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FORZA MOTORSPORT 3 vs GRAN TURISMO 5 : Les absents ont toujours tort

De l’art et la manière dont regorge Gran Turismo, Forza 3 a du second et pas encore du premier. Inutile de faire semblant, chaque minute de Forza 3 renvoie à son modèle Gran Turismo. Alors regardons en face.

Forza 3

Quatre ans. Il aura suffit de seulement quatre années à la série Forza Motorsport initiée par Microsoft pour se hisser à la hauteur de Gran Turismo. Quatre années qui correspondent peu ou prou à l’OPA technologique que les États-Unis ont réussi à faire sur l’industrie du jeu vidéo japonaise. Dès la première tentative sur Xbox en 2005, Microsoft cachait à peine son objectif : faire sur sa console l’équivalent du fameux Gran Turismo de la japonaise PlayStation 2. Une tâche colossale qui a laissé quelques malheureux candidats sur le carreau (un soupir pour Sega GT sur Dreamcast par exemple). Prêt à tout pour convaincre définitivement le compatriote Electronic Arts alors leader de rallier sa cause sur Xbox, Microsoft a du jour au lendemain accepté de stopper la production de simulations sportives sous sa propre marque dès 2004. Mais tant qu’il s’agissait de concurrencer les productions japonaises impossibles à séduire ou indexer, le géant américain n’a pas lâché prise. Le résultat après trois tentatives progressant à la vitesse de l’écrasante volonté américaine, un Forza troisième du nom, et déjà aussi deuxième essai sur console HD, qui frôle pour de bon la référence toutes catégories confondues.

Gran Turismo, encore au garage

Pendant la même période, depuis le dernier grand rendez-vous Gran Turismo 4 sorti quelques mois avant le premier Forza sur PlayStation 2 en 2005, le maestro de Polyphony Digital est quasiment resté au garage. Le Gran Turismo HD Concept gratuit au lancement de la PlayStation 3, l’esquisse Gran Turismo 5 Prologue en 2008 et la nouvelle démo GT Academy 2010 offerte le 17 décembre prochain sur PSN continuent de teaser un Gran Turismo 5 complet qui joue indéfiniment les timides (mars 2010 au Japon). Et avec raison quand on voit le seuil qualitatif atteint par Forza 3. Mieux valait pour Sony et son studio laisser passer l’orage, observer l’adversaire, analyser les innovations et le fiable mode en ligne, point fort des productions sur Xbox 360. Quitte à se contredire, le célèbre patron du studio japonais, Kazunori Yamauchi, avait déclaré en juin dernier que GT5 était, au fond, prêt à sortir à n’importe quel moment, sous entendu quand son éditeur Sony le souhaitait. Au moment d’annoncer que le jeu ne serait commercialisé qu’au début 2010 et non à Noël 2009 comme supputé par tout le monde, Sony place un panneau descriptif à côté de la démo de GT5 du Tokyo Game Show de septembre qui précise que seulement 65 % du développement du jeu serait terminé. Que croire ? Peu importe. La réalité concrète aujourd’hui se nomme Forza Motorsport 3 et se joue dès cette fin d’année. A condition d’être équipé d’une Xbox 360.

Prise de distance

Forza 3 impressionne d’autant plus qu’il est seul en piste et a enfin compris les détails de mise en scène de l’interface lui greffant le cachet classieux qui lui manquait encore. Après les chocs telluriques Colin McRae Dirt 2 et d’un Need for Speed : Shift bien énervé, la force tranquille affichée et démontrée manette en main par Forza 3 a des allures de maître du jeu prenant de la hauteur. Le blanc des menus, les légers reflets des typos, les quelques lignes fines qui séparent des menus simples et épurés, l’électro chic et neutre de Lance Hayes, même la langueur des chargements entre les menus semble chercher une zen attitude imposant le respect à la Gran Turismo. Car le work in progress du studio Turn 10 appartenant à Microsoft va jusqu’à imiter, sans doute sans le vouloir, les défauts de son aîné. Les chargements bien trop longs des circuits, l’aliasing marqué, voire le petit pop up occasionnel d’un bout de décor, prouvent que la physique des moteurs et de la dynamique des jeux de voitures de ce calibre mangent une belle tranche des capacités de calculs, même des dernières consoles haut de gamme (cela étant dit, Dirt 2 des prodiges anglais de Codemasters, se passe à 99% d’aliasing sur Xbox 360 ET sur PS3).

Replay forever

Plutôt bien conditionné avant d’arriver enfin en piste, l’apprenti pilote ne doute plus de rien une fois la course lancée. Comme toujours, et heureusement, c’est dans l’action et l’échange interactif entre le gamer et le jeu que tout se joue. Plus vive que celle de Gran Turismo, sans doute un rien moins réaliste, la prise en main des voitures de Forza 3 offre tous les plaisirs d’une pseudo simulation. Les mains y croient et la tête suit. Nul doute que l’on pilote tel bolide, que l’on dispute la ligne d’arrivée avec 7 autres concurrents. Surtout, contrairement aux célèbres files indiennes de Gran Turismo, les NPC (Non Playable Cars) adoptent des comportements beaucoup plus excitants tout en restant tout à fait crédibles sur la piste. Les sorties de pistes des adversaires ne font pas forcées, le peloton cache bien son jeu, respecte les mêmes règles de conduite que le joueur, à la merci d’une fausse manœuvre crédible ou d’un dépassement risqué. Comme dans Gran Turismo pourtant, le pilote peut encore jouer sans réelle pénalité les stocks cars indélicats pour franchir un virage ou ouvrir le peloton. Optionnel, l’impact sur la conduite des dégâts visuels et mécaniques se règle à volonté. Il faudra voir quelle route les voitures incassables de Gran Turismo 5 emprunteront après cette leçon de maîtrise. Le premier Forza avait imposé le très malin système de ligne de conduite dessinée sur la route devant la voiture, au point de voir les apéritifs Gran Turismo 5 l’adopter. Polyphony Digital suivra-t-il également Turn 10 avec la mise à disposition totalement à volonté et illimité d’une fonction replay en cours de course, même de carrière officielle, comme l’ose Forza 3 ? Cette innovation conceptuelle inventée par Codemasters dans Race Driver : Grid puis Dirt 2 est en passe de s’imposer comme une option finalement indispensable. Pour les apprentis conducteurs comme pour les amoureux de la perfection, le bouton rewind appartient désormais au set de commandes du véhicule aux côtés de l’accélérateur, du frein et des passages de vitesse. Appuyer rapido sur le bouton Select du rewind avant de heurter de plein fouet la palissade et d’entendre le cash honteux devient éventuellement un mini défi en soi. Chacun y trouvera son utilité, y compris celui de le juger tabou et donc d’apprendre à le contourner. Encore un défi…

Encore un petit effort

Ce que ne fait pas Forza 3 en revanche et que Gran Turismo 5 ne manquera pas de proposer et souligner à sa sortie, c’est offrir des parcours de rallye et une météo variable. Pas de nuit, pas de pluie, pas de neige ou de verglas dans Forza 3, le soleil brille tous les jours dans des décors au rendu inégal, plus arcade à la Sega Rally que vraiment photo réaliste, et les carrosseries qui reflètent tout dans les moindres détails ne s’en portent pas plus mal. Mais en terme de renouvellement de l’expérience de la conduite, la simulation de Microsoft arrive vite à une limite. Même avec un échantillonnage de 400 voitures, et surtout 100 tracés officiels déjà bien souvent parcourus ici ou ailleurs. Toutes les pistes sur goudron renvoient ainsi le même impact de conduite, et beaucoup trop vite dans la structure pourtant assez élaborée du mode carrière, la difficulté se corse surtout en augmentant le nombre de tour des championnats. Le principe de répétition est évidemment inscrit dans toute pratique du sport. Il dessine aussi les limites de l’exercice. Beaucoup plus élaborée de ce point de vue là, la série Gran Turismo arrange ce mal nécessaire en multipliant les variations, les mini épreuves et les franchissements des fameux permis de conduire, test par test, centième de seconde par centième de seconde. Et, surtout, sur le modèle d’un bon RPG, Gran Turismo intègre la digestion progressive de son complexe système de jeu comme faisant partie du jeu lui-même. Efficace et sans doute trop direct malgré quelques fourches de choix, Forza 3 déroule son arborescence avec confiance mais sans magie.

Aîné et cadet nez à nez

Forza n’a plus Gran Turismo dans sa ligne de mire quelque part à l’horizon d’une route sinueuse, mais contre son pare-choc avant sur une ligne droite commune qui ne fait plus de quartier. En ne sortant pas à Noël 2009 et en laissant la passable version PSP Go prendre sa place, Gran Turismo 5 s’est offert un répit de quelques mois. La série de référence finira sans doute par arrêter de snober dans son coin en promettant le Graal de la simulation de conduite et rejoindre la grille de départ. En attendant, Forza est seul en piste* et les pilotes virtuels n’ont pas à se poser de dilemme déchirant.

* En tête aujourd’hui faute de concurrent, Forza 3 ne lâchera pas facilement sa pole position. A peine l’annonce de la nouvelle démo GT Academy 2010 mâtinée de championnats réels tombée le 3 décembre (pour le 17), Microsoft annonce 5 jours plus tard avoir vendu 1 millions de Forza 3 et la disponibilité immédiate d’un pack de nouvelles voitures à télécharger (400 points) ! La course n’est vraiment pas terminée.

François Bliss de la Boissière

 


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UNCHARTED 2 AMONG THIEVES : Le syndrome du 2

La grosse production exclusive de fin d’année sur PlayStation 3 a bien des qualités que n’importe quel joueur saura sans aucun doute apprécier lui-même manette en main. Le consensus critique autour de cette suite étant cette fois total et indiscutable, rien ne sert de rallier la foule pour dire la même chose. Il reste toujours de la place pour la critique. Dans une longue conversation à distance, Éric Simonovici (alias Garou, ancien pilier d’Overgame) se penchent sur une expérience pas tout à fait vécue de la même façon…

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Bliss : Puisqu’on arrive après la tempête, que tout le monde s’entend pour dire qu’Uncharted 2 est génial et que nous allons le dire aussi, il me semble nécessaire d’émettre quelques remarques critiques. Un regret qui s’adresse autant à l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble qu’au public gamer. A quelques exceptions près, tout le système fait preuve d’une quasi incapacité à reconnaître une réussite au premier jet. Il faut une suite pour vraiment rallier tous les suffrages. Et c’est ce qui arrive à Uncharted 2, salué timidement en 2007 et tout à coup devenu révélation au 2e épisode. Un syndrome assez proche du cinéma d’ailleurs où les numéros 2 et les suivants font généralement bien mieux techniquement et commercialement que le premier épisode, même quand celui-ci est un succès. C’est un phénomène de masse assez désagréable où l’ajout du chiffre 2 conforte le public et même, dans la presse jeu vidéo, la critique installée. Les ventes de de Modern Warfare 2 et Assassin’s Creed II dépassant de très loin celles de leurs premiers épisodes confirment, hélas, à nouveau cet embarrassant systématisme.
Tout ça pour dire que Uncharted 2 est vraiment bien et que c’est la moindre des choses puisque le premier Uncharted était déjà génial. Du touché minutieux à l’exploration presque libre, des gunfights aux corps à corps au ralenti, des escalades à la Tomb Raider, des cascades à la Pitfall, des courses-poursuites en véhicules et, bien sûr, les super crédibles scènes d’acting parfaitement glissées entre les phases de gameplay, tout y était. C’est pour remettre tout cela en mémoire que j’ai justement publié nos avis sur le premier jeu en 2007 et notamment la liste des best of auxquels Uncharted Drake’s Fortune pouvait prétendre. Ce deuxième Uncharted semble cette fois faire vraiment le consensus critique et commercial, tant mieux, mais le jeu ne fait que jouer la surenchère technique du premier, ce qui est logique et attendu.

Éric : C’est logique et attendu mais, en même temps, on sent dans terme « surenchère technique » une connotation légèrement péjorative, l’idée que le nouveau jeu est simplement « le même en plus spectaculaire » et que, quelque part, il ne mérite pas la même attention qu’une suite introduisant des éléments de gameplay supplémentaires. Ce qui est intéressant avec Uncharted 2, pourtant, c’est la capacité de Naughty Dog à tirer parti de la technologie pour créer des situations inédites. La fantastique séquence du train, par exemple, injecte de nouveaux challenges et impose au joueur de repenser temporairement la partie plateformes du gameplay. L’attaque de l’hélicoptère culminant en la dégringolade d’un bâtiment entier met le joueur face à un challenge certes bref mais complètement différent de ce qu’il a pu rencontrer jusqu’alors. Loin de n’être qu’un simple cracheur de polygones, le studio affiche un talent rare : il sait mettre la technologie au service direct de l’expérience plutôt que de se contenter d’embellir des arrière-plans et des décors (ce que Naughty Dog fait cependant aussi avec grand talent). En poussant le raisonnement encore plus loin, on peut même voir dans Uncharted 2 le premier jeu parvenant enfin à concrétiser pleinement la « vision » PS3 : une machine démontrant que la technologie est indissociable de l’expérience, dont la puissance permettrait de brouiller les pistes entre spectacle et interactivité, cinéma et jeu vidéo.

Bliss : Bien sûr, et, encore une fois, heureusement. Et, en effet, Naughty Dog devient un des studios qui réussit le mieux cette fusion des outils technos et artistiques à la disposition du jeu vidéo. Même si cela reste encore du collage, du « mashup », et que les séquences cinématiques, d’acting donc, se contentent de raccrocher les wagons d’un scénario totalement abracadabrant et ne faisant rien d’autres que donner le prétexte de zapper d’une séquence d’action à l’autre, d’un pays à l’autre. En évitant de tomber dans le blasé mais en gardant un certain degré d’exigence et d’ambition pour le jeu vidéo, les qualités de ce Uncharted 2 me réjouissent mais ne me surprennent pas parce qu’en jouant le premier jeu, le joueur y apprenait implicitement que l’accomplissement technique et artistique du studio Naughty Dog sur PlayStation 3 était tel que n’importe quel autre projet, suite ou autre création, ne pouvait être que égal ou supérieur à ce premier exemple. Je reproche le retard à l’allumage du public, et de la presse la plupart du temps, qui se méfie d’un premier titre pour se ruer et crier au génie sur la suite parce qu’il débouche sur toute une logistique commerciale de bégaiement. Alors que, dans une certaine conception de la création artistique à laquelle appartient sans aucun doute les meilleurs jeux, et donc Uncharted, une « suite » n’est jamais que l’écho d’une première œuvre. Même lorsqu’il s’agit de divertissement haut de gamme. J’entends bien que les technologies liées au jeu vidéo encouragent un amortissement budgétaire sur plusieurs épisodes mais cette raison industrielle alimentée par les besoins marketings n’a aucune raison d’être encouragée par la critique et le public à priori non concernés par les coulisses de la fabrication.
C’est ce phénomène du « syndrome du 2 » que je dénonce ici et qui va coûter la vie à un certain nombre de créations originales d’Electronic Arts comme Mirror’s Edge qui n’auront peut-être pas la chance de profiter d’un second round au box office. Je prédis ainsi sans gros effort que cette latence du marché qui freine les créations originales au profit d’un flot de suites se répercutera sur la suite d’inFAMOUS. Le premier jeu sorti cette année est absolument admirable sous tous rapports, porte en lui un vrai génie créatif du jeu vidéo, est fignolé comme un projet accouché dans l’amour pendant des années. Et si les critiques sont bonnes et les ventes sans doute convenables, personne n’a affirmé qu’il s’agissait d’un jeu vraiment « important », qui aura, par exemple, une influence sur les autres développeurs de jeu. Quand inFAMOUS 2 arrivera inévitablement, les superlatifs seront lâchés pour de bon et le marché hurlera sans doute, avec un train de retard, au génie. Je ne défends pas ici une extralucidité qui n’en n’est pas une, mais je souffre de la paresse généralisée qui encourage à la facilité un médium qui peut faire bien mieux. S’il est maintenu comme annoncé, je ne me remets pas encore du 2 derrière le prochain Super Mario Galaxy. Une facilité marketing que Nintendo avait jusque là contourné à coups de jeux concepts. Le marché et sa vision à deux temps semblent avoir gagné.

Éric : Je suis d’accord pour dire qu’il y a souvent des cas où une suite rencontre plus de succès que l’original. En revanche, je trouve assez injuste de mettre systématiquement le phénomène sur le dos d’une critique ou d’un public joueur frileux. N’y ayant pas joué depuis sa sortie en 2007, je n’ai que très peu de souvenirs d’Uncharted (ce qui, en soi, en dit probablement long). Mais la description que j’en faisais dans un article de l’époque – soit un titre sympathique mais un peu dispensable – me semble coller. Si le second volet fait à ce point l’unanimité, j’aime à penser que c’est tout simplement parce qu’il s’agit d’un meilleur jeu, phénomène relativement naturel quand on y pense. Combien de premiers jets ont finalement été qualifiés de « brouillon » quand la suite est sortie (c’est encore le cas tout récemment d’Assassin’s Creed, dans une critique du numéro deux rédigée par Joystiq) ? Puisque les studios démarrent le développement de la seconde version avec l’expérience et le savoir faire que leur a procuré le développement de la première, n’est-il pas logique de constater une différence qualitative entre les deux, différence pouvant parfois être assez significative pour recueillir – peut-être tardivement, comme tu l’estimes – le plébiscite critique et public ? Dans le cas d’Uncharted 2, il me semble que Naughty Dog réussit beaucoup mieux à concrétiser des ambitions certes déjà présentes dans le premier volet : une expérience cinématique inspirée du grand film d’aventures, un jeu mélangeant harmonieusement exploration, résolution d’énigmes, plateformes et action. Non pas que le premier était déméritant puisque, comme tu le dis, tous les composants de base étaient là ; mais le studio les assemble désormais avec un sens du rythme beaucoup plus affuté, tu ne trouves pas ?

Bliss : Absolument. Pour un studio du niveau de Naughty Dog, dont le travail qualitatif se vérifie de génération en génération, de Crash Bandicoot sur PSone à Jak and Daxter sur PS2, puis Uncharted sur PS3, le progrès d’une suite à l’autre n’est pas que technique. Tous les postes en profitent. Le sens du rythme narratif se retrouve dans la construction en flash-back d’Uncharted 2 par exemple. Le jeu démarre mystérieusement sur une séquence ultra spectaculaire avant de remonter les évènements ayant conduit à cet instant, à la façon du film Mission Impossible III de J.J. Abrams. Un procédé emprunté au cinéma lui-même venu des séries TV qui fonctionne très bien dans le genre « serial » où évolue Uncharted. Gageons que cette méthode trouvera des émules dans le jeu vidéo. Par contre je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’idée de « premier jeu brouillon » qui ne serait que la répétition maladroite du jeu n°2 qui aurait toutes les qualités seulement esquissées dans le premier. Probablement vrai dans certaines productions mal produites et sans le sou, cela ne s’applique pas à Uncharted. Naughty Dog a travaillé des années sur le premier Uncharted. Le studio aurait même dû être en première ligne pour représenter la PS3 à son lancement. Sony a eu l’intelligence de laisser le temps au temps et Naughty Dog a pris celui nécessaire pour maîtriser la PS3 et développer son jeu dans les moindres détails. Il y a dans Uncharted 2 des petites approximations de collision, de distance (Nathan s’accroupit pour ramasser des munitions à 3 mètres de lui), des raccourcis grossiers de pathfinding du 2e personnage non contrôlable et même un gros bug d’affichage (Nathan passe à travers le décor brusquement inexistant) croisé par accident qui n’existaient pas dans le premier Uncharted. Probablement grâce à une période de débogage originale beaucoup plus longue que celle qui sépare les 2 années entre les 2 jeux. Et, évidemment, moins de séquences aussi complexes. En terme de gameplay, le touché du premier jeu était parfait. Les gunfights avaient déjà toute leur précision, de même que les phases d’acrobaties. Je considère par exemple une déception que la possibilité de se balancer au bout d’une corde soit aussi raide et limitée dans Uncharted 2 que dans le premier alors qu’elle devrait désormais faire partie des aptitudes de base du héros. D’après ce que je peux remarquer, ce sont les bagarres au corps à corps qui ont subit l’amélioration la plus sensible du gameplay original. Ralentis, richesses des gestuelles, anticipation des intentions du joueur, l’effet cinétique et sensoriel de ces échanges de coup de poings – très proches de ce que fait à répétition Batman dans Arkham Asylum – se vivent et se jouent de manières d’autant plus agréables qu’elles restent occasionnelles, voire facultatives. En plus, il semble y avoir un nombre assez déroutant d’animations liées à ces corps à corps. Je me suis vu en train d’accomplir une chorégraphie totalement inédite de coup de poings/coup de pieds dans la dernière partie du jeu ! Tu remarques d’autres franches améliorations du gameplay à part l’évidente intelligence des situations spatiales, de l’architecture des niveaux ?

Éric : Mis à part ce que tu cites déjà, je n’ai pas été noté l’introduction d’éléments de gameplay radicalement différents par rapport à la première version. Ce qui, quand on y pense, est tout à l’honneur de Naughty Dog. Je lisais il y a quelques semaines un excellent article à propos du « minimalisme d’Uncharted 2 », presque un titre clin d’œil vu le tour de force technique que représente le jeu. Mais si effectivement les développeurs semblent complètement se lâcher côté visuels et sons, le mot d’ordre semble avoir été less is more pour le gameplay. Pas de séquence RTS, de skill tree, d’inventaire extravagant à gérer… On sent que Naughty Dog a démarré avec une idée extrêmement claire du concept et, durant le développement, a pris garde de ne pas s’éparpiller ou bien de compromettre inutilement cette vision, une rigueur et une discipline rare (aux antipodes d’un Brütal Legend, pour ne citer que lui) qui a laissé aux designers le temps de peaufiner chaque élément jusqu’à la quasi-perfection. Si Uncharted 2 démontre quelque chose, c’est d’abord la puissance du fameux polish.

Bliss : Comme dans le premier Uncharted, le son a une présence aussi remarquable que le visuel. J’adore toujours le bruit singulier de noisettes croquées au ramassage des munitions. Je le disais déjà pour le 1, ça rejoint le niveau culte de celui des recharges de Half-Life. La partition musicale, éminemment cinématographique, pique beaucoup d’accords à droite à gauche au cinéma. Un best of émotionnel surjouant la dramatisation de certaines séquences qui n’en méritent pas tant en terme de situations. En fait, cela réveil en nous des conditionnements émotionnels liés à l’utilisation de la musique au cinéma mais, dans l’absolu narratif, vu l’absurde de chaque scène, la réalisation en fait beaucoup trop. En même temps, manette en mains, essoufflé après telle ou telle séquence spectaculaire, on a tellement envie d’y croire jusqu’au bout qu’on finit par accepter ces outrances grossières.

Éric : Ce qui m’a surtout frappé de ce côté, c’est le menu d’options presque aussi détaillé que celui d’un disque Blu-Ray : piste 5.1 ou 7.1, son plus ou moins compressé… La possibilité de sélectionner la taille de son enceinte centrale est même présente. Ces détails n’intéresseront peut-être qu’une minorité de geeks, certes, mais cette irruption du home cinéma dans le monde du gaming confirme la volonté de Naughty Dog de faire d’Uncharted 2 une expérience cinématique à part entière – et, encore une fois, concrétise pleinement les ambitions hybrides ciné/jeu vidéo de Sony. Sans oublier la pure satisfaction que procure la dynamique incroyable de la bande-son, laquelle implique presque physiquement le joueur au sein de l’univers virtuel lorsqu’une explosion ou un glissement de terrain fait littéralement trembler son salon. Il est vrai que c’est parfois un peu sur-joué, mais le résultat reste cohérent vu le sujet : les créateurs ne visent pas la sélection cannoise mais les pulp fictions et le roman de gare. S’il faut reprocher quelque chose à Uncharted 2, c’est, comme tu l’as suggéré plus tôt, de se contenter une fois de plus (à l’instar d’une grande majorité de la production jeu vidéo blockbuster) des conventions archi-rabattues du cinéma de genre : science-fiction, fantasy, aventures, guerre, etc. Peut-être le médium n’est-il pas encore assez mûr, adolescent avide de bruit et de situations bigger than life afin de (se) prouver qu’il peut faire aussi extravagant que son modèle avoué ? Peut-être qu’une fois cette étape nécessaire franchie, une nouvelle production se dessinera, plus singulière et plus sophistiquée ? On ne peut que spéculer bien sûr mais si le ciné-jeu d’inspiration série B doit un jour tomber en désuétude, Uncharted 2 restera certainement comme l’un de ses représentants les plus mémorables.

Bliss : Et si nous donnions un exemple précis de scène réussie ? Car il faut bien l’avouer, si chaque petite portion interactive a rarement une grande originalité, l’enchaînement des instants de jeu capables de passer du plus petit événement au plus grand pour créer une longue et haletante séquence a quelque chose d’unique. Un peu forcé dans l’ensemble, je trouve, le chapitre d’infiltration dans un palais oriental a des faiblesses (les gardes ont une vision courte en cône à la MGS, les boitiers de déverrouillage des portes sont quasiment au-dessus des grilles… !) que l’on ne retrouve pas vraiment ailleurs. Une longue séquence sur le toit d’un train en marche notamment laisse des traces. A tel point que sa conclusion apparaît au début du jeu avant d’être rejouée plus tard dans son intégralité. J’y ai particulièrement apprécié le fait que le décor change pendant le long trajet pour vraiment conduire quelque part. On part de la jungle pour finir dans les montagnes enneigées avec une cohérence géographique faisant bien illusion. Surtout sans interruption. Et puis bien sûr, joué dans la profondeur de l’écran plutôt qu’en scrolling latéral, l’exercice classique de sauts de wagons en wagons renouvelle la chose tout en envoyant bien des clins d’œil. Notamment au cinéma, les westerns habituels mais aussi le long périple dans la neige de l’excellent Runaway Train de Konchalovsky (1985). Une bagarre aux coups de poing sur le toit d’un train en marche ça marche toujours. Surtout quand il faut baisser la tête ou se suspendre in extremis sur le côté des wagons pour éviter les obstacles. La séquence enchaîne toutes sortes de micros actions avec une approche physique presque toujours inédite et spectaculaire qui fait qu’on y croit à chaque instant. Y compris des passages et des échanges de coups de feu et de poings à l’intérieur des wagons, des tirs au sniper alors que le train s’engage sur un parcours sinueux rendant les cibles fuyantes… Très malin à plusieurs niveaux, le clou du show où Nathan, toujours entrainé par le train fou, doit éliminer un hélico qui le canarde à distance, apporte la preuve tangible que le paysage traversé depuis des kilomètres a une véritable existence spatiale et ne se réduit pas à un trompe l’oeil. Mine de rien, cela valide tout le trajet et ses péripéties.

Éric : Je garde particulièrement en mémoire (comme beaucoup de joueurs, probablement) l’attaque de l’hélicoptère durant l’exploration des immeubles du chapitre six, pour le spectaculaire bien sûr mais aussi parce qu’elle me semble illustrer à la perfection une partie de l’approche adoptée par Naughty Dog. On a déjà parlé de rythme pour qualifier Uncharted 2 et s’il est effectivement important de savoir l’établir, il est également crucial de savoir quand le brutaliser. Dès les premières minutes, l’imprévu est là : les tuyaux plient et se tordent, les lianes cassent, la pierre sur laquelle on avait prise s’effrite… Constamment, le jeu semble montrer la voie et présenter « la » solution avant d’atomiser celle-ci d’une manière ou d’autre, déjouant les attentes et forçant à repenser immédiatement sa stratégie. On pourra donc voir dans l’irruption de cet hélicoptère la manifestation presque littérale du designer sadique bombardant ses propres niveaux afin de saboter les projets du joueur. On pourra aussi y voir une séquence action à la construction exemplaire : un puzzle plateforme à priori simple voit son rythme inexorablement accélérer alors que les roquettes fusent et que les murs s’écroulent. Un crescendo destructeur qui atteindra son paroxysme avec l’effondrement d’un étage entier, tour de force technique présentant le challenge ultime : quelques secondes seulement pour prendre la bonne décision – ou mourir.

François Bliss de la Boissière et Éric Simonovici

 


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Rappel des faits : UNCHARTED DRAKE’S FORTUNE (les archives d’O.)

Il y a deux ans, le premier Uncharted faisait déjà l’événement. Et l’accueil, généralement bon, fut plus réservé que prévu. Deux manières d’approcher le jeu cohabitaient déjà. Y voir le premier jeu PlayStation 3 d’un brillant studio, ou une compilation aimable mais sans franche originalité de tout ce qui existe déjà dans le jeu vidéo ou au cinéma. Sur Overgame le même clivage eut lieu silencieusement entre l’avis réservé émis à la sortie du jeu et le best of par catégorie enthousiaste publié quelques semaines plus tard.

Uncharted : Drake's Fortune

Avant de se pencher sur Uncharted 2 et de creuser un peu le pourquoi d’un accueil cette fois unanime, voici ce que je disais sur Overgame à l’époque…

Uncharted Drake’s Fortune : L’avis enthousiaste décortiqué par le best of de fin d’année 2007…
5e place au palmarès 2007 (derrière Bioshock, Super Mario Galaxy, Half-Life 2 : Orange Box, Metroid Prime 3 : Corruption)…

Pourquoi en faire des tonnes (save the world ?) comme tout le monde et ne pas se concentrer sur une bonne petite histoire de série B à la Indiana Jones ? L’important étant moins les enjeux que la manière dont ils sont mis en scène. Et là, Naughty Dog réussit un superbe mixe action, aventure et histoire. Contrairement à quelques autres productions plus tapageuses mises dans le commerce sans être terminées, Uncharted est une production fignolée jusqu’au bout. D’une fluidité de tous les instants les cutscenes vives et plaisantes n’interrompent pas le gameplay qui lui-même enchaîne, sans rupture, exploration, acrobaties à la Lara Croft et gunfights cache-cache à la Gears of War. En passant, la qualité graphique, dont les incroyables textures haute résolution, prouve, après les premiers jeux PS3 graphiquement douteux (et les portages Xbox 360), que la PS3 est tout a fait capable d’en afficher et éloigne le spectre de la PlayStation 2 et sa célèbre mémoire de textures insuffisante.

Meilleures cutscenes
Si un jeu vidéo veut se la jouer cinéma avec saynètes non interactives, scènes d’action, petits sketches et scènes de dialogues, la grammaire du grand écran s’impose. Naughty Dog l’a bien compris et, non seulement les cutscenes sont brèves et intégrées sans accroc aux séquences interactives, mais elles sont montées (champ et contre-champ) et cadrées (valeurs des plans) avec beaucoup de savoir faire. À tel point qu’on oublie totalement d’essayer de les passer.

Meilleures pistes audio
Le bruissement de la jungle et des cours d’eau pourrait être plus dense encore pour s’aligner avec les visuels florissants. En l’état, ils participent tout de même parfaitement à la reconstitution du Panama de série B du jeu. Plus précisément, la gamme des sons liés aux armes à feu (tirs et recharges, le cliquetis quand Nathan ramasse des munitions au sol, bruit des holsters en cuir quand il change d’arme…) est une des plus contrôlées et sophistiquées jamais réalisées. Les bruits restent en mémoire comme ceux, hyper identifiables, de la série Half-Life…

Meilleurs scénarios et dialogues
Drake’s Fortune : Sans manière, vif, bien écrit dans le sens où ce que disent les personnages sonnent justes dans leurs bouches, correspond à leur attitude et aux situations avec un minimum d’intention. Pas de répliques aléatoires ici, chaque mot est écrit pour la scène. La VO sous-titrée française est officiellement accessible dans les options, un plus en plus.

Meilleurs bonus
Il faut jouer, tout de même, pour débloquer plusieurs généreux documentaires making-of et de splendides galeries de dessins, mais, comme ceux de Half-Life 2 : Orange Box, pas besoin d’acheter une version collector. Tout est en superbe HD et VO sous-titrées français et on découvre avec des split-screens comment ont été tournées les scènes de motion capture avec de vrais comédiens.

Meilleure nouvelle personnalité
Nathan Drake : Il a de subtiles expressions faciales comiques héritées de Jak (and Daxter) et son «Oh Boy !» (en VO) quand une grenade atterrit à proximité confirme un flegme et une cool attitude irrésistibles.

François Bliss de la Boissière

 


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WII SPORTS RESORT : Vacances forcées

Fun Wii Sports Resort comme veulent nous le faire croire l’ambiance estivale et les couleurs primaires ? A condition d’aimer les ordres, les conseils techniques et l’exercice physique en guise de jeu vidéo. Les temps de chargement sont peut-être absents sur la Wii mais les listings de directives qui s’y substituent rendent l’exercice pénible avant d’être éventuellement amusant. À vos ordres ? Prêt ? Jouez…

Wii Sports Resort

Avec la génération DS/Wii Nintendo a réussi une autre mutation dans les rouages de l’industrie du jeu vidéo. Le succès des ventes d’un jeu s’étale et se vérifie sur plusieurs mois, voire plusieurs années, au lieu de se concentrer comme auparavant, et comme sur les autres plateformes concurrentes, dans les premiers jours. Il n’y a aucune raison de supposer que les ventes de Wii Sports Resort sorti cet été ne suivent pas la même courbe progressive que ses prédécesseurs Wii Play ou Wi Fit, qui contre tous les pronostics, se retrouvent désormais en tête des ventes de jeu sur 10 ans avec respectivement 11,1 millions d’exemplaires pour l’un et 7,9 millions pour l’autre simplement aux États-Unis et devant les 8,25 millions de GTA : Sans Andreas de la PlayStation 2. Fort de ces chiffres et de cette évolution tout à fait souhaitable des ventes, Miyamoto a lui même confié récemment que Nintendo s’attend à ce que le prochain New Super Mario Bros. sur Wii continue de se vendre en 2010 jusqu’à atteindre les 10 millions d’exemplaires aux côtés de Wii Fit Plus et de Wii Sports Resort. Avantage pour la critique, il n’est plus jamais trop tard pour faire la critique d’un jeu Nintendo. CQFD.

Paradoxes

Ce serait évidemment faire preuve de mauvaise grâce que de critiquer Wii Sports Resort pour ce qu’il n’est pas. Pourtant au-delà du fun indéniable des 12 épreuves, dont seulement 9 inédites (le tennis de table existe sur Wii Play), il faut bien dénoncer quelques paradoxes. Le premier qui saute aux yeux et aux mains vient de la nouvelle extension Wii Motion Plus à ajouter à la Wiimote. Celle qui, justement, transforme en vedette le jeu et doit ouvrir la Wii, brusquement 1.5, à une nouvelle génération de jeux, plus précis, plus fidèles aux mouvements de la main. Passons sur le (re)sentiment qui laisse l’impression de s’être fait manipuler par les pseudos vertus de reconnaissance des mouvements de la Wiimote de base. Le directeur de Nintendo France Stephan Bole assume totalement l’upgrade technologique dans un secteur en constante mutation : « L’évolution de notre technologie de reconnaissance de mouvements n’était pas disponible il y a 3 ans lors du lancement de la Wii », affirme-t-il.

Upgrade/downgrade

De fait, l’amélioration s’apprécie difficilement. Chaque épreuve pose ses propres difficultés de manipulation et, en plein effort, il faut une capacité d’attention assez hors norme pour pouvoir dissocier les nuances de contrôles qui appartiendraient à l’adjuvant plutôt qu’à la Wiimote toute nue. C’est sans doute pourquoi Nintendo a eu l’idée maligne d’inclure le Bowling et le Golf du premier Wii Sports où la comparaison peut se faire sur des bases concrètes de manipulation. En effet, il devient possible d’y créer de nombreux effets gestuels impossibles auparavant. Mais qui dit effets, dit davantage de prises de risque du joueur et l’augmentation de précision demande une dextérité de jeu elle aussi supérieure. Bref, cela paraît moins simple et plus difficile.
Cette prise en mains plus ardue, quel que soit le jeu d’ailleurs, se vit de manière d’autant plus hard qu’elle nécessite un véritable investissement physique dans la foulée sportive du nouveau et systématique crédo fitness de Nintendo.

Fais pas ci, fais pas ça

Le suffixe Resorts n’est pas usurpé s’il s’agit d’y entendre un camp de vacances sportives. Un camp d’entrainement intensif plutôt qu’un séjour de loisirs parce que, des modes d’emploi des épreuves aux ajustements constants de réglages de la Wiimote équipée du Wii Motion Plus, il faut sans arrêt lire et faire ce que le jeu vous dit. Il rejoint d’une manière beaucoup plus flagrante que son prédécesseur les Cérébrales Académies et Wii Fit qui passent leur temps à donner des directives. Avec une suffisance pédagogique lourde et redondante même quand elle n’est pas écrite en toute lettre : « Faites ce que je vous dis et vous vous porterez mieux ». Que des jeux si directifs connaissent un tel succès public laisse songeur sur la manière dont le-dit public, le peuple, les gens, nos contemporains, envisagent vacances et loisirs. Jusqu’à nouvel ordre, les vacances se résument d’abord à un décrochage des carcans de la vie quotidienne, comme l’explique fort bien le spécialiste de l’histoire contemporaine Christophe Granger dans son livre Les corps d’été. Retomber dans un environnement surchargé de règles, de directives et d’impositions et de compétitions relèvent d’une autre aspiration, d’un autre besoin que celui, original, du petit goût de la liberté recouvrée.

Wii doute plus

L’intrusion permanente de conseils et, surtout, de conditions techniques à respecter pour que le Wii Motion Plus « fonctionne » (poser la Wiimote sur table face à plat, pointer vers l’écran pour valider ses coordonnées, les conseils réguliers de calibration « si la télécommande ne fonctionne pas correctement »…) transforment Wii Sports Resort avant tout en exercice de soumission, voire d’asservissement. Et laisse comprendre que les conditions de fonctionnement du Wii Motion Plus sont bien instables. Le jeu vidéo évidemment fonctionne depuis toujours à partir d’innombrables règles et conventions. Jusqu’à la Wii, Nintendo a toujours eu la grâce et la volonté de faire passer ses règles de jeu dans le flux du spectacle interactif proprement dit. L’apprentissage d’un Mario ou d’un Zelda ou même d’un Mario Kart, se fait en jouant, dans le geste du jeu (les Pilot Wings déroulaient certes pas mal de règles préambules). Depuis le succès de la série des Wario Ware et ses challenges éclairs liés à un ordre à saisir, Nintendo semble avoir réalisé que le public, notamment celui qui ne joue pas parce qu’il ne comprend ni les enjeux ni les manipulations, non seulement était prêt à tolérer des règles plus explicitement émises mais à les privilégier. Le retour bienvenue au B.A.-Ba du jeu vidéo entrepris depuis par la DS et la Wii pour rallier et éduquer une nouvelle génération de joueurs de tous horizons a muté, au fil des succès, en une succession de leçons de choses, tantôt généralement comportementales, tantôt simplement didactiques. Il y a peu, un jeu multipliant les conseils et règles en début de partie était voué à l’échec. Aujourd’hui, sur consoles NIntendo, en parallèle à la concrétisation sommaire de leurs manipulations à travers des accessoires explicites, les règles cachées du jeu vidéo ont fait surface là où les meilleurs jeux les dissimulaient et les distillaient dans le cours de l’action. Un académisme cérébral a remplacé l’intelligence de l’instinct du jeu.

Jouer à un jeu Nintendo implique désormais un retour à l’école permanente. Dans le cadre d’un jeu d’été, destiné à traverser les saisons, Wii Sports Resort fait plutôt office d’université d’été. Si distractions il y a derrière ses épreuves éminemment physiques (Canoë-kayak Wakeboard, Sabre et épuisant Motomarine en tête), qui ira les confondre avec des vacances, ou même des loisirs ?

François Bliss de la Boissière

 


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Jeux vidéo, le nouvel eldorado d’Hollywood

Une nouvelle vague importante d’adaptations cinématographiques de jeux vidéo se prépare dans les coulisses de la production cinéma américaine. Le nom de réalisateurs haut de gamme attachés à plusieurs projets laisse entendre que, sur le modèle des adaptations de comic books en films par des metteurs en scène prestigieux, Hollywood a compris que le talent peut payer. La réunion, jusque là douteuse, du jeu vidéo et du cinéma va peut-être enfin accoucher d’autres choses que de nanars.

blisshollywood

Malgré les alertes critiques, les adaptations médiocres de films en jeux vidéo se vendent par charrettes. Le récent million d’exemplaires écoulés du quelconque jeu vidéo Ghostbusters aux USA le rappelle. Trop rentable, cette exploitation lucrative vulgaire ne risque donc pas de ralentir. En revanche, les films tirés de jeux vidéo ne rapportent pas encore les dollars que la popularité du jeu vidéo laisse entrevoir. Même si certaines productions plus ou moins cheaps réussissent à faire des bénéfices. La série des Resident Evil va notamment se prolonger au-delà de la première trilogie. Au pire de cette exploitation de bas étage, les films sortent directement en vidéo comme les effroyables adaptations de Alone in The Dark ou Bloodrain de l’opportuniste réalisateur allemand Uwe Boll. Ou deviennent, avec un Jean-Claude Van Damme dans Street Fighter (1995) ou un Christophe Lamber dans Mortal Kombat (1995), des succès honteux de vidéoclub. Honorable mais vain et superficiel, le stylé Max Payne n’apporte rien de plus au cinéma en 2008 qu’en jeu vidéo en 2001. Un réalisateur de talent lancé avec conviction dans la grande aventure du cross over ne suffit pas non plus. Ainsi, oubliant complètement de donner une vraie épaisseur aux personnages, l’adaptation visuellement brillante du jeu d’horreur Silent Hill en film par le français Christophe Gans laisse encore un goût amer trois ans après sa sortie. Le problème est pourtant connu. Prétextes à enclencher les scènes d’action interactive, les scénarios de jeux vidéo sont aussi superficiels et maladroits que le pseudo jeu des comédiens venus débiter top chrono du texte au kilomètre derrière des créatures de synthèse plus raides que des figurants du 3e rang. Convertir les jeux en films oblige à un très sérieux travail d’adaptation. Trouver un nouveau rythme (2h un film, 10 à 40h un jeu vidéo !), combler les lacunes scénaristiques et dramaturgiques du jeu et créer un nouveau lien avec le spectateur susceptible de compenser la disparition de l’interactivité, ce lien physique inexplicable qui relie le jeu et le joueur. Un travail d’adaptation qu’Hollywood a historiquement l’habitude de mener à bien avec les livres et, plus récemment avec les comics books mais qui reste à faire avec les jeux vidéos.

Mariage attendu

Au fond, les jeux les plus respectueux et injectés de culture jeux vidéo restent des créations et non des adaptations. Le Tron séminal des années 80, le Matrix des années 90, le récent Speed Racer – malgré son échec commercial – suintent davantage le jeu vidéo que toutes les adaptations officielles. Quand ce ne sont pas les scènes d’action de blockbusters ou de films cultes qui tirent leurs cascades et effets au jeu vidéo : la scène d’ouverture yamakazi du remake de Casino Royale façon jeu de plate-forme, les enchainements de prouesses façon jeu de rôle des Seigneurs des Anneaux, ou la scène de bagarre filmée de profil façon beat’em all 2D du décalé Old Boy du coréen Chan-Wook Park. Sans même passer par l’action, l’eXistenZ de David Cronenberg, avait en 1999, lui, réussi à frôler intellectuellement ce petit quelque chose d’insaisissable au cœur de l’activité interactive.
Depuis le péché originel du bide colossal de l’adaptation incongrue de Super Mario Bros en 1992, cinéma et jeux vidéo se toisent comme chiens et chats pour accoucher de productions sans autre intérêt que facilement mercantiles. De plus en plus inévitable avec la fusion des technologies numériques 3D, le mariage des deux loisirs de masse semble pourtant prêt à accoucher d’un rejeton enfin honorable à l’aube des années 2010.

Geeks, nouvelle génération

La montée en force de la culture geek au box office, réaffirmée il y a peu par le nouveau long métrage Star Trek, vaut tous les arguments culturels auprès des studios de cinéma. Si le mixe gros budgets, effets numériques derniers cris et réalisateur de talent fan de la source peut générer un carton au box office avec des personnages aussi improbables et infantiles que les super-héros américains, (ces « fameux men in tights » : les Spider-Man de Sam Raimi, X-Men de Bryan Singer, Batman de Chris Nolan, Iron-Man de Jon Favreau, Watchmen de Zack Snider et sans doute bientôt les euro-Tintin de Steven Spielberg et Peter Jackson) après les univers de la Marvel et DC, le prochain eldorado pourrait, devrait, venir du vivier jeu vidéo. Le passage à l’acte s’apprête à se concrétiser avec la nouvelle génération qui arrive aux commandes du cinéma. Nourrie aux jeux vidéo, comme de bande dessinée, elle pourrait changer la donne. Avec elle, l’ambition d’un bon business plan se greffe d’un attachement sincère au jeu vidéo et d’une volonté de reconnaissance culturelle. Au dernier E3, un panel de discussion autour du jeu vidéo constitué d’agents, de scénaristes de comics, de producteurs de films, de développeurs de jeux et autres personnalités des industries de loisirs, tous passionnés de jeux vidéo. s’est formalisé en un groupe, House of Games, qui va faire du lobbying pédagogique entre les deux milieux.

Tous azimuts

Depuis quelques mois les projets de films adaptés de jeux vidéo se multiplient à une vitesse record. L’éditeur Electronic Arts, par exemple, déchainé, multiplie les projets d’adaptation de son catalogue de jeux vidéo. Douteux avec le para militaire Army of Two ; prometteur avec Avid Arad, producteur avisé des films Marvel, attaché à la conversion cinématographique du jeu de rôle cosmique Mass Effect (également attaché au Lost Planet de Capcom chez Warner) ; inimaginable avec Les Sims façon comédie ados des années 80 ; et culotté avec L’Enfer de Dante alors que le jeu vidéo n’est ni sorti ni garanti d’être un succès.
Et tant pis si les intentions ne se concrétiseront pas toutes. L’abandon en 2006 de l’adaptation du blockbuster Halo par Peter Jackson pour cause de budget accusé d’être trop ambitieux par les deux gros studios Fox et Universal engagés, rappelle que même le dollar maker Peter Jackson ne peut suffire à rassurer les studios de cinéma. Frilosité et scepticisme resteront de mise tant que la réussite d’un film tiré d’un jeu vidéo, sur le modèle du 1er film Spider-Man pour la bande dessinée, ne donnera pas aux studios les clés d’un minimum de succès. Alors seulement la ruée vers l’or et la course au jackpot sera lancée. Mais qui signera l’étalon hollywoodien ? Sam Raimi peut-il réussir avec un film sur Warcraft le hold-up de Peter Jackson avec le Seigneur des Anneaux ? Le jeune James Wan, réalisateur des sanglants Saw, saura-t-il élever les vampires manga de la série Castlevania de Konami en succès planétaire à la Twilight ? Roger Avary transformera-t-il Silent Hill 2 en référence de film d’horreur à la hauteur du jeu vidéo après avoir bouclé le tournage du malfamé Return of Castle Wolfenstein ? La version cinématographique de Uncharted : Drake’s Fortune deviendra-t-elle le nouvel Indiana Jones ? Le Prince of Persia actuellement en post production avec la jeune star Jake Gyllenhaal dans le rôle titre, le créateur du jeu au scénario, et le mogul Jerry Bruckheimer à la production, montrera-t-il dès 2010 un exemple réussi en visant un succès à la Pirate des Caraïbes ?

Impatiences et contournements

Malins, en attendant qu’Hollywood se décide pour de bon, les éditeurs de jeux vidéo prennent l’initiative. Histoire de se donner le droit de faire flasher sur grand écran leurs séries phares, ils commencent par en faire des bandes dessinées, puis des films d’animations diffusés sur le web ou en DVD. Avant d’être un projet de film éventuellement réalisé par l’efficace D.J. Caruso (Salton Sea, Paranoiak), le jeu de SF horrifique Dead Space d’Electronic Arts a été précédé par un long métrage d’animation en 2008 (Dead Space : Downfall). Annoncées au récent Comic-Con de San Diego, sept mini séries animées du Halo de Microsoft seront conçues par cinq studios d’animation japonais, sans doute sur le modèle des Animatrix. Après avoir créé un studio de films d’animation en image de synthèse en 2007 à Montréal d’où sortent les courts métrages et bandes-annonces associés à ses jeux, Ubisoft vient de fonder un pôle édition de bandes dessinées et publiera dès novembre une BD de son jeu à succès Assassin’s Creed avant de prolonger l’univers en trois courts métrages mi live-action mi synthèse juste avant la sortie du jeu vidéo Assassin’s Creed 2.
À l’horizon déclaré ou non, multi preuves de la viabilité de la source à l’appui, les éditeurs de jeu vidéo visent le grand écran. Quitte à forcer la marche et la main d’Hollywood. Sur la crête de cette nouvelle vague inévitable, un seul résistant surfe sur l’orgueil : le studio Rockstar qui, à moins de garder 100 % du contrôle créatif, ne veut pas prendre le risque d’écorcher l’image de sa série mine d’or, déjà éminemment cinématographique, Grand Theft Auto.

François Bliss de la Boissière

(publié sur Electron Libre le 29 juillet 2009)

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Xbox 360 : (r)évolution d’intérieur

Sony le clame depuis les débuts de la PS3, cette génération de consoles de salon doit attendre 10 ans avant de se renouveler. Une aubaine pour le concurrent Microsoft, roi du logiciel, qui prend chaque année de l’avance en faisant évoluer plus vite et plus énergiquement sa console Xbox 360 de l’intérieur.

XboxON

L’ADN de Microsoft a toujours été le développement de logiciels. Pour entrer sur le marché du jeu vidéo et défier l’hégémonie de la PlayStation de Sony dans les années 2000, le géant américain a dû se forcer et brûler des milliards de dollars en fabriquant la première Xbox, qui a fait un flop, et la Xbox 360, cette fois en bonne place des consoles high-tech de salon. Depuis le lancement de la coûteuse PlayStation 3 fin 2006 (2007 en Europe) Sony répète inlassablement que le cycle de vie de sa machine multimédia, joueuse et ambassadrice du format Blu-ray, sera de 10 ans. Loin d’être sourd, Microsoft a bien entendu cet appel au calme hardware. La Xbox 360 ayant devancé la PS3 d’une bonne année, Microsoft ne s’alignera pas forcément sur le cycle de renouvellement souhaité par Sony. Mais en attendant ce rendez-vous imprécis aux alentours de 2013-2015 selon les analystes, plutôt que de changer le matériel, la firme de Redmond semble tout à fait heureuse de modifier régulièrement le logiciel de sa console. Au point que, du nouvel OS de la Xbox 360 fin 2008, aux nouveaux services mis en place au 2e semestre 2009, jusqu’au Project Natal annoncé pour 2010, la révolution/évolution de la console se fait bien de l’intérieur.

Multimédia sur ordonnances

La célèbre guerre des consoles qui voyait les générations de consoles Nintendo et Sega s’affronter dans les années 90, avant que Sony mette tout le monde d’accord dans les années 2000, est terminée. Puisqu’il est presque acquis que le renouvellement hardware dépassera le cycle des 5 ans auquel nous ont habitué les précédentes successions de consoles de salon, la concurrence se joue désormais sur le nombre et la qualité de services inclus dans les consoles. Chaines d’infos, météo, téléchargements de jeux ou de films, jeux connectés, navigation sur Internet… les consoles sont effectivement devenues les centres multimédia annoncés. Toutes ne délivrent pourtant pas la même qualité de services. Limitées, les offres en ligne de la low-tech Wii restent, par exemple, modestes. Indécise, la surpuissante PlayStation 3 nécessite de fréquentes mise à jour de son firmware pour des raisons toujours très minimes et invisibles aux profanes, pendant que la Xbox 360, nettement plus sûr d’elle, est restée beaucoup plus sobre sur la même période. Les services en ligne du Xbox Live font unanimement référence en terme de fiabilité (1 milliard de téléchargements de contenus revendiqués par Microsoft) et garde toujours une longueur d’avance sur Sony. La VOD existe sur Xbox 360 depuis 2007 en Europe, y compris pour des programmes en HD, alors que la PS3 attend toujours de lancer un service équivalent en Europe. Microsoft entretient sa pole position sur l’ensemble de l’offre Xbox 360, y compris avec ses tarifs agressifs (premier prix officiel à 199 €, moins que la Wii toujours à 249 €) pendant que la PS3 s’arc-boute sur son prix de vente élitiste (399 €). Une distance qui ne suffit pourtant pas à la société américaine qui a entrepris de passer nettement à la vitesse supérieure fin 2008 en exploitant tout son savoir faire en terme de logiciels.

Cheval de Troie

Microsoft a toujours eu pour ambition affichée d’occuper une place centrale sous la télévision. Un PC multimédia équipé de la suite de logiciels Windows Media Center s’avérant une affaire trop complexe et trop onéreuse, c’est par le biais d’une console de jeu dédiée que le géant américain eu l’idée d’un cheval de Troie à double tête. L’une pénétrant en douceur le foyer en s’appuyant sur le populaire jeu vidéo, l’autre chassant la concurrence de Sony et ses consoles ressemblant de plus en plus à des ordinateurs fonctionnant… sans aucun Windows. 30 millions de Xbox 360 vendues et Microsoft peut désormais dérouler son savoir faire logiciel et prendre une initiative inédite en renouvellant l’interface utilisateur d’une console.
Pour la première fois, le logiciel interne d’une console de jeu allait ainsi être totalement changée et ouvertement « vendue » comme une amélioration, voire un reboot de la console. Le nouveau firmware NXE (New Xbox Experience) installé gratuitement depuis novembre 2008 dans chaque console a véritablement changé la physionomie de la console. Ergonomie, organisation et look visuel donnent en effet l’impression d’avoir entre les mains une nouvelle machine. Les services restent sensiblement les mêmes, mais l’apparition d’avatars façon Mii de la Wii de Nintendo, personnalise l’interface, l’éloignant de la froideur d’un Windows ou même de la PS3. Depuis, Microsoft multiplie les initiatives.

La course aux services

Confortée par l’installation du nouveau firmware NXE, la Xbox 360 court en tête pour offrir une multitude de services. Au salon du jeu vidéo de Los Angeles au moins de juin (E3), la démonstration du système de reconnaissance des mouvements sans manette du Project Natal a pris la vedette sur toutes les autres de la concurrence. Un concept dont la commercialisation en compagnie d’un ensemble de capteurs en 2010 aura pour Microsoft l’importance marketing du lancement d’une nouvelle console, 5 ans exactement après les débuts de la Xbox 360. Juste avant l’E3 Microsoft annonçait l’extension sur Xbox 360 de la plate-forme de téléchargement/streaming de programmes TV/cinéma associés à son lecteur portable Zune. Un complément au Xbox Live qui sera aussi disponible en Europe à l’automne même si Zune, le iPod-like de Microsoft n’y est toujours pas en vente. Adaptée à la console, la webradio Last.fm laissera également la Xbox 360 streamer musiques et vidéos. Et il sera bientôt possible de partager une projection de films ou d’émissions TV avec ses contacts Xbox Live rejoints par ceux de Facebook.

Cinéma avant les autres

Alors que les services de VOD sont toujours attendus sur PS3 en Europe et que la Wii propose de la VOD timidement et seulement au Japon, Microsoft annonce un partenariat avec le groupe Canal+ en France qui va augmenter sensiblement ses offres de VOD. Et, pour une fois, des services personnalisés à la France. Le catalogue VOD de Canalplay, fera potentiellement grimper le nombre actuel de programmes disponibles de 300 à 6000 titres sur Xbox Live, dont 3000 films. Canal+ à la demande laissera la Xbox 360 exploiter les fonctions de catch up TV permettant de revoir des émissions déjà diffusées (Le Grand Journal, Le Zapping, etc). Foot+, enfin, donnera accès aux matchs de la Ligue des Champions avec possibilité de tchater en ligne pendant la retransmission. Chris Lewis, responsable européen de la marque Xbox en Grande-Bretagne où un accord similaire à été signé avec Sky TV, laisse entendre la possibilité de retransmissions exclusives (sports, émissions…) via la Xbox 360.

Course en tête

La concurrence peine à suivre. Question développement software et cumul de services, Microsoft court plutôt seul en tête. Malgré l’apparition sporadique de services sur PlayStation 3 et Wii, leurs évolutions sont plutôt attendues du côté hardware que software. Lancé fin 2008, le très médiatisé carrefour virtuel Home de la PS3 avec ses avatars réalistes n’a ainsi pas créé l’événement attendu. Pas plus que la mise à disposition gratuite récente sur PS3 des services anglais de diffusions de clips vidéo en streaming Vidzone. Le marché attend en priorité une baisse de prix de la console de Sony avec, peut-être à l’occasion, un relookage slim. Si possible d’ici la rentrée 2009. Déniée par Nintendo mais attendue par tous les acteurs, une Wii Plus aux capacités HD pourraient voir le jour fin 2010. D’ici là, les gadgets Wii Motion Plus et Wii Vitality Sensor occuperont les esprits et les mains sans que l’interface de la Wii ne bouscule les habitudes. Pendant ce temps là, Microsoft continue d’évoluer, organiquement, de l’intérieur. Avec des services au public, comme le jeu « 1 contre 100 » simulant sur Xbox Live un plateau télé où les avatars des joueurs répondent à des quizz. Et avec des services professionnels tel le récent partenariat avec le procédé de publicité Silverlight qui va permettre d’afficher dynamiquement, comme dans un navigateur web, de la publicité sur l’écran d’accueil de la Xbox 360.

François Bliss de la Boissière

(publié le 14 juillet 2009 sur Electron Libre)

 


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Atari perd de plus en plus la face

Chaque jour un peu plus dévitalisée, la société Atari, alias l’ancien éditeur français à succès Infogrames, vient de céder les droits de distribution en jeux vidéo de la lucrative série Dragon Ball Z, juste après Astérix et Ghostbusters. Soit 3 franchises marquantes tour à tour japonaise, française et américaine. En attendant une identité virtuelle en ligne encore inexistante, Atari n’a plus de visage identifiable.

Atari

Dragon Ball Z, le héros de manga créé en 1984 par l’illustrateur star japonais Akira Toriyama et décliné en innombrables animés cultes pour toute une génération, voire plusieurs, quitte Atari pour retourner dans le sérail original du catalogue Namco Bandai qui publiera et distribuera lui-même les jeux Dragon Ball jusqu’en 2015. Un transfert somme toute logique, nous précise un porte-parole de la société, puisqu’Atari a cédé ses droits de distribution européens en mars dernier à Namco Bandai via la filiale Distribution Partners. Un accord encore en cours de signature. Aux USA, un litige oppose encore Atari et FUNimation, le distributeur américain des animés Dragon Ball Z qui se plaint d’une rupture de contrat.

SOS Astérix

Alors que la licence Astérix était entre les mains d’Atari/Infogrames depuis le milieu des années 90 (seul le japonais Sega a publié quelques jeux Astérix à l’époque), l’éditeur français Ubisoft a annoncé, le 30 juin dernier, avoir acquis les droits interactifs du gaulois national auprès des éditions Albert René. Un jeu DS est déjà prévu pour octobre 2009. Atari ne conserve que la licence spécifique associant Astérix et les jeux Olympiques déjà exploités en 2007 et 2008.
Récemment dans le commerce au moment de saluer les 25 ans du film, le jeu SOS Fantômes se retrouve distribué en Europe par Sony plutôt qu’Atari comme annoncé en fanfare en novembre 2008 par la société qui publie néanmoins le titre en Amérique du Nord.

Jeu de stars

En phase de restructuration importante depuis sa quasi banqueroute et la fin de la gouvernance du médiatisé fondateur Bruno Bonnell démissionné par le conseil d’administration début 2007, la société Atari toujours en difficulté financière et identitaire cherche à muter en producteur et distributeur de jeux exclusivement online. Elle a racheté à cet effet en décembre 2008 le studio Cryptic spécialisé dans la conception de jeux en ligne massivement multi-joueurs et qui travaillerait sur 3 MMO dont un cherchant à concurrencer, comme tout le monde, World of Warcraft.
L’arrivée spectaculaire à sa tête début 2008 de Phil Harrison, responsable vedette de l’ensemble des studios Sony Computer, aux côtés du vétéran David Gardner ancien responsable du géant Electronic Arts, a donné un fort crédit à la mutation annoncée d’Atari. Personnalité créative et médiatique pendant 15 années chez Sony Computer, Phil Harrison a en effet accompagné le succès du lancement de la marque PlayStation puis de ses déclinaisons en ligne avec le PlayStation Store, le PlayStation Home et le SingStore associé aux jeux de karaoké Singstar. Une bulle d’air et d’espoir presque aussitôt explosée quand la cession des affaires européennes à Namco Bandai a conduit Phil Harrison à renoncer à un certain nombre de responsabilités en devenant simple Directeur « non exécutif ».

Atari remplace Infogrames

Le groupe Infogrames Entertainment comprend désormais la marque Atari et Cryptic Studios. En mai dernier, Infogrames annonçait se rebaptiser Atari pour une meilleure reconnaissance internationale au moment de déclarer une perte de 226,1 millions d’euros pour l’exercice 2008/2009. Un nouveau programme de réduction des coûts a alors été lancé. Désormais centralisée aux États-Unis l’ancienne société française ne devrait, par exemple, plus avoir de bureaux en Europe ni en Asie, et n’a pas participé au récent salon E3 de Los Angeles. La cession de la partie émergée de quelques unes de ses licences majeures semble faire également partie de ce plan d’économie.
Après avoir eu entre les mains des licences prestigieuses hollywoodiennes comme Matrix, ou populaires comme ceux du catalogue Hasbro (Monopoly, Cluedo, Scrabble, etc), Infogrames n’a jamais réussi à les faire fructifier de manière durable à la manière de son concurrent francophone Ubisoft plus habile à créer des jeux reconnus par la critique et le public. Le groupe Infogrames reste encore propriétaire de quelques franchises plus (Dungeons & Dragons) ou moins (Les Chroniques de Riddick avec Vin Diesel) célèbres, ainsi que des créations originales du jeu vidéo telle la série Alone in the Dark dont le dernier épisode perfectible a fait un flop, et des titres pionniers comme Pong ou Asteroids. De nouvelles annonces, pourraient surgir d’ici la publication des résultats financiers du 1er trimestre le 22 juillet prochain.

François Bliss de la Boissière

(publié sur Electron Libre le 4 juillet 2009)

 


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Little King’s Story : La Wii fait merveille

Même si une critique avisée ne manque pas de les pointer parmi l’ordinaire saignant du jeu vidéo, les jeux dégageant du merveilleux sont rares. En revanche, quand ils prennent cette direction et sont inspirés comme ce Little King’s Story sorti de nulle part, ils trouvent une grâce impossible à atteindre par d’autres médias.

Réelle ou fantasmée, l’aventure de ce petit garçon devenant roi pour s’entourer de sujets et éviter la solitude de sa chambre a bien sûr un petit côté Roi Arthur, Alice au Pays des Merveilles version jardin d’enfants, ou, si l’on veut prendre référence plus populaire récente, les livres et films Narnia. Mais quand le fidèle vieux chevalier « à la vache » (sa fière monture) évoque la nécessaire réunification du royaume, puis une fois faite, celle des royaumes adjacents, moins par esprit de conquête que pour rétablir un ordre et une paix juste, la gentille fable s’arme de politique.

Qu’y a-t-il de l’autre côté du miroir de la vie ordinaire ? L’année zéro, les balbutiements moyenâgeux d’une civilisation. Un petit château en bois et son village qui deviendront grands et en pierre. Des villageois dilettantes surnommés « adultes insouciants » qu’il faudra gentiment transformer en fermier, bucheron, charpentier, chasseur et bien sûr, soldat. L’apprenti Roi, aussi et surtout commandeur des armées, recrute un à un ses troupes pour ensuite conquérir des campagnes en friche traversées par des plantes sauvages, des navets agressifs, franchir des forêts de champignons, des champs de pastèques et de tournesols géants, installer habitations, fermes et commerces jusqu’à des vallées obscures…

Au fin fond de chaque recoin du royaume, un vilain rival et ses sbires qu’il faut vaincre avec ses petites escouades chacune spécialisée dans une procédure d’attaque ou de défense. Lorsque le roi sauve enfin de captivité la Princesse Abricot, celle-ci s’installe dans une demeure voisine et non dans le château lui-même. En fait de récompense au vainqueur, la princesse se révèle l’ambassadrice d’une lignée de princesses qu’il faudra également sauver ! Inutile de rêver au harem, le petit d’homme, ici, est au service de ces dames.

Le fondement du jeu, et surtout sa prise en main classique n’utilisant pas du tout les fonctions singulières des accessoires de la Wii, évoquera de nombreux jeux aux gamers avertis. à commencer par les fameux Pikmin de Nintendo auxquels Little King’s Story emprunte l’essentiel des contrôles et du principe. L’emballage graphique et sonore, pourtant, arrache le jeu à ses références pour l’entrainer sur un terrain artistique iconoclaste sans équivalent. L’animation crayonnée ou à la craie de l’introduction, puis des intermèdes, entrainée, comme le jeu lui-même, par de superbes morceaux de musique classique (de Ravel à Beethoven), provoque un délicieux choc culturel. Malgré les emprunts, Little King’s Story fait partie de ces jeux totalement uniques, entrainant le joueur dans un espace-temps reconfiguré à son échelle. Une pure et rare merveille interactive.

François Bliss de la Boissière (dévoué sujet)

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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InFamous : Décharges électriques

Pour s’intéresser à ce wannabe super-héros d’apparence trop ordinaire, il faut commencer par faire confiance à ses géniteurs. Alors seulement il devient possible de se laisser aller et peut-être même de se laisser électriser par l’ambition du projet.

Électrolyse

Comme beaucoup de grosses productions des dernières années, le jeu commence avec une citation prestigieuse cherchant à interpeller le participant et lui signifier qu’il devra sans doute, une fois en capacité, faire quelques choix moraux : « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir « (Abraham Lincoln). De même, presque tous les gros éditeurs de jeux vidéo sont capables de réaliser des productions bluffantes, mais si vous voulez être sûr de trouver un bon jeu, intéressez-vous d’abord au studio qui le développe.
Infamous par exemple, dont le titre court après la célébrité, ressemble trop à tous les Grand Theft Auto wannabe pour se distinguer au premier coup d’œil : héros solidement masculin vu de dos arpentant en grognant une grande ville américaine, avec ses habituels buildings en briques, ses avenues canyon, ses ponts gigantesques au-dessus d’un fleuve frontière… Cent fois vu, cent fois (mal) appréciés du gangster de rue (GTA), au justicier (Crackdown), au super héros vert, Hulk, ou rouge, Spider-Man. Pourquoi lancer un InFamous, lui, inconnu, pour sauter encore d’immeubles en immeubles, éliminer des vilains cagoulés et écouter un énième compère bavard et je sais tout ? Parce que le studio Sucker Punch dont le nom de baptême, déjà, annonce une volonté de surprendre, a déjà commis un vrai classique sur PlayStation 2 avec Sly Raccoon (3 épisodes). Et que jusqu’à preuve du contraire, il faut faire à priori confiance à une équipe ayant déjà réussi à façonner un jeu personnel et solide. C’est comme cela que la (bonne) culture jeu vidéo doit se construire et se perpétuer.

Ainsi, tel Sly Raccoon en son temps, InFamous ne cherche pas à réinventer la roue mais s’applique avec une obstination d’artisan à fignoler l’exercice du free roaming game (jeu d’action et d’exploration libre à travers un décor sans limite) et à lui donner une touche singulière. Bonne idée déjà, c’est en appuyant sur le bouton Start que le joueur innocent déclenche l’explosion dont va découler toute l’histoire d’une ville en décadence rendue à la sauvagerie. Le héros malgré lui découvre ensuite en situation et avec le joueur ses super pouvoirs électriques. Plutôt que d’utiliser des armes à feu, ses mains projettent des décharges électriques héritées d’un Electro de la Marvel et s’il peut tuer, il peut aussi soigner. L’aventure qui se construit sans surprise à coup de missions éparpillées dans la ville devient réellement tangible et plaisante parce que le héros, monte-en-l’air à la Assassin’s Creed, saute sans dommage du toit des immeubles, joue sans effort les funambules, bondit et se rattrape de justesse aux corniches. Souvent inutiles, pirouettes, acrobaties et audaces aériennes donnent du plaisir simple et direct comme un certain Mario. D’ailleurs, les atterrissages fracassants du héros électrique balayant tout sur son passage doivent pas mal aux coups de cul du célèbre plombier. Et le survol provisoire au dessus du vide rappelle aussi les aptitudes de Super Mario Sunshine. Sucker Punch cherche ainsi à réunir sur un même toit, et non sous, des plaisirs tactiles venant de plusieurs horizons et si le mixe manque encore d’un peu de punch, l’ensemble gagne largement à être (re)connu.

Infamous / Sony Computer / PlayStation 3

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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Apple, 33 ans pour réussir à jouer

Artistiquement, visuellement, ergonomiquement, humoristiquement, audacieusement, le Mac semble être né et conçu pour le jeu vidéo. Et pourtant, de promesses en attentes déçues, il aura fallu 33 ans et l’invention de l’iPhone pour que la pomme joue sérieusement…

Part I : La tentation du jeu

1955. Naissance du petit Steve Jobs à San Francisco le 24 février. Un 1er avril 21 ans plus tard, le jeune homme commencera à bouleverser la civilisation en fondant avec un compère une société informatique baptisée Apple. Avec un nom pareil, l’ordinateur se voulait déjà ludique.

1984 la 2e génération d’ordinateurs Apple se nomme Macintosh et présente pour la première fois une interface graphique et une souris pour la manipuler. Tout ça essentiellement pour travailler sans effort, pas pour s’amuser. Les artistes l’adoptent.

1993, sortie du jeu d’aventure graphique Myst sur Macintosh. Exploitant des images fixes photo réalistes pour immerger les visiteurs dans un autre monde surréaliste à la Jules Verne, le jeu aide à populariser le format CD-Rom dans les ordinateurs. Mais pour de nombreux gamers, Myst n’a jamais été un jeu.

Pendant son exil d’Apple, chassé par les actionnaires, Steve Jobs rachète le studio Pixar à George – La Guerre des étoiles qui ne voit pas venir celle-là – Lucas. Apple s’enlise dans le corporate pendant que Steve Jobs, toujours un coup créatif d’avance, s’amuse.

1996, sans Steve Jobs, Apple lance la console de jeux Pippin en partenariat avec la société japonaise Bandai. Un projet mort-né de console très informatique façon Xbox made in Mac avant l’heure qui se crash tragiquement faute de pertinence et de jeux disponibles.

Part II : Reset / retour à la case départ

 1998 de retour aux commandes d’Apple après s’être fait éjecté par les actionnaires, Steve Jobs fait appel à un designer de salle de bain pour relancer le look des ordinateurs Macintosh qui adoptent des formes et des couleurs acidulées. Les iMac aquarelles dédramatisent à nouveau l’informatique, séduisent les femmes et, toujours, les artistes. Malgré son design enfantin, l’iMac ne joue pas plus que ces prédécesseurs.

1999, la rockstar marketing Steve Jobs honore de sa présence l’Apple Expo de Paris pour présenter entres autres exclusivités un jeu développé uniquement pour Macintosh. L’équipe du studio Bungie le rejoint sur scène pour faire la démonstration du jeu… Halo ! Steve Jobs promet pour la énième fois que oui, les jeux arrivent en force sur Macintosh. On y croit. À tort.

Part III : L’approche latérale

2001, Apple détruit le Walkman avec un baladeur musical MP3 qui n’a l’air de rien. Quand l’iTunes Store devient opérationnel en ligne en 2003, l’iPod désintègre de facto le CD Audio et réinvente un business modèle avec la vente de musique dématérialisée. écouteurs blancs aux oreilles, le public suit pendant que l’industrie musicale crie au violeur. Ça danse mais joue de moins en moins.

2007 : L’iPhone et son petit frère l’iPod touch chauffent les oreilles des opérateurs de téléphonie mobile du monde entier et de Nintendo qui fait officiellement l’autruche. La DS fait semblant d’ignorer la menace que représentent les fonctions ludotactiles de l’iPhone/touch en adoptant un « i » à la DSi qui embarque, un appareil photo, voire deux.

2009 : L’Apple Store en ligne revendique 1 milliard d’applications vendues en neuf mois pour iPhone et iPod touch. 35 000 « applis » dont des milliers de jeux rarement intéressants développés avec 3 fois rien et vendus encore moins (de 1 à 5 euros) mais qui révèlent un inouï bouillonnement créatif. Au milieu de tout ce fatras, l’historique Myst devient lui aussi jouable sur l’iPhone/touch. Le Mac fête ses 25 ans sur le toit de la Grande Arche de la Défense *, et cette fois, la pomme croque vraiment du jeu.

* Exposition « Le Macintosh 25 ans déjà ! », Musée de l’informatique, Toit de la Grande Arche, Paris la Défense, tous les jours 10h-20h, jusqu’à décembre 2009, 01 49 07 27 27.

François Bliss de la Boissière (Chronotrigger)

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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Rhythm Paradise : Nintendo Power

Pour réussir un tel mixe d’épure, d’humour, d’ambiance mécanique rythmée à la Kraftwerk, et de challenge hardcore gamer, il faut un maître du jeu hors pairs. À ce petit jeu là, Nintendo reste el maestro.

Il y a quelque chose d’effrayant et de déconcertant à jouer un jeu signé Nintendo de nos jours. Contrairement à la concurrence sur consoles haut de gamme, le joueur Nintendo embarqué sur Wii ou comme ici sur DS, manipule des idées, des concepts plutôt que des millions de polygones. En abordant la catégorie devenue populaire des jeux musicaux rythmique avec Rhythm Paradise, Nintendo dégueule à la cantonade des dizaines d’idées là où la plupart des autres jeux se construisent sur une ou deux idées. Un intimidant tsunami d’imagination que tout adulte concerné abordera avec une stupeur 50 fois renouvelée. Ignorant la préciosité de cette source d’imagination, un enfant, évidemment, se contentera de comprendre instinctivement les mécanismes et s’y appliquera fidèlement, en tolérant comme un exercice commun de sa vie d’apprentissage l’indispensable répétition conduisant à la réussite.

Comme chaque nouveau jeu Nintendo, à commencer par l’irrévérencieuse série des WarioWare, Rhythm Paradise déconstruit 30 ans de syntaxe et de codes visuels du jeu vidéo pour s’employer aussitôt à les reconstruire avec la complicité du joueur. Double preuve de la double lecture, de la double résonnance et de la dualité permanente de Nintendo, le jeu se pratique en tenant verticalement les deux écrans de la DS devenu livre électronique. Alors que les propositions de jeux se dessinent sur l’écran de gauche, le stylet, lui, agit sur l’écran de droite toujours vide et vierge. Les actions simplistes, maintenir le stylet appuyé pour faire durer un chant de chorale, tapoter sur un rythme à 3 ou 4 temps, glissements vifs du stylet pour projeter un objet comme une raquette de ping-pong, se pratiquent donc en dehors du terrain de jeu. Les robots d’une chaine de montage qu’il faut remplir de carburant défilent à gauche, mais le stylet qui l’immobilise appuie sur l’écran vide à droite. Les 3 clappements de mains suivis d’un léger glissement vers le haut sur l’écran noir à droite doivent coordonner un petit singe avec une foule de petits singes applaudissant en rythme à gauche sous peine de regards accusateurs. L’intervention visuellement et spatialement décalée de la main du joueur à droite doit pourtant coïncider avec l’action présentée à gauche. Le son et en particulier le beat des musiques créent le lien immatériel qui doit inciter le joueur à coordonner son geste détaché avec l’image et passer de l’abstraction au concret.

La description est rude alors que, jeu en main, la façon de jouer se comprend très vite. Mais il ne faut pas s’y tromper, pour arriver à ce résultat étonnant, capable de faire appel à toute la mémoire sensorielle et culturel du gamer pour mieux le déstabiliser et le challenger, Rhythm Paradise est l’aboutissement d’une réflexion et d’une compréhension intime, intellectuelle et tactile, des fondements du jeu vidéo. Derrière le minimalisme des animations et des musiques et, logiquement, celui des gestes demandés au joueur, se cache un maître du jeu aux pieds duquel l’orgueilleux gagnant qui réussira à dompter les 50 épreuves devra humblement s’incliner.

François Bliss de la Boissière (Beat agent)

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #5)


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Confession of a (virtual) mass murderer

Préambule.

Alors que le débat sur l’exploitation de la violence (aux hommes, aux femmes ou aux minorités, le jeu vidéo ne fait pas dans le détail) se propage enfin dans le milieu après le catastrophique E3 2012 (voir fil Twitter @Bliss_voice), l’industrie du jeu vidéo va-t-elle enfin réussir son auto-critique ? En attendant ce processus de maturation souhaitable qui lui évitera peut-être de sombrer pour de bon dans un ghetto culturel, il appartient aux observateurs privilégiés, et aux joueurs eux-mêmes, de mettre inlassablement le débat sur la table. Depuis longtemps porte-parole d’un jeu vidéo pacifié et artistique, nous avions dès 2009 profité de l’espace de libre expression offert alors par le chic trimestriel de jeux vidéo et toutes ces choses, AMUSEMENT, pour encore une fois essayer de porter le fanion blanc jusqu’à la ligne de front. Et plutôt que de s’immoler bêtement en affichant une pseudo innocence, pourquoi ne pas tomber carrément le masque et plaider coupable ? Se reconnaitra qui voudra derrière cette confession…

Dans Blade Runner, Roy, le Replicant Nexus-6, le disait déjà et mieux que moi. « I’ve seen things you people wouldn’t believe. Attack ships on fire off the shoulder of Orion. I watched C-beams glitter in the darkness at Tan Hauser Gate. All those moments will be lost in time like tears in rain. Time to die. » Oui j’ai vu et fait des choses inimaginables pour un être humain…

Confession of a (virtual) mass murderer

« J’ai ça dans le sang. On ne m’a pas forcé, ni même appelé. Quand les premières vagues d’envahisseurs ont débarqué de l’espace dans les années 80 j’étais en première ligne. À partir de là j’ai compris où était mon destin et je me suis mobilisé tout seul. J’ai eu des creux, ou plus exactement il y a eu des accalmies, une pax americana provisoire imposée par une pax nintendona japonaise, mais dans l’ensemble on a eu toujours besoin de mes services. Et j’ai progressé à la vitesse de la technologie. Après les premiers plâtres essuyés par les bornes publiques, les premiers home computers, les machines de puissance 8, 16 et 32 bits, la guerre s’est vraiment déclarée quand la 3e dimension fut maîtrisée dans les années 90. L’appel aux armes n’était pas négociable. J’étais là pour ça, et – je m’en rendis compte alors – toutes les années précédentes se résumaient à une longue séance d’apprentissage. Le maniement des fusils d’assaut, à pompe ou à lunette n’ont plus de secret pour moi, pas plus que les grenades, les lance-flammes, les lance-roquettes, les mitrailleuses, les mortiers. Les AK-47, MP44, Mini-Uzi, M1014, Dragunov, et la conduite de tanks font partie de ma vie active comme les stylos, les parapluies, cartes bleue et les voitures occupent celle des gens ordinaires.

Terminé les esquisses, les calculs de loin, les simulacres robotiques. J’ai pénétré physiquement le champ de bataille, tête en avant, sans aucune hésitation ni remise en question. J’ai accepté toutes les missions, tous les fronts, dans les tranchées comme aux confins des frontières de l’univers connu. Je me suis familiarisé avec ces nouveaux espaces de combat en pénétrant le bunker d’Hitler ou j’appris à éliminer sans questionner les diables nazis de la mission Wolfenstein. Le massacre sans ciller des démons inhumains de la mission Doom confirmèrent la résistance de mes nerfs, mon indifférence naturelle à l’effusion de sang. Contre les démons ou les aliens, malgré le risque de contact avec l’ennemi, la tronçonneuse déchiqueteuse a même fini par devenir un instrument de choix. À l’adresse distante des coups de feu d’hier s’ajoutait tout à coup la brutalité de l’arme blanche ultime, celle qui permet de renifler son adversaire, de goûter son sang et sa sueur avant de vider ses tripes. Les récentes campagnes des Gears of War où je me suis particulièrement distingué ont mis en lumière ces années de pratique. La guerre est sale, elle tache, ça me convient, je n’ai jamais vraiment cru au pacte de civilisation. Une paix mascarade pour mieux justifier telle ou telle guerre, étouffer nos nécessaires pulsions primitives. J’ai remis les compteurs à l’heure. Je vis sans masque. Je traverse au grand jour les guerres qui se trament dans les coulisses. J’en ai le tempérament et on m’a donné les outils pour le vivre, pourquoi les refuser ? Les premières campagnes guerrières sérieuses utilisaient un langage policé qui masquait les enjeux. Dans les Quake et autres Unreal, une mort valait un frag, un acronyme obscur évoquant les grenades à fragmentation de la guerre du Vietnam. Depuis les affrontements terroristes/antiterroristes de Counter Strike, notamment, les précautions de langage n’ont plus court. Un mort est un mort, un kill est un kill.

Désormais on me remet des médailles. Tous les jours. Selon les contrées et les conflits ils appellent ça des « succès », des « trophées ». Plus personne n’ignore ma field reputation. Je suis respecté d’un bout à l’autre de la planète. Je laisse la liste de mes exploits toujours visible en ligne. Les batailles devenant de plus en plus publiques, le style compte autant que la quantité. Je reçois des médailles quand je réussis, comme il y a peu en Afrique dans Resident Evil 5, à tuer 20 victimes expiatoires d’une balle dans la tête, ou à en abattre 30 d’une traite à la mitrailleuse. Les 75 Helghasts tués au couteau et les 30 éliminés avec un tank m’ont valu les honneurs de Killzone 2. Dans l’hystérie de la mission Call of Duty 4 Modern Warfare j’avais réussi à obtenir des récompenses pour les 4 soldats tués d’un seul coup de feu et pour les blessés achevés au couteau alors qu’ils rampaient. Dans la dernière campagne COD nommée World at War, j’ai été salué pour avoir réussi les objectifs assez précis comme de tuer 8 soldats japonais au mortier, ou en abattre un seul immobile caché dans les herbes. Dans Fear 2 ce sont les 10 ennemis rôtis au canon à Napalm et les 10 autres épinglés au mur avec une masse qui m’ont valu reconnaissance. Dans la mission collective Left for Dead j’ai réussi plusieurs objectifs notables avant mes coéquipiers : faire sauter d’une seule explosion de grenade 20 créatures infectées, enflammer 101 de ces mêmes zombies, et en réduire en bouillie 1000 d’entre eux avec une mitrailleuse montée sur pied. J’ai été félicité jusque dans mes missions dans l’espace grâce au démembrement au cutter-laser de 1000 des créatures mutantes de Dead Space. Plus ambigüe, la mission GTA IV m’a posé davantage de problèmes. Mis à part les assassinats commandités et la mauvaise plaisanterie des 200 pigeons à tirer comme des lapins, aucune victime volontaire ou collatérale ne m’a valu une récompense. Il est vrai que la guerre des gangs a lieu en terrain civil. Je me suis adapté.
Mes dernières fiertés ? Les médailles reçues pour les 1 500 soldats Helghasts éradiqués dans Killzone 2, les 53 595 zombies tués exactement de Left for Dead, les 100 000 Locustes abattus de Gears of War 2 et les 10 000 personnes éliminées dans Chroniques of Riddick.

Le cimetière de mes plus ou moins honorables victimes n’existe pas physiquement, sinon on l’appellerait sans doute un charnier. Mais, je le revendique, un charnier cosmopolite. Car je n’ai fait aucune différence, aucune ségrégation. Les Helghasts abattus pendant leur guerre civile rejoignent sans grincher les africains enragés de Resident Evil 5. Les corps des mafieux et les victimes civiles de Grand Theft Auto IV s’enchevêtrent avec les cadavres mutilés des restes d’humanoïdes de Dead Space. Les guerriers Locustes du futur éliminés à la tronçonneuse ou à l’arme chimique s’entassent sans distinction avec les soldats allemands ou japonais d’une guerre du passé.

On me demande parfois si les râles de mes victimes ne hantent pas mes nuits, si je ne suis pas mort à l’intérieur. Je ne crois pas. Le sang bat dans mes veines. J’ai toujours une pulsion de vie. J’aime ma femme. Mes enfants commencent à être en mesure de participer à des campagnes en ligne. Ils profitent de mon expérience et ils apprennent à tirer avec de nouvelles interfaces qui permettent de viser directement dans le prolongement du bras. Au « Tu ne tueras point » que l’on me brandit parfois je réponds en toute lucidité : commandement tenu. Une mission est une mission. Un ordre, un ordre. Guerrier, soldat, mercenaire, assassin, justicier, psychopathe… Jouer à tuer n’est pas tuer. Je ne regrette rien. »

Note : Tous les chiffres et récompenses évoqués sont réels. Selon un ordre gradué d’importance, les récompensent baptisées Succès sur Xbox 360 et Trophées sur PS3 se greffent au profil du joueur ensuite visible par tous.

François Bliss de la Boissière (killing machine)

(Article paru en 2009 dans le trimestriel AMUSEMENT n°5.)

 


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Éphéméride 2009 : JE JOUE DONC JE VEUX…

Le jeu vidéo est une activité éminemment passionnelle qui ne se contente pas de jouir du moment. Bien avant la sortie d’un jeu, les promesses latentes de plaisirs provoquent de violents désirs, des impatiences, et des espérances qui varient selon la culture et l’âge de chacun. Alors avant que le calendrier des sorties 2009 soit totalement gelé, si nous, joueur trop passionné, un peu barré mais sincère, avions le droit de voter sur tel ou tel jeu avant sa sortie, voilà ce que nous souhaiterions…

Bouge de là

Après Mario Tennis, les Pikmin et les Metroid Prime de la GameCube reviennent remixés sur Wii pour être jouables avec la fameuse Wiimote sous le label « Nouvelle façon de jouer ». Alors on a envie de voir arriver vite les petits ou grands chefs-d’œuvre top vite oubliés comme Luigi’s Mansion, Zelda The Wind Waker et, surtout, le Mario Sunshine équipé de son pistolet à eau qui pourrait profiter de ce remixe, rêvons, pour raser sa moustache Village People si années 80. Une façon aussi de rajeunir ?

Citoyens du monde ?

Pourvu que le milieu du jeu vidéo entame lui-même un débat autocritique avant que les médias et observateurs étrangers au jeu vidéo pointent légitimement leurs doigts accusateurs sur la trop insouciante violence ciblée de Resident Evil 5. Parce qu’intellectuellement et même viscéralement, massacrer de pauvres villageois africains rendus fous par un virus comme le propose cet épisode 5 de plus en plus action est encore moins une bonne idée aujourd’hui qu’hier.

Colère blanche

Avec MadWorld, les créateurs transfuges énervés de Okami et God Hand nous jettent sans ménagement à la figure un noir et blanc hyper graphique zébré de rouges sang. On veut croire que, sur l’innocente et gentille Wii, tout cela est teinté d’humour, sinon il va être temps pour Nintendo de sortir une Wii de couleur noire, ou rouge.

Bourgeonnement

Avec 4 nouveaux jeux Spore à venir sur consoles ou PC, dont Aventures Galactiques, la première extension sur PC, les monstres moléculaires amphigouriques de Spore sont bien partis, comme les cousins Sims, pour nous envahir plusieurs années. Espérons que l’espace (le cosmos !) soit assez grand pour empêcher la bousculade.

On the road again

Nintendo envisage, sans promettre, de sortir au « printemps » la DSi en France, le nouveau modèle de sa populaire console DS incluant un appareil photo de 3 mega pixels et des écrans légèrement plus grands. Vu les problèmes récurrent d’approvisionnement de ses consoles victimes de leurs succès, il va falloir que Nintendo assure vite et bien pour que l’on puisse prendre la route des vacances bien équipé.

Tout pour la musique

Les gains de la licence Guitar Hero se comptent désormais en milliards de $ selon son éditeur. Au moment où sort une version dédiée à Metallica, il serait temps que baisse le prix de vente des chansons au détail ou par « pack ». Parce que plus chers que sur l’iTunes Music Store, parfois hérétiquement réinterprétés par des artistes inconnus, les morceaux d’histoire du rock’n roll coutent aussi plus cher que les originaux sur CD Audio ! Le récent pack gratuit de 2 chansons du Boss (Bruce Springsteen) est un exemple à suivre… Et si on pouvait écouter un extrait avant l’achat aussi…

Été brûlant

On adore la Xbox 360 mais avec ses bruyants et parfois rédhibitoires problèmes de chaufferie mieux vaut la laisser se reposer en été. Du coup, il serait judicieux que Sony se décide enfin à baisser le prix de sa PlayStation 3 avant les chaleurs, parce qu’elle y résiste bien mieux et sans trop de bruit. Clients potentiels l’attendent, les analystes le prédisent, la Xbox 360 à petit prix en profite, le format Blu-ray n’attend que ça pour décoller, alors monsieur Sony, après avoir oublié Noël, SVP…

Femmes au bord de la…

Talons aiguilles mortels, sexualité en bandoulière comme une arme de séduction massive, cheveux longs relevés faussement décontractés et petites lunettes carrées de sage secrétaire cachant à peine une voracité de mante religieuse, l’héroïne de Bayonetta – un Devil May Cry féminin – fait diablement penser à Sarah Palin, la controversée colistière du candidat républicain aux élections présidentielles américaine ! Accident volontaire, clin d’œil malicieux ? On prend les paris ?

Japon à la dérive

Les si créatifs développeurs japonais ont bien du mal à trouver une modernité artistique et technique depuis les « nouvelles » consoles. Tout en croisant les doigts pour que le déjà mythique Final Fantasy XIII sorte en occident avant la fin de l’année comme au Japon, on s’inquiète de voir autant de gunfights dans la bande-annonce. Est-ce bien nécessaire ? Le public américain trop ouvertement visé est peut-être passé à autre chose depuis l’élection de Barack Obama.

Les faux mystères de l’année…

Les éditeurs de jeux vidéo adorent jouer à cache-cache avec leurs futurs clients. Plutôt que de nous faire languir indéfiniment et puisque, plus que jamais en temps de crise, il faut préparer son budget, ce serait bien qu’on nous dise une bonne fois pour toute si oui, ou non, Gran Turismo 5 – full game cette fois -, Bioshock 2, Assassin’s Creed 2, God of War III, Heavy Rain, Starcraft II, ou même Diablo III ou Alan Wake sortiront cette année calendaire.

Joker du futur

L’adaptation interactive d’Avatar, le très attendu film monstre digital de James – Titanic – Cameron doit partager des ressources techniques avec le film qui sort fin 2009. Fer de lance des technologies de tournage et de projection en relief qui va chercher à se populariser au cinéma et dans les foyers entre 2009 et 2010, le jeu comme le film devrait être en relief 3D. Mais après l’énorme échec de la fusion artistico-technique film et jeu vidéo promise et ratée par Matrix, il va falloir autre chose que des intentions et des moyens techniques pour qu’on se laisse attraper. Mais avec Cameron tout semble possible…

Utopiste… François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans Amusement #4)

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Pikmin : Prends Moii !

« Pick me ! », cueillez-moi, hurlent silencieusement les craquants radis Pikmin plantés dans le jardin du bien aimé Shigeru Miyamoto…

Sous ses allures de jeu enfantin trop mignon pour être sérieux, Pikmin abrite en réalité une réinvention hyper maligne sur console des sophistiqués principes de gameplay des jeux de stratégie temps réel (RTS) répandus sur PC. C’est en s’intéressant à son jardin que le célèbre papa de Mario et Zelda, Shigeru Miyamoto, dit avoir imaginé les aventures du mini Capitaine Olimar.

Crashé sur Terre par accident, le petit astronaute, haut de 4 cm seulement, essaie de rassembler les pièces éparpillées de sa fusée en se faisant aider par les Pikmin, d’adorables et vulnérables créatures bourgeons transformées en petite armée de manutentionnaires, ouvriers qualifiés ou fantassins. Susceptibles de contrôler jusqu’à une centaine de Pikmin, obligé d’accomplir ses missions avant la tombée mortelle de la nuit, Olimar doit coordonner des petits groupes de travaux qui iront collecter des fleurs pour cultiver de nouveaux Pikmin, abattre des murs de pierre, construire des passerelles et affronter les insectes géants qui habitent les jardins devenus jungle à leur échelle.

Sous le label « Nouvelle façon de jouer ! », cette réédition sur Wii d’une merveille sortie en 2001 inaugure une série de jeux GameCube retravaillés pour être jouable à la Wiimote. Avec la télécommande pointant et sélectionnant les Pikmin à l’écran le joueur gagne effectivement une nouvelle liberté de contrôle et, même si le jeu reste identique à l’original, la prise en main améliorée est bien le meilleur prétexte pour succomber à nouveau au charme sensoriel total des Pikmin.

Nouvelle façon de Jouer ! Pikmin / Nintendo / Disponible sur Wii

Jardinier… François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans Amusement #4)

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Noby Noby Boy : UN VER DE TERRE À LA LUNE

Comment un artiste du jeu vidéo japonais s’amuse avec les codes interactifs pour tester les limites du médium et les joueurs eux-mêmes…

« Depuis le commencement je suis incapable de décrire le jeu, certains diront que ce n’en n’est pas un, mais qu’est-ce qu’un jeu ? Un jeu doit-il répondre à une définition ? » Ainsi s’amuse à se perdre et à nous égarer l’auteur japonais Keita Takahashi devenu culte avec sa précédente expérience interactive Katamari Damacy. Car en effet, les quelques mécaniques de ce Noby Noby Boy ne disent pas grand-chose sur sa raison d’être.
Dans Katamari Damacy il s’agissait de diriger à deux mains une petite boule qui grandissait jusqu’à atteindre des tailles planétaires en absorbant tous les objets sur son chemin. Après plusieurs manipulations hasardeuses, Noby Noby Boy s’avère finalement assez proche de son grand frère. À la boule se substitue une espèce de ver de terre arc-en-ciel dont chaque extrémité se contrôle indépendamment par les 2 sticks analogiques de la manette. Jeté sur des échantillons carrés de mondes minimalistes suspendus dans le vide, le ver devenu serpent glouton peut manger tout ce qu’il croise du décor ou des habitants. En tirant dans une direction opposée sa tête et son postérieur, le ver s’allonge. Encouragé par la musique de fanfare insaisissable et les couleurs primaires de jardin d’enfant, le manipulateur, plutôt que le « joueur », s’amuse à découvrir les tribulations physiques rigolotes et burlesques des objets entre eux. Curiosité piquée, après consultation nécessaire du mode d’emploi, Noby Noby Boy révèle une logique interne loin du concept sans queue ni tête. Le ver du nom de Boy doit grandir le plus possible, jusqu’à se rompre ou atteindre des centaines de mètres et pendre absurdement dans le vide accroché in extremis au petit carré de verdure perdu dans l’espace. En enregistrant ses différentes longueurs, le joueur participe à l’agrandissement d’un autre ver, nommée Girl, suspendu dans l’espace. Sur son dos, l’avatar de milliers d’autres joueurs affichent leur contribution à l’agrandissement de Girl qui doit s’étirer de la Terre à la Lune et peut-être plus loin encore pour ouvrir de nouveaux niveaux à chaque joueur. Alors que la mode est aux jeux coopératifs, voilà un vertigineux travail collectif de grid gaming renvoyant un candide écho au grid computing. Il est d’ailleurs possible d’enregistrer en vidéo ses joyeuses errances interactives pour les poster directement sur YouTube.
Takahashi travaille visiblement la matière interactive comme d’autres l’argile. Il malaxe, triture, déforme, observe le résultat, s’en étonne, abandonne ou continue jusqu’à ce qu’une certaine forme d’interactivité s’impose et s’installe. Le processus intellectuel intervient peu ou alors, à un niveau supérieur qui ne touchera pas le commun des mortels. La démarche se veut humblement artistique et, à l’image de ce ver de terre élastique sans cesse au bord de la rupture, teste les fondements du jeu vidéo pour mieux s’en amuser et renvoyer à sa condition. Comme le veut malicieusement l’auteur, le jeu c’est aussi pour chacun d’essayer de définir ce qu’il a entre les mains. À 4 euros seulement, la question surréaliste ne se refuse pas.

Noby Noby Boy / Namco Bandai / PlayStation 3

Élastique… François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans Amusement #4)

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Screenanalysis : Resident Evil 5 / Uncharted 2

PROTECTIONS…
Dès Space Invaders le joueur a appris comment utiliser un obstacle pour se protéger de l’invasion ennemie tout en l’attaquant. Depuis, bouclier humain, utilisation des ressources du terrain, défense et protection occupent tout un pan de l’art de jouer…

Resident Evil 5

Pour comprendre totalement les enjeux de l’image arrêtée en pleine action, il faut se reporter aux indicateurs à l’écran. Les deux jauges circulaires annoncent que deux héros partagent l’aventure simultanément dans l’écran. Comme le joueur ne peut que contrôler un seul personnage à la fois, l’indicateur le plus grand signale quel personnage est sous contrôle (1). Les prénoms associés à chaque jauge révèlent la présence d’une femme nommée Sheva aux côtés du héros masculin dont le prénom, Chris (Redfield), est déjà connu dans la série. Le tatouage exotique sur l’épaule de la jeune femme (2) précise d’ailleurs qu’elle n’appartient pas au même groupe de combat que Chris. Filiation avec les épisodes précédents et nouveauté (in) attendue sont ainsi respectées. Le corps à corps montre un Chris en mauvaise posture (3) ce que souligne sa jauge de santé où son état, « cover » (4), prouve qu’il est sur la défensive. Ses munitions tombées à zéro, comme le pointe le zéro en rouge (5), expliquent le recours au corps à corps contre un adversaire désarmé dont l’absence de précaution face à deux adversaires suréquipés et le regard blanc laiteux révèlent la folie meurtrière suicidaire (6). Malgré un stock de munitions disponible (7), Sheva s’apprête à intervenir à mains nues affirmant son statut d’acteur musclé à part entière de l’action (8). Un peu ridicules dans le contexte, les bras nus des deux héros attestent, en creux, que leur coéquipier et non un gilet pare-balles est leur meilleure protection.

Uncharted 2 : Amont Thieves

L’absence de toute information à l’écran laisse à la mise en scène et à l’imagination le soin de compléter et de mesurer les enjeux. Le trottoir et les herbes folles particulièrement mis en avant par la lumière du soleil (1) soulignent l’importance du décor, non seulement en tant que décoration mais comme fournisseur d’informations. Ainsi, ce coin d’image sur éclairé volant la vedette à l’action en cours, elle, légèrement brumeuse, stigmatise l’état d’une ville en ruines et livrée à la nature. Ce que corroborent à l’arrière plan un pan de mur effondré (2) et la carcasse d’un modèle de voiture vieux de plusieurs décennies (3). Le jean et le tee-shirt aux manches longues retroussées (4) suggèrent un héros décontracté, peut-être cool, en tous cas pas équipé pour faire la guérilla urbaine que semble mettre en scène cette image. Le holster porté par-dessus les vêtements (5) indique plutôt une posture prête à tout d’aventurier que celle d’un (para) militaire qui n’accepterait évidemment pas que son équipement pende nonchalamment à la hanche (6). Sa tenue, sa vue de dos et sa position vulnérable face à deux adversaires en uniformes, eux (7), d’appartenance militaire, confirme d’ailleurs qu’il s’agit bien du personnage joué par le gamer. Un héros solitaire, donc, assez vulnérable sans muscle apparent, mais dont l’utilisation d’un bouclier du GIGN local (8) révèle son côté débrouillard, sa capacité à utiliser les ressources du terrain. Sa présence d’esprit est sa meilleure protection.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans Amusement #4)

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ZELDA : MAJORA’S MASK WII/VC : L’éternel retour

Sans tambour ni trompette, la suite affolante de complexité conceptuelle de Ocarina of Time a été mise à disposition en téléchargement sur la Wii. Un jeu monstre qui s’est, littéralement, effondré sur lui-même. Depuis, les Zelda sont revenus à des choses plus simples…

Neuf ans presque jour pour jour (avril 2000-2009), Nintendo rend discrètement disponible en téléchargement sur les Wii japonaises et européennes (1000 points/10 €) la suite du révéré Ocarina of Time. Un évènement tamisé, bien trop discret, pas 100% satisfaisant à cause d’une émulation petits bras mais une expérience interactive audacieuse, jamais égalée et toujours aussi fascinante à pratiquer. Ne serait-ce que pour essayer de saisir la richesse de l’ensemble. Comme le demande joliment sur son blog Margaret Robertson, une des rares critiques féminines du jeu vidéo : « Majora’s Mask était-il bon ? Non, répond-elle avec la réponse déjà en tête, ce n’était pas bon. C’EST bon« . Pour continuer d’affirmer : « Plus que bon. C’est un modèle de brillance, un objet d’étude sur la manière dont un game design innovant et une narration non linéaire peuvent se rejoindre pour créer le Graal d’une interactivité avec une résonnance émotionnelle. » « Le jeu n’a pas expiré, précise-t-elle à notre place, il n’est pas rassis ou pourri. Comme d’autres chefs d’œuvre, il vous attend (…)« .

Un chef d’œuvre, certes, mais un des plus difficiles d’accès. Conceptuellement et en terme de réalisation et d’intégration de toutes ses idées, Majora’s Mask reste une des propositions de jeux les plus complexes jamais créées, par Nintendo comme par n’importe quel autre studio. Ne serait-ce qu’avec son contraignant système de sauvegarde à 2 niveaux, temporaire, ou brisant la chronologie de l’aventure, qui demande une vraie maitrise. C’est aussi, pour cette raison et quelques autres, un des jeux les plus techniquement faillibles de Nintendo. Destiné d’abord au 64 Disk Drive, le fameux add-on de la Nintendo 64 sorti uniquement au Japon, Majora’s Mask est finalement sorti sur Nintendo 64 en compagnie de l’Expansion Pak, un étrange gadget compromis rajoutant de la mémoire à la console. Jamais totalement concluant, l’add-on provoqua des ralentissements assez notables de l’affichage dans tous les jeux qui l’utilisèrent. À commencer, donc, par la cartouche Majora’s Mask, dont l’add-on (obligatoire) ajoutant de la puissance à la console N64 avait le culot de créer dans le réel un écho au concept des surcouches du jeu, des masques greffant des pouvoirs au héros les portant.

Bienvenue, cette émulation Console Virtuelle de la Wii se rend ainsi plus accessible que la version incluse dans le rare disque Collector’s Edition de 2003 regroupant 4 aventures Zelda (à dénicher à l’époque en France dans une édition limitée de Mario Kart Double Dash ! cherchant effectivement à surligner son titre double). Surtout qu’elle ne souffre pas de manière aussi flagrante des problèmes de son de la version émulée sur GameCube. Scrupuleusement annoncés par l’éditeur pour éviter tout malentendu sur le fonctionnement de la GameCube, les bugs sonores à chaque appel de menu ou franchissement de porte donnaient et donnent encore l’impression d’un jeu mal fini. Une impression validée par les ralentissements de l’affichage au milieu de décors trop copieux. La version Wii/VC se porte mieux mais, hélas pour les puristes, comme tous les jeux N64 émulés sur Wii (Mario Kart, Ocarina of Time), Majora’s Mask renoue avec les mauvaises conditions des jeux PAL d’alors en tournant en 50Hz au lieu des 60Hz d’origine. Résultat, ralentie et légèrement plus sourde, la musique n’a pas la tonalité originale et le petit Link se déplace plus lourdement qu’il ne devrait.
De plus, contrairement à Ocarina of Time qui avait été en grande partie optimisé lors, justement, des éditions collectors GameCube, Majora’s Mask n’a, lui, jamais été retravaillé. Sur GameCube avec ses bugs sons ou sur Wii, avec sa vitesse ralentie et l’absence cruciale du mode vibration, le jeu n’a pas encore reçu le travail de ravalement qu’il mérite. Cela étant dit, une fois les remarques de puristes maniaques énoncées, il ne reste qu’une seule chose à faire sérieusement : jouer ou rejouer cette extraordinaire mise en abime vidéo ludique. Comme le décrit malicieusement Eurogamer.net : le meilleur Zelda que vous n’avez jamais joué.

En l’an 2000, quand Overgame cherchait déjà à s’extirper du carcan rigide de la formule test de jeu vidéo, l’expérimental Majora’s Mask nous avait donné belle occasion de le traiter autrement. Après le 10/10 toujours valable de Ocarina of Time, la question de la note fut presque éludée. En réalité la seule note possible, et logique avec le concept d’éternel retour, aurait été le symbole .
A (re) lire ici en prenant son souffle.

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2009 sur Overgame)

 


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COUPLES@HOME : PETIT GUIDE DU BOBO GAMING

ou… COUPLES@HOME : LE TEMPS D’UN WEEK-END

Avec le jeu vidéo, votre petit foyer peut contourner la crise…

Le film La Crise de Coline Serreau propulsait ses deux héros dans la rue en 1992. Entretenue par un hiver rude et des températures s’installant en dessous de zéro, la crise globalisée d’aujourd’hui aurait plutôt tendance à cloitrer les gens chez eux, tant qu’ils ont un toit. Depuis la vraie crise française de 1995, il faut dire, Internet, home cinéma et jeux vidéo ont envahi puis relié au monde tous les foyers. Consommer, chercher du travail, jouer ou même sociabiliser, ne nécessite plus de sortir de chez soi. Régression et repli sur soi pour les observateurs à l’ancienne, confort et comportement avant-gardiste pour les pratiquants convaincus. Depuis quelques années, le jeu vidéo lui-même s’est assoupli, enrichi pour englober toutes sortes d’expériences interactives et donc susceptibles d’intéresser tous les membres de la famille. À moins d’avoir le diable au corps et le besoin impératif de se confronter physiquement aux épreuves réelles ou inventées de la vie, comme de devenir ambassadeur contre la faim dans le monde, alpiniste, champion de l’ex Paris-Dakar ou du Vendée-Globe, le loisir interactif qui s’impose un peu plus chaque année comme l’activité plébiscitée du foyer, se révèle un bon substitut à toutes les expériences. Notamment en cas de grand froid, hivernal ou économique.

Premier réchauffement possible, vérifier que sa liste d’amis joueurs, et donc plus ciblée que sa liste frimeuse d’amis publics Facebook, soit bien à jour sur ses consoles Xbox 360, PlayStation 3 et même Wii. Car, entre les parties, pendant les jeux et même le visionnage de films, il est possible, avec ou sans webcam, de tchater ou carrément taper la discute au casque-micro. Entre gamers, il y a toujours moyen de se comprendre. À partir de là il sera envisageable de contacter un « ami » n’importe quand pour jouer avec ou contre lui. Mais idéalement, évidemment, c’est avec la personne à ses côtés dans son doux foyer protégé des vagues d’austérités du dehors qu’il faut réussir à jouer. Et pour intéresser leurs partenaires, les garçons devront accepter de déposer provisoirement les armes et les filles devront prendre un peu plus au sérieux leurs performances. De retour de la guerre, le repos du gamer guerrier peut désormais être pris en charge psychiquement avec une double séance sur PS3 de l’aquatique FlOw pour valider quelques paliers de décompression puis du fleuri FlOwer pour retrouver goût à la légèreté et aux embruns peace & Love, avant de se faire penser les plaies sur Wii avec la dernière version de simulation de chirurgie Trauma Center : New Blood. Pour refaire connaissance avant de partager fusionnellement de nouvelles expériences interactives pourquoi ne pas commencer par ressortir le Cérébrale Académie de la Wii et se remettre ensemble à niveau ? Avant d’attaquer la grande aventure contemporaine du jeu vidéo, un petit tour dans les catalogues de jeux des années 80, 90 et 2000 disponibles en téléchargement surtout sur Wii mais aussi sur Xbox 360 et PS3, devrait offrir l’opportunité de comparer, voire partager, même sans y jouer, quelques souvenirs, sinon les siens, ceux du grand frère, voire, puisque les gamers aussi vieillissent, des parents.

Une fois les racines plantées, le décollage pour Oz devient possible.
Désireux de voyager sans passeport vers le soleil et les jungles antédiluviennes ? Le dernier Tomb Raider Underworld permet sans fatigue ni bagage de crapahuter en Thaïlande ou au Mexique et les 2 chapitres inédits complémentaires en vente en ligne dernièrement ajoutent de nouvelles étapes au tour du monde. Déjà fatigués de la campagne, même exotique ? Envie de retrouver la ville, ses rues, sa crasse, le bouillonnement de sa population bariolée ? Pourquoi ne pas d’abord visiter le bourg provincial d’Animal Crossing Let’s Go To The City dont l’accessoire Wii Speak autorise la causette avec ses colocataires éloignés sur Wii, et où vous aurez commencé à décorer amoureusement votre résidence secondaire ? Presque plus sérieusement, il faudra sans doute se refamiliariser avec la vie en société et les étranges mœurs humaines avec le 3e vrai chapitre des Sims sur PC. Ensuite, seulement, après ces gentil sas de recompression, il sera temps de se diriger vers la ville de toutes les villes en retournant faire un tour dans le New York, alias Liberty City de Grand Theft Auto IV, à l’occasion de la sortie du chapitre inédit The Lost and the Damned.

Aussitôt étourdi ? Vite, à l’abri dans un shopping mall aseptisé mais reposant ! Le carrefour virtuel du PlayStation Home permettra de faire quelques achats et, peut-être, de retrouver des amis aussi en balade. Samedi soir, souvenirs de sorties en boites de nuit ou en concert commencent à greffer des scrupules à ce cocooning trop durable. C’est le moment de sortir les instruments de musique virtuels. D’abord l’instrument à tout faire Wii Music pour s’échauffer et tenter de créer de concert une petite mélodie bien à soi. Puis, la soirée avançant, le sang commençant à battre sérieusement après une séance de karaoké au micro de Singstar sur PS3 ou Lips sur Xbox 360, il faut sortir les gros moyens. Guitare et batterie de Guitar Hero ou de Rockband donnent alors le gout du bœuf salé de sueur et de larmes. Les plus sages auront bifurqué avant sur la petite musique du délicat jeu de rôle Eternal Sonata évoquant avec poésie la vie de Chopin.

Dimanche matin, le vrai footing (… dehors !?) n’est toujours pas imaginable mais le programme et la planche Wi Fit sont toujours là pour permettre à monsieur de compter ses pompes et à madame de faire du yoga avant un peu de step. L’après-midi, après quelques Leçons de Cuisine presque pas pour de rire sur DS, et si les parents se sont brusquement invités pour le thé, il va être temps de sortir le dernier épisode à tout faire des quizz façon jeu TV avec Buzz ! cette fois consacré aux « plus malins des français ». Une fois les invités amadoués, tentez votre chance avec la suite de l’excellent Boom Blox devenu Bash Party sur Wii, car tout le monde sait lancer un caillou vers l’écran pour faire tomber des piles de briques, n’est-ce pas ? Tabac assuré même chez les non gamers et non fumeurs.

Une fois enfants ou parents repartis, l’envie de retourner aux choses sérieuses et vers les vrais connaisseurs de jeu vidéo dont vous partagez intuitivement la culture vous fera relancer LittleBigPlanet sur PS3. À deux vous continuerez de construire, en vous étonnant de votre imagination, ce niveau beaucoup trop élaboré qui ne verra jamais le jour, avant d’aller essayer les niveaux publiés par d’autres amateurs que vous jalouserez jusqu’à la mort. Tant de perplexité et complicité créative partagée vous entraineront dans des conversations théoriques sur l’art, les concepts et le jeu vidéo et puisqu’il n’est toujours pas question de sortir par ce temps… de crise, il sera l’heure d’essayer de comprendre en réfléchissant à deux et, qui sait, finir, l’étonnant et cérébral Braid sur Xbox 360. Enfin, si avec un peu de chance, l’éclairage chaleureux du coucher de soleil veut bien s’activer, après un transit par l’affable bourgade anglo-normande de Duelville au cœur de Banjo-Kazooie Nuts & Bolts sur Xbox 360, un petit tour sur le lac à remous de la Plaine aux Écrous du même Banjo consolidera l’idée que, oui, décidément, le jeu vidéo c’est vraiment le nouveau pays des merveilles et que pour s’en arracher, le monde réel va devoir nettement s’améliorer.

Divan… François Bliss de la Boissière

(Publié en 2009 dans AMUSEMENT #4)

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Flower : Je t’aime un peu, beaucoup…

Chevaucher le vent à bord d’un carrousel de pétales ? Caresser les fleurs et redonner à la nature les couleurs que le bitume lui a dérobé ? C’est carrément un vent d’espoir de jours meilleurs que fait souffler Flower dans la PlayStation 3.

Aux antipodes des stimuli nerveux hypertrophiés que cherchent à provoquer la grande majorité des jeux vidéo, le fleuri Flower, fils spirituel de l’aquatique flOw, mis en vente avec à propos la veille de la St Valentin, cherche à déplacer le centre de gravité du joueur. D’abord au sens physique, dans la manière de manipuler le jeu avec exclusivement les fonctions gyroscopiques de la manette PlayStation 3. Puis psychiquement en proposant une expérience presque zen où il faut activer et être attentif à ses sens les plus subtils. Tout en respectant la hiérarchie fonctionnelle habituelle du jeu vidéo, succession de niveaux, objectifs, difficulté croissante, les modes d’emploi mécaniques et structurels se révèlent en jouant plutôt qu’ils ne s’imposent. Flower signale bien qu’il faut maintenir un bouton appuyé puis incliner la manette pour qu’il se passe quelque chose mais à partir de là le joueur doit saisir par lui-même la nature de l’interactivité entre ses mains. Il découvre que le bouton maintenu fait souffler le vent qui propulse vaille que vaille en avant une colonne de pétales de plus en plus grande quand elle frôle certaines fleurs au sol. Même s’il cherche à faire vivre une expérience intuitive sensorielle, le jeu n’oublie au fond aucun signal derrière son habillage artistico-réaliste faussement désinvolte : codes couleurs des fleurs altérant différemment le paysage, pointillé de fleurs petit poucet indiquant la direction à suivre, changement de lumière des paysages sous le soleil ou l’orage, notes de musique propres à chaque fleur épanouie, bruit du vent et des bourrasques accélératrices…

Tout le talent des auteurs vient ici de la faculté à trouver l’épure parfaite, à dépouiller le jeu d’explications et d’interfaces ostentatoires. Le mystère provoque l’envie de jouer et la sérénité ambiante encourage la persévérance. Et l’aventure, parce que c’en est vraiment une, offre autant satisfaction intellectuellement en donnant un sens final à son concept que tactilement avec ses sensations de vols aériens.

À chaque fois qu’un jeu s’aventure un peu au-delà des habituels canons de productions, il doit affronter la méfiance et l’injuste soupçon de ne pas être un « jeu ». Avec une élégante assurance, heureusement, Flower, comme le toujours recommandable flOw, se créé son propre espace ludique et ouvre, plutôt qu’il ne ferme, le champ d’exploration du jeu vidéo. Ce qu’il peut perdre en public de gamers circonspects, il peut le gagner au centuple en se rendant accessible au plus grand nombre, en projetant une image rarement délicate du jeu vidéo. Féminin quand les bases du jeu reposent sur le contrôle de pétales de fleurs survolant gracieusement des paysages, et masculin quand le serpent de pétales fend la bise et les hautes herbes pour ouvrir le cœur de fleurs pas encore écloses, Flower ne renie rien du jeu vidéo pour accomplir sa synthèse de divertissement artistique. Écologique, sensuel, transgenre, transpublic, transgressif dans une industrie hyper codifiée, transe tout court.

Flower / Thatgamecompany / Sony Computer / PlayStation 3 

… passionnément François Bliss de la Boissière

(Publié en 2003 dans AMUSEMENT #4)

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Wii Music : l’utopie musicale

Le mauvais accueil critique et commercial du jeu révèle une triste chose : les joueurs n’ont que faire de jouer les aspirants musiciens. Après plusieurs heures de jam sessions, même avec ses limites, Wii Music affirme pourtant une des plus belles utopies interactives.

La seule vraie erreur de Wii Music, à part celle de se déployer poussivement sur une console aux capacités visuelles d’un autre âge, c’est d’avoir cru dans son public. Conforté par 26 ans de succès où chacune de ses envies et intuitions, même les plus étranges, a trouvé un écho fraternel dans le public, le généreux Miyamoto a donc cru que tout le monde avait envie, comme lui-même, d’être un musicien. Et qu’il suffirait de proposer un instrument polyvalent permettant de faire de la musique sans passer par toutes les étapes techniques d’apprentissage, pour que tous les supposés musiciens dans l’âme que nous sommes s’y régalent.

Pas de poses factices

Hélas, le sévère accueil critique et public (pour l’instant car certains jeux Nintendo se découvrent des vertus commerciales sur la longueur) du jeu révèle que le succès intergalactique des Guitar Hero ou Rock Band a plus à voir avec des effets de pose et de mimétismes mécaniques qu’avec la créativité liée à la musique. Quelle autre explication sinon pour justifier le rejet si radical de Wii Music ? L’absence de challenge, de score, de compétition ? Faux, Wii Music contient des mini-jeux musicaux très efficaces, au système de récompense habituel au jeu vidéo. Le manque de difficulté ? Voire, à quelle aune elle se mesure. Car le jeu laisse le joueur noter lui-même ses prestations alors que le seul juge de la réussite est l’oreille. Comme dans les Cérébrales Académies et autres Programme d’Entraînement du Dr Kawashima, un professeur à l’accent italien impayable, cousin de Mario, forcément, propose des séquences d’apprentissages tout à fait sérieuses. Il explique le fonctionnement du jeu en cachant avec douceur des leçons sur des fondamentaux sonores de la musique. On y apprend, comme le souhaite Miyamoto, sans passer par les cases techniques rébarbatives des leçons de musique scolaire de nos enfances, la place et les différences entre la mélodie, les harmonies, les accords, les basses et les percussions. Et ce que ne fait surtout pas Wii Music, comme la majorité de jeux musicaux toujours basés sur le rythme, y compris les Donkey Konga de Nintendo, c’est obliger le joueur soumis à appuyer sur des touches-prompteurs.

Bonnes notes

Wii Music a donc l’ambition toute candide de se glisser entre le jeu vidéo et l’instrument de musique. D’utiliser le jeu vidéo comme une aide à la simulation. Un encourageur à jouer de la musique sans craindre l’erreur. Mieux même, à éradiquer la notion d’erreur, une fausse note en musique, susceptible d’écorcher l’oreille. Quand le joueur à la trompette ou à la guitare ne suit pas exactement le rythme de la mélodie, rate des temps, le timing des notes qu’il faut capter à l’oreille, la note qu’il génère se glisse dans le reste de la mélodie comme une improvisation, un impromptu provoquant parfois des résultats plus satisfaisants que le suivi scrupuleux de la mélodie. Il y a du génie dans l’intention et presque autant dans la réalisation. On n’ose imaginer les algorithmes informatiques réussissant cet exploit interprétatif alors que le jeu contient une cinquantaine de morceaux de 3 minutes environ, une soixantaine d’instruments de musique et, de la pop au rock, du classique à la marche de fanfare, du jazz au reggae, de l’Hawaïen au Japonais, du tango à l’électro, une douzaine de façons de les faire sonner et de les arranger. Au plus simple, le joueur prend place dans un orchestre de 6 musiciens, et essaie de suivre ou de s’affranchir du morceau joué par le programme. Au plus complexe, il peut tour à tour jouer chacune des 6 pistes d’un morceau avant d’enregistrer le tout sous forme d’un petit clip vidéo (pas le plus réussi bien que les Miis musiciens évoquent fortement ceux du Muppet Show mais, petit tip, exercice indispensable pour débloquer les pistes musicales). Il faut voir l’orchestre constitué de 6 de ses Mii accrochés à son instrument rejouer ses tentatives pour mesurer la douce folie du projet.

Musique émergeante

Les poses frimes à la Guitar Hero exprimées par les photos de production et par Miyamoto en personne, ne reflètent pas les nécessités du jeu. Quel que soit l’instrument utilisé, le plus souvent il s’agit de secouer de bas en haut la Wiimote et le Nunchuk. Rien de très sexy à voir ou à faire. À l’exception du mode batterie proposant une totale simulation de batterie si l’on possède la Wii Balance Board (grosse caisse et charlestone aux pieds, mais il manque cruellement une option pour gaucher et la manipulation des drums est trop complexe), le jeu est en réalité plus introspectif qu’extraverti. Même si, le volume du son augmentant avec l’amplitude des gestes, Wii Music rejoint sans que l’on y prête garde les exercices physiques des Wii Sports. Parce qu’il faut écouter la musique, guetter des mélodies volontairement fuyantes, essayer de distinguer chaque instrument pour le suivre ou le contrarier, le jeu implique, sans y obliger, à une concentration de l’ordre du sensible et non du mécanique. C’est peut-être là où le public a du mal à suivre. Sans guide obligatoire, il doit être celui qui donne l’impulsion, le rythme, l’énergie de chaque bœuf musical. À ce titre, le mode le plus fascinant est sans doute celui, pourtant présenté discrètement, de l’improvisation. Là, il suffit de piocher n’importe quel instrument et de se lancer dans un morceau musical dont on ignore tout. C’est en jouant, c’est-à-dire en faisant n’importe quoi au début, qu’en compagnie des petits musiciens d’accompagnement, que le joueur révèle, découvre peu à peu, et peut-être s’aligne, à la mélodie préexistante mais dissimulée. N’est-ce pas là un exemple inattendu et brillant de gameplay émergeant où le geste du joueur, son intensité, et sa volonté ou non, fait apparaître une structure qui lui appartient ensuite de suivre ou de déconstruire ?

Portée

Un rien désuet, les morceaux classiques (Carmen, Hymne à la Joie…) ou traditionnels (Ah : Vous dirais-je, Maman, Frères Jacques…) peuvent prêter à sourire jusqu’à ce que des morceaux plus pop (Material Girl, The Loco-Motion…) emballent un peu le jeu. De trop rares thèmes de jeu vidéo viennent aussi égayer la sélection et rien que pour se voir et s’entendre improviser et détourner au saxo ou à la guitare électrique, le thème de Zelda le jeu serait déjà une expérience unique. Il faut défendre Wii Music comme il faut défendre LittleBigPlanet, même s’il déconcerte, ne répond pas à toutes les attentes et crispe la nomenklatura du jeu vidéo. Nous avions tiré ici un trait entre jeu et non jeu dès l’apparition de Wi Fit. Contrairement à la réputation qu’il traine déjà, Wii Music a beaucoup plus à faire avec le jeu vidéo que toutes les simulations à but utilitaire. Alors que l’on s’empresse de voir dans cet essai mal compris un échec du célèbre joueur frustré de banjo Shigeru Miyamoto, il est en réalité probable que l’ambition follement utopiste d’offrir un simulateur de musique décomplexé, cherchant la joie et l’intimité de la musique, restera comme une des œuvres majeures du game designer japonais. Œuvre maudite et donc culte si le jeu ne rencontre pas le public.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame.com en 2008)

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LittleBigPlanet : Big Love

Pure bombe écologique lâchée dans l’industrie du jeu vidéo, LittleBigPlanet se crée un espace vert et un écosystème peace & love à peine imaginable dans un monde interactif toujours en guerre. Le Daisy Age interactif a peut-être enfin commencé.

LittleBigPlanet

Plus de 30 années d’existence, des milliers de propositions interactives, des dizaines de renaissances matériels, et les jeux vidéo ayant fait la preuve de la valeur artistique du médium se comptent sur les doigts des deux mains. Pire, toujours réduits au contexte technologique du moment et aux conventions ésotériques de la culture gamer, leur reconnaissance reste hermétique au reste du monde. Au croisement de multiples cultures, le jeu-atelier LittleBigPlanet a pour la première fois le potentiel d’être entendu par tous. Son ravissant clip vidéo d’introduction où une petite planète des songes coagule les rêves nocturnes de tous les hommes, femmes et enfants endormis, ouvre la porte d’un nouveau monde et annonce avec légèreté son programme artistique et humaniste. Dès l’introduction interactive, le joueur apprend innocemment les rudiments du jeu de plate-forme et fait connaissance avec le garnement Sackboy, l’adorable petite poupée en toile dont il tombera forcément amoureux.

Burlesque ébahissement

Le décor du générique où s’affichent de manière créative les visages de tous les créateurs du jeu, entraîne le spectateur actif ou passif vers un univers à l’originalité visuelle et sonore lumineuse. En quelques minutes d’une simplicité désarmante, le gamer habituel découvre que les limites de son passe-temps favori viennent d’être repoussées vers un état d’esprit et un état physique sans équivalent. L’observateur curieux, lui, reconnaîtra moins les bases d’un jeu vidéo qu’une sorte de film en 3D animé à la main façon Wallace et Gromit ou, comme dans un film de Michel Gondry, toutes sortes de matériaux sont utilisés pour recréer chaque élément de l’étrange décor. Des matières – tissus, bois, éponges, peintures, cartons, carrelages, mosaïques, roches – à la qualité photoréaliste dont le comportement physique, lorsque les objets s’arrachent au décor pour devenir interactif, colle à leur aspect au grand ébahissement du joueur incité à pousser, tirer, soulever, sauter. Des engins à propulsions divers, du skateboard à la fusée en passant par des voitures décapotables des années 60-70 à peine contrôlables, confirment un gameplay volontairement burlesque dont les manipulations incertaines génèrent du rire et non des larmes.

Around the world

Le tour du monde en 24 niveaux de jeux de plate-forme s’amuse avec les codes d’un classicisme 2D pour mieux leur rendre hommage et les détourner. Chaque pays réinventé avec ce mélange d’assemblages d’objets hétéroclites toujours surprenants, des verdoyants jardins occidentaux, aux villes verticales américaines, du western mexicain rocailleux explosif aux dojos japonais, de la savane africaine aux grottes gothiques à la Tim Burton, donne l’impression de traverser une idée de monde revisité par un enfant devenu trop vite adulte. Explosant les frontières isolantes du jeu vidéo et les logiques d’affrontement, LittleBligPlanet court après un monde idéal de partage et de création en ligne. Encouragé à la réappropriation des lieux, le joueur peut repeindre et personnaliser à n’importe quel moment le décor qu’il traverse.

Tous pour un

Le jeu de plate-forme lui-même se pratique jusqu’à quatre personnes logées ensemble à la même enseigne loufoque. La promiscuité virtuelle amicale justifie sans plus de doute les innombrables et délirants accoutrements m’as-tu-vu qu’endosse à volonté chaque poupée Sackboy. Un début de communauté qui cherche ensuite à se prolonger en invitant, avec la même générosité, à concevoir, pour de rire ou pour de vrai, des niveaux de jeu. Outils logiciels aimables et petites vidéos didactiques tordantes et précieuses stimulent, en le décomplexant, l’apprenti créateur installé paisiblement sur une lune vierge en orbite. Le ramassage scrupuleux des milliers de bulles éparpillées dans les niveaux prend ainsi tout son sens. Les centaines de morceaux de décor, de matières, d’objets, d’autocollants, de créatures, qu’elles contiennent ouvrent grand les portes à l’imagination. Mises en ligne à la disposition de tous, maladroites ou réussies, les créations de chacun transforment le jeu en un énorme work in progress collectif et sans fin.

À la croisée des mondes

En révolution permanente malgré lui, le jeu vidéo continue de n’être qu’une promesse pour l’avenir. Des balbutiements techniques des débuts aux errances sadico-guerrières d’aujourd’hui, l’industrie interactive ne tire du respect que de son insolente croissance économique. Avec LittleBigPlanet, cette culture mal comprise se trouve enfin une passerelle universelle à la croisée des chemins des mondes de l’enfance et des adultes, du loisir et des arts plastiques, du passé et du futur du jeu vidéo. Un appel à la créativité et à l’émerveillement esthétique de chacun, l’éclosion d’un nouveau talent aussitôt distribué, une lettre d’amour au jeu vidéo. Un drôle de rêve éveillé.

  • LittleBigPlanet / Sony Computer/ PlayStation 3 exclusivement.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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Dead Space : L’espace bouge encore

Alien, 1979, expérience horrifique passive dans l’espace. Dead Space, 30 ans plus tard, la même expérience devient interactive…

deadspace

Lourdement programmé pour le succès, accompagné de comic books et d’un dessin animé direct-to-vidéo, le projet Dead Space ne devait pas s’arracher à son destin digne d’un blockbuster hollywoodien superficiel et convenu. Le scénario SF cliché au possible piochant sans gène dans les Aliens et The Thing cultes comme dans les nanars à la Event Horizon ou Sphère ne pouvait qu’inspirer méfiance, comme le principe de jeu trop emprunté aux survival horror à la japonaise, tel le célébré Resident Evil 4. Sauf que, hold-up sensoriel inattendu, Dead Space happe le joueur dans son cauchemar spatial avec une force d’évocation peu commune. Notamment grâce à une aristocratique bande son manipulant le temps, les absences et l’espace dans un esthétisme acoustique ahurissant.

Le choc est si profond et durable qu’il gagne le réel. Attendus par la première clientèle du jeu, le gore et le charcutage des chairs humaines et aliens mêlées jouent facilement leur rôle pornographique et si le jeu s’arrêtait là il ne serait qu’un énième chapitre de cette violence vulgaire qu’offre si souvent l’industrie du jeu vidéo. Assez vite, pourtant, la déambulation du « héros », ouvrier spécialisé condamné à revisser chaque boulon d’un vaisseau spatial abandonné, révèle une réalisation d’un tout autre calibre. Au-delà de ses mécanismes de jeu qui peuvent se contenter de peu d’éléments tels les ancêtres Tetris ou Pac-Man, le jeu vidéo moderne devient chaque jour plus capable de projeter un monde virtuel vertigineusement concret. Les éléments interactifs, des plus insignifiants, comme ici les innovants menus de commandes holographiques projetés devant le personnage, aux plus spectaculaires comme les armes, outils modifiés en instruments de mort, ne servent plus seulement à créer du challenge ou à agir, ils valident à chaque instant la réalité physique du monde imaginaire dans l’écran.

À ce niveau de manipulation sensorielle, Dead Space fait des petits pas de géant. La pesanteur du personnage, la lente gestuelle de son corps, de sa tête même, ses rapports aussi tranquilles et assurés avec le décor et les équipements accumulent les preuves que ces sombres couloirs, ces salles de machines, ces portes coulissantes défectueuses, ces postes de pilotages éventrés sur le vide intersidéral existent vraiment dans un monde parallèle. La stupeur accompagne alors le passage désorientant dans des énormes salles en apesanteur. La fascination aide à retenir son souffle lorsque des brèches dans la coque offre quelques secondes de méditation mystique devant le spectacle d’un soleil se couchant sur une planète éventrée. Quand le monde où s’immerge le joueur devient aussi palpable, forcément, les couinements métalliques, jets de vapeur, ou gouttes de pluie incongrues, visibles ou suggérés, deviennent aussi réels que les monstres qui guettent. Désormais, là, comme le royaume d’Hyrule de Zelda, ou les terres de Warcraft, quelque part à portée d’une manette, le tombeau spatial USG Ishimura en dérive dans l’espace nous attend pour l’éternité.

  • Dead Space / Electronic Arts / PlayStation 3, Xbox 360, PC.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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Little Big Planet : Au-delà de l’espérance

Sony a donc eu raison de parier sur LittleBigPlanet. Le jeu est une véritable pépite qui ne déçoit dans aucun des registres qu’il approche.

Little Big Planet

Du formidable jeu de plate-forme pas si traditionnel caché derrière une partie créative annoncée à grands cris, la réalisation dépasse de loin toutes les espérances. De menus en fonctions, d’interfaces en icônes, de dialogues en bruitages, de sonneries en musique, LBP suinte l’amour des choses bien faites, l’envie de faire plaisir. Faussement naïf, plus souvent doucement subversif, le rendu photo réaliste façon atelier papiers ciseaux de cours de travaux manuels habille chaque centimètre carré du jeu avec un charme et une personnalité folle. De la manipulation des menus, si riche et importante dans la partie création de niveaux, au jeu lui-même, il y a ici une compréhension intime des plaisirs interactifs fondamentaux. À commencer par le contrôle réjouissant de l’attachant héros Sackboy, inséparable du réactif menu « Pop-it » qui l’accompagne en permanence et où se stockent tous les items et les fonctions de décoration ad hoc des endroits qu’il traverse. Parmi les effets révolutionnaires du jeu, la collecte des centaines d’objets éparpillés dans les niveaux n’a jamais été aussi utile puisque, tous différents, ils se rendent indispensables à la création de niveaux originaux. Pari risqué finalement réussi pour le présent et l’avenir de la PlayStation 3 : auprès des gamers, du grand public et des médias, LittleBigPlanet cautionne à lui seul et de manière unique l’existence de la console.


Les plus…

  • L’état d’esprit général et l’originalité du tout
  • L’accessibilité de chaque étape, jeu pur ou création
  • Le touché
  • L’humour visuel, sonore et tactile
  • Le rendu graphique jamais vu
  • La recherche sonore et musicale
  • Le charisme du personnage

Les moins…

  • La richesse visuelle peut devenir enivrante
  • La densité du mode création peut intimider
  • Où sont les flingues ?

François Bliss de la Boissière

(Publié le 4 novembre 2008 sur Gameweb.fr)

 


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Portal : Still Alive

Plébiscité et récompensé lors de sa sortie au sein de la fausse compile The Orange Box en 2007, la commercialisation en version autonome sur Xbox Live de la pépite Portal est encore un évènement en 2008.

Portal

Exploitant de façon décalée et inédite l’univers d’Half-Life, y compris en adoptant la vue subjective d’un FPS, le pacifique Portal met entre les mains une sorte de canon capable d’ouvrir des portails interdimensionnels. Sans autre explication qu’un hilarant et très méticuleux tutorial scénarisé en forme de longue tragicomédie comme tout le jeu, le joueur franchit une série d’épreuves devant le conduire vers la sortie et un gâteau sans cesse promis en récompense. Réduit à une condition de rat de laboratoire, le candidat doit faire la preuve de son intelligence et de sa sagacité en progressant tranquillement sous les néons blancs et les vitres dépolis d’un laboratoire labyrinthique apparemment désert. Une incroyable voix de synthèse féminine alerte et commente les situations et le comportement du cobaye donnant, en creux, une épaisseur narrative inusitée à l’ensemble. Reprenant et exploitant jusqu’à ses limites conceptuelles le principe des portails vus d’abord dans le mésestimé Prey, il s’agit la plupart du temps de se rendre d’un point A à un point B en évitant rayons-laser ou puits d’acides. La progression de la difficulté est si intelligemment réglée que chacun des niveaux franchis provoque une satisfaction tout à fait unique. Pour faire bonne mesure, cette version téléchargeable sur Xbox 360 ajoute 14 salles de test inédites étirées en 26 épreuves.


Les plus…

  • Une véritable innovation de gameplay
  • L’intelligence des épreuves et de l’ambiance
  • La courbe de progression étudiée
  • La réalisation sans faille
  • Les temps de chargement accélérés
  • La cohérence du concept
  • Les commentaires audio des développeurs

Les moins…

  • On en veut plus, forcément
  • Les nouveaux niveaux un peu moins drôles et plus techniques

François Bliss de la Boissière

(Publié le 31 octobre 2008 sur Gameweb.fr)

 


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LittleBigPlanet : 2 patchs et une première larme

La suppression de la magnifique voix du chanteur malien n’indigne pas, elle fait mal au cœur d’un point de vue artistique.

Little Big Planet patché

Entre les nuits du 22 et 23 octobre 2008, la version du jeu LittleBigPlanet entre les mains de certains privilégiés et de la presse a eu droit à 2 patchs correctifs. Un premier a fait passer le jeu en version 1.1 et, quelques heures plus tard, un nouveau patch de 59 Mo transformait le jeu en version 2.2. À la surprise générale, la première modification ne supprima pas la chanson contenant les deux phrases litigieuses en malien. Premier à enquêter sur le coup, le magazine anglais Eurogamer.net  laisse entendre que les changements, presque invisibles et difficiles à vérifier, concernent des fonctionnalités en ligne et ajoutent de nouveaux habits à récupérer dans le jeu pour son personnage Sackboy.
Le 2e patch, lui aussi obligatoire à installer au moment du lancement du jeu (possibilité de refuser mais le jeu se bloque alors sur la sélection du joueur et des amis et l’accès aux serveurs LittleBigPlanet est toujours impossible à l’heure où nous écrivons) corrige bel et bien la chanson. Cependant, au lieu de la supprimer, elle se contente de la passer en version instrumentale. Le dommage est donc minime surtout pour ceux qui joueront le jeu commercialisé dans le monde entier sous cette forme (7 novembre en Europe, 27 octobre aux USA). Mais pour les quelques privilégiés, officiels (presse), ou clandestins (des exemplaires du jeu ont été vendus aux USA avant retrait des boutiques), qui ont commencé à traverser les niveaux de la « planète des songes », le mal est plus grand. Au-delà des cris d’indignation et des manifestations virtuelles contre un rectificatif vite qualifié de « censure », légitime par principe, mais sans doute un peu exagéré dans ce cas précis, le véritable dommage est artistique et affectif. Car la voix du chanteur malien manque terriblement au niveau qu’elle illustrait.

La musique est un message

Comme la formidable première démo d’une désormais célèbre session de la Game Developers Conference (GDC) de San Francisco en 2007 l’avait merveilleusement montré, l’illustration sonore et musicale du jeu est aussi atypique, chaleureuse et frappante que les visuels. À l’instar de toutes les trouvailles graphiques, chaque chanson ou instrumental a été sélectionné avec la même créativité et la même volonté de rupture avec les habitudes du jeu vidéo. L’accompagnement musical est ainsi méticuleusement placé dans chaque niveau et participe énormément à créer l’ambiance voulue. Après avoir atterri dans un nouveau niveau, le héros Sackboy s’accommode progressivement aux lieux avec une bande son discrète faîte de bruits d’ambiance familiers ou intrigants, de cris d’animaux éloignés. La musique arrive généralement petit à petit pour atteindre des crescendos qui emportent le jeu avec elle. Elle se mélange parfois en rythme avec les bruitages et sons étranges. Le tout, toujours, dans un mélange d’humour et d’élévation d’âme.

Toumani Diabate photo DR

Dans le space

La chanson Tapha Nang que l’on peut écouter intégralement – dans une version hélas trop compressée – sur le myspace du respecté chanteur malien Toumani Diabate (3e titre listé dans le lecteur audio à droite) actuellement en tournée mondiale, illustre le premier niveau (Safari dansant) à thématique africaine du 2e monde du jeu. L’incongruité et la beauté de la voix et des paroles incompréhensibles en malien (pour la plupart des occidentaux et, visiblement pour Sony et le studio Media Molecule, sans doute premiers surpris d’apprendre le sens et l’origine des paroles) confirmaient après le premier monde déjà bien surprenant, que le jeu était parti pour déconcerter bien au-delà des premiers niveaux et des premières attentes. La chanson unique tournant en boucle tout le long du niveau, le refrain s’inscrit dans la mémoire à une vitesse surprenante. Encore une fois, le niveau garde toutes ses vertus même avec un morceau devenu instrumental. Mais l’effet de surprise et l’absence de cette mélodie entrainante et lancinante si inhabituelle dans un jeu vidéo, mutile, à cet endroit précis, une partie du message artistico-bucolique venant de l’espace que véhicule le jeu avec une candeur définitivement hors jeu.

Les paroles les paroles

Personnalité importante dans le développement du jeu avant de rejoindre Atari, l’ancien responsable des studios mondiaux de Sony Computer Phil Harrison explique au magazine anglais GamesIndustry.biz  que, d’après lui, Sony a pris « une bonne décision » en récupérant les exemplaires déjà distribués, mais pas encore officiellement en vente. « Je n’ai pas participé à ces discussions, précise-t-il, mais je sais qu’ils ont dû y penser très sérieusement et aux plus hauts niveaux de l’entreprise« . « Depuis le premier jour LittleBigPlanet est un jeu destiné au monde entier et s’il y avait la moindre chose qui devait diminuer cette vision, alors le jeu aurait fondamentalement échoué dans sa mission« . Remercié dans les crédits du jeu bien qu’il ne fasse plus partie de Sony Computer, Phil Harrison explique encore : « J’ai téléchargé la beta, je me suis assis pour jouer et, c’est assez rare que dans les 5 secondes après le début d’un jeu vous tombiez amoureux d’un bout de logiciel« .

Pas de sang, mais déjà des larmes

Sur leur site, les créateurs de Media Molecule s’excusent auprès des joueurs du report que ce changement occasionne sans trop rentrer dans les détails sauf à préciser que les paroles de la chanson en question sont bêtement passées au travers des procédures habituelles de test.
Même si se faire accuser de censure est un prix à payer est assez lourd pour une ignorance partagée par beaucoup, cet incident est au fond une bonne nouvelle. Il prouve que la créativité, allant jusqu’à se nicher dans une sélection de chansons internationales sortant des sentiers battus, est encore capable de passer à travers les batteries de tests appliquées à des logiciels en masse. Si Sony et Media Molecule avaient été informé de la chose avant le pressage du disque, personne n’aurait trouvé à redire ni rien remarqué. Une fois le niveau concerné pratiqué en version intégrale, il faut bien admettre que le choix artistique original était meilleur que le compromis. C’est cette entaille artistique là, la disparition de la voix et de la mélodie de Toumani Diabate qui fait le plus mal. Et l’on peut se demander combien d’autres idées étranges ou farfelues sont tombées au combat pendant le développement du jeu. L’étrange et hypnotisante LittleBigPlanet recèle-t-elle encore d’autres secrets ?

François Bliss de la Boissière

(Publié le 24 octobre 2008 sur Gameweb.fr)

 


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De Blob : La Wii (re) prend des couleurs

De Blob a la bonne idée de revenir remasterisé sur consoles PlayStation 4 et Xbox One en novembre 2017 après le PC en début d’année. À sa sortie sur Wii en 2008  j’avais écrit ceci à propos d’un jeu éclaboussant bien avant les autres… N’est-ce pas Splatoon ?

Depuis quand avons-nous ressenti une telle joie de vivre et de faire sur console de salon, y compris sur Wii ? Depuis Mario Galaxy sans doute. Sorti de nulle part, De Blob rejoint le précieux peloton d’élite des jeux Wii indispensables à tous les publics.

Alors que le bruit selon lequel le développement de jeux sur Wii (et DS) ne profite guère aux autres éditeurs que Nintendo, voilà que THQ, grand habitué des licences TV et ciné dispensables, publie un jeu sur Wii d’une qualité à faire rougir Nintendo. Un jeu qu’il va falloir défendre becs et ongles comme le Zack & Wiki de Capcom, ou même le Boom Blox de Steven Spielberg tant il arrive à d’excellents, et trop rares, jeux Wii de passer injustement à côté de son populaire public. De Blob ne pourra d’ailleurs, si ce n’est déjà fait, que réjouir Shigeru Miyamoto, lui qui cherche désormais à cueillir les nouveaux fruits verts que sont les neo gamers tout en gardant sous la main les core players bien mûrs. Car sous son abordage bon enfant et ses créatures coucourges à la Pikmin poussant des petits cris irrésistibles à la Super Monkey Ball, De Blob cache accessibilité tout terrain et profondeur de jeu que l’on pourrait presque qualifier d’un autre âge. Pas à cause de sa difficulté mais du nombre de couches et de sous couches (le terme est bien approprié) de gameplay et d’intelligence qui se dévoilent progressivement.

Action painting

Simple, le principe de base doit réveiller l’enfant barbouilleur qui sommeille en chacun de nous. Stick analogique du Nunchuk pour diriger et Wiimote pour sauter d’une brève secousse en mains, il s’agit bêtement de déplacer librement une boule molle au milieu d’environnements urbains. Une Chroma City, comme le révèle progressivement de goûteuses et drôlatiques cinématiques, obligée à vivre en noir et blanc depuis qu’une vilaine entreprise (ENCR en VF, I.N.K.T Corporation en VO) a mis la main sur la ville et interdit tout écart de couleurs. Le Blob donc, Kirby au sourire parfois carnassier, glouton plutôt cracheur que dévoreur, doit se tremper dans des bombes de peintures baladeuses avant d’éclabousser toutes les surfaces qu’il frôle. Choisissant les couleurs au hasard de ses roulades, le Blob colorise les bâtiments un par un en se jetant sur les murs et les toits jusqu’à épuisement du stock de peinture qu’il garde dans le ventre.

Go fast

Et le joueur agacé et pressé de dire : « Oui, bon, et alors ? ». Alors il va falloir surveiller le chronomètre et lui rajouter de précieuses secondes en accomplissant telles ou telles tâches. Peinturlurer un ensemble de bâtiments mitoyens pour qu’une poignée de civils heureux se rue hors des immeubles. Toucher un par un ces Grisiens libérés leur redonne aussi de la couleur et ajoute un crédit de 30 secondes au décompte inexorable des 10 minutes de base. Accepter un des nombreux « défis » disséminés dans le décor, qui se laisse explorer tel un free roaming game, oblige éventuellement à peindre tel ensemble d’immeubles en bleu, ou en orange, ce qui obligera le Blob à se tremper, après les avoir trouvés, dans un pot de peinture jaune puis un rouge. Jouissance feu d’artifice naturaliste à la Okami, trouver une des rares Transfo-sphères redonne pour de bon ses couleurs à l’herbe, aux arbres et aux habitants. Tout à coup la ville austère au noir et blanc écorché maladroitement par les débordements du Blob retrouve son élan vital, sa musique, ses confettis. Une fois rendus à la couleur sous certaines conditions plus rigoureuses, les imposants monuments administratifs, sortes de boss passifs, se mettent à claironner littéralement lorsque des embouchures de trompettes dansent sur leurs toits. En harmonie avec l’image et les animations parfaites, les sons et la musique ont une qualité exceptionnelle qui s’annonce dès le lancement du niveau quand le joueur choisit, après déblocage, parmi 12 thèmes de musique selon son « humeur » (serein, funky, imbattable, provocateur, effronté…). Même si les boucles musicales se répètent un peu trop, les bruitages, tous musicaux, créent, comme les jets de peintures, une surcouche sonore où se mêlent avec bonheur et humour des notes aquatiques de harpes, des slaps sur guitare bass, des chœurs féminins à la Michel Legrand/Jacques Demy.

Da bomb

Ainsi, quartier après quartier, surprise après surprise, la profondeur et la justesse du gameplay et de ses règles ne cesse de surprendre. Le jeu réussit un des rares équilibres entre contraintes et libertés donnant au joueur un terrain de jeu aussi généreux à découvrir que dense en activités. Au bout des doigts, le plaisir organique est total même s’il faut accepter une part d’insaisissable dans les sauts du Blob dirigé au jugé par le geste de la Wiimote. Capable de rouler sur des corniches pour essayer de rejoindre le toit plus élevé d’un gratte-ciel de l’autre côté de la rue, il lui arrive de coller désagréablement aux murs ou de se faire détourner brusquement par un mur invisible. De même, l’observation en vue subjective faisant appel à la Wiimote pointeuse gène aux entournures, et la sauvegarde automatique en fin de parcours seulement force à de longues séances de jeu. Des petits détails largement compensés par de vrais plaisirs comme celui du verrouillage au bouton Z permettant des sauts ciblés à distance (sur les pots de peintures ou les minis flics-bobs, sbires de E.N.C.R.), voire même de sauter, grâce à des pods, d’immeubles en immeubles à travers toute la ville jusqu’à des surfaces cachées ou inaccessibles. Jeu de plate-forme décontracté – une fois débloqué en mode histoire, chaque généreux quartier de la ville est revisitable pour coloriage tranquille à volonté -, jeu de barbouillage, d’exploration, De Blob s’appuie sur une structure minutieusement pensée et réalisée.

Resistance

Soyons clair, le geste de « peindre » n’a rien d’artistique ici. Il s’agit bien de jeter sans contrôle des litres de peintures qui finissent par se superposer dans une jolie anarchie de couleurs plus ou moins écoeurante. C’est d’ailleurs dans cette cacophonie chromatique désordonnée que le geste du joueur prolongé par le Blob-pinceau rejoint la thématique distillée avec beaucoup d’esprit du jeu, celle d’une résistance en couleurs à l’ordre imposé en noir et blanc. Sans même insister, la problématique du résistant légitime qualifié de terroriste par l’autorité qu’il défie, dégouline des murs, des coulées d’encre noire mortelles, des panneaux ou tours de propagandes qu’il faut coloriser pour les rendre au peuple. Le jeu, avant tout tactile et physique, coloré comme un paquet de crayons de couleurs de maternelle, se ménage plusieurs niveaux de lecture « adultes ». Des mains à la tête, De Blob fait exactement ce pour quoi le jeu vidéo existe. Il substitue à la parole et aux explications confuses, une interactivité limpide, un plaisir sensuel vraiment compréhensible que manette en main.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 1/10/2008 sur Overgame)


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Fable II : La voiE de son maître

Fable 2 ressemble à son directeur créatif. Quoi de plus normal quand il s’agit d’une personnalité aussi singulière et expérimentée que celle de Peter Molyneux.

Fable 2

Le jeu de rôle commence comme un livre de conte joliment illustré et, très vite, il se noie de notes d’intentions. Malgré sa volonté affichée de rendre son jeu accessible au plus grand nombre, le verbiage et le foisonnement créatif naturel de Molyneux l’empêchent d’aller à l’essentiel. Alors qu’il sait que le jeu vidéo n’est pas le meilleur des médiums pour raconter sérieusement une histoire, son désir d’en raconter une quand même impose au joueur une littérature bâtarde entre récit initiatique à la Mark Twain et liste interminable de règlementations héritées des jeux de rôles papier. Convaincu que l’économie et la culture jeu vidéo se développent davantage sur consoles de salon que sur PC depuis que son studio britannique Lionhead est devenu propriété du géant Microsoft, Peter Molyneux essaie désespérément, par la parole et par le geste, de créer un monde habité par des personnages sensibles, un héros, ou une héroïne, auquel le joueur doit s’attacher. Il lui offre d’ailleurs ici un chien compagnon, gimmick affectif facile avant tout.

Malheureusement, l’inventeur des jeux de gestion objectivés à la Populous baptisés God Games, a en réalité bien du mal à descendre sur terre. Lui si attachant en personne, n’arrive pas vraiment à donner une humanité à ses personnages. Par-delà la trame scénaristique à suivre par étapes, le jeu veut ainsi donner à chaque instant une liberté d’action et de décision, à commencer par des choix moraux. Mais au lieu de dessiner une personnalité, l’énorme listing de critères ne reste qu’un portrait robot théorique de l’être humain dans lequel le joueur pioche des données au petit bonheur. Aussi encyclopédiques et drôles soient-ils, tous les efforts à décrire les attitudes, activités et humeurs des habitants échouent à créer une véritable chair dans le jeu vidéo lui-même. Les vêtements que le héros accumule comme les cicatrices ou la réputation auprès des villageois ne restent que statistiques et impactent plus dans les menus du jeu que dans le jeu lui-même.

Tel un document de travail préparatoire foisonnant d’idées, le monde de Fable 2 est plus écrit que concrétisé. Les situations originales et décalées ne manquent pourtant pas. Comme de faire de la spéculation immobilière ou de se générer des rentes en achetant des commerces. Flirter jusqu’au mariage, avec autorisation laxiste de polygynie, ou de polyandrie, si l’on a choisi une héroïne au départ du jeu, est un des possibles presque subversifs offert par le jeu. De nombreuses petites variations, parfois heureuses, souvent anecdotiques, qui renvoient, encore une fois, au traitement gestionnaire distant du jeu vidéo tout en négligeant, ou échouant, à créer une vraie promiscuité avec ce qui se passe dans l’écran. Et l’on se retrouve moins à participer à une vraie aventure qu’à jongler avec les intentions d’un maître du jeu omniprésent.

  • Fable 2 / Microsoft / Xbox 360

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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Souffre-douleur (Pain + Condemned 2)

En 30 ans le jeu vidéo est passé du casse-brique au cassage de gueule. Ce ne sont plus 5 pixels « invaders » qui volent en éclat mais les os, la chair, le sang. Quand ce n’est pas la psyché du gamer lui-même qui est prise en otage. Heureusement, au moment où la mise en scène radicale subjective de la douleur d’un Condemned 2 conduit à une impasse, elle trouve une expiation objective presque rassérénante dans le parodique et lucide Pain.

Pain

C’est probablement avec le premier Resident Evil (96) que la mesure de la violence sadique a été prise dans le jeu vidéo, à grande échelle. Quand Capcom a osé mettre en scène l’idée de pouvoir achever d’un coup de talon sanglant dans le crâne un zombie agonisant pitoyablement au sol, un nouvel horizon de cruauté s’est ouvert sans que l’on en saisisse à l’époque toute la portée. Au début des années 90 l’hémoglobine des finish moves de Mortal Kombat en salle d’arcade avait déjà ouvert la brèche dans l’excès et la vulgarité avec un photo réalisme hideux qui avait au moins le mérite de repousser les contraintes graphiques de l’époque. Aujourd’hui, la plupart des jeux d’action permettent d’achever cruellement un adversaire à terre. Dans la lignée de son prédécesseur sorti en 2005, lui-même inspiré par le brutal Kingpin : Life of Crime, rétrospectivement précurseur en 1999, Condemned 2 réussit à faire vivre en vue subjective cette violence organique extrême. Psychologiquement détruit depuis le premier épisode, le flic alcoolique à la dérive prend les coups dans sa chair autant qu’il les inflige aux autres. L’essentiel des combats qui jalonnent son enquête prétexte dans des squats ou des fabriques abandonnées de poupées se fait à coup de poings (américain), de barres de fer, de planches cloutées.

L’effroyable sauvagerie des assauts des drogués et autres humains déchus se règle au corps à corps. Improvisé à la volée ou sous l’impulsion de combos (QTE), les coups portés ou reçus au visage sont mis en scène avec un hyper réalisme vertigineux. Ce n’est pas le visuel de l’impact au contact qui compte, comme dans la simulation de boxe Fight Night Round 3, mais leur conséquence physique et émotionnelle : intégrité de tout le corps bousculée, perte de repère momentanée, démission temporaire des membres et des sens, incitation aux sentiments de rage panique réciproque… Le contexte nocturne morbide et trash, les éclairages et bruits furtifs et les ricanements valident hors champ la permanence de la folie meurtrière aveugle. Chaque rencontre corps-à-corps anticipée et crainte ne peut être qu’un affrontement à la vie à la mort. La violence graphique et vécue est telle que chaque mise à mort réussie, obligatoire, insuffle un soulagement dénué de tout remords. Comment sortir indemne de la crudité de cette orgie de violence interactive que l’on voudrait cathartique mais qui n’est que pornographique  ? Par l’humour…

À l’autre bout du spectre ludique et pourtant sur le même registre, le jeu Pain assume son sadomasochisme en tant que ressort unique et ludique de jeu. Au lieu de la faire endosser charnellement par le joueur, Pain objective la douleur et lui donne une distance physique et émotionnelle qui lui permet d’en rire. L’unique action du jeu consiste à projeter à l’aide d’une fronde géante un pauvre type, homme-canon victime volontaire, dans un carrefour urbain animé. Plus ou moins contrôlable pendant son vol plané, son corps doit heurter et détruire le plus d’éléments possibles du décor avant atterrissage. Un fois écrasé au sol il est même possible de provoquer d’ultimes soubresauts au corps désarticulé pour qu’il renverse un piéton distrait, se mette sur le trajet d’un véhicule, s’engouffre dans une bouche de métro où il ira rebondir sur une rame… Chaque impact réussi vaut des points et provoque des cris de douleurs hilarants. L’aspect cartoon, la double parodie burlesque de la recherche du score et de la douleur à infliger élève le modeste Pain (jeu à petit prix téléchargeable sur PSN) au statut de commentaire. Comme un dessin de presse se moquant de l’actualité du moment, Pain cristallise, caricature et s’amuse de ce qui fait trop sérieusement le nerf du jeu vidéo contemporain : la mise en scène répétée de la mort, et plus récemment, des douleurs et souffrances reçues et infligées.

Condemned 2 / Monolith / Sega / PC / Xbox 360 / PS3

Pain / PS3 en téléchargement / Idol Minds / Sony Computer

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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No More Heroes : Messages in a bottle

Les jeux à message existent-ils ? Quoiqu’il en soit, No More Heroes jette en pâture des messages en clair et subliminaux au gamer incrédule et réjouit. Plus rock que punk, ce jeu très Wii tape salutairement dans la fourmilière stéréotypée du jeu vidéo.

nomoreheroes

Après un décalé et culte Killer 7, l’auteur de No More Heroes se révèle un forcené du slogan, de la formule parfois signifiante, souvent gratuite comme un jeu de mot ou un bras d’honneur de passage. Goichi Suda se fait ainsi surnommer Suda51 (le chiffre 51 se prononce comme son prénom en japonais). Son studio de développement japonais Grass Hopper Manufacture s’invente trois formules sibyllines en guise d’éthique de travail et d’attitude : Punk’s Not Dead, Call and Response, Crush and Build… Télégraphiques, secondaires et inévitables, les dialogues du jeu balafrent l’écran comme des cut-up littéraires. Le titre No More Heroes véhicule lui-même un constat dont on ignore s’il s’applique au jeu, à l’industrie du jeu vidéo où à la société désabusée dans son ensemble. En adoptant le gameplay ville ouverte de la série GTA, No More Heroes confirme que le succès planétaire des gangsters de Rockstar a tué le héros pur et désintéressé. Travis Touchdown, la vedette de No More Heroes ressemble ainsi à un Elvis otaku, collectionneur de figurines et de VHS obscures, frimeur de rue, lunettes de soleil Sarkozy, col du blouson en cuir relevé, moto chopper excessive. Comme un gamer scotché au tableau des scores, il ne s’intéresse qu’à sa réputation.

Avec des missions de combats au sabre laser (pardon : « Beam Katana ») éparpillées dans la bourgade californienne de Santa Destroy, le punk revendiqué de No More Heroes s’amuse à désacraliser les conventions du jeu vidéo plutôt qu’à détruire les fondamentaux. Travis doit se soumettre à des petits jobs rigolos (ramasser des ordures, tondre des pelouses, servir de l’essence…) pour gagner de quoi s’inscrire à un championnat d’assassins aussi fanfarons et loufoques les uns que les autres. Loin des églises des RPG dont il emprunte les principes d’amélioration (armes, aptitudes…), le système de sauvegarde oblige Travis à se déculotter sur une cuvette de toilettes, bruit de la chasse d’eau en confirmation ! Comme aux tous débuts de l’émancipation de la BD francophone des années 70, la nouvelle liberté d’expression force le trait, la liberté immature s’exprime par des petites bêtises régressives, des fucks et des shits inutiles. Lubrique, Travis cherche ainsi à regarder sous les jupes de la provocante organisatrice de la compétition, une Sylvia Christel (!) dont l’agressivité sexuelle executive woman n’a rien à voir avec l’Emmanuelle lascive de Just Jaeckin.

Derrière tous ces réjouissants et sains délires adolescents se cache heureusement un gameplay vraiment solide enrichi par des dizaines de trouvailles (la Wiimote téléphone par exemple). Grâce à une économie de moyen qui ménage l’énergie du joueur tout en lui donnant vraiment l’impression d’être impliqué tactilement, la combinaison unique du couple Nunchuk et Wiimote de la Wii réussit des combats au sabre beaucoup plus excitants et tangibles que le raté Red Steel ou même que le trop prudent Zelda Twilight Princess. L’exploration libre du « héros », à pieds ou à moto, de la petite ville est fluide et digne d’un GTA provincial. Comme Killer 7 sur GameCube, No More Heroes cache les limites graphiques de la Wii derrière un habillage visuel brassant avec la même désinvolture BD, animations cell shading, pixel art, action painting et retrogaming. Un bouillonnement créatif, joyeusement bazar et culturellement incorrect trop rare pour être ignoré.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Okami : Test PS2 + Q/R

Jeu d’aventure colossal et imaginatif, réalisé par une équipe à part au sein du célèbre développeur/éditeur japonais Capcom, Okami fusionne avec une aisance vertigineuse la forme et le fond. Véritable hommage induit à la série légendaire de Nintendo, le jeu s’appuie sur les principes de base des Zelda pour très vite décoller vers quelque chose de totalement unique.
Le cell-shading cartoon de The Wind Waker est ainsi surclassé et anoblit par un aspect dessiné façons Beaux Arts où chaque décor ou personnage semble peint au pinceau, contourné à l’encre de chine, et coloré à l’aquarelle pour un effet saisissant et, il faut le préciser, tout à fait lisible à l’écran. L’histoire et le design général n’hésitent pas à piocher dans l’imaginaire traditionnel japonais en n’oubliant pas une bonne dose d’humour. Et, invention unique et géniale, le joueur manipule à volonté un pinceau dit « céleste » qui intervient en direct dans le jeu. Substitut du loup blanc divin, héros obligé de rester sur terre pour combattre le mal rampant armé d’un pinceau suprême, le joueur devient ainsi le bras armé céleste qui intervient « d’en haut » sur l’aventure ! La vertigineuse boucle artistique et interactive est ainsi intégrée dans un ensemble hyper sophistiqué et pourtant extrêmement accessible.
Avec son aspect visuel inouï, ses interactivités innovantes et parfaitement intégrées, ses thèmes musicaux déjà grands classiques, l’intelligence de sa réalisation, Okami satisfait l’esprit, les sens et, bien sûr, les doigts.

Note : 5/5

  • Public concerné : Toute personne curieuse de voir jusqu’où peut aller le jeu vidéo dans la création artistique sans rien perdre de sa dimension interactive de loisir.

LES PLUS

  • L’ergonomie impeccable
  • Les nombreuses idées de gameplay
  • La durée de l’aventure qui se compte en plusieurs dizaines d’heures
  • L’histoire à la fois traditionnelle et atypique et la façon dont elle est racontée
  • L’originalité graphique qui élève le jeu au rang de chef d’œuvre pictural en gardant toutes ses qualités interactives
  • Les dialogues écrits façon BD dont la traduction du japonais vers l’anglais a été supervisée par l’auteur en personne
  • Excellente VF qui en découle

LES MOINS

  • Visuellement assez déconcertant pour un public nourri de polygones homogénéisés
  • Négligé par le distributeur européen qui n’a pas fait une promotion à la hauteur de la valeur du jeu (avantage de ce désintérêt : le jeu ne coûte plus que 30 € neuf)

Questions / Réponses

On parle tellement des similitudes entre Okami et la série Zelda, est-ce donc un plagiat ?

Eh bien non, là est le miracle. Comme Prince avec la musique de James Brown, ou Tarentino avec les films des années 70, Okami absorbe les fondamentaux du game design et du gameplay des Zelda pour en faire autre chose, une œuvre singulière et à part entière. Le côté familier de la structure recherche/donjon/rencontre, propre d’ailleurs à beaucoup de RPG, s’adapte à l’histoire et au rythme et à la logique d’Okami sans que l’on puisse dire qu’il s’agisse de copiage pur et simple. Dans bien des cas (graphique, audace conceptuelle, dialogues…) Okami va même plus loin que son inspirateur. En intégrant l’ADN des Zelda dans son corps propre, Okami réussit d’ailleurs à faire avec élégance, dégagement et honneur ce que quelques dizaines de titres ont tentés sans le réussir. (Voir le paragraphe RPG ou Action-RPG).

RPG ou Action-RPG ?

Bien qu’il vaille bien davantage que ce label au fond réducteur, Okami peut se classer dans la catégorie des action-RPG, c’est-à-dire que tous les mouvements, déplacements, gestes ordinaires ou de combats se déroulent en temps réel au moment même où le joueur appuie sur le bouton requis. Même les actions étonnantes au pinceau ont lieu instantanément. Moins prisé au Japon, que les RPG traditionnels aux déplacements assez contrôlés et aux combats ritualisés au tour par tour, les action-RPG dont le maître étalon reste les Zelda en 2D de la Nes et de la SuperNes puis en 3D sur N64 (où aux États-Unis dans la lignée des hack and slash à la Diablo ou à la Baldur’s Gate). Les exemples réussis en provenance du Japon sont assez d’ailleurs assez rares. En voici une liste presque exhaustive…
En 2D, les Secret of Mana, Illusion of Gaïa, Brainlord, Equinox (Solstice II), Secret of Evermore, Chrono Trigger, Spike Mc Fang, Terranigma (Tenchisôzô) sur SuperNintendo. Landstalker, Soleil (Ragnacenty), Legend of Thor sur Megadrive. Magic Knight Rayearth, Oasis 2, Dark Savior (3D isométrique) sur Saturn. L’ultime Alundra sur PlayStation. Avec l’’arrivée de la 3D sur N64, après Zelda Ocarina of Time, les prétendants se résument à un… Mystical Ninja Starring Goemon sur Nintendo 64.

A quoi sert le pinceau ? Ce « gadget » artistique n’est-il pas agaçant dans un jeu d’action ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître avant d’avoir pratiqué soi-même le jeu, non seulement le pinceau ne gène pas l’action, ou les séquences d’action, mais il en fait partie intégrante. Un ennemi vous jette un objet à la tête, le pinceau, comme une épée utilisée en vue subjective, permet de le frapper d’un coup transversal et de l’éliminer. Toutes les indispensables et géniales méta actions (des aptitudes qui supplantent et dominent l’ordre ordinaire du jeu) que propose le pinceau influent instantanément sur le monde. Un cercle dessiné au pinceau d’un geste rapide autour d’un arbre calciné ou d’un sol asséché fait jaillir aussitôt une végétation luxuriante (feuilles, fleures, herbes…). Un autre geste fait apparaître une bombe à retardement sur le sol. Plus énormes encore jusqu’au point de surpasser l’idée en provenance de Zelda The Wind Waker ou de Zelda Ocarina of Time (ATTENTION SPOILER), un coup de pinceau bref permet de changer la direction du vent, de faire apparaître le soleil dans le ciel ou la lune pour transformer la nuit en jour ou inversement !

Le côté artistique du jeu n’est-il pas mis en avant au détriment de la technique ?

Dans les années 2000, un jeu ne peut être qualifié de majeur sans que les deux données soient présentes. Or Okami est un des meilleurs exemples de jeu techniquement impeccable, voire même exemplaire. Rien n’interfère dans la fluidité de l’action, les temps de chargement sont minimes et animés de telle façon que l’on ne s’ennuie pas, la procédure de sauvegarde à des endroits spécifiques très bien répartis est quasi instantanée. Toutes les options d’équipement du loup en bouclier et autres armes magiques sont immédiates et nombreuses à cohabiter en pleine action. Même le rituel, ici détourné et ingéré, et souvent laborieux des RPG classiques qui introduit et conclut les combats dans une arène fictive avec un décor « générique » est optimisé dans Okami : les ennemis sont repérables sur le terrain, évitables, et si le loup choisit la confrontation, une « barrière d’énergie se dresse sur place pour créer en temps réel un espace délimité pour le combat. A l‘intérieur évidemment tous les mouvements sont libres et en temps réels et il est possible d’en sortir en repérant une fissure dans la paroi. L’accumulation de coups directs ou spéciaux simultanés en pleine action sans que rien du programme ne faillasse évoque la série Viewtiful Joe initiée, ce n’est pas un hasard, par la même équipe de développement.

Un loup dans le dernier Zelda Twilight Princess, un loup dans Okami, hasard ou coïncidence ?

Cela restera sans doute un des grands mystères créatifs du milieu des années 2000. Okami est en développement depuis de longue date et n’importe quel jeu Zelda se façonne pendant des années avant de prendre totalement forme pour surgir en tel ou tel épisode. Devant l’énormité de la coïncidence (les deux jeux sont presque sortis en même temps), le bon sens voudrait admettre que quelqu’un a piqué l’idée à quelqu’un d’autre. Mais quand on connaît la créativité et la probité afférente des deux équipes concernées (Clover Studio chez Capcom et Nintendo) cela devient impensable que l’une ou l’autre ai voulu se copier. Reste donc une coïncidence étrange ou, comme le dit la formule populaire : quand les grands esprits se rencontrent…

Un loup blanc en héros, c’est du Disney ?

Pas du tout. Comme tout bon héros laconique portant la responsabilité de sauver le monde, le loup reste sur sa réserve, ne parle pas et laisse (tolère) son minuscule cavalier (un insecte insolent façon celui qui sait tout à l’avance) se lancer dans des monologues souvent grinçants et plein d’esprit. Le sérieux du loup est ainsi rattrapé par l’ironie du cavalier qui n’hésite pas à traiter son hôte pourtant divin de « sac à puces ». Pas d’anthropomorphisme façon dessin animé non plus, le loup se comporte comme un animal à quatre pattes. Son animation est d’ailleurs absolument remarquable de souplesse et de crédibilité alors même que c’est le joueur qui le contrôle. Son aptitude au combat rapproché façon chevalier équipé d’une épée s’explique par une sorte de bouclier qu’il porte sur l’échine. Une attaque façon « dash » consiste pour le loup à baisser la tête et courir en avant pour donner un coup de bouclier comme un bouc ou un buffle. Le même bouclier magique de plus en plus sophistiqué au fur et à mesure de l’aventure devient capable de donner des coups à distance et autres gymnastiques sophistiquées totalement crédibles visuellement et au bout des doigts. Ce n’est ni du Disney ni un truc expérimental incompréhensible, juste une intégration cohérente de différents éléments : animalité, magie et imagination.

Le jeu n’est-il pas trop… « japonais » ?

L’aspect graphique général, le logo du titre lui-même dessiné au pinceau façon calligraphie, font japonais et l’aventure raconte l’équivalent d’une vieille légende japonaise mythologique. Le contexte et le background sont eux aussi très japonais. Donc, oui, Okami fait « japonais » dans tout ce que cela implique d’étalage de la culture japonaise médiévale. Mais le background historique traditionnel est en fait un canevas sur lequel les auteurs redessinent leur propre légende. Parmi toutes ses réussites, Okami parvient avec la même aisance à immerger le joueur occidental dans cet univers si exotique tout en lui donnant les clés pour le comprendre, l’apprécier et, aussitôt s’en moquer. Plus exactement, le jeu est « japonais » dans le sens original, inattendu, libre comme seuls les développeurs japonais en sont capables, mais surtout pas « obscur, abscons, typique, pour initiés ou fan absolus de mangas et de japanimation ». Okami respire et fait respirer un air totalement universel au joueur de n’importe quelle culture.

Refaire fleurir les fleurs ou les arbres, tout cela ne serait-il pas un peu niais, voire destiné aux enfants ?

Un film de Miyazaki (Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro…) se destine-t-il à un public d’enfants ? Si Okami déconcerte ceux qui ne s’intéressent plus qu’à fragger leurs voisins en ligne, à déchirer du zombie, descendre du soldat, ou d’une façon plus générale, à détruire tout ce qui bouge avant la fin d’un niveau, c’est la faute aux gamers trop habitués au goût du sang et non au jeu de Clover Studio qui s’adresse à n’importe quel public susceptible de trouver selon sa culture et son âge différents niveaux de lecture et d’intérêt. Fondamentalement Okami donne au joueur des outils artistiques – « poétiques » dirait le penseur Edgard Morin – qui l’incitent à reconstruire le monde, pour ne pas dire « sauver » le monde menacé, comme les contrées de tous les RPG, par les forces du mal. Okami est un hymne aux couleurs et à la vie. Une aspiration universelle, même chez les hardcore gamers mal nourris par l’industrie du jeu vidéo et qui l’ignorent encore.

Le testeur-critique de ce jeu ne serait-il pas exagérément enthousiaste ?

Le nombre de superlatifs élogieux rencontrés dans cette critique donne raison de douter de la raison raisonnable du chroniqueur. Il faut alors s’attarder sur les argumentaires, repérer les confirmations techniques sur lesquels s’appuie la créativité du jeu, aligner les Plus, dont l’un d’entre eux renvoie au reste de la critique elle aussi unanime comme le confirme l’ensemble de la presse critique. Quoique le lecteur ait lu et entendu comme enthousiasme ici est encore inférieur à celui vécu et rationnalisé par l’auteur de ses lignes. Ceux qui le croisent en personne peuvent témoigner de sa sincérité militante. La grande bataille menée par l’auteur de ces lignes est de convaincre et faire connaître au plus grand nombre un jeu qui élève celui qui le pratique, comme toute l’industrie du jeu vidéo.

Si le jeu est si bien, il y aura donc une suite ?

Impossible. Aussi absurde que cela puisse paraître, presque aussitôt le jeu terminé, l’éditeur Capcom a décidé, pour des raisons de restructurations apparemment, de dissoudre le studio Clover. Le temps de pondre très vite un beat’em all (God Hand) en forme d’adieu improvisé ou de bras d’honneur, les auteurs (Hideki Kamiya, responsable d’Okami et auparavant de Resident Evil 2, Devil May Cry et Viewtiful Joe et son compère responsable du studio et producteur, Atsushi Inaba connu pour Steel Battalion) sont partis fondés un nouveau studio Seeds (graines). Des graines qui deviendront de nouvelles fleurs n’en doutons-pas. Néanmoins, puisque Okami a été développé exclusivement sur PlayStation 2, des rumeurs laissent entendre qu’une adaptation sur la console Wii serait envisagée par Capcom. En toute logique, le pinceau Céleste serait manipulé avec la Wiimote ! Quoiqu’il en soit, Okami est destiné à être une œuvre unique, dans tous les sens du terme.

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2007 sur Gameweb)

 


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ZELDA : TWILIGHT PRINCESS : test GameCube et Q/R

Jeu d’aventure et d’action fantastico-médiéval phénomène à chaque épisode, ce dernier Zelda fait lui aussi date. Commencé sur GameCube, le développement a finalement été basculé sur Wii pour devenir l’ambassadeur de la nouvelle console « révolutionnaire » de Nintendo. Zelda prend ainsi pour la première fois un rôle dévolu à Mario. Avec son système de combat à l’épée ou à l’arc directement pointé vers l’écran grâce à la Wiimote, cet épisode réussit à son tour à surprendre, faire plaisir, puis initier de nouvelles façons de jouer qui seront, comme A Link to The Past sur Super Nintendo ou Ocarina of Time sur Nintendo 64, un jour ou l’autre adoptées par les autres concepteurs de jeux.
Épisode compilation aussi, cherchant à réconcilier la série avec un public un peu trop déconcerté par Majora’s Mask puis The Wind Waker, Twilight Princess accumule, comme un jeu anniversaire, toutes les trouvailles des épisodes précédents (sauf la navigation maritime). L’aventure permet même de repasser par les lieux mythiques (modifiés et agrandis) de Ocarina of Time. A l’usage toutefois, ces multiples références géographiques et interactives tirent très fort sur une corde nostalgique alors que, jusque-là , la série jouait sur un registre mélancolique plus fin. Malgré la transformation du héros en loup et l’esthétique singulière du monde des ténèbres qu’il explore, l’aventure laisse un goût de déjà -vu, voire de déjà joué. En tous cas pour les vétérans de la série. Les nouveaux venus, notamment sur Wii, n’y verront que du feu et du bonheur.

LES PLUS

  • L’héritage de la lignée des Zelda : gameplay impeccable et narration exemplaire
  • La fluidité sans faille du jeu : animations, action, transitions
  • La liberté d’exploration et de rythme
  • Le retour aux sources du gameplay et du personnage

LES MOINS

  •  La tradition ici trop lourde et trop respectueuse de la lignée des Zelda
  • Les paysages figés et peu détaillés
  • Manque de souffle épique et d’émotion
  • Personnage ni adulte ni enfant (ni loup) trop falot

Note : 5/5

  • Plus confortable sur GameCube que sur Wii.
  • Public concerné : Les puristes, et les fans de Zelda déconcertés par la Wiimote.

Questions / Réponses

Cet épisode innove-t-il comme les précédents ?

Oui grâce à l’implémentation des contrôles de la Wiimote et du Nunchak de la console Wii. Sans ce système de jeu direct à l’écran, les péripéties et les interactivités ne surprennent pas vraiment malgré les bondissements de Link devenu un loup.

A qui s’adresse ce nouveau Zelda ?

Plus que tous les autres épisodes, Twilight Princess porte plusieurs casquettes et supporte une responsabilité à la fois historique (l’héritage d’une longue lignée de jeu vidéo tous unique), culturelle (il doit réconcilier les habitués de la série perturbés par les détours thématiques et graphiques des deux épisodes précédents : Majora’s Mask sur N64 et The Wind Waker sur GameCube), technologique (faire la démonstration qu’un jeu peut être bon et spectaculaire sans forcément faire appel à une technologie couteuse), économique (il doit faire la démonstration ludique de l’interface Wii et faire vendre la console aux gamers comme à un nouveau public). Twilight Princess doit avoir les épaules assez larges et les jambes assez longues pour tenter un grand écart de séduction impossible englobant le plaisir de la découverte des casuals gamers, la satisfaction des gamers gardiens du temple, aux intérêts des actionnaires. Le risque inhérent à ce besoin de séduction tous azimuts que subit Twilight Princess ? La dilution de la personnalité et de sa singularité.

Quels sont les points forts de ce Zelda ?

Les combats à l’épée mimés avec la Wiimote font leur petit effet même si le nombre de mouvements reste limité. Viser directement à l’écran l’arc, au boomerang ou au grappin devient vite indispensable et naturel. La générosité (distances énormes) et le plaisir (vitesse, fluidité) des chevauchées sur le dos d’Epona à travers les plaines d’Hyrule.

Y a-t-il, comme d’habitude avec cette série, de nouvelles trouvailles ?

La thématique astucieuse des mondes parallèles (un normal lumineux, un sombre jumeau) récurrente de la série se traduit dans Twilight Princess en deux étapes : d’abord la transformation en loup seul capable de visiter le monde des ténèbres, puis l’utilisation des sens olfactifs du quadrupède qui lui permettent de distinguer des choses invisibles aux autres. Finalement crispante malgré son utilité et son ingéniosité, cette dernière fonction génére un sentiment de claustrophobie accentué puisque lorsqu’il utilise son odorat, le loup voit mieux mais dans un tout petit périmètre, le reste du décor étant plongé dans le noir absolu (façon lampe torche). Appréciable et nouveau dans la série – quoique pas toujours bien compris par tous les utilisateurs parce que scénarisé plutôt qu’implémenté comme une méta fonction – des petites créatures permettent de sortir et de revenir au même endroit dans les donjons, et donc de sauvegarder en cours d’exploration !

L’augmentation du nombre de donjons et d’items laisse-t-elle pour autant des souvenirs ?

Le soupçon du syndrome carnet de commandes obligatoirement bien remplis qui plane au dessus de du développement de Twilight Princess semble se confirmer dans les quantités, parfois au détriment de l’intensité. Puisque critiques passées il y eut, le nombre de donjons a nettement augmenté par rapport à l’épisode précédent The Wind Waker. Idem pour le nombre d’objets et d’armes à utiliser. Il y a donc là de quoi s’occuper entre 50 (les joueurs au galop) et 100 heures (les minutieux). Mais la vraie question qu’il faudrait se poser ne serait-elle pas : combien de souvenirs (épreuve, donjon ou simplement moment) cet épisode grave-t-il en mémoire ? Moins que les autres, avancerons-nous.

Link est-il devenu ranger de parc national ?

Beaucoup plus cow-boy que chevalier ou samouraï, le nouveau et plus âgé Link côtoie un bon nombre d’animaux. Des images diffusées les années précédentes laissaient entendre qu’il entretiendrait même des liens particuliers avec toutes sortes d’animaux. Il semblait même susceptible de s’en occuper, voire de les élever comme dans certains RPG. Au bout du compte, Link devient en effet un loup, monte à cheval ou à sanglier, gardes des chèvres, pêche des poissons, utilise un faucon, se fait aider par des singes aux fesses rouges ou un oiseau géant, mais ses rapports restent très fonctionnels et circonstanciés. Twilight Princess ne développe aucune nouvelle mythologie autour de ce thème.

Le loup a-t-il du chien ?

Le lupus est bien la double vedette du jeu et cabriole court et saute comme il faut (assez curieusement il se contrôle de la même façon que Link). Mais à côté du loup du monumental Okami, celui-çi fait un peu fade, comme le héros toujours en retrait. D’ailleurs, même si l’idée du loup est né du responsable du jeu Eji Aonuma et de son équipe, c’est sur le conseil du grand-petit manitou Shigeru Myamoto qui trouvait lassant de regarder un loup courir de dos que les développeurs ont créé le personnage féminin expressif (surtout vocalement et en soupirs) de Midona qui chevauche le loup en permanence.

Version Wii vs version GameCube, laquelle faut-il vraiment jouer ?

Chacun ses moyens économiques et il serait compréhensible que les propriétaires de GameCube se contentent de la version GameCube, surtout que visuellement, à part l’affichage optimisé 16/9 de la version Wii (tout de même appréciable sur écran 16/9) les deux jeux sont identiques. Mais en réalité Nintendo a choisi pour nous. La version GameCube était prête un an plus tôt quand Nintendo a repoussé la sortie jusqu’à celle de la Wii fin 2006. Le jeu GameCube a été distribué tardivement en catimini et en petites quantités pendant que la version Wii est officiellement catapultée ambassadeur de la nouvelle console Wii. Remplacer Mario par Zelda au lancement d’une nouvelle console est un symbole assez fort envoyé par Nintendo pour être entendu. Il n’empêche que les inconditionnels de la série ont de quoi être embarrassés en ne jouant que l’une ou l’autre version : le contrôle classique à la manette n’existe que sur la version GameCube et pour des raisons évidentes de cohérences gestuelles, le petit Link est devenu droitier pour bretter avec la Wiimote (et tout le jeu Wii est du coup présenté en miroir gauche > droite du jeu GameCube original).

Que vaut ce Zelda à l’heure de la haute définition ?

Voilà sans doute le problème majeur des amateurs de belles images et de partitions symphoniques. Si le jeu est techniquement impeccable et profite à merveille de tout le savoir faire de Nintendo (temps d’accès quasi absent, adéquations interactives sans faille), l’aspect visuel et la bande sonore font datés. Sans le style marqué dessin animé de l’épisode Wind Waker sur GameCube, ce Zelda plus réaliste affiche des textures ni détaillées ni lumineuses. Tout mignons et bien animés qu’ils soient, les personnages ont un aspect un peu rustique. Bruitages et musiques synthétiques sonnent… synthétiques. Mais le public que vise en priorité Nintendo avec ce Zelda Wii est équipé majoritairement d’une télé à tube et n’a probablement pas relié sa console à une chaine stéréo. Dans ces conditions d’utilisation, Twilight Princess choque sans doute moins à côté des super productions visuelles et sonores sur consoles Microsoft et Sony.

Alors nouveau chef d’œuvre ou pas ?

Ocarina of Time étant unanimement considéré comme l’un des meilleurs jeux de toute la courte histoire du jeu vidéo, le débat a été sérieusement lancé par un site français méconnu et n’aura de réponse que… subjective. Les nouveaux venus dans l’univers Zelda découvrent brusquement toute la profondeur et l’intuitivité des propositions de jeu, alors que les habitués de la série ne manquent pas de ressentir les redites interactives et thématiques. Destiné à réconcilier tous les publics, âge, public occidental et oriental, Twilight Princess cherche un équilibre entre le western et le Seigneur des Anneaux tout en essayant de garder un peu de sa légèreté humoristique (c’est cette légèreté juvénile qui pâtit le plus de ce positionnement). Ocarina of Time avait réussit sur N64 en 1998 un tel équilibre entre innovations technologiques et sensibilité poétique qu’il est difficile de mettre sur le même piédestal historique un Twilight Princess plus technique calculé et suiveur qu’innovateur et inspiré.

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2007 sur Gameweb)

 


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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Wii want to Boogie

Converted to casual gaming for all, Electronic Arts wants everybody to dance thanks to the Wii interface and their new rhythm-based musical game Boogie. Ready to sweat in Paris.

We all enjoy some creative killing and at Electronic Arts we know how to make those kinds of games”, explains Studio General Manager EA Montreal Alain Tascan while demonstrating Boogie on Wii in Paris, “but it’s time to go back to the basics, we want to put smiles on people faces when they play videogames”. Now that both the Wii and DS have sold and keep selling millions, the once Nintendo only philosophy, game is fun, game is for all, “casual” has become every videogame editor mantra. A few weeks ago in Paris, Ubisoft officially announced its casual gaming division, now Electronic Arts confirms its own EA Casual Entertainment. Both divisions based in Montreal with executive women in charge (Kathy Vrabeck for EA, Pauline Jacquey for Ubisoft).

Exclusive this fall on Wii, the musical videogame Boogie is the beginning of a new IP for EA. No other supports is announced but Alain Tascan answer’s to the absence of online features for the Wii is a hint that the game should appear on other consoles with market place facilities to buy, for instance, new songs.

Alan Tascan left foot is discreetly taping the floor on stage while playing Boogie. It’s not part of the gameplay but obviously it helps him keeping track of the main beat. The Wiimote in his hand has to perform some combos that skips and adds rhythms to the original beat of one of the 40 songs picked from 70s to the 2000’s. We’re familiar with the Miis, now meet the Boogs. The chosen preset cartoonish character dances while facing the player on exotic outdoor stages (gas station in the Arizona desert, jungle, pagoda, space station…) along the expected disco nightclub. The game plays seriously, but as the funny stylized characters, the overlook is definitely relaxed with bright colors and light menus. On this demo the nunchuck is only useful to strike a pose when a photo op is prompted, while the main game is played with the Wiimote only. Which is both a more accessible and limited design choice. Since the movements are only verticals and horizontals, first with no visual indications except the dance moves of the character, then with some arrow combos asking to make very brief left-right-ups or downs, the player itself is less dancing that agitating the arm like a chef d’orchestre (conductor ?). Unofficial resting is offered with various rhythms to be followed while only pressing the Z button. If the player tends to move like a robot, the characters on screen are wonderfully and very smoothly animated and make up for it. A cross between Jet Set Radio and Mad’s Don Martin characters, they mix comic postures and real dance steps accordingly to their personality.

As planned, with easy to difficult options and 2 players battles, the game seems destined to every member of the family, even, they say, the shy ones. Along the regular features, the karaoke section – a microphone will be included in the box with a pair of paper glasses to watch recorded video clip replayed in green-red 3D – offers a “shy mode” where the prerecorded voice sings with the player only if the player sings. It supposedly helps to hide false notes and give confidence. Will the girls be interested to join the party then?

François Bliss de la Boissière

(Published June 2007 on US online magazine NEXT GENERATION)

PS3 launch in Paris : giant’s falling

The press should’ve seen it coming. Sony should have seen it coming. No need for a national poll. Just a few questions here and there, checking the forums. And, why not, checking the weather thru the global warning alert channel. Because the PS3 may be launching on a spring date, with a temperature between 0 and 5 degrees Celsius during the night, this is winter. And who wants to wait several hours in the freezing cold for a 599 € machine?

The first question by a televiewer that popped up Wednesday 22 on the French 24/7 news network LCI, during a talk show where the PS3 launch was squeezed between analysis of the hot presidential campaign, was more of a complain than a question : the PS3 is too expensive. Everybody knew.
In Paris, two days before launch, it was still possible to make a guaranteed PS3 reservation for the first day, or night. Videogame chain store Games, asked for a 50 € deposit (US$ 66), as the Virgin Megastores. For the same 50 € deposit, the other big French videogame chain store Micromania offered a second year guaranty. Implying that in France, the PS3 is under a one year guaranty from Sony. Several of those stores stayed opened past midnight to sale the long due Sony console. Fnac, the most important book, DVD, music and videogame chain store in France (72 nationally, 119 in Europe and Brazil) which is holding the official event for the night launch, was still asking 120 € (US$ 160) deposit for a reservation.
Although, on the Champs-Elysées Fnac store, where the launch event started Thursday at noon with PS3 playable demonstrations, you could buy the full PS3 price (599 € / US$ 800, thanks to the euro/dollar change) in exchange of a ticket that allowed you to skip the cash register at midnight and get your PS3 as fast as possible. When asked, most stores confirmed the day before that even without a reservation, anybody could come and get a console. The small Fnac store located on the famous Bastille place revealed having 5 reservations and 36 PS3 units in stock. 60 000 PS3 have been reserved from the 100 000 units shipped to France says Sony, “more than the PlayStation 2 and the PSP when they launched”.  And 150 000 units total will be available in the next ten days. No shortage for once, the late launch is offering Europe first easy to get PlayStation. 

One thing is clear, Sony did its best to get the media’s attention. You can’t pick more renown spot in Paris that Les Champs-Elysées where all consoles are launched,  and then on a Louisiana like paddle boat at the feet of The Eiffel Tower. On a communication point a view, it’s probably what Sony needed to beat the Microsoft incredible fireworks that illuminated the sky of L’Arche de la Défense in Paris little Manhattan quarter La Défense, for the launch of Windows Vista last January.

To start the festivities, the media were invited to come and see the activities at the Champs-Elysées Fnac store at 7pm. But neither the MotorStorm or Resistance or Formula One demo gathered more than a handful of peepers. Already, there were more media people around than declared PS3 buyers. Outside the store, right on the large side walk of “la plus belle avenue du monde”, security people in red jackets were ready to guard a big line of PS3 lovers that were not showing up. At 8pm, only one young man supposedly started to officially wait for the midnight launch. All craving cameras and microphones turned to him. But he didn’t have anything to say.

Next rendez-vous was at the Suffren port on the Seine river, just by the Eiffel Tower, where the Louisiana Bell Boat was waiting. The large embankment was ready to welcome thousands of people. A big screen outside was showing some clips and the popular French movie OSS 117 which was just released on Blu-ray.
By 9h30 pm, only a few dozens young people were waiting for their console. When asked, they revealed that any one real buyer was surrounded by one or more friends that wouldn’t buy the console themselves. They didn’t care for the Blu-ray player and yes, they thought the PS3 price was too high. But “the Sony console is something special, a high class product”, conceded one young worker with enough cash in his pocket and a Plasma screen al(HD)ready at home.

The  president ot the Fnac group was supposed to make a speech but left before doing so. Long time General Manager of Sony Computer France Georges Fornay was also supposed to show and tour the temporary store boat with the media. But if it happened, it was in front of a few selected TV cameras. Despite the 15 cash registers ready, the ad hoc store in the boat was too small for any tour anyway.
At 10 pm, a majority of smiling journalists received on their mobile phones a written message whishing them a good evening from the “Team Xbox”. Later, people outside started to run and scream. A large illuminated and trumpeting boat was passing by with Xbox 360 giant logos all over. Microsoft became the instantaneous uninvited star of the evening.

At midnight no doubt was possible anymore. No more than 50 people only were actually queuing for a PS3. More than 100 media people were trying to get an image or an interview worthwhile. They were the crowd. The first official buyer didn’t get any gift from Sony, not even it’s console ecause his Visa Card didn’t work ! The second buyer was suddenly surrounded by way too many cameras and microphones. He didn’t have much to say. All in all, maybe 50 PS3 were sold by the river, over the 1000 planned by Sony.

What probably started as a cool idea became a fatal blow for the PS3 launch in Paris. By moving the media attention out of the usual spot on Les Champs-Elysées, and by trying and failing to gather several hundred so called privileged consumers to buy a limited numbers of PS3 under the Eiffel Tower far from all the regular lights of the city, the midnight momentum lost its focus. And the small temporary Fnac store on boat with a huge inflatable PlayStation 3 on top that sailed, for the photographers, way too slowly under the lights of The Eiffel Tower, became a joke when the surprise Xbox 360 barge came and went two more times with all lights on with 4 or 5 people on board shouting and weaving the sleepy Sony crowd for attention. Sony just created it’s own Titanic, and the PS3 boat metaphorically sank a dreadful night of march in Paris.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 22 mars 2007 sur le magazine en ligne NEXT GENERATION)

Almost no buyers came to the PS3 boat docked by the Eiffel tower (Photo (c) Bliss)
Xbox trolling live at PS3 2007 launch in Paris (photo (c) Bliss)

Zelda Twilight Princess : l’ombre d’un chef d’œuvre

La différence entre une œuvre inspirée et une réalisation réussie est de l’ordre de celle qui distingue Ocarina of Time de son descendant appliqué Twilight Princess. Un chef d’œuvre et son ombre. Réflexions en direct d’Hyrule.

Zelda TP by Bliss

Malgré tout le capital passionnel qu’il véhicule avec raison depuis 20 ans, le dernier – nouveau – Zelda laisse beaucoup plus froid, voire indifférent, que ses prédécesseurs. Pourtant, la presse unanime valide avec des notes « osant » ou frôlant le 10/10 la descendance avouée avec Ocarina of Time, chef d’œuvre désormais incontestable, mais que peu en dehors d’Overgame (Bliss donc, NDR 2015) et du magazine Edge ont osé porter aux nues dès la sortie en 1998 (10/10). Puisqu’en terme de contenu (durée, nombre de donjons, multitude de taches annexes) et de finition technique, ce Zelda offre plus de jeu à jouer que son référent Ocarina of Time, la quantité impose aux observateurs attitrés et défenseurs du gamer consommateur, le raisonnement du « value for money ». Et l’argument tient si l’on reste au niveau du jeu loisir, de la distraction durable, de l’amortissement de son prix d’achat. Mais, quitte à froisser quelques certitudes, les jeux Zelda, jusqu’à aujourd’hui, se sont toujours élevés au-dessus de leur condition jusqu’à titiller, selon l’appréciation de chacun, des cimes interactives indistinctes auparavant et aussitôt en manque de définition, de description, de vocabulaire.

En quête d’inspiration

En bref, quoi qu’inspiré par tous les précédents Zelda, Twilight Princess manque cruellement d’inspiration. Si les jeux Zelda se sont volontiers laissés influencer, même sous forme de clins d’œil, par les tendances du moment (les phases d’infiltration de Link dans Wind Waker), jamais ils n’ont aussi explicitement évoqués la concurrence sans, en parallèle, aller plus loin. Au point qu’il s’avère difficile de départager les hommages haut de gamme de l’absence d’idées propre. La mémoire reste ainsi davantage marquée par le Boss du Temple de l’eau que par les autres parce qu’il ressemble ouvertement à l’un des colosses de Shadow of The Colossus. Les créatures noires aux formes indistinctes en provenance du royaume du crépuscule évoquent, elles, les monstres de fumée de Ico, la première œuvre de Fumito Ueda et Kenji Kaido. Comme il a été dit précédemment, il reste inutile de comparer point par point les similitudes entre ce Zelda et l’Ovni Okami de Clover Studio sauf à rester stupéfié qu’un émule comme Okami innove et fasse mieux que son maître Zelda, avant lui, sur une console PlayStation 2 moins puissante, aussi bien d’un point de vue graphique et conceptuel que dans l’utilisation du loup, nettement plus gracieuse.
Après la surprise et les quelques émois du retour dans les lieux familiers, transformés et agrandis, du monde d’Ocarina of Time, le village Kakariko, le lac Hylia, le désert de Gerudo ou le domaine des Zora, ce dernier Zelda transformé en pèlerinage fait regretter qu’il fonctionne plus sur la nostalgie que sur la mélancolie.

L’ombre de lui-même

D’où surgit la petite Midna quand on appuie sur le haut de la croix de la Wiimote dans ce Zelda devenu Wii ? De l’ombre de Link couchée à ses pieds. Planquée à l’affût dans les coulisses des agissements du héros, celle-ci s’arrache brusquement à sa servitude, se détache du sol, s’anime et prend la forme de Midna alors devenue une silhouette provisoirement autonome. Cette jolie trouvaille symbolise, de façon assez tordue d’ailleurs, les limites de ce Twilight Princess, double respectueux de Ocarina of Time offrant au joueur un menu « supersize » plus bourratif que raffiné.

Link, le robot

Compilation presque exhaustive de toutes les interactivités inventées par ses aînés, ce Zelda cumule les mécaniques de jeu et s’empêtre dans une froideur justement mécanique. Un Link discipliné, accomplissant sans faillir les épreuves et prouesses que l’on attend de lui depuis toujours, mais un Link robotique que même la présence à ses côtés, ou en lui, d’animaux (loup, faucon, cheval, singes, sangliers, nintendogs and cats) ne rend pas plus vivant ni même humain. Le style graphique de Wind Waker semblait une prise de risque artistique inutile à l’époque sur GameCube mais confirme, maintenant que le monde reçoit le Link pseudo réaliste réclamé, que la sincérité et la vérité du personnage existe dans l’enfance, son enfance.

Les limbes des origines

Link a un syndrome de naissance que Twilight Princess met à jour : il ne pourra et ne devra sans doute jamais être adulte. C’est toute la difficulté et l’ambivalence de ce Twilight Princess de chercher à l’être un peu, puisque la communauté le demandait, mais qui coince toujours malgré tout Link dans l’adolescence. Les signes d’une volonté de sortir des limbes, de s’auto accoucher sont pourtant là. Le seuil entre le monde de la lumière et celui du royaume du crépuscule se concrétise sous la forme d’un gigantesque triangle noir tiré tel un rideau au milieu du chemin, une « origine du monde » encore plus mystérieuse et inquiétante de près car couverte d’indéchiffrables signes cabalistiques. Pour y pénétrer, le Link fondamentalement incapable de devenir adulte, doit impérativement se transformer en loup, comme si tout acte de virilité assumé, y compris celui de l’apparition d’un système pileux, devait passer par une mutation alien. Même ainsi masqué en loup, Link doit subir, avant de franchir le pas, les railleries et avertissements quasi castrateurs d’une Midna qui renvoie à l’angoisse ressentie par le jeune mâle pubère devant la gente féminine. Une fois à l’intérieur, le loup Link utilise ses sens pour suivre, dans le tunnel obscur et claustrophobe que provoque son odorat, un filet rose le conduisant à des enfants qu’il doit libérer, arracher à l’obscurité, faire revenir à la vie. Cette mystérieuse symbolique utérine cristallise-t-elle l’impossibilité génétique de Link de passer à l’âge adulte malgré toutes les incitations ? Ou symbolise-t-elle, en général, pour une fois de façon plus sexuée, la difficulté de grandir ? A moins qu’il s’agisse là d’une aspiration à peine formulée aussitôt avortée, d’accoucher une bonne fois pour toute de son enfance.

Éternelle enfance

A décrire, les aventures de Link n’ont rien d’exceptionnelles. Quoi de plus banal qu’un jeune héros, que rien ne prédestinait, sauvant royaume et princesse épée à la main ? La majorité des RPG japonais s’appuie sur ce canevas. Pourtant, quand le petit personnage sort de sa maison en pleine nuit sous la pluie au début de A Link to The Past, ou s’embarque sur l’océan à bord de son frêle esquif dans The Wind Waker, l’émotion émerveillée ressentie par le joueur n’est pas accessible qu’aux enfants. Avec les jeux Zelda, Nintendo a réussi une manipulation tout à fait magique de la position du joueur-spectateur. Le jeu glisse si bien le joueur dans les petits souliers de Link que tous les dangers, mystères et clichés héroïques qu’un adulte devrait balayer d’un geste réducteur sont vécus avec la même importance et gravité premier degré qu’on imagine un enfant éprouver devant l’épreuve. Le joueur traverse l’aventure à la hauteur de l’enfant Link. Ni débilitantes ni infantilisantes, les aventures de Link communiquent au joueur des émotions puisées dans l’enfance sans pour autant lui enlever sa maturité d’adulte ou de jeune adulte. On le sait, les péripéties de Link sont ainsi nées des souvenirs d’enfance de Shigeru Miyamoto lorsqu’il s’amusait dans les bois, et tous les jeux Zelda ont continué à développer cette qualité émotionnelle qui ne peut être vécue que par un enfant. Quelles émotions devraient provoquer un Link devenu vraiment adulte ? Pourraient-elles encore être fidèles aux souvenirs de jeux d’enfance de Shigeru Miyamoto à l’origine de la saga ? Les tentatives de transformer Link en jeune adulte n’ont été jusque là que temporaires voire masquées. Et celle, plus affirmée, de Twilight Princees, prouve la sècheresse que provoque sur le jeu la mutation.

Jeux de masques

Dans Ocarina, un Link enfant et un Link presque adulte cohabitaient alternativement, mais, telle une aspiration à devenir avant l’heure, le Link presque adulte était fantasmé, irréel, comme une projection probable du futur, non une affirmation du présent. Majora et son monde parallèle, faisait évoluer uniquement le petit Link enfant. En mutation, peut-être en quête d’identité parce que englué dans ce corps de garçonnet, celui-ci ci enfilait de nombreux masques et se transformait en toutes sortes d’entités. Au fond, Nintendo esquivait ainsi déjà le passage à l’âge adulte de Link. Avec son rendu en toon-shading Wind Waker assuma ouvertement une stagnation dans l’enfance. Elle fut décriée à l’époque mais finalement plus en accord avec l’origine du héros et, ce que l’on finit par comprendre en traversant avec une indifférence inquiétante Twilight Princess, sa vibration intérieure. Le Link adulte, qui ne l’est d’ailleurs toujours pas vraiment dans Twilight, ne saurait exister sans perdre sa raison d’être en tant qu’aventure interactive émotionnelle. Si Link devenait vraiment une personne adulte, tout son univers, celui d’Hyrule, ses grottes, ses fées, ses châteaux féodaux, n’auraient plus aucun sens. La charge émotionnelle, la candeur nécessaire du héros et du joueur embarqué dans l’aventure ne fonctionnerait plus. Il faudrait inventer un autre monde, plus vrai, moins fantasmé, moins contes et merveilles, moins naif. Link deviendrait alors un Conan, un Aragorn du Seigneur des Anneaux, ou même un Dante de Devil May Cry ajoutant un canon scié à son Excalibur.

Le QI entre deux chaises

Œuvre tout de même complexe, ce Zelda retrouve aussi la tradition plus fine des niveaux de lecture toujours intrigante puisqu’il est, encore une fois, impossible de distinguer les intentions volontaires ou inconscientes des créateurs. Le mot Twilight du titre par exemple, littéralement, le demi-jour, le clair-obscur, ou plus simplement, le crépuscule, évoque un entre deux. Un moment suspendu entre deux lumières, deux états. Un mot plein de mystère parfait pour décrire le destin suspendu du royaume d’Hyrule (éclairé) menacé par les ténèbres, comme celui de Link, tantôt jeune homme, tantôt loup, ou même de la petite Midna puisque en cours d’aventure, l’esprit de la princesse Zelda l’habitera.
Twilight, le crépuscule, l’heure entre deux, entre chien et loup (!), mais aussi, concernant le logiciel de jeu : entre deux consoles, la GameCube et la Wii, entre deux ères, celle d’avant et celle du futur que l’interface de la Wii esquisse. Dans le cas de la console Wii, il semblerait que l’entre deux soit plutôt du côté de l’aube que du crépuscule. La console blanche célèbre la naissance d’une interactivité et laisse sans doute derrière elle quelque chose comme l’obscurantisme moyenâgeux des balbutiements interactifs. Cet état intermédiaire souligné de toute part par Twilight Princess rappelle très explicitement que le nom de baptême de Link signifie toujours chaînon manquant, le maillon intermédiaire entre deux évolutions du temps, de la matière ou de l’esprit.

Wii, mais…

Bien entendu, la greffe tardive réussie de l’interface de jeu Wiimote + Nunchuk offre à ce Zelda le petit plus innovant qui lui permet d’être à la hauteur de la lignée. D’un point de vue technique et ergonomique, le jeu est quasi sans faille et l’on comprend, après quelques chevauchées à bride abattue et sabre au clair sur les plaines d’Hyrule que les contours au couteau de l’horizon et les textures peu détaillées sont au service d’une fluidité irréelle. Les limites graphiques auto imposées par Nintendo (pas par la console qui doit pouvoir faire mieux si l’on se rappelle le chatoyant Starfox Adventures de Rare aux premières heures de la GameCube) permettent à Link de se battre avec de nombreux ennemis à l’écran, de les faire exister très loin dans l’horizon (goblins, rapaces et autres bizarreries de la nature sauvage). L’accès instantané à un équipement plus copieux que jamais comme aux transformations immédiates en loup en disent long sur l’orientation du travail de Nintendo. Tout est au service de l’ergonomie, de la véracité des gestes et de l’instant. A ce titre, et à celui de la conception des donjons (même quand leur résolution est trop technique), Twilight Princess est sans égal et conforme à la philosophie Nintendo qui affirme et démontre avec la Wii que le jeu est plus dans le geste que dans l’apparence. Mais Zelda reste un cas à part. Jusqu’à cet épisode bâtard entre la GameCube et la Wii, les jeux Zelda ont toujours proposé, de la 2D à la 3D, une fusion cohérente et hors norme entre une interactivité fignolée et des visuels repoussant les limites attendues, dans son propre univers (les plaines de OoT, l’océan de WW) et dans le contexte technologique de la console du moment. Sur Nes comme sur SuperNes et N64. Même le doublon Majora’s Mask sur Nintendo 64 profitait, à son détriment vu les ralentissements, de l’Expansion Pack ajoutant un surcroit de puissance d’affichage au jeu. Tout au service de son optimisation fonctionnelle, la nature figée du royaume d’Hyrule fait regretter les palpitations du monde terrestre et maritime de Wind Waker où le vent prêtait vie au moindre brin d’herbe sur une GameCube alors au firmament. Contrairement à tous ses prédécesseurs, précurseurs tout en restant fidèles à leurs origines, ce Twilight Princess regarde tellement vers le passé, que même les incursions technos du royaume du crépuscule (où la technologie du futur représente LA menace de l’ordre des choses immuables) ne permettent pas d’apercevoir le futur de Link. A moins que la puissance graphique d’une Wii 2 alliée à une Wiimote next-gen réinsuffle la vie qu’il manque désormais cruellement au monde d’Hyrule. Rendez-vous dans cinq ans ?

François Bliss de la Boissière

(Publié le 22 décembre 2006 sur Overgame.com)

 


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Prey : prescience de l’immersion

Assurément, Prey n’est pas un FPS comme les autres. Un constat vérifiable même sans jouer en relevant les écarts d’appréciations au sein de la critique anglo-saxonne.

Prey mini

L’inquiétante disparité des avis s’éclaircie toutefois quand on comprend que les réserves proviennent essentiellement des spécialistes du genre FPS. Souvent arc-boutés à leurs PC comme derrière une mitrailleuse, ces pratiquants ne jaugent visiblement un FPS qu’au sens sportif strict, sur le degré de résistance que leur procurent les gunfights.
Une des qualités principales de Prey est de justement ne pas s’intéresser à ce besoin de prouesse physique là. Le jeu préfère cultiver la science de l’immersion, de la manipulation psychologique, la personnalité des protagonistes (très bonne VOST), le rythme de l’aventure, la cohérence de l’enchaînement des séquences et des décors. Comme Halo avec son bouclier rechargeable, Prey s’invente un système de récupération d’énergie intimement lié à son scénario et à ses aspirations mystiques. Dans le jargon du hardcore gamer cela veut dire « vies illimités », une hérésie donc. Pour tous les autres candidats cela signifie, enfin et sans connotations péjoratives déplacées : accessible. L’intérêt de Prey est donc volontairement ailleurs.

Dans le déroulement de son histoire qui transforme peu à peu une série B en épopée personnelle : séquestré dans un vaisseau alien abattoir à humains, un indien d’Amérique en rupture de ban devra renouer avec son héritage spirituel Cherokee pour espérer retrouver sa fiancée. Dans le raffinement d’un level design particulièrement pensé par Human Head Studios où il faut jouer avec les lois de la gravité ou franchir des « portails » zappant instantanément d’un endroit à l’autre. Le jeu ouvre ainsi des perspectives ludiques vraiment inédites. Preuve ultime que Prey tient l’idée en passe de devenir de facto une nouvelle étape dans l’évolution du FPS, le respecté studio Valve vient d’annoncer un chapitre Portal exploitant cette trouvaille à la fois technologique et de game design pour la suite de la saga Half-Life 2.

François Bliss de la Boissière

(Publié en septembre 2006 dans Chronic’art)

 


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Cloning Clyde : douce schizophrénie

Après plusieurs mois sans nouveauté, le service Live Arcade de la Xbox 360 a vu arriver un jeu par semaine cet été. Parmi les grands classiques (Pac-Man, Galaga, Frogger, Street Fighter II Hyper Fighting), l’inédit Cloning Clyde est à découvrir d’urgence. C’est facile, tous les jeux disponibles en ligne sont jouables gratuitement en version limitée (et ne coûtent, comme Cloning Clyde, que 10 € l’achat pour la version complète).

Cloning Clyde
Qu’est-ce donc que ce Cloning Clyde ? Sur la forme, un jeu de plate-forme-réflexion où il faut sortir du niveau avec le plus de congénères « clonés » possibles. Les personnages se dirigent alternativement et leurs aptitudes variables servent à débloquer les différents mécanismes qui entravent le trajet vers la sortie. Le tout se joue en coupe de profil dans un univers graphique cartoon en volume parfaitement adapté à l’ambiance souhaitée. Le gameplay rétro et parodique rappelle, en plus décontracté, les Lost Vikings de la SuperNintendo (92). Avec sa maîtrise technique et son game design réfléchi le jeu respecte complètement le joueur appliqué mais s’apprécie vraiment grâce à son 2e degré. Le principe de démultiplication du personnage conduit, via des petits messages dans le décor, à des dialogues entre le moi et le surmoi de Clyde qui entraînent le joueur dans une douce schizophrénie. Et les mutations nécessaires du rigolo, et fou de kung-fu, Clyde avec des animaux (poule, mouton, singe, grenouille…) ou, franchement plus explosif, avec un tonneau de poudre, déclenchent des soubresauts de burlesque totalement jubilatoires.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’Art)

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


Brothers in Arms : Road to Hill 30/Mario Party 6/Robots

Sélection rapido des sorties JV du numéro de MAI 2005 de Première quand le mensuel du cinéma croyait encore à une critique du jeu vidéo dans ses colonnes. Que l’équipe rédactionnelle d’alors en soit ici remerciée.

Robots

Brothers in Arms : Road to Hill 30

Dans la lignée de la série TV Band of Brothers produite par Spielberg (2001), le joueur endosse le destin d’un jeune Sergent US parachuté en pleine campagne normande au lendemain du Débarquement. Narrée en flashback, l’histoire retrace le journal personnel du soldat. Décidément singulier, ce jeu de guerre presque humaniste impressionne autant pour son système de jeu tactique cérébral que par sa force émotionnelle subjective. (PS2, Xbox, PC,Ubisoft. Pegi 16 ans).

Mario Party 6

« Vas-y ! Plus fort ! Poussez ! Vers l’avant ! Vers l’arrière ! Saute ! »… Nintendo deviendrait-il hardcore ? Non, bien sûr. Mais malicieux, oui, grâce à l’inclusion d’un microphone et donc de jeux basés sur des commandes audio ! Quiz, courses d’obstacles, et même séances de tirs bon enfant commandés par la voix rappellent, même aux habitués de ce jeu de l’oie avec gages interactifs, à quel point le jeu vidéo a quelque chose de fondamentalement magique.
 (NGC, Nintendo)

ROBOTS

La sympathie du design retro futuriste du film de Chris Wedge est si forte que la prise en mains peu précise de Rodney s’excuse éventuellement sur consoles de salon. D’autant que cette petite production interactive fait l’effort d’offrir un mixe aventure/action/plate-forme plutôt variée, à défaut d’être originale. De quoi contenter les plus petits, mais aussi écorcher les oreilles des adultes avec des dialogues vraiment insipides.
 (PS2, NGC, PC, Sierra.)

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Splinter Cell Chaos Theory : Pattes de velours

L’espion Sam Fisher adopte une attitude plus féline et donc plus accessible que son aîné Metal Gear Solid et, validé par l’écrivain Tom Clancy, se prend très au sérieux.

Splinter Cell Chaos Theory

Pourtant, les missions d’infiltration (campement, cargo en mer…) contredisent des jeux d’ombres et de lumières plus propices à la mise en scène qu’à un vrai réalisme des situations. De même, le malin radar signalant le degré de discrétion sonore du héros dans le décor perd sa crédibilité quand l’espion se soigne en poussant un gros soupir sans attirer l’attention… L’ensemble de la production force néanmoins le respect grâce au mode coopératif jouable en ligne, aux bruitages d’ambiances, et à la bande musicale signée Amon Tobin.

  • Splinter Cell Chaos Theory. Xbox, PS2, NGC, PC, Ubisoft (Pegi 16 ans).

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Star Wars Republic Commando : Sur tous les fronts

Six films en salle, mais surtout plus de 50 jeux vidéo depuis 1991, la guerre des étoiles n’a jamais eu de trêve. Games vs ciné : qui influence qui ?

Star-Wars-Republic-Commando-PC

L’empire de George Lucas a depuis longtemps investi la galaxie jeux vidéo. Dans les années 80, il a même été le berceau de jeux d’aventure cultes (Monkey Island, Grim Fandango…). Les années 90 ayant eu raison des efforts créatifs, la branche LucasArts a rallié la force du marketing. Au point que l’on soupçonne les scènes d’action des films de la nouvelle trilogie d’être conçues aussi, et peut-être surtout, pour être exploitables en jeu vidéo, telle la fameuse course de Pods de Episode I.
Parmi la multitude de jeux SW, le récent « Knights of The Old Republic II » (PC, Xbox) reste une des meilleures variations grâce à son mélange jeu de rôle et action. Mais en attendant le jeu officiel du film mis au secret jusqu’au 5 mai, le jeu d’action-tir en vue subjective « Republic Commando » retient l’attention. Sombre et militariste, prenant des libertés avec l’univers ultra balisé de Star Wars (pas de générique rituel), le jeu permet de contrôler sans trop d’effort une escouade de 4 militaires équipés pour blaster droïdes, aliens et autres clones de l’Empire.

  • Star Wars : Republic Commando. PC, Xbox, Activision (textes et voix en anglais).

François Bliss de la Boissière

(Publié en mai 2005 dans le mensuel Première)

 


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Metal Gear Solid 3 : Snake Eater/Project rub/The CHRONICLES OF RIDDICK : ESCAPE FROM BUTCHER BAY

Sélection rapido des sorties JV du numéro d’avril 2005 de Première quand le mensuel du cinéma croyait encore à une critique du jeu vidéo dans ses colonnes. Que l’équipe rédactionnelle d’alors en soit remerciée.

Project Rub

Metal Gear Solid 3 : Snake Eater

Jeu d’auteur/star japonais réalisé avec un budget de super production, MGS3 jette le ramboesque Solid Snake en pleine jungle. Encore plombé par une ostentatoire mise en scène, ce 3e volet mélange spectacle grand public et jeu d’action-infiltration hyper pointu où il faut, cette fois, subvenir à ses besoins en chassant ! Hypertrophié, ardu, et incontournable.
 (PS2, Konami, Pegi 16 ans).

Project rub

Formidable premier exemple des situations de jeux tactiles possibles sur la nouvelle console Dual Screen de Nintendo, cette compilation de minijeux réunie autour de l’idée de séduire une jeune fille par ses prouesses au stylet, surprend à chaque seconde. Immergé dans un design 70’s très réussi, gratter le dos de sa copine, souffler sur les bougies (micro capteur intégré), danser avec elle, ou même lui tenir la main en balade, ravit et interpelle à coup sûr.
 (NDS, Sega).

The CHRONICLES OF RIDDICK : ESCAPE FROM BUTCHER BAY

Les adaptations réussies de film en jeu vidéo sont si rares, qu’après l’excellente version Xbox, il ne faut surtout pas rater cette édition PC, d’autant qu’elle contient un système inédit de commentaires des réalisateurs. Jeu d’action et de tir en vue subjective supervisé par un Vin Diesel très concerné, cette aventure sombre, bien jouée (acteurs originaux en VOST) et inédite, puisqu’il s’agit d’une prequel aux films, suit l’évasion de Riddick d’un pénitencier galactique. (PC DVD-Rom, (Director’s Cut), Sierra, Pegi 16 ans) [ P4 1,8 GHZ minimum].

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 


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Gran Turismo 4 : Divas

Dès la religieuse introduction par un cœur d’opéra, nous sommes entraînés ailleurs, dans la « zone » d’un créateur obsessionnel : Kazunori Yamauchi.

gran-turismo-4

Quand la caméra tourne amoureusement autour d’une étincelante Ford GT posant devant les décors fabuleux du Grand Canyon, de New York ou de Paris, la transcendance de l’expérience s’impose. Par définition une simulation de course automobile, la série Gran Turismo revendique avec ce 4e chapitre plus fourni que jamais (700 véhicules, 50 variations de circuits) son fétichisme contagieux. En jouissant des replays hypnotisant de réalisme classieux (sur du Bach ou du Liszt), du système de pilotage télécommandé multi caméras façon réalisateur, et du plaisir de photographier les engins en pleine action (résultat imprimable !), on finit par comprendre que l’indestructibilité irréaliste des voitures entérine leur statut d’engins mécaniques élevés au rang de divinités.

  • Gran Turismo 4. PS2. (Sony).

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 


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Oddworld : La Fureur de l’Étranger : Le cas Eastwood

Enterrée dans Impitoyable (92), l’ombre du cow-boy Eastwood hante désormais le nouvel Eldorado du jeu vidéo. Game vs Ciné: qui influence qui ?

Oddworld Stranger's Wrath

En 2004, le remarqué Read Dead Revolver (RockStar) lui donnait officieusement la vedette en porteur de poncho à la voix traînante. Mais c’est dans le récent jeu d’Oddworld Inhabitants que l’hommage prend un nouveau sens. « L’Étranger est un croisement entre un gorille, un Minotaure et Clint Eastwood » ose Lorne Lanning, ancien de l’image de synthèse d’Hollywood, patron créatif du studio. Chasseur de prime malgré lui, il n’aime pas les flingues et utilise une arbalète dont les munitions sont des créatures vivantes aux aptitudes diverses (les abeilles piquent, par exemple). Aussi original que respectueux de l’iconographie cinématographique, ce western animalier réussit un inédit cocktail technique, pastiche et artistique. Quant à Eastwood, le vrai, il a donné le feu vert à Warner pour un jeu Dirty Harry auquel il prêtera ses traits et sa voix. La vraie, elle-aussi.

  • Oddworld: La Fureur de l’Étranger. Xbox. (Electronic Arts).

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 



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Dead or Alive Ultimate/Rumble Roses : Poupées virtuelles

L’industrie le reconnaît volontiers, le jeu vidéo est encore dans l’adolescence. C’est pourquoi il faut regarder avec tolérance ses excès et errements. Notamment quand il donne la vedette à des héroïnes grossièrement bimbos. Comme ailleurs il s’agit alors de distinguer le produit racoleur du sincère.

Dead or Alive Ultimate

Dans le catalogue de l’éditeur japonais Konami, la simulation de catch Rumble Roses découle par exemple d’un calcul marketing : féminiser les populaires jeux de catch pour tenter un succès. Le résultat : des poupées gonflées malhabiles dans un festival de positions explicites. Le Dead or Alive de Tecmo, en revanche, a fait le chemin inverse. Vrai jeu de combat cherchant à se faire remarquer, le studio eu l’idée maligne dès 1997 de donner à ses guerrières des formes généreuses. Pari réussi et réinvesti depuis dans des extensions de plus en plus abouties. Cette Ultimate édition, désormais jouable en ligne sur Xbox, compile les premiers épisodes et rehausse aux normes techniques d’aujourd’hui le deuxième épisode. Sexy, oui, mais honorable.

  • Dead or Alive Ultimate. Xbox. (Tecmo)
  • Rumble Roses. PS2. (Konami).

François Bliss de la Boissière

(Publié en avril 2005 dans le mensuel Première)

 


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Fahrenheit : Le cinéma émergeant de David Cage

Angel Heart, L’échelle de Jacob, Le Silence des Agneaux, Seven… David Cage assume les influences du cinéma mais revendique la singularité du jeu vidéo…

Fahrenheit

Jeu et cinéma : frères ennemis

Bliss : Pourquoi ne pas confier la mise en scène des séquences non interactives souvent malhabiles dans les jeux vidéo à un metteur en scène de cinéma (ex. : Florent-Emilio Siri de Nid de Guêpes pour Splinter Cell) comme on confie la musique à un compositeur chevronné ?

David Cage : Malgré ce qu’on pense, il y a peu d’outils qui permettent aux metteurs en scène de travailler de manière efficace. Les gens de talent n’ont pas trop envie de s’embêter à comprendre comment marche la technologie, n’ont pas envie de travailler sur Maya, sur des outils obscurs et incompréhensibles. Notre industrie a pour l’instant échoué à créer des outils simples d’accès qui permettraient de faire de la mise en scène. Ce sont des choses sur lesquels nous travaillons avec Movie Maker, un logiciel de mise en scène de notre cru. D’autre part, quand les gens du cinéma font du jeu vidéo, ils viennent avec leur budget de cinéma. Ils n’ont pas encore totalement intégré que le jeu vidéo a un budget 10 ou 50 fois inférieur à celui d’un gros film. Ils n’ont pas intégré non plus que si le nom de Ridley Scott sur l’affiche d’un film va attirer le public et faire des entrées, autant sur la boite d’un jeu cela ne changera rien. C’est un plus créatif, le jeu en serait meilleur, mais ça ne vendrait pas forcément des boites. Ce sont donc des rapprochements difficiles. Pour revenir à la mise en scène des jeux vidéo… Elle vaut ce qu’elle vaut, mais je pense vraiment qu’on est en train d’inventer le langage, peut être brouillon, plus ou moins réussi en fonction des gens, quelque chose qui sera inspiré du cinéma mais qui ne sera pas du cinéma. Et, effectivement, le cinéma va de plus en plus s’inspirer du jeu dans sa mise en scène, parfois en copiant même ses défauts, c’est assez étonnant. Mais c’est intéressant, tant mieux.
Sur le projet abandonné du jeu Fahrenheit basé sur le format d’une série télé, je voulais faire appel à un réalisateur différent pour chaque épisode, avec l’ambition d’attirer différents collaborateurs et les intéresser. Je suis persuadé que quand ils découvriront ce qu’on peut faire en temps réel, la plupart des réalisateurs de films ne voudront plus jamais faire du cinéma et resteront dans le jeu vidéo.

Concepteur + joueur = Contrat de confiance

Si le joueur cherche ses marches de manœuvres dans un jeu, le concepteur aussi. Le juste milieu, pour David Cage, repose sur la mise en condition…

Bliss : Comment fonctionne ce procédé dit de narration émergente où un joueur croit influer sur le cours de l’histoire ?

David Cage : Le gros principe est que le joueur ne peut pas faire n’importe quoi dans le jeu. Il a des limitations. Tout l’art de l’illusion consiste à lui donner un contexte précis et fort dans lequel il va avoir le sentiment de faire ce qu’il veut. Mais en fait il est extrêmement contraint par le contexte. Donc quand mon type, Lucas Kane, est dans les toilettes avec le cadavre à ses pieds au début de Fahrenheit, il a le sentiment de pouvoir faire ce qu’il veut alors que moi je l’ai contraint à ce qui est logique dans ce contexte çi, comme, par exemple : de se laver pour enlever le sang sur le visage, ou de cacher l’arme du crime, ou le cadavre, de sortir, d’essayer d’être discret… Je lui donne une latitude que je contrôle. Par contre, s’il a envie de sortir par la fenêtre ou de se mettre la tête dans la cuvette des toilettes, de monter sur une table et de chanter une chanson, il ne peut pas le faire. Mais ça ne gène pas le joueur parce que j’établis un contrat avec lui au début du jeu en disant : « Voilà, tu es libre dans le cadre du contexte, et tant que tu respectes ce contrat, ça marche ». Mais la pire chose que l’on puisse faire en terme de game design est de montrer pendant 10 scènes que chaque fois qu’il y a une porte le joueur peut l’ouvrir alors que, brusquement, il y aura une porte qu’il ne pourra pas ouvrir parce qu’elle n’est pas « animable ». Là vous rompez le contrat. Vous établissez un lien de confiance avec l’utilisateur en lui donnant les règles et en les respectant. Au moment où le contrat se rompt et où les règles sont brisées, l’utilisateur ne croit plus en ce que vous lui racontez. C’est à ça qu’il faut être vigilant.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Nomad Soul : Le vague à l’âme de David Cage

Sorti en 1999 sur PC et Dreamcast, le 1er jeu du studio Quantic Dream a été long à accoucher mais fait désormais partie de la grande histoire du jeu vidéo…

The Nomad Soul

Bliss : Avec le recul, quel regard avez-vous sur votre premier jeu The Nomad Soul ?

David Cage : Je suis agréablement surpris de l’image qu’il a aujourd’hui. À l’époque nous étions des petits français essayant bon an mal an de faire ce qu’on croyait être bien. Et puis le magazine américain EGM (Electronic Gaming Monthly, n°1 des ventes aux USA, environ 400 à 500 000/mois, ndlr) a classé Nomad Soul parmi les 40 jeux qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo à côté de trois autres jeux français et de très très grands comme des Zelda, des Mario ! Nous sommes arrivés à un stade où on a l’impression que c’est presque le jeu de quelqu’un d’autre. Beaucoup de gens se le sont approprié. C’est étrange et agréable. On a souvent à faire à des gens qui nous écrivent en connaissant le jeu presque mieux que nous. Il y a une communauté sur le net qui discute d’un hypothétique film The Nomad Soul. Des gens nous écrivent tous les jours pour nous réclamer une suite… Affectivement j’y reste très attaché. C’est le jeu que je voulais faire, le seul que j’ai fait pour l’instant. Il a plein de défauts mais aussi plein de choses que je voulais faire ou dire sur lesquels les gens ont percuté. Quelqu’un me demandait récemment s’il existait des jeux avec un message politique et je me suis rendu compte qu’il y en avait un dans Nomad Soul. J’en suis assez fier, comme aussi d’une scène particulière relevée par certains journaux. Une scène toute bête où le joueur parti depuis plusieurs jours rentre chez lui quand sa femme, qui le croyait mort, se jette dans ses bras. Une vraie scène de tendresse s’ensuivait où elle lui caressait la joue, ils s’embrassaient et allaient dans la chambre faire l’amour. Je ne m’en rendais pas compte en le faisant. Mais quand je vois le retour des gens depuis, combien cette scène où un personnage manifeste une émotion pour un autre a marqué par rapport à la majorité des jeux vidéo. J’aspire à aller dans cette direction.

Bliss : La pression de faire un Nomad Soul 2 est-elle importante ? 


David Cage : On y travaille, mais on sait qu’on va devoir batailler pour convaincre les éditeurs parce que c’est de la SF et aujourd’hui ce n’est pas le truc le plus simple à vendre dans le jeu vidéo. Les éditeurs vous disent : « ce qui marchent ce sont les jeux avec la mafia, tu conduis des voitures et… », enfin, vous voyez, ils sont toujours des grands visionnaires… Mais on a vraiment des idées autour d’un Nomad Soul 2 et on en a envie.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Fahrenheit : David Cage et les épisodes abandonnés

Précurseur ou un peu fou, avant de se résigner à adopter une forme narrative classique, David Cage avait envisagé de créer et vendre un jeu à épisodes. Ses explications…

fahrenheit

Bliss : Qu’est devenu le concept original à épisodes de Fahrenheit ?

David Cage : Vivendi a changé d’avis juste au moment de signer ce projet d’épisodiques. Ils regrettent un peu maintenant de ne pas avoir eu le courage d’aller sur ce format à l’époque. Mais le marché n’est pas prêt à ça. La division en épisodes posait d’énormes problèmes vis-à-vis des consoles. On doutait de notre faculté à convaincre les constructeurs de consoles de vendre des jeux moins chers sur leur machine et donc de réduire leurs royalties. On doutait aussi de l’intérêt du distributeur à placer sur son linéaire un jeu qui serait vendu moins cher qu’un jeu vendu au prix normal. On doutait aussi de la logistique qu’il fallait mettre en place en terme de livraisons, de stockages, etc. On a eu vraiment peur.

Bliss : Il n’était pas question de le vendre en ligne, en téléchargements ?

David Cage : Si, mais aujourd’hui personne n’arrive à justifier ce business modèle et à vendre un produit réellement en ligne. Donc c’est une vraie question qui reste ouverte et que j’ai envie de continuer d’explorer. On y travaille activement puisque tous les grands constructeurs de console auront sur leurs prochaines générations de consoles au moins du haut débit et du disque dur. Et que faire avec ce matériel ? Évidemment, entre autre, du download épisodique.

Bliss : Le jeu garde-t-il encore des traces de cette structure initiale ?

David Cage : J’ai tout reformaté. L’arc narratif n’est pas du tout le même en épisodes que sur un long métrage. Sous forme d’épisode c’était vraiment écrit avec ce qu’on appelle un « hook », c’est à dire une amorce forte, pour terminer sur un cliff hanger avec des climax utilisés au bon moment dans l’épisode. Moi je l’avais vraiment écrit, formaté, façon série télé, en respectant toutes les règles. Évidemment quand le format change et bien ça s’écroule. Il en reste le bon côté, le jeu est assez diversifié et rythmé. On a conservé aussi quelques histoires parallèles. Des endroits dans le jeu où on suit la vie personnelle de personnages dans leur relation avec leurs proches, leur travail, etc. Des séquences comme ça qui, à mon avis, enrichissent le récit.

Propos recueillis par François Bliss de la Boissière

(juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Gran Turismo 4 « Prologue » : 
L’expérience sans prix

Gran Turismo est la 1ère et seule simulation automobile à avoir revendiqué et à toujours mériter le qualificatif de Real Driving Simulator. Même si encore une fois les voitures restent indestructibles et les pilotes absents.

gran-turismo-4-prologue logo

Oui ce techniquement impeccable GT4 Prologue n’est que le… préambule du jeu complet et en ligne à venir. Oui, ce produit concept comme l’était GT Concept l’année dernière est cher par rapport à l’orgie mécanique inventée et fournie par la série Gran Turismo elle-même. Mais qui connaît le prix d’une dose fulgurante d’expérience humaine ? Combien coûte un vrai saut en parachute ? Combien vaut une séance de conduite effrénée sur les rives rocailleuses du Grand Canyon à bord d’une Mitsubishi Lancer Evolution IV survitaminée ? Un slalom en plein cœur de New York au volant d’une Dodge Viper GTS à la carrosserie aussi lumineuse que les néons de Times Square ? L’hypnose de challenges à la précision supra normale où la vie est suspendue à un monde mécanique morcelé en centièmes de secondes valant de l’or ?
A la manette vibrante ou au volant retour de force, piloter un des véhicules hyper-réalistes modélisés par le studio japonais Polyphony Digital relève d’une expérience qui va plus loin que le jeu vidéo. En engageant le corps tout entier cette simulation là interroge le réel. Elle fait croire à l’inaccessible, créé des souvenirs tangibles, une mémoire physique là où n’existe que des pixels et des polygones informatiques. Gran Turismo réussit à créer l’illusion d’un vécu magnifique, noble et rigoureux. Un bref instant de vertige impérial qui n’a pas de prix.

François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 prévu pour le mensuel mort né GameSelect)

 


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Full Spectrum Warrior : Les tics de la guerre

Jeu public conçu pour l’armée US, Full Spectrum Warrior mérite toutes les suspicions morales et politiques. Contre toute attente, il remet avec intelligence de la dignité dans le grand désordre militaire qu’offre avec complaisance l’industrie du jeu vidéo. Preuve glaçante d’un médium assez irresponsable pour accepter sans discussion l’Armée en son sein, et pour lui laisser un discours de la raison.

Full Spectrum Warrior

Au commencement de chaque conflit armé proposé par un jeu vidéo ou un autre, qu’il soit sérieux ou fantaisiste, qu’il se veuille politiquement correct ou assume son révisionnisme revanchard, la célèbre question du soldat John J. Rambo à son mentor le Colonel S. Trautman est tacitement posée : « Cette fois-ci, on y va pour gagner ? » Évidemment oui. Et pour le faire bien, on offre au joueur un arsenal et des capacités invraisemblables. L’interface 3D la plus moderne du jeu vidéo est même née de là avec un Wolfenstein tristement célèbre, où le joueur fonçait dans un bunker nazi terminer le travail « inachevé » en 1945 en tuant Hitler de ses propres mains. Le succès inattendu d’un tel jeu, underground en 1992, reste sa meilleure excuse. Au XXIe siècle cependant, tous les conflits vidéoludiques ont lieu au grand jour, sont traités et vendus comme des productions à grand spectacle, soit disant dignes de la grande Histoire où ils puisent leurs péripéties. Pourtant, malgré toutes les cautions historiques et cinématographiques justifiant l’industrie du jeu vidéo, et même en attribuant aux scénaristes et concepteurs la volonté de respecter scrupuleusement les faits historiques, l’interactivité dite de loisirs, oblige ontologiquement à modifier le cours des évènements. Car il y a les faits objectifs connus, et il y a le joueur qui doit pouvoir agir et changer le cours des choses, sinon dans son ensemble – on ne propose pas de gagner une guerre historiquement perdue, mais sûrement dans le détail avec des moyens plus ou moins ouverts et farfelus pour gagner. Bien que le joueur endosse le rôle et le costume d’un soldat, sous prétexte de liberté interactive, son comportement le condamnerait le plus souvent à un tribunal militaire.

À vos ordres

Commandité et validé par l’Armée US à un studio de développement américain, jetant deux escouades militaires surentraînées dans un pays fictif du Moyen-Orient qui ne trompera personne, simulation militaire réaliste supposément destinée à l’entraînement ou à la distraction des troupes américaines avant de devenir aussi un produit commercial, Full Spectrum Warrior ne pouvait être qu’un instrument de propagande. Son gameplay extrêmement concentré, sa rigueur conceptuelle et sa réalisation au spectaculaire habilement soumis à la discipline d’une simulation militaire sans fard, crèvent tous les repères et redonnent une noblesse à l’exercice de la guerre au-delà de la pseudo carthasis interactive proposée, au mieux, par tous les autres jeux de guerre. Si propagande il y a derrière FSW, ce sera celle de rappeler que la guerre du XXIe siècle telle qu’elle est enseignée et officiellement pratiquée, ne souffre d’aucune négligence et surtout, ne tolère aucune mort. En tous cas du côté de l’armée des « justes », puisque l’on ne choisit pas son camp.

Du plomb dans la tête du joueur

La réussite troublante du fond et de la forme de FSW repose sur une série de paradoxes propres à remettre du plomb dans la tête du joueur facilement ébloui par les feux d’artifices de l’artillerie militaire. FSW brouille les repères physiques et moraux habituels du jeu vidéo. Contrairement à un jeu de stratégie temps réel, la caméra est avec les soldats, mobile, au ras du sol. Contrairement à un jeu d’action standard, le joueur n’investit pas un soldat en particulier, n’appuie jamais sur la gâchette : il dirige deux groupes de 4 fantassins maîtrisant, eux, parfaitement leur métier de militaire. Les chiens fous pressés d’en découdre n’ont pas leur place dans cette armée de techniciens et de tacticiens. Avec une organisation rigoriste des missions visiblement inspirée de véritables exercices militaires, FSW oblige à prendre son temps, à planifier alternativement, et au mètre près, les déplacements de ses deux escouades dans une ville désertée. Le traditionnel point du vue divin des RTS est abandonné pour plaquer le joueur au cœur de l’action avec une mise en scène subjective façon caméra embarquée complètement inspirée par le film La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, esthétique de couleurs saturées et musique à la Hans Zimmer incluses.

Le cerveau la meilleure arme

Chaque décision compte, et le cerveau est sans doute la première arme que l’on demande d’exploiter. Évidemment pas pour porter un jugement sur la validité de la guerre menée, un soldat reste un soldat, mais pour assurer une victoire de chaque instant de guerre. De fait, tout en offrant une expérience de jeu unique, et sans tomber dans la caricature de la discipline militaro-boy-scout décérébré, FSW redessine des valeurs essentielles (la vie, la mort, la réflexion, la camaraderie, l’entraide, l’autodiscipline…) que le jeu vidéo piétine allègrement depuis toujours. Ce jeu là ne crée certainement pas une conscience vis à vis d’un monde encore soumis à la dictature militaire, en revanche il revalorise un minimum la dignité et le comportement humain et, ce faisant, offre au jeu vidéo une éthique qui lui fait gravement défaut. Il faudra alors un jour s’expliquer sur une industrie du jeu vidéo assez folle pour laisser l’Armée elle-même venir lui faire la morale, de l’intérieur.

François Bliss de la Boissière

(Juin 2004, inédit prévu pour le mort né mensuel GameSelect)

 


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Beyond Good & Evil : made in France

Le souvenir des échecs de la french touch fait encore peur ? Grosse erreur, la qualité à la française existe bel et bien comme le prouve le nouveau projet du créateur à succès de Rayman. Il est donc temps de revendiquer l’héritage multiculturel français.

Beyond Good & Evil

Le créateur de Rayman et auteur de cette belle et nouvelle aventure interactive l’avoue dans une interview (1) : le jeu actuellement disponible en magasin sur PS2 et PC en France (Xbox et GameCube en 2004) pourrait s’appeler Beyond Good & Evil 2 ! Suite à l’échec commercial (mais pas artistique) d’un Ico sur PlayStation 2 qui utilisait la même idée de coopération entre le personnage principal et un acolyte que BG&E, puis la sensation persistante que, malgré leurs succès, des jeux comme Zelda : Ocarina of Time sur N64 ou The Wind Waker sur GameCube ne correspondent plus vraiment aux goûts du grand public, Michel Ancel a pris la décision courageuse, mais peut-être discutable, de modifier son jeu.

BG&E v2

Alors qu’il était quasiment terminé il y a 18 mois, Ancel, en accord avec son éditeur Ubisoft, a donc fait des ajustements assez sévères pour qualifier la mouture actuellement entre nos mains de version 2 du jeu ! Design plus « sérieux » et donc moins cartoon de l’héroïne devenue aussi plus masculine, concentration de l’histoire et des dialogues, allégement des puzzles « freinant » la progression? De la même façon qu’il dénonce le statut d’auteur sur lequel Ubisoft s’est appuyé pour promouvoir BG&E, Michel Ancel – pourtant le seul concepteur de jeu vidéo français ayant connu un vrai succès international et pouvant prétendre à une notoriété – préfère le pragmatisme commercial à l’orgueil de star qu’il pourrait être. Relevons tout de même que la décision forcément coûteuse de remettre son projet sur l’établi pendant un an et demi semblant lui appartenir en propre, Michel Ancel a bien, malgré ses dénégations, un statut d’auteur. Qui d’autre a le final cut dans l’industrie du jeu vidéo ? Un statut d’auteur aux mains libres conforté par un titre un peu obscur à connotation philosophique (2), un scénario assez poussé et, malgré une accessibilité tout public, une ambition socio-politique qui sort du cadre habituel du jeu vidéo.

Ne dites plus « french touch »

Suite aux trop nombreuses faillites de studios français spécialisés dans le jeu vidéo ces dernières années, le qualificatif de french touch est devenu tabou en France comme il était ambigu à l’étranger. Et c’est sans doute une erreur car, comme le montre le jeu de Michel Ancel, la touche française existe bel et bien, parfois pour le pire mais, ici, pour le meilleur. BG&E a en effet les qualités et les défauts bien connus des jeux vidéo français mais penche du bon côté de la balance : scénario à la fois original et hérité de la BD franco-belge (il y a du Tintin dans le personnage de Jade la photo reporter héroïne du jeu), lucidité politique s’exprimant via un mélange d’idéalisme naïf et de fatalisme réaliste, gameplay ambitieux limité par les moyens techniques si ce n’est financiers. Une réalisation forcément artisanale par rapport aux grosses productions japonaises comme l’est le cinéma français par rapport au cinéma américain. Rien de déshonorant, bien au contraire.

Culture made in France involontaire

Qu’ils le veuillent ou non, les créateurs de jeu vidéo français laissent toujours passer un peu de la culture française : littérature, peinture, cinéma, même quand elle se mâtine de culture manga ou comics. Et, même si les décideurs outre-atlantique froncent les sourcils, ils ne devraient pas en avoir honte car, comme le prouve la précédente réussite de Rayman et aujourd’hui le bel essai de Beyond Good & Evil, la sauce française finira bien par prendre un jour ou l’autre, peut-être même durablement. Michel Ancel le répète à son tour : « Le cinéma s’est inspiré de la photographie, les photographes des peintres, chaque nouveau médium s’intéresse forcément aux précédents. » Sans aller jusqu’à être gaulois, les créateurs français de jeux vidéo ne devraient avoir à dissimuler leur origine derrière des artifices en provenance d’autres continents. A chacun sa singularité. Car, de toutes façons, autant pour ne pas se plier au dictat habituel des gratte-ciel futuristes que pour des raisons techniques (le jeu se joue au format cinémascope et donc affiche une surface d’image réduite pour un effet, au choix, un peu chic ou un peu cheap) Michel Ancel ne peut pas dissimuler la sensibilité européenne qu’exhale l’architecture modeste du monde de la planète Hillys où se déroule l’essentiel de l’aventure.

Tout en un

Un des grands plaisir de Beyond Good & Evil est d’aller à la rencontre des nombreuses idées qui jalonnent le parcours de la jeune aventurière Jade. Même si la plupart des principes de jeu ont été déjà plus ou moins vus ailleurs, il faut apprécier une vraie volonté de faire la différence et de chercher la cohérence comme, par exemple, l’idée simple qui consiste à devoir photographier une carte affichée sur un panneau pour en garder une trace ensuite. Le rythme des séquences est assez bref et donne l’occasion au joueur d’enchaîner de nombreuses activités avant d’avoir le temps de s’en lasser : exploration, bagarres et esquives avec un bâton dit de « dai-jo », shoot’em up, courses de vitesse, infiltration, collecte d’items et de valeurs numéraires, coopération partielle avec partenaire virtuel, mini-games, Boss. Si sur PlayStation 2 le jeu a parfois des difficultés à s’afficher correctement, on peut en revanche saluer les temps de chargements allégés qui encouragent l’immersion tant convoitée.

Derrière le résultat technique parfois timide à l’écran et des emprunts trop flagrants à quelques autres références du jeu vidéo, Beyond Good & Evil exprime nettement une volonté de se démarquer, d’aller plus loin et de surprendre le joueur. Qu’est-ce donc que la french touch ? S’il s’agit d’ambition et la recherche d’une qualité à la Française, faut-il s’en cacher ? Il est même peut-être temps de s’en féliciter, voire de la revendiquer.

(1) Edge # 131.
(2) Traduction anglaise du « Par-delà le bien et le mal » écrit par le philosophe allemand Friedrich Nietzsche en 1886, et sous-titré : prélude à une philosophie de l’avenir.

Beyond Good & Evil
1 joueur
Disponible sur PlayStation 2 et PC

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2003 sur Overgame)

 


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Billy Hatcher and the Giant Egg : oeufs de ouf

Les concepteurs de jeux japonais sont fous et c’est pour ça qu’il faut les adorer. Même, et surtout, quand ils nous demandent d’enfiler un costume de poulet « légendaire » pour sauver le Pays du Matin des corbeaux. Car pour beaucoup d’entre eux, les jeux vidéo sont synonymes de joie de vivre et de légèreté. Bien heureux les Japonais.

Billy Hatcher and the Giant Egg

Être fou est assez facile vous en conviendrez, il suffit sans doute de se laisser aller. En revanche, concrétiser un peu de folie en un jeu vidéo praticable par tout le monde demande un talent hors du commun. Partir d’une idée absurde pour la rationaliser en une interactivité accessible, amusante et si possible innovante, est un double exercice de délire créatif et de rigueur technique que les Japonais semblent les seuls encore capables de faire. Et même de vouloir faire à l’heure où le marché des jeux vidéo se standardise autour de formules commerciales éprouvées. Mais tenter l’innovation ne veut pas dire la trouver.

Bêtise pour enfants

De son principe de base à peine descriptible jusqu’à la concrétisation des différents niveaux et objectifs du jeu, Billy Hatcher est, par exemple, un mélange improbable de bêtise pour enfants, de délire pop-psychédélique, de tradition et d’invention. Un peu à la manière d’un Mario Sunshine qui posait la question « et si on donnait un pistolet à eau à Mario que se passerait-il ? », la SonicTeam à l’origine de cette réalisation atypique, oblige son personnage principal à trimballer avec lui un oeuf, ou des variétés d’oeufs, pour traverser son univers. Moitié handicap, moitié atout, l’oeuf en question devient le vecteur obligatoire de tout le gameplay hérité de la tradition du jeu de plateforme. Plus il roule devant Billy plus il grossit. A terme son éclosion donne accès à des nouvelles aptitudes.

Intimité sadique

Les choses seraient presque simples s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour contrôler l’oeuf en question. Le choix sadique de la SonicTeam est d’obliger le petit bonhomme à se plaquer contre l’oeuf pour le contrôler. Au risque de voir celui-ci lui échapper. La difficulté principale repose alors sur la tentative de symbiose des mouvements de Billy et de l’oeuf devant lui. Comme il faut souvent faire des demi-tours brusques pour écraser des ennemis, sauter puis rebondir sur des obstacles, garder le contact entre les deux entités s’avère délicat. Le jeu commence là mais ne s’arrête pas là.

Tutorial tout du long

Contrairement à la plupart des jeux du moment, les créateurs de Billy Hatcher ne se sont pas contentés d’une idée principale déclinée en quelques variables pour tenir la distance. Le principe du jeu est en réalité le prétexte, la base, sur laquelle ils injectent peu à peu de nouveaux concepts de gameplay. Comme les productions Nintendo, l’ensemble du jeu est en fait un gigantesque tutorial où il faut apprendre sans cesse une nouvelle aptitude, une nouvelle manipulation. Même si le trajet du personnage est pointé sans ambiguïté dans chaque niveau, il est bien question ici d’exploration à la fois des frontières de son univers et de ses modes de fonctionnements : décors mobiles, leviers, portes à coulisses, passerelles, Boss et mini Boss, coopération avec des petits animaux? Et la collecte de quelques items bien cachés oblige à revenir faire un tour pour améliorer son score.

Entre Sonic et Nights ?

Billy Hatcher est presque aussi déconcertant à jouer qu’il est à expliquer. Décrire précisément le gameplay est aussi hasardeux que vain. Sans manette à la main, il est pratiquement impossible de vraiment comprendre ce qu’implique un jeu où il faut constamment pousser un oeuf de taille variable devant soit tout en faisant un parcours de jeu de plateforme. On peut éventuellement décrire ici et là quelques phases de jeu, évoquer un mélange entre Sonic et Nights, mais, de la même manière qu’il est impossible de saisir un tableau impressionniste en collant son nez sur les points de peinture qui le constitue, il manquera toujours le recul qui donne la vue d’ensemble.

Anti mode irresponsable

Avec son ambiance lumineuse et une candeur frôlant l’obscènité, Billy Hatcher est complètement anti mode et c’est sûrement son premier handicap. Le gameplay dynamique façon old school pourrait fort bien se passer de ses graphismes colorés qui d’ailleurs coûtent quelques ralentissements techniques inhabituels sur GameCube. Le gameplay justement, le coeur de l’interactivité tactile qui donne tout son intérêt au jeu vidéo sur console et qui disparaît peu à peu au profit de mises en scène approximatives et bâtardes?
Imaginer puis réaliser pour de vrai un jeu vidéo où le personnage enfile un ridicule costume de poulet pour tenter de sauver le Pays du Matin (Le Pays du Soleil Levant ?!) d’une obscurité permanente serait d’une irresponsabilité affolante partout ailleurs sauf au Japon. La survie du jeu vidéo comme loisir innovant et, qui sait, comme Art, ne peut que passer par cette folie où l’imagination est reine. Remercions alors sans réserve les enfantillages japonais.

PS. La chanson générique du jeu déclinée en trois interprétations selon les menus du jeu (pop instrumentale, dance-floor et vocale), est un monument de kitsch musical irrésistible. Les amateurs de Nights y retrouveront des cloches et une effervescence commune?

Billy Hatcher and the Giant Egg
1 à 4 joueurs sur un seul écran
Mode 60 Hz : oui, option au démarrage
Image 16/9 : oui automatique en 60Hz
Son : Dolby Surround Pro Logic II
Disponible uniquement sur GameCube

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2003 sur Overgame)


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