ça qu’il fallait faire et je ne regrette pas d’être allé dans son sens. C’était une marque de talent et d’intelligence d’avoir eu cette approche là. Le cas de Bilal est un peu différent. Quantic Dream est équipé d’un studio de motion capture qui correspondait à ce qu’il cherchait. Nous nous sommes rencontrés mais c’était plus une prestation de service qu’une collaboration créative.

Bliss : Êtes-vous millionnaire suite au succès de Nomad Soul ?

David Cage : (rires) Non non, c’est un débordement de journaliste qui a fantasmé. Il y a quelques millionnaires dans le jeu vidéo, mais c’est malheureusement l’exception. J’aimerais bien (rires).

Bliss : Combien estimez-vous avoir vendu de Nomad Soul ?

David Cage : On a beaucoup de mal à avoir des chiffres. On évalue entre 500 et 600 000 pièces vendues. On continue de recevoir des mails de gens qui ont acheté le jeu récemment ! Et ça fait quand même plus de 4 ans ! Pour une raison simple qui m’échappe encore : on n’a pas touché d’argent sur Nomad Soul. Pas un centime. Voilà. Il me semble quand même que le jeu s’est un petit peu vendu.

Bliss : Vous êtes en procès avec votre ancien éditeur Eidos qui ne vous verse pas de royalties ?

David Cage : Non, on n’est pas très procédurier. En général pour toucher de l’argent il faut atteindre un certain seuil de vente. C’est à dire qu’au-delà de ce seuil de vente on considère que l’éditeur s’est remboursé (jeu intégralement financé par Eidos, ndlr) et à ce moment là les bénéfices sont partagés. Or les discussions portent toujours sur : « Est-ce qu’on a atteint le seuil de vente ou pas ? » On a demandé à plusieurs reprises combien on en a vendu mais impossible de savoir. Eidos ne répond plus. Je ne sais pas s’ils sont morts ou s’il s’est passé quelque chose. Le contrat prévoit qu’on peut leur envoyer un expert comptable mais quand vous voyez combien coûte un expert comptable en Angleterre ! Une fortune. Et puis ça n’est pas forcément bien perçu par les éditeurs que les développeurs envoient un expert comptable vérifier leurs comptes.

Bliss : Comment entretenez-vous alors votre studio de 30 à 50 salariés pendant plusieurs années pour travailler sur un autre projet comme Fahrenheit ?

David Cage : Nous sommes allés chercher des investisseurs financiers au bon moment, avant qu’Internet flambe, en leur disant : voilà, on a une jolie boite, on a fait Nomad Soul avec David Bowie, on a des articles de presse un peu partout, Time Magazine a écrit que Nomad Soul préfigure le futur du jeu vidéo, on a d’autres idées, d’autres projets, on est en train de développer la technologie, l’entreprise, on a des projets qui sont prometteurs, est-ce que ça vous intéresse de rentrer dans le capital de la société ? Et on a levé 28 millions de francs en 2000. Je voulais avoir un ou deux ans tranquilles pour développer une nouvelle génération de technologies. L’industrie est dans un creux, plutôt que de faire de l’alimentaire en faisant des sites Internet comme tout le monde, j’ai préféré me mettre à l’abri, préparer l’avenir. Et comme on sait que l’industrie du jeu vidéo est cyclique et que, à un moment, le balancier revient, je veux pouvoir préparer le moment où l’industrie va revenir. C’est ce qu’on fait en développant la techno, l’infrastructure de la boite et le concept de Fahrenheit sans éditeur aux fesses qui vous réclame une démo jouable sinon il ne développe pas la suite.

Bliss : Un éditeur impose forcément ses conditions…

David Cage : Nous avons eu énormément de chance – je touche du bois – jusqu’à présent nous avons réussi à travailler avec des gens qui respectaient la vision qu’on avait, ce qu’on voulait faire. Aucun éditeur n’est venu m’imposer quoi que ce soit. Ni Eidos sur Nomad Soul, ni Vivendi sur Fahrenheit. Je pense qu’ils sentent qu’il y a une vraie vision du produit, une vraie intention derrière. Donc ils s’immiscent très peu.

Bliss : Musicien, créateur de jeux vidéo, à 35 ans vous avez déjà plusieurs carrières et plein de casquettes…

David Cage : Oui, j’ai même l’impression d’avoir eu plusieurs vies. Il y a des choses qui m’ont l’air tellement loin maintenant. Ma première passion c’est la musique. A 18 ans j’ai eu l’opportunité de monter à Paris, travailler pour une maison de disque et rapidement j’ai racheté une société, un studio qui était à Montparnasse et j’en ai fait un studio privé qui s’appelait Totem. J’ai travaillé pendant 5 ans pour la pub, pour des émissions de TV et pour le jeu vidéo. C’est comme ça que j’ai fait le lien avec ma deuxième passion : le jeu vidéo. Depuis la création de Quantic Dream en 1997, je suis à la fois PDG, Directeur financier, Directeur Général, Commercial, mais aussi Directeur de la Création, Chef de Projet, Game Designer, Scripteur, Réalisateur… Je viens de recruter un Directeur Général (rires). Je veux me concentrer de plus en plus sur la vision stratégique de la boite, sur sa ligne éditoriale et sur la création. Je pense que c’est là que j’ai le plus de valeur ajoutée.

Bliss : Vous êtes autodidacte ?

David Cage : En informatique oui, mais en musique j’ai étudié le piano au conservatoire pendant plus de douze ans. Et j’ai commencé aussi à partir de 15-16 ans à faire des chœurs en studio, tout ce qui était vocal.

Bliss : Vos parents étaient artistes, musiciens ?

David Cage : Non, pas du tout. Mon père était OS chez Peugeot. Au bout d’un moment il a trouvé que ce n’était pas très drôle de travailler dur et de ne pas gagner grand chose. Alors il a monté une entreprise de mécanique qu’il a revendu dix ans plus tard pour racheter une société de fournitures hospitalières. Je suppose que je tiens ma fibre entrepreneuriale de mon papa. J’ai énormément lu pendant toute mon enfance et mon adolescence. À 10 ans je lisais L’Odyssée, des trucs comme ça, un peu « chabrac ». Et il y a eu la musique. J’ai commencé le piano à 5 ans. Je me suis intéressé aux synthés, aux séquenceurs, aux machines. Je faisais de la composition, des arrangements. Je faisais mes trucs à moi dans un studio d’enregistrement et j’ai rencontré des gens qui m’ont dit « c’est vachement bien, tu voudrais pas le faire pour moi ? ». J’étais arrangeur. J’ai travaillé à partir de l’âge de 14 ans, à une époque où les ordinateurs commençaient à arriver. Il y avait peu de gens qui s’en servaient pour faire de la musique. J’étais un peu un des premiers à faire ça. Entre 14 et 24 ans j’étais musicien professionnel.

Bliss : David Cage, vous avez un nom de super héros…

David Cage : C’est un pseudonyme (rires). Mon vrai nom est De Gruttola, de mon père qui est italien, de la région de Naples. Mais étant né à Mulhouse (le 9 juin 1969, que des 6 et des 9 !), je suis moi-même alsacien. Quand j’ai commencé à travailler dans le jeu vidéo, j’appelais les anglais : « Bonjour, je m’appelle David De Gruttola » et ils me répondaient « à vos souhaits ! ». Au bout d’un moment ça m’a énervé et plutôt que de voir mon nom écorché j’ai opté pour quelque chose de plus simple. J’avais une obscure tante qui portait ce nom…

Bliss : Concepteur de jeux vidéo et patron d’entreprise, ça laisse la place pour une vie normale ?

David Cage : Oui, j’essaie (rires). Je vis avec la même personne depuis… j’ai arrêté de compter, Sophie, qui travaille avec moi en tant que Lead Scripting depuis Nomad Soul. Et j’ai un petit garçon de trois ans et demi qui s’appelle Quentin. Nous sommes en fin de projet sur Fahrenheit, alors le peu de temps libre qui me reste va en priorité à mon fils. Les journées ne font jamais que 24h. Mais j’ai évidemment beaucoup de centres d’intérêts, comme le cinéma, la musique, la littérature. Je m’intéresse beaucoup à la science. Et puis j’aime bien de temps en temps faire des petites choses de mes petites mains, très modestement. J’aime bien assembler… des Sticks Phaz – une grosse mode coréenne – des figurines autocollantes pour les enfant, très maquette pour les nuls… ça me correspond (rires). Et puis aussi des legos.

Bliss : Vous vous servez des legos justement pour faire du level design ?

David Cage : Non. On a eu un level designer qui avait commencé à faire un truc en lego. On a vite abandonné parce que ça devenait fou. « Attends, je fais le faire dans Maya (logiciel professionnel d’animation 3D, ndlr), ça ira plus vite » (rires).

Bliss : Vous déclarez le jeu d’aventure « mort » pour annoncer l’avènement de votre propre jeu d’aventure : Fahrenheit. C’est le milieu des jeux vidéo qui pousse à trouver des formules fracassantes ? Votre éditeur ? Les médias ? Ou l’ego du créateur ?

David Cage : C’est uniquement l’ego de l’artiste (rires). Ce que je voulais dire, c’est que le jeu d’aventure tel qu’on l’a fait jusqu’à maintenant, lent, à la LucasArts, les inventaires de 2 km, le jeu super long où il faut se placer au pixel près pour faire la bonne action, dans le bon ordre, supporter 2h de dialogues, ça à mon avis, c’est un genre qui est m.o.r.t.. Il y en a encore quelques uns qui essaient de persévérer là-dedans mais je ne comprend pas pourquoi ils le font. Je ne joue plus à ça. Par contre, je pense que c’est un genre qui a un potentiel extraordinaire, le seul genre, avec les jeux de sport, à pouvoir toucher le grand public, déborder de la niche des hardcore gamers et vraiment parler à la masse. Mais il faut le penser différemment. C’est ça que je voulais dire avec cette formule un peu lapidaire. C’est le genre qui a le plus de potentiel. Voilà pourquoi on fait Fahrenheit qui est un jeu, pour résumer, d’aventure, mais qu’on espère avec une nouvelle approche (cf encadré).

Bliss : Pourquoi avoir signé avec le tourmenté Vivendi Universal plus connu pour ses développements de licences que pour ses créations ?

David Cage : C’est le coup de cœur de Christophe Ramboz qui est le Président de VU Games. Il a vraiment adoré l’ambition de mélanger cinéma et interactivité et le fait d’aller vers le grand public. Il avait une envie très forte de pousser le développement en Europe et de faire en sorte que VU Games n’ait pas que des titres américains dans son catalogue.

Bliss : Vivendi apporte une expertise ? Une vision ?

David Cage : Ce n’est pas le travail d’un éditeur d’avoir une vision sur le produit. Il doit le comprendre, comprendre ce qu’il signe, s’assurer que cela correspond à sa compréhension du marché, mais ce n’est jamais sain quand l’éditeur fait du game design. Pour un jeu comme Fahrenheit, le jeu d’une équipe, ça ne peut pas être le jeu d’un éditeur. Évidemment on se met bien d’accord sur ce qu’on fait, on explique vraiment la vision, on fait en sorte de la partager au début, mais une fois que le train est lancé, ça n’a pas de sens pour un éditeur de s’immiscer dans le développement. Il y a un travail de collaboration, quand il faut chercher quelqu’un pour la musique, ou autre chose. On en discute.

Bliss : Est-ce qu’un éditeur vous a opportunément proposé de développer des licences, des jeux GBA, avant de bien vouloir financer votre projet ?

David Cage : C’est un truc de fou ça. Non, Quantic n’est pas un studio qui fait de la commande. On ne sait faire que des jeux qui nous passionnent. On se considère vraiment comme un studio de création plus que comme un prestataire de service. Nous ne sommes pas capables de faire un jeu de plateforme parce qu’on vient nous le demander. Il y a des choses qu’on sait faire et d’autres qu’on ne sait pas faire.

David Cage entretien fleuve… 2e partie

David Cage entretien fleuve… 3e partie

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(12 février 2004 et destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Fahrenheit : Le cinéma émergeant de David Cage

Angel Heart, L’échelle de Jacob, Le Silence des Agneaux, Seven… David Cage assume les influences du cinéma mais revendique la singularité du jeu vidéo…

Fahrenheit

Jeu et cinéma : frères ennemis

Bliss : Pourquoi ne pas confier la mise en scène des séquences non interactives souvent malhabiles dans les jeux vidéo à un metteur en scène de cinéma (ex. : Florent-Emilio Siri de Nid de Guêpes pour Splinter Cell) comme on confie la musique à un compositeur chevronné ?

David Cage : Malgré ce qu’on pense, il y a peu d’outils qui permettent aux metteurs en scène de travailler de manière efficace. Les gens de talent n’ont pas trop envie de s’embêter à comprendre comment marche la technologie, n’ont pas envie de travailler sur Maya, sur des outils obscurs et incompréhensibles. Notre industrie a pour l’instant échoué à créer des outils simples d’accès qui permettraient de faire de la mise en scène. Ce sont des choses sur lesquels nous travaillons avec Movie Maker, un logiciel de mise en scène de notre cru. D’autre part, quand les gens du cinéma font du jeu vidéo, ils viennent avec leur budget de cinéma. Ils n’ont pas encore totalement intégré que le jeu vidéo a un budget 10 ou 50 fois inférieur à celui d’un gros film. Ils n’ont pas intégré non plus que si le nom de Ridley Scott sur l’affiche d’un film va attirer le public et faire des entrées, autant sur la boite d’un jeu cela ne changera rien. C’est un plus créatif, le jeu en serait meilleur, mais ça ne vendrait pas forcément des boites. Ce sont donc des rapprochements difficiles. Pour revenir à la mise en scène des jeux vidéo… Elle vaut ce qu’elle vaut, mais je pense vraiment qu’on est en train d’inventer le langage, peut être brouillon, plus ou moins réussi en fonction des gens, quelque chose qui sera inspiré du cinéma mais qui ne sera pas du cinéma. Et, effectivement, le cinéma va de plus en plus s’inspirer du jeu dans sa mise en scène, parfois en copiant même ses défauts, c’est assez étonnant. Mais c’est intéressant, tant mieux.
Sur le projet abandonné du jeu Fahrenheit basé sur le format d’une série télé, je voulais faire appel à un réalisateur différent pour chaque épisode, avec l’ambition d’attirer différents collaborateurs et les intéresser. Je suis persuadé que quand ils découvriront ce qu’on peut faire en temps réel, la plupart des réalisateurs de films ne voudront plus jamais faire du cinéma et resteront dans le jeu vidéo.

Concepteur + joueur = Contrat de confiance

Si le joueur cherche ses marches de manœuvres dans un jeu, le concepteur aussi. Le juste milieu, pour David Cage, repose sur la mise en condition…

Bliss : Comment fonctionne ce procédé dit de narration émergente où un joueur croit influer sur le cours de l’histoire ?

David Cage : Le gros principe est que le joueur ne peut pas faire n’importe quoi dans le jeu. Il a des limitations. Tout l’art de l’illusion consiste à lui donner un contexte précis et fort dans lequel il va avoir le sentiment de faire ce qu’il veut. Mais en fait il est extrêmement contraint par le contexte. Donc quand mon type, Lucas Kane, est dans les toilettes avec le cadavre à ses pieds au début de Fahrenheit, il a le sentiment de pouvoir faire ce qu’il veut alors que moi je l’ai contraint à ce qui est logique dans ce contexte çi, comme, par exemple : de se laver pour enlever le sang sur le visage, ou de cacher l’arme du crime, ou le cadavre, de sortir, d’essayer d’être discret… Je lui donne une latitude que je contrôle. Par contre, s’il a envie de sortir par la fenêtre ou de se mettre la tête dans la cuvette des toilettes, de monter sur une table et de chanter une chanson, il ne peut pas le faire. Mais ça ne gène pas le joueur parce que j’établis un contrat avec lui au début du jeu en disant : « Voilà, tu es libre dans le cadre du contexte, et tant que tu respectes ce contrat, ça marche ». Mais la pire chose que l’on puisse faire en terme de game design est de montrer pendant 10 scènes que chaque fois qu’il y a une porte le joueur peut l’ouvrir alors que, brusquement, il y aura une porte qu’il ne pourra pas ouvrir parce qu’elle n’est pas « animable ». Là vous rompez le contrat. Vous établissez un lien de confiance avec l’utilisateur en lui donnant les règles et en les respectant. Au moment où le contrat se rompt et où les règles sont brisées, l’utilisateur ne croit plus en ce que vous lui racontez. C’est à ça qu’il faut être vigilant.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Nomad Soul : Le vague à l’âme de David Cage

Sorti en 1999 sur PC et Dreamcast, le 1er jeu du studio Quantic Dream a été long à accoucher mais fait désormais partie de la grande histoire du jeu vidéo…

The Nomad Soul

Bliss : Avec le recul, quel regard avez-vous sur votre premier jeu The Nomad Soul ?

David Cage : Je suis agréablement surpris de l’image qu’il a aujourd’hui. À l’époque nous étions des petits français essayant bon an mal an de faire ce qu’on croyait être bien. Et puis le magazine américain EGM (Electronic Gaming Monthly, n°1 des ventes aux USA, environ 400 à 500 000/mois, ndlr) a classé Nomad Soul parmi les 40 jeux qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo à côté de trois autres jeux français et de très très grands comme des Zelda, des Mario ! Nous sommes arrivés à un stade où on a l’impression que c’est presque le jeu de quelqu’un d’autre. Beaucoup de gens se le sont approprié. C’est étrange et agréable. On a souvent à faire à des gens qui nous écrivent en connaissant le jeu presque mieux que nous. Il y a une communauté sur le net qui discute d’un hypothétique film The Nomad Soul. Des gens nous écrivent tous les jours pour nous réclamer une suite… Affectivement j’y reste très attaché. C’est le jeu que je voulais faire, le seul que j’ai fait pour l’instant. Il a plein de défauts mais aussi plein de choses que je voulais faire ou dire sur lesquels les gens ont percuté. Quelqu’un me demandait récemment s’il existait des jeux avec un message politique et je me suis rendu compte qu’il y en avait un dans Nomad Soul. J’en suis assez fier, comme aussi d’une scène particulière relevée par certains journaux. Une scène toute bête où le joueur parti depuis plusieurs jours rentre chez lui quand sa femme, qui le croyait mort, se jette dans ses bras. Une vraie scène de tendresse s’ensuivait où elle lui caressait la joue, ils s’embrassaient et allaient dans la chambre faire l’amour. Je ne m’en rendais pas compte en le faisant. Mais quand je vois le retour des gens depuis, combien cette scène où un personnage manifeste une émotion pour un autre a marqué par rapport à la majorité des jeux vidéo. J’aspire à aller dans cette direction.

Bliss : La pression de faire un Nomad Soul 2 est-elle importante ? 


David Cage : On y travaille, mais on sait qu’on va devoir batailler pour convaincre les éditeurs parce que c’est de la SF et aujourd’hui ce n’est pas le truc le plus simple à vendre dans le jeu vidéo. Les éditeurs vous disent : « ce qui marchent ce sont les jeux avec la mafia, tu conduis des voitures et… », enfin, vous voyez, ils sont toujours des grands visionnaires… Mais on a vraiment des idées autour d’un Nomad Soul 2 et on en a envie.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Fahrenheit : David Cage et les épisodes abandonnés

Précurseur ou un peu fou, avant de se résigner à adopter une forme narrative classique, David Cage avait envisagé de créer et vendre un jeu à épisodes. Ses explications…

fahrenheit

Bliss : Qu’est devenu le concept original à épisodes de Fahrenheit ?

David Cage : Vivendi a changé d’avis juste au moment de signer ce projet d’épisodiques. Ils regrettent un peu maintenant de ne pas avoir eu le courage d’aller sur ce format à l’époque. Mais le marché n’est pas prêt à ça. La division en épisodes posait d’énormes problèmes vis-à-vis des consoles. On doutait de notre faculté à convaincre les constructeurs de consoles de vendre des jeux moins chers sur leur machine et donc de réduire leurs royalties. On doutait aussi de l’intérêt du distributeur à placer sur son linéaire un jeu qui serait vendu moins cher qu’un jeu vendu au prix normal. On doutait aussi de la logistique qu’il fallait mettre en place en terme de livraisons, de stockages, etc. On a eu vraiment peur.

Bliss : Il n’était pas question de le vendre en ligne, en téléchargements ?

David Cage : Si, mais aujourd’hui personne n’arrive à justifier ce business modèle et à vendre un produit réellement en ligne. Donc c’est une vraie question qui reste ouverte et que j’ai envie de continuer d’explorer. On y travaille activement puisque tous les grands constructeurs de console auront sur leurs prochaines générations de consoles au moins du haut débit et du disque dur. Et que faire avec ce matériel ? Évidemment, entre autre, du download épisodique.

Bliss : Le jeu garde-t-il encore des traces de cette structure initiale ?

David Cage : J’ai tout reformaté. L’arc narratif n’est pas du tout le même en épisodes que sur un long métrage. Sous forme d’épisode c’était vraiment écrit avec ce qu’on appelle un « hook », c’est à dire une amorce forte, pour terminer sur un cliff hanger avec des climax utilisés au bon moment dans l’épisode. Moi je l’avais vraiment écrit, formaté, façon série télé, en respectant toutes les règles. Évidemment quand le format change et bien ça s’écroule. Il en reste le bon côté, le jeu est assez diversifié et rythmé. On a conservé aussi quelques histoires parallèles. Des endroits dans le jeu où on suit la vie personnelle de personnages dans leur relation avec leurs proches, leur travail, etc. Des séquences comme ça qui, à mon avis, enrichissent le récit.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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La DS : Miyamoto’s Touch

Dans sa jeunesse, Shigeru Miyamoto fabriquait des marionnettes pour se distraire. Faut-il s’étonner alors que, lorsqu’on lui demanda d’inventer un jeu vidéo inédit dans les années 80 envahies par les shoot’em up, il présenta les aventures d’un petit personnage en salopette qui devait courir pour libérer une jeune fille des griffes d’un vilain gorille ?

Miyamoto photo © bliss_bigA

Déjà, en faisant sauter Mario (…nnette, une des origines supputées du prénom célèbre) de plateformes en plateformes, il s’agissait de donner un poids physique et existentiel à des pixels. En mariant avec la candeur d’un génie les chocs précis de Pong et l’errance libre de Pac-Man, le jeune créateur de jeu inventait le mélange de burlesque et d’émotion qui caractérisera toute sa production. Dès ses débuts quasi accidentels dans le jeu vidéo, Miyamoto cherche le double équilibre où pesanteur des pixels et distance précise de contact avec les objets et décors des mondes rudimentaires de l’époque, deviennent les garants palpables d’une existence, même ludique, dans l’écran. Ce principe d’intégrer dans le gameplay même des jeux les moyens d’éprouver directement ou indirectement le monde virtuel de l’intérieur, toujours sous couvert d’amusement ou de challenges, Miyamoto ne cessera jamais de l’explorer.

Mario, Luigi, Samus, Link, Yoshi… s’arrachent à la pesanteur

C’est cette obstination qui lui permet d’entraîner les ingénieurs Nintendo vers la concrétisation que l’on croit impossible d’un univers en 3D avec Super Mario 64 puis Zelda : Ocarina Of Time. Son besoin de faire exister un monde virtuel concret en donnant au joueur tous les moyens physiques de le tester s’exprime depuis plus de 20 ans dans tous les jeux qu’il supervise. Que l’on pense à Mario donnant inlassablement des coups de tête dans tous les plafonds en briques sur son chemin. Que l’on pense à la fraction de seconde ou le petit dino Yoshi reste suspendu au sommet de son saut, moment éphémère et pourtant si poignant où l’on ressent le « poids » d’un petit animal, déjà plus tout à fait virtuel, cherchant à s’arracher à sa propre pesanteur. Que l’on pense à Samus Aran de Metroid nous prouvant la solidité de son monde extra-terrestre en rebondissant athlétiquement d’un mur à l’autre. Que l’on pense à Luigi tapotant tout le mobilier du manoir où son frère a disparu ou, plus vertigineux encore et annonçant, au fond, la Dual Screen, le même Luigi faisant face au joueur et frappant la vitre de la télévision en appelant Mario ? Déjà Luigi/Miyamoto ne se contente plus de vérifier le monde virtuel intérieur, il vient interroger le monde réel. La révélation récente du surprenant projet Dual Screen avec son écran tactile devient alors une évidence. On oserait presque dire l’aboutissement de l’aspiration de Miyamoto à trouver le point exact de jonction entre les mondes virtuels et réels.

La quête de Miyamoto

Même si elle passe avec un succès inouï par le jeu vidéo, la quête de Miyamoto est toutefois ailleurs. Avec la persistance obsessionnelle d’un génie transcendant les outils mis à disposition dans son siècle, Shigeru Miyamoto adapte chaque jour à sa vision le monde qui l’entoure. Lui seul saura peut-être un jour s’il a atteint son but. Que cette quête personnelle ait emprunté et quasiment inventé au passage le médium jeu vidéo sous sa forme moderne pour, en plus, réussir à communiquer aussi intimement et généreusement avec des millions d’enfants et d’adultes, révèle une stature unique impossible à mesurer de son vivant. Un artiste de poids assurément.

Lire aussi : DS : Nintendo met le doigt sur le futur

François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Nintendo met le doigt sur le futur

La console à écran tactile Dual Screen (DS) que vient d’inventer Nintendo va beaucoup plus loin que d’offrir simplement une nouvelle interface de jeu. Elle met littéralement à portée de mains la matière numérique jusque là observable mais insaisissable. Après la percée insouciante du jeu, tous les outils numériques utiliseront bientôt ce genre d’interface. Nintendo est le premier à nous tendre la main vers la matrice. Demain, forcément, nous y pénétrerons corps et âmes. En attendant, nous effleurons le futur.


DS electric blue

Nintendo a présenté aux États-Unis une console portable d’un tout nouveau genre. Grande sœur émancipée de la GBA SP, la DS est constituée de deux écrans dont la gémellité spectaculaire cache une autre innovation faisant date : la surface tactile de l’écran du bas. Après des années de recherches et d’inventions pour assouplir l’interface homme-machine à jouer (manettes avec croix directionnelle, boutons latéraux, contrôle analogique fin, disposition recherchée des boutons, vibration interactive, connexion sans fil…), Nintendo vient d’atteindre le seuil suprême de l’ergonomie en supprimant purement et simplement la manette de jeu si chère aux joueurs et si incongrue aux non pratiquants. Pour jouer et manipuler les futurs jeux de cette provisoirement nommée Dual Screen, il suffit de savoir tenir un stylet comme un stylo ou, encore plus spontanément : son doigt.

Contact toujours plus intime

Si le principe existe déjà sur PDA, les premières expériences interactives Dual Screen vont beaucoup plus loin, non seulement en proposant des vrais jeux innovants, mais aussi en concrétisant une interface tactile si intuitive et performante de volumes en 3D qu’elle pourrait trouver des applications dans bien des domaines : télécommandes diverses, téléphones mobiles, tablettes PC et n’importe quelle surface de contrôle à vocation conviviale et donc tactile… Outre la précision et la simplicité réussie de l’interface qui, encore une fois, fonctionne aussi bien au stylet qu’au doigt – ou au coton tige si l’on craint de rayer un écran déjà plus résistant que tout ce qui existe – c’est le lien de plus en plus étroit de l’homme avec la matière numérique qui marque ici une étape véritablement majeure des relations humaines avec le virtuel. Cette fois, plus de métaphores, l’humain touche vraiment du doigt un matériau numérique qu’il manipulait jusque là de loin à l’aide de nombreux artifices mécaniques : manette, clavier, souris, volant, gants expérimentaux…

Numérique, matière malléable

Même si ce contact se limite encore à la froideur lisse de l’écran, la consistance, la souplesse et la soumission des objets ou êtres vivants virtuels animés en volume derrière l’écran initient brusquement une nouvelle forme de rapport si intime avec le numérique qu’elle rend de facto toutes les autres obsolètes. Cette interface ludique révèle tout à coup que, en dehors de tout jeu, le matériau numérique livré à l’état brut a le potentiel de redevenir une matière malléable comme la glaise ou la pâte à modeler propre à la sculpture et donc, à la modélisation d’un monde. Mis à part la force de pression et la vibration réactive non incluses (cela ne saurait tarder) sur cette première version de console destinée à être commercialisée à grande échelle, l’écran tactile de la Dual Screen réagit finement à la quantité de surface pressée (de la précision chirurgicale d’un pixel à la « lourdeur » de plusieurs doigts). La durée de la pression comme la vitesse de déplacement du doigt sont autant de signaux interactifs avérés confortant la relation physique du corps humain avec la matière à l’affût derrière l’écran.

Nouvelle ère programmée

La console Nintendo Dual Screen est peut-être présentée à l’Homme comme un simple objet ludique destiné à réconcilier tout le monde autour du jeu vidéo, mais on peut aussi y voir une avancée sans précédent, et dorénavant nécessaire, dans le rapport qu’entretient l’homme, parfois malgré lui, avec l’espace informatique jusque là insaisissable. Au moment où la démocratisation de l’Internet entraîne toutes les couches de la population au dialogue quotidien avec l’intelligence numérique, la console Dual Screen, à la fois expérimentale et formatée pour le grand public, est le premier pas, volontaire ou non, vers une nouvelle ère dorénavant programmée. Signe des nouveaux temps modernes, l’oublié précurseur du jeu vidéo des années 80, Nolan Bushnell (Pong, Atari), travaille à l’heure actuelle lui aussi sur des jeux à écran tactile.

Quand le virtuel devient concret

Tout à coup indispensable, après des années d’abstraction intellectuelle, la relation avec le virtuel devient concrète, tangible. à cause de cette toute nouvelle aptitude à manipuler sans complexe avec une main biologique la matière virtuelle jusque là enfermée dans son propre univers numérique, une ligne vient d’être franchie. Sûrement blanche pour certains, déjà pointillée pour les joueurs. Ténue, la frontière entre le réel et le virtuel est cette fois vraiment critique. Dès la sortie de la Dual Screen la fusion des deux mondes sera pour de bon d’actualité. Qui mangera qui ? Pour l’instant c’est bien l’homme qui caresse le Pokémon gazouillant derrière l’écran. Mais demain ? Déjà, enfermé dans son jardin virtuel au creux de notre main, le petit Pikachu ricanant réclame toutes les attentions : il faut lui gratter le dos, le nourrir, le caresser dans le sens du poil. De quel côté va s’ouvrir la fenêtre ?

Sur le même sujet lire : Miyamoto’s Touch


François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Gran Turismo 4 « Prologue » : 
L’expérience sans prix

Gran Turismo est la 1ère et seule simulation automobile à avoir revendiqué et à toujours mériter le qualificatif de Real Driving Simulator. Même si encore une fois les voitures restent indestructibles et les pilotes absents.

gran-turismo-4-prologue logo

Oui ce techniquement impeccable GT4 Prologue n’est que le… préambule du jeu complet et en ligne à venir. Oui, ce produit concept comme l’était GT Concept l’année dernière est cher par rapport à l’orgie mécanique inventée et fournie par la série Gran Turismo elle-même. Mais qui connaît le prix d’une dose fulgurante d’expérience humaine ? Combien coûte un vrai saut en parachute ? Combien vaut une séance de conduite effrénée sur les rives rocailleuses du Grand Canyon à bord d’une Mitsubishi Lancer Evolution IV survitaminée ? Un slalom en plein cœur de New York au volant d’une Dodge Viper GTS à la carrosserie aussi lumineuse que les néons de Times Square ? L’hypnose de challenges à la précision supra normale où la vie est suspendue à un monde mécanique morcelé en centièmes de secondes valant de l’or ?
A la manette vibrante ou au volant retour de force, piloter un des véhicules hyper-réalistes modélisés par le studio japonais Polyphony Digital relève d’une expérience qui va plus loin que le jeu vidéo. En engageant le corps tout entier cette simulation là interroge le réel. Elle fait croire à l’inaccessible, créé des souvenirs tangibles, une mémoire physique là où n’existe que des pixels et des polygones informatiques. Gran Turismo réussit à créer l’illusion d’un vécu magnifique, noble et rigoureux. Un bref instant de vertige impérial qui n’a pas de prix.

François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 prévu pour le mensuel mort né GameSelect)

 


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Full Spectrum Warrior : Les tics de la guerre

Jeu public conçu pour l’armée US, Full Spectrum Warrior mérite toutes les suspicions morales et politiques. Contre toute attente, il remet avec intelligence de la dignité dans le grand désordre militaire qu’offre avec complaisance l’industrie du jeu vidéo. Preuve glaçante d’un médium assez irresponsable pour accepter sans discussion l’Armée en son sein, et pour lui laisser un discours de la raison.

Full Spectrum Warrior

Au commencement de chaque conflit armé proposé par un jeu vidéo ou un autre, qu’il soit sérieux ou fantaisiste, qu’il se veuille politiquement correct ou assume son révisionnisme revanchard, la célèbre question du soldat John J. Rambo à son mentor le Colonel S. Trautman est tacitement posée : « Cette fois-ci, on y va pour gagner ? » Évidemment oui. Et pour le faire bien, on offre au joueur un arsenal et des capacités invraisemblables. L’interface 3D la plus moderne du jeu vidéo est même née de là avec un Wolfenstein tristement célèbre, où le joueur fonçait dans un bunker nazi terminer le travail « inachevé » en 1945 en tuant Hitler de ses propres mains. Le succès inattendu d’un tel jeu, underground en 1992, reste sa meilleure excuse. Au XXIe siècle cependant, tous les conflits vidéoludiques ont lieu au grand jour, sont traités et vendus comme des productions à grand spectacle, soit disant dignes de la grande Histoire où ils puisent leurs péripéties. Pourtant, malgré toutes les cautions historiques et cinématographiques justifiant l’industrie du jeu vidéo, et même en attribuant aux scénaristes et concepteurs la volonté de respecter scrupuleusement les faits historiques, l’interactivité dite de loisirs, oblige ontologiquement à modifier le cours des évènements. Car il y a les faits objectifs connus, et il y a le joueur qui doit pouvoir agir et changer le cours des choses, sinon dans son ensemble – on ne propose pas de gagner une guerre historiquement perdue, mais sûrement dans le détail avec des moyens plus ou moins ouverts et farfelus pour gagner. Bien que le joueur endosse le rôle et le costume d’un soldat, sous prétexte de liberté interactive, son comportement le condamnerait le plus souvent à un tribunal militaire.

À vos ordres

Commandité et validé par l’Armée US à un studio de développement américain, jetant deux escouades militaires surentraînées dans un pays fictif du Moyen-Orient qui ne trompera personne, simulation militaire réaliste supposément destinée à l’entraînement ou à la distraction des troupes américaines avant de devenir aussi un produit commercial, Full Spectrum Warrior ne pouvait être qu’un instrument de propagande. Son gameplay extrêmement concentré, sa rigueur conceptuelle et sa réalisation au spectaculaire habilement soumis à la discipline d’une simulation militaire sans fard, crèvent tous les repères et redonnent une noblesse à l’exercice de la guerre au-delà de la pseudo carthasis interactive proposée, au mieux, par tous les autres jeux de guerre. Si propagande il y a derrière FSW, ce sera celle de rappeler que la guerre du XXIe siècle telle qu’elle est enseignée et officiellement pratiquée, ne souffre d’aucune négligence et surtout, ne tolère aucune mort. En tous cas du côté de l’armée des « justes », puisque l’on ne choisit pas son camp.

Du plomb dans la tête du joueur

La réussite troublante du fond et de la forme de FSW repose sur une série de paradoxes propres à remettre du plomb dans la tête du joueur facilement ébloui par les feux d’artifices de l’artillerie militaire. FSW brouille les repères physiques et moraux habituels du jeu vidéo. Contrairement à un jeu de stratégie temps réel, la caméra est avec les soldats, mobile, au ras du sol. Contrairement à un jeu d’action standard, le joueur n’investit pas un soldat en particulier, n’appuie jamais sur la gâchette : il dirige deux groupes de 4 fantassins maîtrisant, eux, parfaitement leur métier de militaire. Les chiens fous pressés d’en découdre n’ont pas leur place dans cette armée de techniciens et de tacticiens. Avec une organisation rigoriste des missions visiblement inspirée de véritables exercices militaires, FSW oblige à prendre son temps, à planifier alternativement, et au mètre près, les déplacements de ses deux escouades dans une ville désertée. Le traditionnel point du vue divin des RTS est abandonné pour plaquer le joueur au cœur de l’action avec une mise en scène subjective façon caméra embarquée complètement inspirée par le film La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, esthétique de couleurs saturées et musique à la Hans Zimmer incluses.

Le cerveau la meilleure arme

Chaque décision compte, et le cerveau est sans doute la première arme que l’on demande d’exploiter. Évidemment pas pour porter un jugement sur la validité de la guerre menée, un soldat reste un soldat, mais pour assurer une victoire de chaque instant de guerre. De fait, tout en offrant une expérience de jeu unique, et sans tomber dans la caricature de la discipline militaro-boy-scout décérébré, FSW redessine des valeurs essentielles (la vie, la mort, la réflexion, la camaraderie, l’entraide, l’autodiscipline…) que le jeu vidéo piétine allègrement depuis toujours. Ce jeu là ne crée certainement pas une conscience vis à vis d’un monde encore soumis à la dictature militaire, en revanche il revalorise un minimum la dignité et le comportement humain et, ce faisant, offre au jeu vidéo une éthique qui lui fait gravement défaut. Il faudra alors un jour s’expliquer sur une industrie du jeu vidéo assez folle pour laisser l’Armée elle-même venir lui faire la morale, de l’intérieur.

François Bliss de la Boissière

(Juin 2004, inédit prévu pour le mort né mensuel GameSelect)

 


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E3 2004 : 
Le journal d’Aliasaka

Je m’appelle Aliasaka. C’est un pseudo, mais moi j’existe, en vrai. Bonjour. Je suis à Los Angeles, en Californie, pour suivre la 10e édition de l’Electronic Entertainment Expo. En clair : l’E3, l’Ethree, l’Ecube. En plus clair encore : le mega salon annuel du jeu vidéo. Une énorme foire du jeu vidéo réservée aux « professionnels » de l’industrie venus du monde entier, y compris du Japon !

E3 2004 Convention Center © Danybliss

Tous ceux qui ont eu le privilège d’y participer vous le diront, l’E3 c’est le paradis et l’enfer. L’enfer parce qu’il faut courir d’un rendez-vous à l’autre, hurler en anglais pour se faire entendre sans, de toutes façons, se faire comprendre, au-dessus des décibels dégagés par les stands hystériques des éditeurs de jeu vidéo. Le paradis parce qu’en trois jours, il est possible de voir et même essayer tous les jeux qui sortiront d’ici la fin de l’année, voire même, pour les plus ambitieux, ou les plus laborieux, l’année prochaine. L’enfer parce que pendant que vous jouez à un jeu 10mn, vous en ratez 5 dans votre dos. Le paradis parce qu’au détour d’une conférence de presse ou d’une allée du salon, vous pouvez voir, entendre des développeurs de jeu dont vous appréciez le travail depuis longtemps. L’enfer parce que la machinerie marketing des éditeurs est si forte qu’elle peut transformer n’importe quel sous produit en évènement. Le paradis parce qu’au milieu de la cacophonie sonore, de la foule et des leurres, vous pouvez rencontrer un jeu inédit qui vous hérisse les poils de la nuque tellement il répond à une envie que vous ignoriez jusque là…
L’E3 est donc l’occasion de regarder les choses en face. Les gens, les marchands, et surtout : les jeux.

Compte à rebours

J-2 et déjà en retard.. sur l’info. Le salon ne s’ouvrira pas avant deux jours et déjà les plus futés et travailleurs des sites Internet lâchent des infos officielles ou supputées. Le site officiel de l’E3 offre aux regards des images des coulisses d’un salon en train d’être monté. Les éditeurs comme Microsoft, Sony et Nintendo qui font l’événement médiatique avant le salon avec leurs conférences publient en temps réel sur Internet leurs annonces et images ! Plus vraie encore dans le milieu du jeu vidéo qu’ailleurs, cette révolution de l’information est lancée depuis plusieurs années maintenant. C’est génial pour tous les lecteurs et passionnées du jeu avec un accès Internet. Mais c’est aussi le cauchemar du reporter de la presse papier, comme on dit encore. Que dire et raconter qui n’ait pas déjà été traité par Internet ou la TV ? Il ne reste plus qu’à parier sur le fait qu’il reste encore des joueurs qui ne regardent pas la chaîne jeux vidéo du câble ou qui ne suivent pas au jour le jour l’actu sur le web.
48 heures avant l’ouverture officielle du salon, les hostilités commencent avec les conférences trop confidentielles des japonais de Capcom et Square-Enix qui ne permettent pas de recevoir tout le monde et, surtout, celle de Microsoft où l’on attend des nouvelles de la Xbox 2.

Microsoft : tout pour le X

Bien que cela puisse paraître une évidence inutile à répéter, le fait que Microsoft soit une entreprise américaine explique bien des choses. La façon, par exemple, de transformer une conférence de presse en show entre concert rock et émission de TV où le parterre de journalistes et invités devient un public aux réactions dictées par des responsables en communication de haut vol venu jouer les chauffeurs de salle. A tour de rôle, les maintenant bien connus J Allard et Robbie Bach expliquent sur la scène du Shrine Auditorium de Los Angeles que pour Microsoft « tout commence par le software ». Bousculant les conventions ritualisées des conférences de presse, Microsoft projette un long sketch vidéo-gag où le milliardaire Donald Trump en personne met en compétition les équipes marketing de Sony, Nintendo et Microsoft pour imaginer un jeu sur sa vie « colorée ». Évidemment, les pauvres sosies des fausses Team PlayStation et Nintendo se font recaler avec mention ridicule tandis que le projet de la vraie Team Microsoft est retenu. Total irrespect pour la concurrence donc et grosse rigolade. « La règles d’hier sont du passé » prétend Microsoft. Derrière le spectacle les annonces sont quand même plutôt maigres. Le discours déjà rodé à la Game Developer Conference de mars sur le XNA, la plateforme de développement commune au PC et à la Xbox proposée par Microsoft étouffe toute annonce Xbox 2. C’est au moins l’occasion de présenter une nouvelle démo impressionnante du moteur physique du studio Pseudo Interactive qui lance cette fois 2 voitures à 200 MPH l’une contre l’autre pour un « Crash reloaded » très spectaculaire. C’est aussi grâce au XNA que les joueurs Windows et Xbox Live du MMORPG Vanguard : Saga of Heroes pourront apparemment jouer ensemble en 2005. « Nous croyons que la communication est la prochaine étape du jeu » affirme Microsoft. Et le nouveau dashboard de la Xbox ajoutera de la video chat au voice mail, voire même, démonstration à l’appui, des vidéo conférence à trois simultanément. Why not, mais où sont les jeux ? Peter Moore, l’ancien patron de Sega of America qui vient de rejoindre Microsoft sans trop d’embarras monte à son tour sur scène pour présenter le futur catalogue Xbox. Les extraits d’une quarantaine de titres défilent rapidement. Un catalogue sans génie mais très diversifié où on remarque avec envie les graphismes et ambiances réussies d’un Star Wars : Republic Commando sombre et presque gothique, la mise en scène d’un Full Spectrum Warrior très inspirée du film La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, le toujours élégant, sexy et online Dead or Alive Ultimate et ses combats au milieu d’éléphants et girafes, le retour sous les hourras de Conker Live parodiant génialement l’intro de Terminator 2 avec des crânes d’écureuils, et le très solide Doom 3. Déclarant ouvertement la guerre à un Gran Turismo 4 online qui n’en finit pas de se faire languir, Microsoft révèle l’ambitieux projet Forza Motosport qui mélange sans surprise mais avec efficacité, conduite et modélisation réaliste, tuning détaillé, et compatibilité Xbox Live. Au double rayon grand public et nostalgie, Microsoft prévoit de lancer un système de téléchargement à petit prix de très anciens jeux d’arcades ous l’intitulé : XBox Live Arcade. Mais on commence à s’ennuyer. Peter Moore retrousse alors sa manche et révèle un tatouage en forme de promesse inscrite dans le sang : Halo 2 sortira le 9 novembre ! Oui, précise-t-il, devançant les railleries : le 9 novembre 2004. La projection d’un long tutorial d’une partie de Capture The Flag multijoueur concrétise avec bonheur la promesse. Une annonce stratégique importante tombe enfin : tous les jeux sports d’Electronic Arts seront bientôt jouables sur Xbox Live. Un coup marquant contre la mollesse de la gestion en ligne de la PlayStation 2, une bonne nouvelle pour les nombreux adeptes des licences sportives EA qui vont profiter de la convivialité de l’interface en ligne de la Xbox. Moment inédit chez Microsoft, tout le monde se lève tout à coup pour saluer la présence tremblante mais rieuse de l’énorme légende de la boxe Mohamed Ali venu sur scène, avec quelques autres sportifs plus ou moins connus, valider le partenariat EA et Xbox. Dans la foulée, le James Bond, GoldenEye : Rogue Agent, développé par EA sera lui aussi jouable en ligne ! Toutes ces présentations efficaces cachent au moins une chose : pas de Xbox 2 et pas de Half-Life 2 sur Xbox ? Pendant ce temps là, Square-Enix donne un concert symphonique au récent et magnifique Walt Disney Concert Hall. Rage…
Après le X, on passe au culte. Demain matin a lieu la conférence de presse Nintendo sur Hollywood Boulevard…

Le culte de Nintendo

Les infidèles s’en moquent, les fidèles en pleurent, les ignorants s’en étonnent : les conférences de presse Nintendo ne ressemblent pas aux autres. Les spectateurs sont assis par-terre jusqu’au pied de la scène. Les standing-ovations spontanées saluent les annonces surprises que Nintendo ne manquent jamais de faire et la présence de Shigeru Miyamoto est désormais un rituel attendu. Moins spectaculaires que celles de ses concurrentes, mais toujours très émotionnelles, les conférences Nintendo se transforment souvent en happenings. Avec la découverte de la nouvelle portable Nintendo DS et l’annonce surprise d’un nouveau Zelda version réaliste, cette année ne fait pas exception. J-1. Une heure de retard, la conférence Nintendo attend trop longtemps les navettes de journaliste revenus de la conférence de Sony USA. Une heure d’impatience alourdie par le fait que, pendant que toute la presse mondiale piétine devant les portes Nintendo, le quotidien national USA Today en vente dès le matin présente en exclusivité la Nintendo DS ! Agaçant. C’est parti ! Une nouvelle tête de Nintendo US monte sur scène pour défendre le positionnement toujours original de la firme de Kyoto. Avec une efficacité très américaine, Reggie Fils-Aime, nouveau Vice-President des Ventes et du Marketing de Nintendo of America, vante les mérites de l’héritage Nintendo avec beaucoup plus de conviction que les vrais responsables US et japonais. La prestation presque risible de Saturo Iwata l’année dernière avec son petit poing levé en défi aux méga corporations est encore en mémoire. Cette fois le discours est mieux articulé et les annonces concrètes. Les ennuyeuses mais indispensables présentations chiffrées (Source NPD, marché US) révèlent une progression de 21% des affaires Nintendo fin 2003 / début 2004, pendant que l’industrie du jeu vidéo accuse une récession de -9% à -5%. Les rumeurs parfois alarmistes sur les comptes Nintendo sont censées s’éteindre ici. Les 2,5 millions d’exemplaires vendus en 4 mois au Japon des derniers Pokémon FireRed et LeafGreen sur Game Boy suffisent à imposer le respect. Après 15 ans d’occupation, 168 millions d’unités vendues et 9 challengers éliminés, le monopole incontestable de la Game Boy sur le marché des consoles portables autorise même Nintendo à évacuer la menace de la PlayStation Portable d’un trait d’humour : en cette année d’élection américaine, pour Nintendo le vote a déjà eu lieu, et la Game Boy Advance a déjà gagné (25 millions vendues). Comme sur GameCube, sans même compter sur les éditeurs tiers, sept titres majeurs du catalogue Nintendo (Donkey Kong Country 2, Mario Pinball, Mario Golf : Advance Tour, Mario Party Advance et F-Zero GP Advance et les inattendus Mario vs Donkey Kong et Zelda : The Minish Cap) suffisent à conforter le succès de la logithèque GBA. Nintendo en profite alors pour annoncer un adapteur Wireless pour la GBA SP qui sera vendu avec les prochaines cartouches Pokémon. Cet adaptateur laissera chater, échanger des données et s’affronter dans des mini jeux sans les habituels câbles link. Le Mario Golf de la GBA devrait aussi fonctionner sans fil. Rattrapant les expériences amateurs utilisant l’écran de la GBA pour diffuser de la vidéo, Nintendo sortira des cartouches Game Boy Advance Vidéo (20$ environ). La GBA devient alors lecteur façon DVD de dessins animés comme ceux des Pokémon ou de SpongeBob SquarePants de Majesco. Sur la GameCube qui se porte mieux depuis la baisse du prix de vente, les gros calibres sont bien prévus pour cette année, du moins au Japon et aux USA : Metroid Prime : Echoes et son mode multijoueur, l’exclusif GameCube Resident Evil 4 devenu un jeu d’action, le Starfox développé laborieusement par Namco, le poétique Pikmin 2 aussi multijoueur, l’indispensable Zelda : Four Swords déjà sorti au Japon. Bonne nouvelle qui en annonce une autre : Donkey Konga, le jeu musical rythmique disponible au Japon sortira bien en occident avec son indispensable paire de kongas accessoire. Un jeu intéressant qui annonce surtout l’inédit et épatant DK Jungle Beat exploitant lui aussi les tam-tams.

Deux fois plus différents
Puis arrive le moment tant attendu du coming out de la Nintendo Dual Screen. Avec son double écran, sa connectivité sans fil et, surtout son écran tactile, Nintendo réinvente le jeu vidéo une nouvelle fois. Les spectateurs conquis d’avance adhèrent, mais il faudra sans doute du temps pour que le grand public comprenne le concept. On lui expliquera (voir page xx). La conférence tire à sa fin et, déception, Miyamoto-san n’est pas monté sur scène. Ce n’est même pas lui qui a présenté la Nintendo DS qui fait pourtant partie de ses inventions comme nous l’apprendrons plus tard. Une musique opératique envahit tout à coup la salle, les lumières s’éteignent à nouveau et VLAN ! voilà le choc projeté sur grand écran : le teaser d’une nouvelle aventure de Zelda au design réaliste. Adieu le cell-shading ! Les énormes YEAAAHH du public américain ébranlent la salle, dépassant même en décibels ceux de la toute première présentation de Metroid GameCube il y a quelques années. Les images du nouveau Link jeune adulte défilent trop vite. A peine les mots Coming Soon affichés, les lumières se rallument et, nouveau choc, Shigeru Miyamoto surgit en courant sur scène ! La foule devient hystérique, tout le monde est debout. Souriant et malicieux comme toujours, Miyamoto-San est équipé du bouclier et de l’épée de Link ! Sous sa veste, un tee-shirt vert 1-up ! Il prend des poses de guerrier du dimanche, s’amuse avec les objectifs. Son plaisir de créer la surprise est flagrant. Un petit speech en anglais pour confirmer la sortie en 2005 d’un nouveau Zelda sur GameCube, une dernière pirouette et le plus populaire des créateurs de jeu vidéo est déjà reparti sous un tonnerre d’applaudissements. ça se passe comme ça les conférences Nintendo.
Dans l’après-midi du même jour Konami donne aussi, plus modestement, une conférence où tout le monde n’est pas convié. Tant pis.

E3 2004 danybliss 4

Jour J : le salon est ouvert

9h. Après l’échauffement des jours précédents, le vrai marathon commence. Trois jours, soit exactement 24 heures à courir dans tous les sens pour essayer, vainement, de tout voir, tout essayer. On nous annonce 1000 nouveaux projets parmi les 5000 présentés cette année par 400 exposants. Le 10e serait déjà trop, un délire. Par où commencer ? Quels stands ? Quels jeux ? Cinq minutes pour se repérer entre les deux gigantesques Halls Sud et Ouest séparés par un long couloir où se cachent d’autres salles bourrées à craquer de jeux vidéo. Grande difficulté : arriver à l’heure aux rendez-vous avec les attachés de presse de Sega, Nintendo, Capcom, Eidos, Konami, Microsoft, Sony, Electronic Arts, Sega, rester présentable malgré la course effrénée, ne pas s’effondrer devant son interlocuteur, rester digne, ne pas se déshydrater, penser à grignoter quelque chose pour ne pas tomber purement et simplement avant la fin de la journée. Cette année, en plus du reste, il ne faut pas oublier de passer à l’exposition History of Video Games Museum du Hall Kentia. Où ça ?

Sony : la grosse tête VIP

Le succès de la console de salon la plus populaire (70 millions de PS2 écoulées !) du 21e siècle semble avoir donné la grosse tête à Sony Computer. La traditionnelle et spectaculaire conférence de presse de Sony Computer USA du mardi 11 mai, veille du salon, n’était pas accessible à tout le monde contrairement à celles de Microsoft et Nintendo. Ce n’est pas un manque de moyens, juste une politique de rentabilité. Sony s’assure que chaque journaliste présent couvrira bien l’événement pour un journal. Dans le doute, le journaliste, notamment européen, est aimablement renvoyé à la conférence « business » de la filiale européenne de Sony qui a lieu le premier jour du salon. Mauvaise idée, après tous les palabres des conférences non interactives, le 1er jour on préfère enfin voir et toucher les jeux plutôt que de s’enfermer encore une fois dans une salle à écouter des patrons se féliciter de leurs exploits. Mais on y va quand même, ne serait-ce que pour apercevoir enfin la PlayStation Portable de prêt, puisque sur le salon, elle est confinée dans un petit espace accessible après avoir fait une longue file d’attente. Grande inquiétude pour tous les amateurs de nouvelles technologies anxieux de voir débarquer les prochaines consoles de salon, le nouveau patron de Sony Computer Europe David Reese le dit clairement pendant la conférence, « la PlayStation 2 est à mi chemin de son cycle de vie ». Même si la PlayStation 3 peut cohabiter avec la PS2 de la même manière que la PSone a continué de se vendre en même temps que la PS2 (100 millions écoulés de 1995 à 2004 ! ), cette affirmation semble repousser la PS3 plus loin que les médias et analystes ne l’imaginent. Toujours largement en tête devant Nintendo et Microsoft, la branche PlayStation 2 est la plus rentable du groupe Sony. La multinationale japonaise n’est donc pas pressée de la couper. D’autant que Sony part à l’assaut d’un autre marché avec la PlayStation Portable. Bien conscient qu’il existe « un seuil magique » du prix de vente qui rend une console en produit totalement grand public, Reese affirme que le prix de la PS2 ne baissera pas immédiatement dans les territoires PAL. La PS2 se vend sans cela, plus vite et mieux que la PlayStation originale. Alors que 70 millions de PS2 ont été vendues dans le monde, Sony pense qu’il reste encore 50% de PlayStation 2 à vendre. Idem pour les jeux dont les ventent actuelles ne représenteraient que 40% de leur potentiel à venir. Un constat si important que Sony supplie presque les développeurs de ne pas abandonner la PlayStation 2 trop vite. « Nombreux sont ceux qui regrettent d’avoir arrêté trop tôt le développement pourtant encore rentable sur PSone », rappelle Reese. Ne se démontant pas face au succès du Xbox Live, Sony déclare avoir la plus grosse communauté de joueurs en ligne en Europe avec 25 jeux compatibles. Une affirmation à mettre en parallèle avec les 22 millions de PS2 installées en Europe bien sûr. Aussi orienté chiffres que données technologiques, Sony nous apprend que si l’industrie du jeu vidéo représente en 2003 24% des 34 milliards d’euros du marché des loisirs européen, elle atteindra 30% des 42 milliards d’euros prévus en 2008. Bref ça grimpe tellement sûrement, que Sony ne veut pas brûler les étapes. En attendant, Sony évoque son partenariat avec IBM autour du développement de la technologie Cell destinée à des stations de travail Workstation. Les rudiments de la PS3 ? 

Jouets PS2

Du côté jeux, le catalogue de Sony Europe est assez court et solide pour que chaque titre soit traité comme un événement. SCEE attend beaucoup du FPS Kill Zone par exemple ou du 2e Getaway : Black Monday toujours aussi anglais et gangster (3 millions vendus du 1er !) et si cinématographique que Sony le présente au Festival de Cannes (hors compétition allons !). Gran Turismo 4 ne se présente presque plus mais on remarque pourtant des effets de motion blur inédits jusque là lors des chocs. On prend. Le jeu de karaoké SingStar, ses 2 micros et sa compatibilité avec l’EyeToy si populaire (2,5 millions écoulés en Europe !), la licence Athens 2004 des Jeux Olympiques qui fonctionnent avec un tapis… de course (?) et les fonctions chats et vidéo de l’Eyetoy sont destinés à convaincre des consommateurs qui ne sont pas des joueurs. Et c’est presque tout, officiellement, puisque les Ratchet & Clank 2 et autres Jak III ou Sly Raccoon 2 n’existent que dans le catalogue de Sony America. On ira les voir sur le stand Sony.
Présenté presque trop ordinairement entre les mains d’un David Reese déjà en position d’orateur automatique, la pourtant inédite et hyper symbolique PlayStation Portable ne ressemble guère au dessin prototype en circulation depuis des mois. La plus grosse surprise (déception ?) vient du fait que la façade de la PSP n’est pas du tout lisse comme prévue. Croix directionnelle et boutons traditionnels de la Dual Shock dépassent comme d’habitude du châssis. Rien d’original en surface donc. Mais attention aux fonctions et à l’époustouflant écran (voir page xx) ! Comme la Nintendo DS, la PSP sortira au Japon en fin d’année et sans doute en Europe avant mars 2005. Et là non plus aucun prix de vente n’est annoncé. Chacun campe sur ses positions.

E3 2004 Convention Center © Danybliss

Retour dans la foule

Après un rapide coup d’œil dans la salle de presse prise d’assaut par de biens courageux spécialistes du jeu vidéo acharnés à écrire leurs articles en direct du salon : retour dans l’arène. A partir de là les jeux aperçus en passant devant un écran, expliqués par des professionnels de la communication, quelques fois des développeurs eux-mêmes, projetés sur de grands écrans publics ou dans des petites salles privilégiées, et parfois, quand même, vraiment joués, s’enchaînent avec un rythme infernal. Si les jambes entraînées font leur boulot, le cerveau suit à peine. D’autant que beaucoup trop de jeux se ressemblent. Le succès à contre-emploi de Halo sur Xbox au moment où le genre FPS s’essoufflait sur PC lui a redonné une nouvelle légitimité. Il y en désormais partout. Des militaires bien sûr, inspirés par les succès immersifs des Medal of Honor de Electronic Arts, ou des descendants d’Halo prêts à en découdre avec des aliens. Heureusement les bidasses de l’Armée US sont cette fois restés planqués derrière le stand du nouveau partenaire Ubi Soft. Des nouveaux jeux de courses automobiles veulent encore et toujours arracher la pole position à Gran Turismo en y greffant, comme si les succès pouvaient se cumuler, des options de tuning inspirées du dernier Need for Speed.

Faux semblants
Si sur PC le procédé consistant à ne montrer les jeux qu’en versions non interactives dans des petites salles de projections était déjà pratiqué, la méthode tend malheureusement à se généraliser pour les jeux sur consoles. Ainsi aux côtés des divas du PC Half-Life 2 et Doom 3 qui refont sans surprise le coup des files d’attentes, c’est aussi Splinter Cell 3, 3 jeux Electronic Arts dont le faux James Bond : GoldenEye 2 (James n’est pas jouable, c’est le concept), Halo 2, et même la Nintendo DS qui sont présentés uniquement en vidéo et en comité réduit, donc sur rendez-vous ou après d’interminables files d’attente. Malgré des vidéos tournantes, DOA Ultimate et Tekken 5 n’étaient carrément pas disponibles en versions jouables. Idem pour le remake ambitieux de Altered Beast présenté en vidéo pour la 2e année consécutives chez Sega ou le curieux Killer 7 de Capcom. Le comble revient alors à Atari avec un stand constitué uniquement de versions non jouables de son catalogue. Y compris le médiatique Driv3r qui pour l’instant ressemble à tous les prétendants de GTA (dont la suite brillait aussi par son absence). Drôle de salon, un peu glissant avec ses jeux qui se dérobent, et les stands visiblement revus à l’économie de Sony et Nintendo. Une économie que ne connaît pas Microsoft avec un stand drapé de vert qui gagne chaque année du terrain médiatique. Si l’annonce des consoles portables a créé l’événement dans l’industrie du jeu vidéo, leur présentation partielle a rendu ce salon aussi fuyant que nos espions spécialistes du camouflage. Un E3 de transition sans doute… Alors, si pour faire le tri et gagner du temps, on décide de survoler très vite les titres connus suivis d’un chiffre et les licences trop ouvertement marketings pour s’intéresser aux jeux inédits, vraiment jamais vus ou connus, le salon devient beaucoup plus petit que prévu. Allez, c’est dit, on s’invente un jeu : trouver les jeux inédits ! Suivez les flèches : « Inédit », « Coups de cœur », « Essayé pour vous » et « Suite incontournable » parce que, oui, quand même, il y en a qui mérite d’être jouée.

…? Et l’History of Video Games Museum du Hall Kentia ? Oui, je l’ai raté. Bouh.

François Bliss de la Boissière (alias Aliasaka)

Photos : danybliss

(Publié en mai 2004 dans GameFan 01)

 


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David Cage portrait : Patronage artistique

Grâce à la réputation du jeu The Nomad Soul avec David Bowie en guest-star, sa petite entreprise n’a pas connu la crise d’un milieu du jeu vidéo sinistré en France. Après 4 ans de maturation, son prochain jeu Fahrenheit le remet sur le devant de la scène.

Patron d’entreprise ou artiste artisan ? Sans doute les deux. David, rebaptisé Cage, parce que « quand j’ai commencé à travailler dans le jeu vidéo et que je disais De Gruttola, mon vrai nom d’origine napolitaine, les Anglais me répondaient ‘à vos souhaits’ « , est patron d’un des rares studios de jeu vidéo français ayant résisté à la crise du milieu. Pragmatique, capable de gagner la confiance d’investisseurs et d’éditeurs (il a levé 28 millions de francs en 2000 et son nouveau jeu Fahrenheit sera édité et distribué par Vivendi Universal Games grâce au « coup de cœur » de son PDG Christophe Ramboz), David Cage est aussi un utopiste heureux quand il réussit à convaincre la rock-star insaisissable David Bowie de participer à son premier jeu The Nomad Soul en 1999 ou quand il reçoit Enki Bilal venu tourner des scènes de L’Immortel, son prochain film en images de synthèse, dans son studio de motion capture à Paris.
David Cage mélange les casquettes avec une aisance déconcertante. « Je viens d’engager un Directeur Général, je faisais tout jusque là : PDG, commercial, game designer… » Cette cohabitation inhabituelle du chef d’entreprise responsable d’une trentaine de salariés et de l’artiste visionnaire potentiellement kamikaze déterminé à réinventer le jeu d’aventure interactif, parce que « celui de la génération LucasArts n’est plus d’actualité« , semble curieusement naturelle. Il faut dire qu’à 35 ans seulement, David Cage a déjà plusieurs carrières derrière lui. Un parcours où aspirations artistiques et volonté d’entreprendre vont toujours de paire.
Dévoreur de livres pendant son enfance, « à 10 ans je lisais L’Odyssée, on me trouvait un peu barré« , pianiste dès l’âge de 5 ans, titulaire de plusieurs prix de conservatoire, il aurait probablement poursuivi jusqu’au bout une carrière de musicien classique s’il n’avait pas, avec sa génération, croisé l’électronique. Très vite, autodidacte, il se familiarise avec de nouveaux instruments, synthétiseurs, séquenceurs… « Peu de gens faisaient de la musique avec des ordinateurs à l’époque« . Musicien professionnel de 14 à 24 ans, il gagne sa vie en faisant l’arrangeur dans des studios d’enregistrements. A 18 ans il répond à l’appel d’une maison de disque parisienne et quitte Mulhouse et l’Alsace. Puis, sans doute inspiré par son père devenu chef d’entreprise à deux reprises après avoir été OS chez Peugeot, le jeune David De Gruttola rachète Totem, un studio d’enregistrement situé à Montparnasse. Les cinq années suivantes, son studio travaille pour la pub, la télévision, et… le jeu vidéo.

La crise du jeu vidéo français

Phénomène médiatique et culturel en 1999 grâce à la présence au générique de la musique inédite de David Bowie et même de son avatar, acteur-chanteur virtuel dans le jeu, The Nomad Soul ne s’est vendu qu’entre 500 ou 600 000 exemplaires sur PC et Dreamcast. « Difficile de savoir exactement combien, confie David Cage placide vis à vis de son ancien éditeur Eidos, nous n’avons touché aucune royaltie sur le jeu. Je ne suis pas millionnaire, c’est un fantasme de journaliste » s’amuse-t-il. Fort d’une réputation et d’une critique unanimes, Cage préfère se souvenir que le magazine Time a vu dans The Nomad Soul les prémices de l’avenir du jeu vidéo et que le magazine spécialisé américain Electronic Gaming Magazine l’a listé parmi les 40 jeux qui ont le plus marqué le jeu vidéo. Le respect est donc acquis et quoique discret et peu médiatique, David Cage et son studio Quantic Dream créé en 1997 sont devenus un point pivot de la scène française du jeu vidéo. « Il y a 2 ans j’ai écrit une lettre ouverte au gouvernement pour tirer l’alarme, rappelle Cage, j’y expliquais combien le jeu vidéo est une industrie stratégique en France, au carrefour des nouvelles technologies et de la culture ainsi que ma crainte de voir ce secteur disparaître de notre pays. Cette initiative a réuni créateurs et studios, et a obtenu un large soutien avec plus de 5000 signataires, rappelle-t-il. Le rapport Fries (1) publié récemment fait un constat très proche de celui que nous faisions il y a deux ans, souligne Cage soucieux de remettre les pendules à l’heure, notamment en évoquant le risque de fuite des cerveaux et de délocalisation massive de l’industrie » (profitant de mesures fiscales favorables, les éditeurs Ubi Soft et Electronic Arts importent de nombreux talents du jeu vidéo français… au Canada, NDLR). « Un drame total pour la France » diagnostique un David Cage qui rêve la France en Silicon Valley du jeu vidéo.

Hitchcock et Fahrenheit

Cinq ans plus tard, après s’être ressourcé, « la créativité demande de la maturation« , Cage lève le voile sur son nouveau projet : un jeu d’aventure qui doit réinventer un genre qu’il déclare, avec un sens certain du spectacle et de l’accroche, « mort » : « 2h de dialogues et des clics au pixel prêt, c’est fini. » Sans Bowie, mais avec la participation d’un musicien international encore mystérieux, Fahrenheit veut réussir le grand écart entre cinéma, littérature et jeu vidéo. « Ico est le jeu qui m’a le plus impressionné ces dernières années avec sa capacité à créer de l’émotion, de l’empathie pour les personnages, explique Cage. C’est la vraie difficulté du jeu vidéo« . Fahrenheit explore une voie où l’interface utilisateur est dénuée de menus et autres artifices standards du jeu vidéo. Si ses idées de mise en scène interactive aboutissent, les joueurs ressentiront à la fois l’émotion des personnages et des situations : »Comme dans les films d’Hitchcock, le joueur en sait plus que les protagonistes du jeu« . David Cage avoue craindre pathologiquement le froid, d’où, en partie, le titre Fahrenheit, mais une chose est sûre, il n’a pas froid aux yeux. D’ailleurs, alors que le business modèle du online est toujours incertain, il développe déjà avec Microsoft un jeu d’aventure jouable en ligne sur Xbox.

François Bliss de la Boissière

(1) Rapport livré au Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en 2003 faisant un bilan catastrophique de l’industrie française du jeu vidéo.

David Cage, extraits...
Fahrenheit, la renaissance du jeu d'aventure ?
 "C'est un thriller paranormal où j'essaie de rapprocher le jeu vidéo du cinéma sans perdre l'interactivité."
 "Au départ j'avais conçu Fahrenheit comme une série TV : un jeu à épisodes vendu chapitre par chapitre et qui aurait eu des réalisateurs différents. Fabricants de consoles, magasins, business en ligne… le marché n'est pas prêt pour ça".
 "Je développe depuis 10 ans le concept du "rubberband", une histoire élastique qui a toujours la même structure mais qui peut s'étirer en fonction des actes du joueur tout en gardant sa cohérence, son rythme."
 "Le meurtre au début du jeu est le seul. Il n'y a ni arme ni mort dans Fahrenheit."
 "Fahrenheit est différent. Je ne sais pas si ce sera un hit, peu importe."

François Bliss de la Boissière

David Cage © DR

(Publié en 2004 dans VSD Hors série)


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Beyond Good & Evil : made in France

Le souvenir des échecs de la french touch fait encore peur ? Grosse erreur, la qualité à la française existe bel et bien comme le prouve le nouveau projet du créateur à succès de Rayman. Il est donc temps de revendiquer l’héritage multiculturel français.

Beyond Good & Evil

Le créateur de Rayman et auteur de cette belle et nouvelle aventure interactive l’avoue dans une interview (1) : le jeu actuellement disponible en magasin sur PS2 et PC en France (Xbox et GameCube en 2004) pourrait s’appeler Beyond Good & Evil 2 ! Suite à l’échec commercial (mais pas artistique) d’un Ico sur PlayStation 2 qui utilisait la même idée de coopération entre le personnage principal et un acolyte que BG&E, puis la sensation persistante que, malgré leurs succès, des jeux comme Zelda : Ocarina of Time sur N64 ou The Wind Waker sur GameCube ne correspondent plus vraiment aux goûts du grand public, Michel Ancel a pris la décision courageuse, mais peut-être discutable, de modifier son jeu.

BG&E v2

Alors qu’il était quasiment terminé il y a 18 mois, Ancel, en accord avec son éditeur Ubisoft, a donc fait des ajustements assez sévères pour qualifier la mouture actuellement entre nos mains de version 2 du jeu ! Design plus « sérieux » et donc moins cartoon de l’héroïne devenue aussi plus masculine, concentration de l’histoire et des dialogues, allégement des puzzles « freinant » la progression? De la même façon qu’il dénonce le statut d’auteur sur lequel Ubisoft s’est appuyé pour promouvoir BG&E, Michel Ancel – pourtant le seul concepteur de jeu vidéo français ayant connu un vrai succès international et pouvant prétendre à une notoriété – préfère le pragmatisme commercial à l’orgueil de star qu’il pourrait être. Relevons tout de même que la décision forcément coûteuse de remettre son projet sur l’établi pendant un an et demi semblant lui appartenir en propre, Michel Ancel a bien, malgré ses dénégations, un statut d’auteur. Qui d’autre a le final cut dans l’industrie du jeu vidéo ? Un statut d’auteur aux mains libres conforté par un titre un peu obscur à connotation philosophique (2), un scénario assez poussé et, malgré une accessibilité tout public, une ambition socio-politique qui sort du cadre habituel du jeu vidéo.

Ne dites plus « french touch »

Suite aux trop nombreuses faillites de studios français spécialisés dans le jeu vidéo ces dernières années, le qualificatif de french touch est devenu tabou en France comme il était ambigu à l’étranger. Et c’est sans doute une erreur car, comme le montre le jeu de Michel Ancel, la touche française existe bel et bien, parfois pour le pire mais, ici, pour le meilleur. BG&E a en effet les qualités et les défauts bien connus des jeux vidéo français mais penche du bon côté de la balance : scénario à la fois original et hérité de la BD franco-belge (il y a du Tintin dans le personnage de Jade la photo reporter héroïne du jeu), lucidité politique s’exprimant via un mélange d’idéalisme naïf et de fatalisme réaliste, gameplay ambitieux limité par les moyens techniques si ce n’est financiers. Une réalisation forcément artisanale par rapport aux grosses productions japonaises comme l’est le cinéma français par rapport au cinéma américain. Rien de déshonorant, bien au contraire.

Culture made in France involontaire

Qu’ils le veuillent ou non, les créateurs de jeu vidéo français laissent toujours passer un peu de la culture française : littérature, peinture, cinéma, même quand elle se mâtine de culture manga ou comics. Et, même si les décideurs outre-atlantique froncent les sourcils, ils ne devraient pas en avoir honte car, comme le prouve la précédente réussite de Rayman et aujourd’hui le bel essai de Beyond Good & Evil, la sauce française finira bien par prendre un jour ou l’autre, peut-être même durablement. Michel Ancel le répète à son tour : « Le cinéma s’est inspiré de la photographie, les photographes des peintres, chaque nouveau médium s’intéresse forcément aux précédents. » Sans aller jusqu’à être gaulois, les créateurs français de jeux vidéo ne devraient avoir à dissimuler leur origine derrière des artifices en provenance d’autres continents. A chacun sa singularité. Car, de toutes façons, autant pour ne pas se plier au dictat habituel des gratte-ciel futuristes que pour des raisons techniques (le jeu se joue au format cinémascope et donc affiche une surface d’image réduite pour un effet, au choix, un peu chic ou un peu cheap) Michel Ancel ne peut pas dissimuler la sensibilité européenne qu’exhale l’architecture modeste du monde de la planète Hillys où se déroule l’essentiel de l’aventure.

Tout en un

Un des grands plaisir de Beyond Good & Evil est d’aller à la rencontre des nombreuses idées qui jalonnent le parcours de la jeune aventurière Jade. Même si la plupart des principes de jeu ont été déjà plus ou moins vus ailleurs, il faut apprécier une vraie volonté de faire la différence et de chercher la cohérence comme, par exemple, l’idée simple qui consiste à devoir photographier une carte affichée sur un panneau pour en garder une trace ensuite. Le rythme des séquences est assez bref et donne l’occasion au joueur d’enchaîner de nombreuses activités avant d’avoir le temps de s’en lasser : exploration, bagarres et esquives avec un bâton dit de « dai-jo », shoot’em up, courses de vitesse, infiltration, collecte d’items et de valeurs numéraires, coopération partielle avec partenaire virtuel, mini-games, Boss. Si sur PlayStation 2 le jeu a parfois des difficultés à s’afficher correctement, on peut en revanche saluer les temps de chargements allégés qui encouragent l’immersion tant convoitée.

Derrière le résultat technique parfois timide à l’écran et des emprunts trop flagrants à quelques autres références du jeu vidéo, Beyond Good & Evil exprime nettement une volonté de se démarquer, d’aller plus loin et de surprendre le joueur. Qu’est-ce donc que la french touch ? S’il s’agit d’ambition et la recherche d’une qualité à la Française, faut-il s’en cacher ? Il est même peut-être temps de s’en féliciter, voire de la revendiquer.

(1) Edge # 131.
(2) Traduction anglaise du « Par-delà le bien et le mal » écrit par le philosophe allemand Friedrich Nietzsche en 1886, et sous-titré : prélude à une philosophie de l’avenir.

Beyond Good & Evil
1 joueur
Disponible sur PlayStation 2 et PC

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2003 sur Overgame)

 


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Billy Hatcher and the Giant Egg : oeufs de ouf

Les concepteurs de jeux japonais sont fous et c’est pour ça qu’il faut les adorer. Même, et surtout, quand ils nous demandent d’enfiler un costume de poulet « légendaire » pour sauver le Pays du Matin des corbeaux. Car pour beaucoup d’entre eux, les jeux vidéo sont synonymes de joie de vivre et de légèreté. Bien heureux les Japonais.

Billy Hatcher and the Giant Egg

Être fou est assez facile vous en conviendrez, il suffit sans doute de se laisser aller. En revanche, concrétiser un peu de folie en un jeu vidéo praticable par tout le monde demande un talent hors du commun. Partir d’une idée absurde pour la rationaliser en une interactivité accessible, amusante et si possible innovante, est un double exercice de délire créatif et de rigueur technique que les Japonais semblent les seuls encore capables de faire. Et même de vouloir faire à l’heure où le marché des jeux vidéo se standardise autour de formules commerciales éprouvées. Mais tenter l’innovation ne veut pas dire la trouver.

Bêtise pour enfants

De son principe de base à peine descriptible jusqu’à la concrétisation des différents niveaux et objectifs du jeu, Billy Hatcher est, par exemple, un mélange improbable de bêtise pour enfants, de délire pop-psychédélique, de tradition et d’invention. Un peu à la manière d’un Mario Sunshine qui posait la question « et si on donnait un pistolet à eau à Mario que se passerait-il ? », la SonicTeam à l’origine de cette réalisation atypique, oblige son personnage principal à trimballer avec lui un oeuf, ou des variétés d’oeufs, pour traverser son univers. Moitié handicap, moitié atout, l’oeuf en question devient le vecteur obligatoire de tout le gameplay hérité de la tradition du jeu de plateforme. Plus il roule devant Billy plus il grossit. A terme son éclosion donne accès à des nouvelles aptitudes.

Intimité sadique

Les choses seraient presque simples s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour contrôler l’oeuf en question. Le choix sadique de la SonicTeam est d’obliger le petit bonhomme à se plaquer contre l’oeuf pour le contrôler. Au risque de voir celui-ci lui échapper. La difficulté principale repose alors sur la tentative de symbiose des mouvements de Billy et de l’oeuf devant lui. Comme il faut souvent faire des demi-tours brusques pour écraser des ennemis, sauter puis rebondir sur des obstacles, garder le contact entre les deux entités s’avère délicat. Le jeu commence là mais ne s’arrête pas là.

Tutorial tout du long

Contrairement à la plupart des jeux du moment, les créateurs de Billy Hatcher ne se sont pas contentés d’une idée principale déclinée en quelques variables pour tenir la distance. Le principe du jeu est en réalité le prétexte, la base, sur laquelle ils injectent peu à peu de nouveaux concepts de gameplay. Comme les productions Nintendo, l’ensemble du jeu est en fait un gigantesque tutorial où il faut apprendre sans cesse une nouvelle aptitude, une nouvelle manipulation. Même si le trajet du personnage est pointé sans ambiguïté dans chaque niveau, il est bien question ici d’exploration à la fois des frontières de son univers et de ses modes de fonctionnements : décors mobiles, leviers, portes à coulisses, passerelles, Boss et mini Boss, coopération avec des petits animaux? Et la collecte de quelques items bien cachés oblige à revenir faire un tour pour améliorer son score.

Entre Sonic et Nights ?

Billy Hatcher est presque aussi déconcertant à jouer qu’il est à expliquer. Décrire précisément le gameplay est aussi hasardeux que vain. Sans manette à la main, il est pratiquement impossible de vraiment comprendre ce qu’implique un jeu où il faut constamment pousser un oeuf de taille variable devant soit tout en faisant un parcours de jeu de plateforme. On peut éventuellement décrire ici et là quelques phases de jeu, évoquer un mélange entre Sonic et Nights, mais, de la même manière qu’il est impossible de saisir un tableau impressionniste en collant son nez sur les points de peinture qui le constitue, il manquera toujours le recul qui donne la vue d’ensemble.

Anti mode irresponsable

Avec son ambiance lumineuse et une candeur frôlant l’obscènité, Billy Hatcher est complètement anti mode et c’est sûrement son premier handicap. Le gameplay dynamique façon old school pourrait fort bien se passer de ses graphismes colorés qui d’ailleurs coûtent quelques ralentissements techniques inhabituels sur GameCube. Le gameplay justement, le coeur de l’interactivité tactile qui donne tout son intérêt au jeu vidéo sur console et qui disparaît peu à peu au profit de mises en scène approximatives et bâtardes?
Imaginer puis réaliser pour de vrai un jeu vidéo où le personnage enfile un ridicule costume de poulet pour tenter de sauver le Pays du Matin (Le Pays du Soleil Levant ?!) d’une obscurité permanente serait d’une irresponsabilité affolante partout ailleurs sauf au Japon. La survie du jeu vidéo comme loisir innovant et, qui sait, comme Art, ne peut que passer par cette folie où l’imagination est reine. Remercions alors sans réserve les enfantillages japonais.

PS. La chanson générique du jeu déclinée en trois interprétations selon les menus du jeu (pop instrumentale, dance-floor et vocale), est un monument de kitsch musical irrésistible. Les amateurs de Nights y retrouveront des cloches et une effervescence commune?

Billy Hatcher and the Giant Egg
1 à 4 joueurs sur un seul écran
Mode 60 Hz : oui, option au démarrage
Image 16/9 : oui automatique en 60Hz
Son : Dolby Surround Pro Logic II
Disponible uniquement sur GameCube

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2003 sur Overgame)


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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