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DOSSIER 1/5 : Jouer, mode d’emploi 2003, s’initier…

Pour vous le jeu vidéo c’est … une énigme que vous aimeriez bien résoudre. Vous voulez… vous initier aux jeux vidéo.

Ce qu’il faut savoir pour commencer…

Les jeux vidéo vous en avez forcément entendu parlé. Vous connaissez des gens qui jouent, ou qui ont des enfants qui jouent. Bon sang ! Ce sont vos propres enfants qui jouent, ou votre petit frère, ou le grand, ou des amis proches, ou pire : votre petit (e) ami (e) ! Mais rien à faire, quand ils en parlent vous ne comprenez rien, ni leur vocabulaire, ni les enjeux. En jeune parent attentif vous aimeriez bien saisir ce qui passionne tant votre garçon de 12 ans. En jeune urbain célibataire actif connaissant au moins déjà la musique, le cinéma, la BD, ou des choses plus nobles encore comme la littérature, les arts plastiques, vous sentez bien qu’en faisant l’impasse sur les jeux vidéo, vous ratez quelque chose. Diable, même Libé en parle dans ses pages culturelles ! Comment s’y intéresser alors sans avoir l’air ridicule ? Comment rattraper le retard et, après tout pourquoi pas : comment commencer à jouer sans craindre le mépris de l’intelligentsia et les railleries de ceux qui s’appellent « les joueurs » ? Que vous soyez simple curieux, néophyte ou pratiquant assidu, vous trouverez dans les 5 chapitres de ce dossier quelques conseils pour mieux vivre et partager le jeu vidéo. Mais avant d’aller plus loin, faisons le point sur les fausses vérités qui collent encore aux semelles des jeux vidéo en 2003…

10 contre-vérités du jeu vidéo

1 Les jeux vidéo n’intéressent que les garçons

Vrai : Une écrasante majorité des joueurs est masculine. L’essentiel de ceux qui conçoivent les jeux le sont aussi. CQFD.
Faux : Les mœurs changent : de plus en plus de filles jouent. Il y a même des équipes féminines dans les sports électroniques.

2 Les jeux vidéo sont violents et influencent la jeunesse

Vrai : Certains jeux sont effectivement violents, c’est pour ça qu’il existe une classification (PEGI) (1) indiquée en gros sur les boites qui différencient les jeux pour enfants de ceux déconseillés aux moins de 18 ans.
Faux : Aucune observation scientifique sérieuse n’a prouvé que les jeux vidéo provoquaient des comportements anormaux, pas plus que pour le cinéma, la télévision et la musique des Sex Pistols.

3 Les jeux vidéo abrutissent et provoquent des crises d’épilepsie

Vrai : Que se soit pour travailler, regarder la TV, surfer sur Internet ou jouer, rester plusieurs heures devant un écran fatigue les yeux et la tête.
Faux : C’est une toute petite minorité de gens déjà sujets à l’épilepsie, de surcroît susceptibles d’être photosensibles, qui peuvent avoir éventuellement une crise d’épilepsie, comme en regardant les phares des voitures la nuit (2).

4 Le jeu vidéo est une drogue

Vrai : Certains « joueurs » apparemment sous l’emprise de leur passion jouent trop longtemps et trop souvent au détriment d’autres activités.
Faux : Encore une fois, aucune étude scientifique n’étaye cette assertion qui exprime avant tout le désarroi populaire devant une activité mal comprise parce que trop récente.

5 Le jeu sur PC est en voie de disparition

Vrai : L’arrivée des consoles nouvelles générations faciles à manipuler comme la PlayStation 2, la GameCube et surtout la Xbox a ébranlé le jeu sur PC si compliqué à pratiquer (configuration, installation, compatibilité…).
Faux : Le jeu sur PC est à nouveau en vedette avec l’arrivée début 2004 de jeux techniquement trop ambitieux pour les consoles (Doom III, Half-Life 2) et prouve sa capacité à évoluer avec le temps.

6 Microsoft et sa console Xbox n’ont pas l’expérience du monde du jeu vidéo

Vrai : Le marché des consoles de jeux est entre les mains expertes des japonais depuis presque 20 ans et Microsoft a fait quelques erreurs au lancement de la Xbox : manette pas adaptée, prix trop élevé.
Faux : Microsoft réalise des jeux sur PC depuis longtemps, et la (bonne) volonté et les moyens investis dans la Xbox garantissent une dynamique qui durera plusieurs années.

7 La GameCube est une console pour enfants

Vrai : Nintendo est en effet le meilleur spécialiste des jeux pour tous les âges, enfants inclus.
Faux : Les jeux Mario et Zelda ne sont pas seulement pour les enfants contrairement à Casimir. Et Nintendo édite dorénavant aussi des jeux pour public adulte (Eternal Darkness, Metroid Prime…).

8 Les jeux vidéo coûtent trop chers

Vrai : Un jeu récent coûte entre 40 € et 60 € , soit deux à trois fois le prix d’un DVD.
Faux : Contrairement à un film, un jeu vidéo n’est pas d’abord exploité et amorti en salle. Son seul revenu est celui de la vente directe en magasins. Il faut aussi savoir que le développement d’un jeu nécessite de 2 à 5 ans de travail pour plusieurs dizaines de spécialistes, voire des centaines. A quoi il faut ajouter le coût matériel en constante évolution et les royalties demandées par les fabricants de consoles.

9 L’industrie du jeu vidéo rapporte plus d’argent que celle du cinéma

Vrai : L’industrie du jeu vidéo représente, par exemple en France, 1,105 milliards d’euros contre 1,014 milliards d’euros pour le cinéma (3).
Faux : Le chiffre retenu pour le cinéma est celui de l’exploitation en salles, pas du marché de la vidéo domestique dont les chiffres cumulés dépasseraient ceux du jeu vidéo (3).

10 Les jeux vidéo ne sont pas de l’art

Vrai : De la fabrication à la distribution en passant par toutes les étapes marketings, le jeu vidéo est un produit de loisirs avant tout.
Faux : Comme pour le cinéma et la musique pop, on trouve au milieu de tous les produits formatés des jeux vidéo qui donnent une vision singulière du monde via la sensibilité et la créativité de leurs auteurs (Myst, Rez, Zelda, Ico…)(4).

(1) PEGI : Pan-European Game Information.(www.pegi.info)
(2) Enquête du CNRS d’avril 1999 (www.cnrs.fr/Cnrspresse/n373a3.htm)
(3) Chiffres année 2001. Recettes vidéo/DVD en France : 1,619 milliards d’euros. (Source CNC / Cahiers du Cinéma). Total des recettes jeu vidéo en 2002 : 24,5 milliards de dollars (Source EDGE #120 p.07).
(4) Cf Larousse : Art / Chacun des domaines où s’exerce la création esthétique, artistique.

DOSSIER : Jouer, mode d’emploi 2003…
  1. Ce qu’il faut savoir pour commencer
  2. Ce qu’il faut savoir pour jouer en célibataire
  3. Ce qu’il faut savoir pour jouer et vivre en couple
  4. Ce qu’il faut savoir pour jouer en famille
  5. Ce qu’il faut savoir pour jouer en groupe
Dossier réalisé avec légèreté par François Bliss de la Boissière

(Publié dans VSD Hors série Jeux vidéo n°2 en novembre 2003)

VSD HS Dossier jouer 2003
VSD HS Dossier jouer 2003

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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

DOSSIER 2/5 : Jouer, mode d’emploi célibataire 2003

Pour vous le jeu vidéo c’est… une envie encore insatisfaite.
Vous voulez… vous immerger dans un univers virtuel.

Ce qu’il faut savoir pour jouer en célibataire

Indépendant, lycéen aux parents tolérants, étudiant autonome, salarié célibataire, vous aimez voir un film tout seul, au cinéma comme en DVD. Une habitude de fils unique sans doute. L’expérience ne tolère aucune distraction. Romans, bande-dessinées, vous êtes capables de lire des heures assis sur votre canapé ou à la lueur de votre lampe de chevet. Malgré votre chaîne Hi-fi de qualité, c’est au casque que vous dégustez le mieux un CD audio, quitte à ne plus entendre la sonnerie du téléphone ou de la porte d’entrée. Branché, vous surfez aussi des nuits entières sur Internet. Malgré toutes vos activités vous n’avez jamais fait le petit pas qui vous sépare encore du territoire mystérieux du jeu vidéo. Vous ne cherchez pas à vous couper du monde mais vous êtes prêt à essayer, ne serait-ce que pour ne pas mourir idiot. Mais pour ne pas se dégoûter soi-même, il faut commencer en douceur. Tâtonner est légitime, la variété des jeux vidéo l’autorise. Vous devez découvrir vos goûts, votre aptitude à manier une manette de jeu vidéo, votre envie ou non de faire marcher votre cerveau, de jouer avec des chiffres ou des concepts, de contrôler des objets virtuels ou de gérer des menus…

Pour tester en douceur ses capacités à la manette…

  • Jak and Daxter (PlayStation 2)
    Sorti en 2001, ce jeu d’action bon enfant est d’une prise en main simple, directe et devrait vous permettre de vous familiariser avec le contrôle d’un personnage à l’écran tout en commençant à vous repérer sans pressions dans un monde lumineux en 3D.
  • Super Monkey Ball (GameCube)
    Idéal pour éduquer votre pouce au contrôle du « stick » d’une manette de jeu vidéo. Prenez votre temps pour diriger des boules rigolotes en équilibre sur des circuits. Testera non pas votre capacité à réussir mais à persévérer : une des aptitudes nécessaires à la pratique des jeux vidéo.

Pour goûter un peu d’ultra-violence

  • Metroid Prime (GameCube)
    Un jeu de tir certes mais pas sanglant, avec un vrai univers SF scénarisé, et surtout, avec un système de visée automatique et un apprentissage progressif qui vous permettront d’avancer à votre rythme.
  • Gran Theft Auto III : Vice City (PS2, Xbox, PC)
    Prise en main directe et environnement urbain familier vous feront goûter assez vite à la liberté de mouvement que peut offrir le jeu vidéo, tout en expérimentant le vertige d’une vie sans scrupules et sans moralité. A prendre au 2e degré ou comme une catharsis.

Pour utiliser son cerveau plutôt que ses doigts…

  • Sim City 4 (PC)
    Tous les jeux « Sim » vous mettent dans la peau d’une sorte de dieu devant veiller à la croissance d’un milieu donné. Ici, à coup de menus chiffrés et de décisions, vous serez responsable de l’expansion de toute une ville. Si une seule cité idéale vous paraît trop étroite, essayez donc à l’échelle du monde avec Civilization III.
  • Rise of Nations (PC)
    Imaginez les batailles de petits soldats de votre enfance, multipliez par mille les possibilités et vous voilà petit Napoléon à la conquête du monde. Vos choix et décisions se font à l’aide de menu ou de sélections directes à la souris sur le terrain de vos exploits.

Pour s’immerger et oublier la montre…

  • Shenmue II (Xbox)
    Moitié touriste qui prend des photos, moitié aventurier, préparez vous à embarquer pour une longue aventure en Asie. L’action physique est courte et étudiée, les dialogues fascinants et la représentation réaliste étonnante. Plus complexe mais aussi plus concentré et si vous avez un jour été tenté par les jeux de rôles sur plateaux, NeverWinter Nights sur PC est une des meilleures conversions en jeu vidéo.
  • Phantasy Star Online Episode I & II (Xbox)
    L’aventure commence chez vous et se continue en ligne avec des partenaires d’un jour. Les combats sont un peu physiques mais faciles et le but est surtout de franchir du terrain en compagnie d’un groupe d’aventuriers. (prévoir un abonnement au service Xbox-Live de Microsoft). Si les coups d’épées faciles mais vifs et fréquents ne vous gênent pas, vous pouvez aussi rejoindre l’énorme communauté des joueurs de Diablo II sur PC.
DOSSIER : Jouer, mode d’emploi 2003…
  1. Ce qu’il faut savoir pour commencer
  2. Ce qu’il faut savoir pour jouer en célibataire
  3. Ce qu’il faut savoir pour jouer et vivre en couple
  4. Ce qu’il faut savoir pour jouer en famille
  5. Ce qu’il faut savoir pour jouer en groupe
Dossier réalisé avec légèreté par François Bliss de la Boissière

(Publié dans VSD Hors série Jeux vidéo n°2 en novembre 2003)

VSD HS Dossier jouer 2003
VSD HS 2 Dossier jouer 2003

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DOSSIER 3/5 : Jouer, mode d’emploi en couple 2003

Pour vous, le jeu vidéo c’est… un obstacle à une vie de couple (ou l’inverse). Vous voulez… vivre à deux et continuer à jouer.

Ce qu’il faut savoir pour jouer et vivre en couple

Vous aimez jouer mais, vous en avez l’expérience, l’avouer à Juliette que vous venez de rencontrer, c’est prendre le risque de la voir s’éloigner aussitôt… Vous avez gardé votre secret pour vous, mais après trois jours et trois nuits passés ensemble ce n’est plus possible, la manette vous démange, il va falloir trouver un moyen pour lui en parler… Juliette n’a pas fuit finalement, vous lui avez vanté l’avant-gardisme technologique et l’inventivité du jeu vidéo et, surtout, vous ne lui avez pas dit combien d’heures par jour vous avez l’habitude de jouer… Juliette s’installe avec vous, une vie de couple commence, il va falloir prendre des décisions : arrêter de jouer pour de bon, jouer en cachette la nuit ou, plus courageusement, lui expliquer après qu’elle a défait ses valises que non, ce n’est pas négociable : deux heures par jour et 500 euros de budget par mois est déjà un minimum pour assouvir votre passion… Avec le temps, vous avez trouvé un rituel, vous avez acheté un 2e écran de TV, vous jouez sans abus, elle ne critique plus, seulement voilà, vous n’êtes plus seul, votre amour a accouché d’un petit Pierrot, vous êtes devenu papa et les gros yeux de maman vous rappelle vos nouvelles responsabilités : jouer n’en fait sûrement pas partie. Comment faire accepter cette passion si exigeante des jeux vidéo ? Et, ultime satisfaction : comment essayer de la convertir ?

Pour apprivoiser votre nouvelle copine…

Elle vient chez vous pour la première fois, elle ne connaît rien aux jeux vidéo, elle a donc des préjugés (souvent justifiés quoi que votre passion de joueur en pense). Présentez lui…

  • Pikmin (GameCube)
    Les bruitages et musiques ludiques et enfantines, les couleurs, le jardin géant, la cueillette de pâquerettes et les coccinelles débonnaires devraient très vite lui faire comprendre que 1) les jeux vidéo c’est aussi ça 2) vous n’êtes pas un sanguinaire armé jusqu’aux dents. Une fois le message transmis, éteignez vite la console, vous avez mieux à faire ce soir là… Comme lui prouver que vous n’êtes pas non plus totalement infantile.

Pour la convaincre d’essayer…

Elle revient chez vous, c’est le moment d’essayer de lui expliquer votre activité préférée en la valorisant. Ne la forcez surtout pas à prendre une manette ou la souris si elle refuse de prime abord. Soyez patient, elle y viendra quand vous aurez trouvé le jeu qui lui convient…

  • Les Sims : Surprise-Partie / En vacances / Abracadabra (PC)
    Votre intérêt et votre capacité à gérer une petite famille virtuelle sera le meilleur argument de votre sociabilité. Pensez à créer une maison convenable pour vos Sims au préalable.
  • Zelda : The Wind Waker (GameCube)
    Choisissez bien les lieux et situations à montrer : une île ensoleillée sous un ciel azur, un couché de soleil à l’horizon vu du bateau. Mais le début du jeu avec le petit héros en pyjama trottant d’une maison à l’autre peut suffire à la faire craquer.
  • Ico (PlayStation 2)
    La poésie et la délicatesse qui émanent de cette aventure sont déjà des émotions directes à faire partager. Mais c’est évidemment parce que le petit garçon appelle à haute voix la princesse mystérieuse et qu’il sait lui tenir la main à travers les périls que les cœurs battront.

Pour jouer avec votre fiancée…

Elle vous connaît assez pour savoir à quel point vous êtes un obsédé sexuel, ou pas. Et si vos témoignages d’affection sont assez réguliers pour qu’elle ne doute pas de vos sentiments, vous pouvez lui faire goûter…

  • Dead or Alive Xtrem Beach Volleyball (Xbox)
    Les filles sont aussi sexy que des pin-up de calendriers pour routiers mais en réalité, derrière les bikinis, se cache un jeu pour les filles : faire connaissance avec les copines sur la plage, barboter dans la piscine, jouer au volley sans se prendre la tête, et surtout gagner, échanger et se voir offrir des parfums, des savonnettes, des vêtements… Japonais et donc délicat. Pour les filles on vous dit !

Pour jouer avec votre mariée…

Vous êtes inscrit dans la durée, vous avez appris à partager ensemble vos activités respectives. Vos enfants peuvent regarder ou travailler à leurs devoirs…

  • Syberia (Xbox)
    Un jeu d’aventure chic, cultivé, qui demande à réfléchir à deux. Vous à la manette et elle à la tête, de préférence face au grand écran de votre TV. Vous pouvez progresser à deux grâce une jolie fusion de la pensée et de l’action née de plusieurs années de vie commune. La version Myst-Riven PSone compatible PlayStation 2 est aussi recommandable que Myst III : Exile sur Xbox.

DOSSIER : Jouer, mode d’emploi 2003…

  1. Ce qu’il faut savoir pour commencer
  2. Ce qu’il faut savoir pour jouer en célibataire
  3. Ce qu’il faut savoir pour jouer et vivre en couple
  4. Ce qu’il faut savoir pour jouer en famille
  5. Ce qu’il faut savoir pour jouer en groupe
Dossier réalisé avec légèreté par François Bliss de la Boissière

(Publié dans VSD Hors série Jeux vidéo n°2 en novembre 2003)

VSD HS 2 Dossier jouer 2003
VSD HS 2 Dossier jouer 2003

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DOSSIER 4/5 : Jouer, mode d’emploi en famille 2003

Pour vous le jeu vidéo c’est… un lien social. Vous voulez… jouer avec vos parents, votre petit frère, votre grande sœur.

Ce qu’il faut savoir pour jouer en famille

Vous voulez convaincre papa et maman que les jeux sont une occupation géniale, les tenter de prendre la manette 5 mn pour « goûter », les embarquer un soir, enfin, dans une partie avec toute la famille réunie et vous en maître de cérémonie. Plus gros handicap pour entraîner un adulte dans un jeu vidéo : ils ne sont plus tellement sensibles aux mondes imaginaires. Faut se faire une raison, à quelques exceptions près, les dessins animés sont pour les enfants, les jeux vidéo aussi. Cela étant admis, les convaincre de faire une partie à plusieurs peut s’avérer plus facile à obtenir que prévu. A condition toutefois de respecter quelques précautions. Comme pour les enfants, l’âge des adultes est un facteur primordial. Pour des gens de 40 ans et plus, mieux vaut présenter un jeu sans leur proposer de jouer. Car il y a de fortes chances qu’ils n’arrivent à rien contrôler à l’écran avec la manette, qu’ils se sentent ridicules et tournent le dos pour de bon aux jeux vidéo. En dessous de 40 ans vous pouvez prendre le risque de leur tendre la manette, mais attention : en choisissant un jeu qui les intéressera assez pour qu’ils prennent le risque de paraître ridicule. À vous d’avoir découvert auparavant ses centres d’intérêts dans la vie. Pour simplifier, présenter un jeu de courses de voitures réaliste à papa sera rarement une erreur. Tenter maman avec un petit personnage mignon dans un jeu de plate-forme facile ou un jeu d’aventure, non plus. L’inverse serait en revanche catastrophique. Vous suivez le raisonnement ? Règles générales : ne pas imposer sa propre façon de jouer, aider discrètement par quelques conseils si la partie risque d’être interrompue inopinément, et laisser la personne avec la manette essayer des gestes absurdes à l’écran, quitte à choquer votre bon sens de joueur averti. Ce qui compte pour la personne à la manette c’est d’avoir l’impression d’avoir accompli quelque chose par rapport à elle-même, pas d’avoir réussi un objectif du jeu. Rassurer la personne par quelques compliments sur son habileté aidera considérablement. Eviter impérativement les remarques désobligeantes ou moqueries bon enfant sous peine d’arrêt brutal et définitif de votre démonstration.

Pour convaincre Papa…

  • Racing Evoluzione (Xbox)
    Les voitures sont vraiment belles, les décors réalistes aussi, et surtout la conduite est d’une facilité déconcertante. Idéal pour entraîner papa sans le cabosser. Plus réaliste et plus lourd, Gran Turismo Concept 2002 est aussi un bon exemple.
  • Tiger Woods PGA Tour 2004 (PlayStation 2, Xbox, GameCube et PC)
    Réaliste, posé et donc sérieux, voilà une simulation de golf idéale pour que papa se prenne au jeu malgré lui. Si les réglages le laissent de marbre, tentez donc Rocky sur consoles. L’exemple sera frappant.
  • FIFA 2004 (PlayStation 2)
    Ce n’est sans doute pas le meilleur jeu de foot, mais le sigle officiel, les équipes connues et les vrais matches font craquer n’importe quel amateur de foot, même du dimanche.

Pour convaincre maman…

  • Luigi’s Mansion (GameCube)
    Sans misogynie aucune, le principe de l’aspirateur qui aspire tout fera forcément mouche chez maman, surtout dans un environnement presque en 2D facile d’accès. Le célèbre Pac-Man des années 80 reposait sur le même principe, c’est dire.
  • Super Mario Sunshine (GameCube)
    Oublier les objectifs du jeu, lancez maman avec Mario et son pistolet à eau là où il y a des flots de gadoue et vous êtes sûr de vous entendre.
  • Billy Hatcher and the Giant Egg (GameCube)
    Maniabilité un peu pointue pour maman mais devrait convenir à une démonstration. Souligner le principe des œufs qui grossissent au fur et à mesure qu’ils avancent, puis leur fructueuse éclosion. Si l’action lui paraît trop confuse à l’écran, rabattez-vous sur Dog’s Life sur PlayStation 2.

Pour jouer en famille…

  • Mario Party 4 et 5 (GameCube)
    Le principe du jeu de l’oie mais dans la télé. Les dés sont virtuels comme le plateau, mais les gages eux devront être effectués à la manette. Tout le monde peut jouer mais, surtout, faites attention à rester modeste en gagnant les mini-jeux.
  • Super Monkey Ball 2 (GameCube)
    Aux multitudes de circuits farfelus où il faut empêcher un petit singe de tomber dans le vide, viennent s’ajouter des adaptations rigolotes de jeux de billards, de bowlings, de golf et de tennis… A quatre c’est de la balle !
  • EyeToy : Play (PlayStation 2)
    Une petite webcam placée au-dessus de la TV vous filme en train de nettoyer des vitres virtuelles, de suivre des mouvements de danse, ou de chasser des insectes. Accessible absolument à tous et un véritable vivier de fous rires garantis.

DOSSIER : Jouer, mode d’emploi 2003…

  1. Ce qu’il faut savoir pour commencer
  2. Ce qu’il faut savoir pour jouer en célibataire
  3. Ce qu’il faut savoir pour jouer et vivre en couple
  4. Ce qu’il faut savoir pour jouer en famille
  5. Ce qu’il faut savoir pour jouer en groupe
Dossier réalisé avec légèreté par François Bliss de la Boissière

(Publié dans VSD Hors série Jeux vidéo n°2 en novembre 2003)

VSD HS 2 Dossier jouer 2003

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DOSSIER 5/5 : Jouer, mode d’emploi en groupe 2003

Pour vous le jeu vidéo c’est… un prétexte pour se réunir, faire la teuf ou briller devant des potes. Vous voulez… partager votre passion avec vos amis et, tant qu’à faire, gagner.

Ce qu’il faut savoir pour jouer en groupe

Jouer tout seul ? Très peu pour vous, la solitude ce n’est pas votre truc. Chahuter entre potes, se lancer des défis pour de rire ou pour gagner sont votre raison de vivre. Vous êtes l’hôte, vous fournissez le canapé et le tapis, les consoles et la TV, les autres viennent avec des bouteilles, des pizzas, des jeux qu’on-essaiera-très-vite-pour-leur-faire-plaisir avant de lancer votre sélection, celle où, après des jours d’entraînement, vous excellez. Car derrière le prétexte festif et décontracté, il ne faut pas s’y tromper, chacun espère briller devant les autres, gagner.

Pour jouer à deux contre deux…

  • Soul Calibur 2 (PS2, Xbox, NGC)
    Accessible à tous les niveaux de joueurs, les brefs combats haut de gamme sont également un spectacle pour ceux qui attendent leur tour chips à la main.
  • F-Zero GX (GameCube)
    Jouable aussi à 4, mais c’est à deux que la vitesse et le décor feront le plus d’effet. Et vous êtes sûr d’impressionner les challengers.
  • Top Spin (Xbox)
    Là aussi les parties à un contre un seront plus fortes émotionnellement que celles en double. Le tennis se joue aussi avec les nerfs et rien de tel que le duel pour tester son adversaire.

Pour jouer à quatre…

  • Pro Evolution Soccer 3 (PlayStation 2)
    Sans discuter, il s’agit-là du meilleur jeu de foot. Les parties peuvent être très sérieuses comme devenir des prétextes à des crises d’euphories. Une façon de jouer qui dépendra de vos invités.
  • Mario Kart : Double Dash (GameCube)
    Soit certains participants se prennent au sérieux dans ses courses de kart et tout le monde en rira, soit personne ne se prend au sérieux et tout le monde rit encore plus.

Pour jouer pendant une surprise party…

  • Eye Toy : Groove (PlayStation 2)
    La version exclusivement musicale du jeu de la PlayStation 2 qui vous filme dans la TV avec une webcam est sûr d’attirer du monde. A condition de pouvoir dégager la TV au milieu de la foule.
  • Dance Europe (PlayStation 2)
    Le tapis de danse avec ses marques au sol et le micro karaoké sont fournis. Rassembler une foule étonnée autour de la TV pour gesticuler et chanter faux en milieu de soirée ne devrait pas poser de problèmes.
  • Space Channel 5 + Part 2 (PlayStation 2)
    Entraîné par des rythmes infernaux, vous devez suivre à la manette les pas de danse de la pétillante Ulala ! Un jeu à disposer dans un coin repos pour jouer chacun son tour tout en restant dans le groove de la fête.

Pour jouer n’importe où…

La Game Boy Advance SP et ses câbles « link » permettent de jouer à plusieurs dans la cour de récréation, dans les transports…

  • Pokémon Rubis et Saphir
    On ne les présente plus. Le must de l’échange de petites bêtes et des discussions à n’en plus finir.
  • Mario Kart Advance
    Des courses de kart rigolotes à prendre au sérieux pour gagner.
  • Zelda : the Four Swords
    Traverser des donjons médiévaux est enfin une activité lugubre qui se partage…

DOSSIER : Jouer, mode d’emploi 2003…

  1. Ce qu’il faut savoir pour commencer
  2. Ce qu’il faut savoir pour jouer en célibataire
  3. Ce qu’il faut savoir pour jouer et vivre en couple
  4. Ce qu’il faut savoir pour jouer en famille
  5. Ce qu’il faut savoir pour jouer en groupe

Dossier réalisé avec légèreté par François Bliss de la Boissière

(Publié dans VSD Hors série Jeux vidéo n°2 en novembre 2003)

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La GBA se met au parfum… SP

La reine des consoles portables n’a pas fini ses mutations. Après les enfants et les jeunes adultes, ce sont les hommes et les femmes, les vrais, qu’elle veut séduire. La Game Boy Advance SP est-elle vraiment pour adulte ? Eléments de réponse…

Comment se succéder à soi-même ? C’est un peu le défi d’une Game Boy en situation de monopole incontestable depuis 14 ans sur le marché des consoles portables. Si le passage à la couleur a permis à la Game Boy devenue Color de continuer presque naturellement son irrésistible ascension, le vrai saut technologique intervenu avec la Game Boy Advance en 2001, n’était pas forcément gagné d’avance. Seuls les spécialistes et les plus avertis amateurs de jeux vidéo étaient vraiment à même d’apprécier la valeur technologique 32 bits de la nouvelle Game Boy. Le grand public, lui (nous l’avons testé pour vous), ne fait pas vraiment de différences. Alors là où le message technologique ne passe pas, il faut trouver d’autres signaux. En général des signaux d’appartenance culturel.

Sans conteste ni remords, la Game Boy a toujours été destinée aux enfants, quelles que furent ses évolutions. La Game Boy Advance, en revanche, a voulu élargir son audience vers un public, toujours jeune, mais plus âgé, plus actif dans la société, des amateurs de sports extrêmes notamment, forcément adeptes de machines portables, comme le baladeur CD et, bien sûr, le téléphone mobile. Des adulescents que Nintendo n’a pas hésité à aller titiller jusque dans la Gay Pride parisienne où des dizaines de flyiers GBA ont été distribués. Des prospectus malicieux s’amusant avec l’image gentiment ambiguë d’un nouveau profil masculin de Game Boy… Advance. Touché ! Donc, avec sa campagne de pub irrévérencieuse, limite trash, où des jeunes gens, absorbés par le jeu sur GBA, oublient d’ouvrir leur parachute, pissent sans les mains, ainsi de suite, Nintendo modernise sa nouvelle console, essaie de lui donner un profil « rebelle ». 15 millions de GBA vendues plus tard, personne n’ira démentir l’efficacité de ce marketing et surtout, du double poids de l’héritage Game Boy et Nintendo. Car malgré toutes les qualités de la GBA, il est un défaut qui aurait dût être éliminatoire : l’écran non rétro éclairé quasiment impraticable !

Deux ans plus tard, ENTER : le Game Boy Advance Special Project ! Nintendo avoue apparemment son erreur et présente une nouvelle GBA avec un écran éclairé. Seulement voilà, la GBA SP ne se contente pas de présenter l’écran qu’il fallait, elle adopte cette fois un design high-tech classieux qui vise ouvertement un nouveau public. La SP new look rejoint les gadgets de pointe comme les PDA, les téléphones mobiles. Et Nintendo décline sa nouvelle image dans les magazines de modes. Des affiches GBA SP parodient dans un noir et blanc chic les pubs pour parfums. L’homme ne joue plus seul, Nintendo prévient que la SP concerne désormais le couple, voire même les femmes. La créatrice de mode Katherine Pradeau a designé une GBA sertie de pierres. Des tops modèles s’affichent en train de jouer sur GBA SP. Le magazine Elle s’en fait l’écho…

Un mois après sa sortie, la GBA SP est un succès incontestable (200 000 écoulées les 3 premiers jours en Europe !), les stocks s’épuisent dès réassort. Mais la clientèle Game Boy a-t-elle vraiment changée ? Pas vraiment. « Il y a bien des hommes d’affaires et des comités d’entreprise qui achètent la GBA SP avec intérêt« , explique un responsable des jeux du Virgin Megastore au cœur des bureaux du boulevard des Italiens, mais l’essentiel de la clientèle est resté le même affirme la Fnac de Toulouse et une majorité d’autres magasins : « Des parents avec leurs enfants« . Ou inversement.
Ce qui est sûr, c’est que la GBA 1ère génération est déjà oubliée. Les vendeurs sont unanimes : « La différence de prix entre la GBA à 95 € et la GBA SP à 129 € ne compte pas, tout le monde veut la SP, même ceux qui ont déjà une GBA« . La GBA a bien un nouveau parfum…

Game Boy : la mutation permanente

 Installée sur le trône du succès depuis 14 ans, la Game Boy n'est pour autant pas restée immobile. D'une coque grise à des coques multicolores, elle est passée de console portable à console "pocket". Son écran noir est devenu couleur, le boîtier transparent. Douze ans et 110 millions de Game Boy vendues plus tard, sans réel concurrent à l'horizon, Nintendo se lance seul sur le marché des consoles portables du XXIe siècle. Concentré de technologie mobile dédié au jeu, le Game Boy Advance est de forme horizontal, affiche des milliers de couleurs, passe à la puissance 32 bits. Deux ans plus tard encore, et 15 millions de GBA SP vendus, Nintendo modernise son image. La machine à jouer devient une machine à séduire, garde le même fond technologique mais enfile un costume de soirée. Coque métallisée, mystérieusement fermée comme une huître, le SP s'ouvre comme un écrin, son écran enfin éclairé brille dans le noir telle une perle sous la lumière… Le Game Boy Advance Special Project se veut désormais mixte. Et sa mutation n'est sans doute pas finie… 
1996
Réduction de taille, la Game Boy Pocket tient dans la poche
1998
Les jeux sont enfin en couleurs avec la sortie de la Game Boy Color
2001
Bon technologique : le Game Boy Advance est une vraie nouvelle console. Tous les jeux du catalogue Game Boy restent compatibles.
2003
Look chic anti-choc : le Game Boy Advance est plus qu'une machine à jouer

3 jeux pour Elle

  • Rayman 3 (UbiSoft)
    « Oh, il est rigolo le personnage sans bras ! Regarde comme il saute, s’accroche, jette son petit poing en avant ! Trop mignon ! »
    Jeu de plate-forme écologique, bien fait, facile d’accès (au début), personnage attachant, et qualité française garantie.
  • Kuru Kuru Kururin (Nintendo)
    « Mais c’est génial ce truc ! Attends, là, j’essaie encore une fois en mode facile, le bâton est un peu plus petit, après tu vas voir ! »
    Diriger un bâton tournoyant dans des parcours sinueux et fleuris. Un principe et une réalisation simples pour un jeu hyper malin.
  • Sonic Advance 2 (Sega / Infogrames)
    « Tu me diras ce que tu veux avec tes jeux de voitures, tu n’iras jamais aussi vite que moi avec Sonic. Jamais ! »
    Le hérisson bleu de Sega est si vif qu’on a facilement l’impression d’être un champion de la vitesse. Pour se donner des vertiges dans les loopings…

3 jeux pour Lui

  • Doom (Activision)
    « Oui, bon, je les descends à coups de fusils, c’est vrai. Mais c’est pour rire, regarde : le sang est vert … »
    Vieille légende du jeu vidéo où les monstres s’éliminent au fusil à pompes. Toujours aussi viril, même sur console portable.
  • V-Rally 3 (Infogrames)
    « Un homme sans voiture serait un homme sans cliché, sans doute, mais là quand même, chérie, c’est de la 3D sur GBA ! »
    La 3D de ces courses de rallye vacille bien un peu, il n’empêche que cela fait réaliste. Et la conduite est solide.
  • The Lost Vikings (Vu Games)
    « Tu vois mon amour : les jeux vidéo font réfléchir ! Si si. Pour trouver la sortie, chaque Viking fait appel aux compétences de ses deux copains ! »
    Ces trois pieds-nickelés du Nord ne datent pas d’hier. Mais le mélange action et puzzle est toujours aussi ludique et malicieux.

3 jeux pour eux Deux

  • Eggo Mania (Kemco)
    « Tu es dégueulasse quand même, j’étais presque arrivée en haut !« . « Bon, ok, encore une, et je te laisse un peu d’avance…« .
    Dérivé de Tetris, en plus coloré, plus funky. Il faut vite construire son mur en essayant de détruire celui de l’autre.
  • The Legend of Zelda : A Link to the past + Four Swords (Nintendo)
    « Marche sur le levier là, vite vite, le pont va se rétracter ! « . « Attends ! Il reste des rubis, faut que je les attrape ! »
    Une aventure médiéval magique à suivre ensemble ou en alternance. Plus un inédit mode 2 joueurs où il faut coopérer.
  • Mario Kart Super Circuit (Nintendo)
    « C’est toi qui as encore lâché une peau de banane dans le virage ? Avoue !« . « Mais qu’est-ce que tu racontes, je viens de tomber dans l’eau là alors… »
    Courses hyper funs de mini karts. Des parcours et des personnages bariolés pour des compétitions insouciantes et efficaces.

François Bliss de la Boissière

(Écrit en avril 2003 avec une légèreté assumée et publié en mai 2003 dans VSD Hors série jeux vidéo n°1)

VSD Hors Série JV 01 mai 2003 GBA SP 01
VSD Hors Série JV 01 mai 2003 GBA SP 02

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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.

Les nouvelles amazones du jeu vidéo

Les femmes virtuelles imaginées par les créateurs de jeux sont apparues dans les jeux vidéo en croyant se suffire d’un physique avantageux. Elles ont aussitôt été exploitées dans de mauvais produits. Heureusement, une nouvelle vague d’héroïne arrive à point nommer pour remettre les compteurs à zéro. Une femme, cela vaut bien un homme. Et même plus si affinités…

Il fut un temps où tous les héros de jeux vidéo étaient exclusivement masculins. La seule et unique héroïne du jeu vidéo d’avant la 3D s’appelait Samus Aran, portait casque et armure asexuée et ne révélait son identité qu’à la conclusion-surprise du jeu Super Metroid en 1994. C’est dire si les formes féminines avaient peu la côte en dehors des couvertures de jaquettes racoleuses parfois hors-sujet. Depuis le succès planétaire surprise de Lara Croft dans Tomb Raider en 1996, l’industrie du jeu vidéo a finalement compris que les héroïnes peuvent rapporter gros grâce à la 3D. Facile après tout, puisque les joueurs, essentiellement masculins, le réclament, il suffit de placer une bimbo plus ou moins sculpturale devant l’écran et le tour est joué. Et les musclors d’Héroïc-Fantasy sont devenus des femmes barbares à peine habillées, les espions des espionnes, l’aventurier de base, une aventurière lambda… Placer une femme polygonée dans le rôle principal de n’importe quel produit interactif est devenu une telle exigence marketing que les jeux qui ne peuvent se passer d’un héros masculin proposent, en supplément, de traverser la même aventure avec une héroïne  (Les Resident Evil, Devil May Cry 2 pour n’en citer que quelques uns) ! Une option impliquant souvent une version plus facile du jeu (on ne relèvera même pas la phallocratie de base ici). Et l’exception initiée spectaculairement par Lara Croft est devenue une norme ridicule, avec pour seul justificatif celui de solliciter le voyeurisme masculin. Une sorte de femmexploitation excusant à peine des dizaines de jeux exécrables qui auraient dû se chercher ailleurs une identité.

Début 2003, le filon féminin ne s’épuise pas. Après un an de break pour cause de prestation cinématographique, Lara Croft revient sur console (Angel of Darkness) et plusieurs jeux annoncent ouvertement la couleur et le recours à des formes féminines. Mais cette fois la donne a changé. Car après les plans commerciaux sans lendemains d’éditeurs opportunistes, ce sont des créateurs de jeux de renom qui décident de donner la parole aux héroïnes. La séduction marketing est toujours là, mais le savoir-faire indéniable des studios concernés va au moins garantir que ces femmes là seront cette fois bien traitées. Et avec un peu de chance et d’application, elles mériteront leur statut d’icône pour leur plastique… et pour leur talent. Voici un portrait des nouvelles amazones du jeu vidéo….

Joanna Dark

La transformiste. À l’origine, cheveux courts et noirs, silhouette presque masculine, l’espionne du formidable Perfect Dark sur Nintendo 64 (2000) aurait dû être une icône lesbienne. Elle l’est peut-être. Après 20 ans de collaboration intime avec Nintendo, le mythique studio anglais Rare, géniteur de Joanna Dark se livre complètement à Microsoft et à la Xbox. Apparemment décidé à renaître sous toutes les formes, Rare présente une nouvelle Joanna totalement relookée. Cheveux roux et longs, corps de gymnaste longiligne, l’espionne qu’on aimait se féminise, rajeunit et devient manga. À l’origine un First Person Shooter fin et racé, le gameplay du prochain Perfect Dark Zero est encore secret. Seule certitude : rendez-vous immanquable.
Perfect Dark Zero : Xbox / Microsoft / 2003-2004

Joanna Dark Perfect Dark Rare

Samus Aran

La pudique. Casquée, dissimulée derrière une techno armure de pointe, la sauveuse d’univers infestés de vilains Metroids est une femme d’action qui ne s’embarrasse pas avec la séduction. Son retour attendu depuis sa dernière aventure sur Super Nintendo (1994) se fait simultanément sur GameCube et Game Boy Advance. Les deux jeux étant d’ailleurs susceptibles de communiquer entre eux via le câble prévu à cet effet. Transformée, elle aussi, pour son passage sur GameCube, Samus se cache plus que jamais derrière son viseur (le HUB, Head Up Display) pour un jeu d’aventure et d’action en vue subjective qui soustrait sa silhouette à notre vue. Il faudra alors guetter le reflet évanescent de son visage à l’intérieur de la visière lors des explosions…
Metroid Prime : GameCube / Nintendo / disponible
Metroid Fusion : Game Boy Advance / Nintendo / disponible

Samus Aran Metroid Prime Nintendo

Kelly O Lenmey

La valkyrie. Membre du commando futuriste des Gunvalkyrie qui comprend aussi des hommes. Son jeu est sorti il y a déjà quelques mois sur Xbox. Un shoot nouveau genre qui essaie de réconcilier frénésie et précision d’antan avec l’ouverture 3D des jeux récents. Résultat : un jeu à la difficulté hors norme, automatiquement réservé aux hardcore gamers. GunValkyrie démontre néanmoins qu’un jeu vidéo avec une femme en héros principal n’a pas besoin d’être bassement populiste et mal fait sous prétexte que l’héroïne est belle. Un jeu pour puristes de la manette qui réserve, sans tout à fait le vouloir, le contrôle de l’héroïne à une élite. Une femme de qualité, ça se mérite, c’est bien connu.
Gun Valkyrie : Xbox / Sega / disponible

Kelly O Lenmey Gun Valkyrie Sega

Kameo

La transfuge. Conçue sur GameCube mais jamais accouchée, Kameo a été aperçue par quelques privilégiés lors d’une discrète écographie publique à l’E3 de 2001, le salon des jeux vidéo de Los Angeles. Depuis, plus de nouvelles, jusqu’à l’annonce tonitruante du rachat du studio anglais Rare par Microsoft en septembre 2002. Cette fois, la princesse indienne Kameo se montre au grand jour. Elle est fine, a des ailes de libellule, ressemble à une fée clochette à l’âge adulte. Son talent ? Mettre, littéralement, les hommes dans sa poche, ou plutôt : l’élevage, le dressage et le contrôle de dizaines d’animaux et monstres exotiques. Premier jeu Xbox du studio Rare. Une création originale et féerique, dans tous les sens du terme.
Kameo : Elements of Power : Xbox / Rare / printemps 2003

Kameo Elements of Power Rare

Malice

La capricieuse. Elle a un marteau, cela veut dire qu’elle frappe dur, mais comme elle évolue dans un monde cartoon à la Lewis Carroll, on imagine bien que ses coups de maillet ne sont pas plus définitifs que ceux que reçoivent le Coyote ou Sylvestre. Malice est la plus jeune du pack, après avoir frimé avec les premières démos technologiques de la Xbox il y a deux ans, elle prend finalement son temps pour arriver sur le marché et faire sa maligne dans un jeu d’action-plateforme. Malgré ses grand yeux et son air effrontée, elle est donc timide, peu sûre d’elle même. Déjà capricieuse ?
Malice : Kat’s Tale : PS2 / Xbox / Argonaut Games / VU Games / 2003

Malice Argonaut

Orta

La cavalière. À cheval sur son dragon, Orta refait la charge des valkyries à elle toute seule. Petite sœur officieuse du mystérieux Arzach de Moebius, Jean Giraud lui-même avait conçu pour Sega le design du premier jeu Panzer Dragoon alors paru sur la défunte console Saturn. Essentiellement un jeu de tir sur Xbox, le dragon volant contrôlée de main de maître par Orta, et le joueur à l’extrémité de la manette, survolent des contrées fabuleuses tout en détruisant les postes de commandes… de l’Empire. Une amazone montant à cru un dragon géant et transformiste pour déclencher le règne du feu ? Il n’y avait que les japonais de Sega pour l’oser.
Panzer Dragoon Orta : Xbox / Sega / disponible

Orta Panzer Dragoon Orta Sega

Lara Croft

Cover girl indestructible. Cinq jeux, autant d’incarnations en mannequins adipeuses, un long métrage, des clips publicitaires, d’innombrables couvertures de magazines, une place de choix à la très hype expo Game On du Barbican de Londres en 2002, déjà une mort et au moins une résurrection, qu’on le veuille ou non Lara Croft est l’aventurière de référence. Au fond, toutes les autres héroïnes cherchent à imiter, sinon ses manières de plus en plus raides dans les jeux éponymes, mais son succès. Un exemple sans doute trop suivi.
Tomb Raider : The Angel of Darkness : PS2 / PC / Eidos / disponible

Lara Croft

Nova

Star prétendante. Totalement préfabriquée, cette sportive héroïne récemment annoncée devra savoir tout faire, à commencer par nous faire croire qu’elle est un croisement naturel de Solid Snake (Metal Gear Solid), de Lara Croft et d’un assassin Ninja (Elektra ?). Le fantôme du titre c’est elle. Combinaison moulante ou pas, un tel profil racoleur serait à dédaigner s’il ne provenait pas du très respecté studio américain Blizzard. Et comme les aventures de Nova se passeront dans l’univers hyper codifié, et célébré, de StarCraft…

Starcraft Ghost : PS2 / Xbox / GameCube / Blizzard / fin 2003 (annulé par Blizzard et jamais sorti)

Nova 
Starcraft Ghost Blizzard

PASS

La voix de son maître. Les Japonais l’assument les premiers. Tous ces jeux où l’on contrôle des femmes virtuelles dans des circonstances extraordinaires ne sont que des substituts de quelque chose de beaucoup plus simple et fantasmatique. Quitte à s’offrir le contrôle d’une femme virtuelle, autant la concevoir belle, sexy, docile, à domicile. Seule l’élégance des graphistes japonais et la dérision qui est généralement la leur permet de rester digne devant ce sexy robot qualifiée de… PASS (Personal Assist Secretary System). Cette N.U.D.E. (NUDITE en français !) aura le privilège de répondre à vos commandes édictées à l’aide du micro Voice Communicator de la Xbox. Mais quel sera donc son domaine d’intervention ? Al Pacino en a trouvé un récemment dans le film S1m0ne. Pour les joueurs, réponse en 2003 sur Xbox.
N.U.D.E. Natural Ultimate Digital Experiment : Xbox / Red Entertainment / printemps 2003 Japon

PASS NUDE Red Entertainment

Yuna

Cow-girl. Le personnage féminin qui inspirait la fantastique aventure de Final Fantasy X sur PlayStation 2 devient l’héroïne principale de Final Fantasy X-2, une demi suite que le studio Squaresoft a relâché début 2003 au Japon. De simple magicienne en costume traditionnel capable de maîtriser les flots d’un tour de passe-passe dans Final Fantasy X, Yuna devient une femme d’action, armes aux points dans cette suite. Un changement de look pro Lara Croft certes suspect, mais jusque là, à part le film en images de synthèse Final Fantasy, le studio japonais Square Soft n’a jamais raté un jeu de sa série fétiche.
Final Fantasy X-2 : PS2 / Squaresoft / 2003

Yuna Final Fantasy X-2 Squaresoft

Cate Archer

James Bond girl killer et même, probablement : Austin Power killer. Elle a les traits délicats, la taille fine. Sortie directement des années 60 kitsch, elle troque rarement ses mini tailleurs colorés contre des collants tendance espionnite aiguë. Et pourtant, pas d’erreur, c’est bien elle qui porte la culotte dans ce jeu d’action traversé à la première personne. Doucement James, aux pieds Goldmember ! Sous son apparence gentiment rétro se cache une moderne attitude. Armes aux poings, humour aux lèvres, coquète, Cate revendique ouvertement sa féminité et tire vers le haut les jeux d’action trop souvent lourd de testostérone. Chapeau bas mademoiselle.
No One Lives Forever 2 : A Spy in H.A.R.M. Way : PC / Monolith / Sierra / VU Games / disponible

Cate Archer Monolith

Vanessa Z. Schneider

La cyber libellule. Premières images, premiers flingues. Vanessa doit détruire robots et droïds à l’aide d’un armement spectaculaire. Et puis, encouragé par Nintendo, le studio Capcom change son fusil d’épaule. Fini les armes, les pistolets massifs, la cyber héroïne projette désormais des rayons d’énergie du bout des doigts et porte des costumes façons libellules. Cyber magie ! Plus courageux encore, assortie à un univers graphique glacial hyper design peu habituel dans les jeux vidéo, Vanessa enchaîne les pas de danse techno pour éviter les tirs ennemis. Ulala ! diront les amateurs du fameux jeu de danse Space Channel 5 ! Oui, un peu, mais cette fois le jeu est vraiment dangereux.
P.N. 03 (Product Number 03) : GameCube / Capcom / 2003

Vanessa Z. Schneider P.N. 03 Capcom

François Bliss de la Boissière

(Écrit entre 2002 et 2003, destiné originellement à Playboy magazine, jamais publié)


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Zelda Wind Waker : Le vrai souffle de l’aventure

De la 2D qui l’a vu naître à la 3D qui l’a fait renaître, on croyait avoir tout vécu en compagnie de Link et Zelda. Mais l’inspiration de Nintendo semble inépuisable. Cette fois Link part à la rescousse du monde à bord d’un frêle voilier. Avec, au bout de la baguette magique : le contrôle du vent à volonté ! Il était une fois un grand petit navire…

Tous les jeux Zelda sont des sommes. À chaque jeu, Nintendo cherche l’essence du jeu vidéo et la trouve. Peu importe la console, la technologie du moment, le public soi-disant visé. Guidé par l’instinct de Shigeru Miyamoto, les grandes aventures Nintendo comme les Zelda ou les Mario deviennent de grandes aventures pour les joueurs et pour toute l’industrie. Après les monuments du jeu vidéo que furent A Link to The Past sur SuperNintendo et Ocarina of Time sur Nintendo 64, The Wind Waker est bien une nouvelle flèche de brillance créatrice. Cette fois plantée en plein cœur de la bancale frime photo-réaliste pourchassée par toute la concurrence. Le contre-pied esthétique assumé par The Wind Waker est plus qu’un caprice et certainement pas un parti pris rétro régressif comme on a pu lire ici et là. Le toon-shading (1) du nouveau Zelda est un véritable manifeste artistique. Même si une trop grande partie du public intoxiqué par le mafieux réalisme d’un GTA3 empêchait ce nouveau Zelda d’être le succès planétaire qu’il mérite, The WW restera comme une réussite étourdissante.

Nouvelles frontières émotionnelles

Comment expliquer avec des mots l’impact sensoriel de The Wind Waker ? À peine le jeu lancé, le vent, la mer, les mouettes, un ciel bleu carte postale, des personnages étranges et attachants vous accueillent dans un monde chaleureux plein de promesses. Nous voilà embarqués dans une aventure épique, artistique, cérébrale et physique sans équivalent dans aucun autre médium. Une fable singulière capable de mélanger avec un dosage miraculeux : action, suspens, sentiments, drame, humour. Une aventure merveilleusement portée par le vent et l’océan. Un jeu vidéo suscitant curiosité, désir, empathie. Une quête capable d’envoyer le joueur disponible au fond de lui-même, à la recherche de son âme d’enfant, là où résident encore l’espoir d’un monde meilleur, le rêve d’un destin unique. Nous sommes là, en effet, à la frontière tactile qui fait toute la différence entre un film cinématographique et un jeu vidéo… graphique.

Le cinéma est sans doute encore le plus fort vecteur de l’émotion mise en scène, mais, tout en s’approchant du Graal monopolisé par le cinéma, un jeu comme Zelda ouvre en réalité une autre antenne de perception émotionnelle. Sans doute complémentaire. L’interactivité, ce flux tendu entre le spectateur actif et l’avatar dans l’écran, génère une relation charnelle inédite ailleurs. Phénomène d’autant plus étonnant que l’on assimile le jeu vidéo à de la réalité virtuelle, immatérielle. Très concret, le contrôle merveilleusement articulé du petit personnage Link est un choc doux dès les premières minutes. Un trouble émotionnel doucereux ayant peu à voir avec l’esprit de compétition, avec les injections brutales d’adrénaline si fréquentes dans le jeu vidéo. Le terme galvaudé « d’immersion » a forcément été inventé pour décrire le plongeon sensoriel dans le monde dessiné si tangible de The WW. La vue, l’ouïe, et le touché envoient au cerveau des signaux qui ne se discutent plus : ce monde là, aussi fantaisiste soit-il, existe vraiment. C’est empirique. Joueurs blasés, néophytes, garçons comme femmes ne peuvent que saluer la relation étroite entre la manette et les actions du petit personnage. Les fluides animations corporelles et l’expressivité cartoon du visage de Link, l’apprenti héros, encouragent tous les gestes, toutes les audaces. Un plaisir qui ira croissant avec un personnage non seulement capable « naturellement » de trotter, de se suspendre aux rebords des tables et des corniches, de ramper sous les meubles, de grimper sur les toits, de se plaquer contre les murs, d’attraper des cailloux, de jeter au loin cruches et tonneaux, de courser le cochon domestique et de couper herbes folles et arbustes, mais bientôt de manier l’équipement complet d’un chevalier en devenir.

Le jeu tout en un

On ne reprochera pas trop à Link de s’appuyer sur cette vieille convention qui consiste à faire croire le héros capable de transporter des dizaines d’objets sans que ses poches ne débordent. Car Link tient entre ses doigts chaque objet et arme dont il se sert avec pertinence : la longue vue comme l’appareil photo anachronique. Le boomerang capable de verrouiller plusieurs cibles, l’arc aux flèches de feu ou de glace, les petites bombes bleues bien utiles pour ouvrir des passages secrets, le grappin permettant de survoler les obstacles, et même le Game Boy Advance qui autorise la participation d’un partenaire à l’aventure (voir encadré) est visible entre les mains de Link. Un détail qui, comme le reste, donne une véracité inédite. L’utilisation de tant d’accessoires est pourtant un modèle d’ergonomie. L’accessibilité est immédiate avec un menu simplifié à l’extrême. Et l’implémentation particulière des boutons de la manette GameCube donne accès à une multitude d’actions simultanées. À bord de son voilier, le bric-à-brac organisé de Link se découvre même des fonctions inattendues : suspendu à une mini grue, le grappin drague le fond de l’océan à la recherche de coffres ; les bombes sont projetées par un canon transformant tout à coup une scène d’affrontement sur mer en bataille navale ! Vertigineux, la variété des actions et des situations semble parfois sans limite.

La fusion GameCube + GBA
 Nintendo ne joue pas en ligne, mais Nintendo incite le plus possible à jouer connecté off line, surtout avec ses consoles. Et l'idée est plutôt bonne, même si l'on n'enviera pas la personne qui jouera sur l'écran de sa GBA au lieu de la TV. Comme le boomerang ou le grappin, le Game Boy Advance est un accessoire que Link utilise dans le jeu. Aussitôt sélectionné dans l'inventaire du héros, une personne, réelle cette fois, peut participer au jeu via un GBA connecté. Dans la peau prétexte du farfelu personnage Tingle, dont on entend la voix interpeller Link si nécessaire, le joueur GBA repère les lieux sur la carte schématique affichée sur son écran, jette des bombes sur les ennemis, file un coup de potion magique au héros mal en point, soit pour le soigner, soit pour le rendre invincible un moment… Le plus irrésistible sera de savoir que seul Tingle est capable de voir des endroits cachés aux yeux de Link. Oui, il y a encore des grottes inédites à découvrir ! Facultatif, mais infernal.

Un océan de mystères

Nintendo a piégé les observateurs pendant des mois avant la sortie du jeu. La grande affaire annoncée de The Wind Waker était le vent. Prouesse technologique possible grâce au GameCube. Le monde matériel de Link est en effet complètement affecté par le vent : arbres, végétation, vêtements, moulin à vent oscillent et tournent au gré des alizés. Une fois entre les mains tendues au-dessus de la tête du héros, tel un parachute ascensionnel naturel, une grande feuille magique laisse même le héros planer d’un endroit à l’autre. Indispensable pour atteindre des endroits cachés ou éloignés. Une feuille capable aussi de repousser les adversaires à coups de bourrasques. Tout cela grâce à la gestion de ce corps immatériel et capricieux qu’est le vent. Mais en réalité, le vrai choc proviendra de l’océan. La prise de conscience de sa réalité énorme : le monde de Link est un archipel constitué de dizaines d’îles éparpillées sur des miles marins d’eau salée !

La Triforce est avec lui

Sur chaque île réside un mystère, ou plusieurs. Des restes de civilisation, des villages, des donjons aussi inquiétants que fascinants à explorer. Des rats trop malins pour être honnêtes, cherchent à vous piquer vos rubis dans les sous-sols mal fréquentés. Des oiseaux aux plumages hyper colorés défient Link sur le sommet des montagnes. Des gardes armés aux gueules de chiens ou de porcs improbables vous entraînent dans des combats à l’épée redoutables d’efficacité. Epée contre lance, épée contre torches enflammées, Link peut désormais attraper les armes ennemies abandonnées sur le terrain, s’en servir pour mieux se défendre, ouvrir des portes plus résistantes. Les péripéties ne se comptabilisent plus, elles se traversent avec une avidité croissante. Ce n’est pas un anneau qu’il faut reconstituer mais la Triforce. L’énergie vitale du monde.

La formidable légèreté de l’insolence

Cette histoire de petit garçon endossant le destin d’un héros légendaire pour sauver, au choix, sa petite sœur enlevée par erreur, une pirate en détresse, un royaume oublié avec son Roi, sa Princesse, un esprit de la forêt égaré, des arbres en voie d’extinction, pour ne pas dire le monde entier, pourrait être plombée de moralisme pontifiant. Il n’en est rien. Toujours conscients d’eux-mêmes, les dialogues futés ont assez d’ironie et de 2e degré pour ne pas tomber dans la niaiserie enfantine. Une qualité commune aux productions Pixar par exemple qui savent s’adresser aux enfants et aux adultes sans insulter l’intelligence des uns et des autres. Les personnages se moquent souvent ouvertement de Link, poussant le jeune héros à prouver ses aptitudes, son courage. Seuls les petits cris stridents des voix japonaises originales écorchent parfois les oreilles occidentales. Tout le reste est écrit avec recherche, merveilleusement bruité, rythmé par la musique. L’insolence est permanente, mais gracieuse. Nintendo rappelle, en creux, que la transgression et le ferment de la révolte ne consistent pas à voler des voitures ou à frapper des passants. Entrer et sortir chez les gens sans forcément leur accord est déjà un acte d’effronterie. Monter sur les tables, chasser du pied les assiettes, briser les tasses sont des gestes symboliques bien plus fort qu’ils n’y paraissent. Carpe Diem disait le professeur Robin Williams dans le Cercle des poètes disparus. Montez sur la table pour regarder le monde autrement ! C’est ce que fait Link.

L'art de faire vrai
 Contrairement aux apparences, les grands yeux de Link ne sont pas là pour faire manga. Ils répondent en réalité à la volonté des auteurs de rendre le personnage expressif. Les grands yeux se voient de loin, même lorsque la caméra est éloignée, même en pleine scènes d'actions hystériques. Outre les émotions que son regard exprime selon les situations drôles ou tristes, surprenantes ou ennuyeuses (ses paupières alors s'affaissent), les grands yeux de Link se dirigent vers les centres d'intérêts du décor. Pour mieux aider le joueur. Ce n'est pas toujours concluant quand un regard heureusement incapable de regarder dans le dos, invite, par défaut, à se diriger sur le côté, mais dans l'ensemble cela fonctionne. Avec sa tête ronde et ses yeux exagérément expressifs, Link a l'air plus vivant, plus vrai que bien des héros au look réaliste. C'est d'ailleurs toute la magie du design cartoon de The Wind Waker qui s'appuie sur un rendu dessiné pour créer un monde crédible de bout en bout.

 Qui est le Roi du monde ?

James Cameron a eu besoin de la proue hypertrophiée du tristement célèbre Titanic pour faire dire à son personnage principal : « Je suis le roi du monde ». À bord de son frêle esquif rouge, en pleine mer bleu azur, à des kilomètres de toute côte, Link EST le roi du monde. C’est en tous cas l’ivresse ressentie en mettant le cap sur l’horizon sans fin après les premières heures de jeu. Le sentiment mélangé de puissance et de fragilité éprouvé, seul, en pleine mer, est forcément celui des valeureux explorateurs de nouveaux mondes. Une émotion primitive, primordiale, diffuse, inattendue dans un jeu vidéo. Une euphorie portée par des variations climatiques spectaculaires, une partition musicale allégorique. Après tout c’est bien Link qui contrôle la direction du vent avec son bâton magique (The Wind Waker du titre original) pour diriger son embarcation du nord au sud, de l’est à l’ouest d’un océan sans limites visibles. Lui et lui seul parle aux poissons, affronte avec bravoure les pieuvres géantes, les requins, résiste aux orages nocturnes, aux sirènes de l’insaisissable Hollandais Volant, combat à l’arme blanche les avants-postes des pirates, racle les grands fonds à la recherche de trésors, contrôle les tornades… Lui et un voilier un peu magique quand même. Car avec sa tête de dragon bavard, ce voilier n’oublie pas de rappeler au héros exalté par l’immensité du monde que son destin l’attend.

Jeu phénomène signé Shigeru Miyamoto

Un des grands quiproquos planant sur Nintendo vient dans l’insistance apparemment conservatrice de continuer à créer des jeux avec des personnages vieux de 15 ou 20 ans comme Zelda ou Mario. C’est oublier que, contrairement aux films, les jeux vidéo ne sont presque jamais signés sur les boites ou dans les génériques d’introduction. Les noms des producteurs, directeurs et artistes apparaissent dans les génériques de fin ou en dernière page de manuel, comme une légende technique. Imaginons ne pas lire le nom de Steven Spielberg au début du 4e épisode des Aventuriers de l’Arche perdu ! À la place du titre Super Mario ou Legend of Zelda, il faut pourtant lire sans se tromper : jeu signé Shigeru Miyamoto. Même si la réalisation de The WW a été prise en charge au quotidien par un certain Eiji Aonuma, déjà co-responsable de Majora’s Mask sur Nintendo 64, The WW est bien imbibé de l’inimitable « touché » moelleux de Miyamoto. Un artiste qui a gagné contre vents et marées un pari fou avec The Wind Waker : les graphismes façon dessin animé ont été conspués unanimement au début du projet ! Un artiste si ouvert vers le monde qu’il n’a pas manqué d’incorporer dans son jeu l’influence d’autres jeux d’artiste, comme le poétique Ico de Sony sur PlayStation 2.

Bonus de rattrapage
Les graphismes cartoon de ce nouveau Zelda ont soulevé des concerts de protestations pendant deux ans. Craignant que ce Zelda décrié ne se transforme en échec commercial avant même d'arriver dans les mains des consommateurs, Nintendo a eu l'heureuse idée de faire un cadeau aux premiers acheteurs du jeu. Les tous premiers clients de The Wind Waker ont droit, sans supplément de prix, à la réédition sur DVD GameCube du chef d'œuvre reconnu The Ocarina of Time paru sur Nintendo 64 en 1998. Une réédition optimisée : affichage plus fluide, image nette quasi-parfaite. Plus généreux encore, Nintendo offre en parallèle l'inédit Master Quest, une version hard de Ocarina of Time, un jeu jamais sorti et donc entré dans la mythologie Nintendo. Malin, sous couvert d'une grande générosité, Nintendo s'appuie sur ce disque bonus pour créer un événement indiscutable autour de la sortie de The Wind Waker. Adieu les réserves, la polémique, même si The Wind Waker n'est pas le jeu "réaliste" que les joueurs auraient voulu, les deux jeux bonus réduisent à néant toutes les réticences.

Le grand voyage immobile

Faut-il alors soulever quelques vagues dans l’océan de louanges unanimes ? Est-ce utile de dire que l’on peut finir par s’ennuyer à force de traverser à la voile un océan aux dimensions presque trop réalistes ? Est-ce bien la peine de regretter que le nombre de donjons ne soit pas tout à fait suffisant (2) pour donner à l’aventure la densité qu’elle mérite ? Des réserves sans doute hardcores qui se noieront naturellement dans des dizaines de mini jeux et de quêtes annexes, des centaines d’instants de magie pure ou simplement d’humour où toute raison s’abandonne au charme kawaii (3) irrésistible d’un travail trop bien fait pour l’époque. Car tous comptes faits, polémique ravalée, succès international incertain, création hors normes et donc risquée, il faut bien avouer qu’on ne joue pas à The Wind Waker, on le vit. Pendant des dizaines d’heures, et donc des jours.
Les moments d’émerveillements sont devenus si rares dans notre société de consommation hyper formatée que lorsqu’un produit transcende sa formule pour se hisser au niveau d’une œuvre universelle aussi accessible que distrayante, il est un crime d’y résister. Sur terre ou sur mer, il est des voyages qui ne se refusent pas. Surtout assis sur son canapé.

(1) Le toon-shading, variation made in Nintendo du cell-shading 
(2) Miyamoto a reconnu que pour des raisons de délais, deux donjons au moins ont été supprimés du jeu à la dernière minute.
(3) kawaii : mignon en japonais. Véritable tendance culturelle au Japon qui va des produits de consommations courantes à l’expression artistique.

François Bliss de la Boissière

Zelda Wind Waker VSD HS Bliss
Zelda Wind Waker VSD HS Bliss
Zelda Wind Waker VSD HS Bliss
Zelda Wind Waker VSD HS Bliss
Zelda Wind Waker VSD HS Bliss

(Écrit en avril 2003 et publié en mai 2003 dans VSD Hors série Jeux vidéo #1)

 


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Silent Hill 3 : de pire en pire

La presse américaine a la main sur une première version jouable de Silent Hill 3 sur PS2 depuis quelques semaines. Premier verdict ? C’est de pire en pire. Bon signe, non ?

Silent Hill 3

Rien à faire de notre côté, nous ne trouvons pas une bonne idée d’avoir pour ce troisième Silent Hill une héroïne blonde à jupe courte. Les épisodes précédents avaient très bien réussi à imposer un pauvre type comme personnage principal : un papa désespéré à la recherche de sa fille, un mari inconsolable courant après sa femme décédé. Le succès du personnage Marie à la fois annexe et crucial dans Silent Hill 2 doit y être un peu pour quelque chose. Enfin il faut bien essayer de se renouveler…

Douglas… Crevant

Donc Silent Hill 3… Heather Morris, une jeune adolescente lâchée dans une ville tantôt presque normale, tantôt représentation de l’enfer. Au début du jeu, lampe torche à la main, Heather est déjà en plein cauchemar dans un parc d’attraction sanglant. Typique d’un mauvais rêve, elle chute d’un chariot de montagne-russe pour se… réveiller dans une ville apparemment normale. Pas pour longtemps… Un curieux détective du nom de Douglas Crevant insiste lourdement pour lui parler de sa naissance alors que la jeune fille n’aspire qu’à une chose : rentrer chez elle. A terme, elle s’enferme dans une salle de bain avant de s’échapper par la lucarne. Le vrai cauchemar commence là, dans une ruelle qui n’en finit plus de s’allonger vers… le néant.

Noise effect

Le procédé de noise effect qui salopait volontairement l’image dans SH2 pour lui donner un aspect granuleux sera donc toujours présent, mais seulement dans les phases obscures du jeu. L’image sera propre lorsque Heather évoluera normalement dans la ville. Le contrôle de la fille est semblable aux précédents réglages avec, nous disent les américains, un assouplissement notable des déplacements dans la 3D. Et, comme les images du jeu le montrent, l’impression d’étouffement sera moins marquée avec des espaces plus spacieux. Heather manipulera plus d’objets que ses prédécesseurs, y compris de la viande crue utile pour détourner les attaques des carnivores informes (merci Abe). Plus d’armes sont aussi à prévoir, dont une mitraillette et un lance-flammes qui font quand même un peu hérétiques par rapport à l’ambiance de vulnérabilité jusque-là suscitée par ces aventures. La bande son sera aussi travaillée que les précédentes avec, toutefois, une tendance à l’adoucissement, peut-être dû à l’apparition de chœurs avec la musique.

Enfin, quelles que soient les réserves que l’on puisse émettre à titre personnel sur la nouvelle direction suivie, les américains le confirment : la folie malsaine inhérente à la série est toujours là. Silent Hill 3 semble prévu pour le printemps 2003 au Japon et cet été aux USA.

François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2003 sur Overgame)

 


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Sly Raccoon : gentleman cambrioleur

Un zeste de Solid Snake, un poil d’espion aux pattes de velours, quelques doses de références rétro, et une bonne rasade d’humour, ce raton-voleur là a du style. Le toon-shading à son apogée sur PS2 n’empêche pourtant pas de bailler. Qu’y faire ? En bonus : la chanson du voleur élégant…

Sly Raccoon

On en connaît tous de ces joueurs qui pratiquaient les jeux de plateforme quand ils étaient en 2D mais qui ont eu du mal lorsqu’ils sont passés en 3D. Banjo et Kazooie, c’est bien, mais on se perd, par où faut-il aller ? C’est vaste ! Ne parlons pas de Mario 64 et encore moins de Mario Sunshine alors, la tête nous tourne. Bref ces gens là, ils aimeraient bien aimer, mais l’effort est devenu trop grand, surtout qu’il faut en plus contrôler sans arrêt la caméra dans ces jeux là. Pour eux, Crash Bandicoot leur a donné une passerelle de transition avec sa 2,5 D, et Rayman 2 est le jeu idéal.

Pas de questions existentielles

Sly Raccoon est bien un jeu de plateforme 3D, mais grâce à sa structure de progression simple et son architecture plutôt dirigiste, le joueur se pose rarement des questions existentielles sur la direction à prendre. Il peut se concentrer sur le fameux gameplay du genre, à savoir : sauter comme un cabri sur un décor en escalier, éviter les ennemis de la même manière et, généralement laisser derrière lui un décor sans avoir besoin de renifler chaque centimètre carré. Sly Raccoon fait partie de cette espèce, a du chien, ou plutôt du renard, du caractère quoi, et est très bien réalisé, ce qui ne gâche rien.

«C’est le plus grand le plus charmant le plus élégant avec ses gants ou bien sans gant, l’Arsène. Quand il s’amène, quand il s’en mêle, tout ce démêle tout se dégèle et… s’ensorcelle, l’Arsène.» (1)

Petit préambule : Raccoon veut dire raton-laveur en anglais, et non, pour ceux qui n’en démordent pas : «Petite ville américaine infestée de zombies» (a). Sly le raton-laveur, raton-voleur gentleman cambrioleur, casquette bleue, veste bleue, gants et bottes… bleues, foulard et ceinture jaune, culotte blanche bouffante et masque de Rapetou sur le visage, le Raccoon masqué a l’allure élégante et rétro d’un chauffeur anglais qui se prendrait pour un Lord. Puisant de mémoire à la même source non documentée, son monde est aussi douillet et bâtard que son profil. Un Paris cartoon plein d’ambiances (pin-pon des pompiers), et d’erreurs touristiques (Tour Eiffel en pleine agglomération, réservoirs à eaux sur les toits de Paris comme à New York ?), ou, plus familier, des machines infernales entre Jules Vernes et Walt Disney, des villages européens déjà vus dans les Mickey Parade. Bref l’Europe vu par les crayons de cartoonistes américains bien intentionnés mais pas très informés. Ce n’est pas grave, nous sommes là pour nous amuser car le jeu est définitivement axé humour rétro et détournements.

«Quand il s’approche on cache les broches et les sacoches, il vide les poches sans anicroche, l’Arsène.» (1)

La musique pleine de minis suspens jazzy est inspirée des séries TV US vieilles de plusieurs décades. Et l’utilisation d’un Codec à la Metal Gear Solid 2 pour assister aux dialogues rigolos entre le héros et son coéquipier à l’abri derrière des écrans de contrôle, donne la touche hommage la plus moderne d’un soft à la technique irréprochable. Sur PlayStation 2, Sly Raccoon rejoint d’ailleurs le niveau qualitatif de rares productions comme Jack & Daxter et Ratchet & Clank. Mieux même, la technique graphique du toon-shading utilisée ici donne à Sly Raccoon une finition et un cachet que les autres n’ont pas. C’est joli tout plein à voir, presque lisse aux entournures. Les décors sont amples mais pas plus ambitieux qu’il ne le faut. Les jeux de lumières au service notamment de phases d’infiltration – Sly caché dans des tonneaux ou marchant sur la pointe des pieds dos au mur – sont solides, les animations multiples et convaincantes.

Cartoon interactif

Plus de doute maintenant, après d’autres tentatives plus ou moins réussies, ce Sly Raccoon confirme que nous jouons dorénavant à de véritables dessins animés interactifs, et en volume s’il vous plait. Ce sera aussi les limites des aventures du raton-voleur de Sony USA. A force de clins d’œil sympathiques aux dessins animés de la Warner, Sly n’invente pas grand chose.

«Le monde entier est un cactus, il est impossible de s’asseoooir…. Dans la vie il n’y a que des cactus moi j’me pique de le savoir ayayaaie ouillouillouille…» (3)

L’organisation du jeu est ultra classique : les niveaux sont accessibles les uns après les autres après avoir mis la main sur la clé adéquat, et il faut éventuellement y retourner sans enthousiasme pour ramasser un item important. Les niveaux eux-même sont bien faits mais donnent l’impression d’avoir déjà été traversés ailleurs, dans d’autres jeux. Bonhommes, les gros ennemis se contentent de faire des petites rondes bien délimitées quand ils ne restent pas sur place à attendre bêtement leur sort, et il s’agit juste de leur donner un coup pour qu’ils disparaissent.

Retour à la case zéro

Le jeu est si simpliste qu’il renoue avec les anciennes méthodes : un coup sur le héros, une chute dans l’eau et c’est retour au début du niveau, avec tout à refaire de zéro. Heureusement ils sont courts et il est possible de sauvegarder n’importe quand. Seule variante notable au genre plateforme à la Rayman, une sorte de canne-faucille que Sly tient à la main et qui lui permet de s’accrocher à des décors surélevés, de se suspendre à des cordes. Sans oublier une paire de jumelles disponible dès le début qui offre la liberté d’observer et de zoomer à volonté dans le décor. D’avantage une démonstration technique que franchement utile, mais on accepte le cadeau.

«C’est le plus grand des voleurs, oui mais c’est un gentleman, il s’empare de vos valeurs sans vous menacer une heure. Quand il détrousse une femme, il lui fait porter des fleurs, gentleman cambrioleur est un grand seigneur…» (2)

Le mieux, dans l’ensemble, est le personnage lui-même. Pas très original mais très bien conçu, ses attitudes furtives, prêt à l’action, sa posture de garde-à-vous sur la pointe des pieds en équilibre sur les corniches des toits et, encore plus frime, la position tendue et aux aguets, dite « en arrêt », empruntée aux chiens de chasse, frôle le génie, surtout avec une lune pleine et ventrue en arrière plan. Sly est un poseur, voilà, c’est dit. La preuve, désinvolte et élégant, il signe ses forfaits en déposant un masque à son effigie dans les coffres qu’il a vidés. Gentleman provocateur.

«Il est sympa et attirant mais mais mais, méfiez-vous, c’est un truand.» (4)

(a) Raccoon City des Resident Evil évidemment, bande de baboons (b) (b) Baboon = babouins en anglais , décidément il faut tout vous dire…
Les chansons du chanteur élégant… 
(1) L’Arsène, par Jacques Dutronc (Paroles © Bourtayre – Lanzmann)
(2) Gentleman cambrioleur, par Jacques Dutronc (Paroles © Bourtayre – Dessca – Harvel)
(3) Les Cactus, par Jacques Dutronc (Paroles © Dutronc – Lanzmann)
(4) Le Dragueur des supermarchés, par Jacques Dutronc (Paroles © Dutronc – Lanzmann)

François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2003 sur Overgame)

 


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Silent Hill 2 : Inner Fears : cauchemar sans fin

David Lynch, Francis Bacon et quelques autres sont les inspirations d’une aventure intérieure conçue sans concession par trois jeunes concepteurs japonais de jeu vidéo. Commencé sur consoles Sony, le mauvais rêve de Konami a prolongé son purgatoire sur Xbox et continuera sur PC…

Silent Hill 2

La plupart des jeux poussent le joueur à s’extérioriser. Destruction, course au score, massacres en masse ou au détail contribuent à la même catharsis. Le jeu en général sert à évacuer fantasmes et trop plein d’énergie. A contre-pied de ce qui est attendu, l’ambiguë aventure de Silent Hill 2 conduit le personnage principal du jeu, et donc le joueur, à l’introspection, à la rétention d’énergie. Point d’euphorie ici, nulle récompense ni bons points ne sont à attendre. Le jeu fonctionne plutôt en termes de soulagements progressifs. Soulagement quand le crissement insupportable d’un monstre rampant s’arrête, soulagement quand une porte parmi les dizaines de la ville abandonnée accepte enfin de s’ouvrir, soulagement quand un poème ésotérique donne accès à une nouvelle clé…

Il y a autant de différences entre Silent Hill 2 et le reste de la production des jeux vidéo qu’entre un film de David Lynch et un blockbuster à la Michael Bay. L’œuvre renfermée des trois artistes japonais de Konami – un producteur designer, un musicien et un concepteur animateur (marionnettiste virtuel), puise son inspiration bien au-delà du jeu vidéo et de la culture pop habituelle. La balade rock acoustique, déchirant thème mélancolique principal de l’aventure, introduit gentiment une effrayante bande son bruitiste que ne renierait pas le David Lynch d’Eraserhead. Le design des monstres informes descend explicitement des peintures écorchées vives de Francis Bacon, leur animation du film l’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne. Le rythme des évènements et des maigres dialogues renvoie encore une fois à David Lynch, celui de l’insaisissable ville perdue de Twin Peaks.

Alors que, vague satisfaction primitive de joueur, le dénommé James Sunderland à la recherche de sa femme morte mais peut-être vivante, élimine jusqu’à l’écœurement les monstres à coup de barre à mine ou de talon, l’approximation volontaire des contrôles rend l’affaire hasardeuse, irritante. L’empathie entre le joueur et le pauvre James si peu maître de la situation fonctionne sur des sentiments d’incertitudes partagés, d’aveuglements réciproques provoqués autant par le brouillard omniprésent que par une histoire dont on ne sait pas si elle existe de manière objective ou si elle est cauchemardée par James. Peut-être le purgatoire intemporel de James, ou celui de sa femme Mary qui envoie apparemment des lettres de l’au-delà, l’histoire de Silent Hill 2 continue son parcours existentiel sur Xbox et sur PC après avoir marqué la PlayStation 2.

Juste pour lever un peu le voile, non sur le mystère mais sur le remarquable travail graphique, une nouvelle option permet de supprimer l’effet granuleux, de sous-exposition volontaire de l’image. Une fonction qu’on laissera scrupuleusement de côté pour apprécier à sa juste valeur l’équilibre visuel voulu par les auteurs. Il faudra aussi sans doute s’abstenir de traverser le chapitre inédit et indépendant de cette nouvelle édition avant d’avoir fini l’aventure principale. Quête introspective inédite dans le jeu vidéo, Silent Hill 2 accuse sans doute quelques flottements. Mais comme tout travail artistique et de recherche, ce jeu là n’est qu’une des marches de l’escalier qui conduit inexorablement le jeu vidéo vers l’âge adulte. Silent Hill 3 est déjà attendu, mais en décidant de placer au centre de cette nouvelle aventure une jeune femme aussi courtement vêtue que lourdement armée, on se demande si la série ne prend pas le risque de céder son âme aux tentations clichées et marketings. Silent Hill 2 resterait alors une œuvre unique.

Silent Hill 2 : Inner Fears 1 joueur Genre : Survival Horror cérébral + 1 chapitre inédit sur Xbox (disponible) et sur PC (sortie le 28 février 2003)

François Bliss de la Boissière

(Publié en février 2003 sur Overgame)

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Ratchet & Clank : mascotte armée

Elles s’étaient fait oublier dans le grand chambardement des consoles nouvelle génération. On les croyait enterrées avec une époque et puis, coucou, les revoilou, les mascottes qui asticotent les manettes. Grosse artillerie au point, Ratchet et Clank traversent la galaxie pour réclamer leur part du gâteau…

Ratchet & Clank
Par un effet curieux du hasard, comme si tout le monde s’était concerté, l’année 2002 aura vu le grand retour des personnages mascottes après au moins deux années d’absence. Pour le grand plaisir des plus petits, et sans doute l’ennui des plus grands. Héros au design animalier improbable mais instinctivement familier. Condamné depuis les origines et Donkey-Kong à sauter de plate-formes en plate-formes, à donner des coups de cul définitifs. Emblème vidéoludique de la puérilculture qui, après d’innombrables agitations frénétiques de pixels, vient systématiquement s’essuyer dans les peluches de la culture bobo.

Chercher la bagarre aux anciens

Avant dernier candidat de qualité sur PlayStation 2 avant l’arrivée récente de Sly Raccoon, Ratchet le mécanicien et son alter ego métallique Clank, sont venus à leur tour chercher des crosses aux indétrônables Crash, Sonic et Mario des consoles concurrentes. Et pour affronter des grands frères à la réputation intouchable, l’étrange animal du futur ne vient pas les mains vides. Au cours du périple qui le conduira de planètes en planètes pour, encore et toujours, combattre un vilain empereur galactique (Président Drek en fait, un faux modeste), Ratchet trimballe avec lui un arsenal à rendre jaloux le responsable des stocks de Fort Knox. Du pistolet laser au lance-flamme, du Trespasser au Devastator, du canon sonique aux gants explosifs, du Morpha-A-Ray au Suck Cannon, et à condition de passer chez le revendeur local, le nouvel héros auto proclamé sauveur de l’univers, peut devenir une armée à lui tout seul. A tel point que même l’anciennement humaniste Moïse reconverti en Charlton Heston vindicatif à la tête de la NRA (National Rifle Association) pourrait venir lui demander des comptes, voire même ses licences.

Bon pour 3 ans et plus si affinités

Heureusement tout cela est bon enfant. A part un Conker halluciné dont on se demande encore comment il fut possible sur Nintendo 64, les mascottes dignes de cette appellation contrôlée trouvent toujours leur ligne de flottaison au-dessus de la barre des « Bon pour 3 ans et + ». Garantie surannée du Syndicat des Editeurs de Loisirs (SELL). Ce qui ne veut pas dire que cette mascotte là s’adresse aux enfants, loin de là. Tous les adultes et jeunes adultes sauront goûter les joies de la destruction efficace mais inoffensive de centaines de robots plus farfelus les uns que les autres.

Le 5e élément

Beaucoup plus tributaire de la pesanteur que ses prédécesseurs bondissants, Ratchet sautille sans grâce, n’atteint pas sans assistance mécanique les plate-formes supérieures. En s’aidant d’un Clank installé dans son dos, le malin animal utilise helipack,
jet pack, engin sur coussin d’air et autre grappin magnétique, pour décoller du sol. Malheureusement, cet amusant inventaire à la Prévert cache à peine la seule défaillance de cette production hyper soignée. Car aussi équipé qu’il soit, aussi rigolos que soient les ennemis, aussi flashants que soient les énormes environnements traversés par des dizaines d’engins volants (on pense à la circulation de New York du 5e élément et surtout à Coruscant, la ville aéroportuaire de Star Wars : Episode One), le monde de Ratchet & Clank est plutôt ennuyeux à traverser. Un défaut, que l’on peut rapprocher de celui des trois jeux Spyro le Dragon des mêmes développeurs, et qui n’a de toutes façons pas empêché le mignon dragon d’intéresser des millions de joueurs sur PlayStation 1.

Demi-frère avoué de l’excellent Jak and Daxter sorti l’année dernière, Ratchet & Clank partage la même technologie efficace, le même humour sain inspiré des meilleurs cartoons, et, porté par l’enthousiasme de Sony Computer, suivra sans doute son frère de sang (californien) vers le succès. Une grosse production forçant la sympathie, curieusement un peu plombée par une architecture des niveaux beaucoup trop ordinaire.

À lire : Ted Price : papa poule de Ratchet & Clank

François Bliss de la Boissière

(Publié le 28 janvier 2003 sur Overgame)

 


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Project Zero : clichés mortels

Qui aurait cru que la meilleure arme contre des ectoplasmes serait un appareil photo ? En transformant une fragile héroïne en paparazzi chassant les fantômes, ce survival horror dépasse les bornes d’un genre qui commençait à puer le renfermé. Enfin un nouvel air putréfié…

Project Zero
Le genre jusque-là ultra balisé du survival horror certifié par Resident Evil est en train d’évoluer de l’intérieur à un point que l’on n’imaginait pas. Silent Hill a poussé le premier la porte à l’évolution en 1999 et l’année 2002 a vu la confirmation que le survival horror est capable de s’ouvrir de véritables nouvelles perspectives. Après un Illbleed audacieux entraperçu sur Dreamcast en 2001, cela s’est confirmé récemment avec un Eternal Darkness littéraire sur GameCube, et cela s’apprécie sur PlayStation 2 depuis la sortie trop discrète de Project ZERO, une réussite aussi sobre qu’inattendue.

Clichés flashés

Tous les clichés sont donc inclus dans ce Project ZERO : le manoir hanté, l’héroïne fragile à la merci des monstres, la semi obscurité permanente, une image crapoteuse, une bande son oppressante, un rythme de jeu d’autant plus lent que le rythme cardiaque du joueur va, lui, en s’accélérant. La courageuse et belle idée de cette aventure réside d’abord sur la disparition totale de tout armement. Seule « arme » défensive entre la jeune Miku en jupe trop courte et les fantômes blafards qu’elle rencontre : un vieil appareil photo à chambre. Idée d’abord saugrenue qui s’avère excellente après usage. Même si la version burlesque du manoir hanté et de l’appareil photo de Luigi’s Mansion sur GameCube a jeté un peu de dérision dans un monde bien trop premier degré.

« I see dead people »

Capable, donc, de voir les morts comme le jeune Haley Joel Osment du 6e Sens de M. Night Shyamalan – et non des zombies pour une fois – la frêle Miku devra avoir le réflexe et l’assurance minimum pour photographier les ectoplasmes fuyant dans les couloirs et autres greniers. Silhouette spectrale traversant le décor au loin, fantôme agressif faisant face à l’objectif, chaque photo prise aura donc une valeur chiffrée en fonction de sa teneur. Allant même sur le terrain des jeux de rôle, l’appareil photo qualifié de « mystique » a des points d’évolution oscillant entre la qualité des pellicules utilisées, la portée et la vitesse de la visée, etc. Quand il y a un problème dans une pièce, vibration de la manette à l’appui, Miku tremble jusqu’à ce que, sous l’impulsion du joueur, l’objectif de l’appareil photo repère et shoote l’anomalie. Il sera même capable de révéler des objets ou des passages dissimulés.

Voisin de Silent Hill, cousine de Eternal Darkness

Proche de la tension dramatique d’un Silent Hill 2 (lampe torche par exemple), ajoutant des éléments franchement hallucinatoires utilisés dans Eternal Darkness, Project ZERO surprend par son savoir faire et l’aboutissement de ses concepts. Le jeu est plein d’idées et l’on sent bien que l’inventivité et l’attention dans les détails ont compensé le manque de moyens apparents. La modélisation et le look des personnages ne sont, par exemple, pas très heureux, et la lenteur les déplacements à la 3e personne agace. Mais l’utilisation en vue subjective de l’appareil photo qui devient alors une mire « inoffensive » est vraiment intuitive et souple. Et toute l’interface est agréablement au service du joueur.

Passage de torche

Sans révolutionner le genre, Project ZERO reprend la torche de l’évolution du survival horror tenue jusque là par Silent Hill 2 et lui ouvre de nouveaux horizons. Un horizon sombre et effrayant, bien entendu. Disponible sur PlayStation 2 depuis le mois d’août 2002, Project Zero sortira prochainement sur Xbox.

Project ZERO 1 joueur Mode 50-60 Hz : oui V.A. Sous-titrée Sauvegarde PS2 gourmande : 1,8 Mo

François Bliss de la Boissière

(Publié en janvier 2003 sur Overgame)

 


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Quantum Redshift : copie conforme

Qui aurait cru que le plagiat éhonté d’un jeu modèle réussirait à dépasser le maître. C’est pourtant ce que ce clone de WipeOut réussit à faire sur Xbox.

Quantum Redshift
Depuis le succès du premier WipEout de la PlayStation, les courses d’engins futuristes sont devenues obligatoires à tout catalogue qui se respecte. Au même titre que les courses de karts fantaisistes depuis Mario Kart. Nouvel arrivant dans le monde consoles avec la Xbox, Microsoft a donc cautionné sans remords le développement externe d’une imitation flagrante de Wipeout, la série exclusive de Sony sur PlayStation 1 et 2. Seulement voilà, à la surprise générale, Quantum Redshift réussit à faire plaisir là où le dernier WipEout (Fusion) né sur la PlayStation 2 laissait un petit goût d’inachevé.

Ride sans prétention

Absolument pas prétentieuse, cette course, ou plutôt ce ride digne d’une fête foraine, surprend par sa réalisation sans faille. Sans originalité aucune, il s’agit toujours de piloter des bolides futuristes sur coussin d’air le long de circuits en montagnes russes. Non content de glisser sur des parcours déjà bien accidentés, les six pilotes ont le loisir de se tirer dessus avec des armes récupérées sur le trajet. Comme le demande le genre, le plaisir de la vitesse est souvent giflé par des explosions qui arrêtent plus ou moins brutalement l’engin. Il faut s’y faire, après tout, un indicateur aussi simple que précis signale en permanence les armes disponibles et sur quel bouton (rouge ou bleu) il faut appuyer pour les déclencher. Idem pour le bouclier salvateur placé sur le bouton jaune. Là où, stylisé à l’extrême, le design des icônes de WipEout était parfois confus, la signalétique carrée, mais pas exempt d’effets spéciaux, de Quantum Redshift est d’une évidence confondante. Il en va de même de la progression dans les niveaux de difficultés. Pour accéder à la course suivante il faut évidemment arriver premier à la précédente, mais en cas d’échec, les points bonus glanés sur le parcours sont à disposition pour améliorer les capacités techniques de l’engin. Perdre la course ne signifie donc pas perdre son temps. A chaque tentative, le pilote capitalise quelque chose. C’est malin, simple et présenté avec assez de souplesse pour devenir un exemple de conception bien pensée. A tel point que, pour profiter des 16 circuits, il faut impérativement passer par les 5 modes de difficulté, y compris le niveau Novice souvent ignoré par orgueil. La puissance de la Xbox permet évidemment d’afficher quelques effets graphiques à la mode plus ou moins réussis (le fameux bump mapping, par exemple, qui crée une illusion de relief sur les textures planes) et on s’attardera en particulier sur les gouttes de pluie lumineuses qui éclaboussent le cockpit. Car, là aussi plus fort que la pluie de WipEout Fusion, ce sont de véritables orages qu’il faut parfois traverser à toute vitesse ici (son à l’appuie en vue du cockpit).

Belles aspirations mais guère d’inspiration

Sans la collaboration de graphistes talentueux comme en avaient profité les premiers WipEout (mais pas la version PS2 justement), le design général des pilotes, des engins et des décors de Quantum Redshift manquent nettement d’inspiration. Une exigence qui s’oublie très vite une fois la manette en mains. Car, en étant à la fois précis et d’une grande générosité (pas de pénalisation en se cognant aux bas-côtés, possibilité de survoler de grands pans de décors à la recherche de raccourcis…), le contrôle des engins allie confort et efficacité redoutable. Si toutes les imitations atteignaient ce niveau, tous beaux qu’ils sont, les modèles originaux n’auraient plus qu’à se remettre en question.

Quantum Redshift (Xbox / Curly Monsters – Microsoft / 1 à 4 joueurs / 16/9e : oui / Genre : Courses futuristes / Disponible / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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Project ZERO : Clichés mortels

Qui aurait cru que la meilleure arme contre des ectoplasmes serait un appareil photo ? En transformant une fragile héroïne en paparazzi chassant les fantômes, ce survival horror dépasse les bornes d’un genre qui commençait à puer le renfermé. Enfin un nouvel air putréfié…

Project ZERO PS2
Le genre jusque-là ultra balisé du survival horror certifié par Resident Evil est en train d’évoluer de l’intérieur à un point que l’on n’imaginait pas. Silent Hill a poussé le premier la porte à l’évolution en 1999 et cette année voit la confirmation que le survival horror est capable de s’ouvrir de véritables nouvelles perspectives. Après un Illbleed audacieux entraperçu sur Dreamcast en 2001, cela se confirmera prochainement avec un Eternal Darkness littéraire sur GameCube, et cela s’apprécie sur PlayStation 2 depuis la sortie récente de Project ZERO, une réussite aussi discrète qu’inattendue.

Cliché d’horreur littéral

Tous les clichés sont donc inclus dans ce Project ZERO : le manoir hanté, l’héroïne fragile à la merci des monstres, la semi obscurité permanente, une image crapoteuse, une bande son oppressante, un rythme de jeu d’autant plus lent que le rythme cardiaque du joueur va, lui, en s’accélérant. La courageuse et belle idée de cette aventure réside d’abord sur la disparition totale de tout armement. Seule « arme » défensive entre la jeune Miku en jupe trop courte et les fantômes blafards qu’elle rencontre : un vieil appareil photo à chambre. Idée d’abord saugrenue qui s’avère excellente après usage. Même si la version burlesque du manoir hanté et de l’appareil photo de Luigi’s Mansion sur GameCube a jeté un peu de dérision dans un monde bien trop premier degré.

Appareil photo « mystique »

Capable, donc, de voir les morts comme le jeune Haley Joel Osment du 6e Sens de M. Night Shymalan – et non des zombies pour une fois, la frêle Miku devra avoir le réflexe et l’assurance minimum pour photographier les ectoplasmes fuyant le décor. Silhouette spectrale traversant le décor au loin, fantôme agressif faisant face à l’objectif, chaque photo prise aura donc une valeur chiffrée en fonction de sa teneur. Allant même sur le terrain des jeux de rôle, l’appareil photo qualifié de « mystique » a des points d’évolution oscillant entre la qualité des pellicules utilisées, la portée et la vitesse de la visée, etc. Quand il y a un problème dans une pièce, vibration de la manette à l’appui, Miku tremble jusqu’à ce que, sous l’impulsion du joueur, l’objectif de l’appareil photo repère et shoote l’anomalie. Il sera même capable de révéler des objets ou des passages dissimulés.

Nouveaux éclairages sur un genre balisé

Proche de la tension dramatique d’un Silent Hill 2 (lampe torche par exemple), ajoutant des éléments franchement hallucinatoires utilisés dans Eternal Darkness, Project ZERO surprend par son savoir faire et l’aboutissement de ses concepts. Le jeu est plein d’idées et l’on sent bien que l’inventivité et l’attention dans les détails ont compensé le manque de moyens apparents. La modélisation et le look des personnages ne sont par exemple pas très heureux, et la lenteur les déplacements à la 3e personne agace. Mais l’utilisation en vue subjective de l’appareil photo qui devient alors une mire « inoffensive » est vraiment intuitive et souple. Et toute l’interface est agréablement au service du joueur. Sans révolutionner le genre, Project ZERO reprend la torche de l’évolution du survival horror tenue jusque là par Silent Hill 2 et lui ouvre de nouveaux horizons. Un horizon sombre et effrayant, bien entendu.

Project ZERO (PlayStation 2 / Tecmo – Wanadoo / 1 joueur / Mode 50-60 Hz : oui / V.A. Sous-titrée / Sauvegarde gourmande : 1,8 Mo / Genre : Survival-Horror / Disponible / Score : B)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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Eggo Mania : oeufs maçons

Las des effets plein la face de la production jeux vidéo nouvelle génération, il devient urgent de se simplifier la vie avec un Tetris-like aussi maniable que relaxant.

Eggo Mania

Le jeu vidéo se prend si souvent au sérieux avec ses scénarios alambiqués, ses musiques prétentieuses, ses univers surchargés, qu’il est rafraîchissant de retourner de temps en temps aux origines toutes simples du loisir interactif. Sur Game Boy et sûrement sur l’écran des ordinateurs de bureaux, Tetris, casse-briques ou Shanghai sont toujours vivaces et, n’en déplaise à la course affolante aux effets spéciaux, il n’en faut finalement pas plus pour faire un jeu vidéo. Les plus anciens gamers se dirigent en toute logique vers les logiciels disponibles sur Internet qui émulent les bornes d’arcade ou les consoles d’antan et se complaisent alors à retrouver des sensations nostalgiques.

Old school consensuel

En ce nouveau millénaire, les joueurs contemporains las de l’emphase des productions actuelles, et les néophytes du jeu vidéo peuvent alors se retrouver sur des jeux old school si évident qu’ils en deviennent consensuels. Anachronisme charmant, le petit Eggo Mania récemment disponible sur toutes les consoles surpuissantes du marché (et sur GBA) ne nécessite pourtant pas beaucoup de ressources. Héritier parmi tant d’autres du Tetris original inventé par Alexey Pajitnov, le jeu demande tout simplement de récupérer des morceaux de briques tombant du haut de l’écran pour édifier un mur commençant au bas de l’écran. Décidé à ne pas se prendre au sérieux, Eggo Mania s’amuse alors avec le principe d’empilage de briques cloné sur Tetris. Toujours face à un écran vertical rectangulaire où tout se passe, le joueur contrôle un petit personnage rondouillard sans jambes ni bras ni cou, mais avec des mains, des pieds et une tête. Un œuf humanisé donc, assemblé comme le célèbre Rayman. C’est donc cet œuf staïlé en Coolio, en diablotin, en DJ ou en samouraï (13 en tout) qui fait tout ce qu’il faut pour construire son mur le plus vite possible. Très intuitivement sous le contrôle de la manette, Yolko, Astro ou Funky, sautent pour attraper les morceaux de briques aux formes diverses qui tombent du ciel. Une fois la brique entre les mains, le petit bonhomme doit choisir où la poser pour que son édifice s’élève sans s’effondrer. Et il faut faire vite puisque pendant le temps de décision d’autres morceaux de briques tombent inutilement, le chronomètre défile, et le niveau de l’eau monte en bas de l’écran révélant que des mauvais choix conduiront à la noyade. Selon les modes de jeu en solo ou contre un adversaire construisant en simultané et sous les mêmes contraintes un mur de son côté, il faudra arriver le premier en haut de l’écran tout en résistant à divers aléas : bombes jetées par l’adversaire, oiseaux voleurs de briques, crocodiles sauteurs…

En paix

Curieusement, alors que le principe du jeu devrait conduire très vite à l’hystérie, le rythme imposé par les animations rondouillardes, les musiques enfantines de la dizaine d’environnements graphiques (fête foraine, usine, maison hantée…), les temps de chargements un peu exagérés entre parties (version PS2), les modes d’initiation simples et conviviaux, la maniabilité douillette et le côté minimaliste de l’ensemble, laissent l’esprit plutôt en paix. A condition toutefois de ne pas être irrité par le côté bon enfant de l’affaire et un prix de vente outrageusement égal à celui des super productions du jeu vidéo.

Eggo Mania (PS2 – GameCube – Xbox – GBA / Kemco / 1 à 2 joueurs / Genre : Puzzle-Action / Disponible / Score : C)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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Onimusha 2 Samurai’s Destiny : Résurrections

Sous les traits d’un véritable acteur japonais mort il y a 13 ans, un jeune et viril Samouraï virtuel part en guerre contre le vilain Seigneur Nobugana Oda lui aussi ressuscité. Après 2000 ans de civilisation, technologie et magie se rejoignent donc pour contenir la mort…

Onimusha 2 Samurai’s Destiny

Pendant que le cinéma se pose des questions existentielles insondables sur la légitimité des acteurs virtuels (S1m0ne actuellement en salle, ou le film Final Fantasy), le jeu vidéo plonge sans dilemme dans le cœur du sujet. Utilisant le procédé de motion capture pour mimer mouvements du corps et, même, expressions du visage, le premier jeu Onimusha avait fait appel à des vrais acteurs pour prêter corps et voix à des personnages recréés en 3D. Pour Onimusha 2, le studio Capcom fait encore plus fort en utilisant, pour le personnage principal, les traits d’un acteur célèbre au Japon (Masadu Matsura) mais décédé en 1989 ! Le fantasme de faire revivre les acteurs via des images de synthèses est donc déjà à portée de mains des concepteurs de jeux vidéo. A quand un jeu avec Marilyn Monroe, Elvis Presley (c’est vrai que d’après certaines rumeurs, le King n’est pas forcément mort, lui), Humphrey Bogart, ou, pour rester en France : Jean Gabin, ou Patrick Dewaere ?

Motion capture de luxe

Tel que le révèlera le Making Of accessible dans la partie Museum du soft, tous les personnages jouables et non jouables, du jeu proprement dit comme des magnifiques cinématiques d’introduction, ont été créés en passant par la luxueuse motion capture. Y compris les chevaux ! Les comportements et gestuelles de tous les protagonistes sont donc criants de réalisme et même souvent stylisés. Utilisant la même technique un peu vieillotte des Resident Evil, qui mélange décors 2D et personnages 3D, Onimusha est en effet mis en scène avec précision et même, parfois, avec recherche. Les plans uniquement fixes cherchent le bon compromis entre dramatisation et accessibilité pour jouer. Car, belle aventure scénarisée, il s’agit bien d’un jeu d’action, vif et saignant comme l’aiment les gamers.

N’est pas Ran samouraï qui veut

C’est d’ailleurs un des grands autres paradoxes de ce jeu vidéo en provenance du Japon, emblématique de l’approche très sérieuse des développeurs japonais. Le réalisme des animations n’a d’égal que dans la fidélité de la reconstitution graphique d’un Japon féodal du 16e siècle. Au cinéma, des costumes aux architectures, des batailles colossales aux discrètes scènes rurales, une telle reconstitution maniaque d’un Japon de l’an 1560 serait reconnu au même titre qu’un Ran d’Akira Kurosawa (1985). Ici, parce que le jeune samouraï en quête de revanche se bat à coup de sabres aux côtés d’une troupe d’aventuriers typés, éventre les démons dans des gerbes de sang, utilise des armes blanches soutenues par des magies fantaisistes, trouve comme par hasard des coffres plein de bonnes choses sur sa route, Onimusha 2 ne reste qu’un produit de loisirs pour acharnés de la manette. Mais quelle réalisation haut de gamme !

Onimusha 2 : Samurai’s Destiny (PlayStation 2 / Capcom / 1 joueur / Mode 50-60 Hz : oui / V. A. sous-titrée / Genre : Action-Aventure / Disponible / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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The Thing : Cette chose nommée licence

Pourquoi un film culte de 1982 engendre-t-il un jeu vidéo prometteur mais mal dégrossi en 2002 ? Parce que le prix d’achat de la licence absorbe l’essentiel du budget de développement. Sale histoire…

The Thing Xbox

Autant que l’on s’en souvienne, le film The Thing de John Carpenter datant de 1982 (20 ans !) n’a pas coûté bien cher. Il s’agissait même sûrement d’un petit budget. Le film pourtant ne fait toujours pas fauché et on n’y repère pas de problèmes techniques comme des fautes de raccords de plans, des perches de micro visibles dans le cadre, des dialogues ratés, des sautes de sons ou des notes de musiques sonnant faux. Malgré les moyens rudimentaires de l’époque, les effets spéciaux animant la créature étaient même crédibles, voire impressionnants. Et surtout, le jeu des acteurs étaient assez convaincants pour faire croire au suspens que le scénario voulait faire passer. Comment se fait-il que 20 ans plus tard, un jeu chargé de la licence d’un film culte qui, aux côté d’Alien, est à l’origine de nombreux jeux vidéo y compris le genre si populaire du Survival-Horror, soit techniquement si peu abouti ? Pourquoi un jeu avec une telle filiation souffre de défaillances provoquant presque l’hilarité : personnages passant à travers les portes comme si elles n’existaient pas, affichage saccadé des décors, ennemis surgissant du vide, visée hasardeuse, etc… ?

Jeu vidéo, 12% du budget du film

Une étude récente du Département des études et de la prospective donne une partie de l’explication. Elle révèle en effet que dans le prix de fabrication d’un jeu vidéo en France, 12 à 20% seulement du budget est alloué au développement proprement dit, et quand il y a achat de licence comme celle prestigieuse d’un film, c’est le même budget développement qui paie la dite licence. Combien reste-t-il ensuite d’argent aux développeurs pour réaliser un jeu derrière le nom célèbre ? On comprend alors facilement pourquoi si peu de jeux récupérant l’héritage d’un film, ou d’une BD, soient à la hauteur de créations originales.

Sur le papier ça va, mais…

Cette tentative de déclinaison du film The Thing en jeu vidéo a pourtant quelques bonnes idées sur le papier. Un commando est envoyé secourir une base scientifique perdue en Antarctique. Comme dans le film, scientifiques et, très vite, les hommes armés, se font décimer un à un par une créature mutante capable, notamment, de se camoufler dans un être humain avant de le consumer de l’intérieur. Essayant de recréer la paranoïa du film, le Capitaine Blake du jeu vidéo doit se préoccuper de l’humeur de sa troupe. Des jauges de confiance réciproques, et de peur, permettent au héros de surveiller l’état mental de ses partenaires pour éventuellement ajuster son comportement en conséquence : calmer un inquiet en lui donnant des tranquillisants, éliminer sans hésitation un éventuel porteur de La bête…. Via un menu d’icônes, Blake donne des ordres succincts à sa petite troupe qui tente alors tant bien que mal d’obéir : le technicien répare les fusibles, l’infirmier soigne un blessé, le soldat participe activement au coup de feu. L’idée est belle mais la réalisation est hélas approximative.

Doublage au niveau des films pornos

Excessivement verbeux, le début du jeu se voulant didacticiel, stigmatise le problème : les idées sont là, nombreuses, décrites en détails pour être sûr que le joueur comprenne bien, mais une fois dans le jeu proprement dit, mal réalisés, les concepts tombent à plat. La version Xbox affiche pourtant facilement des décors et des éclairages convaincants, le son fait aussi parfois illusion, et les déplacements à la 3e personne sont agréables. Mais à la seconde où les personnages dialoguent (en français), toute tentative de dramatisation jette le joueur spectateur dans la consternation. Tant que le jeu vidéo se contentera de scénarios mal dégrossis et de doublages du niveau des films pornos, le cinéma restera sans effort le véhicule privilégié de l’émotion et le jeu vidéo dans un ghetto culturel.

The Thing (Xbox / PS2 / PC / VU Games / Black Label Games / 1 joueur / Genre : Survival Horror / Sortie 27-09-2002 / Score : C)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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Silent Hill 2 : Cauchemar sans fin

David Lynch, Francis Bacon et quelques autres sont les inspirations d’une aventure intérieure conçue sans concession par trois jeunes concepteurs japonais de jeu vidéo. Commencé sur consoles Sony, le mauvais rêve de Konami continue son purgatoire sur la console de Microsoft.

Silent Hill 2 Inner fears Xbox

La plupart des jeux poussent le joueur à s’extérioriser. Destruction, course au score, massacres en masse ou au détail contribuent à la même catharsis. Le jeu en général sert à évacuer fantasmes et trop plein d’énergie. A contre-pied de ce qui est attendu, l’ambiguë aventure de Silent Hill 2 conduit le personnage principal du jeu, et donc le joueur, à l’introspection, à la rétention d’énergie. Point d’euphorie ici, nulle récompense ni bons points ne sont à attendre. Le jeu fonctionne plutôt en termes de soulagements progressifs. Soulagement quand le crissement insupportable d’un monstre rampant s’arrête, soulagement quand une porte parmi les dizaines de la ville abandonnée accepte enfin de s’ouvrir, soulagement quand un poème ésotérique donne accès à une nouvelle clé… Il y a autant de différences entre Silent Hill 2 et le reste de la production des jeux vidéo qu’entre un film de David Lynch et un blockbuster à la Michael Bay.

Au-delà du jeu vidéo et de la pop culture

L’œuvre renfermée des trois artistes japonais de Konami – un producteur designer, un musicien et un concepteur animateur (marionnettiste virtuel), puise son inspiration bien au-delà du jeu vidéo et de la culture pop habituelle. La balade rock acoustique, déchirant thème mélancolique principal de l’aventure, introduit gentiment une effrayante bande son bruitiste que ne renierait pas le David Lynch d’Eraserhead. Le design des monstres informes descend explicitement des peintures écorchées vives de Francis Bacon, leur animation au film l’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne. Le rythme des évènements et des maigres dialogues renvoient encore une fois à David Lynch, celui de l’insaisissable ville perdue de Twin Peaks. Alors que, vague satisfaction primitive de joueur, le dénommé James Sunderland à la recherche de sa femme morte mais peut-être vivante, élimine jusqu’à l’écœurement les monstres à coup de barre à mine ou de talon, l’approximation volontaire des contrôles rend l’affaire hasardeuse, irritante. L’empathie entre le joueur et le pauvre James si peu maître de la situation fonctionne sur des sentiments d’incertitudes partagés, d’aveuglements réciproques provoqués autant par le brouillard omniprésent que par une histoire dont on ne sait pas si elle existe de manière objective ou si elle est cauchemardée par James.

Purgatoire interactif

Peut-être le purgatoire intemporel de James, ou celui de sa femme Mary qui envoie apparemment des lettres de l’au-delà, l’histoire de Silent Hill 2 continue son parcours existentiel sur la Xbox après avoir marqué la PlayStation 2. Juste pour lever un peu le voile, non sur le mystère mais sur le remarquable travail graphique, une nouvelle option permet de supprimer l’effet granuleux, de sous-exposition volontaire de l’image. Une fonction qu’on laissera scrupuleusement de côté pour apprécier à sa juste le valeur l’équilibre voulu par les auteurs. Il faudra aussi sans doute s’abstenir de traverser le chapitre inédit et indépendant de cette version Xbox avant d’avoir fini l’aventure principale. Quête introspective inédite dans le jeu vidéo, Silent Hill 2 accuse sans doute quelques flottements. Mais comme tout travail artistique et de recherche, ce jeu là n’est qu’une des marches de l’escalier qui conduit inexorablement le jeu vidéo vers l’âge adulte.

Silent Hill 2 : Inner Fears (Xbox / Konami / 1 joueur / Genre : Survival Horror cérébral / Sortie 4-10-2002 / Score : A)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #7)

 


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Ferrari F355 Challenge : L’étalon italien

La sortie sur PS2 de cette élitiste simulation automobile déjà pratiquée sur Dreamcast en 2000 rappelle une chose : le réalisme d’une simulation doit s’arrêter là où le joueur ne s’amuse plus. A moins que l’apprenti pilote soit aussi courageux que humble…

Ferrari F355 Challenge

La haute technologie entre les mains des meilleurs développeurs peut conduire directement au mur. C’est que révèle ce F355 Challenge signé Yu Suzuki, le créateur célèbre de Sega (de Outrun à Shenmue). Projet de salle d’arcade comprenant un cabinet entier et trois écrans pour reproduire une vue cinémascope, adapté efficacement en 2000 sur console Dreamcast, F355 Challenge a fait la double démonstration du talent de Yu Suzuki et de l’élitisme de sa démarche. La marque mythique italienne (Ferrari), un seul modèle à conduire (la fameuse F355), une dizaine de circuits réels dessinés au cordeau, une seule position pour conduire : derrière le volant. A l’heure où tous les jeux de course automobiles tentent d’offrir des centaines de véhicules, des dizaines de circuits et de modes de jeu, la concentration de ce F355 Challenge est stupéfiante, pour ne pas dire kamikaze.

Jouer n’est pas gagner

Conduire la Ferrari de Yu Suzuki ce n’est pas jouer pour gagner, c’est jouer pour apprendre à conduire, essayer de dompter un étalon automobile aussi prompt à démarrer qu’à désarçonner. Flatté par les jeux du marché faciles d’accès, habitué à gagner des courses improbables dans des circonstances invraisemblables, le candidat à F355 Challenge devra réapprendre la modestie, l’humilité. Les circuits officiels du Japon (Suzuka, Sugo…), d’Italie (Monza) ou des Etats-Unis (Atlanta…) sont aussi fidèles et arides que la réalité. Le contrôle du véhicule qui dépend de réglages hyper pointus n’est vraiment possible qu’avec toutes les assistances activées. Et même comme cela, l’apprenti pilote ne pourra pas rattraper la voiture une fois partie en dérapage dans un virage, ne saura pas freiner à temps avant une chicane. A 260 km/h, les panneaux d’avertissement le long des parcours défilent bien trop vite pour être d’un grand secours, surtout quand il faut tenir sans ciller les rênes d’un animal presque sauvage. Gagner les courses du Championnat ou même du mode Arcade contre les 7 autres concurrents du programme est si difficile que cette version PlayStation 2 offre d’emblée la possibilité de concourir sur les 11 circuits disponibles. Au moins pour le plaisir. Sur Dreamcast, cinq d’entres eux étaient verrouillés et forçaient à gagner sur les autres avant d’être accessibles !

Une seule concession « grand public »

Autre concession grand public de cette adaptation PlayStation 2, l’apparition d’une vue externe pour conduire qui confirme, avec les Replays peu crédibles, que le jeu ne se situe pas là. Encore une fois, plus proche d’une simulation hyper réaliste que d’un jeu vidéo, le travail de Sega se goûte de l’intérieur du véhicule, si possible avec un volant puisque le jeu le permet fort logiquement. Les puristes de la conduite, puisque c’est à eux que le jeu s’adresse avant tout, reconnaîtront que la version Dreamcast est meilleure que la toute nouvelle PlayStation 2. Mais que cela n’empêche pas les courageux d’essayer, la sensation de conduite est époustouflante, et les ciels au-dessus des circuits sont absolument magnifiques. Quoi qu’il en soit, que l’on réussisse ou pas à dompter la bête, pour le prix d’un jeu vidéo, n’importe qui peut dorénavant prétendre avoir une Ferrari sur son étagère. Même hyper réaliste, le jeu vidéo reste du rêve.

Ferrari F355 Challenge (PlayStation 2 / Sega / 1 à 2 joueurs / 60Hz : oui / 16/9e : oui / Genre : Simulation automobile élitiste / Sortie 25-09-2002 / Score : B)

François Bliss de la Boissière

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Myst III Exile : L’AUTRE MONDE

La série Myst est une véritable énigme. Littéralement. Décriée par les gamers qui n’y voient guère un jeu, encensée par un grand public croyant pratiquer un jeu « normal », Myst est surtout une énigme sociologique avec ses 25 millions de pratiquants. Et ce n’est pas fini puisque l’épisode 3 arrive sur consoles…

Myst III Exile
Malgré l’absence de héros devant la caméra, l’histoire de Myst est celle de deux frères : Rand et Robyn Miller. Nés au Texas, élevés par un pasteur nomade prêchant aux quatre coins de l’Amérique, les deux hommes vont changer le cours de l’histoire du PC en lançant un jeu d’aventure tellement graphique qu’il nécessite, en 1993, le support balbutiant du CD-Rom. Myst devient alors l’emblème technologique du CD-Rom et renvoie le support disquette à la préhistoire. Mais au-delà de la démo high-tech, les premiers aventuriers de la souris découvrent un monde fantastique avec ses paysages et sa civilisation oubliée (D’NI). Un monde hypnotisant, mystérieux et désertique, naturellement inspiré de Jules Vernes. Un continent imaginaire morcelé en îles (des Âges dans le langage Myst) où le joueur, pris de vertiges, part à la découverte de lois et mécanismes ésotériques fascinants.

Serial Myst

Ce troisième épisode, qui transforme définitivement Myst en série (Myst 4 et une version online sont en développement, et une mini série TV est en cours de production par Columbia Tri Star), a été confié par les frères Miller à un studio externe. Sorti en 2001 sur PC, Myst III Exile retrouve donc l’interface célèbre où il suffit de cliquer devant soi pour avancer d’un pas – pour peu que le décor le permette, et les puzzles machiavéliques dont dépendent l’exploration et la suite de l’histoire. Seule amélioration technique notable – initiée par L’Amerzone, le Myst-like du français Benoît Sokal  : la possibilité de faire pivoter le point de vue dans tous les sens pour observer les alentours. Les yeux incrédules découvrent en détails de nouveaux décors lunaires, des maisons végétales, des carrières de cristaux d’où surgissent des boules de glace en apesanteur, des bâtisses minérales abritant des ascenseurs inquiétants… Le clapotis de l’océan omniprésent, le souffle du vent, le bruissement des feuillages et, parfois, les pas rapides d’un personnage hors-champ, complètent des tableaux virtuels sollicitant presque tous les sens. Il suffit d’une ondulation de l’eau, d’un vol d’oiseau, du passage furtif d’un animal étrange pour que des décors essentiellement fixes prennent vie.

Guest star

Dépendant d’une technologie douteuse quoi que bien faîte, des vidéos dites incrustées sont heureusement distillées avec parcimonie. Outre, Atrus (toujours interprété par Rand Miller lui-même), l’homme dont la prose crée à volonté les Âges de Myst, sa femme Catherine et son nouveau né, Exile invite un acteur pour de vrai en la personne de Brad Dourif (Vol au-dessus d’un nid de coucou, Alien 4) qui joue bien son rôle d’illuminé notoire. Tout en réussissant à se faire remarquer avec la présence d’un acteur du calibre de Dourif, Exile peine toutefois à endosser l’héritage du Myst original, et surtout de sa suite Riven. Aussi compliquées que furent les énigmes des deux premières aventures, elles avaient pour elles une cohérence fondamentale dont le principal mérite était de se révéler peu à peu. Les puzzles rencontrés dans Exile semblent parfois plus artificiels, moins intégrés dans l’environnement, inutilement abscons. Les mécanismes sont à nouveau magnifiquement mis en scène et le spectaculaire succède au délicat, mais la grâce et l’inspiration de Riven ne sont plus tout à fait là. Un jeu d’auteur ne saurait sans doute pas se suffire d’une suite commanditée.

Une aventure calibrée home cinéma

L’adaptation console a néanmoins été bien étudiée, voire même optimisée par rapport à la version PC. Cela se remarque sur Xbox notamment. Les temps de chargement entre les écrans et les menus sont presque inexistants, les déplacements dans le décor sont spontanés grâce à une simple pression d’un bouton de la manette, avec ou sans curseur à l’écran. Des qualités complétées par l’observation naturelle à 360° au stick analogique, l’accès immédiat aux livres contenant les précieuses informations et, surtout, un son calibré au format home cinéma Dolby Digital 5.1. De quoi apprécier davantage encore les bruitages sophistiqués et se laisser transporter par l’ample partition musicale interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Boston. Aventure de l’esprit et des sens, Myst III Exile prend une nouvelle dimension sur un écran de télévision relié à une chaîne Hi-fi.

Myst III Exile ( Xbox [recommandée], PlaySation 2 / 1 joueur / Genre : Aventure graphique / V.O. + V.F. / Sortie : 26 septembre 2002 / Score : B )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 


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Beach Spikers : VIRTUA BABES

Sous couvert d’une sérieuse simulation de volley-ball de plage, les babes arrivent dans les jeux vidéo. Merci les nouvelles technologies et gare au sexisme…

Beach Spikers

C’est la très respectable société Sega qui ouvre la brèche la première : les babes débarquent dans les jeux vidéo ! Quel meilleur prétexte pour faire défiler des dizaines de jeunes femmes en maillot de bain que de proposer une simulation de beach volley ? Oui cela se passe sur la plage, oui l’uniforme du sport est le bikini sportif, oui l’honneur est sauf puisqu’il y a une véritable compétition sportive, et tout sexisme laissé dans les gradins. Ou presque.

L’éternel féminin sportif

Contrairement au projet similaire qui arrivera bientôt sur Xbox (Dead or Alive Extrem Beach Volley Ball) qui assumera totalement l’approche sexy fantaisiste, le Beach Spikers de Sega joue la carte du pseudo réalisme d’une compétition internationale de beach volley. Les équipes exclusivement féminines viennent du monde entier et s’affrontent deux par deux sur des plages toujours ensoleillées. Le jeu venant des salles d’arcade il est possible de se lancer très rapidement dans des parties qui ne durent pas et il faudra chercher un peu plus de profondeur dans le mode World Tour. Première attraction de ce mode carrière : la création de votre sportive principale. Déjà vu dans les simulations sportives ou certains jeux de rôle, le simple fait de pouvoir choisir la coupe de cheveux, le motif du maillot de bain, la couleur de peau et les lunettes de soleil d’une sportive qui finira forcément craquante, est déjà une attraction en soi. Quel homme ne rêve de créer son modèle féminin idéal ?

Win / loose

Et après le physique, il faudra aussi s’occuper de psychologie, car pendant les changements de côté, le jeu demande à ce que le personnage principal que le joueur contrôle en cours de matches fasse des commentaires à sa partenaire contrôlée par le programme. Donnés à bon escient, encouragements ou réprimandes augmenteront l’esprit d’équipe (une jauge en témoigne), tandis que félicitations hypocrites ou reproches injustes mineront ce même esprit d’équipe. Une fonction presque gag tellement il faut retenir l’envie irrésistible de disputer une partenaire vraiment maladroite en début de carrière, et ce malgré l’attribution généreuse de points d’aptitudes (réception, blocage, attaque) gagnés chèrement pendant les matches.
Le jeu se prend donc au sérieux et un passage par le mode entraînement parfois très castrant (sanctionné par un « Failure !» cinglant et irritant, un nombre conséquent d’échecs est à prévoir pour remplir les objectifs demandés) confirme que, malgré les grands efforts des développeurs, le temps de réaction des sportives par rapport aux besoins de l’action est souvent frustrant.

Sexy mais pas trop vulgaire

Sans être toujours tout à fait innocente ni même parfaitement pratique pendant les parties, la caméra reste à peu près élégante et montre des sportives sexy sans être vulgaires. Un équilibre délicat plutôt réussi dans les modes principaux du jeu. Il faudra faire un tour dans les vraiment très factices mini jeux du mode multijoueur (Versus) pour voir finalement surgir la tentation voyeuriste sexiste à l’origine du projet mais presque évitée par ailleurs (Beach Flags : 4 filles font la course en commençant à plat ventre dans le sable pour finir en rampant ? Beach Countdown : le ballon de volley est une bombe qui finit par exploser entre les mains des jeunes filles qui s’évanouissent dans le sable… ?). Quoi qu’il en soit, maintenant que ces mini games sont pointés du doigt, il y a de fortes chances que vous commenciez par là, n’est-ce pas ?

Beach Spikers ( GameCube / Sega AM2 – Infogrames / 1 à 4 joueurs / Genre : Volley-ball de plage / Dispo USA + Japon / Sortie France : 27 / 09 / 2002 / Score : C )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 


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Tron 2.0 : RETRO CHIC

Cette fois est la bonne. Confirmation prise après un rapide coup d’oeil lors du salon des jeux vidéo de Londres (ECTS) : nous allons pouvoir enfin pénétrer nous mêmes dans le cœur informatique du descendant du Master Control Program et régler une bonne fois pour toute ce problème de virus qui empeste nos ordinateurs depuis… 20 ans ?

Tron 2.0

Une injustice s’apprête donc à être réparée : l’univers du film Tron de Steven Lisberger qui a tant inspiré les jeux vidéo sans le savoir en 1982 va enfin devenir le jeu vidéo contemporain qu’il mérite. Syd Mead, le designer du film original (voir ses interventions sur le DVD Collector commémoratif du film), est de la partie, Disney Interactive propriétaire des droits publie et le respecté studio Monolith (No One Lives for Ever) développe. L’histoire de Tron 2.0 se déroule vingt ans après les évènements du film et l’interface du jeu se présente en caméra subjective. Il s’agira donc essentiellement d’un jeu de tir et d’action en 3D et, par une astuce du scénario, les célèbres courses de lightcycles (les « motos-lumières ») déjà pratiquées sur bornes d’arcades dans les années 80, seront possibles. Digitalisation prévue au printemps 2003.

Tron 2.0 ( PC / Monolith / Solo et Multijoueur / Genre : FPS [ First Person Shooter = Jeu de tir 3D en vue subjective ] / Sortie : 1er trimestre 2003 )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 


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Auto Modellista : DESSINE MOI UNE AUTO

Au mieux de sa forme depuis deux ans, l’anciennement conservateur studio japonais Capcom (combien de Street Fighters déjà ?), se lance d’une façon originale dans le genre encombré du jeu de course automobile. Sorti au Japon en août, on sait maintenant que le contrôle des voitures sous-licences d’Auto Modellista s’avère simpliste. Mais l’événement est ailleurs.

Auto Modellista

 

L’aspect graphique façon BD des véhicules et des décors, y compris dans les effet spéciaux comme les rendus de la vitesse et de la pluie (à coups de crayon !), changent radicalement le point de vue photo-réaliste du reste de la production. Au Japon où disque dur et modem PS2 sont disponibles et l’infrastructure en place, Auto Modellista fait partie des premiers jeux PlayStation 2 jouables en réseau (courses jusqu’à 8 concurrents). En France, il faudra se contenter d’un mode solo ou d’affronter quelqu’un sur l’écran divisé de la télévision.

Auto Modellista ( PlayStation 2 / Capcom / 1 à 2 joueurs / Genre : Course automobile / Dispo Japon / Sortie France : 5/12/2002 )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 


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TimeSplitters 2 : GOLDENEYE BIS

Attention ! La bombe surprise de la rentrée ! Encore trop discret derrière un titre suivi d’un chiffre 2 suspect, TimeSplitters… 2 est plus la suite officieuse du mythique GoldenEye 007 de la défunte console Nintendo 64 que le prolongement bêtement marketing de TimeSplitters. Normal, le studio Free Radical responsable de ce futur succès mérité est essentiellement constitué d’anciens développeurs d’un GoldenEye alors réalisé pour le compte du studio Rare.

Time Splitters 2

Bref, comme planifié par Free Radical, les ventes du premier TimeSplitters ont suffit à crédibiliser le tout nouveau studio qui s’est alors attelé à fabriquer le jeu de tir 3D (FPS *) que tout le monde attendait sans le savoir. Une démo jouable en circulation depuis plusieurs mois et un coup d’œil rapide chez l’heureux éditeur Eidos confirment que, du mode solo finement désigné au mode multijoueur hystérique et précis, un nouveau phénomène du jeu vidéo est sur le point de naître. Et ça se passe sur toutes les consoles nouvelle génération. Donc pas de jaloux, il y en aura pour tout le monde.

TimeSplitters 2 ( PlayStation 2, Xbox, GameCube / 1 à 4 joueurs / Genre : FPS tactique [ * First Person Shooter = Jeu de tir 3D en vue subjective ] / Sortie : octobre 2002 )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 


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Rocky : BALBOA ! BALBOA !

Approximatifs, manquant de rythme, les combats de boxe convertis en jeux vidéo n’ont jamais été des réussites. Qu’il gagne ou qu’il perde, Rocky Balboa n’a jamais été un boxeur très habile non plus. Pas grave, dans ce jeu comme dans les films, Sly, c’est une affaire de coeur.

Score Balboa

Que vaut l’american dream en 2002 ? Dans les années 70 et 80, l’ascension à la force du poignet de Rocky / Sylvester Stallone du rang de looser à celui de Superstar fut un des meilleurs exemples de la façon dont les américains envisageaient la réussite sociale : peu importe le point de départ, l’origine sociale, le travail acharné poussé par une volonté inébranlable peut conduire n’importe quel candidat au succès. Le droit à l’erreur est même inclus dans cet american way of success, puisque la rédemption – thème privilégié des fictions US – après une chute sur le trajet est toujours possible (comme les super-héros, Rocky aura droit à plusieurs chutes et revanches. Stallone aussi.). Ainsi en est-il du parcours de Rocky Balboa, boxeur de seconde zone qui obtient sa chance contre le champion mondial en titre. Le boxeur Rocky ne gagnera pas le titre de champion du monde à la première rencontre, mais Stallone, lui, gagnera ses galons de Star, et le film qu’il a écrit en trois jours, l’Oscar du meilleur film en 1976. En ce nouveau millénaire chaotique pour une Amérique obligée de resserrer les rangs, il n’est pas sûr que ce type de réussite individuelle soit encore un symbole : l’american way of life s’est quand même un peu enseveli sous les décombres du World Trace Center.

Sly, sinon rien

Arrivant un peu tard (le dernier film Rocky – V – date de 1990 quand même !), il faudra alors se contenter de prendre ce jeu de boxe à l’enseigne de Rocky Balboa comme un objet de culte un peu désuet. Inutile de s’intéresser à cette simulation de boxe sans avouer un minimum d’affection pour Sly. Les matches de boxe proprement dits se donnent beaucoup d’effort pour ressembler à un vrai affrontement de gladiateurs, mais, après d’autres essais malheureux (on pense à la licence vraiment moyenne Mike Tyson) il se pourrait bien que la boxe américaine ne soit pas vraiment adaptée au jeu vidéo. Trop lent, trop lourd (championnats de poids lourds, c’est entendu), le rythme de ce sport conduit inexorablement à une conduite tactique et donc réfléchie sur le ring. Une contradiction avec l’envie primaire du jeu de boxe qui est de… filer des coups de poings, ne l’oublions pas. Ces réserves et conditions émises, reconnaissons que, pour le reste, ce jeu a tout bon. La succession des combats suit à la lettre le scénario des cinq films. D’Apollo Creed à Tommy « Machine » Gunn, tous les adversaires célèbres et moins connus de Rocky sont là (oui, Mister T aussi). Les rings miteux de Philadelphie comme celui, glacé, de Moscou sont reconstitués et, surtout, les thèmes musicaux archi connus de la série accompagnent de nombreuses tirades originales des films (Adriaaaan ?). Ne reste qu’une question : êtes-vous prêt pour « la revanche » ?

Rocky ( Xbox [recommandée], PlaySation 2, GameCube / 1 à 2 joueurs / Genre : simulation de boxe / Sortie : novembre 2002 / Score : – )

François Bliss de la Boissière

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Doshin the Giant : LE GEANT JAUNE

La vie humaine est éphémère et c’est encore pire dans un jeu vidéo quand il faut entretenir une fragile population de fidèles dépendant de votre pouvoir divin. Un jeu pacifique où les morts ne comptent pas…

Score Doshin
Jaune, benêt, asexué et pourtant tout puissant, le géant Doshin est une espèce de dieu descendu sur Terre qui n’en sait pas plus sur le monde que les ouailles qu’il devra protéger… ou totalement asservir. Car, investi de quelques pouvoirs divins, le sympathique Doshin peut se transformer à volonté en vilain diable rouge pour devenir Jashin. Géant bienfaiteur ou diable destructeur devra encourager les petits personnages de cette île perdue du Pacifique à construire leur village, ou, capricieux, détruire tout semblant de civilisation dès qu’elle apparaît. Dans les deux cas le « karma » de Doshin / Jashin augmente et sa taille physique aussi. Le joueur en contrôle du curieux personnage découvre alors très vite qu’au-delà du bien et du mal, un dieu est fondamentalement schizophrène.

God est schizo

Bientôt le géant devient si grand qu’il peut traverser l’océan pour atteindre les îlots de ce qui s’avère être un archipel. 

Inspiré des jeux connus sur PC sous l’appellation de God-Sims (« simulation de Dieu » où, gérant divin, le joueur endosse le rôle d’un dieu abstrait mais « responsable » de populations pacifiques ou guerrières), Doshin the Giant est encore, après Pikmin, un exemple de détournement à la japonaise d’un jeu bien sérieux en provenance d’Occident. Ici l’humour et la décontraction sont omniprésents. Avec une interface intuitive totalement épurée par rapport à un jeu PC, le contrôle du géant se fait au stick analogique. Tel un gras propriétaire sans état d’âme, le gros bonhomme déambule tranquillement sur son île paradisiaque écrasant au passage plantes et vies humaines. Assez vite les mini autochtones au ras du sol réclament à Doshin de l’aide. Quelques bulles au-dessus de leurs têtes suffisent à symboliser leurs besoins : arbres pour construire des habitations et aplanissement du terrain pour pouvoir bâtir. Soucieux de se faire bien voir par une population qui édifiera des temples à son honneur, le dieu jaune rend sans effort les services demandés. Rudimentaire mais suffisant.

Divine condition

Etrange, atypique et minimaliste, ce jeu édité par Nintendo mais inventé par des créatifs venus d’ailleurs, donne l’occasion de faire simplement et en temps réel des choses assez extraordinaires : du terra-morphing par exemple (le sol monte et descend à volonté sous la magie du géant pour créer montagnes, plateaux et lacs), ou s’adonner à la contemplation métaphysique d’un soleil qui traverse le ciel en 30 minutes au-dessus d’un décor évoluant du matin au soir. Pour prolonger ses vacances et réfléchir sur la condition divine…

Doshin the Giant ( GameCube exclusif / Nintendo / 1 joueur / Genre : gestion écolo-fun / Sortie 20/09/2002 / Score : B )

François Bliss de la Boissière

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Tekken 4 : T’AS QU’A COGNER

Qui ne se souvient des premières prises, des premières « chopes » invraisemblables du Tekken accompagnant la naissance de la PlayStation ? Six ans plus tard, le jeu de combat en 3D le plus populaire d’une époque se la joue petits bras…

Tekken 4

Après plusieurs années au sommet de son art sur PlayStation, la série Tekken a dorénavant plutôt mauvaise presse. La version 3 sur PlayStation n’innovait guère, l’évolution timide vers la PS2 sous-titrée Tekken Tag Tournament a provoqué de vives critiques, et nous voilà avec un Tekken 4 qu’il faut comparer au plastiquement parfait Dead or Alive 3 sur Xbox et à la référence technique Virtua Fighter 4 sur PlayStation 2. La concurrence est rude sur le ring des jeux de castagne, d’autant plus que, à court de coups, le genre s’essouffle nettement depuis le passage à la 3D. Reste que Tekken fait partie des séries qui ont popularisé la PlayStation de Sony et continue d’être un jeu facilement accessible aux néophytes de la frappe virtuelle tout en offrant une profondeur technique respectable. Et puis il y a une histoire derrière chacun des personnages du jeu, toujours magnifiquement illustrée par une cinématique d’introduction spectaculaire et des saynètes finales qui récompensent le parcours victorieux de chaque combattant.

Beat’s up vs beat’em all

Ce nouveau rendez-vous avec des personnages devenus légendaires comme le grisonnant Heihachi Mishima, son démoniaque fils ressuscité Kazuya, King le tigre catcheur, Law le faux Bruce Lee ou la charmante et ingénue Xiaoyu, s’accompagne de quelques nouveaux tout aussi stylisés tel le massif Marduk, ou la musculeuse Christie au jeu de jambes déjà vu mais affolant. Une vingtaine de protagonistes permettront à terme de varier les plaisirs au fil des cinq modes de jeux traditionnels et d’un mode bonus Tekken Force poussif qui veut, inutilement, transformer ce beat’em up (un contre un) en beat’em all (un contre tous).

Fin de dynastie

On vous le dit, les jeux de baston sont très techniques : peu de boutons pour une multitude de variations qu’il faut retenir à l’instinct. Les coups spectaculaires partent sans effort, mais gagner un round contre un adversaire habitué demande de passer à une compétence bien supérieure. Avancer, reculer dans un décor qui s’écroule ici ou là (dans l’indifférence), se mettre en garde, sauter ou s’accroupir au bon moment, tout est affaire de timing, de coordination, d’anticipation des mouvements de l’adversaire. Un point commun de tous les jeux de combat à un contre un qui trouvent dans ce dernier Tekken une filiation conviviale mais un peu fade. Certes, des volutes de fumée embrument certains décors, des pans de murs s’affaissent ici et là, mais ce Tekken sur PS2 sent la fin de dynastie. Le même jeu en salle d’arcade est nettement plus beau à regarder.

Tekken 4 ( PlayStation 2 exclusif / Namco / 1 à 2 joueurs / Mode 60 Hz : oui / Genre : baston / Sortie : 18/09/2002 / Score : C )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 


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Super Mario Sunshine : HARDCORE

On croit tout connaître du célèbre plombier Mario de Nintendo jusqu’à ce que, manette en mains, on se mette à jouer. Alors seulement on commence à prendre la mesure de sa réputation. Aussi accessible que difficile, le retour de Mario signe la renaissance d’un gameplay unique et universel.

Score Sunshine 1Score Sunshine 2

N’en doutons pas, la célébrité du plombier de Nintendo ne repose pas sur son physique plutôt ingrat. Des générations de joueurs de 7 à 77 ans le confirmeront : derrière l’allure grotesque et la moustache d’un autre âge de l’improbable Mario se cache en réalité le champion toutes catégories du gameplay. Une imparable jouabilité, comme on dit en français, commencée en 2D dans les années 80 (Mario affrontait la vedette d’alors : Donkey-Kong et créait le jeu dit de « plateforme »), et qui réussit à totalement se réinventer avec la 3D sur console Nintendo 64. Quand Mario 64 est sorti en 1996 ce fut le miracle, la révélation : un monde en 3D pouvait être totalement fluide et fun à explorer. Et ce, malgré une caméra qu’il fallait manipuler au bouton pour regarder où mettre les pieds et qui compliquait un peu les choses. Mario 64 est donc devenu la référence du jeu de plateforme en 3D, et pendant que Miss Lara Croft cherchait désespérément au long de cinq épisodes sur PlayStation une souplesse que Mario avait dès le premier jeu, le plombier est resté chez lui à Kyoto au Japon, dans les mystérieux laboratoires de Recherches & Développement de Nintendo.

Six ans de gestation

2002 (six ans plus tard !), Shigeru Miyamoto, le génie créatif de Nintendo, relâche enfin le plombier de sa réserve et fait à nouveau la démonstration d’un savoir faire unique au monde. C’est entendu, la révolution de la 3D virtuelle étant derrière nous, la surprise n’est plus tout à fait de mise pour un jeu qui reprend les bases du gameplay de Mario 64 avec un personnage capable de bondir partout pour attraper pièces jaunes-rouges-bleues et des supers étoiles (renommées Shine pour l’occasion). En revanche, ce tout frais Super Mario Sunshine sur GameCube renvoie en pleine figure les données fondamentales d’un jeu interactif tout public. Pour intéresser un joueur, il ne suffit pas de créer un modèle physique agréable et fiable, il faut aussi lui offrir un terrain de jeu à la hauteur. Et à cet exercice, Miyamoto et ses équipes sont les meilleurs.

Le jeu surnage le scénario

Oublions vite le scénario prétexte ridicule – heureusement peu intrusif – qui condamne un Mario soit-disant en vacances à nettoyer l’île ensoleillée où il devait… se reposer. Ce qui compte c’est que, armé d’un canon à eau dorsal évolutif, notre héros est capable d’arroser plantes, villageois, murs et monstres. Il devra débusquer des tags et laver les murs (!), nettoyer le paysage des coulées de boue, sauver les habitants ensevelis par des pollutions liquides, éteindre des incendies…, autant de travaux ménagers ou d’utilité publique totalement fastidieux dans la vraie vie et pourtant complètement jouissif à faire dans ce monde fantaisiste si malléable et coloré.

Vacances pour qui ?

Moins surréalistes que Mario 64, les aventures burlesques de Mario en vacances se déroulent dans huit environnements identifiables et presque cartésiens (ville portuaire, fête foraine, hôtel de la plage…). Mais très vite l’imaginaire reprend sa place avec des adversaires bouffons, des aires de jeux que l’œil ne comprend jamais tout à fait, des situations à faire pâlir Magritte, et des surprises permanentes. Ce Mario ensoleillé brille en plus de mille clins d’œil aux épisodes précédents (le petit dino Yoshi boulimique est là !), mais ce sera en recommençant des dizaines de fois des mini niveaux parallèles presque secrets où le gadget dorsal est banni que le seuil de difficulté éclatera au grand jour. Destiné à tout le monde, Super Mario Sunshine n’est pas pour autant démago. N’importe qui y puisera des dizaines d’heures de fun, mais seuls les hardcore gamers viendront à bout des subtilités demandées par la manette et la conception des niveaux. Et encore, à condition de rester maître d’une caméra souvent rebelle et capricieuse.

Fun pour tous

Grâce à la puissance de la GameCube au service des artistes Nintendo, il faudrait parler des couleurs lumineuses, des dizaines d’objets en mouvement simultanés dans le décor, du rendu soyeux de l’eau, de la qualité de l’horizon, de la musique entraînante et des centaines de bruitages rigolos…, mais au fond ces éléments visuels et sonores sont en bonus, presque facultatifs, car au cœur du programme repose l’essentiel : le plaisir absolu de jouer.

Super Mario Sunshine ( GameCube exclusif / Nintendo / 1 joueur / Genre : plateforme 3D / Sortie 04/10/2002 / Score : A+ )

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2002 dans le mensuel de cinéma : Score #6)

 

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Animal Forest + : la nouvelle arme secrète de Nintendo sur GameCube ?

Basé sur la « communication », fruit des labos Nintendo et des idées de Shigeru Miyamoto, voilà encore un soft suspect, à l’aspect gamin, japonais, mais pourtant hyper maniable, innovant, à la fois risqué et grand public. Prévu en occident pour 2002, Animal Forest + est peut-être le 1er jeu jouable par les filles comme par les garçons. You’ve got mail…

On l’entend dire régulièrement sans forcément bien le comprendre : Shigeru Miyamoto et Nintendo réfléchissent autour de jeux basés sur la « communication ». Quand on pose la question du « Quid du jeu en réseau sur GameCube ? » Nintendo répond : « communication locale ». Et cela donne : des jeux qui échangent des informations entre la GameCube et la Game Boy Advance (Sonic Adventure 2 Battle…), une mini console (Pokémon Mini) avec port infra-rouge pour mieux échanger des informations, des e-cards pleines d’informations lisibles sur Game Boy Advance (avec accessoire) et… Animal Forest +.
Sorti d’abord sur Nintendo 64 au Japon, ce titre à la fois conceptuel et facile d’accès (oui, comme Pikmin, en quelque sorte), est ressorti il y a quelques mois au Japon sur GameCube sous le titre Animal Forest +. Le même jeu peaufiné, lissé grâce à la technologie GameCube, amélioré. Renommé, et surtout scrupuleusement traduit (il le faudra), le jeu sortira sous le nom de Animal Crossing aux Etats-Unis, et fort probablement en Europe si l’on en croit le Guide Officiel Nintendo en circulation.
N’attendons plus pour jeter un œil sur ce nouveau rejeton de Miyamoto et essayer de comprendre ce que « communication » veut dire ici.

Mimi…Micro société de consommation

Un petit bonhomme à la tête ronde plus grande que le corps arrive par train à vapeur dans un petit village bucolique. A peine pied mis à terre, un raton laveur sur deux pattes lui propose d’acheter une maison moyennant un crédit. Le petit bonhomme, que vous aurez nommé… Conan (aah la dérision), par exemple, lâche ses seules économies et s’endette. Une fois son home sweet home investi, Conan retrouve son créancier, le raton-laveur, commerçant de son état. Pour rembourser sa dette Conan se met au service du commerçant qui lui confie divers tâches et travaux : livrer un objet à un particulier, planter des graines, envoyer une lettre, etc jusqu’à ce que la dette soit remboursée. Pendant ces menus travaux, et après, Conan explore le village, que vous aurez peut-être nommé Pompei pour rire, et ses environs. Il rencontre et discute avec les habitants isolés dans leur maison au bord d’une rivière sinueuse ; part à la découverte des coins importants sur une carte qu’il faut consulter sur un tableau d’affichage (avant que quelqu’un vous confie un exemplaire transportable) ; visite des gens et des lieux capitaux : les couturières artisanes près de la mini plage, le commissariat aux objets perdus, le temple musée qui attend de nombreux objets de valeurs, le bureau de poste où Conan ira poster ses lettres (il reçoit les siennes dans la boite aux lettres de sa maison qui clignote si besoin est !)…

Il y a du Zelda 16 bits dans l’air

Le jeu est vu du dessus, à l’ancienne. L’essentiel des objets décors et personnages est en volume tandis que des subterfuges graphiques permettent au reste d’être en 2D sans que cela se remarque trop. A la fois naïf, premier degré, l’aspect graphique a en même temps une profondeur et un souci du détail bien choisis qui font penser à un certain Zelda sur Super Nintendo qui aurait gardé son interface tout en se gonflant de quelques polygones. Pleine d’humour, d’émotions, cette version GameCube sobre et sans effets spéciaux ébouriffants se contente de mettre au net la version Nintendo 64 et c’est très bien comme ça. Des feuilles d’arbres et de buissons flottent au vent ou tombent des feuillages avec les pommes si Conan secoue les troncs. L’eau de la rivière est simple et élégante. Les maisons se ressemblent mais sont toutes uniques. Les pas de Conan se marquent dans le sable de la plage avant de s’évaporer élégamment. Tant que Conan trotte dans la campagne, la caméra est figé au dessus de lui et se contente de zoomer discrètement sur les personnages lorsqu’ils engagent un dialogue. Il n’y a qu’à l’intérieur de certaines habitations que le stick jaune permet de bouger la caméra en offrant différentes perspectives, dont un zoom qui fait presque descendre la vue à la hauteur du personnage. Car Conan est capable de s’asseoir sur les sièges disponibles, de s’allonger sur les lits, d’ouvrir les placards, d’allumer ou éteindre radios et télévisions, mais pas de déplacer le mobilier, ni même « d’emprunter » des objets. Non, quand même.

Musique de cave

Le thème musical jazzy mid-tempo impose un rythme simple et riche finalement pas très éloigné du travail finement accompli sur Luigi’s Mansion. Ici aussi les portes grincent après que Conan se soit appliqué à faire toc-toc avant d’entrer chez l’habitant. Les bruits de pas varient selon les surfaces, herbes, sables humides, chemin terreux, tatami et tous les dialogues sont illustrés par des gargouillis singuliers suivant au pied de la lettre les sous-titres.

Le joli temps qui passe… pour toujours ?

Visuellement et auditivement, le jeu n’a que les limites qu’il s’impose. L’apparente simplicité graphique est liée au concept faussement modeste du jeu. Cela n’empêchera pas la pluie de venir, les saisons de passer et de rhabiller le pays sous un manteau de neige éclatante, ou de chaudes couleurs automnales… Fluide, parfaitement maniable, le jeu ne subit aucune pression technique sinon la sauvegarde. Animal Forest + est, en effet, fourni avec une cartouche de mémoire entièrement dédiée au jeu. Le lancement de la partie et la sauvegarde prennent ainsi plus de temps que l’ordinaire des jeux Nintendo pour s’activer. Les 57 blocs de la memory card sont apparemment sollicités. Il faut savoir que cette aventure fonctionne en temps réel avec l’horloge interne de la GameCube. Vraiment. Ainsi, à moins de tripoter l’horloge de la console, c’est, actuellement, le printemps dans Animal Forest +, l’été ne viendra pas avant la fin juin, l’automne avec l’automne et la neige cet hiver. L’énormité de ce concept horloge-temps réel, dont on retrouve l’écho dans les velléités du 64DD mort né ou du Nights spécial Christmas offert par la Sonic Team un certain Noël de la Saturn, ne pourra se mesurer que sur la longueur. Les évènements du jeu dépendent donc de l’heure, du jour et de la nuit, de la période de l’année dans laquelle on se trouve. Et cela rappelle aussi les Pokémon Or et Argent de la Game Boy Color qui, calés sur l’horloge des cartouches, imposent aux joueurs de chasser tel ou tel Pokémon la nuit uniquement, ou le samedi ! Comment donner la notion du temps aux enfants, leur apprendre la patience ? Comme ça. De la gare de chemin de fer à la Poste, de la maison des autochtones au musée, tous les cadrans d’horloges du pays de Animal Forest + marquent l’heure exacte. Décidément, de Zelda Ocarina of Time, ou Majora’s Mask, à Pikmin, en passant par les Pokémon, le facteur temps est devenu indissociable des concepts Nintendo.

Et le jeu, c’est quoi, hein ?

En quoi consiste réellement le gameplay du jeu ? demande avec impatience le joueur gonflé de testostérone. A déplacer en temps réel le petit bonhomme, à le conduire d’une maison à l’autre pour parler avec les habitants. A secouer les arbres pour cueillir des pommes, des sacs d’or, à accumuler des objets quelques fois utiles ou ayant une valeur numéraire, à collectionner les vêtements, à changer de décoration intérieur (si si : le tapis !), à écrire des lettres et à les poster, à rédiger des messages sur le tableau d’affichage du village, à tenir son agenda, quitte à le transformer en journal intime, à ramasser des coquillages, à couper du bois, à jouer avec le ballon de foot qui traîne là, à pêcher sur le petit embarcadère tendu au dessus de l’eau douce. En quelque sorte, Animal Forest + récupère les séquences pacifiques des traditionnels jeux de rôles japonais où les héros visitent un village pour refaire le plein de santé et d’objets. Sauf qu’ici on reste tout le temps dans le village, qu’il y a plein de choses à faire pour s’occuper et qu’il n’y a pas de combats à suivre. Seules comptent la prospérité bon enfant, la qualité des relations sociales et la créativité.

La NGC et la GBA communiquent !

En branchant la Game Boy Advance sur le 2e port manette avec le câble approprié, le jeu permet à plusieurs reprises d’up loader dans la console portable une partie du jeu. Les couturières du magasin de vêtements proposent par exemple de faire passer dans la GBA l’interface qui permet de créer des motifs pour les tissus (fringues, parapluies, tapis, etc). L’écran de la GBA se transforme alors en petit logiciel de création graphique où un mini damier de pixels devient la toile blanche où le talent de chacun (cune) se prêtera au plaisir de la création colorée. Les motifs ainsi créés sont ensuite à retransférer vers la GameCube avant d’éteindre la console portable. A condition de rencontrer un type à bord d’une barque, la GBA permet à Conan (! oui, c’est ridicule) d’aller sur une petite île où l’attend une deuxième maison ! Un épisode qui nous est arrivé tout à fait par inadvertance au début de l’aventure et plus jamais après. Quelle heure était-il donc quand c’est arrivé ? Quelle succession d’événements ont conduit à cette rencontre fortuite ? Seule la version anglaise nous le dira à la fin de l’année…

Un jeu pour tout le monde, oui, les filles aussi

Ce nouveau concept à vocation grand public de Nintendo ne serait-il pas enfin la réponse à la question (sans vraie réponse) que nous avions posé à Miyamoto lui-même en 1999 en voyant la moitié de l’humanité peu concernée par les jeux vidéo : et les filles ? Car, indéniablement, et sans tomber dans aucune mièvrerie ni même infantilisation excessive (sinon un peu de puérilculture), Animal Forest + s’annonce comme le jeu vidéo le plus sociabilisant qui soit. Entre le joueur et le programme s’entend. Et donc le plus susceptible d’intéresser les filles. Pas de compétition physique ici, ni de manipulation obscure de la manette, créativité et tissu social sont les maîtres d’oeuvre. Sans être non plus un soft de gestion austère façon PC, ce petit bijou de fausse simplicité est appelé à grandir et surtout à durer indéfiniment (que se passe-t-il le 25 décembre 2002 ? le 1er janvier 2004 ? Le jour de mon anniversaire ? …). Tout en étant capable d’intéresser les garçons, cet Animal Forest est la plus jolie et la plus honnête main jamais tendue aux filles prêtes à goûter aux vertiges du jeu virtuel. Mesdames, si vous lisez ces lignes, vous savez ce qu’il vous reste à demander à vos mecs pour Noël sur GameCube. (Une fois qu’il a mis la main sur Resident Evil rebirth évidemment 😉 )

François Bliss de la Boissière

Notes : Animal Forest + dépend énormément des dialogues et la version japonaise actuellement disponible est un véritable frein, non seulement à la compréhension du jeu, mais à son déroulement. Nous remercions au passage le FAQ de Mark Green (voir zone de liens) qui nous a permis d’évoluer quelques heures dans Animal Forest +. Entièrement traduit en anglais Animal Crossing, est bel et bien prévu pour les Etats-Unis en 2002 et très certainement pour l’Europe.

(Publié sur Overgame.com en avril 2002)

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‘hésitez pas à lire ma Note d’intention.


 

EDITO : Xbox, la machine à intox (ventes, Halo, records…)

Après l’annonce surréaliste d’un lancement réussi de la Xbox en Europe, Microsoft continue de communiquer sur sa console en exagérant les faits. L’affirmation, sans complexe, que Halo a battu un record de vente sur le continent Nord-Américain, confirme la méthode. L’intox n’est pas loin…

Avec l’arrivée de Microsoft sur le terrain des consoles de jeux vidéo on s’aperçoit qu’il va falloir être très vigilant sur les communiqués qui vont sortir des services de communication du géant américain. En janvier 2002, moins de deux mois après le lancement de la Xbox aux Etats-Unis, Microsoft clamait, après avoir vendu 1,5 millions de Xbox aux USA et au Canada : « Lancement Xbox, un des plus grands succès de l’Histoire des jeux vidéo », et s’appliquait à vanter un record pratiquement jamais vu auparavant, oubliant au passage les résultats d’une PlayStation 2, pourtant de deux ans son aînée, qui a continué à s’écouler à 5,42 millions d’unités dans le monde pendant la même période (3e trimestre 2001) (1).
Pour saluer et annoncer sa stratégie de lancement au Japon, Microsoft cru bon d’influencer les japonais trois mois plus tard en se félicitant sans pudeur d’un «lancement triomphal en Amérique du Nord » qui n’empêcha pas la Xbox de faire un score médiocre au pays des jeux vidéo (190 092 unités en 5 semaines). Même s’il est évidemment normal pour les services de communication d’une entreprise de valoriser ses annonces et ses produits, il faut bien reconnaître que, dans le registre de la surenchère, Microsoft est en train de prendre une longueur d’avance sur ses concurrents. A tel point que Nintendo, déjà en compétition aux Etats-Unis avec la GameCube fin 2001, est tombé dans le panneau d’une guerre de communiqués rapprochés aussi vaine que ridicule. Meilleure vente au premier jour, meilleur vente de tel jeu sur telle période… il est vrai que l’industrie du cinéma d’Hollywood a fixé le modèle depuis longtemps en créant des catégories de record inédites à chaque film : « Record du meilleur premier jour pour une reprise d’au moins 20 ans » attendons-nous à lire pour la ressortie du célèbre E.T. de Steven Spielberg au cinéma.

S’il est vrai qu’aux Etats-Unis, sur sa terre natale, la Xbox trouve un public naturellement acquis à la cause américaine, les ventes de la console de Microsoft sont plus que modestes au Japon, pour ne pas dire confidentielles par rapport aux habitudes des consommateurs japonais sans doute plus sensibles aux consoles japonaises. Alors que, hormis une soirée de lancement nocturne au centre de Londres, le sort de la Xbox suit à peu près le même schéma en Europe qu’au Japon, cela n’a pas empêché Microsoft d’annoncer imprudemment lors de la sortie européenne le 14 mars 2002 que « Les joueurs européens accueillent avec ferveur la sortie de la plus puissante des consoles ». Pire encore, une semaine après le lancement européen, Microsoft n’a pas hésité à titrer le lancement de la Xbox « Un succès en Europe » en déclarant, tel un crieur de foire, « Les premiers rapports montrent que la Xbox a fait souffler une tempête sur l’Europe » ! Pour mémoire, anticipant un peu sur la grosse machinerie à enthousiasme générée par Microsoft, une petite enquête menée à Paris 4 jours après le lancement Européen, révélait une arrivée française plus tranquille que tonitruante. Et, au jour d’aujourd’hui, il suffit d’entrer dans n’importe quel magasin spécialisé ou grande surface pour voir des gens jouant aux bornes Xbox mais délaissant des piles de boîtes Xbox à vendre.

La Xbox ne se vendant guère au Japon et en Europe, les rumeurs et analyses laissent entendre que le prix de la console puisse rapidement baisser. Alors, ne pouvant plus nier l’évidence, Microsoft se met à communiquer sur les ventes de jeux Xbox. S’appuyant sur les chiffres incontestables du NPD Group, Microsoft profite de l’annonce du score de 1 million de Halo vendus aux Etats-Unis et au Canada pour affirmer, tout de go, que Halo est « Le jeu ayant atteint le plus rapidement 1 million d’exemplaires vendus sur n’importe quelle console nouvelle génération… » Holà Halo, où nous entraînes-tu ? 1 million d’exemplaires de Halo en 4 mois ? Faut-il rappeler les chiffres de Metal Gear Solid 2 sur PlayStation 2 ?… 1,8 millions écoulés aux USA en 2 semaines (entre le 13 et le 29 novembre 2001) ? Préciser que 1,5 millions de MGS2 ont été pré commandés en Europe avant la sortie du 8 mars 2002 ? Que 5 millions de MGS2 ont été distribués fin mars 2002 dans le monde ? Evoquons enfin, sans même avoir besoin de chiffrer, les ventes de Super Smash Bros Melee qui suivent de très près les ventes de la GameCube (1,2 millions de GameCube en janvier 2002 aux USA), et le succès surprise de GTA 3 sur PlayStation 2 qui est resté en tête des ventes pendant plus de 5 mois.

Que Microsoft s’enorgueillisse des prix d’excellences attribués à juste titre par la profession à Halo, est évidemment légitime. Que Microsoft soit heureux d’avoir vendu 1 million d’exemplaires du jeu au point de l’annoncer est aussi tout à fait naturel. Mais que le géant américain mélange infos factuelles et chiffres avec de la hype hyper flatteuse et des comparaisons approximatives, cela s’appelle de l’intox, non ?

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 9 avril 2002)

(1) Reconnaissons à la Xbox d’être la console qui s’est vendue le plus vite aux Etats-Unis (et Canada) puisque la PlayStation 2, sortie le 26 octobre 2000, a mis environ trois mois pour atteindre 1,5 millions d’unités vendues, contre 1,5 million en 5 semaines pour la Xbox. Signalons quand même que 1) Conçue et marketée d’abord pour son coeur de cible américain (taille, par exemple) la Xbox s’est heureusement et fort logiquement retrouvée plébiscité dans son pays 2) Que la PlayStation 2, aussi en vente au Japon en 2000 avant les Etats-Unis et le Canada, n’arrivait pas à fournir la demande simultanée sur les deux territoires. 

Note pour nos plus jeunes lecteurs ou fanatiques divers et variés
Cet édito n’est pas une « attaque » contre la Xbox, console dont nous apprécions les qualités et les jeux à Overgame. Notre réflexion concerne l’exagération des déclarations officielles en provenance de Microsoft. Tour à tour, Sony Computer, Sega, Nintendo, ou même les éditeurs de jeux, se fendent de communiqués parfois exagérément enthousiastes mais, encore une fois, en dernier challenger du monde console, Microsoft semble décider à pousser le bouchon aussi loin que le lectorat et les médias le toléreront. Il était peut-être temps de le signaler avant que CNN n’étouffe l’affaire (c’est une blague bien sûr).

In Utero : un studio français arrête les frais

Après avoir réalisé Evil Twin et Zorro, le studio indépendant français In Utero est obligé de cesser ses activités.

Evil Twin In Utero
In Utero a commencé à travailler pour le jeu vidéo dès 1994 en tant que prestataire de services graphiques. A la disposition d’autres projets, le studio a ainsi réalisé pour Infogrames les décors du jeu Space Circus, les animations (juste les animations) du Superman de Titus sur N64, a participé au gamedesign du retour de Pitffall pour Activision… L’expertise venant avec les années, In Utero s’est alors lancé dans ses propres projets : Evil Twin : Cyprien’s Chronicles pour Ubi Soft notamment, la licence Zorro pour Cryo, tout en continuant à participer à d’autres jeux comme L’Odyssée : sur les traces d’Ulysse et Jekyll & Hyde. Point commun à tous ces jeux & nbsp;: une jolie patte graphique et le désir de bien faire. Malheureusement, comme d’autres studios de développement français, In Utero est en situation de précarité parce que les gros éditeurs français, parfois eux-mêmes en difficulté (Cryo), ne veulent plus prendre de risques financiers sur des jeux totalement nouveaux. « Il faut dorénavant présenter un prototype finalisé à un éditeur pour le convaincre, et cela peut coûter entre 200 000 et 1 million d’euros à réaliser », se désole Xavier Gonot directeur de In Utero. « Dans le jeu vidéo, il n’y a pas de sources de financement équivalentes au cinéma, comme le CNC* », constate-t-il en espérant que l’APOM (Association des Producteurs d’Oeuvres Multimédia) saura faire bouger les choses en France. Dans le cas présent, In Utero n’a pas encore reçu les dividendes des ventes de Evil Twin édité par Ubisoft, « Par contrat il faut attendre les 300 000 unités vendues », et la commande d’un Zorro 2 prévue par Cryo a été annulée brutalement. In Utero avait déjà réduit ses effectifs de 50 à 35 personnes depuis l’année dernière mais le manque de trésorerie ne suffit plus à maintenir l’entreprise à flots. « Il y a une mutation dans l’industrie qui fait que les petits studios indépendants n’y arrivent plus » constate Xavier Gonot amèrement.

* Le Centre National de la Cinématographie participe sur sélection à des nouveaux projets…

François Bliss de la Boissière

(Publié le 20 février 2002 sur Overgame.com) 

Note : Article original référencé par Wikipédia ici (merci) mais qui ne conduit plus qu’à une archive. Ce nouveau post peut éventuellement servir de référence.

 


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Conker’s Bad Fur Day : Bras d’honneur interdit aux moins de 16 ans

Conker est officiellement déconseillé aux moins de 16 ans sur N64. Ridicule. Tant de brio et de culot mérite d’être vu par tout le monde. Le test, en revanche, est interdit aux moins de 16 ans.

Conquer BFD

Incroyable, c’est proprement incroyable ce que le studio Rare a osé faire avec ce jeu sur console Nintendo 64 ! Parti d’un énième projet mielleux, mais sûrement efficace, d’un jeu de plateforme 3D avec un écureuil mignon tout plein en vedette, le studio anglais préféré de Nintendo a transformé les « Douze contes de Conker » en un OVNI trash, gore et malpoli jamais vu dans les jeux vidéo. Le pire étant que ce jeu ne surgit pas sur une plateforme dite « adulte » comme le PC, non non, cet exercice de transgression systématique du bon goût apparaît sur Nintendo 64, une console que l’on croyait réservée aux enfants ! Il est vrai que, pour résister à cette réputation, Nintendo a eu la volonté de faire des jeux susceptibles d’attirer les jeunes adultes sous l’emprise Playstation. Mais de là à faire ça ! Il est clair que le message de Nintendo a été interprété radicalement par Rare.

Qui c’est qui a pété… les plombs ?

Sous cloche aseptisée Nintendo depuis très (trop) longtemps, les anglais bourrés de talent de Rare se sont cette fois complètement lâchés. Il y avait bien des pets et des rots dans Banjo-Kazooie et sa suite, des traces d’humour cynique et morbide dans les jeux de plateforme si réussis de Rare, mais juste de quoi se démarquer de l’humour plus inoffensif du Japon. Cette fois Rare se laisse aller et tire la chasse d’eau sur tous les tabous du jeu vidéo. C’est choquant, dégueulasse, outrancier, et, dans une industrie encore bien timide et sans culture, salutaire.

Car, malgré ses lourds relents de merde, Conker’s Bad Fur Day est une bouffée d’air frais dans un milieu des jeux vidéo déjà coincé dans ses recettes à succès. Même si, comme l’écureuil lui-même, il faut sans doute enfiler un masque à gaz pour se protéger des émanations douteuses du jeu, c’est un plaisir incommensurable de voir un petit personnage adorable ne jurer que par le fric et l’alcool, patauger – littéralement – dans la merde. Il ne faut donc pas s’y tromper, finies les allusions indirectes et autres contorsions créatives ou puritaines, Conker et sa clique se parlent sans détour, s’insultent à coups d’onomatopées mais aussi de trous du cul.

Pour une poignée de dollars

Certes, le jeu est construit comme une succession de sketches où, à chaque étape, Conker aide les gens qu’il rencontre à se sortir du pétrin. Mais, désolé pour l’idéal Disney, il n’agit pas par altruisme. Dites adieu au héros compatissant ou désintéressé, il faut à Conker une bonne poignée de dollars pour être convaincu d’intervenir. Fêtard et feignant par nature, l’écureuil préfèrerait rester au pub pour picoler avec ses potes écureuils gris.
Egaré malgré lui, après une nuit d’ivresse, dans un monde vicié de l’intérieur, Conker est en plus pourchassé par les sbires d’un Roi lion puissant et mesquin par ennui.
C’est ainsi que, moyennant une liasse de dollars, Conker essaiera de… récupérer la ruche disparue d’une stupide reine abeille pleurnicharde, faire chier une vache à coup de laxatifs naturels, aider une colonie de mouches à merde à augmenter sa production d’excréments, casser les couilles d’un gros con de chef préhistorique prétentieux, libérer sa copine lapine et salope enlevée par un rockeur au cœur de pierre, jouer le jeu des offrandes à des déités païennes, bouffer des autochtones en chevauchant un T-Rex hypnotisé, torcher à coups de PQ un étron géant chanteur d’opérette, et bien d’autres étrangetées…
Chaque petite scène est un gag à chute, un chapitre à franchir qui, plaisir malin, devient jouable indépendamment une fois réussi.

Alcoolique pas du tout anonyme

Heureusement, plus proche de ses activités de oisif, certaines tâches demanderont à l’écureuil poreux de boire des rasades de bière, à même le tonneau ! Vessie pleine, ivre et titubant, il faudra réussir à le guider et à le faire pisser sur des ennemis dangereusement brûlants, ou sur des Travolta de l’âge de pierre en plein samedi soir techno. Envoyer un jet de pisse pour calmer des ennemis, en voilà une idée simple, fort bien réalisée, digne des jeux de plateformes ! En y pensant bien, quel culot invraisemblable. Surtout que le père Conker finit avec la gueule de bois, se tient le crâne en rallant et vomi régulièrement sur ses pieds.
Si la digestion et toutes les substances qui en découlent sont souvent mises en valeur, le sexe se fait finalement plus discret. Il est néanmoins là.

La musique adoucit les meurtres

Quand Conker enfile une à une des étoiles de mer hurlant à la mort sur le mat dressé d’un gouvernail macho, on n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. Quand, après avoir déculotté son amant d’un autre âge, une princesse en bikini préhistorique agite ses seins de playmate sous les yeux de Conker en lui disant je t’aime, on rougirait presque avec l’écureuil. Le jeu passe allègrement des moments les plus gores et les plus scatologiques à des moments de grâces véritables. Le look charismatique de l’écureuil touffu y est pour beaucoup, les formidables et nombreux dialogues aussi. La musique, qui glisse sans effort du jazz à la techno en passant par la comédie musicale au moment le moins attendu, est le liant qui fait supporter les pires extravagances, les pires écarts.

Un jeu digne des films des frères Cohen

Au fond, derrière son laxisme et sa vénalité, l’écureuil a plutôt du bon sens. Quand il se moque ou houspille ses congénères il a généralement raison. Car il rencontre une galerie d’abrutis assez exceptionnelle. Le profil hilarant et inquiétant des contemporains de Conker fait penser aux films des deux frères cinéastes Joel et Ethan Cohen qui, depuis quelques temps, dressent un portrait aussi drôle que consternant de l’Amérique profonde (Fargo, The Big Lebowski, Ô Brother). Dans Conker, des fourches et des pots de peintures parlent comme des bouseux américains et s’insultent au fin fond d’une grange de foin, des mouches irlandaises et piliers de bar s’expriment dans un accent plouc plus vrai que nature, les épouvantails alcooliques s’accrochent à leur dernière dignité pour tenir debout, des gargouilles conservatrices rient vulgairement… Oui, le monde de Conker est définitivement habité par une population qui ne serait que médiocre et ordinaire si elle n’était pas aussi imagée. Et le pire est à venir dès que l’on pense croiser un personnage attachant ou plus cultivé que les autres. Dégoûté, on se rend compte alors qu’il est soit un naïf irrécupérable, soit un manipulateur sans scrupule.

Un pavé dans la mare

Ce qu’il y a d’extraordinaire dans cette cartouche si parodique, c’est qu’il s’agit bien d’un jeu. Tous les gags et dialogues ne sont là que pour enrichir un vrai jeu de plateforme qui mélange avec brio agilité et puzzles malins.
Moins épique et ample que le récent Banjo-Tooie, plus cher aussi (600 F) pour un jeu qui dure sensiblement moins longtemps que les autres productions Rare, Conker est néanmoins indispensable. Il s’agit donc d’un jeu complet avec aventure centrale et nombreux mini jeux à plusieurs, mais c’est aussi et surtout un pavé dans la mare. Que Rare ait eu envie de faire ça, que Nintendo ait eu le courage et l’intelligence de laisser faire, que le tout arrive par surprise sur une console Nintendo, est un formidable pied de nez à l’endormissement général et aux ligues de vertus.

Bras d’honneur et chapeau bas

Malgré les apparences, Conker n’est pas seulement coincé au stade anal. Du générique hommage au film Orange Mécanique de Stanley Kubrick, en passant par les plus évidents Soldat Ryan, Matrix, films de gangsters, King Kong et bien d’autres, Conker est une mine de références cinématographiques et de clins d’oeils culturels. Selon ses connaissances, chaque joueur y trouvera son compte dans l’humour, dans la caricature de la violence, ou dans les messages au second et troisième degré. Quand, en plus, aussi bien au niveau du son et des musiques en Dolby Surround que du point de vue graphique, Conker est un achèvement technique sans précédent sur Nintendo 64, on ne voit qu’une chose à faire : un bras d’honneur aux détenteurs de la morale et recommander le jeu à tout le monde. Oui, même aux moins de 16 ans. Le rire n’a pas d’âge.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 5 mai 2001 sur Overgame.com)

 


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illbleed : présentation venue d’ailleurs

La presse américaine a mis la main sur illbleed, le jeu d’horreur macabre de la Dreamcast qui se moque du genre tout en lui rendant hommage. Premiers détails…

illbleed sortira sur Dreamcast en mars 2001 aux Etats-Unis. C’est l’éditeur Jaleco qui s’en occupe pendant qu’on cherche toujours un éditeur pour l’Europe. IlIbleed se veut inspiré des films de série B; le jeu, lui, saura-t-il s’élever au rang de la série A ? Peut-être pas, mais avec son idée de base et les auteurs du fort sympathique Blue Stinger aux commandes, on a envie d’y croire.

Illbleed saigne aux Etats-Unis

La presse en ligne américaine a reçu les premières versions jouables et livrent quelques détails du déroulement du jeu..

Nous savons déjà que le ressort dramatique du jeu s’amuse à exploiter un défi lancé par un milliardaire farfelu : celui qui traverse sa maison virtuelle de l’horreur sans mourir de peur gagnera 1 million de dollars !

C’est donc avec un humour macabre omniprésent, que les auteurs du sous-estimé Blue Stinger détournent et caricaturent tous les clichés du survival horror à la Resident Evil.

Première preuve de l’outrance, décuplant l’effet rigolard de Blue Stinger, justement, le sang gicle à flot et pour tous les prétextes. Des flots de sang exagérés qui devraient désamorcer autant que dénoncer l’utilisation si « sacrée » de l’hémoglobine dans les jeux dits « sérieux ». Ainsi, comme l’explique avec humour le Daily Radar US, les lumières saignent, les portent saignent, à tel point que c’est à se demander si le sang lui-même ne saignerait pas (le sang tâche et l’humour, apparemment, déteint).

1 million de dollars la crise cardiaque

Le milliardaire original Michael Reynolds, ancien producteur de films de série B à succès, a donc construit une sorte de parc d’horreur virtuel du nom de Illbleed. Trois étudiants intéressés par la carotte d’or de 1 million de dollars offerte par le milliardaire ont apparemment disparu, engloutis par les mystères du parc « hanté » et de ses 6 mondes. La frèle (ça tombe bien, comme dans les films de série Z) Eriko Christy se lance alors dans l’aventure pour retrouver les trois autres.

Ainsi que nous l’avions évoqué dans nos premiers articles sur illbleed, les concepteurs ont imaginé un système singulier de jauges correspondants à 3 des 5 sens naturels d’Eriko: la Vue, l’Ouie, l’Odorat, plus un mystérieux 6e sens. Les 4 repères sensitifs sont situés en haut de l’écran tandis que deux autres barrent toute la partie inférieure de l’écran. En bas de l’écran, la première jauge, bleue, témoignerait de ce qui semble être le taux de stress du personnage, la deuxième, rouge, signale l’état cardiaque de l’héroïne dont on entend les battements du coeur. Cet ensemble s’appelle d’ailleurs les « Horror Monitors« , les « Contrôles de l’horreur« . Cela semble beaucoup de signaux à surveiller en simultané et il faudra voir à l’usage si cela se fait instinctivement. Soyons clair, il s’agit quand même d’un jeu à prise en main d’arcade et non d’un jeu de gestion PC… L’héroïne se contrôle au stick analogique à la 3e personne et les coups qu’elle porte sont en direct comme un jeu d’action.

Le club de l’horreur du lycée

Les motivations du maître des lieux sont enterrées au cœur du complexe hanté et, quand on sait que les étudiants disparus appartiennent tous au « club d’horreur », le Castle Rock High School Horror Club (à la « cercle des poètes disparus » ?), et que Eriko est la responsable de ce petit cercle parce que ses parents, eux-mêmes, dirigeaient une maison hantée du nom de Caravane de l’Horreur, ont comprendra que les évènements sont tous reliés ensemble. Des liens de sang en quelque sorte. Démultipliant le principe des attractions foraines telles les maisons hantées ou trains fantômes, les auteurs d’illbleed cherchent volontairement à provoquer des surprises brutales, des chocs propres à provoquer des arrêts cardiaques du personnage et, peut-être, du joueur.

Comme l’avait démontré Blue Stinger, Climax Graphics ne manque pas d’idées et, si le studio japonais réussit à régulariser les problèmes de caméra dont beaucoup se sont plaints, voilà un jeu qui devrait emmener un peu plus loin un genre qui commence sérieusement à faire du surplace.

illbleed : Edité par Jaleco, réalisé par Climax Graphics, sortie en mars 2021 au Japon. Pas de nouvelles pour la France.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 22 janvier 2001 sur Overgame)

Illbleed – Présentation Overgame

Sin & Punishment : Premières impressions (import)

Depuis Starfox 64 on n’avait pas vu ça. Un shoot’em up créatif sort la Nintendo 64 de sa langueur. Disponible au Japon, sa sortie en occident n’est pas assurée. Ce serait dommage, très dommage…

Annoncé par surprise en août, Sin & Punishment est sorti comme un éclair en décembre dernier (2000) au Japon. Réalisé discrètement par des habitués du shoot’em up de qualité (Treasure), Sin & Punishment est moins subversif que son titre veut le faire croire. Après quelques parties, une évidence s’impose, la réalisation est brillante, la variété du jeu énorme. Malgré une dizaine de Continue(s) qui ramène à la dernière section, la difficulté est élevée, c’est ce qu’on attend d’un jeu de tir, mais grâce à une maniabilité souple et agréable, le jeu devient rapidement addictif et on recommence autant de fois que nécessaire.

Une idée à chaque plan

Utilisant un principe de jeu qui semble limité sur la papier (on ne contrôle pas le personnage mais la visée de son arme), Sin & Punishment s’offre le luxe d’une variété de comportements que pourrait lui envier de nombreux jeux. Trois héros hyper stylés, Saki Amamiya, Airan Jo et Achi se lancent dans une histoire post apocalyptique aussi scénarisée que typiquement manga japonais. Des cyber-insectes géants sillonnent le ciel, la mégalopole est aux mains de commandos surarmés et de robots transformistes, les héros ont la mèche longue et rebelle, le short court, la réaction vive. Dès les premières scènes intermédiaires, dialoguées en anglais et sous-titrées en japonais, la personnalité singulière du jeu se fait sentir. Les personnages s’expriment avec des phrases complètes, ont des silhouettes audacieuses et posent, ça va de soi, comme des cover-girls.

Aux limites du confortable

Les premiers pas actifs dans le jeu sont déconcertants, voir frustrants : un des héros court vers le fond de l’écran, au devant du danger, et il est impossible de le ralentir. Rapidement, des formations de gros insectes viennent le survoler et la seule chose à faire est de viser avec la manette analogique et de tirer avec la gâchette Z. Curieusement les bruits des tirs et des explosions sont assez sourds, semblent manquer d’impact. Une heure de jeu plus tard, les oreilles bénissent la bande son qui n’écorche pas les tympans et permet de continuer sans crispation. La souplesse remarquable de la manette analogique vient ensuite confirmer que Treasure est là pour nous proposer un jeu d’adresse et de tir qui laisse le joueur dans un confort ouaté. Une expérience peut-être un peu trop sage pour les habitués aux secousses et bruits stridents de l’arcade mais qui ne violera pas l’intimité d’une chambre ou d’un salon.

Force tranquille

Attention, si l’interface évite d’agresser directement le joueur, il s’agit là d’un calme apparent. Fidèle à la formule de base, le jeu demande réflexes et précision pour viser, patience pour recommencer car les sections subissent un compte à rebours. Les déplacements du viseur semblent d’ailleurs trop lents au début par rapport aux nombreuses agressions à l’écran. Après plusieurs tentatives cependant, une fois que l’on sait où viser, le jeu, et le joueur, trouvent finalement un équilibre. Quelques fractions de secondes d’anticipation sur les cibles et les évènements en cours ou à venir font la différence et le viseur souple trouve son efficacité. Pour retrouver ce mélange de précision de tir, de rapidité sans l’hystérie habituelle liée aux shoot’em up, il faut remonter à Starfox 64 (Lylat Wars en Europe, de Nintendo). L’extrême variété des situations, qui englobe autant les ennemis mobiles que les décors, les axes de vues et les déplacements du héros, rappellera aussi la richesse du meilleur shoot’em up de Nintendo.

Même les décors sont hostiles, ou utiles

Très vite, dès la deuxième séquence, viser et tirer ne suffisent plus. A moins d’être passé auparavant par le Training Mode on découvre alors peu à peu les diverses commandes à disposition. Si le pistolet laser à répétition est susceptible de détruire un certain nombre d’obstacles sur le parcours forcé, certains éléments de décor nécessitent d’être contournés. Les boutons C jaunes gauche et droite permettent finalement de déplacer latéralement le héros, une rapide double pression et il fera même un petit roulé boulé bien utile pour éviter les chutes de corps intempestives. Idem pour le bouton du saut (R) qui, pressé deux fois, provoque un double saut. Quand certaines sections arrêtent la course en avant du personnage pour faire face à un obstacle majeur comme un Boss ou une armée de gardes, ses fonctions de mobilités latérales deviennent indispensables. Même si la course aux power-ups est limitée à la santé, à du temps supplémentaire et à des points (ce n’est vraiment pas le but du jeu), la diversité des situations oblige à viser à ses pieds (lasers rasants) comme à l’horizon.

De nombreux points de vue

Selon les circonstances, le jeu sait varier les perspectives avec bonheur. Les ennemis sont souvent devant, mais de grosses machines volantes surgissent sur les côtés et, à la Panzer Dragoon (sur Saturn), la caméra montre franchement ce qui se passe à droite du héros qui doit agir en conséquence. Parfois à ciel ouvert, les cibles au loin sont plus ou moins « actives  » selon leur distance du héros. Des engins au vol anarchique et rasant surgissent de derrière le personnage, lui passent au-dessus, puis devant avant de repartir dans des directions imprévisibles. Des vols d’étranges oiseaux sauvages non identifiés viendront zébrer l’horizon entre deux buildings avant de se poser en nuées devant le pauvre héros débordé. Il faut savoir éliminer des armes dans le décor, démolir à temps certains pans de décor qui détruiront d’un coup un groupe d’ennemis. Quand il faudra franchement slalomer entre de gros murs en utilisant les boutons de « straff », on aura complètement oublié que le personnage court tout seul. Ce n’est définitivement pas un shoot avançant dans un décor précalculé.

L’héritier de Starfox et de Contra

En se passant pourtant de l’Expansion Pack de la N64, le jeu explose graphiquement à l’écran. Incroyable le nombre d’objets et de grosses structures mobiles simultanément ! Sans compter, en passant, qu’il est étrange d’entendre pour une fois des phrases entières dans un jeu sur cartouche. Pour aider à le situer, en terme de gameplay, Sin & Punishment semble réussir un mélange entre Contra (le célèbre SuperProbotector de Konami sur SuperNintendo) et Starfox version Nintendo 64.

Même s’il faudra de la patience pour en venir à bout, et même si on soupçonne que la densité du jeu laisse augurer une durée réelle plutôt courte, Sin & Punishment est un jeu de grande classe. Le shoot’em up était le genre le plus populaire avant l’arrivée des beat’em up (Street Fighter II et autres Mortal Kombat), à l’image de Starfox 64 Treasure a réussit à faire de Sin & Punishment un shoot’em up aristocratique. Bien réalisé, original dans son déroulement, stylisé, et sans doute trop malin, on peut craindre qu’il ne trouve pas un public large. Ce n’est pas une raison pour que Nintendo ne donne pas sa chance en Europe à ce jeu sophistiqué. Sin & Punishment mérite largement d’être découvert.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 17 janvier 2001)

Sin & Punishment sur Nintendo 64, réalisé par Treasure et édité par Nintendo. Sorti uniquement au Japon. Sauvegarde des scores internes dans la cartouche. Pas de sauvegarde du jeu dans le mode scénario, il faut recommencer du début à chaque cession. Chaque chapitre réussi devient néanmoins jouable indépendamment pour améliorer ses scores. Deux joueurs simultanés sont possibles en collaboration : un contrôle le viseur pendant que l’autre s’occupe des déplacements occasionnels (gauche-droite et sauts) du personnage. Vibration Pack accepté.

Sin & Punishment

Banjo-Tooie : Avant Première

Les seuls vrais concurrents de Mario 64 sont de retour et, confirmation joyeuse, l’ours Banjo et l’oiseau Kazooie, sont bel et bien les patrons incontestables du jeu de plateforme 3D.

Banjo-Tooie est donc la suite de Banjo-Kazooie daté de 1998, le seul jeu de plateforme 3D qui a réussi à faire de l’ombre au roi plombier Mario 64 (1996). Deux ans plus tard, pendant que Nintendo prépare sa génération GameCube, le studio Rare récidive sur N64 et confirme un savoir faire unique dans la profession. Quand on mesure le miracle d’équilibre que nécessite un jeu de plateforme dans un univers 3D, il suffit de contrôler Banjo quelques minutes pour se rendre compte de l’efficacité des commandes.

Ma sorcière mal aimée

Raccourcissons l’histoire. Enterrée vive pour l’empêcher de nuire à la fin de Banjo-Kazooie, la sorcière Gruntilda se découvre deux sœurs (!!) qui viennent à sa rescousse. S’en suit évidemment une envie irrésistible de vengeance de Gruntilda qui repart en guerre contre Banjo et Kazooie. Le sauvetage de Gruntilda ne se fait pas sans dégât, et la foreuse géante des sœurs Mingella et Blobbelda détruit sur son passage le petit monde paisible de nos héros. La taupe Bottles, si pratique pour donner des conseils, n’y survivra d’ailleurs pas.

Un monde peut en cacher un autre

Le jeu commence au même endroit que l’aventure précédente, mais cette fois l’oasis bucolique a été ravagée par le passage de la foreuse. L’accès au repère aérien de Gruntilda est évidemment détruit depuis la dernière fois, et quand on se demande où aller chercher querelle à Gruntilda, on repère un tunnel creusé à même la roche. La foreuse malveillante de la paire de sorcières a donc forcé un passage dans la falaise pour révéler un monde complet : The Isle O’ Hags, L’île aux Sorcières ! S’ouvrant sur le village des étranges Jinjos siffleurs, puis transitant par la maison souterraine de la famille Bottles (ce sont des taupes, n’est-ce pas…), ce nouveau monde va se déployer alors de façon naturelle vers de nouvelles aires de jeu.

Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

Et en quoi consiste donc le jeu ? Sans aucun doute, d’abord trotter partout, chercher son chemin en reniflant les limites du monde, en distinguant, notamment, les astucieux trompes l’œil graphiques des vrais chemins. Sur la route, la paire de héros ramasse des objets, notes de musique, pièces de puzzle, œufs colorés, dont chaque collecte a sa fonction. Les œufs servent de munitions puisque Kazooie peut les projeter par le bec, une certaine quantité de pièces de puzzle donnent accès à d’autres niveaux, etc. En bref, chaque item fantaisiste ramassé complète un monde émietté. Très vite, la collecte systématique de chaque objet sur le chemin devient une drogue, tel le paquet de chips ouvert auquel on ne peut plus résister jusqu’à le vider complètement. Et c’est évidemment ce sympathique côté addictif qui conduit le joueur à des exercices d’équilibristes invraisemblables pour attraper une note de musique perchée à des hauteurs inaccessibles. C’est le besoin, alors devenu impérieux, de compléter sa collection de puzzles pour découvrir le niveau suivant qui oblige à faire marcher ses méninges pour venir à bout des innombrables mécanismes du jeu : petites énigmes, mini-games inédits. C’est la compassion pour les petits Jinjos démunis appelant au secours qui vous poussera à prendre des risques pour les sauver, qui vous fera tomber sur les vilains Minjos, frères ennemis ancestraux des gentils Jinjos. Un jeu de plateforme 3D de ce niveau est l’équivalent d’un énorme cirque à ciel ouvert, où tout décor est prétexte à gymnastique. Réunis pour le meilleur, les athlètes Banjo et Kazooie sont à la fois des funambules, des trapézistes, des lanceurs de couteaux (…d’oeufs), et bien sûr, des clowns. A eux deux, ils peuvent potentiellement tout faire et chaque heure écoulée apprend au joueur une nouvelle façon de les faire agir.

La Nintendo 96 bits !

On avait presque tout appris et tout fait dans Banjo-Kazooie, pour intéresser le joueur, une suite oblige les développeurs à faire mieux techniquement et à réinventer le gameplay. Vous pouvez compter sur Rare, les idées ne manquent jamais à ce studio anglais et, grâce à leur partenariat intime avec Nintendo, la 64 bits de Nintendo se transforme entre leurs mains en une console 96 bits, si elle existait. Même sans l’utilisation de l’Expansion Pack Banjo- Tooie contient les plus riches textures de la logithèque N64. Gonflés de sous niveaux et de recoins, les mondes sont systématiquement offerts dans leur intégralité au regard grâce à des points d’observation privilégiés en hauteur. Perché tout là-haut sur le toit d’un temple dominant l’horizon, sur le mat au-dessus de la fête foraine, Banjo peut regarder partout et jamais aucun brouillard ne vient gâcher le spectacle. La vue subjective d’observation permet même de zoomer à volonté sur les points les plus éloignés avec une facilité déconcertante.

Banjo dans l’ombre de Kazooie, ou l’inverse ?

L‘ours et l’oiseau ont dorénavant droit à une ombre animée en temps réel et renvoie à l’histoire la symbolique ombre ronde ancestrale. Même s’il ne donne plus de coups de poings, Banjo a, en revanche, appris à s’accrocher par les mains et ridiculise assez vite Lara Croft dans cet exercice. Ayant vu passer sans s’inquiéter les aventures de son cousin Donkey Kong l’année dernière, Banjo en a retenu la capacité à grimper le long des lianes et autres échelles verticales naturelles. Ayant sans doute pris un peu plus confiance en eux après le succès de leur dernière aventure, l’ours et l’oiseau osent cette fois ci s’aventurer l’un sans l’autre. La séparation est temporaire, elle dépend forcément d’un pad particulier et est destinée à de courts objectifs spécifiques, mais enfin, cela fait plaisir de les voir évoluer de façon autonome. Beaucoup plus démunis en solo, l’un et l’autre apprenne néanmoins à se débrouiller. La décharnée Kazooie ne volera pas plus haut toute seule mais apprendra à faire mal avec ses ailes. Sans les coups de bec rageurs de Kazooie, Banjo saura, de son côté, faire un usage efficace de son sac à dos contre ses adversaires. Improbables frères symbiotiques, l’ours et l’oiseau ne sauraient se quitter longtemps mais, dans la tradition géniale de leur première aventure, ils continuent de plus belle à céder la place à d’autres personnages plus fous les uns que les autres.

Le calumet de la paire

Le shaman Mumbo Jumbo de la première aventure devient un personnage actif à part entière. Moyennant un Glowbo (Rayman 2 ?) – créature magique étrange récupérée dans le niveau, le shaman se laissera contrôler et ira faire quelques rituels obscurs pour déclencher des évènements assez extraordinaires pour altérer le niveau dans son ensemble. Pour le même prix, une charmante squaw du nom de Humba Wumba, transformera Banjo en personnages invraisemblables (ridicule mini banjo en pierre par exemple) mais capables de nouvelles prouesses.

Tous les détails revus à la hausse (sauf les Boss : hors concours !)

Après 15 heures de jeu, cinq mondes sur neuf seront ouverts dont un seul complété à 100%. Les œufs seront passés d’inoffensifs projectiles en œufs de feu, de glace ou en explosifs. Ils auront permis de venir à bout de deux Boss, dont l’un, si gonflé d’orgueil qu’il atteint la taille d’une montagne. Après avoir été initié autant de fois que nécessaire sur le chemin par le cousin du défunt Bottles, nos héros sauront viser et tirer en vue subjective en volant et en nageant. Kazooie n’hésitera pas à faire le marteau piqueur pour détruire des rochers, la torpille pour affronter des poissons aux mâchoires menaçantes. Vous découvrirez que tous les items reposent désormais sur de petits nids, que, s’il faut bien toujours trouver 100 notes de musique par niveau, une seule note vaut pour 5 et qu’elles sont, en contrepartie, plus difficiles à ramasser. Vous serez soulagés de voir Banjo prendre un des morceaux de puzzle si convoités sans se fendre d’une animation pénible à la longue. Vous vous émerveillerez, enfin, devant les effets de lumières toujours plus nombreux et magiques.

Des clins d’oeil et du pastiche

Parmi les nouveautés, vous aurez plaisir à découvrir que tous les pads utiles aux métafonctions (vol, saut, Mumbo…) sont animés de lumières intérieurs, et, d’ailleurs, vous ferez connaissance avec le pad hypnotisant qui téléporte en plusieurs endroits d’un même monde (hérité du « pad banane » de DK64, détail pour les pratiquants). Vous remarquerez que les chaudrons téléporteurs de Gruntilda ont cédé la place à des sas métalliques tout aussi pratiques pour se rendre d’un bout à l’autre de l’île aux sorcières. Vous ramasserez des épaissiront le mystère du transfert entre les deux jeux (une fonction promise par les développeurs mais à la procédure encore inconnue)… Et, bien sûr, vous traverserez des labyrinthes à la manière de Doom (dans des endroits prédéfinis, Banjo porte Kazooie sous le bras et la tête de l’oiseau devient le viseur naturel…) et, devant la souplesse des contrôles, vous vous demanderez pourquoi certains jeux de ce genre se compliquent la vie quand c’est si facile à faire (!)

L’efficacité tranquille

Si vous avez été impressionné par le dernier Zelda, vous devriez l’être encore plus avec Banjo-Kazooie. Même sans les 4 Mo de mémoire de l’Expansion Pack, le jeu réussit à générer, apparemment sans effort, des environnement énormes, un kaléidoscope de couleurs et de textures simultanées, et, c’est la marque de fabrique du studio Rare, des volumes innombrables de bruitages et de mélodies contextuelles.

Malgré tous les efforts des talentueux développeurs, le résultat graphique est évidemment loin de la qualité d’une console 128 bits. Mais en terme de gameplay, de maniabilité et de profondeur de jeu, les péripéties de l’ours et de l’oiseau sont sans égal. Réservez votre cartouche dès aujourd’hui.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 29 décembre 2000)

Banjo-Tooie est disponible depuis le 20 novembre aux Etats-Unis. La version française est attendue pour le mois d’avril 2001.

Banjo-Tooie Avant-première Overgame

Noël 2000 : les jeux vidéo font leur cinéma

Ah, Noël, Disney, Dreamworks…, tant de films et de dessins animés merveilleux ! Ah, Noël, tant de rêves sur pellicule transformés en cauchemar de pixels par la société marchande ! A moi, le Grinch !

Le Grinch aura beau râler, se morfondre sur sa montagne en maudissant les autres, se venger d’une humiliation enfantine en « tuant » Noël, la magie de cette période de l’année ne mourra pas, ne peut pas mourir. Même si nous prenons un par un les rêves de pellicules pour dénoncer leur exploitation mercantile en jeu vidéo, rien n’y fera.

Alors, loin de nous l’idée de gâcher votre Noël, si voulez acheter l’adaptation en jeu de tel ou tel film magique de Disney, ou de Dreamworks, vu au cinéma, rien ne vous retiendra vraiment tant l’image de marque est forte. Et l’on vous comprend, nous aussi nous avons plongé. Mais pour un jeu correct, combien de projets bâclés, combien ?

Notre recommandation : allez voir les films. Si vous voulez vraiment acheter les jeux, voilà ce que nous en pensons. Ne venez pas dire qu’on ne vous aura pas prévenu. Suivez le guide concocté avec patience par JB…

Cinq jeux vidéo pour cinq films de Noël

  • La Route d’El Dorado un dessin animé méconnu pour un jeu plus que convenable
  • Dinosaure un jeu rustique pour un film drôlement léché
  • The Grinch un faux méchant qui amuse dans le film mais qui énerve dans le jeu
  • La Momie film comme jeu sont à prendre avec des pincettes
  • Chicken Run poule joyeuse dans le film égal poule mouillée dans le jeu
François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 21 décembre 2000)

Noël 2000 – les jeux vidéo font leur cinéma sur Overgame

Unreal Tournament – Test (import Playstation 2)

Sans réseau et avec des saccades, l’ambitieux shoot 3D du PC devient sur Playstation 2 un jeu d’action, certes efficace, mais sans envergure. Une adaptation brutale et triste qui ne sert ni la PS2 ni le genre. A jouer, juste pour faire comme si…

Un des très gros morceaux du monde PC est sorti sur Playstation 2 aux USA depuis le 24 novembre. Avec Quake III Arena sur Dreamcast, TimeSplitters sur PS2, et bientôt Half-Life sur les deux consoles 128 bits, l’avènement shoot 3D sur console est définitivement consommé. Enorme monstre en réseau du monde PC, Unreal Tournament est-il à la hauteur de ses ambitions sur Playstation 2 ? Arrêtons là le suspens : non. Mais Unreal Tournament est néanmoins fort jouable.

Unreal Tournament tout seul sans Internet ? Bah…

Sony aura beau dire ce qu’il veut sur la piètre qualité des connections en réseau en 2000, cela ne justifie pas qu’un Unreal Tournament conçu sur PC pour jouer en réseau ne le soit pas du tout sur Playstation 2. Ce n’est pas complètement rédhibitoire grâce à des bots bien sauvages en mode solo, mais presque. Donc non, Unreal Tournament ne se joue pas en réseau sur PS2, en revanche, rien ne vous empêche pour le même prix de jouer à deux en écrans divisés, ça marche très bien. En rajoutant un peu d’argent pour un adaptateur multi-manettes vous pourrez même jouer à 4. En poussant encore plus loin la dépense, avec une deuxième Playstation 2 (!), une 2e TV (!!) et un cable i.LINK, il devient possible de jouer à deux en plein écran. Avec un hub i.LINK, quatre TV, quatre consoles et quatre jeux, il est carrément envisageable de jouer à quatre simultanément. Une configuration onéreuse que l’on verra peut-être un jour dans des salles de jeux en réseau (surtout lorsque l’on pourra jouer à des jeux exclusivement Playstation 2 et non des adaptations de jeux PC). Spontanément, U.T. se joue avec la Dual Shock 2 avec, heureusement, assez de configurations (x10) pour convenir à chacun. Il y a même l’accès au réglage de sensibilité horizontale et verticale des sticks analogiques. Cela dit, pour les puristes du monde PC, un clavier et une souris USB devraient être détectés automatiquement.

Copieux et précis comme un jeu pour informaticien

Un des meilleurs exemples de shoot 3D sur PC, sinon le meilleur en 1999, Unreal Tournament reste un des mieux fournis, sans pour autant s’embarrasser d’un scénario. Comme dans Quake III Arena, il s’agit ici de proposer des affrontements de gladiateurs surarmés dans des arènes uniquement conçues à cet effet. Trois modes originaux viennent allonger la durée de vie des affrontements habituels en Deathmatch : Capture The Flag standard, mais aussi Domination, où il faut défendre certains quartiers d’un niveau en activant / désactivant une borne témoin, et Assaut où des équipes se jettent dans des mini missions chronométrées. Nous sommes ici loin d’un jeu tactique ou d’infiltration, mais ces modes ont le mérite de renouveler un peu les motivations pour tirer sur ses adversaires. Et puis ils ont tous des niveaux appropriés.

Une esthétique fonctionnelle et sans éclat

Sur PC, UT abritait 40 niveaux, la version PS2 est censée en contenir 50 (non, nous n’avons pas encore tout débloqué, c’est bon signe sur la quantité !). Elles vont du plus (trop) simple au début, y compris avec des niveaux de Training pour se familiariser avec les commandes, au plus complexe. Loin des couleurs chatoyantes de Quake III Arena et de son ambiance gothique, les maps d’Unreal Tournament ont une apparence plus modeste, sans doute plus réaliste. Les contextes fréquemment sombres ne s’écartent pas souvent d’une gamme de couleur comprise entre le marron et le gris. Même les couleurs habituellement les plus vibrantes restent docilement encadrées dans cette mélasse tristounette pour des joueurs habitués aux jeux japonais (Nous avons fait un grand effort dans le lot de captures ci-dessous pour garder des images colorées malgré la dominante terne de l’ensemble). Donc, à quelques rares exceptions près, les niveaux n’en jettent pas plein la vue comme Quake III Arena. Les joueurs n’évoluent pas au milieu d’architectures monumentales de cathédrales, et les revêtements des murs ont rarement plus d’audace que de reproduire des nuances de briques. C’est un style économe, un réalisme que l’on peut admettre pour les intérieurs, mais qui atteint ses limites lors des quelques scènes d’extérieurs dans une nature « vide » qui ne ressemble à rien. L’imagination de UT est ailleurs, dans la conception des niveaux.

L’architecture intérieure est le point fort

Il est impossible d’appréhender les niveaux de U.T. dans leur ensemble. De salles en couloirs, de mini ascenseurs en corniches, de bassins d’eau en coursives obscures, la complexité des niveaux est telle, les parcours à l’intérieur si nombreux, que le joueur a l’impression de circuler dans un labyrinthe qui boucle sur lui-même, sans fin. Si les tous premiers niveaux sont basiques, les suivants grossissent et se complexifient d’une façon exponentielle.

C’est justement en connaissant l’architecture des niveaux de U.T. et de QIII que nous nous plaignions de ceux de TimeSplitters (voir Avis (pas si) Express). Id Software (Quake) et Epic Games (Unreal) savent construire des arènes comme personne d’autre. En s’appuyant sur des thèmes réalistes comme des hangars, des quartiers de ville, des intérieurs de vaisseaux spatiaux ou de stations orbitales, les niveaux se déploient au fur et à mesure de leur complexité vers des enchevêtrements infernaux. Grande spécialité de Epic, les sous plafonds avec circuits étroits sur poutres entrecroisées, petits renfoncements dans les murs, autant d’endroit pour se cacher et tenter une embuscade. Mais ce n’est pas Counter Strike, impossible de rester immobile très longtemps sans se faire débusquer par un bot, et, même s’il est possible de lancer des ordres aux bots de son équipe (mode Assaut), en l’absence de jeu en réseau, nous sommes de toutes façons devant un mode coopératif avorté.

Arrêtez de saccader que je puisse viser !

Mais le plus gros défaut est à venir. On sait que depuis le premier Unreal, les projets d’Epic Games sont excessivement gourmands en puissance. Pour tourner correctement sur un PC en 1999, Unreal Tournament demandait, et demande encore, une très grosse configuration. La conversion sur « l’ultra » puissante Playstation 2 aurait dû être l’occasion pour la console de Sony de faire ses preuves et il n’en est rien. Non seulement la définition des textures n’est pas très dense mais elle ne profite apparemment pas de mip-mapping (il suffit de se rapprocher d’un mur pour observer l’abus de flou – tri-linear filtering – et donc l’absence d’une texture plus détaillée à afficher). Sur PC UT avait réussi à reproduire la surface de l’eau avec une acuité presque inégalée. Cette version PS2 renvoie les surfaces liquides d’U.T. à un « flou artistique » trop pratique pour être honnête.

Si la maniabilité des contrôles est solide et dans l’ensemble fiable, il faut quand même que l’œil et le cerveau s’ajustent aux fréquentes baisses de rafraîchissement de l’image. Car, plus il y a de monde à l’écran, plus une vue d’ensemble permet d’embrasser un large décor, plus le jeu saccade. Ce n’est pas catastrophique, juste très visible et consternant. Que l’on blâme la Playstation 2 ou une adaptation un peu courte d’Epic, le résultat est le même, Unreal Tournament fonctionne sur Playstation 2 comme sur un PC poussif. Et on ne peut pas désactiver des effets pour alléger l’affichage comme sur PC…

Aurait pu, aurait dû mieux faire

D‘apparence un peu trop ordinaire et lisse pour un public console habitué à plus de flamboyance en provenance du Japon, Unreal Tournament est sans doute un rendez-vous quasi obligatoire de la Playstation 2 pour tous les apprentis gladiateurs. Du moment que l’on ne s’attend pas à un chef d’œuvre de programmation.
Sophistiqué dans la conception des niveaux les plus évolués, snipper occasionnel ou pas, UT est néanmoins un jeu de butor. Son meilleur atout reste encore le réflexe et un œil de lynx de pixel. Heureusement pour nous autres néophytes du shoot 3D sur console, une option prévoit une aide à la visée. Y a pas de honte, les autres ne sont pas humains, même s’ils en ont l’air.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 19 décembre 2000)

Note générale: 7 / 10

Côté plus :

  • Le nombre de niveaux
  • L’architecture des niveaux
  • Le look réaliste des personnages
  • L’efficacité des échanges de tir

Côté moins :

  • Un jeu en réseau sans réseau
    Les saccades en pleine échauffourées
  • Inférieur techniquement à la version PC

La sortie française est donc prévue pour le 28 février 2001, nous referons le point sur la version PAL à ce moment là. La version Dreamcast, encore en chantier, pourrait sortir aussi le 28 février. Pour plus d’informations concernant Unreal Tournament, voir le Test de la version PC et l’actu Unreal Tournament PS2 : l’interface en images .

Unreal Tournament – Test (import Playstation 2) Overgame

SSX : Test PlayStation 2

Ce jeu de glisse offre les plus impressionnants « rides » depuis WipEout sur N64. Vertiges et creux à l’estomac garantis. Avec une maniabilité d’enfer, la neige va fondre pour longtemps.

Ne cherchez pas plus loin le meilleur jeu Playstation 2 du moment, il est là. SSX n’est sans doute pas la démo technologique attendue sur Playstation 2, en revanche il s’agit bien là d’un jeu complet, maniable, extrêmement rapide, et ébouriffant.

La Playstation 2 se moque du joueur

Autant le dire tout de go, dès les premières images des circuits on se demande un peu si le programme (et la Playstation 2 toute rutilante) ne se moque pas de nous. La piste qui va bientôt être descendue par six snowsurfers décidés est balayée par une caméra aérienne qui saccade outrageusement ! Les premières fois c’est franchement embarrassant vis à vis de cette console soit disant ultra perfectionnée, après quelques descentes, tout est pardonné. Sur Playstation 2 comme sur n’importe quelle console, un bon jeu est un bon jeu, et des défauts graphiques ici et là ne changent rien à un programme, par ailleurs, finement réglé.

La Playstation 2 tousse mais le joueur respire bien

Or donc, les présentations aériennes des circuits sont saccadées et, en pleine course échevelée, quand les six athlètes des neiges se retrouvent sur le même écran, le framerate (vitesse de rafraîchissement de l’écran) baisse assez pour se faire remarquer. Oui, malgré toute sa puissance de calcul, la Playstation 2 peine à tout faire simultanément. Certains expliquent ce problème par un anti-aliasing (lissage des contours) appliqué à posteriori. Peu importe, ce qu’il faut savoir avant tout c’est que jamais le contrôle du personnage n’est altéré par ce problème graphique. Quelle que soit la vitesse et les risques pris en plein saut, le joueur reste à 100 % maître de son cascadeur des neiges. Plus tard, une fois les saccades amèrement « acceptées », l’ampleur et l’ambition des circuits présentés finissent par prendre le pas sur les critiques. Car c’est une chose de voir le circuit de haut, c’en est une autre de le descendre en personne !

Chaque Mode de jeu complète les autres

Pas très original dans sa structure, SSX assure pourtant sur tous les tableaux. Les six circuits (plus un spécial « Pipe » et un Hors Piste écologique), se débloquent au fur et à mesure des finales gagnées dans le mode Championnat. Les planches, les nouveaux surfers et leurs tenues sexy deviennent disponibles en fonction des cascades et autres « Tricks » réussis dans le mode Show Off (où le but du jeu est de faire le plus de figures aériennes). A la manières des RPG, des points d’expérience sont attribués aux sportifs méritant, et le joueur les répartit entre différentes caractéristiques à sa disposition (vitesse, agilité, stabilité, etc). Même hors des pistes le joueur tient donc les rennes du programme, et comme l’interface est totalement conviviale. Tous les modes s’enchevêtrent et se complètent parfaitement. Ils incitent le joueur à aborder le jeu de plusieurs manières tout en lui laissant la sensation de participer à un tout qui progresse. En exploitant astucieusement ce procédé de multi- entrées, SSX est donc un de ces émules réussis de Gran Turismo. Toutes les sections du jeu participent au tout et c’est au joueur de choisir selon son humeur et ses aptitudes comment l’aborder.

Précision chirurgicale

Là où SSX, devient vraiment réussi c’est quand son contrôle physique fait encore mieux que sa structure organisationnelle. Une fois sur les pistes tout est possible. A la Road Rash, le stick analogique droit de la Dual Shock 2 permet de donner des coups aux adversaires qui vous frôlent de trop. A la 1080° Snowboarding sur Nintendo 64, le saut se prépare en appuyant (flexion) sur un bouton qu’il faut relâcher pour sauter (projection). Le stick gauche offre un contrôle analogique d’une souplesse rare, freiner en pleine descente, s’accroupir pour prendre de la vitesse, s’agripper aux virages grâce à des angles périlleux… Tous les risques sont permis et un joueur se surprend lui-même à chaque descente.

Les figures ne rigolent pas

Le nombre de figures à disposition de chaque athlète est digne d’un jeu de combat (50 figures et combos !). Chacun d’eux a d’ailleurs une section propre où sont listés tous les tricks dont ils sont capables. Il faut alors les réussir en pleine compétition pour les « débloquer » et obtenir des bonus et des points d’expérience. Une fois un saut réussi, tous les boutons sont mis à contribution pour faire des « grabs » (attraper la planche avec une main), des « spins » (tourner sur soi-même), des « flips » (sauts périlleux avant ou arrière). Selon les modes, des flocons de neige géants permettent de décupler, en les traversant, les points obtenus grâce aux figures. Autre détail bien implémenté, plus vous réussissez de sauts de la mort ou de figures audacieuses, plus votre jauge d’adrénaline augmente. Cette jauge graduée accorde en fait des « boosts » au surfer qui, d’une pression brève ou continue sur le bouton Carré, peut alors accélérer sur de courtes distances.
Mieux encore, si par malheur le surfer reste bloqué contre un mur dans l’impossibilité de se mettre dans l’axe de la piste, une pression sur le bouton Select remet instantanément en piste… en tapant dans le stock d’adrénaline / boost ! Quand on vous dit que tout est bien pensé et imbriqué.

SSX sur la première place du podium des jeux de glisse

En terme de maniabilité, SSX devient directement la référence en sport de glisse. Du côté futuriste on pensera sans doute un peu à WipEout, mais SSX impressionne beaucoup plus avec ses pentes verticales à + de 35°, et les personnages ont un maniement beaucoup plus subtil et complet que les engins anti-gravité. Du côté neige on se réfèrera au summum du genre avec l’inégalé 1080° Snowboarding sur Nintendo 64, auquel SSX enlève par surprise, la couronne. C’est que les pistes sont nettement plus grandes, plus longues, plus cabossées, moins écologiques mais beaucoup plus sportives et donc plus dynamiques pour le joueur que le chef d’oeuvre de Nintendo. Ce n’est pas pour rien qu’il y a une jauge d’adrénaline…

Avec ce premier titre portant le label E.A Sports Big, Electronic Arts frappe juste et fort.

D’abord exercices libertaires (free) avant de devenir de véritables disciplines, les sports extrêmes correspondent à une attitude, un mode de vie avec un style particulier. SSX tape dans le mille. Les personnages, sans doute un peu bande dessinée mais réalistes quand même, ont du style et du bagout. Ils parlent tous leur langue d’origine et ont des postures qui leur appartiennent en propre. Les planches et les fringues sont originales et, à moins d’être allergique aux couleurs, chacun devrait y trouver un alter ego avant de se jeter dans le vide. Les musiques techno dance, big beat, trip-hop, sont du meilleur cru, les bruitages parfaits dans le genre, les commentaires off encourageants (et non énervants), et tout est paramétrable. De la vue hélico au plan rapproché, plusieurs caméras sont à disposition et donne tout à coup la mesure de la puissance de la console. Cerise sur un gâteau déjà plein de chantilly (ou enneigé, si vous préférez), un mode replay complet avec arrêt sur image, accéléré, châpitrage et système d’édition et de montage permet de garder un souvenir best of de ses exploits. Même si SSX souffre de quelques défauts graphiques pour une machine de ce calibre, le gameplay est si souple et sophistiqué qu’il balaie toute hésitation.

Et nous n’avons rien dit sur le meilleur du jeu, que disons-nous, l’essentiel du jeu : LES PISTES. Parce que là, alors là, vraiment, cest…

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 15 décembre 2000)

Note générale : 8,5 / 10

Côté plus :
  • La maniabilité
  • Le tracé audacieux des pistes La profondeur de jeu L’ambiance sonore
  • Le mode 2 joueurs
  • L’éditeur de Replay
Côté moins :
  • Les saccades lors des présentations
  • L’IA un peu sévère dans les finales
  • Graphismes pas toujours très net
SSX Test PlayStation 2 sur Overgame

TimeSplitters – Avis (pas si ) express

Premier jeu de tir 3D de la Playstation 2, TimeSplitters vaut pour la curiosité mais déçoit dans sa réalisation.

TimeSplitters est un cas particulier. Réalisé très vite par une nouvelle équipe constituée d’anciens membres du fameux studio Rare, le jeu a d’abord pour fonction de prouver à l ‘éditeur (Eidos) et aux banquiers derrière, que cette équipe est capable de faire un jeu rentable rapidement. Après, peut-être, sur le modèle d’un GoldenEye auquel ils ont participé, les gars de Free Radical Design demanderont les crédits pour faire un jeu plus ambitieux, avec notamment un scénario.

Contrat réussi donc, Time Splitters est disponible depuis le day one de la Playstation 2 en Europe et offre à la nouvelle console de Sony son premier First Person Shooter (FPS). Seulement voilà, comme il fallait s’y attendre, cette première réalisation de Free Radical est brute, pour ne pas dire rustique ou mal dégrossie. Entendons nous bien, ce jeu de tir en vue subjective offre, comme il se doit, de quoi se défouler. Mais, dans cette catégorie de jeux d’action directe sans scénario à la Quake III Arena ou Unreal Tournament, ce TimeSplitters sur PS2 est bien creux.

Des polygones, des polygones, oui, mais des jaggies !

Deux problèmes techniques liés à la Playstation 2 se font d’abord remarquer : des temps de chargement trop important pour accéder à chaque niveau, et des affreux « jaggies » comme seule la PS2 en est capable. Avec seulement 4 styles d’environnements différents, des décors chiches et des maps guère ambitieuses, le temps de calcul demandé par la console avant de commencer à jouer est difficile à supporter. Les défauts d’affichage, quant à eux, sont encore une fois représentatif des limites actuelles de la PS2. Toutes les lignes droites sont en escaliers et, puisque le personnage respire gentiment, même à l’arrêt tout le décor scintille suite à ce balancement. A quelques exceptions près, la majorité des premiers jeux Playstation 2 souffrent de ce problème. Gourmand en calcul 3D, TimeSplitters est avec Ridge Racer V un des pires exemples.

Des réglages grossiers

En plus des grossiers « jaggies », quelques petites contrariétés techniques altèrent le plaisir du jeu. D’une manière générale, votre personnage se déplace trop lentement par rapport aux décors et à la distance à franchir, et puis, bien que cela soit devenu standard dans le genre, il ne peut pas du tout sauter. Les déplacements à la manette sont paramétrables, mais avec des limites. La sensibilité des sticks analogiques n’est, par exemple, pas modulable. Les indispensables déplacements latéraux (straff) ne sont possibles qu’avec un stick analogique déjà utile aux mouvement haut et bas. Délicat alors de se déplacer de côté sans quitter l’adversaire des yeux.

Enfin, sans insister sur les vibrations pas toujours adéquates de la manette, il faut se plaindre d’un temps de retour au jeu beaucoup trop long après une mort subite. Une poignée de secondes de passivité lourde à subir dans un jeu qui se veut frénétique. Heureusement, comme tous les titres PS2 vus à ce jour, l’affichage et la fluidité du jeu sont constantes, quelques soient les circonstances chaotiques.

Jeu méticuleux pour guerrier patient

Comme prévu, les modes de jeux vont à l’essentiel. La branche Histoire ouvre progressivement le jeu via trois époques et environnements (Tombeau en 1935, Chinois en 1970, et Cyberden en 2005), et l’Arcade donne la main sur un certain nombre de parties organisées en Deathmatch, Bagtag, Capture The Bag, Knockout, Escorte et Laststand. Le nombre d’options et de configurations est d’ailleurs le point fort du jeu. Il est possible avant chaque partie de paramétrer minutieusement tous les détails : durée, scores à atteindre, équipe, handicaps, bots, tout est ajustable en fonction du but recherché. Une souplesse bien utile pour les maniaques du réglage et du contrôle. Ce sont d’ailleurs les mêmes personnes qui se régaleront dans l’éditeur de niveau inclus.

Moi aussi je sais le faire !

TimeSplitters abrite donc une version allégée de l’éditeur de niveau utilisé par les développeurs. Avec de la patience et beaucoup d’application, n’importe qui peut créer son environnement de jeu. Ingrat avec son interface en fil de fer, mais relativement simple à utiliser, ce logiciel donne une idée du travail requis pour créer l’architecture d’un niveau avec tout ce qu’il contient d’items et d’armes… Après quelques essais, on mesure assez vite la difficulté de créer un environnement vraiment dynamique. On se demande d’ailleurs si les concepteurs de Free Radical n’aurait pas eu, eux-mêmes, du mal à fabriquer les maps originales du jeu.

Soyons réaliste (Unreal), ce n’est pas du gâteau (Quake III)

Après quelques parties de cache cache dans les couloirs des premiers niveaux, on se prend à regretter le peu de dynamisme des « levels design » disponibles dans le jeu. L’alternance des espaces « découverts » et des couloirs n’est pas très convainquant. Nous sommes très loin de l’ingénuité des cartes de Quake III Arena ou d’Unreal Tournament. Les vétérans américains du FPS (respectivement : idSoftware et Epic) ont un savoir faire inégalé dans ce domaine. TimeSplitters enfile trop souvent sans effort les couloirs, des tunnels qui conduisent parfois à des impasses ! Un comble quand on est poursuivi par un adversaire ou un bot. Une erreur de conception élémentaire qui se comprend difficilement, surtout sans scénario pour justifier éventuellement une porte fermée.

A deux, c’est possible, à quatre, c’est plus cher

Sans doute d’abord dû à des délais de réalisation volontairement court, le dépouillement graphique des niveaux profite aux parties multi-joueurs. A deux personnes sur un écran divisé en deux, la partie de cache cache, avec ou sans bots contrôlés par le programme, est digne du mode solo (à part la taille réduite de l’écran évidemment). La même fluidité et précision est attendue à quatre joueurs simultanés mais, reconnaissons le sans embarras, nous n’avons pas pu essayer car la Playstation 2 nécessite un accessoire supplémentaire (349 F) pour jouer à quatre, il fallait le rappeler.

Des promesses, des promesses

Malgré toutes ces remarques et regrets, reconnaissons à TimeSplitters d’offrir le premier festin (nu) FPS sur Playstation 2. A ce titre il devient un passage presque obligatoire sur cette console, avant le prochain débarquement attendu de Unreal Tournament en février 2001. Avec des personnages adorablement dessinés façon BD élégante, des musiques cinématographiques dignes du patrimoine musical anglais, un armement et des détails réminiscents du sacré GoldenEye de la Nintendo 64, TimeSplitters est surtout l’indice qu’un nouveau studio de développement efficace est né.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 8 décembre 2000)

TimeSplitters- Avis Express Overgame

Sega GT Dreamcast : Avis Express

Gran Turismo qu’ils disaient ! Gran Turismo sur Dreamcast qu’ils disaient ! On a voulu nous faire prendre des vessies pour des lanternes, oui !

Nul besoin d’une critique exhaustive pour dire sans ambiguïté : attention, Sega GT n’est pas le Gran Turismo de la Dreamcast ! Il en est même très loin. C’est que, après l’incroyable succès du jeu de Polyphony Digital sur Playstation (couplé à une réussite technique inédite), Sega s’est retrouvé drôlement distancé question courses de voitures. Un jour maître des voitures d’arcade, la mode est passée aux simulations de plus en plus réalistes et a laissé Sega sur le bas côté (il y a eu l’invraissemblable F355 Challenge depuis, un titre à part néanmoins, puisque signé de l’unique Yu Suzuki).

Battage publicitaire

Le projet Sega GT a donc été annoncé comme la riposte de Sega à Sony et tout le monde y a cru. Grâce aux images des replays et à ses voitures plutôt bien modélisées, on y a même cru jusqu’au moment de toucher la version japonaise sortie en février 2000. Si nous n’en n’avons pas parlé sur Overgame à ce moment là c’est que la déception était grande. Difficile alors de faire le bilan négatif sur une version japonaise que les plus fous d’entre nous allaient de toutes façons acheter. La version PAL venant de nous passer entre les mains, nous ne pouvons que confirmer l’absence totale d’inspiration de ce jeu. A quoi bon modéliser soigneusement 130 modèles de voitures pour qu’elles apparaissent si tristes à l’écran ? A quoi bon 22 circuits mal tracés là où 6 bien pensés auraient été préférables ? Pourquoi tant de réglages techniques alors que le moteur physique des voitures est plus proche de l’arcade que d’une simulation réaliste ?

Clone triste

Depuis la version japonaise sortie en début d’année, Sega revendique une amélioration de la maniabilité sur les CD US et Européens. Ceux qui auront insisté sur les versions japonaises puis PAL s’en rendront peut-être compte, mais revu à la hausse ou pas, le contrôle des véhicules de Sega GT reste définitivement à l’état d’esquisse. Avec des textures plus cartoons que réalistes, des voitures tantôt trop glissantes (option drift) ou trop lourdes (option grip), des circuits qui ne permettent pas au pilote d’anticiper convenablement les virages (signalisation approximative, décors flous…), ce jeu de course n’est ni une simulation ni un jeu d’arcade

N’est pas GT qui veut

Sega GT reprend sans scrupule l’essentiel de l’organisation du premier Gran Turismo avec ses voitures de tourisme à acquérir au fur et à mesure des championnats. Mais dès les premiers tours de pistes l’ennui s’installe. Plusieurs tours plus tard c’est l’agacement, et quand, bien après, il devient possible de lancer son bolide sur un circuit contre des voitures familiales qui disparaîtront sans effort dans le rétroviseur, c’est carrément l’indignation ! Et malheureusement, il ne faut pas non plus compter sur Sega GT pour fournir une séance de consolation avec ses Replays. Sur ce point comme sur les autres, les malheureux développeurs sont à des lieues du savoir faire de Polyphony et de son Gran Turismo…

Si l’ambition du titre n’avait pas été si forte, Sega GT pourrait être une expérience potable pour un amateur forcené de voitures, mais en l’état, après la promesse d’un jeu à la hauteur de Gran Turismo, il s’agit d’un vrai ratage. Pour ne pas dire un plagiat manqué.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 6 décembre 2000)

Sega GT Avis Express Overgame

Lancement PS2 Sony / Virgin Megastore : LA HONTE !

Sony a voulu montrer la popularité de sa Playstation 2 et a orchestré cette nuit avec le Virgin Megastore un mouvement de foule scandaleux. Tout ça pour qui ? Pour les médias. La rançon du succès est cette fois inacceptable.

Les jeux vidéo, domaine jusque là réservé des enfants et des « adulescents », viennent de basculer brutalement dans l’âge adulte. Et c’est Sony, le leader du marché depuis 5 ans, qui a pris l’initiative de déchirer sans aucun ménagement l’hymen qui séparait encore le rêve virtuel de la réalité marketing. Vous pensiez que les jeux vidéo étaient la passion singulière d’un neveu sans doute un peu obsessionnel ? Vous venez d’apprendre tout à coup que sa passion est partagée par des foules hystériques ! Une console de jeux vidéo, un objet inerte, peut donc susciter la même folie collective que la visite d’une star du rock, qu’une défaite à un match de foot. En préméditant une ruée sauvage de la foule vers l’objet de sa convoitise, Sony vient d’offrir aux médias et donc aux yeux du monde, l’occasion de se repaître d’un spectacle que l’on aurait préféré ne jamais voir dans le monde ludique des jeux vidéo.

Quelles que soient les excuses que ne devraient pas manquer d’exprimer Sony et le Virgin Megastore, la responsabilité des organisateurs de cette pitoyable et très dangereuse explosion populaire est totale.

En choisissant sciemment une mise en scène anarchique pour le lancement officiel à minuit ce 23 novembre 2000, Sony et le Virgin Megastore ont laissé une foule compacte s’agglutiner de façon désordonnée autour d’un seul et même point central : une Playstation 2 géante, un monolithe kubrickien. Lâchant la bride à 00H01 sur une foule jusque là impassible, patiente depuis des heures mais prête à bondir, ce qui devait arriver arriva : la foule en cercle s’est précipitée en un seul mouvement vers les étagères où se trouvaient les nouvelles consoles offertes à la vente. Les images (fichiers vidéo disponibles) témoignent alors d’un mouvement de folie collective ou l’humanité se révèle sous son jour le plus primitif. Les gens se sont rués vers les consoles, battus entre eux, ils ont bataillés contre des agents de sécurité très nombreux, eux-mêmes contraints d’employer la force pour tenter de freiner la vague humaine. La brutalité de l’ensemble fut effrayante, tous les spectateurs, devenus voyeurs à l’abri dans les étages, consternés. Un moment que l’on imaginait de fête s’est tout à coup transformé en cauchemar *.

Dans son célèbre film 2001 : L’Odyssée de l’Espace, le cinéaste Stanley Kubrick avait donné, avec la fameuse scène du monolithe initiatique, une leçon sur la grandeur latente de l’humanité, et son potentiel d’apprentissage et donc d’évolution. Détournant avec un calcul tout marketing l’oeuvre visionnaire de Stanley Kubrick, Sony vient de faire la démonstration que, malgré nos 2000 ans de civilisation, l’Homme est encore un singe sauvage prêt à se déchirer pour une idole. Qu’elle soit d’or ou de silicone ne change rien à l’affaire.

En marketing, le procédé qui consiste à amplifier l’attente pour un produit en quantité limitée s’appelle un « effet de manque ». Chez Overgame, nous appelons ça un manque de civisme.

La Rédaction

Bilan officieux de l’évènement : quelques blessés (sources TV, mais nous avons parlé avec des gens qui ont pris des coups dans ce moment de folie) et, surtout, un traumatisme collectif et individuel habituellement réservé à d’autres activités moins ludiques.

* En toute humilité, anticipant sur un potentiel débordement populaire pour cette soirée publique, nous avions souhaité à deux reprises dans nos Actus que cette manifestation soit organisée au mieux pour éviter tout incident Nous aurions peut-être dû le dire plus fort.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 24 novembre 2000 / Images (c) Overgame/Bliss)

Zelda Majora’s Mask : Le jeu cerveau (tentative de test)

À jeu monument, critique hors norme. Le nouveau Zelda fait grincer des dents et marcher la tête. Enfants s’abstenir : ce jeu en cache un autre. Le Test aussi…

N’espérez pas lire dans cet article un descriptif complet du contenu du nouveau Zelda sur Nintendo 64. Une vie privée de journaliste en exercice ne suffirait pas à en faire le tour. Ne vous posez pas longtemps la question de la note (9/10 si vous y tenez) qui n’est qu’un exercice scolaire souvent réducteur destiné aux plus pressés des lecteurs. Laissez nous tenter de vous expliquer à quel point Zelda : Majora’s Mask est complexe et accessible à la fois.

Sommaire de lecture :

  • Préambule
    – La fin des temps
    – Parole de joueur
  • Un concept qui en cache un autre...
    – PART I : l’étau du Temps
    – PART II : un Monde masqué
  • Entracte : Link, l’homme orchestre
  • La 3D made in Nintendo…
    – PART I : parfait dès le début
    – PART II : toujours plus loin
    – PART III : la technique au service de l’intuitif
  • Entracte : pas si beau
  • Dialogues de sourd…
    – PART I : ils s’entendent bien
    – PART II : un héros muet garde la tête haute

  • Entracte : la question à 72 balles

  • Un jeu cerveau… 
    – PART I : la mémoire des mondes
    – PART II : la mémoire du Temps
    – PART III : à la recherche de l’Espace-Temps
  • Entracte : Overgame et Link sur le même rythme ?
  • Épilogue…
    – La fin des temps
    – Bas les masques

Préambule…

La fin des Temps…

Vous connaissez l’historique de ce nouveau Zelda. Complété en 18 mois il est l’assemblage du moteur 3D de Ocarina of Time, et de bribes d’un jeu beaucoup plus long envisagé un temps sur le 64DD. Des raccourcis techniques qui, pour une fois, ont permis à Nintendo d’écourter les temps de développement. Le Temps… un thème devenu primordial dans les aventures de Link.

Parole de joueur !

Parole de joueur, depuis le fameux Myst sur PC (ou console 3DO pour les consoleux), on n’a jamais vu un jeu à la structure aussi complexe. Tant d’imbrications scénaristiques et physiques sont sidérantes dans un jeu que beaucoup croit destiné aux enfants. Nintendo, Miyamoto, et le responsable direct de cet épisode, Eiji Aonuma, ont l’air d’avoir cette fois complètement « pété les plombs » (excusez l’expression). Comme l’Art Contemporain définit un travail artistique reposant sur une idée forte par le terme d’œuvre « conceptuelle », Majora’s Mask est un jeu vidéo « conceptuel ». Accrochez-vous…

Un concept qui en cache un autre…

PART I : l’étau du Temps

Où Link, en plein cauchemar éveillé, doit sauver en trois jours un monde menacé par la chute de la Lune. Trois jours et trois nuits qui se suivent en temps réel à l’échelle du monde de Termina (72 heures là-bas, environ une heure chez nous). Trois jours à revivre inlassablement jusqu’au sauvetage… Link tourne-t-il en rond ?



La course au stress. 
Ce concept de Temps provoque une modification fondamentale d’un principe jusque là établit par Miyamoto. Il est pratiquement impossible de se promener décontracté dans Termina. Miyamoto avait mis un point d’honneur dans Ocarina of Time à offrir un monde où il fait bon vivre. L’épée de Damoclès suspendue au dessus de Link, et surtout le peu de temps à la disposition du joueur, inhibe toute balade gratuite dans Majora’s Mask. Pire encore, les heures conduisant inexorablement vers l’holocauste transforment peu à peu le jeu en une course étrange contre la montre. Le système si particulier de sauvegarde qui ramène au premier jour en vidant les poches du héros de tout superflu (argent, munitions et autres objets annexes collectés dans les trois jours) provoquent des situations totalement inédites et ô combien stressantes.

Gérer la panique (ou s’y abandonner)
. Quand sonne le glas régulier des 6 dernières heures du jeu (5 minutes pour le joueur), tous les gestes, sauts et coups d’épée, deviennent fébriles. La fin est proche et chaque action porte le poids de cet ultimatum. Les premières fois on insiste, plus tard on abandonne l’effort guerrier trop lourd d’émotion pour devenir pragmatique avant la fin du monde.
 Calculateur par nécessité, vous profitez donc de ces dernières minutes pour aller in extremis à la banque de Clock Town déposer votre argent, faire un mini jeu dans la ville qui validera une récompense, visiter une personne dont on peut se demander si elle n’a pas une ultime révélation à faire avant de disparaître. Autant de secondes précieuses gagnées sur la partie suivante, que de prises de risques douteuses sur la partie en cours. Car, si Link a fait quelque chose d’important pendant ces trois journées qui arrivent à terme, se prendre la Lune sur la tête implique que la partie n’a pas été sauvegardée et qu’il faut tout recommencer. Cela n’empêchera pas le joueur en contrôle de souffler dans l’Ocarina salvateur à l’holocauste moins 20, 15 ou 10 secondes. Pas le moment de rater les notes de la Mélodie du Temps…

PART II : un Monde masqué

Masques physiques, magiques, psychologiques, symboliques, philosophiques, on peut dénombrer beaucoup plus de masques « invisibles » en sus des 24 masques visibles que Link doit trouver dans cette aventure. Ne cherchez pas ces masques « invisibles », ils ne sont que symboliques, mais admirez la cohérence et la persistance du concept…



Les masques invisibles. 
Au début de l’aventure, dans la forêt d’Hyrule – le vrai monde des aventures de Zelda – le petit Link se fait voler sa flûte Ocarina par un garnement masqué (sans compter le masque mystique qui transforme le gentil garçon du peuple Skull en chenapan incontrôlable et plein de pouvoirs, c’est plutôt l’idée d’altération de l’identité qui fait naître le 1er masque ! que nous qualifierons « d’invisible »). À la poursuite du Skull Kid mauvais farceur, Link plonge par accident dans un autre monde. Parallèle à Hyrule, le monde de Termina n’est pas tout à fait la réalité d’Hyrule même si il y ressemble (masque !). Ce qui s’y déroule n’affecte pas le destin et la chronologie du royaume de la princesse Zelda. Familier, mais avec des variations, Termina fait revivre une majorité de personnages de Ocarina of Time dans des rôles différents (masques !) : les méchants sont devenus bons, par exemple. À peine sur ce nouveau monde, Link aperçoit un visage grimaçant au-dessus de lui : la Lune est en train de tomber sur Termina (masque !). Le monde apparemment heureux de Termina, dont le centre représenté par le village Clock Town s’apprête à fêter son carnaval (masques !), n’est pas aussi jovial qu’il en a l’air (masque !) : une menace lourde pèse sur lui. Plus tard, après avoir dominé le premier Boss Odolwa, la nouvelle petite fée qui accompagne Link par obligation reconnaît tout à coup dans ce jeune garçon, qui n’en n’a pas l’air, l’étoffe d’un héros (masque !). Et ainsi de suite…



Le masque du quotidien. 
En scrutant chaque rapport des gens et des évènements entre eux, la liste des « masques invisibles » doit pouvoir s’allonger jusqu’à la fin de l’aventure. La plupart des joueurs se contenteront des masques « visibles ». C’est bien normal, le jeu est fait pour ça. Le reste n’est que concept et plaisir de comprendre…
Retenons que le monde de Termina n’est pas tel qu’il apparaît au premier regard. Il y a donc d’autres « couches ». De là à les appeler le moi et le surmoi…

Entracte : Link, l'homme orchestre
Un des avantages les plus chics des trois masques majeurs (Deku, Goron et Zora), est leur association avec des instruments musicaux différents. Fini l'exclusivité de l'Ocarina, selon les masques portés, Link jouera des tambours, de la trompette… Les notes à exécuter sont les mêmes quelque soit l'instrument, mais en fonction des contextes et des nécessités, il faudra jouer tantôt un coup de trompette, tantôt un coup de tambour. Déjà petit bonhomme à tout faire, Link est devenu un véritable homme orchestre. Et le joueur est, encore une fois, le chef d'orchestre.

La 3D made in Nintendo…

PART I : parfait dès le début

Comme tous les concepteurs confrontés aux problèmes de la 3D le savent, Ocarina of Time a complété la maîtrise d’un gameplay en 3D commencée avec Mario 64. Pensée par Miyamoto pendant longtemps, la résolution ludique des problèmes liés à la 3D : fée pour guider et orienter les recherches, système de verrouillage convivial sur les cibles et les interlocuteurs, appréciation des distances d’un ennemi hors cadre grâce à la régulation du son et des musiques d’alertes…, se retrouve en l’état dans Majora’s Mask. Il n’y a aucune raison de s’en plaindre, le réglage était et reste minutieux. Mais Nintendo en veut plus…

PART II : toujours plus loin

Pour aller plus loin dans cette conquête du monde virtuel en volume, ce nouveau Zelda offre donc des aptitudes inédites au héros. Cela génère aussitôt des ajustements si complexes à réaliser que c’est à croire que les concepteurs de chez Nintendo s’amusent à se donner des défis techniques rien que pour le plaisir et la fierté de les résoudre ! Imaginer que le masque Deku permette à Link de sauter très haut et de planer avec une précision quasi chirurgicale est sûrement plus facile à penser qu’à concrétiser. Et pourtant, le contrôle du petit Link suspendu dans les airs par deux fleurs-hélices est un discret mais convaincant exemple de dérive maîtrisée. Imaginer que le masque de Goron permette à Link de se mettre en boule et de faire la roue est une chose, transformer cette aptitude bonhomme en exercice périlleux de force brute, tout juste maîtrisable et capable de se lancer à toute vitesse sur des parcours accidentés, est encore à porter au crédit d’un savoir faire invraisemblable chez Nintendo. Car ce qui fait parfois l’ensemble d’un jeu pour un studio de développement, n’est qu’un des éléments anecdotiques de Majora’s Mask.

PART III : la technique au service de l’intuitif

Toutes ces altérations de la matière virtuelle, et des conséquences physiques répercutées sur le contrôle par le joueur, demandent une effroyable rigueur technique du côté réalisation. C’est d’autant plus étonnant que le résultat au bout des doigts n’est jamais « technique ». Le contrôle par le joueur est quasi total et naturel, en même temps il reste assez d’aléatoires dans les forces en action pour ne pas avoir l’impression de guider un corps trop bien réglé. La somme des réglages techniques n’explique pas, au fond, la synthèse intuitive du résultat interactif. C’est, en un mot bien placé chez Zelda, magique.

Entracte : pas si beau
Majora's Mask nécessite obligatoirement la présence de l'Expansion Pak dans la Nintendo 64 pour fonctionner (+ 4 Mo de RAM). Le jeu est donc plus ambitieux graphiquement, mais, curieusement, les défauts d'affichage se voient d'avantage que dans Ocarina of Time. Trop gourmand, les décors scintillent souvent quand la caméra s'obstine à montrer des vues d'ensemble. Même avec des textures plus détaillées et plus nombreuses, le monde de Termina apparaît moins fini que celui d'Hyrule. Il est vrai que la présence de la Dreamcast depuis deux ans sur le marché (elle est sortie en même temps que Ocarina of Time au Japon fin 98), a forcément augmenté notre seuil d'exigence.

Dialogues de sourds…

PART I : ils s’entendent bien

Qui a remarqué que malgré les dizaines d’heures de dialogues entre Link et les habitants d’Hyrule et de Termina, le petit lutin vert ne s’exprime jamais lui-même ? Les dialogues écrits font parler chaque interlocuteur, mais jamais Link. Celui-ci n’exprime jamais une pensée ou une phrase directement. N’est-ce pas étonnant ? Quelle en est la raison et comment se fait-il que les conversations semblent quand même naturelles ? La méthode employée par Nintendo consiste à faire dire des monologues à un personnage comme si celui-ci entendait les répliques de Link. Si l’interlocuteur pose une question, le joueur opte pour un oui ou un non proposé et l’interlocuteur reformule éventuellement ce que Link devrait dire. Sinon, les personnages importants s’adonnent à de longs monologues où sont reformulés ici et là ce que Link dirait sûrement. Cela rend-il le jeune héros passif pour autant ? Non.

PART II : un héros muet garde la tête haute

C’est étrange, quand on prend conscience de ce phénomène, et la première explication qui vient à l’esprit (en attendant de demander à Miyamoto directement) est que Link EST le joueur. Lui attribuer des phrases de dialogues comme le font tous les RPG serait prendre le risque de repousser le processus d’identification entre le joueur et le héros. Combien de fois avons nous entendu un héros bien valeureux dire tout à coup une phrase ridicule, maladroite, mal écrite ou tout simplement banale ? Qui ne renie pas alors son personnage ne serait-ce qu’un bref instant ? Muet, Link ne dit jamais de mots bêtes et le joueur qui doit le conduire à travers une longue aventure n’a jamais honte de son héros. Combien d’autres choix « subliminaux » recèlent donc un Zelda ?

Entracte : la question à 72 balles

Comment les concepteurs ont-ils réussi à coordonner les distances d'un point à l'autre de la carte, la profondeur des donjons, la résistance des Boss, pour que chaque section du jeu soit faisable dans les 72 heures imparties ? Un donjon est, par exemple, rarement franchissable la première fois : le temps d'y arriver entame trop sérieusement le crédit d'heures pour espérer le traverser au premier essai. C'est ainsi qu'une fois la procédure d'accès à un donjon connue, il est préférable de revenir au premier jour avant de se lancer. Quand on décide de partir à l'assaut d'un temple après les repérages indispensables, il faut savoir que les 72 heures représentent à peu de chose près le temps nécessaire pour le franchir et vaincre le Boss. Trop d'hésitations dans le donjon ? ...la fin du monde surgira au moment de rencontrer le Boss. Un petit détour champêtre avant d'accéder au Temple ? ...la Lune réduira en bouillie le donjon pas encore franchi. Reposons la question : en tenant compte de tous les paramètres de distances, des obstacles, des dialogues et des énigmes, tout en gardant la cohérence du scénario, comment les concepteurs ont-ils réussi à caler systématiquement sur 72 heures toutes les épreuves du jeu ?

Un jeu cerveau…

PART I : la mémoire des mondes

Depuis l’avènement des jeux en 3D, jeu d’aventure à la Tomb Raider ou jeu de tir à la Quake, notre cerveau a appris à mémoriser des espaces virtuels. Comme autant d’endroits visités pour de vrai, nous avons tous dans la tête des cartes de mondes en volume qui n’existent pas physiquement. Au fond notre cerveau ne traite pas différemment un vrai monde d’un faux. Il accepte même les pire élucubrations architecturales des concepteurs. Le cerveau finit par s’adapter à des perspectives détournant complètement les repères réels pour les recréer sans contrainte dans l’irréel.
 Imaginez le nombre de plans de mondes immatériels mais, en volume, que votre cerveau a emmagasiné ces 5 dernières années. Et bien, après avoir créé des donjons parmi les plus malins de la 3D pour Ocarina of Time, Nintendo repousse notre faculté d’appréhension, devenue presque ordinaire, en cherchant une nouvelle dimension. Peut-être la 4e dimension du jeu vidéo : le Temps.

PART II : la mémoire du Temps

À l’état embryonnaire dans Ocarina of Time parce que binaire, (passé et présent, deux époques interchangeables, deux manières « seulement » d’aborder les périples et rencontres), le principe du voyage dans le Temps et du recommencement perpétuel des évènements de Majora’s Mask atteint un niveau de sophistication tel que l’abstraction n’est pas loin. Un jeu pour les enfants ? Quelle mystification ! Voilà plutôt un jeu à thèse, un objet d’observation pour les classes de philo (voir Focus : Réflexions sur Majora’s Mask).
Le plus étrange quand on pratique avec incrédulité les complexités de ce monde en perpétuel recommencement, est d’imaginer l’incroyable travail que représente la fabrication d’un tel imbroglio. D’autant que Nintendo n’est pas une société à libérer un jeu sans qu’il soit fignoler parfaitement. On se demande aussitôt comment il est possible de beta tester un tel matériau. Encore une fois, Majora’s Mask est le jeu le plus cérébral jamais vu depuis Myst et Riven. Puisque les joueurs savent dorénavant s’orienter dans la 3D virtuelle, Miyamoto et ses congénères nous obligent cette fois à conceptualiser le Temps.

PART III : à la recherche de l’Espace-Temps

Comme d’habitude, les jeux de Miyamoto nous donnent à apprendre et à pratiquer de nouvelles aptitudes : physiques avec les trois masques qui donnent de nouveaux pouvoirs à Link, mais aussi et surtout, intellectuelles. L’obligation de fusionner l’espace 3D observable avec le Temps impalpable sollicite des aires du cerveau jusque là laissées au repos dans les jeux vidéo. Pratiquer Majora’s Mask fait naître une nouvelle antenne au joueur. Les rencontres, les évènements ont lieu à des moments précis, dans des endroits fixes, repérables. Après les errements du début, le joueur doit s’organiser, un agenda lui est d’ailleurs fourni…
 À terme, le joueur aura mémorisé toute la géographie du monde mais aussi tous ses habitants. Un processus habituel. Cette fois cependant, il faut mémoriser – conceptualiser – ce monde sur trois jours et trois nuits. Il faudra avoir retenu tous les mouvements cycliques de population, mais aussi leur altération en cas d’intervention du joueur. Et comme les destins de nombreux personnages sont intimement liés entre eux et forment une chaîne d’événements, cet exercice de mémorisation doit englober toutes les variations d’un ensemble très difficile à délimiter. Et, à chaque altération d’un élément tout est à réévaluer…

Triforce abandonnée, trois jours prisonnier ou Trinité à retrouver ? 
72 heures, soit un peu plus d’une heure de monde réel vécu, pendant lesquelles un mini univers fait son tour. Héros finalement traditionnel, Link est donc un apprenti Dieu lâché sur un monde qu’il devra appréhender dans sa globalité pour le sauver. Le problème est qu’il est contrôlé par un joueur humain qui devra faire l’effort de voir le monde comme un Dieu. Ce n’est peut-être pas donné à tout le monde.

Entracte : Bliss et Link sur le même rythme ?

N'est-ce pas ironique que nous ayons accompagné la sortie de Ocarina of Time en 1998 par un compte à rebours quotidien sur Overgame pour se retrouver à subir un compte à rebours inexorable dans Majora's Mask  ? Sans vouloir à tout prix s'approprier ce qui n'est, prions les dieux, qu'un accident, ce n'est pas le dernier des paradoxes de Majora's Mask.

Épilogue…

La fin des Temps

On peut sans doute regretter le sentiment accentué d’immatérialité du fait que cette nouvelle aventure ne se passe pas sur Hyrule à la rescousse de la princesse Zelda. Aussi ridicule que cela puisse paraître pour les yeux étrangers, il manque à cette aventure le côté épique d’une histoire qui intervient « pour de vrai » sur le destin de personnages avec lesquels nous entretenons un lien affectif. Majora’s Mask est visiblement un cauchemar de Link. Cette histoire ne compte donc pas.

Bas les masques

Majora’s Mask est un jeu masqué. Déguisé pour plaire à tous, c’est un monument de complexité dissimulée. Comme cet article, il laissera probablement perplexe les gens de passage et ne plaira pas à tout le monde. Cette nouvelle œuvre de Nintendo prend plus de risques que jamais dans sa conception, c’est sans doute pour cela que le jeu donne moins de plaisir à pratiquer que le précédent. Quelque soit le degré d’appréciation ou de rejet de chacun, une chose est certaine, ce nouveau Zelda est une fois de plus un jeu intemporel, pour ne pas dire : « hors du Temps », un OVNI qui laissera des traces dans son sillage.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 17 novembre 2000 sur Overgame)

Note générale : ? / 10
Côté plus :
  • La maniabilité
  • La variété des rouages de jeu
  • L’original concept temporel
  • Univers complexe et unique
  • Le retour du thème musical de Zelda
Côté moins :
  • La répétition obligatoire des situations
  • Les graphismes déjà dépassés
  • La sauvegarde unique
  • Le lourd concept temporel
  • Où sont Hyrule et Zelda ?


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Blue Stinger : l’easy gaming du survival horror

Voilà un jeu d’aventure axé action et exploration dans un univers tout en 3D jamais vu encore sur console. Et pourtant, à cause d’une caméra un peu trop dynamique, et du souvenir sanglant des Resident Evil, Blue Stinger se fait bouder…

Autant influencées par le cinéma Hollywoodien que par Resident Evil, les aventures d’Eliot et ses fringues à la Gainsbourg (jean et tee-shirt bleus) sont également très proches de celles du grand frère Conrad de Flashback et Fade to Black. Des grands frères dont, hélas, l’ombre intimidante empêche d’apprécier les qualités intrinsèques de Blue Stinger. C’était avant qu’Overgame vous en parle .

Blue Stinger se déroule sur l’île des origines, celle qui a reçu de plein fouet LA météorite géante qui a éradiqué les dinosaures de la planète terre il y a  65 millions d’années. An 2000, une nouvelle comète revient s’écraser sur la même île décidément aimantée. Problème, entre-temps les humains sont apparus sur le globe et ont transformé l’île en laboratoire expérimental à la recherche des traces des dinos. La nouvelle météorite s’écrase, éventre l’île et le cauchemar souterrain est tout à coup révélé. Membre des ESER (sauvetage en mer) croisant par hasard à proximité, Eliot est happé par l’événement…

Blue Stinger n’est-il pas un des meilleurs héritiers de Out of This World, Flashback et Fade To Black ?

Puisqu’il faut inévitablement comparer, en terme d’aventure, de progression et de retournements de situation, Blue Stinger n’est ni plus ni moins sophistiqué que ne l’était Resident Evil 2, lui-même bien trop direct. Il s’agit bien sûr un peu bêtement de trouver la bonne carte magnétique de la bonne porte, mais le joueur ne se sent jamais insulté par une facilité trop flagrante. Trouver l’exacte chronologie des petits évènements demande une bonne dose de patience et de retour en arrière.

Ce n’est pas un jeu d’arcade au sens frénétique, n’empêche, il faut être constamment en mouvement…

Le jeu repose beaucoup sur l’exploration. La découverte progressive des lieux et des trouvailles visuelles des décors et des monstruosités est le meilleur stimulant de cette aventure. La nouvelle liberté offerte aux graphistes grâce à la puissance de la Dreamcast, et les délires visuels qu’ils peuvent enfin exprimer (attention cela est malgré tout bien maîtrisé à la japonaise) en dit long sur les confinements créatifs des précédentes générations de consoles. La multiplication des néons bariolés aux alentours du supermarché, des affiches, posters, pubs, photos même, qui décorent sols, murs, et plafonds sont invraisemblables. Et les gars de Climax Graphics se sont permis quelques audaces qui rappellent que nous ne sommes vraiment pas dans le sérail Nintendo. Si vous voyez un buste de femme au décolleté prononcé, ou une pub de boisson gazeuse vantée par une silhouette en guêpière de cuir, vous n’aurez pas la berlue. Confirmation de l’angle coquin, une salle explicitement interdite aux moins de 21 ans, ressemble furieusement à une arrière salle de sex-shop avec chairs exposées derrière des vitres brisées et rayonnages de magazines érotiques. Gros hic quand même concernant cette salle en particulier, il y a du sang étalé partout sur les vitrines explosées et le carrelage. Ça remet la température à zéro.

Les textures sur les volumes commencent à atteindre des qualités jusqu’ici réservées aux aplats en 2D. Il y a toujours une image à découvrir au tournant. Littéralement.

Plus loin dans le jeu, au premier étage d’un immeuble cossu, agencé un peu trop comme le hall du commissariat de Resident Evil 2 d’ailleurs, quelques pièces méritent d’être visitées. Encore et toujours pour ramasser des cartes magnétiques mais aussi pour observer des détails visuels curieux. Ainsi, sur le plafond d’une chambre, un visage de femme aux longs cheveux de jais et aux yeux clos s’offre au regard par un coup de caméra en contre-plongée. Portrait omniprésent plus glacé que glamour, qui laisse un effet étrange car non seulement peint au plafond mais en plus présenté à l’envers. De fait, ce portrait retourné, cache dans son ton blafard et ses cascades de cheveux un autre visage. Un observateur attentif distinguera un visage qui rappelle étrangement celui de Nosferatu du film de Murnau en 1922 (petit crane chauve, nez crochu et regard par en dessous) ou celui du Fantôme de l’Opéra (version film opéra-rock de Brian De Palma, Phantom of The Paradise en 1974, dont le personnage maudit a le visage à moitié écrasé par une presse à disque vinyle…). Un indice parmi d’autres de l’énergie fournie par les graphistes de Climax qui ont pris le temps de camoufler l’étrange dans la beauté…

À force de pousser le réalisme des armements et des comportements, même dans un univers absurde peuplé de zombies comme R .E., on finit par oublier le simple plaisir de rentrer dans le tas à coups de barre à mine. Blue Stinger vient rappeler ce plaisir direct de l’arcade.

Chaque arme, et il en y en a, donne une attitude corporelle complète au personnage. Une fois pardonné la ridicule disponibilité permanente d’un arsenal sans que le héros n’ait aucun sac de transport, le plaisir d’utiliser tous les calibres peut alors se vivre sans remords. L’utilisation du bazooka, par exemple, montre Eliot fléchir sous le poids de l’engin, engager une première charge, porter le gros tube à l’épaule en fléchissant encore un peu plus les jambes sous le poids, et enfin tirer. Les effets pyrotechniques sont extrêmement lumineux et généreux, avec des procédés d’éclaboussures qui vont de la simple déflagration aux explosions brûlantes et fumantes. Intelligemment, le volume des effets sonores reste modéré et ne couvre pas la musique qui se veut vraiment omniprésente. Mais le vrai plaisir est sans doute celui d’utiliser les armes blanches de frappe qui obligent à rentrer en contact avec les monstruosités sur deux pattes et à quatre bras…

Certains regretteront sûrement la liberté de ton dans une aventure à suspense, d’autres devraient y voir un certain humour.

Au registre des absurdités qui s’excusent aussi très vite, le principe des pièces de monnaies (chaque piécette à terre vaut 10$) qui s’échappent des monstres abattus devient vite une « drogue ». S’il est tout à fait possible de contourner les mutants mi-homme mi-monstruosité non aboutis sur le parcours et même dans les couloirs étroits, votre pécule n’augmente pas. Et comme les armes, la nourriture et les sodas salvateurs s’achètent monnaie trébuchante, la relation de cause à effet trouve vite sa conclusion. Avouons également que les pluies de pièces au son de clochettes et aux petits effets graphiques qui accompagnent leur récolte ont un côté magique certes désuet et presque déplacé, mais aussi grisant et léger. C’est toute la qualité de ce soft de vouloir marier le sang et l’horreur réclamé à corps et à cris par tant de joueurs avides, avec des effets féeriques et cartoonesques. D’ailleurs quand sang il y a, les giclées sont tellement exagérées qu’il faut forcément y voir de la parodie.

Ce n’est pas de l’horreur ou de l’angoisse mais du suspense. Grosse nuance.

Affronter les horreurs en mutation offertes en pâtures par l’imagination des créateurs ne provoque aucune sensation d’angoisse dans Blue Stinger. Les pas dans les couloirs et les mauvaises surprises derrière les portes sont au service du suspense et non de la terreur. Moins traumatisant que Resident Evil (toujours lui) ou Silent Hill, il devient alors plus facile de jouer et met cette aventure à la portée d’un plus grand nombre de joueurs. La cohabitation des deux héros, par exemple, qu’il est possible d’alterner même en pleine bagarre, évite le sentiment d’isolement face aux monstres. Les deux héros en symbiose ont chacun leurs aptitudes au combat à mains nues, ils ne sont donc jamais tout à fait vulnérables. Le barbu Dogs achète par exemple des tee-shirts de plus en plus évolués qui améliorent progressivement ses coups de karaté. A peine utile mais,…drôle. Ainsi, même en allant au charbon contre des ennemis de la taille de camions, voire de maisons, le joueur ne perd jamais confiance en lui.

Les déjà célèbres mouvements affolants de la caméra

Reconnaissons-le du bout des lèvres, les mouvements brusques, autonomes, et contradictoires de la caméra de la version japonaise étaient parfois, oui, ingrats. Pourtant, presque jamais ils ne nuisaient fondamentalement à la jouabilité, ils en faisaient partie. Quelles que soient ses qualités, un jeu vidéo conduit le joueur à gérer une série de contraintes. Ces contraintes sont quelquefois carrément le gameplay lui-même, parfois il s’agit d’une variante qui ajoute du piment sans forcément être indispensable. Ici dans Blue Stinger, la caméra qui empêchait de temps en temps de faire faire une trajectoire rectiligne au personnage est du poivre rajouté sur un gameplay autrement tout à fait fiable.

Avec cette caméra japonaise incontrôlable il a fallu apprendre à positionner son personnage là où il le fallait pour que la caméra cadre le champ d’observation désiré. C’était moins direct disons que Mario, Tomb Raider ou Zelda, mais le jeu était voulu comme ça. Toute la narration dramatique proche du cinéma avec grands mouvements de caméra et alternance de plans d’ensemble et de gros plans était un choix volontaire de conception. Un choix confirmé lors d’une phase finale d’épreuves où il faut franchir des poutres étroites au-dessus du vide alors que la caméra passe son temps à faire des travellings avant-arrière et circulaires. Un peu pénible mais, encore une fois, c’était le gameplay recherché par les japonais de Climax. Tous les balayages « sauvages » de l’écran ne faisaient que souligner la fluidité, la cohérence et la solidité de l’univers virtuel proposé. Et comme jamais, au grand jamais, les mouvements de caméra ne subissaient de bugs à la Sonic Adventure version japonaise (amélioré depuis) cette caméra n’aurait pas dû être considérée comme un échec.

Caméra brisée, le plus grand nombre a gagné. Climax s’est incliné et perd au passage le point fort du style de son jeu aventure.

Malgré ses qualités, les maladresses occasionnelles de la caméra ont conduit Activision, qui a récupéré le titre, a écouté les plaintes émises ici et là. Et voilà comment une caméra inhabituelle, sans doute excessivement dynamique mais voulue par les artistes de Climax se retrouve littéralement amputée pour ne pas effaroucher l’Occident. C’est ce qu’on appelle un nivellement par le plus grand nombre… Totalement inhibée, la caméra souffre dorénavant du syndrome Lara Croft : caméra systématiquement placée derrière et docile. Pire, elle se place directement au-dessus de la touffe (pouffe pouffe de rire) de cheveux d’Eliot à l’entrée de chaque pièce pour être bien sûr de montrer l’horizon devant lui, alors qu’auparavant, une grande partie du suspense dépendait d’une vue volontairement limitée ou en contrechamps… L’ambiance en prend un coup. Imaginez les caméras fixes des Resident Evil placées aux meilleurs angles dramatiques tout à coup réduites à une simple fonction illustrative, offrant la même vue horizontale… Que resterait-t-il de la manière de raconter l’histoire interactive ? Pas grand chose et Blue Stinger perd très nettement de sa singularité dans ce choix (le meilleur parallèle serait celui avec les films en cinémascope honteusement recadrés pour la TV – procédé du PAN & SCAN). Mais enfin, cette histoire de caméra excessive qui aurait sans doute gagnée a être un peu retravaillée, méritait-elle une amputation aussi radicale ? Pourquoi le menu d’options ne propose-t-il pas tout simplement le choix entre la version caméra originale et celle modifiée ? Dommage.

À moi la caméra !

Heureusement, parmi les nouvelles modifications, celle de pouvoir contrôler la caméra pour observer les décors, curieusement omise dans la version originale, est un excellent ajout. Le jeu n’étant pas prévu au départ pour la fonction, cette caméra subjective n’apporte aucun nouvel avantage au gameplay, pas de secret ou de surprise supplémentaire grâce à elle. Ceci précisé, c’est une liberté supplémentaire de contrôle qu’il est bon d’avoir dans tout univers en 3D totale. Et cela permet de mesurer plus tranquillement les qualités indéniables du rendu en volume des bunkers, centres commerciaux, labos sous-terrains ou jungle sous serre…

Série B, certes, mais que de Oh et de AH ! !

En faisant référence à toute une sous-culture de séries B, Blue Stinger entraîne le joueur dans des territoires inexplorés. Plus humoristique que macabre, ce sera le seul jeu où vous verrez deux valeureux héros faire un break en cours d’aventure pour prendre un bain, ce sera le seul jeu qui n’hésitera pas à défigurer littéralement son héros jeune premier, et c’est le seul jeu qui donne l’occasion d’éliminer des monstres avec une batte de base-ball, un bâton électrifié ou ultime arme blanche, l’épée laser de Luke Skywalker (avec le vibreur dans la manette, c’est…mmmm).



Même avec une forte dose d’exploration et de recherches, l’action directe et franche de Blue Stinger est au fond plus proche d’un beat’em all d’arcade que d’un Resident Evil. Il faut donc cesser très vite de le comparer au maître des zombies pour regarder ce qui lui appartient en propre : un super jeu d’action à la réalisation inédite sur console.

 Climax a donc créé là une aventure très mixte qui va du délire japonais au fignolage graphique à la française en passant par une ambition hypertrophiée à l’américaine. 
Un jeu qui jusqu’ici ne semble pas trouver les faveurs de tout le monde mais que nous sommes prêts à défendre haut et fort.

Note : 8/10

Plus

  • Le meilleur sabre laser inspiré de Star Wars, peut-être le vrai d’ailleurs


  • Style graphique coloré et lumineux tout en 3D 

  • Ambiance gros ciné US 

  • Aucun défaut d’affichage, et chargement rapide


Moins

  • Caméra devenue basique et rigide en PAL 


  • Dialogues anglais de série B mal synchronisés
  • 

Raideur des déplacements d’Eliot 

Tassement de l’image en PAL

Editeur : Activision
Développeur : Crazy Games
Distributeur : Infogrames
Plateforme : Dreamcast
Genre : Aventure

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 1999 sur Overgame)

 


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Outcast : Premières impressions

Une version jouable sur PC d’Outcast vient d’arriver chez Overgame. lI était temps ! Après plus de trois années de production, d’innombrables annonces et présentations de qualité plus ou moins égales dans les salons, c’est le genre de projet ambitieux si long à accoucher qu’il devient très lourd à accueillir. Pourtant au début du projet il ne suscitait qu’envie légitime.

Note : Par curiosité nous avons lancé la version contenant les dialogues en anglais. Des voix d'acteurs plutôt justes qui sont de méme qualité en français gráce à la participation de doubleurs professionnels (dont la voix française de Bruce Willis pour le héros).

Générique !

Fortement influencé cinéma, le générique qui met le président d’Infogrames en première place à la manière des grosses productions ciné US (« B.B presents »), fait dérouler le nom des nombreux auteurs tandis que la caméra survole un paysage enneigé. Et la première chose qui frappe est évidemment la musique colossale. Impression confirmée par le générique qui crédite L’Orchestre Symphonique et les Chœurs de Moscou. Ces chœurs majestueux donnent à l’écran une amplitude que l’image 320 par 240 affichée automatiquement par un PI 233 MHZ ne relaie pas tout à fait. Car la technique des voxels employée par l’équipe de développement (Appeal) ne faisant pas appel à la carte graphique, tout le travail est fourni par le processeur. Un résultat qui sera inégal en fonction des configurations de chacun. Sur notre PlI 23 l’affichage est très fluide mais tous les contours sont en escaliers, quand ce ne sont pas carrément des pixels qui s’affichent en lieu et place de jolies textures lissées. Le décor montagneux a aussi la fâcheuse tendance de se dessiner à courte distance. Et l’image en cinémascope n’occupe qu’un tiers de la surface disponible de l’écran ! Pour profiter pleinement de cette méga-production prévoyez d’emblée un gros PC.

Moteur !

Dès les premiers dialogues écoulés entre le héros qui se réveille en territoire étranger et l’autochtone de la race des Talan, la fluidité du moteur se fait agréablement ressentir. Mélange audacieux de contrôle à la sauce console malgré son arrivée sur PC, le personnage Cutter Slade, bizarrement surnommé Ulukaï par le Talan Ranzaar, se déplace sans aucun problème. Avant de partir à la recherche des Mons cachés par les Shamaz dans les 6 mondes de la planète Adelpha, Cutter doit passer quelques tests auprès d’un certain Yan. C’est là que le joueur apprend les commandes claviers et souris qui permettent à Slade, pardon: Ulukaï, de sauter, ramper, nager et, n’oublions surtout pas, de tirer.
À défaut d’un joystick toujours possible, le héros humain se déplace avec le clavier numérique pendant que la souris permet tout à fait naturellement de pivoter sur son axe. La souris autorise également une très légère inclinaison de la caméra placée dans le dos de Slade de façon à regarder en contrebas ou au-dessus de l’horizon. Mais pour vraiment regarder à ses pieds ou au plafond il suffit de placer la caméra en vue subjective. On découvre ainsi qu’il y a quatre positions de caméra possibles qui vont de la vue à la 3e personne jusqu’à la vue à la première personne de Quake. Dans les quatre cas le personnage continue de se déplacer à volonté. Respectant le rythme de déplacement modéré de la vue dans le dos il ne faut néanmoins pas imaginer que la vue subjective aille aussi vite que dans un shoot 3D. Petit détail, en maintenant les deux boutons de la souris simultanément le père Slade enchaine des coups de points gauche-droite. Ayant lâchement essayé sur un pacifique Talan, je vous confirme que cela fonctionne bien et que le pauvre Talan étourdi par mes coups n’en revenait pas…

Action !

En partant à l’exploration de ce premier environnement neigeux, les bruits de pas étouffés dans la neige poudreuse sont bien sympas à l’oreille. lI y a des détails comme ça. En visitant les quelques maisons au décor succinct, et en engageant le dialogue avec les Talan, il est amusant de voir les habitants rentrer et sortir des maisons, éventuellement se parler entre eux et avoir un comportement presque autonome. Le système de dialogue est confortable avec des sous-titre facultatifs qui peuvent défiler plus ou moins vite au moyen des flèches du clavier. Le système de sauvegarde s’intègre au scénario puisqu’il dépend d’une pierre jaune, la GAAMSAVV, qu’il faut aller chercher dans les items et serrer dans la main. Un halo lumineux vient alors faire la transition entre le monde d’Adelpha et les blocs de sauvegardes plus pragmatiques.

Entracte…

Essentiellement grâce à une partition musicale monumentale, le début d’Outcast, pourtant modeste, laisse présager une aventure importante. Le style graphique ensuite, le moteur très fluide et la caméra souple et rarement embarrassante mettent en confiance le joueur. Premières sensations très positives malgré nos réticences sur cette production annoncée avec trop de trompettes. Tant mieux. Nous en demandons que ça des bons jeux, après tout.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 21 juin 1999)

Benoît Sokal : interview en direct de l’Amerzone

Malgré une réussite commerciale durable avec son inspecteur Canardo, Benoît Sokal était un auteur-dessinateur de Bande Dessinée jusque là discret. Avec l’ambitieux jeu vidéo l’Amerzone il vient définitivement de s’arracher à la génération BD des années 80 dont il est issu.

En 1988 il abandonne pour la première fois son personnage populaire de canard à l’imperméable pour un album réaliste en collaboration avec Alain Populaire : « Sanguine ». Premier indice d’une recherche scénaristique qui ponctuera la parution des Canardo d’albums plus recherchés.
D’abord née d’une envie, puis devenue vraie production au sein d’un éditeur de livre (Casterman) peu habitué à ce type d’investissement, l’aventure interactive de l’Amerzone s’appuie sur quelques éléments de l’album de Canardo du même nom.
Surprenant de maîtrise technique et de qualité graphique l’Amerzone est ouvertement l’héritier direct de Myst et Riven. Un handicap pour les joueurs quotidiens, une qualité pour le grand public et les joueurs poètes.

Conversation avec Benoît Sokal…


Bliss : Alors comment se fait-il qu’une célébrité comme Moebius (L’incal et les Blueberry), connu pour son avant-gardisme en BD, n’ait pas fait un jeu vidéo alors que toi, Benoît Sokal, auteur de BD polars référentiels à scénarios à priori classiques, s’y sois mis ?

Benoît Sokal : J’ai 44 ans… Jean Giraud (Moebius) n’a pas suivi. Il a 10, 15 ans de plus que moi, ça fait beaucoup en informatique….

Bliss : Dessiner sur ordinateur ce n’est pas la même chose que le travail artisanal habituel de la Bande Dessinée… La planche ne t’a pas manqué ?

Benoît Sokal : Non, c’est amusant à faire, c’est aussi du dessin. J’ai fait beaucoup d’images de synthèse, de modélisation (dans le jeu je n’ai pas tout fait mais j’ai fait ma part…). J’ai beaucoup modélisé tout ce qui est organique, par exemple.

Bliss : Tu as au moins fait des croquis préparatoires au crayon, non ?

Benoît Sokal : Pas vraiment, quand c’est de l’image de synthèse ça m’est moins nécessaire. Bon, quand j’en parlais avec quelqu’un je faisais des croquis, mais j’étais assez avare… J’ai fait les story-boards sur papier.

Bliss : Ce sera publié ?

Benoît Sokal : Oui, … enfin disons qu’il y aura sans doute un bouquin Making Of qui sera édité vers la fin de l’année.

Bliss : Qui a participé aux graphismes alors ?

Benoît Sokal : Pour ce qui est de l’infographie, j’avais une équipe de 5 à 6 personnes autour de moi, et essentiellement pour de l’exé (cution). Ils ont fignolé les images, des petites retouches sur Photoshop… Au début, toutes les images ont été faites chez Casterman. ça a commencé modestement là, chez l’éditeur, avec 2 ou 3 personnes. Cette première équipe a ensuite migré vers Grid, la boîte qui s’est occupée des animations. lI y a eu des stagiaires et Gregory Duquesne qui, lui, était ingénieur a beaucoup programmé des plug-in (LightWave) pour obtenir des effets de brouillard, de lumières volumétriques (il travaille maintenant chez New Tech). Voilà comment ça a commencé. Ensuite chez Grid, ils ont un fait un boulot d’enfer. Les détails comme les oreilles qui bougent…

Bliss : D’autres gens ont participé ?

Benoît Sokal : Virtual Studio (qui est crédité) n’a rien fait en ce qui concerne l’image, rien fait dans le jeu, c’était une boîte qui était pourrie, en fin de parcours. lI n’y a qu’une seule personne de chez Virtual
Studio qui ait vraiment travaillé sur le jeu : Emmanuel Dexet qui a fait toute l’intégration, qui a bossé comme un dingue, mais c’est le seul. lI y a eu aussi une boite du nom de 4 X Technologies qui a fait le moteur et la programmation.

Bliss : C’est toi qui a fait toutes les textures ?

Benoît Sokal : J’en ai fait pas mal, oui. Je me suis dit : qu’est-ce que je peux apporter à la 3D, qui est spécifique, en tant que dessinateur ? Le petit plus ?

Bliss : Mais tu faisais toi-même, « manuellement » les infographies, ou tu faisais des propositions ?

Benoît Sokal : On n’avait pas les moyens d’avoir un directeur artistique qui ne fasse que ça (des prises de décisions), j’ai fait l’infographie au même titre que tout le monde. Parfois, au début, il n’y avait personne d’autre, on avait commencé à deux et c’était surtout moi qui modélisais. Nous avons ainsi fait une bonne partie du premier niveau. D’autres personnes sont quand même revenues dessus, on a eu du renfort, les gens se sont pris au jeu, et ça a été beaucoup mieux…

Bliss : Au fait, le budget de départ n’est pas du tout celui à l’arrivée, non ?

Benoît Sokal : Non, au départ c’était ridicule.

Bliss : On t’a donné des crédits au fur et à mesure ?

Benoît Sokal : Ah c’était une bagarre, il fallait toujours convaincre, convaincre… C’est un milieu où les gens sont habitués à payer 200 à 300 000 Frs maximum à l’avance pour un album de BD, et là ça a fini par coûter 3 millions. Ce n’est pas leur économie. Ils ont voulu s’y intéresser parce que, à un moment donné, tous les éditeurs papier voulaient faire du CD Rom (en 95-96), et ils se sont rendus compte que c’est un métier. Ça a eu un petit côté « garage » au début. On a essuyé des plâtres pendant ces 3 années de production. Ce n’était pas constant. Je pense que c’est un truc que l’on peut faire en deux ans. Maintenant les gens ont appris leur métier.

Bliss : Même si, fixé sur un axe, le joueur peut regarder tout autour de lui dans un décor qui semble en 3D, l’influence de Riven est évidente dès que l’on commence à jouer…

Benoît Sokal : Les frères Miller (co-créateurs de Myst et Riven) sont un exemple pour moi. Personnellement j’ai pas de problèmes dans la BD, ce qui m’intéresse c’est de prendre le CD Rom comme un moyen d’expression. J’ai déjà pris la BD comme un moyen d’expression…

Bliss : Même quand tu fais les albums de Canardo qui sont des exercices de genre polar tu as l’impression de t’exprimer ?

Benoît Sokal : Oui, mais il n’y a pas de message. Dans les bouquins on délivre des pensées, pas des messages. Je trouve ça génial. Mais on peut faire passer des choses. Dans Canardo j’y mets ce qui me passe par la tête. Si je ne peux pas le faire comme ça (dans ces conditions de liberté NDLR) ça ne m’intéresse pas.

Bliss : Pour une suite éventuelle de l’Amerzone tu n’intègrerais alors pas une grosse équipe avec beaucoup de graphistes …?

Benoît Sokal : Si ce sont des moyens utiles je peux le faire, mais je ne crois pas tellement à un projet avec 100 personnes. C’est ingérable. En tous les cas moi je ne suis pas capable de le gérer. Je ne suis pas un PDG.

Bliss : A part Myst-Riven tu joues à d’autres jeux vidéo ?

Benoît Sokal : Oui j’ai joué à Doom. Quand je suis « rentré » dans les jeux vidéo ça m’a fait comme quand je suis rentré dans la BD dans les années 80 : une espèce de jubilation, de folie, avec un côté très adolescent. Les jeux vidéo ont une pêche terrible que n’a plus la BD. Par contre ça n’a pas de maturité, pas de sens. Ala limite je suis trop vieux pour faire ça, pour faire du Duke Nukem ou du Lara Croft, je suis trop vieux dans ma tête. Ça ne m’intéresse plus vraiment. Chacun a son évolution, je suis plus intéressé de faire un truc proche du social. Ou alors je ferais un truc à la Canardo, avec vraiment de l’underground mauvais goût, j’irai jusqu’au bout, là ça pourrait être marrant.

Bliss : Tu sais que chez les hardcore gamers Myst ou Riven ne sont pas considérés comme des jeux..? A qui s’adresse vraiment un truc comme l’Amerzone ?

Benoît Sokal : Mais certains gamins ont vieilli, et de toutes façons c’est un produit grand public.

Bliss : Oui mais les gamers réguliers rejettent de tels softs… !

Benoît Sokal : Dans la BD c’était pareil, des gens qui avaient une sorte de collectionnite aigüe. J’ai parfois l’impression qu’on peut leur raconter n’importe quoi et que de toutes façons ça ne percute pas plus, ni moins. J’aime bien que les gens remarquent quand on fait autre chose, quelque chose de différent. J’ai rencontré des gens dans la BD
qui ne voulaient qu’une chose : c’est que la tranche de l’album soit toujours jaune pour faire une bonne collection. C’est un public, par exemple, qui parle des albums de François Schuiten (« La fièvre d’Urbicande », et récemment « L’ombre d’un homme » …) que je connais bien (ils ont fait la même école d’arts graphiques, voir plus loin. NDLR), comme des miens, comme des Canardo. Je croyais qu’il y avait une différence notable entre mes albums et les siens et que nous n’avions pas le même public… Mais finalement il y a tout un public qui avale ça de la même manière. lI y aura toujours des « malades » mais il y a aussi une autre frange de gens qui s’intéressent à autre chose, qui veulent un peu vieillir.

Bliss : Sauf que les jeux vidéo n’en sont pas encore vraiment là, ce n’est pas une démarche que l’on retrouve dans ce milieu…

Benoît Sokal : Ça va venir, ça va vieillir aussi, ou plutôt mûrir. S’ils ne deviennent pas un moyen d’expression, dans 10 ans il n’y a plus de jeux vidéo. Si quelqu’un de 15 ans joue à Lara Croft aujourd’hui, que voudra-t-il dans dix ans ? lI voudra sans doute revoir Lara Croft mais aussi qu’elle lui raconte une histoire d’amour, qu’elle pleure, qu’elle rit, ait vécu, comme lui. Sinon ça ne l’intéressera plus.
Le concept de jeu vidéo est lui-même mouvant : il y a le jeu purement ludique que les gosses jouent, et il y a le jeu un peu plus subtil entre quelqu’un qui crée un CD Rom et quelqu’un qui joue avec. L’auteur peut alors jouer avec le joueur. C’est là que ça devient intéressant : quand on joue avec le joueur. Le joueur sait qu’on joue avec lui et il accepte. Ça, ce n’est pas encore exploité.

Bliss : L’Amerzone a reçu le prix Pixel Ina dans la catégorie jeux…Tu as reçu des prix en tant qu’auteur de Bande Dessinée ?

Benoît Sokal : Angoulême m’a donné un prix, et encore, de manière collective il y a 20 ans (en 1978) : un prix « Espoir » pour un bouquin fait en collectif avec les élèves de l’école St Luc qui s’appelait Le 9e Rêve. J’ai reçu des prix à droite à gauche mais pas à Angoulême. Celui d’Imagina m’a fait vraiment plaisir parce que ça été une telle galère (pour finaliser l’Amerzone) que j’étais content, en particulier pour tous les gens qui ont participé. Mais en fait depuis que le jeu est fini c’est comme quand une cabane est construite et terminée…

Bliss : Le scénario permet-il une suite ?

Benoît Sokal : Disons qu’un nouveau scénario est en train de se créer…

Bliss : Alors ça veut dire qu’il n’y aura pas de patch sur l’Amerzone ?

Benoît Sokal : Patch ? Non je ne crois pas. Moi j’ai envie de passer à autre chose. Là ça fait à peu près 6 mois que l’Amerzone est fini. C’est comme en BD, j’ai du mal à en parler parce que je suis déjà sur le prochain.

Bliss : Justement, tu vas continuer la BD ?

Benoît Sokal : Il y a un album qui sort bientôt, en octobre.

Bliss : Et dans l’Amerzone, tu as fait des clins d’œil à ton univers BD, histoire de faire plaisir aux lecteurs de BD qui t’auraient suivi dans cette aventure ?

Benoît Sokal : Très très peu, une petite boite de bière qui traîne peut-être… C’est quand même deux mondes très différents. J’étais à Angoulême il y a quelques semaines et quand j’ai voulu montrer des images de l’Amerzone à des enfants lecteurs, j’ai bien vu qu’ils étaient moyennement concernés, ils voulaient une dédicace de mes albums BD.

Bliss : A une époque les dessinateurs de BD se vantaient de pouvoir faire le Spartacus de Stanley Kubrick pour le prix d’un pinceau et d’une feuille de papier. Ce n’est plus tout a fait la même chose avec le dessin généré par ordinateur, il faut être plusieurs, des équipes…

Benoît Sokal : Avec l’image de synthèse tu peux recréer tous tes délires avec un impact que la Bande Dessinée n’a pas. C’est cette espèce d’extra-vraisemblance des choses qui est intéressante. C’est vrai que tu n’es plus seul comme dans la BD pour faire ton Cecil B. DeMille sur ta page, mais tu donnes à ton monde une vraisemblance terrible . Tu fais croire à des choses incroyables. »

Propos recueillis en février 1999. Remerciements à Benoit Sokal, Microïds.

François Bliss de la Boissière

(Publié sur Overgame le 2 avril 1999)

Photo Benoît Sokal © Casterman

Benoît Sokal – interview en direct de L’Amerzone sur Overgame

Zelda : Ocarina of Time : À l’épreuve du temps

Préambule relecture 2011

Dans le registre si les éditeurs ont le droit de rééditer leurs jeux, les critiques ont aussi celui de republier leur opinion d’alors. À la belle occasion de la ressortie d’Ocarina of Time en relief sur 3DS, voici, repêché dans les toutes premières archives d’un site qui s’appelait alors Overgame, la critique d’un certain Zelda Ocarina of Time sur Nintendo 64 dont l’événement, il faut se resituer, concernait essentiellement ce que l’on qualifiait alors péjorativement de : « fans Nintendo ». C’est dans ce contexte d’ignorances et de primes jeunesses (mais ailleurs, du côté de la Grande-Bretagne et du sérieux magazine Edge, la mesure d’OoT fut bien prise) qu’il a fallut lutter un peu pour faire admettre que l’innovation créative, la valeur générale du jeu et même sa pérennité aujourd’hui confirmée, valait un 10/10 et une éloge sans réserve. Revoici, presque en l’état, la tentative de cri d’amour en destination d’un des jeux les plus importants jamais conçus. Les mots candides étaient et restent trop cours mais le constat général, comme les détails techniques, restent valables. Le titre de l’article d’alors le pressentait, l’Histoire le confirme : toujours vivante et vibrante aujourd’hui, l’œuvre d’hier s’inscrit bien dans la durée.

 

Zelda : The Ocarina of Time : à l’épreuve du temps

Le jeu de l’année pour les plus modestes, celui de la décennie pour d’autres, plus audacieux. Le jeu du siècle, enfin, pour les trop enthousiastes qui ignorent obstinément que les jeux vidéo n’ont pas encore 20 ans. Zelda rentre déjà dans la légende à coups de superlatifs. Vouloir à tout prix donner une importance à Zelda sur une échelle de temps tombe bien finalement. Car Zelda: the Ocarina of Time EST une affaire de temps. Sans même revenir sur son extravagante durée de gestation qui fait dire à son auteur Shigeru Miyamoto que « trois années pour faire un jeu est un délai beaucoup trop long… Dorénavant je voudrais que mes projets se fassent en six mois », il faut retenir que le scénario lui-même repose sur le Temps.

Trois années de création, sans doute trois ans d’attente pour les plus fidèles mais aussi trois années de cynisme et de persiflage des sceptiques. Le héros du jeu, quant à lui, battra ce record de patience puisque, après 20 heures de jeu, Link devra dormir sept ans avant d’accomplir la suite de son destin. Tout le scénario est axé sur ce clivage qui une fois énoncé peut paraître simple mais révèle une ingéniosité exemplaire.

Loin d’être un luxe, ces voyages dans le temps permettent en réalité de doubler la surface du jeu. Imaginez que vous visitez un monde complet avec ses villages, ses plaines et montagnes, et évidemment son château, et qu’après avoir zappé dans le futur tout est là mais différent. Surtout que pendant votre sommeil le vilain de l’affaire a méchamment mis à sac le paysage bucolique. Alors c’est reparti, vous refaites le tour du monde à la recherche d’items indispensables ou de donjons maléfiques. Le Zelda mythique sur SuperNintendo avait inventé ce procédé avec un petit Link qui basculait du monde de la lumière au monde des ténèbres. Cette fois là tous les donjons accomplis dans un monde se retrouvaient dans l’autre, en pire. The Ocarina of Time trouve un équilibre beaucoup plus subtil. Chaque époque a ses donjons. Trouver le lieu, l’époque et l’équipement adapté font partie intégrante du jeu.

C’est finalement une des choses les plus étonnantes de cette cartouche. Alors que le scénario, sans doute désuet, peut faire l’objet d’une grande attention pour son souci du détail, il conduit avant tout à des aires de jeux incroyablement évoluées.

Peu importe le scénario. Même si le jeu entraîne le personnage dans de nombreuses scènes en temps réel qui font avancer l’histoire et qui peuvent éventuellement lasser les plus impatients, la récompense du joueur est ailleurs. Car après les ruisseaux, les papillons et la pêche à la ligne, de vrais et sombres donjons vous attendent. C’est ici que l’inventivité des équipes de Nintendo peut faire rougir la concurrence : cette capacité à concevoir des niveaux dont les imbrications architecturales sont aussi crédibles que retorses à assimiler. Chaque « donjon » ou niveau a son thème, de l’arbre séculaire au poisson géant en passant par le vrai donjon de brique, le joueur est obligé de se créer dans la tête une topographie très rigoureuse des lieux. Et en 3D, en volume, cette fois-ci. Si vous voyez une fenêtre vingt mètres plus haut et que votre grappin ne peut l’atteindre, il vous faut penser ou repenser les couloirs, escaliers, sauts et escalades qui pourront vous y conduire. Inouï car chacun des « donjons » rencontré oblige à réfléchir différemment. A chaque thème ses spécificités.

Des décors et des paysages qui ouvrent l’espace vers le ciel comme vers l’horizon. Malgré des limites parfois visibles, les capacités d’affichage de la N64 sont totalement transcendées.

Retenant constamment l’attention du joueur, le rythme lui-même au sein de ces espaces est variable. Vous passez de combats inhumains à des phases de recherche et d’exploration méticuleuse. Luxe ultime, quelque soit le danger derrière une porte, ces phases tendues sont toujours ponctuées de découvertes graphiques surprenantes, voire, éblouissantes. S’il fallait comptabiliser le nombre de fois où la mâchoire du joueur s’ouvre d’incrédulité, Zelda 64 battrait déjà des records. Il y a toujours une surprise au fond d’un trou, derrière une colonne ou un arbre, au-delà d’une colline ou d’une fenêtre. Après plusieurs dizaines d’heures cela devient écrasant. Alors qu’on commence à penser qu’après tant de surprises la lassitude pourrait venir, une nouvelle découverte, un nouveau lieu à explorer, un nouvel objet à utiliser, un nouveau compagnon, vous fait replonger sans rémission. Et quand on perçoit ici ou là les limitations techniques de la Nintendo 64, le compromis entre réduction de définition et spectacle offert est toujours juste.

Du glaive et bouclier de bois aux attributs royaux et métalliques de la Triforce, l’exploitation des armes et autres utilitaires permet à elle seule des manières innombrables de jouer.

Moins copieux que dans un RPG standard, la collection d’armes et d’items ramassés sur la route est en revanche exploitée comme jamais. C’est entendu, le principe de locomotion du jeu est à la 3e personne (et si on disait « vue objective » ?), n’empêche, la visée du lance-pierre ou de l’arc se fait en vue subjective. Précision parfaite. Et si vous savez qu’une fois à dos de cheval vous pouvez viser en vous déplaçant, vous comprendrez que le nombre de façons d’appréhender le jeu est d’une variété invraisemblable.

Par exemple, Link va devoir apprendre à souffler un air pour de vrai dans sa flûte mystique, l’Ocarina, partition à l’appui. Ce n’est pas facultatif, il faudra vraiment jouer des mélodies de trois à cinq notes avec la manette. Pour communiquer à distance, pour ouvrir des passages, pour faire jaillir le soleil ou la pluie. Répétons : Link peut faire apparaître à volonté le soleil ou la pluie sur les terres d’Hyrule !! Vous vous rendez compte du fantasme enfin réalisé ?

Des idées que certains n’osent même pas rêver sont mises en pratique dans cette cartouche. De nouveaux concepts y naissent pour assister le joueur dans une 3D encore confinée dans votre téléviseur.

C’est une certitude, le saut automatique, déjà évoqué, qui renvoie Mario 64 à ses plate-formes simplettes, et les deux formidables trouvailles que sont le bouton « d’attention » et le bouton « sensible au contexte » vont faire des émules ! Après apprentissage progressif, l’évidence de ces fonctions saute aux yeux. La gâchette Z permet à volonté de se verrouiller sur un adversaire de façon à ne jamais le perdre de vue en plein combat. Une fois maîtrisée cela devient un véritable plaisir de faire des bonds sur les côtés ou des sauts périlleux d’esquive arrière en plein combat. D’autant plus que ce bouton Z replace instantanément l’axe de vue derrière Link et permet des changements d’angles ultra rapides.

Le bouton bleu, affiché à l’écran, indique à bon escient la fonction qu’il a. Parler, saisir un objet, frapper : pas de doute sur l’attitude à avoir et donc moins de gestes inutiles. Et puis il y a la petite fée qui accompagne Link et qui survole les différents centres d’intérêt au cas où vous seriez distrait.

Tenez, encore une idée tellement simple qu’on se demande pourquoi elle n’existait pas déjà (encore la preuve que Miyamoto a seul accès à une source d’inspiration à la fois universelle et privilégiée). Tous les personnages qui peuvent nager sont susceptibles de se noyer, non ? Et bien pas Link. Son aptitude à nager sous l’eau est limitée au temps qu’il peut retenir sa respiration. Au bout de trois secondes le personnage remonte automatiquement à la surface pour reprendre une goulée d’air. Ce n’est pas du bon sens ça ? La difficulté consiste alors à accomplir sous l’eau certains objectifs avant la remontée salvatrice. Et évidemment, l’astuce complémentaire c’est que le héros apprendra, avec l’âge, à retenir sa respiration plus longtemps.

Même avec un scénario élaboré et un monde complet reconstitué, Zelda 64 est surtout une expérience interactive. Un jeu vidéo.

Ce monde énorme offert à l’exploration ne serait qu’un tableau si l’interaction n’était pas à la hauteur. Facilement ridicules sur une image fixe, les interlocuteurs rencontrés, une fois animés et « bruités », dégagent de vraies personnalités. Ils vous arracheront toujours un sourire. En toutes circonstances vos déplacements sont suivis scrupuleusement par leurs regards.

Link peut constamment influer sur les éléments du décor, pousser des caisses, couper les mauvaises herbes. Enfant il monte sur les tables, adulte il monte sur les armoires. Gestes inutiles la plupart du temps mais qui matérialisent le décor. Lors du passage de l’enfant à l’adulte, puisque Link a réellement grandi physiquement, la position de la caméra se modifie. C’est discret. Pourtant, pour montrer Link adulte la vue est plus haute, et la caméra plus éloignée qu’enfant. Toute la perception du décor s’en trouve altérée et après des heures d’habitudes enfant, et quelques allers-retours temporels, l’effet est « inconsciemment » marquant.

Un monde interactif à l’écoute de vos oreilles.

L’autre limite reconnue du support cartouche est la qualité sonore. Zelda 64 fait complètement oublier la technique. Si quelques morceaux synthétiques sont là en souvenir des épisodes précédents, certaines compositions orchestrales laissent pantois. Comme dans les films, la musique est là pour encourager les émotions. Souvent joyeuse, elle atteint toute sa maturité dans les moments sombres et dangereux des caves suintantes. Tous les effets spéciaux participent à l’immersion dans un espace qui fourmille de détails sonores. Si ce que vous voyez est en 3D, ce que vous entendez l’est aussi. Vous savez quand le danger vient de droite, de gauche mais aussi d’au-dessus et de quelle distance.

Si vous suivez de près l’évolution des jeux vidéo vous devez savoir qu’une voie entre films et jeux vidéo est en train de se créer. Non pas pour imiter les films mais pour impliquer davantage le joueur dans un vrai scénario auquel il participerait.

Resident Evil II a cette année fait beaucoup progresser cette recherche, mais les décors étaient fixes, le thème spécifiquement horrifique. Dans un tout autre registre, Final Fantasy VII livrait un système alternant avec élégance, avancées automatiques du scénario et actions du joueur, mais il était définitivement linéaire et les combats en sélections de menus plus gestionnaires qu’actifs. A en croire le monde PC, Half-Life devient aussi une réussite de cette approche hybride, mais c’est d’abord un exercice de style en vue subjective. Une énième variation de la course après la mort. N’est-il pas temps de trouver une alternative à ce grossier et trop usité ressort dramatique ?

Car finalement, aucun de tous ces jeux n’offre la sensation de liberté de ce Zelda sur Nintendo 64. Une tentative de mettre en scène la vie et non la mort. L’essai brillant de Nintendo et Miyamoto marque enfin ce pas. Et en plus Zelda a l’ambition modeste d’abriter tous les modes de jeux : des mini-jeux à la Tétris, aux combats contre des démons pour la survie de l’univers

La gamme des émotions ressenties dans Zelda trouve sa richesse dans des infinies variations de petits plaisirs. Vous n’aurez jamais peur pour votre vie. Vous serez pourtant sollicité de mille manières. Curiosité, émerveillement, compassion, inquiétude, patience, satisfaction, rire, vous pouvez continuer la liste. Chevaucher les plaines d’Hyrule au galop pour le simple plaisir ne s’explique guère en terme de score. Il faut accepter les moments de joie pure comme des cadeaux.

Sous des dehors enfantins, voilà un jeu vidéo qui vient en réalité donner une leçon de maturité créatrice à tout le monde.

Zelda ouvre l’horizon de tous les développeurs, de votre télévision et peut-être de votre esprit. Si vous êtes prêt au voyage.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 11 décembre 1998)


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