Archives de catégorie : Opinion

Et si la tablette Apple était aussi une console de jeu ?

Quelques heures avant la conférence Apple la tension est à son maximum. Rien n’est encore sûr pourtant concernant la tablette Apple dont toute la planète techno espère le coming out, même pas son existence. Les modalités de l’interface multi touch elle-même, à laquelle les fantasmes grefferaient bien de la 3D, voire, plus raisonnablement, un stylet façon DS, ne sont pas acquises. Celle-ci pourtant, associée à l’explosif business modèle de l’AppStore, pourrait transformer l’iSlate en console de jeux de salon venant concurrencer celles de Sony, Nintendo et Microsoft. HYPOTHÈSE…

Apple iPad launch logo

De nos jours, la technologie, avérée et supposée, ressemble fort à de la magie. L’imaginaire des uns et des autres a ainsi propulsé l’hypothétique iSlate sur une orbite incontrôlable. Tout à l’heure, la tablette Apple, si elle se confirme, reposera les pieds sur Terre. Si personne ne doute Apple capable de miracles, celui de l’iSlate, ou iPad, sera peut-être plus de l’ordre culturel que purement technologique. Comme Nintendo avec sa Wii, Apple peut avoir le génie de réorganiser les technologies d’aujourd’hui pour les assembler en un nouveau produit comblant ou suscitant un besoin que monsieur et madame tout le monde ignore encore. Parmi toutes les spéculations, l’aptitude au jeu vidéo héritée de l’iPhone/iPod Touch semble acquise. Mais jusqu’où ?

Alternances

Depuis ses débuts, il y a une bonne trentaine d’années, l’industrie du jeu vidéo fonctionne par cycles. De nouveaux appareils, de nouvelles consoles viennent régulièrement relancer intérêt et économie. Le rythme de renouvellement des consoles a fini par adopter un tempo métronomique de 4/5 ans. Les marques, alors Sega et Nintendo, puis Sony, se faisant une rude concurrence, chaque génération de consoles a vu un des constructeurs prendre l’ascendant sur l’autre. Cela veut dire, sur le modèle d’une campagne électorale, y compris avec le principe d’alternance de gouvernance, que plus d’un an avant la commercialisation d’un nouveau produit, marketing, médias et passionnés s’auto alimentaient en communications, conjectures, promesses et espoirs techno ludiques. Avant de voter pour sa marque favorite en achetant la console de son choix. Un bouillonnement cyclique dont le point d’ébullition maximal a été atteint avec le lancement hystérique de la PlayStation 2 en 2000. Épuisés par cette course en avant aussi génératrice d’énergies qu’auto destructrice, les fabricants de hardware ont fini par s’entendre tacitement autour de l’idée que la dernière génération de consoles Xbox 360, PlayStation 3 et Wii ne cède plus à ce cycle montagne russe. Rassuré par un marché stabilisé en surface, le grand public continue d’acheter en masse des consoles vieilles – en âge technologique – de déjà 4-5 ans. Une éternité à la pendule de la révolution numérique (l’iPhone n’a que 2 ans et demi et a déjà bouleversé marché et comportements). Le public jeu vidéo traditionnel plus averti, lui, manque peut-être ces pics d’excitation et d’espoir réguliers face au renouvellement hardware. Enter l’iSlate.

L’iSlate, nouveau challenger

En l’absence d’autres candidats neufs au jeu vidéo de salon, la tablette d’Apple devient tout à coup le meilleur substitut à cette aspiration de renouvellement. Apple pourrait, et aurait tout intérêt, à se glisser dans la vacance physique et émotionnelle provoquée par l’immobilisme hardware des constructeurs en place. Les mystères techniques et ergonomiques qu’elle abrite, ses espoirs, le potentiel qu’elle véhicule puisque, désormais, depuis le repositionnement officiel de l’iPod Touch en console de jeu mobile, Apple EST un acteur enfin déclaré du jeu vidéo, tout semble réunit pour un nouveau cocktail digne d’attirer les gamers, vétérans et nouveaux convertis. Et depuis le business modèle réussi de l’AppStore, il n’y a plus à convaincre les développeurs à venir travailler sur hardware Apple. Oubliées les années maigres des trois jeux annuels sur Macintosh là où le PC et les consoles pullulaient de créations. Les fourmillants fournisseurs d’applications et de jeux de l’AppStore ne se feront pas prier pour prolonger l’état de grâce du succès en développant sur iSlate. Outre les petits nouveaux venus au jeu, les grands éditeurs Electronic Arts, attendu sur scène à la présentation Apple du 27 à San Francisco, Ubisoft et sa filiale Gameloft, ou Sega, livrent déjà des jeux à l’AppStore. Le célèbre japonais Square Enix vient à son tour d’annoncer la sortie des classiques Final Fantasy I et II sur iPhone/iPod Touch, avec une interface « optimisée » et du contenu complémentaire inédit. Aux toutes dernières nouvelles, ou rumeurs d’une entreprise en quête de médiatisation, 200 applications, dont 150 jeux, seraient utilisées par 50 tablettes Apple en activité sur le Campus de Cupertino. Et, inhabituellement, des magazines spécialisés jeux vidéo ont été invités par Apple à assister à l’évènement du 27 à San Francisco.

La tablette Joker

Qu’on ne se fasse aucune illusion. Si la planète gamer, moquant depuis toujours, et avec raison, l’absence de jeux sur Mac malgré les promesses régulières (la présentation par Steve Jobs lui-même, en 1999, d’un Halo dont seul le Mac d’alors pouvait porter l’ambition technique avant que le jeu de Bungie ne devienne killer app exclusive de la première console Xbox de Microsoft reste en mémoire), si le public donc, ne voit pas forcément venir Apple sur le terrain des consoles de salon, on peut être sûr qu’après s’être laissés surprendre par l’iPhone/l’iPod Touch, Sony, Microsoft et Nintendo, surveillent de très près les initiatives d’Apple et doivent redouter le joker iSlate. Le 27, celle-ci sera sans doute d’abord présentée comme un e-Reader, un lecteur mobile de vidéo, un appareil où toute la famille peut accéder et partager un ensemble de services connectés. Mais si l’écran de 10 ou 11 pouces imaginés (25/28 cm) se confirme, si l’interface multi touch servant au jeu améliore un peu celle, souvent confuse, de l’iPhone/iPod Touch, l’iSlate va devenir très vite une machine à jouer, mobile non pas dehors, mais à l’intérieur. Chez soi, de la table de sa cuisine au confortable fauteuil, jusqu’au lit. Ou assis sur son canapé, c’est à dire exactement de l’endroit privilégié où se pratique traditionnellement le jeu sur console en regardant vers un écran. Il suffit alors d’imaginer l’iSlate capable d’envoyer son image d’un glissement du doigt vers un écran, Apple ou autre, et se transformer en manette/télécommande tactile de luxe, pour se rendre compte que le modèle des consoles de jeu de salon peut, en un tour de main et de magie, être retourné.

Table rase

Sony et Microsoft avaient rêvé leurs dernières consoles de jeu en cheval de Troie du centre de loisirs à domicile. Au point de reléguer la dénomination « console » au second plan et de privilégier les formules « plateformes de loisirs multimédia ». Le monde les a vu venir et ce sont d’abord les gamers qui ont plébiscité les Xbox 360 et PS3. L’ardoise vierge d’Apple a justement l’avantage de ne trainer aucun lourd héritage réducteur. Pas grand monde, heureusement, ne se souvient de la malheureuse et improbable console Pippin conçue par Apple avec Bandai en 1996. Alors qu’on attribue à Steve Jobs et Apple, entre autre ambition, celle de sauver, après la musique, la presse écrite et de réinventer le livre, au jour d’aujourd’hui, l’iSlate/iPad ne livre qu’un seul indice tangible. Mais néanmoins visible par tous : un carton d’invitation arty éclaboussé de couleurs évoquant l’excitation et l’anarchie créative d’un cahier d’enfants. Et qu’est-ce qu’un enfant aime le plus faire ? Jouer.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 27 janvier 2010 sur Electron Libre)

 


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Les jeux vidéo entrent (encore) dans une nouvelle dimension

Toujours pas arrivé à maturité, le medium jeu vidéo continue d’évoluer organiquement avec les progrès informatiques. Depuis les percées inattendues de la Wii avec sa télécommande à reconnaissance de mouvements et des interfaces tactiles de la DS puis de l’iPhone, le loisir interactif a entrepris une nouvelle mutation. Le Graal vidéo ludique se situe désormais dans l’interface homme-machine, la Natural User Interface (NUI) comme le résume Steve Ballmer, ou plutôt, dans la disparition de l’interface. Avec l’arrivée des images en relief en parallèle, le jeu vidéo s’apprête à basculer encore une fois dans de nouvelles dimensions. Petit récapitulatif de ce qui attend les joueurs, et le monde, au lendemain de la techno messe annuelle du CES de Las Vegas. EN 2010, LE JOUEUR ET L’ÉCRAN PRENNENT CORPS.

PlayStation Move de Sony
PlayStation Move de Sony

Anticipé depuis la première présentation au salon E3 de Los Angeles en 2009, le projet dit Natal associé à la Xbox 360 sera bien commercialisé fin 2010. Microsoft a profité de sa conférence au CES pour le confirmer. L’interface inédite permettant de manipuler les menus et les jeux en bougeant simplement la main en direction de l’écran, voire le corps entier, a le potentiel de bousculer la conception générale des jeux vidéo. Bien que Sony ait déjà initié sur PlayStation 2 des jeux où une webcam reconnaît et incorpore les mouvements des joueurs avec la gamme de produits ludiques EyeToy, et que Nintendo ait vraiment déclencher le paradigme shift de l’interface de jeu avec la Wiimote, il faut attendre de Microsoft une volonté forcenée de reprendre, si l’on peut dire, la main, sur ce nouveau créneau. La popularité grandissante de la PlayStation 3 / lecteur de Blu-ray menaçant chaque jour la Xbox 360 de se retrouver en 3e acteur des consoles de salon (39 millions vendues dans le monde), le géant de Redmond va positionner ce projet Natal comme un nouveau départ de sa console. Un « reboot » symbolique à mi chemin de la durée de vie de cette génération de consoles de salon qui nécessitera juste l’achat de l’extension Natal (une caméra de détection à infra-rouge à placer sous l’écran) pour avoir l’impression de changer de hardware. Une politique de rhabillage de surface déjà réussie avec les différentes versions de l’interface du logiciel interne de la Xbox 360. Microsoft revendique avoir convaincu 70 à 80 % des éditeurs de jeu vidéo de développer des jeux Natal, en plus de ceux développés par ses propres studios, notamment les légendaires équipes britanniques de Lionhead (Fable) et Rare (Perfect Dark, Banjo Kazooie…).

Virtual copieur

Pas toujours premier sur les idées mais prompt à s’engager sur des nouvelles voies, Microsoft a également annoncé la naissance d’un nouvel espace de jeu virtuel. Une « Game Room » où les avatars des joueurs pourront se retrouver pour pratiquer d’anciens jeux vidéo dits d’arcade. Microsoft cherche ainsi à mixer le Home stagnant de la PlayStation 3 (malgré ses 10 millions d’inscrits) où les avatars des gamers se retrouvent dans des espaces de sociabilisation et de jeux façon Second Life, et la Virtual Console de la Wii qui permet de télécharger et jouer des jeux d’anciennes consoles disparues des années 80-90 et 2000. Microsoft ayant déjà appliqué brillamment l’idée des petits avatars de la Wii à son Xbox Live, il faut s’attendre là aussi à ce que la société américaine s’engouffre sans gêne ou pudeur dans les voies ouvertes par les japonais Sony et Nintendo. La trentaine de jeux historiques de la Game Room (Asteroids, Centipede, Super Cobra…) se pratiqueront en HD, éventuellement à deux, à partir des cabinets d’arcade originaux. Les nouveaux jeux Xbox Live Arcade créés par la communauté auront également leur place et leurs bornes d’arcade. La simulation accessible sur Xbox 360 et sur PC ira jusqu’à permettre de payer à la partie (en points Microsoft) de la même manière que l’on glissait des pièces de monnaie dans les cabinets d’alors. Mille jeux pourraient se rendre ainsi disponibles dans les trois prochaines années.

Convergences et relief

Au même CES, Sony a plutôt remis en avant, sans la nommer ainsi, une politique de convergence. Interne avec la réorganisation de ses circuits de distribution faisant passer les produits Sony et Sony Computer par les mêmes canaux de distribution, puis la mise en place d’une nouvelle entité baptisée Sony Network Entertainment, Inc. (SNEI) qui centralisera les stratégies des différentes branches de la société. Du côté public, le PlayStation Network actuellement destiné à la PS3 et à la PlayStation Portable se rendra accessible à travers toutes les gammes de produits Sony connectés, comme désormais les écrans Bravia, les lecteurs Blu-ray et bien sûr les PC Vaio. Plus remarquable fut l’absence d’annonce concernant le projet de manette à reconnaissance dans l’espace PS3, lui aussi inspiré par la Wiimote de Nintendo. Présenté à l’E3 2009 puis envisagé pour une sortie au printemps 2010 lors du Tokyo Game Show de septembre, le procédé qui sera exploitable sur de nouveaux jeux comme sur d’anciens remixés (un Resident Evil 5 : Director’s cut notamment, mais aussi Flower, LittleBigPlanet et d’autres) est resté bien discret. Un report du lancement le rapprochant du Project Natal de Microsoft prêt à se donner les moyens de prendre la vedette ne serait pas une bonne chose pour Sony. La société japonaise a en revanche confirmé au CES que la PlayStation 3 sera bien capable d’afficher des programmes en relief après deux mises à jours de son firmware courant 2010. Une première pour les jeux et une deuxième un peu plus tard pour les films sur Blu-ray. Avec Panasonic, Samsung, LG, et Toshiba, Sony a sorti la grosse artillerie médiatique et technologique pour préparer l’avènement du relief dans les foyers avant la fin 2010. Le jeu vidéo devrait essuyer les premiers plâtres.

Influences

Une bonne idée restant rarement orpheline, les sociétés Razer et Sixense Entertainment ont aussi profité du CES pour présenter un procédé de reconnaissance de mouvements adapté aux jeux sur PC. Démonstration appuyée par le jeu Left for Dead 2 du respecté studio Valve. Plus tard qu’on aurait pu croire depuis l’idée lancée par la Wii en 2006, le coréen LG a présenté des télécommandes de télévision à reconnaissance dans l’espace façon Wiimote nommées Magic Wand. Ce n’est pas du jeu mais choisir ses menus en pointant vers l’écran devient ludique, pour ne pas dire évident une fois que tous les constructeurs s’y seront mis.

Poker menteur, par omission

Les deux gros constructeurs et leaders high-tech de l’industrie du jeux vidéo ayant mis sur la table de jeu de Las Vegas l’essentiel de leurs cartes, les regards se tournent inévitablement vers les deux players absents du CES. L’historique Nintendo qui refuse toujours de laisser filtrer une version améliorée de sa Wii, et le nouveau challenger Apple, dont la tablette à tout faire, y compris le jeu, espérée pour fin janvier, pourrait changer la donne comme l’iPhone est en train de changer les règles du gaming portable. Quoi qu’il en soit, une chose reste sûre. Du relief à la reconnaissance de mouvement dans l’espace, assis ou debout, immobile ou en mouvement, cérébral ou physique, le jeu vidéo va encore une fois franchir et explorer de nouveaux espaces, de nouvelles dimensions. Aux sens physiques et mentaux. Et sans doute entrainer le reste de l’industrie digitale et high-tech à sa suite.

François Bliss de la Boissière

(Publié en janvier 2010 sur Electron Libre) 

 


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BEST OF 2009 : Les jeux, les jeux, les jeux

Cet espace à la marge depuis la fermeture de la façade officielle d’Overgame n’est pas mis à jour avec beaucoup de régularité – que les lecteurs encore de passage nous excuse. Mais, qu’on ne s’y trompe pas, la voix qui s’y exprime encore reste totalement attachée au jeu vidéo. Avec la même passion et la même exigence. Voici ce qu’elle a à dire sur les jeux vidéo qui ont marqué les 12 mois de l’année 2009.

InFamous

Best of jeux 2009

Comme d’habitude ici, les créations originales restent privilégiées aux suites attendues, même quand celles-ci font mieux que leurs prédécesseurs ou que les titres inédits. On ne voit pas pourquoi les gamers devraient payer les répétitions et les pots cassés de productions qui auraient besoin de 3 épisodes pyés plein tarif pour trouver leur bonne formule. Le Work in progress live et payant devrait cesser pour les grosses productions. Un mot aux développeurs à propos des contenus additionnels. Ne placez pas la difficulté des chapitres inédits à acheter au niveau de la fin du jeu principal. C’est une décision qui déboute les candidats potentiels. La majorité des jeux ne sont pas terminés par les joueurs, souvent à cause de la difficulté, mais on peut tout à fait avoir envie d’y jouer davantage. A condition de ne pas se faire laminer dès le début du DLC.

Meilleurs jeux originaux / consoles de salon 2009

– InFAMOUS (PS3) : Le studio Sucker Punch a tout compris des besoins et des envies d’un free roaming game pour sa première réalisation PS3. Le jeu qui dégage le plus de liberté physique, qui offre le plus d’aptitude et de plaisirs à la gymnastique sur les toits depuis toujours. Bien plus sophistiqué au bout des doigts que l’excellent Assassin’s Creed II par exemple.
– Little King’ Story (Wii) : Encore un bijou pour tous les âges qui passe inaperçu sur une Wii qui ne se porte jamais mieux que quand elle accueille des expériences graphiques et interactives artistico-créatives. Douillet comme un RPG époque 16 bits, agréable comme un Pikmin, fin comme un Okami, drôle comme une BD d’humour transgénérationnelle.
– DJ Hero / The Beatles : Rock Band (ex aequo) : S’il fallait en retenir 2 dans la déferlante des jeux musicaux, ce serait immanquablement ceux-là. Un peu raide et décevant côté musique, DJ Hero raccroche enfin la guitare au profit d’un platine de mixage. La très chic version Beatles de Rock Band signe aussi la fin de la domination du gros rock sans nuance sur le genre. À apprécier comme de nouveaux départs même si dans les 2 cas les prix de vente restent prohibitifs.
– Batman : Arkham Asylum : Ça déborde de muscles apparents mais ils étaient déjà bien visibles dans la BD de référence. L’adaptation réussie d’un univers venant d’un autre médium est si inhabituelle quelle provoque un choc que l’on voudrait voir se répercuter sur toutes les autres tentatives.
– Mini Ninjas : Un gentil héritier des Zelda, du cell shading, de la culture Ninja, de la bande-dessinée, du dessin animé et, plus généralement, d’un bon esprit qu’on aimerait retrouver plus souvent dans le jeu vidéo.
Meilleures suites 2009 / consoles de salon
– Assassin’s Creed II (Xbox 360) : Confirmation que le premier jeu n’était qu’un brouillon, que l’ambition du projet nécessitait encore plusieurs années de travail, et que l’équipe d’Ubisoft Montréal est capable de mener à bien des jeux d’une qualité technique et artistique exceptionnelle.
– Uncharted 2 : Among Thieves (PS3) : Confirmation que le premier jeu était si formidable qu’il fallait tomber dans la surenchère pour faire mieux. Génial mais attendu. La rançon du talent.
– Forza Motorsport 3 (Xbox 360) : En trois temps et autant de tentatives, la série Forza réussit à se hisser à la hauteur technique du modèle Gran Turismo. Il manque encore une richesse structurelle mais en terme de conduite il n’y a pas mieux. En attendant le retour du patron.
– Killzone 2 (PS3) : Plus une réinvention qu’une suite puisque le premier jeu date de la PS2, Killzone 2 lasse quand il se la joue Call of Duty de l’espace mais épate par sa technique, la réactivité des ennemis et quelques fulgurances graphiques.
– Colin McRae : Dirt 2 : Un confort de conduite en toutes circonstances, mêmes les plus chaotiques, pour une réalisation technique très impressionnante qui cache avec habilité quelques raccourcis de game design, comme le manque de trajets A-B au profit de circuits en boucle déplacés en si grand nombre dans une simulation de rallye.
– Call of Duty : Modern Warfare 2 : Peu à redire en terme de dynamique de gameplay, de recherche de rythme et d’impact sensoriel, la série reste maître sur ce terrain. Si seulement un minimum de cohérence intellectuelle voulait bien suivre.
– Silent Hill : Homecoming : Le pire était à craindre de ce développement confié à une équipe américaine et le meilleur en est presque sorti. Techniquement abouti, respectueux des codes esthétiques et des frissons originaux, non seulement cet épisode ne fait pas honte aux précédents mais il fait mieux que d’autres.
– Street Fighter IV : Bien vu Capcom qui opte pour un relookage visuel BD chic spectaculaire tout en gardant les bases du gameplay 2D original. Consensus générationnel réussit. Au point que l’exploitation de la série semble déjà bien relancée avec un « Super » SFIV déjà attendu au début 2010.
– Fight Night Round 4 : À chaque itération, EA Canada signe de mieux en mieux sa droite, sa gauche, son jeu de jambes, et la modélisation hyper réaliste des boxers en sueurs. Très impressionnant.
Meilleurs outsiders avec du style
– Borderlands : Les affolants et hilarants trailers conduisent à un mélange de FPS et de RPG plus prometteur que totalement satisfaisant mais bouillonnant d’envies contagieuses. Le délirant et abouti design s’inspire directement du trait BD de Tanino Liberatore (Ranx Xeros) pour accoucher d’un univers punk/Mad Max original dans le jeu vidéo.
– The Saboteur : Plus fantasmé que sérieux, le Paris vu de Californie a le mérite d’esthétiser un Paris noir & blanc que n’oserait même pas l’amateur de chromo Jean-Pierre Jeunet et d’offrir, via un DLC offert aux acheteurs neufs du jeu, des nudités full frontal de cabaret agréablement (dé)culottées.
– Brutal Legends : Beaucoup de soin, de bonnes volontés, d’idées même, mais le look et l’ambiance hard rock US, têtes de mort et dragon c’est à la fois très américain et plus ringard que contemporain, même avec clins d’œil.
– WET : Raté mais avec panache. L’ambiance pulp 70’s régurgité par la culture Tarantino aurait pu faire merveille si le gameplay avait été à la hauteur des trailers punchy.

Best of mobiles

– Grand Theft Auto : Chinatown Wars (DS) : Belle réinvention du principe de jeu qui se fait l’écho de la version 3D tout en rappelant les origines top down view 2D de la série tout en exploitant les possibilités tactiles du stylet de la DS. Encore un incroyable exemple de game design pensé jusqu’au bout par Rockstar.
– Rythm Paradise (DS) : Nintendo se penche à son tour sur les jeux de rythmes musicaux et, patatras, trouve le moyen de remettre en même temps sur la table tous les principes déjà établis pour mieux les contourner, les explorer et interroger sans le dire la position du joueur. A ce niveau de manipulation post WarioWare on reste le souffle coupé.
– Rolando 2 : Quest for the Golden Orchild (iPhone) : Originellement pompé sur les LocoRocos de la PSP et PS3, cette création indé trouve sa marque originale grâce une inventivité tout terrain (littéralement) et à l’exploitation des possibilités de contrôle de l’iPhone.
– The Legend of Zelda Spirit Tracks (DS) : La réexploitation du moteur graphique et des couleurs cartoons rugueuses sur DS commencent à sentir le réchauffé, peut-être aussi à cause d’un tchoutchou sympathique mais peu sexy à côté du bateau précédent. Un rapport je t’aime/moi non plus commence à s’instaurer avec les personnages historiques de Nintendo qui répondent de plus en plus présents comme des fonctionnaires du jeu vidéo.
– Big Band Mini (DS) : Encore une évidence de réinvention maligne et raffinée d’un gameplay à l’ancienne par les super artisans (c’est un compliment) du studio français Arkedo déjà responsable du génial Nervous Brickdown
– Edge (ou Edgy) (iPhone) : Les choses les plus simples peuvent devenir les plus fascinantes avec le bon équilibre de design graphique épuré, de game design et de touché. Un puzzle action game qui se réinvente lui-même grâce, encore, aux contrôles inhabituels de l’iPhone.

Best of rééditions…

– Donkey Kong Jungle Beat (Wii) : Un oublié explosif de la ludothèque GameCube qui retrouve une nouvelle vie, toujours aussi épuisante, avec le couple Wiimote/Nunchuk à la place des Bongos originaux.
– Pikmin 1 et 2 (Wii) : Impossible de manquer les si logiques remixes versions Wii des dernières vraies créations originales signées Shigeru Miyamoto dans la catégorie jeu vidéo « traditionnel ».
– God of War trilogy (PS3 US)
– Metroid Prime Trilogy (Wii)
– Chrono Trigger (DS)
– Myst (iPhone) : Vertige, le responsable de la popularisation du support CD-Rom dans les années 90 se joue maintenant en touchant un écran lové dans la paume de sa main. Choc spatio-temporel.
– Banjo-Tooie (XBL)
– Flashback (iPhone)
– Oddworld 1 et 2 (PSN)
– Final Fantasy VII (PSN)
– The Secret of Monkey Island : Special Edition (XBL / PC)
– Fable II en épisodes (XBL) : Belle initiative de Peter Molyneux de trouver un nouveau public en le convainquant de jouer, et donc de payer, chapitre par chapitre. D’autant plus courageux que le jeu n’a pas été conçu pour ce morcellement. Un probable modèle pour le jeu dématérialisé de demain.

Best of jeux téléchargeables

– Flower (PS3) : Jeu de l’année pour les magazines les plus affutés et qui auront raison. Sortie du bouillonnement subaquatique créatif du déjà exceptionnel flOw, Flower constitue indubitablement un énorme progrès dans la notion même de ce que peut exprimer un jeu vidéo.
– PixelJunk Shooter (PS3) : Encore une mine d’or sensorielle néorétrograde et totalement jouable de l’équipe déjà responsable d’Eden.
– Shadow Complexe (Xbox 360)
– NyxQuest : Kindred Spirits (WiiWare)
– Lost Winds 2 Winter of the Melodias (WiiWare)
– Trine (PS3 mais trop cher à 20 €)
– Machinarium (Mac/PC) : Un pointé-cliqué à l’ancienne à l’ambiance cliquetis zen humour noir qui entraine la scène des Flash games vers de nouvelles profondeurs.

Best of DLC (contenu additionnel)

– WipEout HD Fury (PS3) : Totalement époustouflant.
– GTA IV : Episodes from Liberty City (The Lost and the Damned / The Ballad of Gay Tony) Xbox 360
– Mirror’s Edge (PS3)
– The Saboteur

Déceptions dramatiques…

– Resident Evil 5 : Psychorigide à tous les niveaux : gameplay raide antédiluvien, aveuglement à l’imagerie africaine exploitée vulgairement.
– Wii Sports Resort : Miis, visuels, bruitages, « musiques », vus et revus et réentendus maintenant depuis 3 ans et la sortie du premier Wii Sports. Ce n’est plus drôle.
– The Conduit (Wii) : Les commentaires post E3 2009 ont laissé croire à l’existence d’un super FPS bien tenu sur la Wii. A l’arrivée le jeu hyper rigide rappelle l’époque Nintendo 64 plus qu’autre chose.
– New Super Mario Bros. Wii : Sans faire de procès d’intention à Nintendo et Miyamoto-san qui ont certainement raison de viser une catégorie de public nostalgique ou encore déconcerté par la 3D, on s’étonne de la platitude de l’ensemble, du niveau de difficulté absurde dès le 2e monde dans le sable qui, après coup, explique davantage la présence du Super Guide. Et les parties chaotiques à plusieurs n’ont pas la suavité juvénile de Little Big Planet.
– Bionic Commando : Tout semblait réunit pour relancer le héros dans les années 2000 et puis, au touché, le jeu échoue à faire plaisir.
– Fuel : L’open world version courses motorisées donne envie sur le papier et peine à trouver vraiment ses marques. Même l’impeccable série Burnout a déconcerté en s’y essayant. A fortiori un jeu techniquement faillible.
– Avatar : L’attraction du film de Cameron était si forte qu’on a cru que le miracle espéré du film (et plutôt atteint) irait jusqu’au jeu. Hélas, le relief du jeu ne profitant à personne, il ne reste qu’un jeu d’action bien morne.
– Gran Turismo (PSP) : Non seulement jouer sur PSP est une épreuve en soi – temps d’accès, MAJ fréquentes, autonomie – mais la version a minima du monstre de Polyphony Digital perd tout intérêt sans sa maniabilité haut de gamme et sa structure complexe.

Faits notables du point de vue gamers…

– La consolidation des jeux open world désormais presque tous fiables : Assassin’s Creed II / The Saboteur / Prototype / Borderlands…
– Le succès commercial stratosphérique de COD : Modern Warfare 2 qui risque de faire – comme GTA en son temps – un paquet d’émules (à commencer par le reboot de la série Medal of Honor d’Electronic Arts).
STOP…
– La game Musicexploitation ! Selon les pays pas toujours alignés, Guitar Hero World Tour + Metallica + Van Halen + Greatest Hits +, enfin, le 5 en 12 mois ça fait beaucoup, non ? Sans même compter les versions portables, les Rock Band 2 + Classic Rock Track Pack + Country Track Pack + Track Pack Metal + The Beatles + Lego Rock Band c’est aussi l’overdose. Et que dire du spamming permanent des stores Xbox et PS3 que constitue l’empilement interminable de chansons à acheter au détail pour les uns ou les autres. Et par dessus tout ça on rajoute un Band Hero, un Rock Revolution. Et on s’étonne que le pourtant pas si mal DJ Hero ne trouve pas sa place ? Comment ça il y aussi une multitude de jeux de karaoké ?!
– La Sonicexploitation de plus en plus dure, et embarrassante.
– Les trop nombreux et peu intéressants contenus additionnels de l’adorable Little Big Planet qui frôlent la mendicité et finissent par polluer le PS Store.
– Le racolage à outrance du public de masse par Nintendo.
– Les packs consoles démultipliant les offres, les tarifs, les ristournes sous 3 mois (et pourquoi pas tout de suite), les écarts de prix et la reconduction des fractures numériques (sans DD ? 60 Go ? 120 Go, 250 Go ?).
– Les « carnets de développeurs » pseudos documentaires making-of promotionnels jusqu’à l’obscénité.

ENCORE…

– Noby Noby Boy
– Les jeux en noir & blanc façon The Saboteur.
– Les jeux concepts à vocation universelle comme Flower.
– Les remixes HD façon les Banjo Kazooie sur Xbox Live ou les God of War sur PS3.(Qui a dit Ico et Shadow of The Colossus en parallèle à la sortie de The Gardian ?)
– Le fignolage incroyable des jeux supervisés par Sony. Killzone 2, Uncharted 2, Ratchet & Clank, inFAMOUS, Flower… c’est un quasi sans faute non ?
– Le dynamisme et la capacité de renouvellement de l’interface de la Xbox 360.
– Le jeu en relief envisageable sur PS3 dès 2010 !

François Bliss de la Boissière

 


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Jeux vidéo 2009 : Arrêts sur image

Le jeu vidéo se porte bien, merci, quoiqu’en dise la Bourse emberlificotée dans sa lecture asynchrone du marché réel. La crise a certes fini par rattraper en 2009 une industrie de loisirs devenue au fil des ans et malgré ses prix élevés une valeur refuge*, mais là où les marchés de la musique et de la vidéo s’effondrent inexorablement, le jeu vidéo résiste et, même, croit.

Best2009

DERNIERS REGARDS 2009…

En attendant le bilan chiffré post fêtes de Noël, l’étude du trafic Internet de cette fin d’année aux USA révèle que les intentions d’achats pour le jeu vidéo et les biens électroniques dépassent largement tous les autres secteurs. Le nombre de connexions vers le site d’Ubisoft aurait quadruplé depuis la sortie du hautement recommandable Assassin’s Creed II, tandis que les visites du site marchand spécialisé Gamestop auraient doublé entre octobre et novembre. En Grande-Bretagne, 1,73 milliards de Livres Sterling ont été dépensées en jeux vidéo contre 1 milliards de £ au cinéma et 198 millions de £ en DVD et Blu-ray. Le nombre de jeux console joué est ainsi passé de 13,5 millions en 2008 à 25 millions en 2009 au Royaume-Uni.
Les consoles de jeu profitent toujours de l’engouement pour la high-tech, même quand il s’agit de la « modeste » Wii. Visiblement, le ratio temps de jeu/prix d’achat semble convenir au public quand il s’agit de super productions pour grand écran à domicile allant jusqu’à coûter 70 €. Et, à 40 €, il semblait aussi être adapté aux jeux sur consoles portables comme la DSi de Nintendo. Jusqu’à maintenant. Car l’émergence et le succès inattendu du marché des minis jeux de l’AppStore d’Apple remettent tout en question.

Montagnes russes

L’industrie du jeu vidéo, toujours atypique bien qu’elle commence à se rapprocher du modèle structurel du cinéma, continue de fonctionner en montagnes russes avec ses hauts et ses bas qui s’apparentent à chaque fois à un lancer de dés. Si, du côté salariés, les contractions des équipes après chaque projet de jeu mené à terme doit continuer à faire mal, le dynamisme sans cesse renouvelé d’un secteur amarré avec une même ferveur au progrès des technologies informatiques, aux évolutions des softwares (auxquels les jeux appartiennent) et à la fascination du monde digital mis en images, lui permet sans cesse de rebondir. Du côté entreprises, le milieu continue de se structurer à coups de fermetures, rachats et fusions même si rien d’aussi spectaculaire – en dehors de l’acquisition de Marvel par Disney pour un impact plus large que le jeu vidéo – que la réunion d’Activision et Vivendi / Blizzard (World of Warcraft) de l’année dernière n’a bousculé l’ordre des choses.

Tremplins

Année de consolidation des savoir-faire sur les consoles Xbox 360 et PlayStation 3, les fondations invisibles de 2009 doivent servir de tremplin à une année 2010 charnière qui verra les trois consoles de salon se réinventer sans quitter leurs robes originales. La Xbox 360 et son projet Natal de reconnaissance des mouvements dans l’espace, la PlayStation 3 aussi sur ce créneau inspiré par le succès de la Wii mais aussi très vite apte à la 3D relief, et la Wii dont les vœux pieux de tous les observateurs pointent vers une Wii « Plus » en haute définition. L’upgrade technique ne suffira néanmoins pas à Nintendo pour justifier une nouvelle variation de sa console et il faudra s’attendre à quelqu’autre surprise tirée du chapeau de la créative entreprise japonaise. Autre joker 2010 susceptible de bousculer la donne, la déjà fameuse tablette Mac qui, si elle concrétisait tous les fantasmes (le sauvetage de la presse écrite, rien de moins), deviendrait, comme l’iPod Touch, une nouvelle machine à jouer obligeant tous les acteurs à repenser les modèles économiques et ludiques.

Quelques faits marquants de l’année jeu vidéo 2009…

Disparition de trois marques historiques du jeu vidéo.

  • En faillite, l’américain Midway, l’un des tous premiers éditeurs du jeu vidéo (1973), célèbre dans les salles d’arcade (Mortal Kombat) mais jamais marquant sur consoles, se vend par lots, dont une part importante à Warner Bros. Interactive et THQ. Ce qui reste de la branche en France a été renommé Tradewest Games.
  • En difficulté depuis des années malgré sa quasi absorption par l’éditeur SCI en 2005, l’éditeur britannique Eidos, célèbre pour avoir lancé Tomb Raider et son héroïne Lara Croft à la fin des années 90, a été absorbé par l’éditeur japonais Square Enix pour devenir Square Enix Europe (une anomalie alors que les mouvements du secteur se déplacent plutôt hors du Japon).
  • Dans le couple franco/américain Atari/Infogrames artificiellement formé par le fondateur d’Infogrames Bruno Bonnell en plein trip à la Messier au début des années 2000, il ne restera que Atari. Les dernières transactions 2009 d’une entité de plus en plus insaisissable (et ce n’est pas fini) ont vu le japonais Namco Bandai faire l’acquisition de la branche européenne et rassembler la marque sous le seul label Atari. Pour simplifier.

Le retournement de veste d’Electronic Arts

  • Après avoir perdu son titre de 1er éditeur du monde au profit de la fusion Vivendi-Blizzard / Activision en 2008, l’éditeur américain tente une inhabituelle percée créative en lançant un nombre courageux de projets inédits. Le marché plutôt conservateur ne suit pas vraiment et EA semble faire marche arrière dès cette année en annonçant un virage marqué vers le développement de jeux plus modestes dits sociaux confirmé par l’achat de la société spécialisée Playfish.

Doom perd son indépendance

  • La réunion du célèbre et vénéré studio de John Carmack id Software avec l’éditeur Bethesda, qui voit ainsi un des derniers studio indépendant de développement (Doom, Quake) rallier un éditeur à l’ambition croissante mais pour l’instant attentif à sa petite écurie de champions du jeu vidéo (les séries de jeux de rôle Elder Scrolls et Fallout). Doom 4 et l’inédit Rage sortiront de cette nouvelle alliance en 2010.

Rééquilibrages hardware

  • La chute spectaculaire des ventes de la console Wii après 4 années de domination sans partage ont obligé Nintendo a enfin baisser le prix de sa console (désormais à 200 €) pendant que Sony, cherchant encore à atteindre le seuil critique de sa PlayStation 3 baisse aussi le prix de sa machine qui impose, à 300 € et en version « Slim », le format Blu-ray dans les foyers. Réactif, Microsoft baisse aussi le prix de sa Xbox 360 plaçant le prix d’entrée de la première console HD du marché à 200 €. Les ventes de Wii sont bel et bien relancées pour Noël et les deux monstres High-tech concurrent jouent désormais au coude à coude. La PS3 qui décolle enfin dans son Japon originel pourrait sortir gagnante de ce combat de titans en 2010.

Mobiles glissants

  • Le lancement finalement peu spectaculaire en occident des consoles DSi et PSP Go, variations des modèles originaux. La DSi avec son double appareil photo se vend bien depuis le mois d’avril sans changer le succès déjà constant de la portable Nintendo (114 millions de DS dans le monde). La PSP Go ne jouant qu’avec des jeux dématérialisés ne donne aucun signe de vie depuis son lancement en octobre et laisse supposer un échec aggravant les difficultés de la PlayStation Portable de Sony (pourtant vendus à plus de 53 millions dans le monde).
  • Sur ce terrain sans fil, la vraie vedette se nomme iPod Touch. Un sous iPhone lecteur de MP3 devenu dans l’année la console de jeux mobile la plus sophistiquée du marché, sans doute la plus convoitée, d’abord officieusement, puis finalement officiellement intronisée nouvelle console de jeu par les dernières compagnes de communication d’Apple.

L’explosion de la scène dite « indé » du jeu vidéo

  • Auparavant cantonnés aux recoins les plus undergrounds du web, les nouveaux artisans du développement de jeux vidéo pénètrent toutes les plateformes à leur disposition. De l’iPhone/iPod Touch, nouvel Eldorado (et sans doute nouvelle bulle prête à imploser sur elle-même) aux stores WiiWare et DSiWare de Nintendo, « Jeux indépendants » sur le Xbox Live de Microsoft, et, tout récemment, jeux explicitement baptisés « Minis » sur le PlayStation Store. Un bel écosystème qui contrebalance les grosses productions trop formatées.

Pandémie digitale

  • La contagion planétaire du « social gaming » passant notamment par les 350 utilisateurs Facebook et dont on ne sait pas encore comment il va affecter le reste du marché et des comportements.

Les jeux marquants pour toutes les bonnes et mauvaises raisons de l’année 2009…

  • Call of Duty : Modern Warfare 2 : Le succès colossal (et discutable) du jeu rejoint celui de la série Grand Theft Auto. Ce dernier ayant profondément bousculé la culture jeu vidéo, difficile de savoir quelle influence aura ce jeu de guerre très années 2000…
  • Assassin’s Creed II : Une suite bien supérieure à l’originale réussissant le grand écart entre divertissement de masse et culture élitiste autour de l’Italie de la Renaissance.
  • Flower : Un faux jeu « indé » puisque couvé par Sony mais à la réalisation fulgurante posant, après flOw, des mêmes auteurs, les jalons d’un jeu vidéo intelligent, poétique, philosophique même, tout en restant grand public.
  • Uncharted 2 : Among Thieves : L’aboutissement technique d’un studio (Naughty Dog) capable de sortir un jeu d’aventure et d’action spectaculaire qui fait date.
  • The Beatles Rock Band : La première vraie alternative aux écrasants catalogues de musiques rock des populaires simulations musicales avec accessoires. Fétichiste, mais si mélodieux.
  • Batman : Arkham Asylum : Un des très rares (on les compte sur les doigts d’une main) jeux réussis adaptés d’une licence. Que les développeurs britanniques aient pu prendre le temps d’aller au bout de leur ambition plutôt que de respecter une date de sortie calée sur un autre produit y a fait beaucoup.
  • Avatar : L’adaptation interactive du film de James Cameron avait, pour une fois, le potentiel de s’arracher à sa condition de produit dérivé. Déception finalement à peine étonnante, le génie du cinéaste ne transparait pas du tout dans un jeu d’action réduit à sa plus simple expression. Et bien sûr, personne n’est équipé en 2009 pour y jouer en relief.

* Avec le cinéma qui lui aussi bat des records, notamment en France.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 30 décembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Avatar, avec ou sans entracte : la France coupée en deux

Ce n’est pas officiel, et pourtant il existe deux versions publiques du film Avatar en France. Une projetée sans interruption dans l’intégralité de ses 2H41. L’autre avec un entracte incongru placé au petit bonheur au milieu. La première, décidée par l’auteur James Cameron. La seconde improvisée par des exploitants de salle en France sous le regard ponce pilate du distributeur. Une habitude apparemment prise pour les grosses productions américaines. Avatar est-il un blockbuster comme les autres ? Qu’est devenue la France, capitale culturelle du cinéma ? ENQUÊTE…

Avatar split

PETITS ARRANGEMENTS AVEC LE PUBLIC.

Révélé en exclusivité ici et découvert presque par hasard, l’entracte forcé au milieu du film Avatar dans plusieurs centaines de cinéma soulève une pratique curieuse dans les campagnes françaises. Organisée par certains professionnels, tolérée par les autres. Interrompre le film projeté en salles pour y passer des publicités et vendre du pop-corn alors que les auteurs ne l’ont pas conçu ainsi fait entrer la France dans un tiers monde culturel auquel on n’imaginait pas la « capitale » culturelle du cinéma appartenir. Que des blockbusters américains à rallonge soient essentiellement concernés justifie-t-il ce charcutage sauvage ? Lancé comme tel, Avatar n’est de toutes façons pas un « blockbuster hollywoodien » typique. Une semaine après sa sortie, désormais entre les mains du public, tout le monde doit avoir compris qu’il s’agit là du pari fou d’un cinéaste hors norme, d’un véritable auteur jonglant avec des outils inventant le futur. Est-il normal de fermer les yeux sur la pratique de l’entracte forcé en pleine séance dans le pays des principes, des auteurs, de la Nouvelle Vague, de l’avance sur recettes, du Festival de Cannes et autres mignardises et idées nobles qui entretiennent la vitalité du cinéma hexagonal là où les autres pays européens ont depuis longtemps baissé le pavillon ?

Révélations

Formidable révélateur des vertus durables et artistiques du relief, de la crédibilité des créatures numériques, de l’efficacité de la performance capture, de la projection numérique, le futuriste Avatar met aussi à jour malgré lui des pratiques mercantiles d’un autre monde. Une pratique obscure niée par la distribution, étouffée par les observateurs attitrés pourtant indépendants, mais publique puisque des centaines de milliers de spectateurs sont concernés. Sans être forcément avertis de cette différence de traitement entre les salles de la capitale, épargnée, et le reste du territoire français. Alors même que dans la logique de la télévision ou des services mobiles, le prix du billet d’entrée pourrait varier d’une salle à l’autre en fonction de la présence ou pas, au milieu, de la publicité. Le Groupe de cinémas CGR fondé en 1974 pilote près de 400 salles en France, dont 380 sont déjà passées au numérique. Avatar est ainsi projeté dans 200 salles CGR, toutes en relief. Ce qui représenterait, selon l’exploitant, 20% des entrées *. Et avec un entracte de 10 minutes qui n’existe ni dans les salles parisiennes ni, jusqu’à preuve du contraire, dans la tête de James Cameron.

Exploitation, un mot avec une histoire

« Le Groupe CGR ne fait que de l’entertainment » souligne la journaliste Emma Deleva de l’hebdomadaire professionnel Écran Total, « Il ne gère que des multiplexes et ne passe aucun film dit d’Arts & essais. C’est la génération pop-corn ». Pionnier de l’équipement numérique en France, CGR a déjà eu le temps d’expérimenter la projection numérique 3D à base de lunettes actives, avant de réinvestir dans un procédé privilégiant les lunettes passives moins coûteuses, quand d’autres groupes d’exploitants historiques comme UGC, totalement en retard d’une révolution, n’a équipé aucune de ses salles en digital. « Le numérique est un marché de dupe » se justifie son PDG Guy Verricchia dans une interview récente. « Le surcoût que la 3D implique est à la seule charge de l’exploitant » se plaint dans une autre interview Jean Labé, président du FNCF (Fédération nationale des cinémas français). Avec une franchise louable, le directeur d’exploitation du groupe CGR, Loran Abadie, l’avoue sans détour : « C’est vrai qu’il nous arrive de créer des entractes dans les films qui atteignent ou dépassent les 2H30, même pour des projections en 35 mm. » Puis d’expliquer que cela permet de projeter le film dans plusieurs salles d’un même multiplexe : « À l’entracte les bobines du début du film sont transportées et utilisées dans une autre salle en parallèle« . Voilà l’explication des projections alternées toutes les demi heures avec éventuellement une seule copie du film. Les versions numériques des films permettent de jongler encore mieux avec les multi projections puisqu’un seul fichier de plusieurs Terra octets sur un disque dur suffit. Une clé d’autorisation est allouée par salle de projection. Notons au passage que l’évolution du tout numérique va jusqu’à permettre à l’exploitant de télécharger par satellite les spots publicitaires eux aussi en versions digitales.

La 3D a bon dos

Mais pourquoi couper aussi Avatar, un blockbuster, sans doute, mais un film pensé et monté au millimètre pendant quatre ans par son omnipotent maître d’œuvre ? « Nous pensons que 2H40 de film en 3D finit par fatiguer et qu’un entracte est bienvenu » justifie Loran Abadie. Pour vendre aussi des confiseries, n’est-ce pas ? « Bien sûr que cela augmente les chiffres de la confiserie » concède-t-il sans hypocrisie, « Nous sommes une entreprise, mais nous ne travaillons pas à court terme« . Sous-entendu, ce n’est pas le premier objectif. « Le Luxembourg et la Suisse ont pour habitude historique de couper les films en deux » se dédouane Abadie. « Les Pays-Bas aussi insèrent des entractes » enchaine un spécialiste du secteur qui préfère garder l’anonymat devant un sujet qui va fâcher, « l’Italie depuis longtemps, la Belgique flamande et ses fameux Kinépolis également, mais pas en Wallonie !« . « La Russie, la Grèce ont des « entractes culturels«  » confirme un autre professionnel de la profession sous anonymat, « les spectateurs se donnent rendez-vous au bar attenant pour parler du film« . Mais pas en France. Cameron aurait ainsi déjà prévu où placer la coupe dans son film en prévision de ces marchés atypiques subodore-t-on sans rien pouvoir prouver. Aux Etats-Unis, le film est bien projeté sans interruption, confirme le journal Variety.

Entracte au forceps

Le Seigneur des Anneaux, King Kong, Harry Potter… après Warner, Sony, Fox, même Disney laisse faire l’exploitant. « Les Pirates des Caraïbes ont été coupés en France« . Une habitude prise à partir d’une durée de 2H30. « La fatigue liée à l’utilisation de lunettes passives pour la 3D n’est pas vraiment crédible » décrypte un des spécialistes incognito. Plus légères (quelques grammes) que les pesantes lunettes actives (30g environ), les lunettes passives s’avèreraient non seulement plus supportables sur la durée mais plus efficace pendant la projection. « Pas d’anomalie selon la place excentrée du spectateur dans la salle » nous explique-t-on. Les multiplexes de CGR n’utilisent plus que le procédé avec lunettes passives, l’éventuel inconvénient de confort ne tient plus guère.

Autant en emporte l’auteur

« Les films de 4h comme Autant en Emporte le Vent ou très long pour son époque, tel 2001 l’Odyssée de l’Espace (2h30) avaient officiellement des entractes » rappelle le critique Gérard Delorme du magazine Première. Les longs films des années 50 et 60 comme Ben Hur nécessitaient d’être interrompus pour changer les bobines. « Stanley Kubrick avait planifié précisément l’entracte de 2001 avec une musique spéciale » explique Delorme. La reprise de la deuxième partie du film commençait avec un écran noir pour mieux préparer le spectateur à l’expérience. « Il semblerait qu’à partir de la limite des 2H20 de film, l’exploitant perd une séance par jour » et pourrait s’autoriser une coupure artificielle. « Il n’y a pas de loi qui interdise aux propriétaires de salles de saucissonner le film à leur guise« , précise Delorme, « Je crois que l’exploitant a tous les droits« . « Il faudrait demander à un juriste » réplique un interlocuteur pourtant bien placé alors que tout conduit vers un vide juridique comblé par des ententes tacites. « Avec un film long comme Avatar, le nombre de séances est réduit » confirme Emma Deleva d’Écran Total, « l’entracte et ses ventes de confiserie sont un bon moyen d’augmenter les recettes annexes et de rattraper l’éventuel manque à gagner. » Celles-ci ne sont pas comptabilisés dans les recettes billetteries partagées avec le distributeur. C’est tout « bénef » pour l’exploitant.

Kubrick / Lucas / Cameron

L’ambition technique, artistique et culturelle d’Avatar douze ans après Titanic confirme que chaque film de James Cameron devient phénomène et place le réalisateur canadien sur le sillon interstellaire laissé par Stanley Kubrick. Un bâtisseur de mondes, un réalisateur dont on ne mesure pas les qualités d’ »auteur » aux moyens qu’il utilise. Bien tardivement, il vient tout juste d’être adoubé d’une étoile sur le fameux Walk of Fame d’Hollywood Boulevard. S’il avait envisagé un entracte, nul doute qu’il l’aurait travaillé avec au moins autant de soin que Kubrick. Comme George Lucas en son temps avec ses cinémas labellisés THX, dont la fameuse salle du Forum des Halles à Paris, Cameron aurait supervisé l’équipement technique utilisant la technologie Dolby 3D du Gaumont Marignan en bas des Champs-Élysées. Ou du moins validé les choix techniques comparables à ceux définis à l’Empire Leicester Square de Londres où a eu lieu la première mondiale du film le 10 décembre.

Pas d’entracte pour les applaudissements

« Le film est tellement bien raconté qu’il passe à toute vitesse » s’enthousiasme sans forcer Gérard Delorme. À quoi bon un entracte ? La richesse visuelle de chaque plan occupe sans ennui chacune des 161 minutes du film. Ce que confirme sans mal chaque spectateur croisé dans la capitale. De la salle culte Max Linder au cœur de Paris qui inaugure sa première projection 3D avec Avatar, aux salles périphériques 2D avec matériel vieillissant d’UGC (et premières minutes anamorphosées puis mal calé en hauteur…), aux salles numériques du circuit MK2 de Marin Karmitz qui n’a pas raté le virage numérique malgré son profil Arts & Essais, les gens applaudissent spontanément à la fin du film. À chaque séance. Des premières du mercredi de sortie comme à celles du dimanche matin hivernal où le public vient en masse au lieu de rester au chaud chez lui. Est-ce le cas en province où la montée en puissance émotionnelle du film est brisée par l’entracte artificiel ?

Omerta

« La Fox, distributeur d’Avatar, a préconisé l’endroit où couper le film » indique sans hésiter un des professionnels anonymes de la profession. « La France est le premier marché du cinéma en Europe« , rappelle-t-il, « Lightstorm Entertainment, la société de James Cameron et son producteur Jon Landau, supervise toutes les données techniques dans le monde et est forcément au courant de tout« . Publiquement, le distributeur du film en France couvre ses arrières, nie en bloc la pratique et monte sur ses ergots : « Nous ne cautionnons pas l’entracte de CGR, c’est une décision de l’exploitant ! » tempête Frédéric Monnereau, directeur des ventes de Fox France, « C’est l’exploitant qui décide !« . Tranquille, CGR assure que projeter Avatar avec entracte dans 200 salles ne peut pas se faire sans que tout le monde soit au courant, ou d’accord. « Harry Potter, Twilight et 2012 ont été coupés« , s’indigne un Monnereau pointant du doigt la concurrence tout en refusant d’endosser la responsabilité, « Pourquoi s’acharner sur Avatar ?« . Parce que le film a été promu comme un prototype grand public susceptible de changer le visage et les anciens usages du cinéma, techniques, artistiques et même commerciaux si l’on se rappelle les 15 minutes de projection offertes dans les salles cet été. Et qu’il tient ses promesses sur tous les fronts. Des soulèvements de paupières de Jake Sully en humain puis en Na’vi qui ouvrent et concluent le film, du premier plan au dernier, Avatar demande à tous d’ouvrir les yeux.

* Depuis sa sortie le 16 décembre en France et le 18 décembre en Amérique du Nord, Avatar a récolté 165,5 millions de $ de recettes à l’international (106 pays) et 76,8 millions de $ aux USA et Canada (chiffres revus à la hausse après premier relevé) le plaçant en 2e position du record de sortie en décembre derrière Je suis une Légende (Will Smith) et le record de sortie pour un film original (non dérivé, non suite, non remake). Sur le continent nord américain le film est présent dans 3542 cinémas comprenant 3129 salles en 3D et 179 salles 3D IMAX pour 60% des recettes). Soit 242,3 M$ de recettes pour un budget estimé entre 200 et 300 M$ pour la réalisation et 500M$ en incluant le marketing.

– Màj : Pour sa première semaine d’exploitation en France du 16 au 22 décembre, le film a attiré 2 648 596 spectateurs répartis dans un parc de 726 salles. Mieux que les derniers records de 2012 et Twilight Chapitre 2. 1 650 000 de ces spectateurs ont vu le film en 3D.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 23 décembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Jeux, vidéo, et culture de masse : l’histoire sans fin

Sans doute en quête de reconnaissance culturelle, le jeu vidéo cherche surtout à se faire connaître au-delà de ses frontières interactives. Nouvel objectif, aller chercher le gamer qui sommeille dans l’amateur de bande dessinée, de vidéo, ou de tout autre loisir faisant aussi appel à l’imaginaire…

Dante's Inferno

GUIDES ILLUSTRÉS DE JEUX, bande originale et même singles, figurines et autres colifichets marketing présentés en objets indispensables, le jeu vidéo n’a jamais ménagé ses moyens pour accompagner la sortie de ses gros titres et entretenir la ferveur consumériste de ses adeptes. Un marketing business servant essentiellement la soupe à postériori aux fans, après la sortie du jeu. Six ans après le modèle Matrix Reloaded qui faisait courir son histoire du cinéma au jeu vidéo (Enter the Matrix) aux animés directement en DVD (Animatrix) jusqu’à la bande dessinée (Matrix Comics), l’industrie du jeu vidéo emboite le pas. La mise en vente des derniers gros titres d’Ubisoft et d’Electronic Arts s’accompagne de plusieurs extensions parallèles avant, pendant et après la commercialisation du jeu. Court métrage semi live, bande dessinée, dessin animé de long métrage directement en vidéo font désormais partie de l’arsenal de communication. Du niveau des novelisations du cinéma (elles existent aussi pour certains jeux, l’univers de Halo par exemple), la qualité du résultat laisse encore à désirer, mais à l’heure des communautés, de la communication et des buzz transversaux, l’idée presque nouvelle impose sa logique.

Pas égaux à la naissance

Il faut comprendre et excuser le jeu vidéo. Contrairement à son grand frère le cinéma, un jeu ne bénéficie pas des retombées médiatiques d’une sortie prestige en salle qui profitent ensuite à la commercialisation en DVD et Blu-ray. En dehors de quelques exceptions et icônes ayant traversé les âges, pas facile pour les héros et créations originales du jeu vidéo de se faire connaître au delà du public acquis. Le Vice-président en charge du développement de l’éditeur japonais Capcom, Christian Svensson, le répétait récemment : « Rien n’est plus difficile dans cette industrie que de lancer une nouvelle IP (Intellectual Property) ». Avant d’expliquer la mécanique inévitable du marché des consoles de jeu. Le prix élevé des consoles, surtout à leur lancement, et des jeux, limite dans un premier temps le marché aux passionnés qui connaissent le sujet. Quand le prix de vente des consoles baisse, les nouveaux consommateurs arrivant sur le marché ignorent presque tout des productions made in jeu vidéo et ont tendance à privilégier les franchises établies. Ce qui explique les grosses ventes de jeux vidéo adaptés de films, de shows TV, ou de bande dessinées alors que, historiquement, il s’agit de productions médiocres.

Mutation en cours

La façon de vendre les jeux en boutique change également révèle la Vice Présidente des ventes de Nintendo of America, Cammie Dunaway, en avouant inhabituellement que les ventes de l’épisode Grand Theft Auto : Chinatown Wars sur DS n’ont pas atteint le volume attendu (sorti en mars 2009, récemment sur PlayStation Portable et bientôt sur iPhone). « Nous avons observé le phénomène avec de nombreux titres DS, nous pensons vraiment que le jeu va continuer de se vendre sur la durée ». A condition de continuer à entretenir la campagne marketing. « Une des choses que nous avons appris ces dernières années c’est que la vieille dynamique consistant à tout balancer en campagne TV pendant quelques semaines pour tout laisser tomber ensuite ne va plus marcher, parce que de nouveaux consommateurs arrivent tout le temps. » Et qu’il faut les informer des produits de qualité encore en rayon. Distribution et revendeurs doivent aussi être en train d’opérer une mutation. Jusqu’à il y a peu, le turn over en magasins était foudroyant. Une grosse sortie chassant l’autre, le back catalogue n’existe presque pas en dehors des magasins ultra spécialisés. Tout le système force à conclure le maximum de ventes dans le minimum de temps. Une logistique qui semble encore en cours avec les grosses machines à blockbusters sur PlayStation 3 et Xbox 360 tel récemment Forza Motorsport 3, Uncharted 2 : Among Thieves, Call of Duty : Modern Warfare 2 et Assassin’s Creed II. Mais sur le point de se modifier. La mise en ligne régulière de contenu supplémentaire, payant, ou parfois gratuit, réactualise sans arrêt le contenu du jeu et rend pérenne la présence du logiciel principal en boite en magasin. L’inédite courbe des ventes durable de jeux DS et de certains jeux Wii l’atteste. Le nouveau combat va consister à réussir à s’incruster et maintenir sa place en magasin.

Nouvelles armes, culturelles

La fédération de passionnés autour de communautés artificielles dédiées à un jeu à venir, aiguisés par exemple avec du marketing viral sur Internet, n’est certes plus nouvelle et continue de fonctionner avec les gamers les plus demandeurs ou les plus candides. La nouvelle dynamique d’intérêt et de curiosité cross disciplinaires que cherchent à atteindre quelques éditeurs, le créatif Ubisoft en tête, se révèle plus culturel. Faire exister l’univers de sa saga Assassin’s Creed avec une bande dessinée (Tome 1 : Desmond, en vente) complétant l’histoire du jeu plutôt que la radotant doit appâter un lecteur de BD vers le jeu. Le début (facultatif) de l’histoire du héros Ezio raconté en ambitieux petits films semi live distribués gratuitement sur Internet complète le hors champ du jeu et doit aussi faire venir vers lui une clientèle branchée sur d’autres médias. Le blockbuster de SF horrifique Dead’s Space sorti l’année dernière avait été précédé par le dessin animé long métrage Dead Space : Downfall conçu uniquement pour le marché vidéo, DVD et Blu-ray. Lui aussi racontait une partie de l’histoire absente du jeu, ou sous entendue. Son éditeur Electronic Arts récidive aujourd’hui en mettant sur le marché de la vidéo un Dante’s Inferno : The Animated Movie précédant de quelques semaines la sortie du jeu début 2010. Une nouvelle « IP » qu’il va falloir faire connaître. De son côté, Sony met à disposition régulièrement sur le PlayStation Store, gratuit ou à tout petit prix, des épisodes de « motion comics » (BD bruitées et légèrement animées) prolongeant les aventures du héros de Uncharted 2 : Among Thieves.

« It’s me, Mario ! »

Après plusieurs décennies d’humiliation face au succès immérité de productions interactives quelconques tirées d’autres médias plus connus, les éditeurs de jeu vidéo auraient donc compris que pour imposer leurs créations originales, leurs propres héros, leurs univers, il fallait à leur tour infiltrer les autres médias. Exister sur le même plan culturel aux officiels rayons BD et ou vidéo. Ventiler sa culture en surface après l’avoir distiller, malgré elle, underground. La prochaine fois que papa, maman, cousin et cousine s’approcheront d’un rayon jeu vidéo, ils devront y reconnaitre des visages familiers vus en BD, DVD, voire au cinéma. Et, avec un peu de chance et de push marketing pluri média, cette fois, il s’agira bien de légitimes productions jeux vidéo. Et le passionné, lui déjà happé par le jeu, sortira aussi peut-être de sa bulle pour en toucher d’autres et suivre une histoire qui n’aura aucune raison de trouver sa conclusion. Tant que ça marche.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 15 décembre 2009 sur Electron Libre)

 


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FORZA MOTORSPORT 3 vs GRAN TURISMO 5 : Les absents ont toujours tort

De l’art et la manière dont regorge Gran Turismo, Forza 3 a du second et pas encore du premier. Inutile de faire semblant, chaque minute de Forza 3 renvoie à son modèle Gran Turismo. Alors regardons en face.

Forza 3

Quatre ans. Il aura suffit de seulement quatre années à la série Forza Motorsport initiée par Microsoft pour se hisser à la hauteur de Gran Turismo. Quatre années qui correspondent peu ou prou à l’OPA technologique que les États-Unis ont réussi à faire sur l’industrie du jeu vidéo japonaise. Dès la première tentative sur Xbox en 2005, Microsoft cachait à peine son objectif : faire sur sa console l’équivalent du fameux Gran Turismo de la japonaise PlayStation 2. Une tâche colossale qui a laissé quelques malheureux candidats sur le carreau (un soupir pour Sega GT sur Dreamcast par exemple). Prêt à tout pour convaincre définitivement le compatriote Electronic Arts alors leader de rallier sa cause sur Xbox, Microsoft a du jour au lendemain accepté de stopper la production de simulations sportives sous sa propre marque dès 2004. Mais tant qu’il s’agissait de concurrencer les productions japonaises impossibles à séduire ou indexer, le géant américain n’a pas lâché prise. Le résultat après trois tentatives progressant à la vitesse de l’écrasante volonté américaine, un Forza troisième du nom, et déjà aussi deuxième essai sur console HD, qui frôle pour de bon la référence toutes catégories confondues.

Gran Turismo, encore au garage

Pendant la même période, depuis le dernier grand rendez-vous Gran Turismo 4 sorti quelques mois avant le premier Forza sur PlayStation 2 en 2005, le maestro de Polyphony Digital est quasiment resté au garage. Le Gran Turismo HD Concept gratuit au lancement de la PlayStation 3, l’esquisse Gran Turismo 5 Prologue en 2008 et la nouvelle démo GT Academy 2010 offerte le 17 décembre prochain sur PSN continuent de teaser un Gran Turismo 5 complet qui joue indéfiniment les timides (mars 2010 au Japon). Et avec raison quand on voit le seuil qualitatif atteint par Forza 3. Mieux valait pour Sony et son studio laisser passer l’orage, observer l’adversaire, analyser les innovations et le fiable mode en ligne, point fort des productions sur Xbox 360. Quitte à se contredire, le célèbre patron du studio japonais, Kazunori Yamauchi, avait déclaré en juin dernier que GT5 était, au fond, prêt à sortir à n’importe quel moment, sous entendu quand son éditeur Sony le souhaitait. Au moment d’annoncer que le jeu ne serait commercialisé qu’au début 2010 et non à Noël 2009 comme supputé par tout le monde, Sony place un panneau descriptif à côté de la démo de GT5 du Tokyo Game Show de septembre qui précise que seulement 65 % du développement du jeu serait terminé. Que croire ? Peu importe. La réalité concrète aujourd’hui se nomme Forza Motorsport 3 et se joue dès cette fin d’année. A condition d’être équipé d’une Xbox 360.

Prise de distance

Forza 3 impressionne d’autant plus qu’il est seul en piste et a enfin compris les détails de mise en scène de l’interface lui greffant le cachet classieux qui lui manquait encore. Après les chocs telluriques Colin McRae Dirt 2 et d’un Need for Speed : Shift bien énervé, la force tranquille affichée et démontrée manette en main par Forza 3 a des allures de maître du jeu prenant de la hauteur. Le blanc des menus, les légers reflets des typos, les quelques lignes fines qui séparent des menus simples et épurés, l’électro chic et neutre de Lance Hayes, même la langueur des chargements entre les menus semble chercher une zen attitude imposant le respect à la Gran Turismo. Car le work in progress du studio Turn 10 appartenant à Microsoft va jusqu’à imiter, sans doute sans le vouloir, les défauts de son aîné. Les chargements bien trop longs des circuits, l’aliasing marqué, voire le petit pop up occasionnel d’un bout de décor, prouvent que la physique des moteurs et de la dynamique des jeux de voitures de ce calibre mangent une belle tranche des capacités de calculs, même des dernières consoles haut de gamme (cela étant dit, Dirt 2 des prodiges anglais de Codemasters, se passe à 99% d’aliasing sur Xbox 360 ET sur PS3).

Replay forever

Plutôt bien conditionné avant d’arriver enfin en piste, l’apprenti pilote ne doute plus de rien une fois la course lancée. Comme toujours, et heureusement, c’est dans l’action et l’échange interactif entre le gamer et le jeu que tout se joue. Plus vive que celle de Gran Turismo, sans doute un rien moins réaliste, la prise en main des voitures de Forza 3 offre tous les plaisirs d’une pseudo simulation. Les mains y croient et la tête suit. Nul doute que l’on pilote tel bolide, que l’on dispute la ligne d’arrivée avec 7 autres concurrents. Surtout, contrairement aux célèbres files indiennes de Gran Turismo, les NPC (Non Playable Cars) adoptent des comportements beaucoup plus excitants tout en restant tout à fait crédibles sur la piste. Les sorties de pistes des adversaires ne font pas forcées, le peloton cache bien son jeu, respecte les mêmes règles de conduite que le joueur, à la merci d’une fausse manœuvre crédible ou d’un dépassement risqué. Comme dans Gran Turismo pourtant, le pilote peut encore jouer sans réelle pénalité les stocks cars indélicats pour franchir un virage ou ouvrir le peloton. Optionnel, l’impact sur la conduite des dégâts visuels et mécaniques se règle à volonté. Il faudra voir quelle route les voitures incassables de Gran Turismo 5 emprunteront après cette leçon de maîtrise. Le premier Forza avait imposé le très malin système de ligne de conduite dessinée sur la route devant la voiture, au point de voir les apéritifs Gran Turismo 5 l’adopter. Polyphony Digital suivra-t-il également Turn 10 avec la mise à disposition totalement à volonté et illimité d’une fonction replay en cours de course, même de carrière officielle, comme l’ose Forza 3 ? Cette innovation conceptuelle inventée par Codemasters dans Race Driver : Grid puis Dirt 2 est en passe de s’imposer comme une option finalement indispensable. Pour les apprentis conducteurs comme pour les amoureux de la perfection, le bouton rewind appartient désormais au set de commandes du véhicule aux côtés de l’accélérateur, du frein et des passages de vitesse. Appuyer rapido sur le bouton Select du rewind avant de heurter de plein fouet la palissade et d’entendre le cash honteux devient éventuellement un mini défi en soi. Chacun y trouvera son utilité, y compris celui de le juger tabou et donc d’apprendre à le contourner. Encore un défi…

Encore un petit effort

Ce que ne fait pas Forza 3 en revanche et que Gran Turismo 5 ne manquera pas de proposer et souligner à sa sortie, c’est offrir des parcours de rallye et une météo variable. Pas de nuit, pas de pluie, pas de neige ou de verglas dans Forza 3, le soleil brille tous les jours dans des décors au rendu inégal, plus arcade à la Sega Rally que vraiment photo réaliste, et les carrosseries qui reflètent tout dans les moindres détails ne s’en portent pas plus mal. Mais en terme de renouvellement de l’expérience de la conduite, la simulation de Microsoft arrive vite à une limite. Même avec un échantillonnage de 400 voitures, et surtout 100 tracés officiels déjà bien souvent parcourus ici ou ailleurs. Toutes les pistes sur goudron renvoient ainsi le même impact de conduite, et beaucoup trop vite dans la structure pourtant assez élaborée du mode carrière, la difficulté se corse surtout en augmentant le nombre de tour des championnats. Le principe de répétition est évidemment inscrit dans toute pratique du sport. Il dessine aussi les limites de l’exercice. Beaucoup plus élaborée de ce point de vue là, la série Gran Turismo arrange ce mal nécessaire en multipliant les variations, les mini épreuves et les franchissements des fameux permis de conduire, test par test, centième de seconde par centième de seconde. Et, surtout, sur le modèle d’un bon RPG, Gran Turismo intègre la digestion progressive de son complexe système de jeu comme faisant partie du jeu lui-même. Efficace et sans doute trop direct malgré quelques fourches de choix, Forza 3 déroule son arborescence avec confiance mais sans magie.

Aîné et cadet nez à nez

Forza n’a plus Gran Turismo dans sa ligne de mire quelque part à l’horizon d’une route sinueuse, mais contre son pare-choc avant sur une ligne droite commune qui ne fait plus de quartier. En ne sortant pas à Noël 2009 et en laissant la passable version PSP Go prendre sa place, Gran Turismo 5 s’est offert un répit de quelques mois. La série de référence finira sans doute par arrêter de snober dans son coin en promettant le Graal de la simulation de conduite et rejoindre la grille de départ. En attendant, Forza est seul en piste* et les pilotes virtuels n’ont pas à se poser de dilemme déchirant.

* En tête aujourd’hui faute de concurrent, Forza 3 ne lâchera pas facilement sa pole position. A peine l’annonce de la nouvelle démo GT Academy 2010 mâtinée de championnats réels tombée le 3 décembre (pour le 17), Microsoft annonce 5 jours plus tard avoir vendu 1 millions de Forza 3 et la disponibilité immédiate d’un pack de nouvelles voitures à télécharger (400 points) ! La course n’est vraiment pas terminée.

François Bliss de la Boissière

 


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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

Septembre 2001, l’Amérique sombre dans la terreur. Octobre 2001, l’administration Bush signe le Patriot Act. Novembre 2001 Microsoft lance sa première console de jeu vidéo et l’Armée américaine s’infiltre sans scrupule dans l’industrie du jeu vidéo.

Huit ans plus tard l’Amérique a presque gagné cette bataille là. Le bouillonnement créatif et technologique du jeu vidéo a quitté le Japon pour les États-Unis et le jeu vidéo dans ce qu’il a de plus spectaculaire s’est totalement militarisé. Le succès commercial et inculturé de Call of Duty : Modern Warfare 2 en est le point culminant. Malgré son avance technologique, le jeu vidéo confirme son retard sur l’histoire…

Call of Duty Bush 02

Du très sérieux Civilization qui privilégiait dès 1991 sur PC les scénarios de conquête militaire aux colonisations pacifiques, jusqu’aux missions en hélicoptères de combat de Desert Strike sur la console Megadrive en 1992, le jeu vidéo n’a évidemment pas attendu les temps modernes pour se frotter aux frissons de la guerre virtuelle. L’arrivée de la 3D au début des années 90 a même ouvert le champ d’action à bien des combats, et les jeux de guerre ont peu à peu occupé une place privilégiée dans le catalogue des éditeurs. La révélation des pouvoirs d’immersion en vue subjective sur un champ de bataille arriva franchement avec le premier Medal of Honor réalisé par Electronic Arts en coordination avec Dreamworks Interactive en 1999, et directement inspiré par l’immersion évocative du film Il faut Sauver le Soldat Ryan. Puisant plus directement encore dans la mise en scène tétanisante de La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, la très efficace série Call of Duty, elle aussi située exclusivement pendant la Seconde Guerre Mondiale, finit par reprendre le flambeau jusqu’à l’épisode Modern Warfare de 2007 déplaçant, contre l’avis de son éditeur, l’action de nos jours.

Infiltration

Rejeton récupéré parmi d’autres du Patriot Act de l’administration Bush, le jeu vidéo s’est retrouvé plus ou moins discrètement instrumentalisé par l’armée au cours des années 2000. Décomplexée au même titre que le reste de l’Amérique entrée en résistance contre le monde, l’armée US lançait sans gêne ni critique son propre jeu de guerre en ligne accessible gratuitement. Aujourd’hui encore elle inspire nombre de productions en offrant ses conseils et l’accès à son arsenal sans qu’aucune instance ne discute et remette en question la présence physique et virale des moyens et des valeurs de l’armée américaine dans l’industrie du jeu vidéo qui, rappelons-le, vise en premier lieu une population masculine entre 12 et 35 ans (nos chiffres d’observation, pas ceux d’un institut mandaté).

Propagande ouverte et sans freins

Le début des années 2000 devint l’époque, par exemple, où le gentil éditeur français Ubisoft et son Rayman vedette sentit le vent venir et commença à tisser des liens privilégiés avec l’armée devenue conseiller militaire, sur ses productions Tom Clancy notamment. Ubisoft prit l’habitude étrange et fort dérangeante de faire intervenir d’anciens militaires braillant des ordres dans ses présentations presse de jeux comme Brother’s in Arms ou Haze sans que cela offusque, il faut le préciser, les journalistes spécialisés conviés à ces messes obscènes. C’est l’époque où l’armée américaine commanda et supervisa auprès du studio Pandemic (qui vient de fermer ses portes suite à la restructuration d’Electronic Arts) un Full Spectrum Warrior, jeu dans le commerce et véritable support d’entrainement aux troupes, redonnant de la dignité et de l’éthique à la simulation militaire virtuelle malmenée par les productions anarchiques du jeu vidéo. Un comble et une honte non bue pour le milieu. Non seulement l’armée s’infiltrait insidieusement dans la production de jeux devenue instrument de propagande (d’un état d’esprit) mais elle donnait, et de belle manière, des leçons de conduite et d’honneur aux faiseurs de jeu. C’est aussi l’époque où l’américain Microsoft est entré de force dans l’industrie du jeu vidéo sur console en injectant et brûlant des milliards de dollars. Huit ans après la sortie de la première Xbox en novembre 2001, deux mois après le 11 septembre, forcément un hasard mais un symbole aujourd’hui stupéfiant, l’OPA américaine non déclarée sur le jeu vidéo a presque totalement réussi. La scène japonaise du jeu vidéo lutte désormais pour survivre face aux gros studios américains capables de toutes les prouesses technologiques. Et le jeu vidéo, comme le reste du monde, subit la politique va-t-en guerre américaine.

Le jeu vidéo en retard sur l’histoire

Au moment où l’Europe et le monde saluent l’anniversaire de la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, où Barack Obama inclut le jeu vidéo dans un nouveau programme d’éducation lié au STEM, qui verra, entre autres initiatives, le jeu Little Big Planet rejoindre les bibliothèques, la partie la plus bruyante et émergée du jeu vidéo et des joueurs célèbre un Modern Warfare 2 qui rejoue très sérieusement une guerre pseudo contemporaine entre américains patriotiques et russes odieux. Dans le jeu, une séquence plus imbécile encore que les autres conduit un américain infiltré au sein d’un commando russe à participer à un massacre de civils dans un aéroport. Une séquence « choc » facultative puisque le jeu offre dès le début le choix – forcément hypocrite et aiguiseur de curiosité – de jouer une version sans les scènes « pouvant choquer », et repose la question avant la scène en question en précisant bien, au moins ça, que le score du joueur ne sera pas pénalisé s’il saute comme proposé cette séquence. Qui aura acheté son jeu 70 € et contournera sérieusement un chapitre ? Manette en mains, confirmons que l’on peut « jouer » la scène en ne tirant soi-même pas un seul coup de feu. Ce qui n’empêche pas d’être obligé de suivre et d’assister pendant de longues minutes au spectacle du massacre à la mitraillette totalement gratuit. Aveugle à lui-même, le scénariste Jesse Stern déclare dans une interview auto satisfaite avoir là exercé son droit à repousser les limites de la narration interactive ! Sans y croire, nous avons essayé de lutter contre le programme en restant totalement immobile – impossible – ou en cherchant à éliminer ses pseudos partenaires russes – impossible également, cela conduit systématiquement à sa propre mort, c’est-à-dire au début de la séquence. Après un moment de stupeur, « absolument tous les joueurs invités à tester le jeu ont fini par tirer sur la foule », révèle le scénariste, « parce que c’est la nature humaine » et que ce n’est qu’un jeu vidéo.

Vieux démons

La réussite des scènes d’action, des spectaculaires mise en en scène et mise en action de COD : MW2 cache une ignorance ou une indifférence crasse des faits du monde par le studio de développement californien Infinity Ward. Une bêtise doublée d’une indélicatesse diplomatique d’un autre âge, pour ne pas dire autre chose, digne des faucons de l’ère Bush, qui a conduit la Russie, honneur oblige et non la censure, à réclamer le retrait de la vente du jeu dans le pays. Une version sans l’épisode en question pourrait y être commercialisée. Aujourd’hui, des associations humanitaires suisses recensent tous les crimes de guerre perpétrés dans les jeux vidéo et demandent publiquement aux développeurs et éditeurs de respecter les règles humanitaires internationales dans leurs productions.

Score de rattrapage

Ultime hypocrisie qui voudrait passer l’éponge, en compagnie de Microsoft et de la chaine de magasins Game, l’éditeur organise en Grande-Bretagne une session de jeux en réseaux de COD : MW2 dont la présence massive de joueurs conditionnera la remise d’une somme à l’association War Child (150 000 £ si 600 000 joueurs se connectent, plus 25 000 £ tous les 100 000 joueurs supplémentaires).
À la pointe de la technologie dès sa naissance dans les années 70, précurseur de la révolution numérique et interactive, le jeu vidéo devenu adulte du côté box office continue en réalité une crise d’adolescence et d’identité qui le laisse à la merci de la première autorité venue. Le service militaire a beau ne plus être obligatoire, à presque 40 ans le jeu vidéo continue de faire ses classes. Dernière minute, Activision confirme la réussite de l’invasion. Depuis son premier épisode, la série Call of Duty s’est vendue à 55 millions d’exemplaires et a généré 3 milliards de $ de recettes. On attend désormais le retrait des troupes promis par Barack Obama.

À lire 1ère partie : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush

François Bliss de la Boissière

(Publié le 29 novembre 2009 sur Electron Libre)

Quelques réflexions inégales mais intéressantes sur la guerre dans le jeu vidéo dans le n°1 des Cahiers du jeu vidéo chez Pix’n Love éditions

Lire également, comment COD : MW 2 a influencé le traditionnel calendrier des sorties de Noël…


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UNCHARTED 2 AMONG THIEVES : Le syndrome du 2

La grosse production exclusive de fin d’année sur PlayStation 3 a bien des qualités que n’importe quel joueur saura sans aucun doute apprécier lui-même manette en main. Le consensus critique autour de cette suite étant cette fois total et indiscutable, rien ne sert de rallier la foule pour dire la même chose. Il reste toujours de la place pour la critique. Dans une longue conversation à distance, Éric Simonovici (alias Garou, ancien pilier d’Overgame) se penchent sur une expérience pas tout à fait vécue de la même façon…

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Bliss : Puisqu’on arrive après la tempête, que tout le monde s’entend pour dire qu’Uncharted 2 est génial et que nous allons le dire aussi, il me semble nécessaire d’émettre quelques remarques critiques. Un regret qui s’adresse autant à l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble qu’au public gamer. A quelques exceptions près, tout le système fait preuve d’une quasi incapacité à reconnaître une réussite au premier jet. Il faut une suite pour vraiment rallier tous les suffrages. Et c’est ce qui arrive à Uncharted 2, salué timidement en 2007 et tout à coup devenu révélation au 2e épisode. Un syndrome assez proche du cinéma d’ailleurs où les numéros 2 et les suivants font généralement bien mieux techniquement et commercialement que le premier épisode, même quand celui-ci est un succès. C’est un phénomène de masse assez désagréable où l’ajout du chiffre 2 conforte le public et même, dans la presse jeu vidéo, la critique installée. Les ventes de de Modern Warfare 2 et Assassin’s Creed II dépassant de très loin celles de leurs premiers épisodes confirment, hélas, à nouveau cet embarrassant systématisme.
Tout ça pour dire que Uncharted 2 est vraiment bien et que c’est la moindre des choses puisque le premier Uncharted était déjà génial. Du touché minutieux à l’exploration presque libre, des gunfights aux corps à corps au ralenti, des escalades à la Tomb Raider, des cascades à la Pitfall, des courses-poursuites en véhicules et, bien sûr, les super crédibles scènes d’acting parfaitement glissées entre les phases de gameplay, tout y était. C’est pour remettre tout cela en mémoire que j’ai justement publié nos avis sur le premier jeu en 2007 et notamment la liste des best of auxquels Uncharted Drake’s Fortune pouvait prétendre. Ce deuxième Uncharted semble cette fois faire vraiment le consensus critique et commercial, tant mieux, mais le jeu ne fait que jouer la surenchère technique du premier, ce qui est logique et attendu.

Éric : C’est logique et attendu mais, en même temps, on sent dans terme « surenchère technique » une connotation légèrement péjorative, l’idée que le nouveau jeu est simplement « le même en plus spectaculaire » et que, quelque part, il ne mérite pas la même attention qu’une suite introduisant des éléments de gameplay supplémentaires. Ce qui est intéressant avec Uncharted 2, pourtant, c’est la capacité de Naughty Dog à tirer parti de la technologie pour créer des situations inédites. La fantastique séquence du train, par exemple, injecte de nouveaux challenges et impose au joueur de repenser temporairement la partie plateformes du gameplay. L’attaque de l’hélicoptère culminant en la dégringolade d’un bâtiment entier met le joueur face à un challenge certes bref mais complètement différent de ce qu’il a pu rencontrer jusqu’alors. Loin de n’être qu’un simple cracheur de polygones, le studio affiche un talent rare : il sait mettre la technologie au service direct de l’expérience plutôt que de se contenter d’embellir des arrière-plans et des décors (ce que Naughty Dog fait cependant aussi avec grand talent). En poussant le raisonnement encore plus loin, on peut même voir dans Uncharted 2 le premier jeu parvenant enfin à concrétiser pleinement la « vision » PS3 : une machine démontrant que la technologie est indissociable de l’expérience, dont la puissance permettrait de brouiller les pistes entre spectacle et interactivité, cinéma et jeu vidéo.

Bliss : Bien sûr, et, encore une fois, heureusement. Et, en effet, Naughty Dog devient un des studios qui réussit le mieux cette fusion des outils technos et artistiques à la disposition du jeu vidéo. Même si cela reste encore du collage, du « mashup », et que les séquences cinématiques, d’acting donc, se contentent de raccrocher les wagons d’un scénario totalement abracadabrant et ne faisant rien d’autres que donner le prétexte de zapper d’une séquence d’action à l’autre, d’un pays à l’autre. En évitant de tomber dans le blasé mais en gardant un certain degré d’exigence et d’ambition pour le jeu vidéo, les qualités de ce Uncharted 2 me réjouissent mais ne me surprennent pas parce qu’en jouant le premier jeu, le joueur y apprenait implicitement que l’accomplissement technique et artistique du studio Naughty Dog sur PlayStation 3 était tel que n’importe quel autre projet, suite ou autre création, ne pouvait être que égal ou supérieur à ce premier exemple. Je reproche le retard à l’allumage du public, et de la presse la plupart du temps, qui se méfie d’un premier titre pour se ruer et crier au génie sur la suite parce qu’il débouche sur toute une logistique commerciale de bégaiement. Alors que, dans une certaine conception de la création artistique à laquelle appartient sans aucun doute les meilleurs jeux, et donc Uncharted, une « suite » n’est jamais que l’écho d’une première œuvre. Même lorsqu’il s’agit de divertissement haut de gamme. J’entends bien que les technologies liées au jeu vidéo encouragent un amortissement budgétaire sur plusieurs épisodes mais cette raison industrielle alimentée par les besoins marketings n’a aucune raison d’être encouragée par la critique et le public à priori non concernés par les coulisses de la fabrication.
C’est ce phénomène du « syndrome du 2 » que je dénonce ici et qui va coûter la vie à un certain nombre de créations originales d’Electronic Arts comme Mirror’s Edge qui n’auront peut-être pas la chance de profiter d’un second round au box office. Je prédis ainsi sans gros effort que cette latence du marché qui freine les créations originales au profit d’un flot de suites se répercutera sur la suite d’inFAMOUS. Le premier jeu sorti cette année est absolument admirable sous tous rapports, porte en lui un vrai génie créatif du jeu vidéo, est fignolé comme un projet accouché dans l’amour pendant des années. Et si les critiques sont bonnes et les ventes sans doute convenables, personne n’a affirmé qu’il s’agissait d’un jeu vraiment « important », qui aura, par exemple, une influence sur les autres développeurs de jeu. Quand inFAMOUS 2 arrivera inévitablement, les superlatifs seront lâchés pour de bon et le marché hurlera sans doute, avec un train de retard, au génie. Je ne défends pas ici une extralucidité qui n’en n’est pas une, mais je souffre de la paresse généralisée qui encourage à la facilité un médium qui peut faire bien mieux. S’il est maintenu comme annoncé, je ne me remets pas encore du 2 derrière le prochain Super Mario Galaxy. Une facilité marketing que Nintendo avait jusque là contourné à coups de jeux concepts. Le marché et sa vision à deux temps semblent avoir gagné.

Éric : Je suis d’accord pour dire qu’il y a souvent des cas où une suite rencontre plus de succès que l’original. En revanche, je trouve assez injuste de mettre systématiquement le phénomène sur le dos d’une critique ou d’un public joueur frileux. N’y ayant pas joué depuis sa sortie en 2007, je n’ai que très peu de souvenirs d’Uncharted (ce qui, en soi, en dit probablement long). Mais la description que j’en faisais dans un article de l’époque – soit un titre sympathique mais un peu dispensable – me semble coller. Si le second volet fait à ce point l’unanimité, j’aime à penser que c’est tout simplement parce qu’il s’agit d’un meilleur jeu, phénomène relativement naturel quand on y pense. Combien de premiers jets ont finalement été qualifiés de « brouillon » quand la suite est sortie (c’est encore le cas tout récemment d’Assassin’s Creed, dans une critique du numéro deux rédigée par Joystiq) ? Puisque les studios démarrent le développement de la seconde version avec l’expérience et le savoir faire que leur a procuré le développement de la première, n’est-il pas logique de constater une différence qualitative entre les deux, différence pouvant parfois être assez significative pour recueillir – peut-être tardivement, comme tu l’estimes – le plébiscite critique et public ? Dans le cas d’Uncharted 2, il me semble que Naughty Dog réussit beaucoup mieux à concrétiser des ambitions certes déjà présentes dans le premier volet : une expérience cinématique inspirée du grand film d’aventures, un jeu mélangeant harmonieusement exploration, résolution d’énigmes, plateformes et action. Non pas que le premier était déméritant puisque, comme tu le dis, tous les composants de base étaient là ; mais le studio les assemble désormais avec un sens du rythme beaucoup plus affuté, tu ne trouves pas ?

Bliss : Absolument. Pour un studio du niveau de Naughty Dog, dont le travail qualitatif se vérifie de génération en génération, de Crash Bandicoot sur PSone à Jak and Daxter sur PS2, puis Uncharted sur PS3, le progrès d’une suite à l’autre n’est pas que technique. Tous les postes en profitent. Le sens du rythme narratif se retrouve dans la construction en flash-back d’Uncharted 2 par exemple. Le jeu démarre mystérieusement sur une séquence ultra spectaculaire avant de remonter les évènements ayant conduit à cet instant, à la façon du film Mission Impossible III de J.J. Abrams. Un procédé emprunté au cinéma lui-même venu des séries TV qui fonctionne très bien dans le genre « serial » où évolue Uncharted. Gageons que cette méthode trouvera des émules dans le jeu vidéo. Par contre je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’idée de « premier jeu brouillon » qui ne serait que la répétition maladroite du jeu n°2 qui aurait toutes les qualités seulement esquissées dans le premier. Probablement vrai dans certaines productions mal produites et sans le sou, cela ne s’applique pas à Uncharted. Naughty Dog a travaillé des années sur le premier Uncharted. Le studio aurait même dû être en première ligne pour représenter la PS3 à son lancement. Sony a eu l’intelligence de laisser le temps au temps et Naughty Dog a pris celui nécessaire pour maîtriser la PS3 et développer son jeu dans les moindres détails. Il y a dans Uncharted 2 des petites approximations de collision, de distance (Nathan s’accroupit pour ramasser des munitions à 3 mètres de lui), des raccourcis grossiers de pathfinding du 2e personnage non contrôlable et même un gros bug d’affichage (Nathan passe à travers le décor brusquement inexistant) croisé par accident qui n’existaient pas dans le premier Uncharted. Probablement grâce à une période de débogage originale beaucoup plus longue que celle qui sépare les 2 années entre les 2 jeux. Et, évidemment, moins de séquences aussi complexes. En terme de gameplay, le touché du premier jeu était parfait. Les gunfights avaient déjà toute leur précision, de même que les phases d’acrobaties. Je considère par exemple une déception que la possibilité de se balancer au bout d’une corde soit aussi raide et limitée dans Uncharted 2 que dans le premier alors qu’elle devrait désormais faire partie des aptitudes de base du héros. D’après ce que je peux remarquer, ce sont les bagarres au corps à corps qui ont subit l’amélioration la plus sensible du gameplay original. Ralentis, richesses des gestuelles, anticipation des intentions du joueur, l’effet cinétique et sensoriel de ces échanges de coup de poings – très proches de ce que fait à répétition Batman dans Arkham Asylum – se vivent et se jouent de manières d’autant plus agréables qu’elles restent occasionnelles, voire facultatives. En plus, il semble y avoir un nombre assez déroutant d’animations liées à ces corps à corps. Je me suis vu en train d’accomplir une chorégraphie totalement inédite de coup de poings/coup de pieds dans la dernière partie du jeu ! Tu remarques d’autres franches améliorations du gameplay à part l’évidente intelligence des situations spatiales, de l’architecture des niveaux ?

Éric : Mis à part ce que tu cites déjà, je n’ai pas été noté l’introduction d’éléments de gameplay radicalement différents par rapport à la première version. Ce qui, quand on y pense, est tout à l’honneur de Naughty Dog. Je lisais il y a quelques semaines un excellent article à propos du « minimalisme d’Uncharted 2 », presque un titre clin d’œil vu le tour de force technique que représente le jeu. Mais si effectivement les développeurs semblent complètement se lâcher côté visuels et sons, le mot d’ordre semble avoir été less is more pour le gameplay. Pas de séquence RTS, de skill tree, d’inventaire extravagant à gérer… On sent que Naughty Dog a démarré avec une idée extrêmement claire du concept et, durant le développement, a pris garde de ne pas s’éparpiller ou bien de compromettre inutilement cette vision, une rigueur et une discipline rare (aux antipodes d’un Brütal Legend, pour ne citer que lui) qui a laissé aux designers le temps de peaufiner chaque élément jusqu’à la quasi-perfection. Si Uncharted 2 démontre quelque chose, c’est d’abord la puissance du fameux polish.

Bliss : Comme dans le premier Uncharted, le son a une présence aussi remarquable que le visuel. J’adore toujours le bruit singulier de noisettes croquées au ramassage des munitions. Je le disais déjà pour le 1, ça rejoint le niveau culte de celui des recharges de Half-Life. La partition musicale, éminemment cinématographique, pique beaucoup d’accords à droite à gauche au cinéma. Un best of émotionnel surjouant la dramatisation de certaines séquences qui n’en méritent pas tant en terme de situations. En fait, cela réveil en nous des conditionnements émotionnels liés à l’utilisation de la musique au cinéma mais, dans l’absolu narratif, vu l’absurde de chaque scène, la réalisation en fait beaucoup trop. En même temps, manette en mains, essoufflé après telle ou telle séquence spectaculaire, on a tellement envie d’y croire jusqu’au bout qu’on finit par accepter ces outrances grossières.

Éric : Ce qui m’a surtout frappé de ce côté, c’est le menu d’options presque aussi détaillé que celui d’un disque Blu-Ray : piste 5.1 ou 7.1, son plus ou moins compressé… La possibilité de sélectionner la taille de son enceinte centrale est même présente. Ces détails n’intéresseront peut-être qu’une minorité de geeks, certes, mais cette irruption du home cinéma dans le monde du gaming confirme la volonté de Naughty Dog de faire d’Uncharted 2 une expérience cinématique à part entière – et, encore une fois, concrétise pleinement les ambitions hybrides ciné/jeu vidéo de Sony. Sans oublier la pure satisfaction que procure la dynamique incroyable de la bande-son, laquelle implique presque physiquement le joueur au sein de l’univers virtuel lorsqu’une explosion ou un glissement de terrain fait littéralement trembler son salon. Il est vrai que c’est parfois un peu sur-joué, mais le résultat reste cohérent vu le sujet : les créateurs ne visent pas la sélection cannoise mais les pulp fictions et le roman de gare. S’il faut reprocher quelque chose à Uncharted 2, c’est, comme tu l’as suggéré plus tôt, de se contenter une fois de plus (à l’instar d’une grande majorité de la production jeu vidéo blockbuster) des conventions archi-rabattues du cinéma de genre : science-fiction, fantasy, aventures, guerre, etc. Peut-être le médium n’est-il pas encore assez mûr, adolescent avide de bruit et de situations bigger than life afin de (se) prouver qu’il peut faire aussi extravagant que son modèle avoué ? Peut-être qu’une fois cette étape nécessaire franchie, une nouvelle production se dessinera, plus singulière et plus sophistiquée ? On ne peut que spéculer bien sûr mais si le ciné-jeu d’inspiration série B doit un jour tomber en désuétude, Uncharted 2 restera certainement comme l’un de ses représentants les plus mémorables.

Bliss : Et si nous donnions un exemple précis de scène réussie ? Car il faut bien l’avouer, si chaque petite portion interactive a rarement une grande originalité, l’enchaînement des instants de jeu capables de passer du plus petit événement au plus grand pour créer une longue et haletante séquence a quelque chose d’unique. Un peu forcé dans l’ensemble, je trouve, le chapitre d’infiltration dans un palais oriental a des faiblesses (les gardes ont une vision courte en cône à la MGS, les boitiers de déverrouillage des portes sont quasiment au-dessus des grilles… !) que l’on ne retrouve pas vraiment ailleurs. Une longue séquence sur le toit d’un train en marche notamment laisse des traces. A tel point que sa conclusion apparaît au début du jeu avant d’être rejouée plus tard dans son intégralité. J’y ai particulièrement apprécié le fait que le décor change pendant le long trajet pour vraiment conduire quelque part. On part de la jungle pour finir dans les montagnes enneigées avec une cohérence géographique faisant bien illusion. Surtout sans interruption. Et puis bien sûr, joué dans la profondeur de l’écran plutôt qu’en scrolling latéral, l’exercice classique de sauts de wagons en wagons renouvelle la chose tout en envoyant bien des clins d’œil. Notamment au cinéma, les westerns habituels mais aussi le long périple dans la neige de l’excellent Runaway Train de Konchalovsky (1985). Une bagarre aux coups de poing sur le toit d’un train en marche ça marche toujours. Surtout quand il faut baisser la tête ou se suspendre in extremis sur le côté des wagons pour éviter les obstacles. La séquence enchaîne toutes sortes de micros actions avec une approche physique presque toujours inédite et spectaculaire qui fait qu’on y croit à chaque instant. Y compris des passages et des échanges de coups de feu et de poings à l’intérieur des wagons, des tirs au sniper alors que le train s’engage sur un parcours sinueux rendant les cibles fuyantes… Très malin à plusieurs niveaux, le clou du show où Nathan, toujours entrainé par le train fou, doit éliminer un hélico qui le canarde à distance, apporte la preuve tangible que le paysage traversé depuis des kilomètres a une véritable existence spatiale et ne se réduit pas à un trompe l’oeil. Mine de rien, cela valide tout le trajet et ses péripéties.

Éric : Je garde particulièrement en mémoire (comme beaucoup de joueurs, probablement) l’attaque de l’hélicoptère durant l’exploration des immeubles du chapitre six, pour le spectaculaire bien sûr mais aussi parce qu’elle me semble illustrer à la perfection une partie de l’approche adoptée par Naughty Dog. On a déjà parlé de rythme pour qualifier Uncharted 2 et s’il est effectivement important de savoir l’établir, il est également crucial de savoir quand le brutaliser. Dès les premières minutes, l’imprévu est là : les tuyaux plient et se tordent, les lianes cassent, la pierre sur laquelle on avait prise s’effrite… Constamment, le jeu semble montrer la voie et présenter « la » solution avant d’atomiser celle-ci d’une manière ou d’autre, déjouant les attentes et forçant à repenser immédiatement sa stratégie. On pourra donc voir dans l’irruption de cet hélicoptère la manifestation presque littérale du designer sadique bombardant ses propres niveaux afin de saboter les projets du joueur. On pourra aussi y voir une séquence action à la construction exemplaire : un puzzle plateforme à priori simple voit son rythme inexorablement accélérer alors que les roquettes fusent et que les murs s’écroulent. Un crescendo destructeur qui atteindra son paroxysme avec l’effondrement d’un étage entier, tour de force technique présentant le challenge ultime : quelques secondes seulement pour prendre la bonne décision – ou mourir.

François Bliss de la Boissière et Éric Simonovici

 


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Avatar joue à cache-cache sur le Xbox Live, où comment faire dire ce qu’on veut aux absents

Depuis quelques jours un extrait exclusif du film Avatar joue les effarouchés sur le Xbox Live. Annoncé par Microsoft pour une diffusion exclusive pendant trois jours entre les 17 et 21 novembre pour mettre en scène la transition des services de VOD de la Xbox 360 en streaming qualité HD version « Zune », le dit extrait n’a en réalité été disponible que pendant 24H avant de se volatiliser sans explications. Coût humain de la recherche de l’Avatar fantôme ? Deux siècles. ENQUÊTE (de geek)…

La disparition d’un élément digital dans la profusion disponible sur de multiples plateformes peut sembler un détail, mais un détail à rendre fou quand il s’agit de chercher dans la multitude d’onglets et d’accès transversaux des menus de la Xbox 360. Surtout quand l’objet de la recherche, présent un jour, absent le lendemain malgré les annonces datées, disparaît sans prévenir. Aussitôt parti en quête de réponses en bon journaliste nouvelle génération geek, la petite enquête a vite tourné au jeu de ping-pong entre avatars de Ponce Pilate. « C’est la faute à personne. Vous êtes sûr ? Et puis, quelle importance ? ». Ah il était effectivement très beau l’extrait de 4 minutes du film Avatar. Une scène quasi complète de course poursuite dans la jungle de Pandora vraiment disponible nulle part ailleurs (elle traine désormais en petite définition sur le net), réellement lisible au format HD 1080p (conditionnée à la qualité de la bande passante), curieusement recadré au format 1.78 alors que le film en salle de cinéma sera en cinémascope, mais en pure VO avec des sous-titres français. Une exclusivité en ligne et gratuite à faire rougir la PlayStation 3 de Sony, ses beaux disques Blu-ray et son tout nouveau catalogue de VOD qui ne comprend pas, lui, d’extrait d’Avatar.

Dommage et désintérêts

Aller poser la question avec insistance du pourquoi de la disparition d’un simple extrait de film aux éventuels et insaisissables responsables ne serait que dérisoire et obsessionnel si les enjeux derrière ce genre d’exclusivité n’étaient pas aussi considérables. Avec ses 500 millions de budget estimé et sa révolution technologique 3D attendue, le film de James Cameron EST l’événement incontournable de fin d’année, avec ou sans le push marketing. Tout le monde connecté a été forcément sensibilisé au teaser lâché sur Internet en août dernier simultanément aux 15 minutes projetées gratuitement dans une douzaine de salles de cinéma en France. Quand Microsoft fait valoir son exclusivité Avatar dans un communiqué de presse qui sera repris par les magazines spécialisés puis par tous les passionnés, ce n’est pas anodin. Faudrait-il aller jusqu’à réclamer des dommages et intérêts pour effet d’annonce exagérée, promesse non tenue et désinformation de sa clientèle ? Sans compter la déception émotionnelle des passionnés déboutés. « Sans doute un problème technique, pas de quoi s’inquiéter » lâchent les porte-paroles de Microsoft en plein mini black-out Avatar qui ne concernerait, au fond, pas grand monde.

La faute à qui ?

« Un problème de droit peut-être, de malentendu sur la durée de l’exclusivité », tente le journaliste en quête de goûteux ratages de communication entre big companies. « Le deal est prévu de longue date, ce n’est pas une improvisation » lui rappelle-t-on. Oui mais le reste des nouveaux services de VOD fonctionne très bien. Qu’une défaillance technique tombe justement sur Avatar paraît tout aussi improbable. « De toutes façons tout est décidé et conçu des États-Unis ». Classique, et sans doute vrai. Même indifférence, prudence, puis renvoi aux puissants américains où tout se joue, du côté de la Fox, distributrice du film. « Il faut demander à Microsoft, c’est leur exclusivité ». On insiste, tant pis pour la réputation de geek. Une deuxième voix lève un peu le voile sur une procédure technique qui implique bien un minimum la France. « Les bureaux de la Fox à Los Angeles nous ont fait parvenir l’extrait que nous avons localisé (placements de sous-titres français) avant de leur renvoyer » avoue Fox France. Microsoft prend alors le relai de la mise en ligne mondiale. Une esquisse de making-of qui ne dit pas qui est responsable du retrait de l’extrait et pourquoi. « Le contrat d’exclusivité comprenait peut-être trois jours pour n connexions » avance avec une belle pertinence le représentant de la Fox. Le nombre de consultations autorisées par l’accord a peut-être été atteint en 24H. D’où le retrait de l’extrait avant l’écoulement des trois jours annoncés. Voilà au moins une logique. Il manque les explications publiques qui éviteraient de penser que Microsoft et la Fox essaient de faire passer l’incident inaperçu.

Distribution de chiffres

Au jeu comptable que Microsoft ne manque pas d’exploiter pour se féliciter de la popularité de son Xbox Live, il suffit d’imaginer que si la moitié seulement des 20 millions de connectés au Xbox Live (recensement de mai 2008) a tenté, en vain comme nous, de lire cet extrait en le cherchant pendant, au moins, 10 minutes, cela totalise 1 million six cent soixante six mille six cent six heures de temps perdu. Revenons à l’essentiel. 1,66 millions d’heures de vie humaine gaspillées en vain, c’est à dire 69 444 jours, où 190 ans. Presque deux siècles ! Un détail. En d’autres circonstances moins obscures, un communiqué triomphant aurait pu annoncer qu’avec n millions de lectures de l’extrait d’Avatar sur Xbox Live par n millions d’utilisateurs, le XBL fait la preuve de son efficacité sur la concurrence. Cette annonce là ne verra sans doute jamais le jour.

Absence exclusive

Actuellement, l’onglet Avatar résiduel de notre Xbox 360 ne donne accès qu’à un message d’explication : « La licence de cet élément a expiré. Pour le relire, relouez-le sur le Marché vidéo. Status code : 803c0009. » Un message standardisé, on l’aura compris, puisque l’extrait ne se loue ni se télécharge mais se consultait en streaming. Un nombre limité de fois ? Sur une durée limitée dans le temps par utilisateur ? Peut-être, mais rien ne le dit nulle part.
Aligné comme chaque année sur le Thanksgiving festif américain, Microsoft lance aujourd’hui son Xtival d’hiver qui donne accès à de nombreuses activités musicales, ludiques et sociales sur le réseau Xbox Live. Des réductions de prix et un accès Gold temporaire à tout visiteur permet de goûter les services. Au paragraphe film du communiqué des festivités, Microsoft annonce, et sans plus d’explications sur le précédent disfonctionnement, la présence d’un trailer de 4 minutes du film Avatar à partir du 27 novembre jusqu’au 29 ! S’agira-t-il du même extrait ? Le mot employé est différent, l’adjectif exclusivité a disparu mais la durée de 4 minutes reste identique.
Disparition mystérieuse de l’extrait, absence d’explications publiques, réapparition opportuniste et encore fumeuse, toujours sans explications… à défaut d’être fiable et en 3D, Avatar sur Xbox 360 flirte déjà avec la 4e dimension.

François Bliss de la Boissière

(Publié le 27 novembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes : le triomphe à retardement de l’ère Bush (1ère partie)

La production interactive d’Activision-Blizzard, filiale de Vivendi, vient de battre les records de sortie d’un jeu vidéo, et plus. Chiffres et communiqués nous martèlent que, depuis sa sortie le 10 novembre, les ventes sur Xbox 360, PlayStation 3 et PC ont explosé tous les records de lancement d’un produit de divertissement. Cinéma compris. Seul hic dans ce triomphalisme ambiant, le jeu en question est un jeu de guerre. Et les chiffres ne disent pas tout. Techniquement impeccable mais scénaristiquement imbécile, il rejoue le tête-à-tête russo-américain de l’après guerre au moment où l’on célèbre la chute du mur de Berlin…

Call of Duty Bush 01

Pas de quoi se réjouir pour une industrie du jeu vidéo en mal de reconnaissance culturelle et artistique. COD : MW2, petit nom agréé du 7e chapitre d’une série lancée en 2003, bat au box office la sortie du jeu vidéo Grand Theft Auto 4, dernier record en date. Un jeu de guerre succède donc à un jeu de gangsters (précisons-le avant lapidation, l’un et l’autre sont loin du niveau de films comme La Ligne Rouge de Terence Malick, ou du Parrain de Francis Ford Coppola). Soit, selon les chiffres de GFK reportés par l’éditeur : 376 000 exemplaires et 25,5 M€ de recettes générés en cinq jours en France pour COD : MW2 (1,7 millions d’exemplaires vendus en une semaine en Grande-Bretagne, 3 millions en Amérique du Nord), contre 320 000 exemplaires de Grand Theft Auto IV en 2008 pour 24 M€. Et l’éditeur d’aligner les comparaisons en France avec le DVD de Bienvenue chez les Chtis (17,1 M€) et le dernier tome d’Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (12,6 M€). Puis dans le monde. 550 millions de $ de recettes en cinq jours qui battent les films Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (394 M$) et The Dark Knight (203,8 M$) et, enfin, le jeu, tenant du titre, Grand Theft Auto IV (500 M$ pour 6 millions d’exemplaires). La réalisation de COD : MW2 aurait coûtée entre 40 et 50 M$ là où celle de Grand Thef Auto est réputée avoir atteint les 100 M$.

Comment faire parler les chiffres

Petit rappel démographique devant ces chiffres tsunami intellectuels. À 70 € le prix de vente en moyenne, les 25,5 M€ de recettes du jeu Call of Duty : Modern Warfare 2 en France représentent une population d’à peu près 360 000 acheteurs comme le dit le communiqué de l’éditeur. À 20 € en moyenne le prix de vente du DVD, les 17,1 M€ de recettes de Bienvenue chez les chtis correspondent à 850 000 acheteurs environ, et au moins autant de spectateurs familiaux associés, soit 2 à 4 fois plus de personnes que le jeu vidéo qui bat tous les records. L’impact du lancement tonitruant du jeu a plus d’effet dans les médias que dans la population. Et les records chassant l’autre, la sortie du 2e chapitre Twilight au cinéma mercredi 18 novembre bat les records d’entrées aux USA (72,7 M$ dès le premier jour, « 3e meilleur démarrage de tous les temps », 258,5 M$ en fin de week-end, juste derrière le record de The Dark Knight) et, en France, 2,1 millions d’entrées en 5 jours qui le place en 2e place des records de sortie. Le jeu Assassin’s Creed II sorti la semaine dernière s’est écoulé lui-même à 1,6 millions d’exemplaires dans le monde en 7 jours.

Dérive culturelle

Le pouvoir éblouissant du box office et tout serait dit. Les records mondiaux de ventes de jeux vidéo à leur sortie se félicitent ainsi de voir une simulation de troufions, littéralement aux ordres pendant le jeu, embarqués sur différents fronts russo-américains imaginaires succéder à une simulation de vie de gangsters dans un New York outlaw. Ces jeux officiellement pour « adultes » sans autre vertu que le pouvoir du spectacle et de la violence interactive provoquent la ruée simultanée de millions de jeunes hommes dans les boutiques. Ainsi, 5,2 millions d’heures de jeu en réseau auraient été enregistrées sur le Xbox Live dès le premier jour. Soit 2 millions de joueurs se jetant à cœur (et intellect) perdu les uns contre les autres, en équipe ou pas, dans une guerre virtuelle qui les réjouit. Comment le jeu vidéo que l’on croyait enfantin, représenté pendant ses 20 premières années par des mascottes animalières (Sonic) ou inoffensives (Mario) en est-il arrivé là ?

Descente aux enfers

Même relativisé, le succès colossal de ce Modern Warfare 2, ultime représentant du jeu vidéo adoubé par ses chiffres de vente, descend ainsi d’une tragique évolution du jeu vidéo qui n’aurait peut-être pas atteint ce déplacé paroxysme du box office militaire si le cours de la grande histoire avait pris une autre tournure. Même si la tendance à la militarisation du jeu vidéo était déjà sensible à la fin des années 90, le choc du 11 septembre 2001 se répercuta très vite dans les allées de l’E3, le – alors – fameux salon annuel du jeu vidéo de Los Angeles. Pas du tout menaçante mais en promotion permanente, la présence de l’armée s’y manifesta de plus en plus ouvertement. Véritable hélicoptère posé sur l’esplanade, descente en rappel de militaires à partir d’un hélico en suspension, stand de l’armée à peine camouflé au milieu de ceux de jeux eux aussi décorés en forts retranchés… Au point de ne plus savoir si le militaire en uniforme circulant dans les allées du salon aux côtés des trolls, dragons, guerrières dénudées et autres peluches géantes de Pac-Man ou Mario, étaient de vrais soldats ou des figurants déguisés.

Drapeau blanc

Lors d’une rencontre à cette époque avec Shigeru Miyamoto, grand maître d’œuvre créatif de Nintendo, nous lui avions demandé ce qu’il pensait de voir le salon du jeu vidéo se transformer de plus en plus en warzone et l’industrie prendre ainsi les armes. Polie, sa réponse resta évasive et diplomatique, rappelant simplement que Nintendo s’intéressait à d’autres voies. Aujourd’hui, la réponse radicale de Nintendo à cet état de crise hystérique du jeu vidéo et le drapeau blanc tendu entre les joueurs se nomme DS et Wii et a pris la forme d’une démocratisation du jeu vidéo en social gaming.

Lire aussi… : Call of Duty Modern Warfare 2, 550 M$ de recettes / le triomphe à retardement de l’ère Bush (2ème partie)

François Bliss de la Boissière

(publié le 27 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Sauve-qui-peut Electronic Arts

Licenciements, recrutement, fermeture de studio mais aussi acquisition de nouvelle structure, changement radical de politique éditoriale, depuis une vingtaine de jours l’ex n°1 du jeu vidéo accumule des mesures azimutées. Officiellement, tout va bien.

saboteur EA

Déconcertant comment le discours d’une entreprise se voulant rassurant et en plein contrôle pour les marchés financiers donne l’impression de gérer au coup par coup un sauve-qui-peut généralisé. Hier n°1 mondial du jeu vidéo avec ses Sims, ses licences de sport, et autres Spore, candidat glouton débouté à l’OPA sur notre presque national Ubisoft en 2004 puis au rachat de Take-Two Interactive en 2008 (où se niche la pépite Grand Theft Auto), Electronic Arts (EA) cherche aujourd’hui sa voie et à économiser 100 millions de $ par an. Début 2009, l’entreprise fondée en 1982 par le vénéré et dynamique Trip Hawkins depuis longtemps parti voir ailleurs, annonçait une réduction d’effectifs de 11 % (1100 emplois) et la fermeture de 12 bureaux. Le bilan sera plus lourd encore.

Emplois « abolits » pour raisons professionnelles

Du côté ressources humaines avec ses 1500 licenciements (1300 faisant partie d’un plan de « restructuration »), dont une bonne partie d’emplois « abolits » au Canada, comme le formulent nos amis québécois, la réduction de 17 % des effectifs d’ici fin mars 2010 coûte cher dès aujourd’hui.
Du côté consommateurs, gamers donc, premières cibles de l’éditeur, les réductions de personnels visant des équipes bien connues ou les fermetures niées puis avérées de plusieurs studios n’envoient pas un message aimable non plus. Les licenciements ou parfois mutations ont, semble-t-il, affecté des studios comme Maxis ayant travaillé sur Les Sims puis Spore du bien aimé Will Wright ayant quitté le bateau dès avril 2009, Mythic Entertainment (Ultima et Warhammer Online), Black Box (Skate, Need for Speed), EA Tiburon (Madden, Tiger Woods), l’équipe de Command & Conquer. On sait que la production de jeux vidéo fonctionne de plus en plus comme celle des films et que les équipes se constituent et grossissent autour des projets avant de se disperser. Mais chaperonnées par les éditeurs, les structures des studios se maintiennent généralement pendant que les talents circulent d’un projet à l’autre. Venus en tournée promotionnelle à Paris le mois dernier, les créateurs du jeu Saboteur vont pourtant se retrouver sans foyer professionnel aussitôt le jeu dans le commerce le 10 décembre. La décision quand même hasardeuse de sortir une nouvelle IP (Intellectual Property) comme The Saboteur juste avant Noël appartenait bien à EA nous avait confié Chris Hunt, responsable artistique de Pandemic Studios crée en 1998, acheté par EA en 2007 et dont la majorité des 200 employés vont chercher du travail puisque ce studio fait partie de ceux qui ferment leurs portes. Qui sabote qui est-on tenté de demander. But entrepreneurial de la manœuvre : « Réduire la taille de son portfolio et se concentrer sur des opportunités offrant plus de marge ». Avec de la paumade quand même. « Licencier des employés et fermer des installations n’est jamais plaisant, » a tenté le CEO John Riccitiello à la recherche d’une pilule anti douleur à faire avaler, « nous avons beaucoup de compassion pour ceux concernés, mais ses coupes sont essentielles pour transformer notre société ».

Dans l’espace commercial personne ne vous entend crier

Douze titres originellement prévus ne verront pas le jour et, puisque le mystère court encore sur les titres concernés, suites ou projets jamais annoncés, le pire reste à craindre. Depuis le retour en 2007 du vétéran d’EA John Riccitiello avec cette fois les pleins pouvoirs, forcé à muter suite à l’essoufflement des licences annuelles, de son fonctionnement pyramidale nivelant les talents comme l’avouait Riccitiello en prenant ses fonctions, et à la montée en puissance d’Activision que la fusion avec Vivendi et Blizzard (et ses 12 millions d’abonnés à World of Warcraft) en 2007 a propulsé n°1 du secteur, l’éditeur américain avait engagé une réjouissante politique d’édition. Dans le registre de ces nouveaux chefs d’entreprises jouant les mea culpa et l’empathie, Riccitiello avait en quelque sorte entériné l’échec des suites à répétition et prôné la créativité. Les forces vives d’EA ont ainsi pu être en position de lancer, pour la première fois et de façon presque massive, plusieurs nouvelles IP (Intellectual Property). L’accueil public timide de ces échappées se cristallisa fin 2008 autour des ventes insuffisantes du pourtant innovant Mirror’s Edge et des difficultés à imposer un Dead Space à l’accueil critique légitimement dithyrambique. Parallèle aggravant, dans le flux de nouveaux projets, EA avouera ne pas avoir saisi assez vite l’importance de la Wii et a basculé trop tardivement un nombre conséquent de ressources au marché familial ouvert par Nintendo.

Le blockbuster vaincu par le social gaming

L’annonce, en plein maelström humain, de l’acquisition pour 300 millions de $ de la société Playfish spécialisée dans le développement de jeux sociaux à petits budgets (Pet Society, Restaurant City… 150 millions de jeux installés et joués dans le monde) sur MySpace, Facebook, Google et iPhone, indique bien un revirement vers un système de productions plus modestes et moins coûteuses. Playfish fonctionnera dans la structure EA Interactive de la société qui travaille déjà sur des jeux web et mobiles. Est-ce le début de la fin de productions à la rentabilité désormais trop risquée de blockbusters à gros budgets chez EA ? Les ventes encore une fois trop paisibles d’un jeu mature sur Wii avec le récent Dead Space Extraction signera sans doute déjà l’arrêt de ce type de tentatives sur la console de Nintendo. Toujours pas officiellement confirmée, la suite officielle high-tech du célébré Dead Space devrait néanmoins être mise en chantier puisque toute l’équipe de Visceral Games autour de cette production initiale ne s’est apparemment pas volatilisée, mieux, elle recrute (les professionnels de la profession apprécieront). Mais plusieurs projets de jeux ambitieux avec Steven Spielberg ne donnent justement plus de nouvelles depuis des mois. Plus dramatique encore, c’est la politique de création de nouvelles franchises et donc de prise de risques qui devrait être la première remise en question. « It’s in the Game » scande depuis des années les pubs EA. Retour aux affaires, 2007-2009, le quart d’heure américain d’Electronic Arts n’aura duré que deux petites années.

François Bliss de la Boissière

(publié le 25 novembre 2009 sur Electron Libre)

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Le fol échiquier des sorties jeux vidéo d’un Noël qui n’en finit pas

Tel un pion capital sur un échiquier virtuel, Sega vient de placer la sortie de son important jeu japonais Bayonetta sur la date du 8 janvier en se vantant d’être le premier jeu de qualité AAA à sortir en 2010. Il rejoint en réalité un bataillon effroyable de blockbusters ayant esquivé Noël pour se tasser, cette fois, au premier trimestre de l’année. La gestion un peu folle du calendrier pourtant capital des sorties de jeux vidéo ressemble à un jeu d’échec qui chercherait encore une règle du jeu commune.

échiquier

C’est une tradition pas unique au jeu vidéo mais bien incrustée dans les mœurs de l’industrie interactive depuis au moins 20 ans. La ruée vers l’or collective a lieu dans les semaines précédant Noël. Un jackpot qui représentait il y a encore quelques années 60 % du chiffre d’affaire annuel. Un cauchemar économique et culturel pour les gamers réguliers qui voyaient les meilleurs titres se bousculer pendant une seule même période. Une tragédie aussi pour les créateurs de jeux obligés de boucler leur production dans des délais déraisonnables. Et, souvent, un drame pour les éditeurs lâchant leurs meilleurs titres dans une mêlée ouverte arbitrée non pas par les gamers presque érudits mais par le public familial qui achète un ou deux jeux par an, pratiquement au hasard. Allant jusqu’à quadrupler leurs rayons jeux vidéo avant et pendant Noël, les grands magasins réduisaient comme peau de chagrin leur achalandage dès janvier. Jeux vidéo et confiseries chocolatées, même combat. Une aberration qui était suivie, tout aussi traditionnellement, d’une déprimante période de creux à la sortie de l’hiver et au début du printemps.

L’âge ingrat

Le passage à l’âge adulte de la technologie et – moins perceptible malgré les tags + 18 ans du Pegi – du contenu, a tout de même fini par lisser cette folie. Après le coup de poker réussit de quelques sorties importantes hors créneaux habituels (le 1er Halo de Microsoft, alors challenger, sorti en mars 2002, puis Halo 3 en septembre 2007. Metal Gear Solid 2 et 3 en mars 2002 puis 2005…) les éditeurs ont fini par réaliser que tous les coups étaient permis sur les 12 cases du calendrier. Ou presque. Autant à l’écoute de leurs actionnaires que de leurs fans, les éditeurs ont repoussé la date limite, et suicidaire, du 25 décembre, se jouant surtout en novembre, à celle de la fin de leur année fiscale, fin mars. Une curiosité cette fois bien spécifique au jeu vidéo. Quand un éditeur s’engage auprès du marché et des consommateurs à sortir un jeu avant la « fin de l’année » il faut entendre, qu’elle soit explicitée ou pas, « avant la fin de l’année… fiscale » et non la calendaire qui régule la vie de la cité. Voilà une des raisons aussi qui explique pourquoi la presse spécialisée jeu vidéo se mêle autant de l’économie des entreprises du jeu vidéo. Un phénomène qui n’existe pas dans la presse cinéma voisine, par exemple, où les budgets des films et le cachet des acteurs suffisent à alimenter les fantasmes. La régulation des sorties de films calées, voire verrouillées par les productions US, des années à l’avance, ne provoque pas le suspens des dates de sortie des jeux vidéo, indécises ou fluctuantes quelques mois avant leur commercialisation. Étalée sur plusieurs années, la durée exacte de conception d’un jeu vidéo n’est pas encore planifiable de façon sûr. Intimement lié à l’évolution des technologies, celui-ci avance le plus souvent en terra incognita.

« Shock and awe »

Autre anomalie de ce marché atypique, attendre, comme on a pu le lire ici et là, que le guerroyeur Call of Duty Modern Warfare 2 du 10 novembre devienne la VENTE de « Noël ». « Des réservations records » triomphe l’éditeur Activision en s’abstenant bien de révéler des chiffres. 10 millions d’exemplaires et plus au 4e trimestre pour 500 millions de dollars de recettes en une semaine prédisent des analystes. Qu’une large frange de core gamers accrocs aux parties de guerre virtuelle en ligne réponde massivement à l’appel, peut-être, mais à l’heure où le public familial rejoint dans les boutiques un core gamer en voie de disparition ou, disons, de pacification, il y a de fortes chances pour qu’en terme de volumes, le nouveau Super Mario sur Wii ou le nouveau Pokémon Donjon Mystère sur DS fasse beaucoup mieux, sionon sur le moment, du moins dans la durée (le parc de consoles Wii cumule encore celui des Xbox 360 PS3 réunies, quant aux 114 millions de DS dans le monde…). Sans compter les jeux musicaux comme Guitar Hero 5, DJ Hero, Band Hero, Lego Rock Band ou Rockband Beatles qui font le cross over culturel et trustent les charts même lorsqu’ils donnent des signes d’essoufflement.

BANG à retardement

Un Call of Duty Modern Warfare 2 qui aura en tous cas réussi sa campagne médiatique. Au point d’autoriser son éditeur, en Grande-Bretagne, à vendre son jeu plus cher que d’habitude sans craindre de représailles. Au point aussi d’avoir fait fuir au 1er trimestre tous les candidats potentiels qui se seraient arc-boutés avant Noël les années précédentes. Une fuite en avant confortée par l’exemple du premier trimestre 2008 (d’une année fiscale commencée en avril donc) où une poignée de blockbusters prêts à tout (Grand Theft Auto IV, Mario Kart Wii, Wii Fit, Race Driver Grid, Rock Band, Metal Gear Solid 4) en pleine période creuse habituelle a boosté de façon spectaculaire les comptes des éditeurs. La plupart d’entre eux renvoie d’ailleurs, aujourd’hui, la chute des résultats du premier trimestre 2009 à l’absence de titres marquants en début d’année… fiscale. Si 2009 ne finit pas sur un BANG, ce ne sera pas la faute à l’absence de jeux de qualité cette fois-ci. Il faut d’ailleurs se demander si, en ce qui concerne le jeu vidéo, le meilleur cadeau de ce Noël 2009 ne serait pas de recevoir de l’argent de poche à dépenser après les fêtes.

Tsunami en 2 vagues

Restent ainsi en lice pour ce Noël, les jeux aux épaules assez larges pour attirer tous les regards. Les jeux de Nintendo déjà évoqués et dans leur élément naturel à cette période, y compris un Zelda sur DS, ou de Sega (Mario & Sonic aux Jeux Olympiques d’Hiver), les suites de blockbusters déjà affirmés comme Uncharted 2, Assassin’s Creed II, Ninja Gaiden Sigma 2 ou Left for Dead 2, et le nouveau chapitre The Ballad of Gay Tony de Grand Theft Auto. Les jeux de sports évidemment comme Colin McRae Dirt 2, Pro Evolution Soccer 2010, FIFA 10 et Forza Motorsport 3, et les adaptations à fuir de films et séries TV ou dessins animés. Quelques courageux, ou hyper pointus ou hyper kamikazes, comme les inédits et du coup intrigants Borderlands ou Brütal Legend, Dragon Age : Originis et The Saboteur chez un Electronic Arts beaucoup plus audacieux qu’il y a quelques années. Une lignée de jeux qui vaut déjà, pour ceux cités, son pesant d’or. Et qui ne font qu’esquisser la déferlante post Noël qui commence donc fièrement dès potron-minet en janvier, comme le claironne Sega, par l’inédit Bayonetta du respecté créateur japonais Hideki Kamiya, suivi par le poids lourd Army of Two : Le 40ème jour, l’inédit Dark Void de Capcom et l’ambitieux Mass Effect 2 chez Microsoft. À peine une petite respiration et les festivités reprennent avec, encore, des incontournables poids lourds comme BioShock 2, le culotté Dante’s Inferno et le bien connu Splinter Cell Conviction après plusieurs années d’absentéisme. En mars, les importants Battle Field : Bad Company 2 et Gran Turismo 5 tenteront de conclure, en attendant d’autres candidats potentiels qui pourraient se déclarer (Alan Wake, Max Payne 3, No More Heroes 2, God of War III…) cette fameuse année fiscale du jeu vidéo. Le bras de fer de Noël et la gueule de bois virtuelle n’auront jamais duré aussi longtemps.

François Bliss de la Boissière

(publié le 8 novembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Rappel des faits : UNCHARTED DRAKE’S FORTUNE (les archives d’O.)

Il y a deux ans, le premier Uncharted faisait déjà l’événement. Et l’accueil, généralement bon, fut plus réservé que prévu. Deux manières d’approcher le jeu cohabitaient déjà. Y voir le premier jeu PlayStation 3 d’un brillant studio, ou une compilation aimable mais sans franche originalité de tout ce qui existe déjà dans le jeu vidéo ou au cinéma. Sur Overgame le même clivage eut lieu silencieusement entre l’avis réservé émis à la sortie du jeu et le best of par catégorie enthousiaste publié quelques semaines plus tard.

Uncharted : Drake's Fortune

Avant de se pencher sur Uncharted 2 et de creuser un peu le pourquoi d’un accueil cette fois unanime, voici ce que je disais sur Overgame à l’époque…

Uncharted Drake’s Fortune : L’avis enthousiaste décortiqué par le best of de fin d’année 2007…
5e place au palmarès 2007 (derrière Bioshock, Super Mario Galaxy, Half-Life 2 : Orange Box, Metroid Prime 3 : Corruption)…

Pourquoi en faire des tonnes (save the world ?) comme tout le monde et ne pas se concentrer sur une bonne petite histoire de série B à la Indiana Jones ? L’important étant moins les enjeux que la manière dont ils sont mis en scène. Et là, Naughty Dog réussit un superbe mixe action, aventure et histoire. Contrairement à quelques autres productions plus tapageuses mises dans le commerce sans être terminées, Uncharted est une production fignolée jusqu’au bout. D’une fluidité de tous les instants les cutscenes vives et plaisantes n’interrompent pas le gameplay qui lui-même enchaîne, sans rupture, exploration, acrobaties à la Lara Croft et gunfights cache-cache à la Gears of War. En passant, la qualité graphique, dont les incroyables textures haute résolution, prouve, après les premiers jeux PS3 graphiquement douteux (et les portages Xbox 360), que la PS3 est tout a fait capable d’en afficher et éloigne le spectre de la PlayStation 2 et sa célèbre mémoire de textures insuffisante.

Meilleures cutscenes
Si un jeu vidéo veut se la jouer cinéma avec saynètes non interactives, scènes d’action, petits sketches et scènes de dialogues, la grammaire du grand écran s’impose. Naughty Dog l’a bien compris et, non seulement les cutscenes sont brèves et intégrées sans accroc aux séquences interactives, mais elles sont montées (champ et contre-champ) et cadrées (valeurs des plans) avec beaucoup de savoir faire. À tel point qu’on oublie totalement d’essayer de les passer.

Meilleures pistes audio
Le bruissement de la jungle et des cours d’eau pourrait être plus dense encore pour s’aligner avec les visuels florissants. En l’état, ils participent tout de même parfaitement à la reconstitution du Panama de série B du jeu. Plus précisément, la gamme des sons liés aux armes à feu (tirs et recharges, le cliquetis quand Nathan ramasse des munitions au sol, bruit des holsters en cuir quand il change d’arme…) est une des plus contrôlées et sophistiquées jamais réalisées. Les bruits restent en mémoire comme ceux, hyper identifiables, de la série Half-Life…

Meilleurs scénarios et dialogues
Drake’s Fortune : Sans manière, vif, bien écrit dans le sens où ce que disent les personnages sonnent justes dans leurs bouches, correspond à leur attitude et aux situations avec un minimum d’intention. Pas de répliques aléatoires ici, chaque mot est écrit pour la scène. La VO sous-titrée française est officiellement accessible dans les options, un plus en plus.

Meilleurs bonus
Il faut jouer, tout de même, pour débloquer plusieurs généreux documentaires making-of et de splendides galeries de dessins, mais, comme ceux de Half-Life 2 : Orange Box, pas besoin d’acheter une version collector. Tout est en superbe HD et VO sous-titrées français et on découvre avec des split-screens comment ont été tournées les scènes de motion capture avec de vrais comédiens.

Meilleure nouvelle personnalité
Nathan Drake : Il a de subtiles expressions faciales comiques héritées de Jak (and Daxter) et son «Oh Boy !» (en VO) quand une grenade atterrit à proximité confirme un flegme et une cool attitude irrésistibles.

François Bliss de la Boissière

 


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C’est game, c’est show et c’est ce week-end à Paris

L’enseigne Micromania a ouvert son salon dans la Grande Halle de la Villette ce vendredi d’octobre 2009. Le show destiné au public permet de voir et toucher de nombreux jeux avant leur sortie.

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Le jeu Avatar, par exemple, plus agréable que prévu, y est jouable pour la première fois avec peut-être une vingtaine de bornes Xbox 360 et PS3 (en 2D et non en relief). Sur Wii, le joli A Boy and his Blob côtoie un Resident Evil : The Darkside Chronicles sur rail assez convaincant et l’énervé No More Heroes 2. L’intrigant Dark Void chez Capcom se laisse aussi essayer pour la première fois. En consommateur avisé, puisque tous les titres ne sont pas encore disponibles en démo sur les consoles, ce n’est pas idiot d’y faire un tour malgré le prix d’entrée trop élevé ce week-end *. Les quelques nouveautés par rapport au récent Festival du jeu vidéo de la Porte de Versailles peuvent éventuellement suffire comme prétexte.

Et puis il y a l’ambiance. Les animations, figurants costumés dans les allées, bateleurs de foire sur les podiums qui scandent le nom de la chaine de magasins comme si elle était hype, et les fumigènes qui raclent la gorge laisseront peut-être perplexes les joueurs habitués à jouer dans le confort ouaté de leur appartement. Rares sont les visiteurs solitaires justement. Venir à plusieurs semble le bon réflexe protecteur pour faire face à l’impact sensoriel. Même avec sa gracieuse petite amie comme on a pu l’observer. Malgré l’ambiance masculine, il y a assez de jeux musicaux ou kawaï en 2009 à côté des jeux d’affrontements pour intéresser tous les sexes. Et les âges puisque les enfants (gratuit pour les moins de 12 ans) sont de la partie et bien accueillis par des espaces identifiables. Quoi de plus réjouissant que de voir des père passionnés essayer coûte que coûte de faire piloter des bolides de Gran Turismo 5 ou de Forza 3 à leurs gamins de 4 ans qui ne demandent qu’à bien faire ? Voir le sourire d’une mère heureuse de laisser son ado de fils se faire photographier en train de sautiller sous la neige d’une boule de verre géante dans le décor hivernal de Sega.

Bruyante, vulgaire et racoleuse, notamment autour des jeux de foot et de catch, cette manifestation physique et collective de la passion du jeu vidéo a peut-être un autre intérêt que celui de jouer ou y voir des extraits en avant-première (Final Fantasy XIII, Darksiders, Splinter Cell Conviction…). La cacophonie des sons dont l’écho ne meurt jamais sous le magnifique plafond cathédrale de fer de cette Grande Halle, extirpe de soi le brouhaha du jeu vidéo emmagasiné habituellement, et à peu près, seul, à l’intérieur. Brusquement lâchée et collective, l’hystérie contenue du jeu vidéo à domicile en deviendrait presque cathartique en public.

François Bliss de la Boissière

 


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La Wii marque le pas, Nintendo en baisse et le jeu vidéo retient son souffle

Nintendo a annoncé une chute spectaculaire de ses revenus et de ventes de Wii sur le premier semestre 2009 et une révision à la baisse d’ici la fin de son année fiscale bouclant fin mars 2010. La baisse notable des ventes de Wii et DS entamée au premier trimestre est ainsi confirmée. Si le leader japonais du jeu vidéo titube, toute l’industrie doit-elle s’inquiéter ? Ce serait sans compter le premier capital de la firme modèle : la créativité et la capacité à relancer la machine à jouer et à rapporter de l’argent.

Wii

Les ventes de consoles Wii ont chuté de presque 50 % en un an. 5,75 millions vendues au premier semestre 2009 (mars à septembre) contre 10 millions au premier semestre 2008. Moins dramatique, la DS/DSi s’est écoulée à 11,70 millions contre 13,7 millions en 2008. Les bénéfices, en baisse comme les ventes (548 milliards de yens/4,06 milliards €, soit – 34,5 %), s’apprécient quand même à 69,5 milliards de yens (514 millions €) soit 52 % de moins que l’année précédente (144,8 milliards de yens/1,07 milliards €). Premières explications avancées par Nintendo : le cours élevé du yen, la réduction du prix de vente de la Wii et, comme le diagnostiquait déjà pour le premier trimestre le PDG de Nintendo France Stephan Bole, l’absence de jeux à très fort potentiel commercial par rapport à l’année dernière. En janvier dernier, crise économique en tête des causes, Nintendo avait déjà revu pour la première fois en cinq ans ses prévisions à la baisse pour l’année 2008 (-33 %) alors que ses ventes totales atteignaient mille milliards et 820 millions de yens (13,55 milliards €) au lieu de 2 mille milliards de yens (14,8 milliards €). Malgré cela, les consoles Wii et DS/DSi ont atteint en un temps record des ventes mondiales, elles aussi, records : 56,14 millions d’unités en trois ans pour l’une installée dans les foyers, 113,48 millions pour l’autre baladeuse en presque cinq ans.

Crainte de la rechute

Les quatre années de succès foudroyant Nintendo ayant laissé étourdis bien des acteurs de l’industrie du jeu vidéo, le déclin confirmé pour la deuxième fois de suite des ventes de consoles Wii et, dans une moindre mesure, DS, ne va pas manquer de réintroduire de l’anxiété dans le secteur. L’embellie, probablement éphémère, des PlayStation 3 et Xbox 360 vendues à bas prix d’ici Noël ne peut suffire à rassurer une industrie évoluant en grande partie ces dernières années dans l’ombre blanche du succès des consoles tout public de Nintendo. Il n’y a qu’à voir : la relance envisagée en 2010 des deux consoles Sony et Microsoft se fera en adoptant des interfaces à reconnaissance dans l’espace déclinant le principe de la Wiimote de Nintendo. La chute radicale des ventes de Wii veut-elle dire que le concept n’a finalement pas de viabilité sur la durée ? Qu’après un élan de curiosité et un élargissement doux vers un nouveau public, l’intérêt se tasserait déjà ? Après deux années de succès stratosphérique – il faut se rappeler que la demande de consoles Wii a excédé les quantités livrées pendant cette période – le président de Nintendo, Saturo Iwata, a entériné la stagnation des ventes de consoles Wii en blâmant d’abord l’incapacité de son entreprise à proposer de nouveaux jeux marquants « qu’il faut absolument avoir ». « Une fois l’élan perdu (le momentum), cela prend du temps de se remettre » aurait-il reconnu, « la baisse de prix de la Wii va permettre aux ventes de retrouver un certain rythme mais pas assez pour rattraper le niveau de l’année dernière. » Nintendo prévoit ainsi de vendre 20 millions de Wii au lieu de 26 millions sur son année fiscale. Une quantité, signalons-le, encore largement impressionnante que la concurrence aimerait bien atteindre (24 millions en 3 ans pour la PS3, un peu plus de 30 millions en 4 ans pour la Xbox 360).

Trauma center

Tout populaire soit-il de nos jours, le jeu vidéo garde au fond de lui le trauma du crash légendaire de l’industrie interactive naissante au début des années 80. Atari, Mattel Intellivision, 3DO, Sega (alors 2e fabriquant de consoles), Acclaim, Infogrames… l’hécatombe entrepreneuriale de l’industrie pourtant fleurissante du jeu vidéo n’a guère d’équivalents. La renaissance puis la consolidation de cette culture en parallèle à son organisation économique est alors venue du Japon. Plus précisément de Nintendo et de ses consoles Famicom, SuperFamicom et GameBoy. Dans les années 2000, presque bouté hors jeu par les PlayStation 1 et 2, Nintendo encore a redynamisé le marché en l’obligeant à réévaluer, avec la DS et la Wii – console low-tech comparé aux PS3 et Xbox360 -, la fuite en avant technologique. Ce Nintendo exemplaire, énorme machine créative capable de se remettre en question, d’innover et de générer, comme Apple, de nouveaux marchés, a atteint ce statut de monstre qu’on envie et que l’on hait tout autant. Une figure du père dont l’influence est impossible à ignorer et dont la moindre hésitation peut remettre en question toute la famille. Même si, comme le dit l’éditorial du dernier numéro de Edge (208, déc. 2009), Nintendo est presque devenu une industrie en soi, évoluant sur un autre plan que les autres sociétés.

Génération de surface

Actée de force, la popularité de la DS et de la Wii n’a pas été si bien expliquée sociologiquement. Les éditeurs ont suivi, ou plutôt, ont rattrapé tant bien que mal l’attelage Nintendo parti devant eux au galop. Jusqu’à finir par surcharger l’embarcation. Désormais majoritaire en longueur de linéaires, les rayonnages de jeux Wii et DS empilent une quantité déconcertante de jeux similaires, clonés, ou de logiciels ludo-éducatifs tout publics, c’est à dire visant autant de pseudos niches (les familles, les filles, les seniors,…) qu’un public de masse au hasard (les Sudoku, casse-briques, et autres jeux passe-temps…). « 13 jeux autour de la thématique des chevaux sur DS ou Wii à Noël 2008, pas étonnant qu’il y en ait qui reste sur le carreau » s’indigne le porte-parole des éditeurs de jeux vidéo en France Jean-Claude Larue. Saturé, le marché dit du « casual gaming » serait sur le point de s’effondrer sur lui-même ? Une tendance « Titanic » que la chute brutale des ventes de Wii confirmerait alors. La spirale ascendante vertueuse pourrait très bien se transformer en toupie infernale auto-destructrice.

Renouvellement anticipé

Evidemment, Nintendo n’a pas attendu ce dernier bilan public avant de prendre des mesures. L’immuable politique contre nature depuis trois ans consistant à ne vendre qu’un seul coloris de Wii, blanche, et à s’arc-bouter sur le prix de vente (250 €) qui jusque là ne nuisait pas au succès vient enfin de changer. La Wii coûte désormais 200 €, et une version noire, en quantité limitée, ouvre un peu les perspectives. La DS, devenue DS Light puis DSi se déclinera sous une nouvelle petite variation DSi LL ou XL avec un écran un peu plus grand au Japon avant la fin de l’année (1er trimestre en Europe à confirmer). Niée encore et toujours par Nintendo, une version HD de la Wii, apte au Blu-ray par exemple, compatible avec le catalogue de jeux actuels, reste la réponse et la pièce maîtresse que les analystes attendent fin 2010. Sans compter les jokers que la créative société japonaise peut sortir n’importe quand de son chapeau. En février dernier, Nintendo a fait l’acquisition d’un terrain à Kyoto où construire un nouveau centre de R&D (40 000 m2 et un investissement de 12,8 milliards de yens/94,8 millions €), le fer de lance de l’entreprise depuis les années 80.

L’important ce n’est pas la chute

D’un point de vue économique, il n’y aucune raison de s’inquiéter pour la santé financière de Nintendo qui reste une des entreprises les plus rentables du Japon. Même si cette chute stigmatise l’impact de la crise économique que l’industrie du jeu vidéo semblait pouvoir esquiver et, sans doute, le déclin culturellement plus dramatique de la scène japonaise du jeu vidéo confirmée publiquement par quelques créateurs au dernier Tokyo Game Show. Les jeux DS et Wii continuent de truster les charts. Selon le Financial Times, chacun des 3000 salariés des bureaux de Kyoto génère 1,6 millions de dollars (1 million €) de profit. Il est presque certain en revanche que les atermoiements de la Wii et de la DS vont se répercuter sur les éditeurs tiers et influencer leurs prochaines productions. L’insuccès chronique des jeux pour « adultes » sur la Wii (les pourtant bons No More Heroes, Mad World ou Dead Space Extraction…) va déjà avoir un impact sur les choix éditoriaux des uns et des autres. D’un point de vue culturel, depuis l’étonnant paradigme shift opéré par la Wii, Nintendo s’est installé dans une zone de confort, toujours créative mais plutôt hors jeux, où les core gamers ne l’ont pas suivi. Le succès des 7,9 millions de la planche de fitness Wi-Fit en étant devenu un des exemples les plus frappant. Dans ce contexte de lissage générationnel, même le retour des grands jeux Nintendo comme Mario et Zelda s’annonce comme de simples suites et non les réinventions techno-graphiques que la marque avait le scrupule d’entretenir jusque là. Zelda Spirit Tracks sur DS descend ouvertement de Phantom Hourglass, Super Mario Galaxy 2 assumé comme tel, un nouveau Zelda Wii dérivé de celui déjà trop tranquille de Twilight Princess, sans compter le rétro New Super Mario Bros. de Noël sur la Wii qui bégaie la version à succès de la DS de 2006. Le fléchissement des ventes va obliger le géant japonais rigidifié dans son succès à bouger. Et quand Nintendo bouge, en général, c’est toute l’industrie qui tremble. De plaisirs et de bénéfices partagés, ou de peur devant un futur qu’il va falloir à nouveau dessiner. À main levée sans doute cette fois encore.

François Bliss de la Boissière

(publié le 30 octobre 2009 sur Electron Libre)

 


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Sony achève le format UMD avec la PSPgo

Comme en politique, paroles et gestes industriels ne suivent pas la même trajectoire. 53 millions de PSP en circulation oblige, Sony le niera jusqu’au bout. Pourtant, en sortant un nouveau modèle de PlayStation Portable sans lecteur de disque optique, la société japonaise signe elle-même l’arrêt de mort du format UMD « révolutionnaire » lancé en 2004. Chronique d’une mort annoncée par tout le monde sauf le premier intéressé.

UMD

Avec la sortie du modèle PSPgo abandonnant le lecteur d’UMD au profit exclusif d’une mémoire flash de 16 Go, la nouvelle PlayStation Portable signe officieusement la mort du format UMD. Une euthanasie encore seulement officieuse parce que, soucieux tout de même de ménager les 53 millions de propriétaires de PSP équipées d’un lecteur UMD (2,5 millions en France), Sony Computer le réfute franchement et continuera d’ailleurs vaillamment à entretenir le support en sortant les jeux à la fois sous forme dématérialisée pour la PSPgo et sur UMD pour les anciens modèles de PSP. C’est actuellement le cas des deux jeux importants que sont les versions portables des séries Gran Turismo et MotorStorm (Arctic Edge) ou du FIFA 10 d’Electronic Arts disponibles au lancement de la Go. Jusqu’au 10 octobre Gran Turismo est ainsi offert en téléchargement aux premiers acheteurs de PSPgo.

Le « Walkman du XXIe siècle »

Inventés à usage exclusif de la PlayStation Portable sortie fin 2004 au Japon, les petits disques optiques Sony baptisés UMD (Universal Media Disc) n’ont jamais rencontré le succès attendu. On se souvient pourtant d’une fameuse conférence à Los Angeles en 2003 où Sony Computer, péremptoire, introduisait sa PlayStation Portable en « Walkman du XXIe siècle ». Le petit CD UMD encapsulé dans un cache transparent protecteur sorti d’un geste triomphant de la poche de Ken Kutaragi – grand manitou de la marque PlayStation depuis tombé en disgrâce – avait fait sensation. Sur le moment, les perspectives de développement parurent positives. D’abord parce que la marque Sony PlayStation avait encore un capital de confiance, d’innovation et de satisfaction au beau fixe dans l’industrie du jeu vidéo. Ensuite parce que Sony tentait de refaire le coup de sa console de salon PlayStation dont le format CD-Rom avait signé la fin du règne des cartouches de jeux Nintendo et Sega des années 80 et 90. La PSP, ses capacité graphiques 3D et ses disques UMD devaient donc supplanter le business modèle à base de cartouches des indétrônables Game Boy de Nintendo et faire barrage au projet de console DS. 100 millions et plus de DS/DSi vendues pour « seulement » 53 millions de PlayStation Portable, l’alternance de leadership n’a finalement pas eu lieu et Nintendo continue de dominer aujourd’hui le marché du jeu portable.

Guerres nomades

Les jeux DS font encore l’événement là où les productions PSP passent souvent inaperçues à l’exception de quelques épisodes de Monster Hunters (Capcom) devenus phénomènes alternatifs aux Pokémon de Nintendo au Japon. La version mobile originale de la si lucrative série PlayStation Grand Theft Auto (Chinatown Wars) est ainsi sortie d’abord en exclusivité sur DS au mois de mars. À peine une version PSP évoquée pour le 23 octobre, une adaptation iPhone/iPod Touch retrouvant une interface tactile lui vole la vedette. Pire, la PSP, avec la DSi de Nintendo, est en train de se faire rattraper par l’éco système de l’Apple Store qui a transformé en quelques mois seulement l’iPhone et l’iPod Touch en véritables plateformes de jeux mobiles. La PSPgo à laquelle il manque quand même un écran tactile, se veut ainsi sans doute une forme de contrefeu à cette montée en puissance. Connectable par tous les moyens du jour avec ou sans fil, directement à Internet ou via sa grande sœur PlayStation 3, la PSPgo se dote d’un service de jeux à petits prix téléchargeables, baptisés sans grande imagination « Minis » (10 jeux disponibles seulement au lancement sur le PS Store, 3 à 5 euros l’unité). Encore aujourd’hui, officiellement, le modèle historique de jeux de grosse capacité et susceptible d’être vendus sur disque UMD continu d’exister. Mais la courbe de croissance des ventes de jeux de l’AppStore comme le développement déjà bien avancé de minis jeux à télécharger sur le DSiware de la portable Nintendo ne laissent que peu d’espace à ce genre de productions vendues entre 30 et 40 euros. À moins que Sony et les éditeurs tiers soient capables de garder la même ambition de production tout en abaissant radicalement le prix d’achat (l’économie des versions dématérialisées pourraient le permettre), il est à prévoir que la majorité des productions de jeux portables PSP rejoigne cette nouvelle génération de mini jeux tout public.

Largage hollywoodien

Embarquée de force par Sony dans l’aventure, l’industrie du cinéma a quitté l’embarcation mobile PSP peu à peu au fil des maigres années sans même le déclarer. Garant de la viabilité de la PSP en lecteur portable de films, le blockbuster Spider-Man était offert aux premiers acheteurs de PSP. Plusieurs centaines de films et programmes vidéo en provenance des plus gros représentants du cinéma ont été édités sur UMD. Très vite cependant, les studios hollywoodiens n’ont pas réussi à se créer un marché avec ce support mobile doublonnant, à un prix bien trop élevé, celui du DVD et se faisant dépasser en efficacité et réactivité, comme souvent, par les initiatives pirates exploitant bien plus efficacement les Memory Sticks de la PSP. Dorénavant, sur le marché américain encore un peu en avance sur l’européen, les versions mobiles des films sont offertes avec certains DVD et de plus en plus de Blu-rays. Une nouvelle petite jungle d’incompatibilités se met d’ailleurs en place sans grand décryptage public. Les versions « digitales » des films Sony Pictures incluses sur Blu-ray sont ainsi exploitables, après manipulation sur ordinateur, uniquement sur PSP quand ceux d’autres éditeurs, tel Warner, sont théoriquement transférables sur PSP et iPhone (ça marche). Prochainement, les versions digitales des films Sony se transfèreront directement vers la PlayStation Portable à partir du disque Blu-ray inséré dans la PlayStation 3. Les autres éditeurs suivront peut-être.

Handicaps techniques

Pour une initiative attendue – la disparition du lecteur UMD – la nouvelle itération de PlayStation Portable cumule encore des handicaps. L’autonomie de la batterie ne semble guère supérieure selon les premiers tests et, surtout, le prix de vente calé à 250 €, soit 50 € de moins seulement que la Playstation Slim de salon, et 80 € de plus que le dernier modèle de PSP (« 3000 », vendu à 170 €) laisse stupéfait distribution et consommateurs. Sony multiplie les initiatives pour faire passer la pilule, notamment sur le terrain où des commerciaux présentent agressivement dans certains magasins le produit et ses offres réduisant le prix d’entrée. Et 5 jours après les débuts de la commercialisation, Sony Computer affirme que les ventes correspondent aux prévisions, sans donner aucun chiffre. Outre le boycott annoncé de quelques revendeurs hollandais et australiens, la grogne de la distribution se manifeste concrètement en Angleterre où 3 revendeurs au moins, de plein pied ou en ligne (Amazon, HMV et Game), ont pris l’initiative de baisser le tarif de 25 livres sterling pour afficher la PSPgo à 199,99 livres (217 euros). Le responsable de la chaine de magasins indépendants de jeux vidéo (Chips, 30 magasins en Grande-Bretagne) n’hésite pas à prévoir un échec à « 99,9 % ».. Autre entaille à une éventuelle conversion PSP vers PSPgo des « early adopters », l’échange gratuit des jeux UMD en versions dématérialisées un moment envisagé n’aura finalement pas lieu, selon Sony, pour « des raisons légales et techniques ». Seule compensation, sous inscription, un nouvel acheteur européen peut théoriquement récupérer gratuitement 3 jeux en téléchargement.

UMD, condamné depuis ses débuts

À titre d’expérience empirique, depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui, l’UMD n’a jamais réussi à résoudre de lourds problèmes technologiques. Le prestigieux Gran Turismo sorti le 1er octobre après 5 années de production, se révèle une impasse sur support UMD au même titre que la grande majorité des jeux PSP. Gran Turismo a beau avoir fait l’effort, très critiqué du côté gamers, d’avoir simplifié sa structure – comme il se doit avec un jeu « mobile » – pour donner rapidement et facilement accès à des courses, les délais d’attentes entre chaque menu, chaque option, chaque début et fin de courses restent insupportables, voire rédhibitoires dans le contexte d’un jeu à « grignoter » pendant ses déplacements. Il reste à supposer que la version dématérialisée du même jeu renoue avec une optimisation du temps, et donc du plaisir, revendiqué depuis toujours avec logique par le jeu nomade made in Nintendo et maintenant l’iPhone/iPod Touch.
Ce n’est pas la première fois bien sûr que Sony échoue à faire adopter un nouveau format de disque. Pour des raisons qui lui sont propres, l’UMD rejoint les expériences du MiniDisc (lancé en 1992) ou du SACD (Super Audio CD lancé avec Philips en 1999) sans jamais atteindre, en revanche, le moindre capital de sympathie. Contrairement au SACD encore apprécié par les audiophiles, l’UMD ne sera pas regretté. Mieux, pour les utilisateurs les plus courageux s’obligeant depuis 5 ans à subir ses contraintes, sa disparition ne peut être qu’un soulagement.

François Bliss de la Boissière

(publié le 8 octobre 2009 sur Electron Libre)

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À l’Assassin ! Ubisoft joue à faire du cinéma

Au moment où la version cinématographique de World of Warcraft rejoint la longue liste des adaptations calamiteuses de jeux vidéo en films. Au moment où, pour à nouveau tenter d’y croire, les regards se tournent désormais vers la version Hollywoodienne de Assassin’s Creed avec les géants Michael Fassbender, Mario Cotillard et Jéremy Irons. Au moment où l’on parle déjà d’une adaptation de The Division en film avec Jake Gyllenhaal dans le rôle principal. En se souvenant que le même Jake Gyllenhaal a joué bien malgré lui dans le sans queue ni tête film Prince of Persia.  En se rappelant que Ubisoft a coûte que coûte des ambitions de cinéma, apparemment aujourd’hui avec Hollywood mais, comme le rappelle cet article de 2009, en s’y essayant par lui-même. En n’oubliant pas que le groupe multimédia Vivendi est aux portes d’Ubisoft après avoir englouti sans ménagement le cousin Gameloft… On relira cet article de 2009 au moment où, caméras et studios numériques au poing, Ubisoft s’auto déclarait apte à faire du cinéma… 

Article écrit et publié en 2009…

En présentant une série de courts métrage réalisés en interne pour faire la promotion de son jeu vidéo Assassin’s Creed, l’éditeur Ubisoft annonce sans prudence faire du cinéma, comme si la maîtrise des outils technologiques donnait le savoir-faire. Hélas, jouer à faire du cinéma ce n’est pas encore être du cinéma…

Éditeur et développeur franco-international de jeux vidéo à succès, Ubisoft a présenté, dans une salle de cinéma des Champs-Élysées, le premier épisode d’un court métrage à l’enseigne de son prochain jeu vidéo Assassin’s Creed 2. L’événement, annoncé comme tel, vient du fait qu’Ubisoft a conçu l’intégralité de cette mini fiction en interne dans ses studios de Montréal. Premier d’une série de trois, le petit métrage de 12’ sous-titré « Lineage » et projeté exceptionnellement sur grand écran pour la presse sera diffusé sur YouTube à partir du 27 octobre et sur la chaine NRJ12 le 12 novembre. Le PDG d’Ubisoft, Yves Guillemot en personne, est venu expliqué sur scène les nouveaux enjeux pour la société qu’il a fondé en 1986 avec sa fratrie. « Le jeu vidéo fait son cinéma » prévient l’écran d’accueil de la projection. Et, en effet, Ubisoft fait tout pour. Quitte à s’y croire un peu trop.

Ubisoft flirte avec les auteurs d’Hollywood

Partenaire déjà singulier du cinéma depuis plusieurs années, Ubisoft privilégie la collaboration avec des cinéastes haut de gamme l’adaptation interactive de leurs films (l’exceptionnellement réussi King Kong de Peter Jackson, le prochain Avatar de James Cameron, les Tintin de Spielberg et Jackson). Une approche auteuriste d’Hollywood tout à fait réjouissante même si le résultat n’atteindra pas toujours l’ambition. Des partenariats et une promiscuité avec la Mecque du cinéma qui ont fini par déteindre sur l’éditeur de jeux vidéo devenu aspirant à faire du cinéma au point d’adopter une véritable politique d’édition. L’assemblage de l’entité Ubisoft Digital Arts (UDA) en 2007 à Montréal avait révélé l’ambition de créer des films en images de synthèse. Sous-entendu, sans faire appel à des structures extérieures spécialisées d’Hollywood dont on imagine le prix exorbitant des services. Ubisoft avait par exemple recruté le cinéaste français surdoué Florent Emilio Siri (Nid de Guêpes) en 2002 pour créer les cinématiques d’un épisode de sa série de jeu d’espionnage-action Splinter Cell, sans renouveler l’expérience. En 2008 Ubisoft a fait l’acquisition d’Hybride Technologies, un studio canadien de post production audiovisuel et d’effets spéciaux numériques âgé de 17 ans spécialisé en motion capture pour le cinéma (300, Sin City, le récent WhiteOut et le prochain Avatar de Cameron…). Réalisés en 15 jours par 190 personnes, les trois courts métrages Assassin’s Creed Lineage (38’ en tout) ont été conçus entièrement sur fond vert avec, différence notable des cinématiques de jeux vidéo : 21 acteurs utilisés en chair et en os à l’écran. Peaufinés, les décors de synthèse proviennent de ceux conçus pour le jeu vidéo à sortir en novembre prochain.

FMV, ou le spectre du mauvais cinéma

Techniquement, le court métrage qui utilise des technologies mixtes liées au jeu vidéo lui-même et aux méthodes cinématographiques de motion capture et d’assemblage de décors numériques autour des acteurs, n’appelle pas de remarque particulière. L’intégration visuelle fonctionne relativement bien et peut donner le change sur YouTube. En revanche, mouvements et placements de caméra, jeu non existant des comédiens, dialogués ou même dans le silence des regards, dialogues et enchainements des situations ne sauraient passer pour du « cinéma ». L’ensemble mime de loin le langage cinématographique sans en trouver la substance. Un voisin de projection dit tout haut ce que pensent les spectateurs les plus aguerris, « où est l’avancée depuis l’insertion d’acteurs réels dans les décors photoréalistes des jeux Myst des années 90 ? » ou le Full Motion Vidéo (FMV) désuet d’un Phantasmagoria ? Dans les mouvements de caméras impossibles à l’époque, les décors en 3D et… c’est à peu près tout. Le comble : l’absence de toute épaisseur humaine ou psychologique malgré la présence en chair et en os des acteurs, la platitude des chorégraphies des combats à l’épée, vedettes dans le jeu vidéo, sans envergure dans le court métrage. Si ce n’est du cinéma, c’est donc son frère ?

L’ambition plurimédia

Jusqu’où veut aller Ubisoft ? Dans une auto interview enregistrée et fournie par l’éditeur, le PDG d’Ubisoft Montréal Yannis Mallat tente de décrire l’objectif : « Étendre nos marques de jeux vidéo et les développer sur des plateformes additionnelles pour fournir une expérience globale à un vaste public« . Le multimédia d’hier devient plurimédia. « L’expérience globale » veut ainsi dire : infiltrer tous les média susceptibles d’arriver aux yeux ou aux oreilles du public visé par le jeu vidéo en préparation. Ubisoft a ainsi lancé un pôle édition de BD (Les Deux Royaumes) qui prolongera en bandes dessinées les histoires de ses héros de jeux vidéo. Un projet d’accompagnement plurimédia comme il en existe déjà pour les films. La nouveauté sans doute ici c’est qu’Ubisoft veut s’impliquer et contrôler chacune des déclinaisons de ses franchises.

Promotion : du viral au grand jour

S’il s’agit d’économiser sur la création de contenus promotionnels complémentaires à ses jeux en créant en interne des courts métrages prolongeant l’imaginaire des jeux, pourquoi pas. Electronic Arts a eu une initiative identique en lançant un long métrage animé en direct-to-vidéo pour encadrer le lancement de sa nouvelle franchise Dead Space en 2008. Les cinématiques, voire les machinima, de plus en plus répandus, empruntent déjà cette voie souvent réussie entre court métrage, sketchs et promotion (voir les hilarantes saynètes promo des jeux BattleField : Bad Company, Facebreaker…). « Les joueurs apprécient de connaître l’histoire qui précède celle du jeu vidéo, de faire connaissance avec les personnages avant leur aventure interactive » lance Guillemot à son auditoire essayant de transformer cette observation en loi universelle. Dans le cadre des jeux ambitieux et scénarisés cela fait sens même si l’énorme succès des jeux Wii et DS à prise en mains rapides et sans contexte prouve plutôt un comportement de masse inverse. Mais si l’intention est de faire du cinéma pour de bon comme semble revendiquer le vocabulaire employé sans prudence par Ubisoft pour ce premier essai de court métrage, les réserves restent de mise.

Péché capital n°7

L’envie de cinéma du jeu vidéo ne date pas d’hier et bute sur les mêmes problèmes depuis le début. Les outils ne font pas le savoir faire. Les grands studios de jeux vidéo ont désormais sous la main l’équipement pour faire du cinéma virtuel. Pas tout à fait au même niveau qu’Hollywood pour des raisons de budget, mais pas très loin. Et cela n’a jamais transformé les cinématiques de jeux vidéo en vrai cinéma. Les plus réussies du marché dans les séries Grand Theft Auto et Uncharted ne le sont que dans le contexte du jeu vidéo. Interprétation convenable d’acteurs bien choisis et mise en scène respectant un minimum la grammaire cinématographique font la blague entre deux phases de jeux. Projetées en l’état sur grand écran, ces séquences révéleraient aussitôt leurs limites techniques, leurs maladresses de réalisation, leurs dialogues de série B, leurs thématiques sans épaisseur ou consistance, même pour des « films d’action » ou de « distraction ». Le marché du film américain déborde de sous productions cheaps, de direct-to-video alimentant les chaines de télévisions, de VOD, et ce qui reste de vidéoclubs. Les séquences dites cinématiques des jeux vidéo plafonnent à ce niveau. Et, calés entre cinématiques, théâtre de télévision ou sous-production vidéo, les courts métrages Assassin’s Creed aussi.

La fusion passe par la confusion

Demain peut-être le cinéma et le jeu vidéo ne feront qu’un. Le spectateur choisira au lancement son degré de participation, active ou passive. La démarche ouverte d’Ubisoft est sans doute précurseur. Hollywood s’aventure bien avec ses gros sabots sur le terrain du jeu vidéo, soit en adaptant maladroitement des jeux vidéo en film, soit en montant de toutes pièces des studios de jeux vidéo tel Warner Bros Interactive ou Disney Interactive. Que le jeu vidéo de son côté tente de contrôler ses créations jusqu’au grand écran est tout à fait légitime. D’autant plus que le cinéma n’a jusque là fait que de très mauvaises adaptations des jeux vidéo. Au jour d’aujourd’hui cependant, quand la fusion des médias entraine – avant de renaitre probablement sous une nouvelle forme – une confusion des genres, il apparaît nécessaire de s’attacher à repérer ce qui fonctionne ou pas, ce qui progresse ou pas, ce qui fait avancer l’Histoire ou pas. Dénoncer au plus tôt les discours enjoliveurs qui tentent de faire prendre des vessies pour des lanternes ne doit pas censurer la démarche mais encourager à persévérer sans aveuglement. La petite conférence de présentation d’Ubisoft utilise si souvent le mot « film » au sein d’une salle de cinéma pour décrire l’essai, que cela oblige à préciser, sans disqualifier l’initiative promotionnelle, qu’il ne s’agit pas de cinéma. Pas encore en tous cas.

Voir aussi…
Jeux et cinéma : la (con) fusion…

François Bliss de la Boissière

(Publié en octobre 2009 sur Electron Libre)

 


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Jeux vidéo toujours interdits de location, l’occasion fait le larron

Alors que la location de jeux vidéo reste interdite en France, le marché parallèle de l’occasion se développe toujours plus avec l’arrivée de la Fnac. Une solution satisfaisante ni pour les consommateurs ni pour les éditeurs. Et pourtant, quand on demande au porte-parole des éditeurs de jeu vidéo pourquoi cela n’est pas possible, il affirme : « Ce ne serait pas significatif, nous avons décidé en France de ne pas le faire ».

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Aujourd’hui 25 septembre, la Fnac se lance officiellement dans le marché du jeu vidéo d’occasion. En place depuis quelques mois à titre expérimental notamment à la Fnac St Lazare, la formule « Okaz Gaming » fonctionne désormais dans tous les magasins de l’enseigne. Il suffit de se présenter au rayon jeux vidéo avec ses jeux pour se voir proposer un prix qui sera valable uniquement en avoir, mais pour n’importe quel type de produit vendu à la Fnac. L’enseigne propose à ses clients intéressés une carte individuelle « Fnac Gaming » qui évite de décliner son identité à chaque transaction et qui offre quelques avantages à son lancement. Il n’est pas indispensable d’être adhérent pour l’obtenir. Tout en reconnaissant que le marché de l’occasion est en plein essor sans en donner les raisons (tarifs prohibés, crise économique ?), le directeur de la Fnac Fabien Sfez révèle ainsi qu’un « joueur » achèterait « environ 8 jeux par an dont 5 d’occasion ». La Fnac rejoint ainsi les enseignes spécialisées du jeu vidéo comme Game ou Micromania habituées de longue date à la reprise de jeux vidéo.

La mise en place à grande échelle de ce marché du jeu vidéo d’occasion a de quoi surprendre, non pas du côté des consommateurs, dont l’avantage, si l’on veut faire abstraction des tarifs ridicules de reprise par rapport au prix d’achat, se comprend aisément, mais du côté des éditeurs qui ne touchent pas un centime, à ce que l’on sache, sur ces transactions. Ce florissant et chaque jour plus officiel marché du jeu d’occasion en France reste un pis aller pour les gamers de grande consommation. Encore une fois, les tarifs de reprises face au prix de vente élevé, la baisse rapide du prix initial neuf de certains jeux quelques mois seulement après leur sortie, bref la cotation en temps réel de ce marché que gère à l’instinct, ou à la tête du client, les petits magasins spécialisés, et par un système informatique centralisé les grandes enseignes comme désormais la Fnac, relève plus de l’exploitation que d’un service. Une solution alternative à ce marché presque noir existe pourtant : la location de jeux vidéo. Plus digne, plus rentable pour les éditeurs, plus raisonnable pour les gamers ou les familles de joueurs moins avertis, la location de jeux vidéo fonctionne officiellement depuis des années aux États-Unis et même, pas très loin, en Grande-Bretagne. En France, la location de jeux vidéo ne se pratique pas parce qu’elle serait « interdite ». Comprendre, sans doute, que contrairement aux éditeurs de vidéo et de musique, les éditeurs de jeux vidéo s’entendent pour ne pas autoriser la location de leurs produits.

Le porte-parole bien connu du SELL français (Syndicat des éditeurs de Logiciels de Loisirs) Jean-Claude Larue a fait une petite sortie médiatique à la veille du Festival du jeu Vidéo de Paris que le SELL, et donc les éditeurs, parrainent pour la première fois. Lors d’un long entretien paru ici, nous lui avions posé une ou deux questions supplémentaires, dont une concernant cette impossibilité de louer des jeux vidéo en France. Voici sa – évidemment peu satisfaisante – réponse…

Bliss : Historiquement, le marché de l’occasion empiète sur les ventes de jeux neufs. Les éditeurs s’en plaignent régulièrement. Une solution serait d’autoriser la location de jeux vidéo sur le modèle des USA par exemple. Pourquoi n’est-ce toujours pas possible en France ?

Jean-Claude Larue, délégué général du SELL : Parce qu’on ne veut pas. Il existe un marché du neuf et un important marché de l’occasion en France. Il est donc possible d’acheter un jeu à sa sortie, puis quelques semaines plus tard d’occasion, puis quand il vient ensuite dans des offres à tarifs réduits. La location représente des chiffres relativement modestes et qui sont souvent facteur de piraterie. On estime que ce ne serait pas significatif. Donc, nous avons décidé, en France, de ne pas le faire.

François Bliss de la Boissière

(Entretien complet paru sur Electron Libre)

 


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JUMP ! JUMP ! JUMP ! Les jeux de plateforme réinventés

Morts avec l’arrivée de la 3D et enterrés par la réussite inimitable de Mario 64, les jeux de plate-forme qui ont fait les belles années 80 et 90 interactives font un véritable comeback. D’abord discrètement infiltrés dans des jeux d’action (Assassin’s Creed) puis – encouragés par des revival 2D et revisités par des artistes (Little Big Planet) – ouvertement et transfigurés comme le prouve et l’assume le vertigineux Mirror’s Edge.

MirrorsEdge

Dans un jargon complètement ésotérique pour les non pratiquants, le jeu vidéo s’est doté naturellement de genres, de catégories interactives au fil des inventions techno ludiques. Le cinéma a ses westerns, péplums, comédies musicales. Le jeu vidéo a ses RPG (jeux de rôles), ses beat’em up and all (duels sur ring et castagnes de rue) et plus récemment, ses FPS (First Person Shooter) et MMO (Massivement Multijoueur Online). Quand le jeune Shigeru Miyamoto invente en 1982 le petit plombier sauveur de princesse sautant de planches en planches sur un périlleux échafaudage dans Donkey Kong, le principe interactif impose son évidence ludique et fait des petits. Au sein d’une 2D pourtant contraignante, le jeu alors baptisé de « plate-forme », où des personnages de pixels colorés découvrent brusquement en sautillant le haut et le bas signe l’âge d’or des consoles 8 bits (Master System de Sega et Famicom de Nintendo) et 16 bits (Megadrive et SuperFamicom). Quel que soit le Panthéon de chacun, vécu ou redécouvert plus tard, les chef d’œuvres d’époque, pour leur précision ou leur ambiance, leur structure ou leur densité, se sont nommés Super Mario Bros et World, Sonic, Quackshot, Mickey Castle of Illusion, Aladdin, Addams Family, Kid Chameleon, Cool Spot, James Pond, Mister Nutz, Donkey Kong Country, Tiny Toon Adventures, Yoshi’s Island… En se cherchant une veine moins enfantine, plus d’atmosphère, le jeu de plate-forme réussit même à s’épaissir en intégrant mystère et scénario avec les (Super) Metroids, Prince of Persia, Castlevania, Strider, Earthworm Jim, Flashback, BlackThorn…

L’électrochoc Mario 64

Prospère pendant 30 ans au cinéma, le western ne survécut pas à la descente réaliste et à la déconstruction du mythe cowboy du western spaghetti des années 70. À lui tout seul Mario 64 provoqua en 1996 le même choc dans le genre « jeu de plate-forme » alors dominant sur consoles. La remise en question radicale de l’espace provoqué par la 3D ne s’accommodait plus d’un simple parcours d’obstacles placés devant le joueur. Tout à coup, comme le château de Mario 64 le démontrait dès l’ouverture du jeu, il fallait aussi habiter l’espace, le construire, et donc, déjà, le scénariser. A quelques exceptions près, notamment Banjo-Kazooie qui fut le seul jeu capable d’émuler et approcher la qualité du suprême Mario 64, le jeu de plate-forme dans sa forme pure s’éteignit naturellement. Ultimes sursauts avant abandon quasi total, les nouvelles consoles 3D d’alors tentèrent leur chance avec des jeux de plate-forme 3D bâtards. Ainsi vinrent et disparurent trop vite le créatif Bug! sur Saturn, le transfuge bancal Sonic Adventure sur Dreamcast, et le très novateur Jumping Flash sur PlayStation. Seule réussite intermédiaire mixant visuels 3D et touché 2D sur PlayStation, Crash Bandicoot devint le dernier grand représentant à succès du genre pendant que le satirique Conker’s Bad Fur Day signait intellectuellement la mort du jeu de plate-forme sous sa forme candide originelle. Approchant l’âge adulte au milieu des années 90, le jeu vidéo se reconnut alors dans la réinvention dissimulée du jeu de plate-forme que fut le premier Tomb Raider. Héritières de la lignée atmosphérique Metroid, Castlevania, Flashback, les acrobaties de Lara Croft indiquèrent une nouvelle voie où, bien que centraux, les principes du jeu de plate-forme s’intégraient dans un mix d’action, d’aventure et de tirs. Le qualificatif jeu de plate-forme finit par disparaître lui aussi des catalogues. Et des esprits puisque les brillants joyaux que furent Mario Sunshine sur GameCube et Jak and Daxter sur PlayStation 2 ne purent totalement assumer leur statut de jeu de plate-forme : l’un en s’équipant d’un pistolet à eau, l’autre, d’un arsenal explosif dès son 2e épisode.

Le come back des années 2000

Après des années d’indifférence, le jeu de plate-forme sous toutes ses formes est pourtant en train de faire un grand retour officieux en cette fin de décennie 2000. Le succès de la console portable DS devenu repère de classiques de la 2D, comme la mise à disposition d’anciens jeux en téléchargement sur Xbox Live, PlayStation Store et Console Virtuelle de la Wii ont remis en toute simplicité l’exercice au goût du jour. Un plaisir réaffirmé par les ventes de New Super Mario Bros sur DS en 2006 qui firent, et font encore, rougir les Mario 3D des consoles de salon et prépara le succès sur Wii de la 3D très contrôlée de Mario Galaxy. Le jeu de plate-forme à l’ancienne reprend des couleurs et s’assume presque comme tel sur consoles de salon. Répétant curieusement la séquence 1996-98 de la Nintendo 64 où Banjo-Kazooie avait succédé à Mario 64, fin 2008 un tout nouveau Banjo-Kazooie (Nuts and Bolts sur Xbox 360) semble encore une fois vouloir relever le défi d’un Mario (Galaxy)
Sur PlayStation 3, le très médiatisé Little Big Planet s’appuie sur un gameplay 2D classique de jeu de plate-forme pour imaginer un jeu 3D malléable et créatif. Il confirme après le récent LocoRoco sur PlayStation Portable et le prochain Pixel Junk : Eden sur PlayStation 3 une récupération artistique inattendue du jeu de plate-forme où se mélangent sans tabou gameplay rétro classique et expérimentations visuelles et sonores.
Mais si les enjeux artistiques et techniques sont à peu près identifiables dans cette cour de récrée colorée, c’est plutôt du côté des jeux pour (jeunes) adultes qu’il faut pister un jeu de plate-forme transfiguré et non déclaré. Le succès planétaire anachronique 2D de Rayman en 1995, et entretenu depuis, encra sans doute dans l’ADN de son éditeur Ubisoft la notion que les principes du jeu de plate-forme pouvaient avoir du succès. Pendant que la série Tomb Raider s’enfonçait dans les abysses, la série Prince of Persia, réussit, elle, à ressusciter en 3D un des fleurons du jeu de plate-forme 2D. En 2007, Ubisoft insiste, entre assassinats et chevauchées libres, les cabrioles d’Assassin’s Creed sur les toits de Jérusalem affirmèrent sans détour les vertus revisitées du gameplay d’équilibriste.

Le grand écart du jeu de plateforme contemporain

Désormais, le concept jeu plate-forme s’assume à tous les niveaux et s’adapte à toutes les situations. Stigmatisant bien la nouvelle cohabitation entre l’approche rétro et contemporaine du genre, Capcom s’apprête à sortir simultanément deux nouvelles versions de son Bionic Commando de 1988. Un Bionic Commando Rearmed en 2D et un Bionic Commando totalement en 3D tous deux pratiqués à la 3e personne. Les excellents Lost Winds et Braid respectivement sur Console virtuelle Wii et Xbox Live rende grâce au gameplay 2D en y ajoutant de nouvelles idées interactives. Cas unique depuis 2002, Metroid Prime fut, après Mario 64, le seul vrai exemple réussi d’un gameplay 2D réinventé en 3D. Après les essais timides non suivis de Turok en 1997, pour la première fois, vue subjective et jeu de plate-forme arrivaient à cohabiter. Un exemple qui ne fera école qu’en cette fin d’année avec le très prometteur Mirror’s Edge où, totalement en vue subjective, une jeune héroïne baptisée Faith, court, saute, bondit de toit en toit tel un Mario féminin lâché dans une mégapole. Elle donnera d’ailleurs des coups de têtes, mais dans celles de ses adversaires. Son rôle ? Messagère, runner porteuse de messages pour la résistance clandestine. Des messages secrets, politiques, dont un désormais public : adultes, réinventés, les jeux de plate-forme sont bel et bien de retour !

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #2)

 


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Festival du jeux vidéo à Paris : 16+ petites impressions sans langue de bois manette en main

La journée réservée presse du jeudi 17 septembre a permis d’essayer sereinement la plupart des jeux présentés. La foule publique attendue des trois jours suivant (18-20 et 21 septembre) va forcément compliquer l’accès aux jeux. Avec beaucoup de passion et de patience, l’attente devant chaque borne devrait tout de même valoir le coup. Bruyants podiums avec danseurs et danseuses, jolies hôtesses et figurantes costumées dans les allées et quelques décors donnent à ce salon parisien des allures de petit E3 pas désagréable. Après la réussie Games Convention de Cologne et l’annulation à la dernière minute de l’événement GameOn de Londres en novembre, le Festival de Paris devient vite indispensable. En attendant le Micromania Games Show qui s’installera à la Grande Halle de la Villette en octobre.

Nous avons donc pu jouer à 16 jeux (!) au fil de l’inspiration et observer quelques autres… Le grand événement technique du salon se présente sous la forme de plusieurs écrans Panasonic de 103′ (261 cm de diagonale). De véritables monstres sur lesquels Ubisoft fait une démonstration assez laborieuse en pleine allée de Splinter Cell Conviction et, dans une toute petite salle drapée noire, du jeu Avatar en 3D. Une présentation de luxe sur un tel écran au résultat inégal. Les effets de perspectives, d’avant et d’arrière plan de la 3D stéréoscopique fonctionnent plutôt bien avec les lunettes polarisantes. Voir les indicateurs du jeu flotter devant l’écran ajoute bien à l’effet un peu irréel de l’image. Les réserves viennent plutôt du moteur graphique du jeu lui-même. Bien qu’il utilise celui de Far Cry 2 comme l’annonce le démonstrateur d’Ubisoft Montréal où le jeu est conçu, l’affichage saccade, la définition semble basse (version Xbox 360 en démo), les contours peu nets et aliasés de la si importante jungle de Pandora. L’eau sur le sol est rudimentaire, les effets d’éclaboussures quasi inexistants. Du côté du gameplay le contact entre les personnages et le décor laisse à désirer. Bref c’est un jeu loin d’être fini, et si l’on sait que l’assemblement technique de certains gros jeux se fait à la dernière seconde (on se souvient du premier Halo plein de hoquets quelques semaines avant sa sortie), la sortie calée pour la fin novembre, avant celle du film le 16 décembre, ne laisse pas beaucoup d’espoir.

Assassin’s Creed 2 était lui aussi présenté de façon magistrale dans une petite salle à part pour un résultat en demi teinte. La section présentée se déroule dans des sous-sols aux décors de pierre assez neutres, loin des bâtiments colorés italiens attendus en surface. Les déplacements d’Ezio se calent pour l’essentiel sur ceux d’Altair et, mis à part des aptitudes comme celle, montrée, de pouvoir poignarder deux personnes en même temps dans le dos (!), en se laissant tomber d’une hauteur par exemple. On ne sent pas, avec cette démonstration, un changement significatif. Une section de saute-mouton et de plate-forme à la Prince of Persia ne réussit pas non plus à donner plus de poids aux actions du personnage. Il saute beaucoup trop vite d’une poutre à l’autre, ne semble pas avoir la pesanteur de son corps et se résume à une version superficielle des déplacements acrobatiques du dernier Prince of Persia. Même si le voir s’accrocher à des chaines suspendues et de s’y balancer réjouit.

Les 3 gros jeux multi-joueurs installés dans des décors thématisés se sont laissés regarder de plus ou moins loin. Y accéder demande plus de temps et d’organisation collective que les manettes simplement disponibles. Un coup d’œil rapproché à Halo ODST laisse visuellement très froid. Rien de neuf, des effets et des environnements bien connus et une image à la résolution plutôt basse. À réserver visiblement aux grands habitués des parties en ligne. Deux regrets : ne pas voir pu assister à la présentation d’Aliens vs Predator chez Sega pour cause de présentations trop espacées dans le temps, et de Battle Field Bad Company 2 dont les postes n’ont pas voulu fonctionner.

Gran Turismo 5 et Forza 3 : Tous les deux disponibles sur des écrans et dans des baquets, le plaisir du premier contact avec les deux monstres va très nettement en faveur du jeu sur Xbox 360, alors qu’un seul circuit est pourtant praticable. Forza surprend d’ailleurs avec des couleurs pétantes à la Sega qui l’éloigne un peu du réalisme photographique, il faut bien l’avouer, de plus en plus désincarné de Gran Turismo. Les tracés déjà connus du jeu de Polyphony, l’aliasing flagrant, et la lourdeur générale transforment Gran Turismo en vieux dinosaure figé dans sa formule. Les maigres extraits ne donnent pas, on l’espère, la mesure du jeu complet. Signalons quand même que les icones des menus et le curseur qui les survole vont beaucoup plus vite que l’interface de GT5 Prologue. En bon copieur de Gran Turismo, Forza 3 accentue encore son réalisme avec une prise en main d’une efficacité redoutable. Plusieurs tours dans un baquet avec un volant estampillé Porsche donne toute la mesure de l’exercice physique demandé ici. Sur la base de ce premier essai, Forza 3 renvoie à l’arraché le plus d’excitations visuelles, sonores et nerveuses.

Le retour des beat’em all, ou plutôt des slash’em all : Pratiquer l’un après l’autre Bayonetta, Dante’s Inferno et God of War III et même Ninja Gaiden 2 – le Brutal Legends esquivé pourrait s’ajouter à cette liste – provoque une certaine gène. Avec, bien sûr des variations bien à eux, les 3 premiers jeux déclinent le même gameplay, la même procédure générale de jeu. Les grands moulinets d’armes extensibles des uns et des autres font voler avec la même efficacité les vagues d’assaillants surnaturels au point que les mêmes gestes de bases semblent interchangeables d’un jeu à l’autre. Les petits et gros combos évidemment varient, comme la mise en scène de certaines extravagances, mais ces jeux là se ressemblent trop et ne devraient pas sortir en même temps au premier trimestre 2010 comme actuellement planifié. Pour entrer dans quelques détails, Dante’s Inferno semble accentuer davantage les énigmes de passage. Plutôt abscons, l’exemple donné à jouer à base de leviers, de déplacements de socles et de contrepoids n’était pas très probant. Les menus et les différentes possibilités de gestion apparaissent dès maintenant très plaisantes. L’amour des détails de l’équipe derrière Dead Space se ressent. Le Bayonetta japonais décline ouvertement et légitimement l’ADN de Devil May Cry puisque le même créateur en est responsable. Les animations de l’héroïne à la Sarah Palin mérite toute l’attention des hétéros. Elle n’hésite pas à onduler outrageusement du bassin par provocation et le déclenchement de certains combos font disparaître sa combinaison moulante pour laisser voir en une fraction de seconde sa nudité (à la Samus Aran période 16 bits). Très chaud pour un jeu vidéo. Une attraction qui cacherait presque une mise en scène des combats complètement délirante avec des entités monstrueuses sortant du sol et des jets de matières et de couleurs hors normes. Joué en mode Normal après avoir jeté un œil aux différents modes assistés bien présents et bien expliqués dans les menus, l’affaire fonctionne avec une belle aisance. Bayonetta se révèle beaucoup plus impressionnant en jouant que dans les extraits vidéo. Commun aux 3 jeux, le spectaculaire jaillit sans effort du moindre bouton. Entre les mains, God of War III a pour lui une familiarité confortable. Peut-être trop, coups et QTE se déclenchent sans surprise. L’ensemble s’appuie sur une fluidité particulièrement convaincante, le personnage solidement ancré dans son monde et les animations d’une rigueur exemplaire. Un passage où il fallait franchir des obstacles en s’accrochant plusieurs fois à la suite aux pattes de harpies capricieuses a bien posé quelques problèmes mais avec un peu plus d’application et sans doute d’adresse, un joueur plus habile doit pouvoir manœuvrer ça sans problème. Rien ne surprend dans cet extrait de God of War III mais tout fait plaisir. Ninja Gaiden 2 quant à lui, plus mécanique dans ses mouvements et déplacements, devient capable, dans le petit parcours essayé sous tutorial, de courir sur les murs façon Prince of Persia. Plus vertical, puisque le niveau se déroule dans les escaliers d’une pagode géante, et quand même plus sobre que ses congénères à la sauce mythologique, la démo renoue avec le gameplay à la fois travaillé et raide de la série.

Sur Wii, Red Steel 2 et Dead Space Extraction, présenté lui dans les tentes ouvertes du stand Nintendo, arrivent difficilement à retenir l’attention, avec leurs petits écrans et leur basse résolution, et à générer un plaisir de jeu spontané avec leur maniabilité compliquée. Il faut impérativement un ou une hôtesse à côté pour expliquer comment jouer (un comble pour la Wii tout public) et même comme ça, le début de Dead Space Extraction oblige à affronter un monstre trop gros pour soi, demandant trop d’effort physique et une coordination entre la Wiimote et le Nunchuk qui ne s’apprend visiblement pas en cinq minutes. L’ambiance et certains détails reflètent pourtant bien l’univers de Dead Space et le jeu mérite sûrement plus d’attention. Red Steel 2 n’appelle pas beaucoup de reproche ni d’enthousiasme. Le réussi aspect visuel dessiné presque cellshadé flatte un peu l’œil comme le décor entre western et Japon féodal. La prise en main, après explications, s’avère certainement plus efficace et moins trouble que sur le premier Red Steel. Déplacements, mouvements d’épée, reconnaissance des mouvements de la main fonctionnent apparemment avec assez de fidélité. On y croirait plus si les situations de jeux avaient un peu plus d’originalité. Épée, pistolet, époque, prise en main… Red Steel (2) continue d’être tout et rien et donc d’avoir un problème d’identité.

The Saboteur : L’outsider presque caché au stand chez Electronic Arts se laisse pourtant regarder et jouer comme un jeu à l’environnement totalement inédit. Quelque part dans la France de la Seconde guerre mondiale, un ouvrier en casquette et manches retroussée, un début en noir et blanc sous la pluie avec taches de rouges évidemment nazis, une campagne vallonnée avec petits murs de pierre, des oiseaux innocents qui se dégomment au vol, clochers au loin, Tour Eiffel irisée aussi…, l’ambiance et le rythme posé du jeu tranchent nettement avec l’hystérie du reste du salon. La prise en main à la 3e personne aussi à base de visée tranquille et de cachecache derrière les caisses ou murs et d’échelles à grimper ou descendre. Tout irait bien si dès le départ le level design n’avait pas recours à des répétitions de couloirs et d’espaces digne d’un jeu vidéo paresseux et non d’une architecture crédible.

DJ Hero : La proue musicale du stand Activision dont les couleurs, la musique et les faux musiciens de Guitar Hero 5 sur scène ont fini par attirer le nouveau ministre de la culture en visite. Un casque sur la tête et une platine DJ Hero sous les mains ont permis d’échapper un moment au superficiel brouhaha politique pour vérifier que, oui, l’interface de jeu de DJ Hero fonctionne bien. L’exercice sera clairement moins convivial et sexy que le rock band multi instrumentistes, même avec 2 platines simultanées, mais le plaisir de jeu descend sans équivoque de celui des Guitar Hero. L’option pour gaucher place curieusement les 3 boutons colorés sur l’extérieur du disque plutôt qu’à sa position initiale à l’intérieur. Retourner la platine pour utiliser la main gauche ne semble pas possible. Un détail minoritaire. La fausse platine de disques qui permet de singer les scratchs ne fait pas toc (juste un peu tristoune, stickers colorés à venir probablement) et s’avère même assez lourde pour demander un vrai effort musculaire pour scratcher avec tel ou tel doigt appuyé sur la couleur demandée. Petites déceptions avec l’intérêt acoustique des mixes des Daft Punk, notamment celui qui absorbe de façon très anecdotique le We will Rock you de Queen.

Uncharted 2 : Among Thieves : Est-ce vraiment utile de confirmer qu’il s’agit là d’un grand jeu ? Que ce qu’on voit de spectaculaire en vidéo a encore plus d’impact la manette en mains ? La richesse visuelle des détails et des couleurs n’a d’égal que dans le raffinement des contrôles du personnage. Ça shoote beaucoup dans le centre urbain explosé jouable, mais les phases de grimpette sur les façades et dans les bâtiments détruits laissent augurer du meilleur. Petit moment privilégié recommandé : jouer installé sur la banquette arrière d’une petit Fiat 500 sortie tout droit des décors du jeu.

Heavy Rain : Deux impressions simultanées ressortent après avoir pris le jeu en main. Impatience et doutes face à une séquence d’enquête sous la pluie bien trop lente et lourde. Et une stimulante et, pour le coup vraiment inhabituelle, séquence où une jeune femme se maquille, s’habille et va, toujours sous le contrôle minutieux de la manette, séduire un mafiosi sur la piste de danse d’un night-club. Maintenir une pression permanente sur le bouton R2 pour marcher et ne pas pouvoir courir irrite d’emblée. Les gestes contextuels à accomplir avec le stick droit quasi organique, l’affichage évanescent des pensées des personnages en appuyant sur L2 et les secousses de la manette qui complètent les gestes à l’écran, en revanche, surprennent et enthousiasment. Il y a là nettement « more than meet the eyes » (plus que ce que les yeux ne peuvent voir) et cette aventure ne se mesurera pas en quelques minutes de prise en main sans contexte, et sans musique.

New Super Mario Bros : Jouable uniquement à plusieurs, le nouveau Mario sur Wii fait tout sauf neuf. L’impression d’avoir déjà vu et pratiqué les niveaux mille fois laisse un peu sur le carreau malgré l’envie enfantine que procure toujours un jeu Mario. La description du gameplay et des contrôles impeccables ne nécessite aucune explication au-delà de la réserve chronique de la prise en main à l’horizontale de la Wiimote. Cette incarnation Wii du succès de la DS réussira-t-elle à sortir des casquettes et Mario et Luigi des surprises permettant de rouvrir grand les yeux sur le monde Nintendo ? Mario et Luigi faisant de la luge sur le ventre rhabillé en costumes de pingouins font-ils rire ? On demande à voir.

François Bliss de la Boissière

 


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Les blockbusters du jeu vidéo trébuchent sur la dématérialisation

Aussitôt annoncée la date de mise à disposition en téléchargement du 2e chapitre inédit de la saga Grand Theft Auto IV le 29 octobre prochain, le studio Rockstar s’empresse de préciser qu’il sera également vendu en magasin sur un disque en compagnie du 1er chapitre. Deux pas en avant, un pas en arrière, l’heure du jeu vidéo blockbuster dématérialisé n’a donc pas encore tout à fait sonné.

GTAIV

The Lost and the Damned, le premier chapitre indépendant du multimillionnaire Grand Theft Auto IV (GTA IV), commercialisé uniquement sous forme dématérialisée sur le Xbox Live en février 2009, aurait dû signer l’avènement du jeu vidéo blockbuster téléchargeable en chapitres sur console. Au lieu de quoi, le succès modéré de l’opération que l’on peut déduire de l’omerta de l’éditeur Take Two sur les chiffres de vente, aurait plutôt freiné l’élan. Et au moment de la sortie attendue, encore en exclusivité sur Xbox Live le 29 octobre, du 2e chapitre au titre clin d’œil et subversif digne de la série (The Ballad of Gay Tony), Dan Houser, un des fondateurs vedettes du studio Rockstar à l’origine de la série, annonce, à la surprise générale, la commercialisation en parallèle des 2 épisodes simultanés sur disque Xbox 360 (qui ne nécessitera pas de posséder le jeu original pour fonctionner).

Un horizon flou comme la dématérialisation

L’avenir du jeu vidéo sera téléchargeable, plus personne n’en doute. Mais quand exactement aura lieu le basculement définitif entre la vente traditionnelle de jeux en boite dans les magasins et la dématérialisation totale ? Dans un sérieux reportage vidéo allant à la rencontre de la crise économique aussi installée dans l’industrie du jeu vidéo, l’ancien directeur créatif d’Oddworld Inhabitants, Lorne Lanning, toujours prêt à jouer les prophètes, ne donne pas plus de 5 ans au jeu vidéo « en boite » avant de rejoindre le destin du vinyle. Tout en confirmant la croissance de la vente en ligne de contenu de jeux, une étude plus réservée de Screen Digest prévoit que d’ici 2013, les 830 millions d’euros dépensés à l’acquisition de jeux complets dématérialisés ne représenteront que 11 % du marché des jeux pour consoles, le reste étant encore vendus en boite. Aussi dynamique soit-elle et malgré sa durée de vie allongée à 10 ans, cette génération de consoles ne servirait que de répétition à la consommation en masse de loisirs dématérialisés. La prochaine vague de consoles de salon, que tout le monde a du mal à cerner au milieu de la fusion généralisée de tous les services dans des box de plus en plus interchangeables, signerait, elle, l’avènement de la vente totalement virtuelle, entre autres, de jeux vidéo.

Deux pas technologiques en avant

Au jour d’aujourd’hui, le marché du jeu vidéo, toujours à la pointe des tendances, avance de deux pas un jour, pour reculer d’un pas le lendemain. Le succès incontestable des DLC, ces Downloadable Contents ou encore, en français, « contenu téléchargeable » (et non « date limite de consommation »), qui occupent les communiqués de presse éditeurs et les conversations des gamers, s’arrêtent là où prix et contenu ne trouvent pas une harmonie culturelle encore à définir.
Il suffit de prendre l’exemple du nombre vertigineux de chansons disponibles à l’achat autour des jeux musicaux Guitar Hero et Rockband sur les stores Sony et Microsoft, pour mesurer à vue d’œil et d’oreille l’accélération incontestable des microtransactions sur consoles. Le nombre d’extensions de jeux (DLC donc) un jour apanage du jeu sur PC (add-ons sous la forme classique de maps, de nouveaux engins, de nouvelles épreuves ou récemment, plus fétichistes, de nouvelles tenues pour les héros…) ne cesse de croitre sur les trois consoles de salon. Un marché dématérialisé qui peut aller jusqu’à, exceptionnellement, faire le succès d’un jeu inédit dit d’arcade comme le récent Shadow Complex, supervisé par Epic Games connu pour la série Gears of War, triomphant publiquement à 200 000 exemplaires vendus en 2 semaines. Entre les rééditions de jeux anciennes générations sur la console virtuelle de la Wii, le Xbox Live Arcade de la Xbox 360 et le PS Store de la PlayStation 3, les consommateurs sont entrainés depuis 3-4 ans, à faire l’acquisition de jeux à prix réduits associés à une réalisation sérieuse mais visiblement modeste par rapport aux superproductions. L’écosystème va jusqu’à permettre d’acheter et transférer des jeux complets à partir des consoles de salon jusqu’aux consoles portables comme la PlayStation Portable et la DSi de Nintendo. Sans lecteur de disques UMD, le nouveau modèle de PSP baptisée Go, disponible le 1er octobre, ne fonctionnera plus qu’avec des jeux dématérialisés téléchargeables. Et bien sûr, depuis un an, l’AppStore et ses 6 000 jeux iPhone/iPod Touch a fait exploser les modèles d’offre et de demande.

Un pas culturel en arrière

Le succès de ces modèles repose néanmoins sur une politique de petits prix. Les jeux les plus sophistiqués comme les chapitres inédits de GTA IV plafonnent à 20 € et se cognent visiblement déjà aux limites des habitudes d’achat. À partir de quelle somme le consommateur-joueur éprouve-t-il le besoin d’avoir une trace concrète de son acquisition ? Tel un effet miroir renvoyant en magasins, la multiplication récente de versions collectors de jeux comme le récent Batman : Arkham Asylum ou le prochain Assassin’s Creed II, qui ajoutent entre 20 et 30 € à la facture déjà salée de 70 € de base, prouve que le consommateur reste plus enclin à payer cher la preuve en plastique de son achat plutôt qu’une portion inédite du jeu en ligne. Une faiblesse qu’encourage encore les éditeurs de jeu vidéo qui ne veulent surtout pas s’aliéner les circuits traditionnels de distribution. Si la mise en vente récente de jeux complets première génération Xbox 360 sur le Xbox Live semble une innovation, voire une prise de risque, le prix de vente calé à 30 euros se révèle plus élevé que celui du jeu désormais soldé en magasin (entre 15 et 25 € les titres en question). Devant la nécessité de ménager la chèvre et le chou, la poussée en avant technologique et culturelle de la dématérialisation souhaitée par Microsoft se limite pour l’instant à des phases d’observations et de béta tests. Le peu de succès de la vente dématérialisée sur le Xbox Live d’une poignée de jeux disparus des magasins de la première console Xbox, prouve que ce sont aussi les habitudes du consommateur que Microsoft, et les autres éditeurs embarqués dans l’aventure, explorent en tâtonnant.

Marche arrière forcée

La nouvelle PlayStation 3 Slim laissant encore une fois de côté, au grand dam des gamers à la pointe, la rétro compatibilité avec le catalogue de jeux PlayStation 2, contrairement aux premiers modèles de PS3 commercialisés en 2006 et 2007, on devrait s’attendre en toute logique évolutive à ce que Sony commence à vendre des jeux PS2 aux côtés des jeux PlayStation One sur son PS Store pour être jouables de façon émulée sur PlayStation 3. Pourtant, encore une fois, alors que Sony a aussi pour objectif de promouvoir son format Blu-ray contrairement à Microsoft, Sony Computer a annoncé, aux USA pour l’instant, la réédition remastorisée et upgradée de ses deux blockbusters God of War I et II de la PlayStation 2 réunis sur un seul disque Blu-ray destiné à la PS3. Deux pas en avant virtuel, un pas en arrière matériel, cahin-caha, le jeu vidéo poursuit ainsi prudemment son inexorable chemin vers la dématérialisation.

François Bliss de la Boissière

(publié le 14 septembre 2009 sur Electron Libre)

 


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Avatar, où comment le réalisateur de Titanic refait surface

Derrière le spectaculaire visuel et médiatique du nouveau projet de James Cameron avec bande-annonce et 15 minutes d’extraits offerts au public en salle, se cachent plusieurs intentions. Celle d’un réalisateur toujours en quête d’émotion et d’absolu et celle de l’industrie du cinéma qui utilise tous ses moyens technologiques, 3D, IMAX, pour arracher les gens à leurs écrans à domicile et les refaire voyager en grand dans les salles de cinéma.

Avatar 02

2ème partie (1ère partie ici) : Où le projet de James Cameron engendre une promotion d’un nouveau genre en arrachant, paradoxe ultime pour un film quasi virtuel, les spectateurs de leur écran d’ordinateur et les invite à venir voir des extraits gratuitement en salle. 4 mois avant la sortie mondiale, c’est aussi une façon de familiariser tout le monde avec ces, d’abord fumeux, puis fameux, avatars extra-terrestres bleus…

Paliers de décompression

Sans tendre l’oreille de façon volontariste pour épouser le rythme émotionnel de la bande-annonce, la première vision des créatures anthropomorphiques de la planète Pandora déconcerte sans aucun doute (cf 1ère partie). La projection inhabituelle de longs extraits du film quatre mois avant la sortie du film, d’abord au Comic-Con de San Diego, puis dans le reste du monde, y compris dans des salles IMAX, a peut-être la fonction cachée, derrière la promotion, de familiariser le spectateur avec ces étranges Na’vis avant la commercialisation du film. Cameron et la production savent sans doute déjà que le premier rejet instinctif de la présence curieusement humanisée des avatars pourrait peut-être nuire à l’appréciation du film. La bande-annonce qui sera certainement suivie d’autres et les 15 minutes de montage servent déjà de palier de décompression. Nos sens ont peut-être besoin d’être apprivoisés pour être capables d’accepter, sans même passer par le relief, le saut technique et sensoriel tenté par le film. Car les longs extraits démontrent au moins une chose non perceptible dans la bande-annonce : la viabilité expressive des dites créatures. Plus délicats à accepter pour le personnage masculin central rigidifié dans une posture de surprise, le personnage féminin Na’vi d’une des séquences fait la démonstration d’une large palette d’expressions faciales et corporelles. On y croit très vite, plus vite qu’avec les expériences botoxées virtuelles de Robert Zemeckis du Polar Express et de Beowulf, mais peut-être moins sincèrement, au jour d’aujourd’hui, qu’avec le Gollum du Seigneur des Anneaux et le King-Kong de Peter Jackson car, eux, ne cherchaient pas autant à faire humain.

La messe version Cameron

Sans chercher à en savoir davantage sur le scénario pour mieux se préserver du plaisir, il semble déjà évident que Cameron célèbre à nouveau la machine « évoluée » pour aussitôt en dessiner les dérives et les limites. Après avoir démontré, de Titanic à Terminator, que les machines asserviraient ou détruiraient l’homme par simple pesanteur ou logique rationnelle, Cameron entreprend cette fois de prolonger le message d’Abyss où le futur de l’homme serait plutôt la fusion, d’abord fraternelle, puis physique et spirituelle dans Avatar, avec une espèce venue d’ailleurs. Pour Cameron, le mecha improvisé qui permet au personnage de Ripley de lutter contre la reine alien (Aliens), puis les mechas militaires pourtant spectaculaires d’Avatar sont déjà dépassés. Toute puissante fut-elle, l’aide mécanique des machines à la motricité du Marine handicapé ne se compare pas à la renaissance physique que permet le transfert de son esprit dans un avatar alien. Ainsi, après avoir servi d’outil, d’assistance et d’instrument de destruction, l’intelligence artificielle de la machine pourrait aussi servir de vecteur entre l’homme et une autre forme de vie. Au delà de la cybernétique et du Terminator aux tissus mélangés, il faut à l’homme inventer la machine intelligente qui lui permettra de conserver son acquis intellectuel et émotionnel en le transférant dans un autre corps biologique, plus apte.

Au-delà des nuages et de la technologie

James Cameron explique que sa passion pour l’exploration des fonds sous-marins remplace l’exploration encore impossible du cosmos à laquelle il aspire depuis toujours. Au fond des abysses dit-il, dans le coton ouaté des mystérieuses profondeurs où toutes les rencontres sont encore envisageables, il cherche les autres mondes devinés sur la tapisserie étoilée du ciel. Après être descendu dans les profondeurs du Titanic pour remonter et toucher du doigt le ciel du succès, Cameron revient douze ans plus tard avec, cette fois, la ferme intention de nous emmener pour de bon au-delà des nuages. Et parce que la modernité ne lui échappe pas plus aujourd’hui qu’il y a dix-huit ans (Terminator 2), il n’oublie pas de joindre à l’exploration extériorisée de l’espace, celle intériorisée de l’espace atomique et biologique devenu digital. Si les procédés de 3D relief utilisés font l’événement (mais pas plus, à la vision du montage de 15 minutes, que les récents Là-haut et Coraline), si Avatar signe peut-être l’avènement du cinéma dit « virtuel » où l’on enregistre informatiquement bribes de décors et acteurs avant de réellement placer une caméra virtuelle et donc de « filmer », si Cameron comme avec Terminator 2 redéfinit les contours des effets spéciaux pour les cinq-dix ans à venir, il importe davantage de savoir quelle histoire fondamentale veut nous raconter le prophète James Cameron. Et si la motion capture, ou « performance capture », encore raide, le look étrange des Na’vis et les affrontements à la Star Wars laissent des doutes, la charge émotionnelle de la musique accompagnant le placement chirurgical de chaque image de la bande-annonce évoque sans détour le type de registre spirituel que cherche le réalisateur. Quand un cinéaste de 55 ans qui n’a plus rien à prouver de son talent fait un film de SF fantasmatique dont l’apparente candeur siérait plus à un jeune réalisateur geek et excusable, il faut bien se résoudre à envisager le pire ou le meilleur. Soit nous avons à faire à un réalisateur que le succès et l’ambition auraient rendu aveugle et fou. Soit nous allons assister au nouveau coming out d’un génie visionnaire toujours en avance sur son temps.

François Bliss de la Boissière

Voir aussi 1ère partie : Avatar, le coming out planétaire de James Cameron

(Publié le 12 septembre 2009 sur Electron Libre)
 

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Avatar, le coming out planétaire de James Cameron

Bande-annonce du film disponible sur Internet, puis 15 minutes de projection en 3D et gratuite d’extraits du film en salle ont transformé le vendredi 21 août en exceptionnelle journée Avatar. Et signé le retour public de James Cameron, le réalisateur bâtisseur de mondes qui veut toujours nous faire croire que derrière l’effondrement des machines et de la civilisation (Terminator, Abyss, Titanic) l’amour est toujours possible. Analyse et impressions à chaud, et froid.

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* Note aux passionnés : Pas de spoilers ci-dessous. Mots et impressions sont tirés de la bande-annonce du film disponible partout depuis le 21 août que l’on recommande de voir, ici, avant de lire. Le montage de 15 minutes projeté vendredi 21 août dans quelques salles Gaumont à Paris et en province, et vu avec le public invité gratuitement, est évoqué mais non décrit plan à plan. James Cameron le précise lui-même au début de ce privilégié bout à bout de quelques scènes montré d’abord au Comic-Con de San Diego, les images présentées n’appartiendraient qu’à la première moitié du film.

1ère partie : où le réalisateur de Titanic redevient une figure publique avec une bande-annonce dont les aliens/avatars du titre apparaissent plus comiques que convaincants avant de cueillir le spectateur au ventre avec une bande-son porteuse de toutes les intentions émotionnelles du voyage…

Après douze années d’attente depuis le succès planétaire de Titanic, 4 années de production et d’innovations technologiques annoncées, la première vision de la bande-annonce du méga projet en 3D et « cinéma virtuel » de James Cameron laisse circonspect et réveille les vieux démons du scepticisme avant de convaincre. Presque un cliché pour l’inventeur des mécaniques de substitution guerrière ou ouvrière d’Aliens, Abyss ou Terminator, les « méchas » (armure géante robotisée pilotée de l’intérieur par un humain) où se glissent les Marines colonialistes du scénario d’Avatar ne surprennent pas. Les corps longilignes aux aptitudes animalières, les yeux de biches et la voyante peau bleue des indigènes extraterrestres de la planète Pandora frôlent le ridicule et, surtout, ne renvoient pas au premier abord le côté sérieux-réaliste supposé être associé au projet. Les scènes d’affrontements aériens entre les hélicos militaires du 22e siècle et les montures volantes des Na’vis confirment le spectaculaire d’un film d’action sans faire naître un étonnement technique post Star Wars, Seigneur des Anneaux, ou Transformers signifiant. Syndrome inévitable de l’attente et du buzz mondialisé, orchestré ou spontané, l’image concrétisée d’aucun projet ne réussit jamais à se substituer à la page blanche de l’imagination de chacun. Néanmoins, un minimum intéressé et concerné pour y passer le temps requis, la vision répétée de cette bande-annonce de 2’09 minutes finit par laisser durablement une empreinte. Car au-delà de l’esbroufe technologique plus ou moins appréciable, Cameron cherche avant tout l’émotion. Et c’est bien elle qu’il faut guetter, oreilles au moins aussi grandes ouvertes que les yeux, dans la bande-annonce.

Voyage spirituel extérieur et intérieur

Une fois la première impression digérée, positive ou négative, face aux images, l’habile montage et le crescendo émotionnel de la sobre mais pénétrante bande son musicale tout juste bruitée, révèlent l’intimité et la puissance d’évocation recherchée par Cameron. Même si les plans objectifs du filmage ne l’indiquent pas directement, la bande-annonce se vit pratiquement en vue subjective. Réunis dans la position d’observateurs passifs, le spectateur assis derrière son écran et le Marine, héro de l’aventure coincé dans sa chaise roulante, partagent ainsi le même voyage : le trajet physique qui va du vaisseau spatial quittant la Terre à l’atterrissage sur la base militaire de la lune Pandora ; le parcours physiologique qui transforme le Marine handicapé en créature aux aptitudes physiques surhumaines quand il investi le corps d’un Na’vi, l’avatar ; et le chemin spirituel du héros qui va littéralement quitter le monde mécanique des hommes pour épouser le destin « naturaliste » des indigènes Na’vis. Dès le soulèvement de paupières du premier plan, la direction de regard est donnée. La curiosité du Marine, qui descend en chaise roulante de l’avion cargo en observant avec attention autour de lui, guide celle du spectateur. Ou, plus précisément, la qualité du regard porté sur les choses par le Marine doit instruire celle du spectateur, l’entrainer dans son émerveillement et son intensité émotionnelle. Le discret et pourtant formidable mouvement de caméra qui accompagne la découverte du Na’vi flottant dans un caisson transparent porte en lui toute la force du moment et du futur qu’il va engendrer. En glissant doucement derrière le héros dans sa chaise roulante, la caméra épouse son regard jusqu’au moment où, prolongeant le mouvement alors que lui s’arrête pour observer le Na’vi, elle redonne conscience au spectateur de sa propre présence dans son dos et anticipe sur l’expérience de décorporation, de sortie du corps, que va concrètement vivre le Marine en investissant celui du Na’vi. Acquiescement, émerveillement, tranquillité, le simple sourire du héros ponctuant cette courte séquence porte en lui le capital d’énergie positive à venir et ramène le spectateur dans le corps du héros qui dit, en souriant, oui à l’expérience. Ce sourire est forcément celui de James Cameron. Il signe le degré d’intention et de qualité  spirituelle attribuée à cette invitation au voyage.

Pulsations cardiaques partagées

Un lointain riff de guitare fait alors monter d’un cran la tension. Des battements de cœur étouffés donnent son rythme au montage et accompagnent le mystérieux transfert, vécu de l’intérieur, de l’humain au Na’vi. La respiration de la créature, digne d’un astronaute ou d’un scaphandrier fortement connotée trip intérieur et cosmique (2001, Abyss…), se joint aux battements cardiaques pour créer une poignante nouvelle dynamique rythmique. Le plan totalement subjectif qui suit, avec les deux mains du Na’vi dans l’écran, confirme au spectateur – et au gamer déjà bien habitué à cette position – l’immersion jusque là suggérée par les sons, le voyage intérieur auquel conduit le trajet intersidéral et sidérant. Un léger travelling permet de découvrir en même temps que lui sa nouvelle enveloppe, cet improbable corps géant et bleu au début maladroit avant que le Marine devenu Na’vi, du seul mot prononcé dans toute la bande-annonce, déclare avec un sourire rassurant au laborantin/spectateur inquiet et incrédule derrière sa vitre : « This is great », « C’est génial ».

« Altereted States »

La suite, extravertie, volontairement plus spectaculaire et ponctuée par une nouvelle couche rythmique contenue, enchaine sur la raison d’être du voyage : l’expérience primale de la vie de la vie du héro qui, tel le scientifique auto-expérimentateur du Altereted States de Ken Russel en 1980 ou un certain « danseur avec les loups » empathique, bascule de la lutte humaine contre la population native locale à la participation du côté autochtone à la guerre contre la colonisation humaine. Les images parlent ici le langage facilement identifiable de l’action et il faut encore vivre la magistrale pulsation de la musique pour y ressentir les intensions dramatiques qui suggèrent un au-delà des scènes de bataille. L’ébauche de baiser final entre les deux Na’vi dont on suppose que le mâle est l' »ancien » Marine humain, rappelle sans surprise mais avec pertinence que, malgré la tempête alentour, les enjeux sont émotionnels et intimes comme l’étaient ceux du couple d’Abyss ou du Titanic.

2ème partie à suivre ici : Où le projet de James Cameron engendre une promotion d’un nouveau genre

François Bliss de la Boissière

(Publié le 11 septembre 2009 sur Electron Libre)

 



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Jeux vidéo, le nouvel eldorado d’Hollywood

Une nouvelle vague importante d’adaptations cinématographiques de jeux vidéo se prépare dans les coulisses de la production cinéma américaine. Le nom de réalisateurs haut de gamme attachés à plusieurs projets laisse entendre que, sur le modèle des adaptations de comic books en films par des metteurs en scène prestigieux, Hollywood a compris que le talent peut payer. La réunion, jusque là douteuse, du jeu vidéo et du cinéma va peut-être enfin accoucher d’autres choses que de nanars.

blisshollywood

Malgré les alertes critiques, les adaptations médiocres de films en jeux vidéo se vendent par charrettes. Le récent million d’exemplaires écoulés du quelconque jeu vidéo Ghostbusters aux USA le rappelle. Trop rentable, cette exploitation lucrative vulgaire ne risque donc pas de ralentir. En revanche, les films tirés de jeux vidéo ne rapportent pas encore les dollars que la popularité du jeu vidéo laisse entrevoir. Même si certaines productions plus ou moins cheaps réussissent à faire des bénéfices. La série des Resident Evil va notamment se prolonger au-delà de la première trilogie. Au pire de cette exploitation de bas étage, les films sortent directement en vidéo comme les effroyables adaptations de Alone in The Dark ou Bloodrain de l’opportuniste réalisateur allemand Uwe Boll. Ou deviennent, avec un Jean-Claude Van Damme dans Street Fighter (1995) ou un Christophe Lamber dans Mortal Kombat (1995), des succès honteux de vidéoclub. Honorable mais vain et superficiel, le stylé Max Payne n’apporte rien de plus au cinéma en 2008 qu’en jeu vidéo en 2001. Un réalisateur de talent lancé avec conviction dans la grande aventure du cross over ne suffit pas non plus. Ainsi, oubliant complètement de donner une vraie épaisseur aux personnages, l’adaptation visuellement brillante du jeu d’horreur Silent Hill en film par le français Christophe Gans laisse encore un goût amer trois ans après sa sortie. Le problème est pourtant connu. Prétextes à enclencher les scènes d’action interactive, les scénarios de jeux vidéo sont aussi superficiels et maladroits que le pseudo jeu des comédiens venus débiter top chrono du texte au kilomètre derrière des créatures de synthèse plus raides que des figurants du 3e rang. Convertir les jeux en films oblige à un très sérieux travail d’adaptation. Trouver un nouveau rythme (2h un film, 10 à 40h un jeu vidéo !), combler les lacunes scénaristiques et dramaturgiques du jeu et créer un nouveau lien avec le spectateur susceptible de compenser la disparition de l’interactivité, ce lien physique inexplicable qui relie le jeu et le joueur. Un travail d’adaptation qu’Hollywood a historiquement l’habitude de mener à bien avec les livres et, plus récemment avec les comics books mais qui reste à faire avec les jeux vidéos.

Mariage attendu

Au fond, les jeux les plus respectueux et injectés de culture jeux vidéo restent des créations et non des adaptations. Le Tron séminal des années 80, le Matrix des années 90, le récent Speed Racer – malgré son échec commercial – suintent davantage le jeu vidéo que toutes les adaptations officielles. Quand ce ne sont pas les scènes d’action de blockbusters ou de films cultes qui tirent leurs cascades et effets au jeu vidéo : la scène d’ouverture yamakazi du remake de Casino Royale façon jeu de plate-forme, les enchainements de prouesses façon jeu de rôle des Seigneurs des Anneaux, ou la scène de bagarre filmée de profil façon beat’em all 2D du décalé Old Boy du coréen Chan-Wook Park. Sans même passer par l’action, l’eXistenZ de David Cronenberg, avait en 1999, lui, réussi à frôler intellectuellement ce petit quelque chose d’insaisissable au cœur de l’activité interactive.
Depuis le péché originel du bide colossal de l’adaptation incongrue de Super Mario Bros en 1992, cinéma et jeux vidéo se toisent comme chiens et chats pour accoucher de productions sans autre intérêt que facilement mercantiles. De plus en plus inévitable avec la fusion des technologies numériques 3D, le mariage des deux loisirs de masse semble pourtant prêt à accoucher d’un rejeton enfin honorable à l’aube des années 2010.

Geeks, nouvelle génération

La montée en force de la culture geek au box office, réaffirmée il y a peu par le nouveau long métrage Star Trek, vaut tous les arguments culturels auprès des studios de cinéma. Si le mixe gros budgets, effets numériques derniers cris et réalisateur de talent fan de la source peut générer un carton au box office avec des personnages aussi improbables et infantiles que les super-héros américains, (ces « fameux men in tights » : les Spider-Man de Sam Raimi, X-Men de Bryan Singer, Batman de Chris Nolan, Iron-Man de Jon Favreau, Watchmen de Zack Snider et sans doute bientôt les euro-Tintin de Steven Spielberg et Peter Jackson) après les univers de la Marvel et DC, le prochain eldorado pourrait, devrait, venir du vivier jeu vidéo. Le passage à l’acte s’apprête à se concrétiser avec la nouvelle génération qui arrive aux commandes du cinéma. Nourrie aux jeux vidéo, comme de bande dessinée, elle pourrait changer la donne. Avec elle, l’ambition d’un bon business plan se greffe d’un attachement sincère au jeu vidéo et d’une volonté de reconnaissance culturelle. Au dernier E3, un panel de discussion autour du jeu vidéo constitué d’agents, de scénaristes de comics, de producteurs de films, de développeurs de jeux et autres personnalités des industries de loisirs, tous passionnés de jeux vidéo. s’est formalisé en un groupe, House of Games, qui va faire du lobbying pédagogique entre les deux milieux.

Tous azimuts

Depuis quelques mois les projets de films adaptés de jeux vidéo se multiplient à une vitesse record. L’éditeur Electronic Arts, par exemple, déchainé, multiplie les projets d’adaptation de son catalogue de jeux vidéo. Douteux avec le para militaire Army of Two ; prometteur avec Avid Arad, producteur avisé des films Marvel, attaché à la conversion cinématographique du jeu de rôle cosmique Mass Effect (également attaché au Lost Planet de Capcom chez Warner) ; inimaginable avec Les Sims façon comédie ados des années 80 ; et culotté avec L’Enfer de Dante alors que le jeu vidéo n’est ni sorti ni garanti d’être un succès.
Et tant pis si les intentions ne se concrétiseront pas toutes. L’abandon en 2006 de l’adaptation du blockbuster Halo par Peter Jackson pour cause de budget accusé d’être trop ambitieux par les deux gros studios Fox et Universal engagés, rappelle que même le dollar maker Peter Jackson ne peut suffire à rassurer les studios de cinéma. Frilosité et scepticisme resteront de mise tant que la réussite d’un film tiré d’un jeu vidéo, sur le modèle du 1er film Spider-Man pour la bande dessinée, ne donnera pas aux studios les clés d’un minimum de succès. Alors seulement la ruée vers l’or et la course au jackpot sera lancée. Mais qui signera l’étalon hollywoodien ? Sam Raimi peut-il réussir avec un film sur Warcraft le hold-up de Peter Jackson avec le Seigneur des Anneaux ? Le jeune James Wan, réalisateur des sanglants Saw, saura-t-il élever les vampires manga de la série Castlevania de Konami en succès planétaire à la Twilight ? Roger Avary transformera-t-il Silent Hill 2 en référence de film d’horreur à la hauteur du jeu vidéo après avoir bouclé le tournage du malfamé Return of Castle Wolfenstein ? La version cinématographique de Uncharted : Drake’s Fortune deviendra-t-elle le nouvel Indiana Jones ? Le Prince of Persia actuellement en post production avec la jeune star Jake Gyllenhaal dans le rôle titre, le créateur du jeu au scénario, et le mogul Jerry Bruckheimer à la production, montrera-t-il dès 2010 un exemple réussi en visant un succès à la Pirate des Caraïbes ?

Impatiences et contournements

Malins, en attendant qu’Hollywood se décide pour de bon, les éditeurs de jeux vidéo prennent l’initiative. Histoire de se donner le droit de faire flasher sur grand écran leurs séries phares, ils commencent par en faire des bandes dessinées, puis des films d’animations diffusés sur le web ou en DVD. Avant d’être un projet de film éventuellement réalisé par l’efficace D.J. Caruso (Salton Sea, Paranoiak), le jeu de SF horrifique Dead Space d’Electronic Arts a été précédé par un long métrage d’animation en 2008 (Dead Space : Downfall). Annoncées au récent Comic-Con de San Diego, sept mini séries animées du Halo de Microsoft seront conçues par cinq studios d’animation japonais, sans doute sur le modèle des Animatrix. Après avoir créé un studio de films d’animation en image de synthèse en 2007 à Montréal d’où sortent les courts métrages et bandes-annonces associés à ses jeux, Ubisoft vient de fonder un pôle édition de bandes dessinées et publiera dès novembre une BD de son jeu à succès Assassin’s Creed avant de prolonger l’univers en trois courts métrages mi live-action mi synthèse juste avant la sortie du jeu vidéo Assassin’s Creed 2.
À l’horizon déclaré ou non, multi preuves de la viabilité de la source à l’appui, les éditeurs de jeu vidéo visent le grand écran. Quitte à forcer la marche et la main d’Hollywood. Sur la crête de cette nouvelle vague inévitable, un seul résistant surfe sur l’orgueil : le studio Rockstar qui, à moins de garder 100 % du contrôle créatif, ne veut pas prendre le risque d’écorcher l’image de sa série mine d’or, déjà éminemment cinématographique, Grand Theft Auto.

François Bliss de la Boissière

(publié sur Electron Libre le 29 juillet 2009)

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Xbox 360 : (r)évolution d’intérieur

Sony le clame depuis les débuts de la PS3, cette génération de consoles de salon doit attendre 10 ans avant de se renouveler. Une aubaine pour le concurrent Microsoft, roi du logiciel, qui prend chaque année de l’avance en faisant évoluer plus vite et plus énergiquement sa console Xbox 360 de l’intérieur.

XboxON

L’ADN de Microsoft a toujours été le développement de logiciels. Pour entrer sur le marché du jeu vidéo et défier l’hégémonie de la PlayStation de Sony dans les années 2000, le géant américain a dû se forcer et brûler des milliards de dollars en fabriquant la première Xbox, qui a fait un flop, et la Xbox 360, cette fois en bonne place des consoles high-tech de salon. Depuis le lancement de la coûteuse PlayStation 3 fin 2006 (2007 en Europe) Sony répète inlassablement que le cycle de vie de sa machine multimédia, joueuse et ambassadrice du format Blu-ray, sera de 10 ans. Loin d’être sourd, Microsoft a bien entendu cet appel au calme hardware. La Xbox 360 ayant devancé la PS3 d’une bonne année, Microsoft ne s’alignera pas forcément sur le cycle de renouvellement souhaité par Sony. Mais en attendant ce rendez-vous imprécis aux alentours de 2013-2015 selon les analystes, plutôt que de changer le matériel, la firme de Redmond semble tout à fait heureuse de modifier régulièrement le logiciel de sa console. Au point que, du nouvel OS de la Xbox 360 fin 2008, aux nouveaux services mis en place au 2e semestre 2009, jusqu’au Project Natal annoncé pour 2010, la révolution/évolution de la console se fait bien de l’intérieur.

Multimédia sur ordonnances

La célèbre guerre des consoles qui voyait les générations de consoles Nintendo et Sega s’affronter dans les années 90, avant que Sony mette tout le monde d’accord dans les années 2000, est terminée. Puisqu’il est presque acquis que le renouvellement hardware dépassera le cycle des 5 ans auquel nous ont habitué les précédentes successions de consoles de salon, la concurrence se joue désormais sur le nombre et la qualité de services inclus dans les consoles. Chaines d’infos, météo, téléchargements de jeux ou de films, jeux connectés, navigation sur Internet… les consoles sont effectivement devenues les centres multimédia annoncés. Toutes ne délivrent pourtant pas la même qualité de services. Limitées, les offres en ligne de la low-tech Wii restent, par exemple, modestes. Indécise, la surpuissante PlayStation 3 nécessite de fréquentes mise à jour de son firmware pour des raisons toujours très minimes et invisibles aux profanes, pendant que la Xbox 360, nettement plus sûr d’elle, est restée beaucoup plus sobre sur la même période. Les services en ligne du Xbox Live font unanimement référence en terme de fiabilité (1 milliard de téléchargements de contenus revendiqués par Microsoft) et garde toujours une longueur d’avance sur Sony. La VOD existe sur Xbox 360 depuis 2007 en Europe, y compris pour des programmes en HD, alors que la PS3 attend toujours de lancer un service équivalent en Europe. Microsoft entretient sa pole position sur l’ensemble de l’offre Xbox 360, y compris avec ses tarifs agressifs (premier prix officiel à 199 €, moins que la Wii toujours à 249 €) pendant que la PS3 s’arc-boute sur son prix de vente élitiste (399 €). Une distance qui ne suffit pourtant pas à la société américaine qui a entrepris de passer nettement à la vitesse supérieure fin 2008 en exploitant tout son savoir faire en terme de logiciels.

Cheval de Troie

Microsoft a toujours eu pour ambition affichée d’occuper une place centrale sous la télévision. Un PC multimédia équipé de la suite de logiciels Windows Media Center s’avérant une affaire trop complexe et trop onéreuse, c’est par le biais d’une console de jeu dédiée que le géant américain eu l’idée d’un cheval de Troie à double tête. L’une pénétrant en douceur le foyer en s’appuyant sur le populaire jeu vidéo, l’autre chassant la concurrence de Sony et ses consoles ressemblant de plus en plus à des ordinateurs fonctionnant… sans aucun Windows. 30 millions de Xbox 360 vendues et Microsoft peut désormais dérouler son savoir faire logiciel et prendre une initiative inédite en renouvellant l’interface utilisateur d’une console.
Pour la première fois, le logiciel interne d’une console de jeu allait ainsi être totalement changée et ouvertement « vendue » comme une amélioration, voire un reboot de la console. Le nouveau firmware NXE (New Xbox Experience) installé gratuitement depuis novembre 2008 dans chaque console a véritablement changé la physionomie de la console. Ergonomie, organisation et look visuel donnent en effet l’impression d’avoir entre les mains une nouvelle machine. Les services restent sensiblement les mêmes, mais l’apparition d’avatars façon Mii de la Wii de Nintendo, personnalise l’interface, l’éloignant de la froideur d’un Windows ou même de la PS3. Depuis, Microsoft multiplie les initiatives.

La course aux services

Confortée par l’installation du nouveau firmware NXE, la Xbox 360 court en tête pour offrir une multitude de services. Au salon du jeu vidéo de Los Angeles au moins de juin (E3), la démonstration du système de reconnaissance des mouvements sans manette du Project Natal a pris la vedette sur toutes les autres de la concurrence. Un concept dont la commercialisation en compagnie d’un ensemble de capteurs en 2010 aura pour Microsoft l’importance marketing du lancement d’une nouvelle console, 5 ans exactement après les débuts de la Xbox 360. Juste avant l’E3 Microsoft annonçait l’extension sur Xbox 360 de la plate-forme de téléchargement/streaming de programmes TV/cinéma associés à son lecteur portable Zune. Un complément au Xbox Live qui sera aussi disponible en Europe à l’automne même si Zune, le iPod-like de Microsoft n’y est toujours pas en vente. Adaptée à la console, la webradio Last.fm laissera également la Xbox 360 streamer musiques et vidéos. Et il sera bientôt possible de partager une projection de films ou d’émissions TV avec ses contacts Xbox Live rejoints par ceux de Facebook.

Cinéma avant les autres

Alors que les services de VOD sont toujours attendus sur PS3 en Europe et que la Wii propose de la VOD timidement et seulement au Japon, Microsoft annonce un partenariat avec le groupe Canal+ en France qui va augmenter sensiblement ses offres de VOD. Et, pour une fois, des services personnalisés à la France. Le catalogue VOD de Canalplay, fera potentiellement grimper le nombre actuel de programmes disponibles de 300 à 6000 titres sur Xbox Live, dont 3000 films. Canal+ à la demande laissera la Xbox 360 exploiter les fonctions de catch up TV permettant de revoir des émissions déjà diffusées (Le Grand Journal, Le Zapping, etc). Foot+, enfin, donnera accès aux matchs de la Ligue des Champions avec possibilité de tchater en ligne pendant la retransmission. Chris Lewis, responsable européen de la marque Xbox en Grande-Bretagne où un accord similaire à été signé avec Sky TV, laisse entendre la possibilité de retransmissions exclusives (sports, émissions…) via la Xbox 360.

Course en tête

La concurrence peine à suivre. Question développement software et cumul de services, Microsoft court plutôt seul en tête. Malgré l’apparition sporadique de services sur PlayStation 3 et Wii, leurs évolutions sont plutôt attendues du côté hardware que software. Lancé fin 2008, le très médiatisé carrefour virtuel Home de la PS3 avec ses avatars réalistes n’a ainsi pas créé l’événement attendu. Pas plus que la mise à disposition gratuite récente sur PS3 des services anglais de diffusions de clips vidéo en streaming Vidzone. Le marché attend en priorité une baisse de prix de la console de Sony avec, peut-être à l’occasion, un relookage slim. Si possible d’ici la rentrée 2009. Déniée par Nintendo mais attendue par tous les acteurs, une Wii Plus aux capacités HD pourraient voir le jour fin 2010. D’ici là, les gadgets Wii Motion Plus et Wii Vitality Sensor occuperont les esprits et les mains sans que l’interface de la Wii ne bouscule les habitudes. Pendant ce temps là, Microsoft continue d’évoluer, organiquement, de l’intérieur. Avec des services au public, comme le jeu « 1 contre 100 » simulant sur Xbox Live un plateau télé où les avatars des joueurs répondent à des quizz. Et avec des services professionnels tel le récent partenariat avec le procédé de publicité Silverlight qui va permettre d’afficher dynamiquement, comme dans un navigateur web, de la publicité sur l’écran d’accueil de la Xbox 360.

François Bliss de la Boissière

(publié le 14 juillet 2009 sur Electron Libre)

 


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Édito : Une histoire de la violence (avec la participation de David Cage et Lorne Lanning)

Les fondateurs du studio Bioware ont articulé tout haut ce que le marché et la culture toujours naissante du jeu vidéo s’apprête à apprendre : pour atteindre une vrai maturité, le jeu vidéo va devoir se passer de violence… Videogames evolved…

Violence dans le jeu vidéo

C’est une vieille rengaine. Malgré toute sa richesse, le jeu vidéo n’est guère subtil. Il passe sans transition notable du programme familial bon enfant façon Nintendo à ceux, majoritairement brutaux, voir violents, destinés aux hardcore gamers devenus « adultes ». Depuis l’avènement de la DS et de la Wii, le public s’est néanmoins considérablement élargi. Une population nouvelle a investi le territoire interactif et absorbe tous ces produits « blancs » à base de services à la personne, de gestion d’animaux, de passe-temps plus ou moins utiles que les gamers regardent avec circonspection. Un public qui pourrait très bien mûrir et s’intéresser progressivement à des jeux vidéo plus sophistiqués. En pensant à ce néo public, Greg Zeschuk et Ray Muzyka, fondateurs du studio Bioware croient en l’avènement du jeu vidéo qui intéressera grâce à sa narration et non plus seulement pour ses combats. Des jeux qui abandonneraient la violence et muteraient en blockbusters tout publics comme au cinéma. « Bien sûr, les gens qui jouent depuis 10 ans (ou plus), veulent ces séquences de batailles et de bagarres, expliquent-ils, mais il y a des audiences différentes qui pourraient simplement apprécier l’histoire« . Et de faire allusion sans l’expliciter à la différence entre scène d’action et violence. Une différence qu’Hollywood a bien compris. Les films à explosions du cinéma comme la dernière vague de films de super-héros regorgent de scènes d’action, de bagarres, d’explosions sans, à de rares exceptions près, tomber dans une violence indigeste pour les masses. Même si certains cinéastes s’amusent à brouiller ici et là les pistes, il y a au cinéma une distanciation nette entre films d’action et films violents ou gore. Même avec des limites des uns et des autres repoussées d’années en années, il n’y a pas de confusion entre les marchés des films de Spider-Man et ceux des Saw même si le joker de The Dark Knight frôle la ligne rouge. Ce moyen terme n’existe pratiquement pas dans le jeu vidéo. Quel genre de succès peut-on imaginer au méritant Dead Space s’il ne se laissait pas aller à toute cette complaisance gore superfétatoire par rapport à la qualité de toute la production ? Si les séries Silent Hill et Resident Evil avaient creusé le sillon du suspens psychologique, du fantastique insaisissable, plutôt que de développer une violence de mauvaise fête foraine, ne se vendraient-ils pas davantage encore ? Que cela soit clair. Les jeux d’horreur, violents ou pas, ont tout à fait leur place dans le jeu vidéo. Le jeu vidéo a même fait avancer le genre. A-t-on pourtant déjà fait une démonstration des qualités d’ambiance de Silent Hill à un spectateur néophyte que l’on veut convaincre pour aussitôt échouer dans l’embarras des scènes de gore aux excès inexplicables de « l’extérieur » ?

Alors que toutes les études annoncent un vieillissement, jusqu’à 35 ans, de l’âge moyen des joueurs, la participation de plus en plus importante des joueuses, pourquoi les éditeurs continuent-ils à viser seulement les instincts les plus bas et ce, en tout paradoxe puritain, en évitant soigneusement le sexe ? Toute la richesse et l’iconographie des Assassin’s Creed n’intéresseraient-elles pas plus de gens si le jeu ne tournait pas autour d’une longue litanie d’assassinats à perpétrer soi-même ? Vie et mort restent les thèmes les plus captivants de n’importe quelle histoire, mais de là à les perpétrer en mase comme le propose régulièrement le jeu vidéo ? À l’hégémonie de la violence dans le jeu vidéo Nintendo a eu la sagesse, après avoir prêché dans le désert, de mettre concrètement le holà et de renvoyer le jeu vidéo à la case départ. C’est le marché désormais et le succès des produits DS et et Wii qui font la démonstration aux éditeurs et les forcent à suivre d’autres pistes que celles de l’action brute aux ventes désormais moins spectaculaires. Deux ans après le passage du train DS/Wii, les éditeurs attachent finalement tous de plus en plus de wagons à ce nouveau convoi. Mais encore une fois, au passage, ce sont les jeux intermédiaires qui risquent d’être négligés, ceux qui ne tombent ni dans la facilité infantile ni dans la complaisance racoleuse de la cérémonie du sang.

À la recherche d’un diagnostique, Bioware se demande si l’action et ses excès dans les jeux ne seraient pas la résultante de la technologie. Cliff Bleszinsky d’Epic s’est amusé récemment à expliquer que si les héros Gi Joe du jour avaient tous les cheveux ras c’est parce que la technologie ne permet pas encore de modéliser de manière crédible les cheveux… longs. Toutes les avancées technologiques fulgurantes informatiques en 30 ans et le jeu vidéo continuerait donc de dessiner grossièrement les contours du réel avec de gros feutres ? L’analogie avec l’évolution du cinéma encore à la rescousse : « Il a fallut des décades à l’industrie du cinéma pour passer du noir et blanc au parlant, jusqu’à arriver à la richesse du jeu des acteurs et de la réalisation, les mouvements subtiles de caméra désormais standardisés… Le cinéma a prospéré à partir de là » rappelle Bioware qui pense que le jeu vidéo est arrivé à « un carrefour où toutes sortes de genres et de caractérisations vont éclater« . Le marché devrait ainsi évoluer avec le public en passant des early adopters au grand public puis à un public de masse dont le jeu vidéo deviendrait le loisir principal. Un vœu pieux partagé depuis des années par le français David Cage qui de Nomad Soul au prochain Heavy Rain, en passant par Fahrenheit, défend inlassablement un jeu vidéo adulte confrontant des enjeux et des émotions sérieuses au même titre que les livres ou le cinéma. « Je suis arrivé à la même conclusion que mes confrères de Bioware« , nous confie-t-il totalement concerné par les propos du studio spécialisé dans les jeux à histoire comme Mass Effect, « passer des heures à bastonner des trolls avant de passer un niveau suivant pour bastonner plus de trolls n’est pas une expérience satisfaisante pour un grand nombre d’adultes, qui sont le plus souvent en quête d’un peu plus de sens et d’émotion« . « Si on souhaite abandonner les « batailles » il va falloir trouver de nouvelles manières d’interagir qui ne soient pas basées sur la violence » explique-t-il en détails (sa réponse complète ci-dessous) avec la passion d’un créatif participant enfin à un coming out collectif. Encore une fois il ne s’agit ni de signer la fin des jeux d’action ni celle du hardcore gaming. Mais entre l’aveu des recherches interactives entreprises par Nintendo pour rendre les jeux core gaming plus accessibles et le souhait de plus en plus présent des créateurs de pouvoir travailler sur d’autres formules que celles qu’il s’auto inflige, le jeu vidéo se cherche définitivement un nouveau costume.

En symbiose avec les révolutions technologiques qui le poussent, qu’il le veuille ou non, depuis sa naissance à la remise en question, la prochaine évolution du jeu vidéo devra sans doute se détacher un moment de cette dépendance pour prendre le temps d’être mise en œuvre par des humains pour les humains. Et pour passer à cette nouvelle étape, le loisir interactif devra peut-être, pour se tolérer lui-même ou faire oublier ses premiers excès, changer totalement de peau comme le personnage au cœur du film A History of Violence de David Cronenberg.

François Bliss de la Boissière

(Publié en juillet 2009 sur Overgame)

Intégral de la réaction de David Cage aux propos de Bioware.

David Cage et le casting de Heavy Rain

« Je suis évidemment totalement en phase avec les déclarations de Muzyka et Zeschuk. C’est une analyse que j’ai faite à la fin de Nomad Soul (en toute humilité…) en constatant que mes parents et beaucoup de gens autour de moi pouvaient apprécier les mêmes livres, les mêmes films, les mêmes émissions de télévision que moi, mais n’avaient strictement aucun intérêt pour les jeux vidéo en général. Les raisons invoquées par tous les adultes qui ne jouent pas étaient souvent les mêmes : « je n’ai pas le temps, c’est trop compliqué, je n’y comprend rien, ça ne m’intéresse pas ». J’ai alors cherché à comprendre qu’est-ce qui faisait que les jeux n’intéressaient que les gens de ma génération (et encore pas tous), et qu’est-ce qu’il était possible de faire pour étendre notre public traditionnel. Je suis arrivé à la même conclusion que mes confrères de Bioware : la narration et l’émotion sont les seules réponses valables, tout simplement parce que quand on vieillit, on n’a plus envie de jouer aux mêmes jeux que quand on est adolescent. On n’aime plus les mêmes livres, les mêmes films, nos goûts changent et évoluent (enfin normalement…), mais les jeux vidéo eux ne changent pas, d’où la rupture. Passer des heures à bastonner des trolls avant de passer au niveau suivant pour bastonner plus de trolls n’est pas une expérience satisfaisante pour un grand nombre d’adultes, qui sont le plus souvent en quête d’un peu plus de sens et d’émotion.

Deux choses me surprennent particulièrement dans les déclarations de Bioware : la première est qu’ils semblent prêts à une rupture avec leur public traditionnel de hardcore gamers. C’est une décision qui est extrêmement difficile à prendre parce qu’en terme de marché, on sait ce qu’on perd (dans leur cas, un public très nombreux de gamers avides de leurs jeux) mais on ne sait pas ce qu’on gagne (conquérir un nouveau public est toujours un immense challenge).

La deuxième chose qui m’interpelle est le fait que la plupart des jeux reposent sur des mécaniques répétitives (tirer, sauter, courir, se cacher, etc.). C’est une structure particulièrement pratique en terme de design parce que c’est une typologie d’actions qui commence à être très bien connue (voilà vingt ans que l’industrie produit des jeux basés sur ces principes…). Si on souhaite abandonner les batailles, il va falloir trouver de nouvelles manières d’interagir qui ne soient pas basées sur la violence.

Même constat pour raconter une histoire : difficile de développer un scénario sur la base uniquement de coups de hache et de démembrement. Une histoire demande une grande variété d’actions contextuelles, et donc une nouvelle approche de l’interface et des mécanismes de jeux. C’est une rupture particulièrement importante pour une société comme Bioware qui a établi sa réputation et sa réussite sur ces bases, et encore une fois, je trouve leur déclaration particulièrement audacieuse.

Comme ce sont des valeurs que je défends (avec parfois un certain sentiment de solitude, je dois l’avouer…) depuis quelques années maintenant, je suis heureux d’être rejoint sur ce terrain par des développeurs de cette valeur. Avec Fahrenheit et maintenant Heavy Rain, c’est une voie sur laquelle je me suis déjà résolument engagé depuis plusieurs années sur la base de la même analyse que fait aujourd’hui Bioware. J’espère que Heavy Rain démontrera de manière claire qu’il est possible de créer des jeux différemment, basés sur la narration et l’émotion à destination d’un public adulte, et qu’il contribuera à donner envie à d’autres studios de franchir le pas. Ils le feront probablement d’une manière très différente de la nôtre et c’est tant mieux. Le plus important est de sortir de la préadolescence dans laquelle notre industrie s’est enfermée et de commencer à explorer de nouvelles voies vers un média plus mature et créativement plus ambitieux. »

David Cage, juillet 2009


Réaction de Lorne Lanning aux propos de Bioware sur la violence

Lorne_Lanning DR

Non cité dans l’édito, voici néanmoins l’intégral de la réponse de Lorne Lanning (Oddworld) à la problématique de la violence soulevée par Bioware…

« I think Bioware has it right, but I don’t agree that they are saying, “violence is going away”. To sum it up, what they’re saying is that violent games will come to have non-violent roles for people who want to participate but don’t want to participate in the violence. As social networks get more fused with gaming, then there will grow a great need for more non-violent roles to emerge in more games.

In terms of pure quantity, violence will only continue to grow in games, but the new hybrids of digital gaming will see a far greater growth in overall poundage. It’s the landscape of new devices and generally assumed connectivity that are the hot new areas that are going to be changing the traditional formats.

It’s our perspective that everyone is a gamer. Period. No matter what age, what gender, or what culture; all people have always played games and they always will. Though what they play may not be electronic, this is only a temporary condition. Eventually, all games people play in life will have a digital presence that magnifies their previous abilities.

As more of the general masses get more engaged with digital gaming, which is happening rapidly with social gaming mobile gaming right now, then the traditional image of the gamer will become more like the traditional image of the “computer scientist”. It will become something of the past as “games” become more integrated, beneficial, and permanent fixtures within peoples lives.

The idea of a having a dedicated game machine will be like the idea of having a dedicated typewriter in your life today. Why even have one when the other devices you already own can handle the job of typing just fine, probably even better. So the typewriter goes the way of the dinosaur, and typing becomes just one ability handled by your other digital devices. I have little doubt that the typewriter is the console gaming machine of today. There’s a lot of people who still believe you should have one, but it’s only a matter of time before your other devices are doing the job just as well, and likely even better because they will be more compatible with a larger landscape of networks and apps. »

Lorne Lanning, july 2009


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Atari perd de plus en plus la face

Chaque jour un peu plus dévitalisée, la société Atari, alias l’ancien éditeur français à succès Infogrames, vient de céder les droits de distribution en jeux vidéo de la lucrative série Dragon Ball Z, juste après Astérix et Ghostbusters. Soit 3 franchises marquantes tour à tour japonaise, française et américaine. En attendant une identité virtuelle en ligne encore inexistante, Atari n’a plus de visage identifiable.

Atari

Dragon Ball Z, le héros de manga créé en 1984 par l’illustrateur star japonais Akira Toriyama et décliné en innombrables animés cultes pour toute une génération, voire plusieurs, quitte Atari pour retourner dans le sérail original du catalogue Namco Bandai qui publiera et distribuera lui-même les jeux Dragon Ball jusqu’en 2015. Un transfert somme toute logique, nous précise un porte-parole de la société, puisqu’Atari a cédé ses droits de distribution européens en mars dernier à Namco Bandai via la filiale Distribution Partners. Un accord encore en cours de signature. Aux USA, un litige oppose encore Atari et FUNimation, le distributeur américain des animés Dragon Ball Z qui se plaint d’une rupture de contrat.

SOS Astérix

Alors que la licence Astérix était entre les mains d’Atari/Infogrames depuis le milieu des années 90 (seul le japonais Sega a publié quelques jeux Astérix à l’époque), l’éditeur français Ubisoft a annoncé, le 30 juin dernier, avoir acquis les droits interactifs du gaulois national auprès des éditions Albert René. Un jeu DS est déjà prévu pour octobre 2009. Atari ne conserve que la licence spécifique associant Astérix et les jeux Olympiques déjà exploités en 2007 et 2008.
Récemment dans le commerce au moment de saluer les 25 ans du film, le jeu SOS Fantômes se retrouve distribué en Europe par Sony plutôt qu’Atari comme annoncé en fanfare en novembre 2008 par la société qui publie néanmoins le titre en Amérique du Nord.

Jeu de stars

En phase de restructuration importante depuis sa quasi banqueroute et la fin de la gouvernance du médiatisé fondateur Bruno Bonnell démissionné par le conseil d’administration début 2007, la société Atari toujours en difficulté financière et identitaire cherche à muter en producteur et distributeur de jeux exclusivement online. Elle a racheté à cet effet en décembre 2008 le studio Cryptic spécialisé dans la conception de jeux en ligne massivement multi-joueurs et qui travaillerait sur 3 MMO dont un cherchant à concurrencer, comme tout le monde, World of Warcraft.
L’arrivée spectaculaire à sa tête début 2008 de Phil Harrison, responsable vedette de l’ensemble des studios Sony Computer, aux côtés du vétéran David Gardner ancien responsable du géant Electronic Arts, a donné un fort crédit à la mutation annoncée d’Atari. Personnalité créative et médiatique pendant 15 années chez Sony Computer, Phil Harrison a en effet accompagné le succès du lancement de la marque PlayStation puis de ses déclinaisons en ligne avec le PlayStation Store, le PlayStation Home et le SingStore associé aux jeux de karaoké Singstar. Une bulle d’air et d’espoir presque aussitôt explosée quand la cession des affaires européennes à Namco Bandai a conduit Phil Harrison à renoncer à un certain nombre de responsabilités en devenant simple Directeur « non exécutif ».

Atari remplace Infogrames

Le groupe Infogrames Entertainment comprend désormais la marque Atari et Cryptic Studios. En mai dernier, Infogrames annonçait se rebaptiser Atari pour une meilleure reconnaissance internationale au moment de déclarer une perte de 226,1 millions d’euros pour l’exercice 2008/2009. Un nouveau programme de réduction des coûts a alors été lancé. Désormais centralisée aux États-Unis l’ancienne société française ne devrait, par exemple, plus avoir de bureaux en Europe ni en Asie, et n’a pas participé au récent salon E3 de Los Angeles. La cession de la partie émergée de quelques unes de ses licences majeures semble faire également partie de ce plan d’économie.
Après avoir eu entre les mains des licences prestigieuses hollywoodiennes comme Matrix, ou populaires comme ceux du catalogue Hasbro (Monopoly, Cluedo, Scrabble, etc), Infogrames n’a jamais réussi à les faire fructifier de manière durable à la manière de son concurrent francophone Ubisoft plus habile à créer des jeux reconnus par la critique et le public. Le groupe Infogrames reste encore propriétaire de quelques franchises plus (Dungeons & Dragons) ou moins (Les Chroniques de Riddick avec Vin Diesel) célèbres, ainsi que des créations originales du jeu vidéo telle la série Alone in the Dark dont le dernier épisode perfectible a fait un flop, et des titres pionniers comme Pong ou Asteroids. De nouvelles annonces, pourraient surgir d’ici la publication des résultats financiers du 1er trimestre le 22 juillet prochain.

François Bliss de la Boissière

(publié sur Electron Libre le 4 juillet 2009)

 


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Confession of a (virtual) mass murderer

Préambule.

Alors que le débat sur l’exploitation de la violence (aux hommes, aux femmes ou aux minorités, le jeu vidéo ne fait pas dans le détail) se propage enfin dans le milieu après le catastrophique E3 2012 (voir fil Twitter @Bliss_voice), l’industrie du jeu vidéo va-t-elle enfin réussir son auto-critique ? En attendant ce processus de maturation souhaitable qui lui évitera peut-être de sombrer pour de bon dans un ghetto culturel, il appartient aux observateurs privilégiés, et aux joueurs eux-mêmes, de mettre inlassablement le débat sur la table. Depuis longtemps porte-parole d’un jeu vidéo pacifié et artistique, nous avions dès 2009 profité de l’espace de libre expression offert alors par le chic trimestriel de jeux vidéo et toutes ces choses, AMUSEMENT, pour encore une fois essayer de porter le fanion blanc jusqu’à la ligne de front. Et plutôt que de s’immoler bêtement en affichant une pseudo innocence, pourquoi ne pas tomber carrément le masque et plaider coupable ? Se reconnaitra qui voudra derrière cette confession…

Dans Blade Runner, Roy, le Replicant Nexus-6, le disait déjà et mieux que moi. « I’ve seen things you people wouldn’t believe. Attack ships on fire off the shoulder of Orion. I watched C-beams glitter in the darkness at Tan Hauser Gate. All those moments will be lost in time like tears in rain. Time to die. » Oui j’ai vu et fait des choses inimaginables pour un être humain…

Confession of a (virtual) mass murderer

« J’ai ça dans le sang. On ne m’a pas forcé, ni même appelé. Quand les premières vagues d’envahisseurs ont débarqué de l’espace dans les années 80 j’étais en première ligne. À partir de là j’ai compris où était mon destin et je me suis mobilisé tout seul. J’ai eu des creux, ou plus exactement il y a eu des accalmies, une pax americana provisoire imposée par une pax nintendona japonaise, mais dans l’ensemble on a eu toujours besoin de mes services. Et j’ai progressé à la vitesse de la technologie. Après les premiers plâtres essuyés par les bornes publiques, les premiers home computers, les machines de puissance 8, 16 et 32 bits, la guerre s’est vraiment déclarée quand la 3e dimension fut maîtrisée dans les années 90. L’appel aux armes n’était pas négociable. J’étais là pour ça, et – je m’en rendis compte alors – toutes les années précédentes se résumaient à une longue séance d’apprentissage. Le maniement des fusils d’assaut, à pompe ou à lunette n’ont plus de secret pour moi, pas plus que les grenades, les lance-flammes, les lance-roquettes, les mitrailleuses, les mortiers. Les AK-47, MP44, Mini-Uzi, M1014, Dragunov, et la conduite de tanks font partie de ma vie active comme les stylos, les parapluies, cartes bleue et les voitures occupent celle des gens ordinaires.

Terminé les esquisses, les calculs de loin, les simulacres robotiques. J’ai pénétré physiquement le champ de bataille, tête en avant, sans aucune hésitation ni remise en question. J’ai accepté toutes les missions, tous les fronts, dans les tranchées comme aux confins des frontières de l’univers connu. Je me suis familiarisé avec ces nouveaux espaces de combat en pénétrant le bunker d’Hitler ou j’appris à éliminer sans questionner les diables nazis de la mission Wolfenstein. Le massacre sans ciller des démons inhumains de la mission Doom confirmèrent la résistance de mes nerfs, mon indifférence naturelle à l’effusion de sang. Contre les démons ou les aliens, malgré le risque de contact avec l’ennemi, la tronçonneuse déchiqueteuse a même fini par devenir un instrument de choix. À l’adresse distante des coups de feu d’hier s’ajoutait tout à coup la brutalité de l’arme blanche ultime, celle qui permet de renifler son adversaire, de goûter son sang et sa sueur avant de vider ses tripes. Les récentes campagnes des Gears of War où je me suis particulièrement distingué ont mis en lumière ces années de pratique. La guerre est sale, elle tache, ça me convient, je n’ai jamais vraiment cru au pacte de civilisation. Une paix mascarade pour mieux justifier telle ou telle guerre, étouffer nos nécessaires pulsions primitives. J’ai remis les compteurs à l’heure. Je vis sans masque. Je traverse au grand jour les guerres qui se trament dans les coulisses. J’en ai le tempérament et on m’a donné les outils pour le vivre, pourquoi les refuser ? Les premières campagnes guerrières sérieuses utilisaient un langage policé qui masquait les enjeux. Dans les Quake et autres Unreal, une mort valait un frag, un acronyme obscur évoquant les grenades à fragmentation de la guerre du Vietnam. Depuis les affrontements terroristes/antiterroristes de Counter Strike, notamment, les précautions de langage n’ont plus court. Un mort est un mort, un kill est un kill.

Désormais on me remet des médailles. Tous les jours. Selon les contrées et les conflits ils appellent ça des « succès », des « trophées ». Plus personne n’ignore ma field reputation. Je suis respecté d’un bout à l’autre de la planète. Je laisse la liste de mes exploits toujours visible en ligne. Les batailles devenant de plus en plus publiques, le style compte autant que la quantité. Je reçois des médailles quand je réussis, comme il y a peu en Afrique dans Resident Evil 5, à tuer 20 victimes expiatoires d’une balle dans la tête, ou à en abattre 30 d’une traite à la mitrailleuse. Les 75 Helghasts tués au couteau et les 30 éliminés avec un tank m’ont valu les honneurs de Killzone 2. Dans l’hystérie de la mission Call of Duty 4 Modern Warfare j’avais réussi à obtenir des récompenses pour les 4 soldats tués d’un seul coup de feu et pour les blessés achevés au couteau alors qu’ils rampaient. Dans la dernière campagne COD nommée World at War, j’ai été salué pour avoir réussi les objectifs assez précis comme de tuer 8 soldats japonais au mortier, ou en abattre un seul immobile caché dans les herbes. Dans Fear 2 ce sont les 10 ennemis rôtis au canon à Napalm et les 10 autres épinglés au mur avec une masse qui m’ont valu reconnaissance. Dans la mission collective Left for Dead j’ai réussi plusieurs objectifs notables avant mes coéquipiers : faire sauter d’une seule explosion de grenade 20 créatures infectées, enflammer 101 de ces mêmes zombies, et en réduire en bouillie 1000 d’entre eux avec une mitrailleuse montée sur pied. J’ai été félicité jusque dans mes missions dans l’espace grâce au démembrement au cutter-laser de 1000 des créatures mutantes de Dead Space. Plus ambigüe, la mission GTA IV m’a posé davantage de problèmes. Mis à part les assassinats commandités et la mauvaise plaisanterie des 200 pigeons à tirer comme des lapins, aucune victime volontaire ou collatérale ne m’a valu une récompense. Il est vrai que la guerre des gangs a lieu en terrain civil. Je me suis adapté.
Mes dernières fiertés ? Les médailles reçues pour les 1 500 soldats Helghasts éradiqués dans Killzone 2, les 53 595 zombies tués exactement de Left for Dead, les 100 000 Locustes abattus de Gears of War 2 et les 10 000 personnes éliminées dans Chroniques of Riddick.

Le cimetière de mes plus ou moins honorables victimes n’existe pas physiquement, sinon on l’appellerait sans doute un charnier. Mais, je le revendique, un charnier cosmopolite. Car je n’ai fait aucune différence, aucune ségrégation. Les Helghasts abattus pendant leur guerre civile rejoignent sans grincher les africains enragés de Resident Evil 5. Les corps des mafieux et les victimes civiles de Grand Theft Auto IV s’enchevêtrent avec les cadavres mutilés des restes d’humanoïdes de Dead Space. Les guerriers Locustes du futur éliminés à la tronçonneuse ou à l’arme chimique s’entassent sans distinction avec les soldats allemands ou japonais d’une guerre du passé.

On me demande parfois si les râles de mes victimes ne hantent pas mes nuits, si je ne suis pas mort à l’intérieur. Je ne crois pas. Le sang bat dans mes veines. J’ai toujours une pulsion de vie. J’aime ma femme. Mes enfants commencent à être en mesure de participer à des campagnes en ligne. Ils profitent de mon expérience et ils apprennent à tirer avec de nouvelles interfaces qui permettent de viser directement dans le prolongement du bras. Au « Tu ne tueras point » que l’on me brandit parfois je réponds en toute lucidité : commandement tenu. Une mission est une mission. Un ordre, un ordre. Guerrier, soldat, mercenaire, assassin, justicier, psychopathe… Jouer à tuer n’est pas tuer. Je ne regrette rien. »

Note : Tous les chiffres et récompenses évoqués sont réels. Selon un ordre gradué d’importance, les récompensent baptisées Succès sur Xbox 360 et Trophées sur PS3 se greffent au profil du joueur ensuite visible par tous.

François Bliss de la Boissière (killing machine)

(Article paru en 2009 dans le trimestriel AMUSEMENT n°5.)

 


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Quand les consoles « next-gen » se remaquillent

Comment dépoussiérer des consoles multimédia un jour baptisées « next gen » et pourtant déjà âgées de 3 ou 2 ans ? Comment donner l’illusion au consommateur que ces machines sont bel et bien encore en tête de la course technologique ? Après les façades interchangeables ou les coloris gadgets, les petites injections discrètes de Botox dans les menus, voici venir le temps des liftings en profondeur. Après les changements de robes voici les changements de visages. « Chéri, tu veux encore jouer avec moi ? » hurlent-elles en se remaquillant.

Consoles lifting

Depuis toujours, irrémédiablement accolé aux progrès fulgurants de l’informatique, le cycle de vie des consoles de jeux vidéo ne vaut guère plus que celui, éphémère, des insectes. Pour résister à cette implacable loi de l’évolution, les dernières consoles mettent toute leur énergie à durer en changeant de visage, non plus seulement extérieur mais intérieur. Ainsi, double première importante dans l’industrie interactive en cette fin d’année, la mise à jour mondiale le 19 novembre du logiciel interne de la Xbox 360 transforme radicalement l’interface familière. Avec le projet « Home » un peu plus tard, la PlayStation 3 à son tour offrira un tableau de commande alternatif où, à la manière de Second Life, l’avatar dessiné et habillé par l’utilisateur se promènera dans un environnement 3D, appartement ou maison, qu’il aura lui-même choisi et décoré pour lancer ses jeux ou ses films en DVD ou Blu-ray, rencontrera et devisera avec ses voisins du village global PlayStation.

Séduction féminine

Dans un mélange d’intelligence organisée et de séduction féminine, les consoles dernières générations présentent déjà à l’utilisateur une large gamme de services sous la forme la plus conviviale possible à l’écran. Le gentil tableau de vignettes des « chaînes » de la Wii réorganisable à volonté. Le système de sélection en croix des menus à icônes de la PlayStation 3 ou les onglets verticaux de la Xbox 360, toutes deux sur fonds colorés ou thématisés en fonction de ses goûts et passions… Des coquetteries cosmétiques habillant des fonctionnalités en ligne toujours plus sophistiquées qui ont néanmoins un coût. Pionnières dans la course à l’amélioration et à la sécurisation, les consoles réclament en effet d’être régulièrement mises à jour par Internet, comme les ordinateurs, la plupart des logiciels ou des mini ordinateurs portables tels les Smartphones ou l’iPhone. Des updates internes dignes d’une banale et souvent crispante maintenance informatique qui n’avaient jusqu’à aujourd’hui pas pour vocation d’être remarqués dans les consoles de jeux vidéo.

Toilettage

Cette fois, sur Xbox 360 le toilettage doit se voir, devient argument de vente, annoncer le nouveau départ d’une console « next-gen » déjà âgée de trois ans. Sur PS3, Home doit valider les promesses mirobolantes d’une console-ordinateur ouvrant enfin sur le 3e Monde déjà promis sur PlayStation 2 avec un clip signé David Lynch dans les années 2000.
Manette en main, la « Nouvelle Experience Xbox » donne l’impression d’avoir à faire à une autre console. Toute l’organisation et le défilement des menus, du design aux couleurs, annonce une renaissance. L’apparition d’avatars ludiques à créer facilement façons Mii en 3D de la Wii ajoute un peu de vie et d’humour dans l’écran. Plus polyvalente au quotidien encore que sa grosse concurrente, l’interface de la PlayStation 3 de son côté se modifie déjà régulièrement mais de manière moins forcée.

La nouvelle Life ?

Ainsi, avant l’arrivée de Home fin 2008 début 2009, rebaptisée Life with PlayStation, la fonction de calcul partagé Folding@home (la console participe discrètement sur Internet à la recherche contre les maladies graves) se dissimule derrière un impressionnant globe terrestre qui donne accès à la météo et à des news de villes et pays du monde entier.
Bien avant la mode tous azimuts des gadgets numériques et du Home cinéma, les consoles cherchent depuis les années 80 à avoir l’air sexy. Devenu culte, le design bicolore des premières consoles japonaises de Nintendo, par exemple, s’est fétichisé au point d’être reproduit régulièrement sur d’autres produits fac-similé. Jusqu’à récemment, les consoles n’avaient pas d’autres visages à présenter que leur carrosserie extérieure susceptible, au plus, de changer de coloris ou de façade.

Dans l’intimité

Désormais, à l’heure de la dématérialisation générale, aussi flatteuse soit-elle, une enveloppe ne suffit plus à appâter et, surtout, à entretenir une relation durable. Derrière leur taille de guêpe (Xbox 360), leur effacement modeste (Wii), ou les courbes laquées cachant avantageusement des rondeurs (PlayStation 3), les consoles devenues carrefour multimédia et familial veulent désormais séduire avec leur intimité. Ces cures de jeunesse transformeront-elles des consoles devenues chrysalides en nouveaux papillons de l’ère numérique ? Si le rechapage ne tient pas, un nouveau lifting sera toujours possible.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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Screenanalysis : Apocalypses now (Resistance 2 / Fallout 3)

Depuis Space Invaders, la fin du monde reste un des grands clichés du jeu vidéo. Sauf que, d’années en années, la menace devient plus précise, l’invasion extra-terrestre et la déchéance de la civilisation mieux mises en scène.

Resistance-2

L’Amérique reste, peut-être pour quelques courtes années encore, le symbole du monde moderne, le pinacle de la civilisation. Si ce pays-continent là tombe, le reste du monde aussi nous disent Hollywood et l’industrie du jeu vidéo. L’invasion de la planète Terre et sa survie post-apocalyptique passent donc forcément par la destruction de l’American way of life. Et pour résumer en une image cette destruction d’un moment historique idéal, les artistes gèlent en ruines une Amérique d’après guerre ayant accouché d’un âge d’or décomplexé de la consommation et des loisirs : les fameux restaurants « Diner » pour Resistance 2, à gauche, la façade et l’enseigne d’un cinéma autre fois refuge des familles pour Fallout 3, à droite (1).

Fallout-3

Un monde déchu, aux robinets à abondance (pétrole, eau et sucreries) taris, confirmé par la présence d’une enseigne de station service désertée (2) et les voitures lourdes aux angles arrondis échouées à ses pieds (3), d’une borne à incendie oubliée (2) ou d’un marchand de glace devenu cendres (3). La place du cadre à hauteur d’homme regardant vers le ciel permet, évidemment, de voir la menace, les vaisseaux aliens pour l’un, les charognards pour l’autre (4), et place le témoin, futur participant, dans une position de vulnérabilité tout en l’informant de sa future position terre à terre dans le jeu (5). La menace, ne faisant que passer ou se deviner au loin, devient également, dans le monde du jeu vidéo, une sorte de promesse de péripéties à venir. La lumière blanche éblouissant le ciel annihile même la présence d’un seul nuage bouclier rassurant et, soleil levant ou couchant écrasant une partie du décor, incruste le danger dans l’atmosphère du monde (6). Diffuse avec un épicentre hors champ, elle suggère également un danger majeur éloigné, peut-être plus important encore, mais impactant déjà sur la scène. Même amochée, la petite partie visible de l’iceberg du monde des hommes en perdition que laissent deviner les deux images garde encore des couleurs, quitte à témoigner de la naïveté du vivant face à l’ampleur du désastre commencé (7). Décentrée par rapport au petit théâtre dramatique silencieux, discrète au point de signifiée son insuffisance, la résistance de l’homme face au péril global est pourtant représentée. L’énorme tour de verre à l’arrière plan équipée sans doute de canons de DCA de Resistance 2 et le mercenaire perché en hauteur avec une arme lourde de Fallout 3 semblent tous deux en mesure de faire face et de répliquer à l’ennemi (8). Mais penchée comme la Tour de Pise et en partie brisée, le building réquisitionné pour la défense, comme le prisonnier ou guetteur enfermé dans une cage suspendue dans le vide (9), laissent bien comprendre que la résistance à l’ennemi ne se fera pas sans sacrifices et pertes humaines.

  • Resistance 2 / Sony / PlayStation 3
  • Fallout 3 / Bethesda Softworks / PC, Xbox 360, PS3

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #3)

 


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Casual games : la critique remise en question ?

Le paradigme shift interactif voulu et réussi par les consoles DS et Wii bouscule et divise l’exercice critique du jeu vidéo. L’héritage culturel du jeu vidéo devient « hard-core » et les nouveaux jeux, dits « casual », aux thématiques et à l’accessibilité populaires, échappent aux regards critiques habituels.

Nintendogs

Devant la nouvelle génération de programmes DS et Wii dont le contenu s’éloigne chaque jour un peu plus de la notion traditionnelle implicite du jeu vidéo, le travail du testeur, technicien ou critique culturel avisé, se retrouve devant plusieurs dilemmes. Où commence et où s’arrête la notion de jeu vidéo ? Le gamer-testeur-critique dont l’habitude et l’expertise l’autorise à évaluer un Final Fantasy, un Street Fighter ou un Civilization est-il apte à jeter un regard sur un simulateur d’élevage de bébé comme My Baby Boy ? Des Sudoku ou des Mots croisés publiés sur DS ou Wii deviennent-ils pour autant du jeu vidéo ? Avec le recul, et après des dizaines de Catz et Petz, Nintendogs était-il un jeu vidéo ? Avec ses ambigus Cérébrale Académie et autres soins du cerveau, ou du corps comme Wi Fit, Nintendo a su attraper par surprise les critiques de jeu vidéo. Mais deux ans plus tard, Les Leçons d’anglais ou Cahier de Vacances pour Adultes de 17 à 117 ans qui semblent en descendre doivent-ils encore être examinés avec la même exigence, le même bagage culturel, par les mêmes spécialistes ?

Jeu ou logiciel éducatif ?

Aujourd’hui, la première difficulté consiste donc pour chaque critique à trouver une ligne qui séparerait le jeu vidéo, dans son sens plein, d’un logiciel ludo-éducatif ou d’un utilitaire comme il en existe depuis toujours sur PC et qui ne sont traditionnellement pas évalués par le testeur spécialisé en jeu vidéo. Erwan Higuinen, critique jeux vidéo aux Inrockuptibles, s’efforce justement de distinguer d’abord jeux casual et utilitaires : « Pour les seconds, je pense que cela ne relève pas de manière directe et systématique de la responsabilité du critique de jeu. De la même manière que les critiques littéraires de Libé ou du Monde ne chroniquent pas de livres de recettes, je n’ai, par exemple, pas jugé pertinent de me pencher sur les Leçons de cuisine parues sur DS. À la limite, je pense qu’un cuisinier ou un critique gastronomique serait plus compétent pour le faire. »
Colin Campbell, rédacteur en chef de Edge Online, refuse, lui, d’entériner une rupture entre les jeux et publics supposément hardcore et casual, « totalement exagérée », et s’abrite derrière une ligne de conduite rigoriste déjà appliquée à la critique du jeu vidéo traditionnel : « Cela n’a aucun sens de faire tester un Tiger Woods à quelqu’un qui n’a jamais joué un jeu de golf, de même, un jeu casual doit être testé par des gens qui comprennent ce qui fait le déclic d’un jeu, pas simplement si c’est fun mais pourquoi c’est fun« .

Testeur ou critique ?

Si les compétences du critique restent les mêmes, comment toucher un nouveau public qui achète à l’instinct sans lire de critiques au préalable ? « Je ne pense pas que les journaux « grand public » soient plus à même de critiquer ce genre de jeux » estime Trazom, l’ancien rédacteur en chef des magazines Joypad et Gaming aujourd’hui sur le web (Gameblog.fr) , « Cela reste une affaire de « pro », plus à même de juger et de jauger la qualité de ces nouveaux programmes. »
Ce que confirme Erwan Higuinen : « Étudier ce genre de logiciels avec une approche classique de « testeur » de jeux peut à l’occasion apporter des éclaircissements pas inutiles sur les frontières et, donc, la nature même du jeu vidéo. »
Il n’empêche, à l’heure du jeu casual, un testeur sachant tester doit d’abord savoir s’il doit tester.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #2)

 


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Screenanalysis : Tomb Raider Underworld / Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts

Les suites de jeux célèbres ont l’obligation de rassurer leur public en validant par l’image que les éléments qui ont fait leur succès restent bien inclus aux côtés d’éventuelles innovations. C’est que ce que font ces deux images silencieuses des derniers Tomb Raider et Banjo-Kazooie…

Tomb-Raider-Underworld-tags

De retour pour des aventures originales sur consoles de salon après plusieurs années d’absence, les anciennes célébrités championnes de l’équilibre et des acrobaties, l’ours Banjo aidé par son compagnon à plumes Kazooie, ou la solitaire Lara Croft, cherchent à prouver ici qu’elles n’ont rien perdu de leur talent. Leur capacité à tenir en équilibre sur de petites surfaces reste intact, même et surtout dans des situations extrêmes, sous la pluie pour Lara, sur une corde instable pour Banjo et Kazooie (1).

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Les positions surélevées des deux scènes ont plusieurs fonctions (2) : insinuer que les héros « dominent » la situation, rappeler le plaisir unique propre à ces jeux de pouvoir grimper sur des hauteurs et observer alentour, signifier le danger par une sensation de vertige, offrir une vue d’ensemble du décor que l’observateur sait implicitement qu’il devra inspecter de sa position privilégiée en hauteur puis explorer physiquement (3). Le pas précaire des héros les conduisant vers de mystérieuses destinations hors champ (4) laisse à l’imagination le soin de combler, à l’aide des éléments de décor visibles autour, ce qui les attend. L’angle vers le bas ou vers le haut de leurs chemins respectifs indiquent d’ailleurs que pour Lara le danger est plutôt au sol (les fauves noirs le prouvent), et, pour Banjo et Kazooie, l’éloignement de la terre idyllique (maisons chaleureuses, étendue d’eau…) est synonyme de danger (5).
En plus de les aider à tenir en équilibre, les bras tendus à l’horizontal des deux héros principaux font allusion à leurs « accessoires » ou compléments (6). Ainsi les ailes déployées de Kazooie par-dessus les bras de Banjo signalent leur collaboration symbiotique, et les bras tendus de Lara semblent également prêts à dégainer les pistolets qu’elle porte toujours aux hanches.

La météo nettement visible (7), pluie et lumière basse chez Lara Croft, soleil levant (à l’est) et lumière franche chez Banjo-Kazooie, cherche à donner le ton de l’aventure : sombre et dramatique comme l’annonce le titre Underworld de Tomb Raider, joyeuse et bon enfant comme le veut l’héritage jeu de plate-forme bucolique de Banjo-Kazooie. La vue d’ensemble de chaque image, enfin, légèrement en plongée à partir d’une hauteur (8), ouvre la distance de lisibilité du décor jusqu’à l’horizon et permet de concentrer un maximum d’éléments dans le cadre (végétation touffue, ruines, animaux, pluie pour l’une, eau, verdure, verrière, barrage, maisons chargées en détail pour les deux autres) prouvant les capacités techniques de ces épisodes entièrement conçus pour consoles nouvelles générations.

  • Tomb Raider : Underworld / Eidos / Toutes consoles de salon et PC
  • Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts / Microsoft / Xbox 360

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Screenanalysis : Mirror’s Edge

Sans aucune information technique à l’écran et un personnage principal nommé Faith, Mirror’s Edge compte sur la « foi » et le bon sens du joueur pour qu’il s’oriente dans un espace 3D virtuel. Comme en vrai ?

Mirrors Edge screen 01 chiffré

Les jeux d’action privilégient désormais le dépouillement à l’écran. L’absence d’indications encourage l’immersion. Jeu acrobatique jamais tenté, Mirror’s Edge franchit le pas subjectif jusqu’au bout. Le corps de l’héroïne (Faith) n’existe que hors champ. Les bras et les jambes apparaissent à l’écran quand ils agissent directement avec le décor. Mixant les expériences de jeu libre à la Assassin’s Creed, ou le prochain Prototype, avec des acrobaties à la Tomb Raider ou Uncharted, l’héroïne évolue librement sur les toits des gratte-ciels d’une ville moderne. La couleur bleue (1) des immeubles a double fonction : donner un aspect singulier high-tech au jeu et permettre au joueur de repérer aisément les éléments, eux rouges, avec lesquels il peut interagir (2). Ainsi, le personnage s’apprête ici à franchir le vide séparant deux immeubles en empruntant une sorte de poutre rouge immanquable (3). Le flouté périphérique de l’image (4) accentue l’effet de vertige que le joueur doit ressentir ainsi, sans doute, que la vitesse de déplacement. Les mouvements des bras tout à coup visibles doivent faciliter la prise d’équilibre. Comme la chaussure rouge (5), la mitaine rouge de la main droite (6) signale qu’elle sera privilégiée pour interagir avec les éléments du décor de la même couleur. Avec intelligence, l’audace conceptuelle de ce jeu de plate-forme nouvelle génération se signale avec un style visuel à la fois fonctionnel et capable de transcender le photoréalisme trop ordinaire.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Screenanalysis : LittleBigPlanet

Chaque nouvelle apparition de l’intriguant LittleBigPlanet dévoile de nouveaux délires, des fonctionnalités créatives et funs, des trouvailles graphiques et un humour visuel persistant.

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La capture d’écran de jeu ci-dessus, par exemple, nous montre comment va fonctionner la construction partagée des décors, volumes et aplats. Réunis dans un même écran, chacun des 4 petits avatars (1), qui aura déjà été soigneusement habillé par chaque joueur, peut faire apparaître des menus au-dessus de lui pour sélectionner des objets à poser dans le décor (2). Une fois l’objet choisi, le petit personnage le place où il veut dans le décor. Tel un long bras souple, un faisceau lumineux permet de placer l’objet n’importe où, comme les fleurs ici ajoutées au sommet d’un arbre (3). Cette partie créative du jeu, collaborative en ligne et en temps réel, se voulant aussi libre que le jeu de plate-forme burlesque qui s’en suivra, on voit déjà (4) que la « décoration d’extérieur » n’est absolument pas obligée de respecter une quelconque nomenclature préétablie. Toutes sortes d’objets, de textures ou de symboles (5) sont à dispositions pour marquer le territoire. Participatif de l’édification des niveaux jusqu’à leur traversée, avec une charte graphique déclinant version photo réaliste celle, chic, infantile et irrévérencieuse du Yoshi’s Story de la Nintendo 64 (1997), LBA devrait offrir à chacun les outils suffisants pour libérer son imaginaire.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Screenanalysis : NEW YORK – NEW YORK

Ces deux écrans de jeux ne disent pas grand chose sur le détail du gameplay de GTA IV et Turning Point se déroulant tous deux à New York, mais dans les deux cas, le contexte est suffisamment fort pour créer une excitation anticipatrice dans l’esprit du joueur.

Grand Theft Auto IV

GTAIV ok chiffré

L’énorme succès commercial de la série des GTA ne nécessite pas forcément d’expliciter les éléments de gameplay déjà attendus. Il peut suffire comme ici de montrer le nouveau théâtre de jeu. L’Empire State Building et le Chrysler Building à l’arrière plan indique sans ambigüité que nous sommes à New York (1) et (2). Le regard direct dans l’objectif du personnage (3) annonce clairement son ambition et son sans-gêne ; sa longue moustache hors d’âge confirme un caractère pas commode (4), et son allure une origine ethnique pas forcément new-yorkaise. La vague impression de chantier naval ou de port nautique autour de lui (5) comme l’éclairage lever de soleil plutôt que couché (6) semble signaler qu’il s’agit là d’un nouvel arrivant dans la ville. Le building en construction (7) discrètement à l’arrière plan montre une ville encore en chantier où un destin peut encore s’édifier et l’american dream être saisi. L’espèce de grue oblique derrière le personnage évoque une insolente érection tout en semblant mettre entre ses mains une barre de fer menaçante (8). Toutes les symboliques d’agressivité, de virilité, de détermination, de volonté de conquête sont donc réunies, cette fois au cœur de la ville parmi toutes les villes, la porte d’entrée du « nouveau monde ». Le nom fictif de Liberty City adopté pour GTA n’aura jamais aussi bien habillé une ville dont l’arrivée par la mer se fait toujours devant la statue de la liberté.

Turning Point : Fall of Liberty

Turning Point screen chiffré

La destruction et les éléments mis en scène à l’arrière plan de cet écran de jeu laissent deviner un postulat original : l’invasion de l’Amérique par les Allemands dans les années 40. Même partiellement détruit, le design bien connu du sommet du Chrysler Building (1) signale sans ambigüité que nous sommes à New York et que la ville emblématique américaine s’effondre. Le taxi jaune tout aussi iconique et détruit (2) confirme le lieu et la crise en cours tandis que sa carrosserie rétro plante l’action dans les années 40-50. La présence d’un tank (3) avec un canon pointé dans l’axe du sommet de l’immeuble écroulé laisse savoir que la chute du gratte-ciel est due à une grosse artillerie militaire et non à un accident, tremblement de terre ou acte de terrorisme. Aux côtés du tank, le soldat au casque et à l’insigne rouge/noire évoquant l’armée allemande de la Seconde Guerre Mondiale (4) confirme alors qu’il s’agit d’une opération militaire et donc probablement d’une attaque de New York et, implicitement, d’une invasion du continent américain. L’arme pointée dans l’écran (5) signale qu’il s’agit là d’un FPS qui implique forcément une grosse dose d’immersion subjective. Les plus attentifs au détail remarqueront enfin que le design rétro de l’arme et le modèle gravé sur le canon datent bien l’action pendant la Seconde Guerre Mondiale (6). On peut également en déduire que le personnage interprété par le joueur a été pris de pris de court par l’attaque et s’est emparé d’une arme allemande pour se défendre et défendre la ville.

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Souffre-douleur (Pain + Condemned 2)

En 30 ans le jeu vidéo est passé du casse-brique au cassage de gueule. Ce ne sont plus 5 pixels « invaders » qui volent en éclat mais les os, la chair, le sang. Quand ce n’est pas la psyché du gamer lui-même qui est prise en otage. Heureusement, au moment où la mise en scène radicale subjective de la douleur d’un Condemned 2 conduit à une impasse, elle trouve une expiation objective presque rassérénante dans le parodique et lucide Pain.

Pain

C’est probablement avec le premier Resident Evil (96) que la mesure de la violence sadique a été prise dans le jeu vidéo, à grande échelle. Quand Capcom a osé mettre en scène l’idée de pouvoir achever d’un coup de talon sanglant dans le crâne un zombie agonisant pitoyablement au sol, un nouvel horizon de cruauté s’est ouvert sans que l’on en saisisse à l’époque toute la portée. Au début des années 90 l’hémoglobine des finish moves de Mortal Kombat en salle d’arcade avait déjà ouvert la brèche dans l’excès et la vulgarité avec un photo réalisme hideux qui avait au moins le mérite de repousser les contraintes graphiques de l’époque. Aujourd’hui, la plupart des jeux d’action permettent d’achever cruellement un adversaire à terre. Dans la lignée de son prédécesseur sorti en 2005, lui-même inspiré par le brutal Kingpin : Life of Crime, rétrospectivement précurseur en 1999, Condemned 2 réussit à faire vivre en vue subjective cette violence organique extrême. Psychologiquement détruit depuis le premier épisode, le flic alcoolique à la dérive prend les coups dans sa chair autant qu’il les inflige aux autres. L’essentiel des combats qui jalonnent son enquête prétexte dans des squats ou des fabriques abandonnées de poupées se fait à coup de poings (américain), de barres de fer, de planches cloutées.

L’effroyable sauvagerie des assauts des drogués et autres humains déchus se règle au corps à corps. Improvisé à la volée ou sous l’impulsion de combos (QTE), les coups portés ou reçus au visage sont mis en scène avec un hyper réalisme vertigineux. Ce n’est pas le visuel de l’impact au contact qui compte, comme dans la simulation de boxe Fight Night Round 3, mais leur conséquence physique et émotionnelle : intégrité de tout le corps bousculée, perte de repère momentanée, démission temporaire des membres et des sens, incitation aux sentiments de rage panique réciproque… Le contexte nocturne morbide et trash, les éclairages et bruits furtifs et les ricanements valident hors champ la permanence de la folie meurtrière aveugle. Chaque rencontre corps-à-corps anticipée et crainte ne peut être qu’un affrontement à la vie à la mort. La violence graphique et vécue est telle que chaque mise à mort réussie, obligatoire, insuffle un soulagement dénué de tout remords. Comment sortir indemne de la crudité de cette orgie de violence interactive que l’on voudrait cathartique mais qui n’est que pornographique  ? Par l’humour…

À l’autre bout du spectre ludique et pourtant sur le même registre, le jeu Pain assume son sadomasochisme en tant que ressort unique et ludique de jeu. Au lieu de la faire endosser charnellement par le joueur, Pain objective la douleur et lui donne une distance physique et émotionnelle qui lui permet d’en rire. L’unique action du jeu consiste à projeter à l’aide d’une fronde géante un pauvre type, homme-canon victime volontaire, dans un carrefour urbain animé. Plus ou moins contrôlable pendant son vol plané, son corps doit heurter et détruire le plus d’éléments possibles du décor avant atterrissage. Un fois écrasé au sol il est même possible de provoquer d’ultimes soubresauts au corps désarticulé pour qu’il renverse un piéton distrait, se mette sur le trajet d’un véhicule, s’engouffre dans une bouche de métro où il ira rebondir sur une rame… Chaque impact réussi vaut des points et provoque des cris de douleurs hilarants. L’aspect cartoon, la double parodie burlesque de la recherche du score et de la douleur à infliger élève le modeste Pain (jeu à petit prix téléchargeable sur PSN) au statut de commentaire. Comme un dessin de presse se moquant de l’actualité du moment, Pain cristallise, caricature et s’amuse de ce qui fait trop sérieusement le nerf du jeu vidéo contemporain : la mise en scène répétée de la mort, et plus récemment, des douleurs et souffrances reçues et infligées.

Condemned 2 / Monolith / Sega / PC / Xbox 360 / PS3

Pain / PS3 en téléchargement / Idol Minds / Sony Computer

François Bliss de la Boissière

(Publié en 2008 dans Amusement #1)

 


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Why Play ? [Pourquoi jouer] ?

Le jeu vidéo est encore un formidable work in progress où toutes les intentions, trivialités et plaisirs se télescopent sans hiérarchie. Jouer pour les sensations ou la recherche du sens ? Telle peut être la question.

Why play (DR)

Sorti fin 2007, Super Mario Galaxy a remis l’essentiel du jeu vidéo au centre d’un débat qui n’avait plus lieu : le fun. Son grand maître d’œuvre et occasionnellement maître à penser Shigeru Miyamoto le revendique, le jeu vidéo doit être avant tout… fun. Même si la définition de fun peut s’interpréter de différentes manières, il suffit de jouer quelques minutes à ce Mario Galaxy sur Wii pour comprendre où le jeu et Miyamoto veulent en venir. Comprendre, comme saisir avec les mains et les doigts, les yeux et les oreilles, le cœur et même parfois l’âme, mais pas avec le cerveau.

[Tête en bas, au-dessus d’un mini trou noir, retenu sur un petit astéroïde par la gravitation, un moustachu en salopette se jette sans crainte dans le vide en poussant un cri joyeux… _Super Mario Galaxy, 2007].

Car ce plaisir, ce fun, provoqué par le lien interactif entre le joueur et ce qui se passe à l’écran appartient en propre au jeu vidéo et reste à ce jour largement inexpliqué, ou, plutôt, difficilement exprimable. Même si visiblement une entreprise comme Nintendo en a compris quelque chose d’essentiel puisque de la 2D pixélisée des origines à la complexe 3D d’aujourd’hui, toutes les grandes productions Nintendo (Mario, Zelda, Metroid, Pikmin…) réussissent immanquablement à récréer ce plaisir.

[Suspendu à une feuille d’arbre géant, le petit héros se lance d’une falaise en espérant que le vent le portera sur l’autre rive… _The Wind Waker, 2002]

Prenant par surprise les observateurs et les professionnels, la console Wii avec son système de pointage vers l’écran réinvente à son tour les canons de l’interactivité ludique et donc des plaisirs que le jeu vidéo peut offrir. Le changement de paradigme technologique de la Wii rappelle que depuis plus de 30 ans, accolé à l’évolution technologique, le jeu vidéo continue d’être un énorme work in progress.

[Le vaisseau s’oblige à frôler le sol, deux bombes seulement pour détruire les silos ennemis pendant que le museau crache des missiles pour annihiler les fusées qui décollent _Scramble, 1982]

Dès ses débuts, le jeu vidéo contient une double lecture, celle du plaisir tactile immédiat et celle, intellectuelle, de la stupeur et du vertige, l’intuition d’apercevoir un écho du futur : mais qu’est-ce donc que je joue derrière l’écran informatique ? Et, de révolutions technologiques avérées en révolutions numériques en cours, qu’est-ce que cela veut dire par rapport à l’homme ? Ces questionnements peuvent rester à l’état d’étonnement non exprimé, déclencher des plaisirs liés à la curiosité sans cesse sollicité comme elle peut s’intellectualiser, provoquer le frisson conscient du découvreur de territoires inexplorés.

[Le pont de pierre s’écroule, le petit garçon se retourne et attrape de justesse la main de la jeune fille au teint diaphane _Ico, 2001]

En creux, l’inaboutissement et la fuite en avant perpétuelle du jeu vidéo contiennent ce qu’une œuvre d’art exprime à plat : un regard sur la condition de l’homme. Plus précisément encore à cause de l’interactivité : la condition de l’homme agissant, évolutif, et son lien avec l’univers physique. Car après avoir maîtrisé la plupart de la matière observable, éprouvé ses limites dans l’espace, depuis l’avènement de l’informatique et du numérique, l’homme explore sans l’avoir prémédité une nouvelle brèche spatiotemporelle, une matière digitale immatérielle, une nouvelle frontière peut-être jumelle avec celle du Big-bang dont le jeu vidéo repousse avec une innocente candeur la ligne et les limites.

[Le tronc d’arbre couché en travers du ravin tourne sur lui-même, en maintenant coûte que coûte la manette horizontale le jeune homme peut garder son équilibre et faire la traversée _Uncharted : Drake’s Fortune, 2008]

Si l’on regarde les pratiques ordinaires ou populaires du jeu vidéo, qu’il soit orienté compétition, culture du score, évacuation ou entretien des sentiments de violence, passe-temps, la noblesse potentielle de l’activité disparait bien sûr derrière une trivialité quotidienne que connaissent tous les arts populaires tels le cinéma ou la musique. Ce qui n’empêche pas le jeu vidéo comme ses cousins de loisirs de se trouver des bulles d’exceptions dignes d’elles-mêmes.

Avant de générer ses grands œuvres cohérentes d’un bout à l’autre, le jeu vidéo encore balbutiant existe donc par petits morceaux d’œuvres éparpillés dans telle ou telle production. Il appartient au joueur, visiteur d’un autre monde, d’y trouver ses marques, ses plaisirs, ses intentions et avec un peu de chance, un semblant de sens.

François Bliss de la Boissière

(Publié dans Amusement #1 en 2008)

 


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Faut-il dire Wii à la REVOLUTION ?

Pour réinventer la pratique du jeu vidéo avec sa nouvelle console, Nintendo a remplacé le nom et la notion trop explicite de Revolution par un logo à peine digne d’une interjection enfantine. En grattant un peu, le Wii de Nintendo recèle pourtant, comme les jeux Mario, une inventivité révélatrice de toute une philosophie ludique.

En mai dernier, Shigeru Miyamoto a présenté de façon spectaculaire la révolution Wii en jouant au chef d’orchestre sur la scène du célèbre Kodak Theatre de Los Angeles. Télécommande Wii à la main, il mimait les gestes nécessaires à la direction d’un orchestre virtuel intimé d’interpréter à l’écran le célèbre thème de Zelda. Exagérant l’exercice face aux 3000 spectateurs, ses bras étaient le plus souvent dressés à auteur d’épaules comme si, entre deux battements de mesure, il ne pouvait se retenir de les lever en signe de victoire.
Plus tard, sur cette même scène, le Président de Nintendo, Satoru Iwata, vint expliquer plus sobrement le concept de la console Wii. Un peu gauchement, il ouvrait largement ses bras en vantant, tel un prêcheur, le concept rassembleur des anciens joueurs et des nouveaux autour de la console Wii dont le nom simpliste doit évoquer le « we » anglais, « nous ». En regardant les photos de l’événement quelques jours plus tard, une observation troublante émergea : en direct-live devant un parterre de journalistes, les deux hommes s’obstinaient à dessiner avec leurs bras et leurs corps le W du logo Wii. Dans les années 90, Prince, l’artiste musicien de Minneapolis, s’amusait sur ses photos posées à reproduire de façon quasi subliminale avec son corps et ses postures son fameux logo « Love Symbol« …

Quand Nintendo a annoncé le nom officiel de sa prochaine console de jeu en remplacement du sobriquet Revolution, la surprise fut totale. L’entreprise avait réussit à contenir toute fuite, et le nom retenu, Wii, tomba sur le monde comme une goutte d’urine acidulée, une mauvaise plaisanterie. En anglais wee, ou wee-wee, signifie pipi, voire, plus vulgairement, « pissou » si l’on veut comprendre le choc de la communauté anglo-saxonne. Les railleries fusèrent puis devinrent critiques : ce Wii au bord du ridicule continue d’enfermer Nintendo dans son image enfantine. Les médias avaient donc déjà oublié l’indirecte insolence dont peut être capable Nintendo quand, par exemple, Mario s’arme d’un pistolet à eau et pisse (justement !) en toute insouciance humide sur la popularité des arides FPS dans Super Mario Sunshine.
Encouragés par Nintendo, les analystes rappelèrent alors le succès médiatiques des entreprises au nom d’oiseau cyber adoptés facilement : Yahoo, Google, voire en France, Noos. Plus précis encore avec la démarche de la console Wii, Nintendo revendique la notion de « technologie disruptive » qu’a réussi Apple en brisant l’ordonnance de l’industrie musicale avec son iPod. Au « i » individuel d’Apple, la première personne du singulier, répond le Wii collectif (we) de Nintendo, la première personne du pluriel. Les deux ii de Wii ne laissent d’ailleurs aucun doute quant à la filiation avec Apple. Une seule syllabe « i » ou Wii qui a vocation de se glisser en préfixe d’un néologisme marketing pour singulariser un concept, un objet, une attitude, une action : iMac (je fais du Macintosh), iBook, iSight, iPod… Une première série de petits de jeux de sports Nintendo a ainsi été nommée Wii Sports et se déclinent en Wii Golf, Wii Tennis, Wii Baseball, « nous jouons au golf, au tennis, au base-ball »… La connexion Internet permanente de la console a été nommée WiiConnect24, « nous nous connectons »…

Quoiqu’on en pense, Nintendo a déjà gagné une première bataille médiatique, le nom Wii a réussi à marquer les esprits. On estime alors très vite que l’entreprise a pris le risque d’une démarche marketing simpliste en rupture avec son propre héritage terminologique associant au moins deux mots : Game Boy, SuperFamicom, Nintendo 64, GameCube, Dual Screen… Le nom de la marque Nintendo serait presque proscrit aux alentours de la Wii. A l’instar du mode de jeu « révolutionnaire », à base d’une simple télécommande pointant vers l’écran, proposé par la nouvelle technologie Nintendo, le logo Wii et sa signification n’ont apparemment plus rien à voir avec l’historique des jeux et des consoles Nintendo. Néanmoins, une observation à la loupe de ce symbole Wii met à jour une surprenante multitude de signes, codes, significations, directes ou indirectes, explicites comme implicites, étendues comme résumées, du monde Nintendo et de ses intentions.

La vague dessinée par la lettre W est, par exemple, un symbole familier chez Nintendo. Wario, le double racaille de Mario a été nommé en retournant le M de Mario. Même s’il suffit de supprimer la première barre du W pour qu’il redevienne un N, le W est d’abord pour Nintendo un M inversé, l’initiale du génial Miyamoto (Wiamoto ?). Et si l’on retourne tel quel le logo Wii, c’est le M cousu sur la casquette de Mario suivi de deux points d’exclamations qui se lisent ! Un Mario tête en bas directement en osmose avec le nouveau jeu Super Mario Galaxy sur Wii où le fameux plombier trotte, en oubliant l’assiette horizontale, tout autour de petites planètes flottantes dans le cosmos comme autant de points sur le i !

La télécommande Wii avait également surpris quand elle avait été révélée. Elle est pourtant la grande sœur logique du stylet de la DS que tout le monde avait déjà en main. Le i du logo Wii évoque autant le stylet de la DS et sa pointe que le pictogramme d’une silhouette humaine, la télécommande rectangulaire Wii et son curseur pointé au loin sur l’écran de la télévision, ou, comme nous le montre un teaser vidéo, une raquette et sa balle. Le double i, bien sûr, signale Nintendo, que le jeu Wii se veut collectif. On peut d’ailleurs insérer autant de i que l’on veut, le nom se prononce toujours pareil, et le nombre de joueurs reliés à la Wii grâce à sa connectivité Internet n’altèrera pas son fonctionnement, au contraire exponentiel. Avec une console Wii « aware » reliée, allumée ou en veille, 24h sur 24 à Internet, et éventuellement avec d’autres joueurs, le Wii sonne Wi-fi, le tracé du W devient une sorte de fil symbolisant la connectivité, le lien de communication susceptible de s’étirer indéfiniment comme un accordéon ou une onde se propageant WWWWWWW. Le W de la Wii est aussi celui du wagon attaché à d’autres wagons tant qu’ils roulent ensemble dans une même direction. Ou une population de gens, nommée Touch Generation par Nintendo, se tenant la main en une longue chaîne de fraternité interactive. Les deux ii qui peuvent devenir mille ne rappellent-ils pas aussi les Pikmin ? En leur imaginant un peu d’épaisseur, les deux barres obliques du W symbolisent la télécommande Wii d’un côté et son accessoire nunchaku de l’autre, les deux reliés par leur cordon, ou brandis par une personne au centre comme l’ont mimé insidieusement sur scène les deux têtes pensantes de Nintendo. Plus tangible, quoi que, derrière le double V de la Wii se cache aussi le mot videogame et le concept de Virtual Console, une « deuxième » console capable de télécharger et faire fonctionner des jeux anciennes générations (Nes et SuperNes) tandis que la Wii proprement dite est apte à lire inhabituellement deux formats de disques, ceux de la GameCube et ceux de la Wii ! La Wii, une console double, multiple, comme le synthétise sans en avoir l’air son logo.
Définitivement confondant, les deux V du W peuvent aussi s’interpréter comme deux oiseaux, ou un seul avec une grande envergure, dont le vol induit que la Wii prend son envol et s’affranchit du reste du monde, en l’occurrence, des habitudes de l’industrie du jeu vidéo.

Le concept de la Wii a tellement étonné que certains médias se sont pris à l’imaginer en dernière solution farfelue et improvisée d’un Nintendo incapable de suivre la course technologique entretenue par Sony et Microsoft. On retrouve pourtant l’idée et l’envie, voire le besoin impérieux, de faire surgir l’interface sans manette de la Wii dans plusieurs jeux importants Nintendo de ces dernières années. Avant même la concrétisation de l’interface touch screen de la DS, un certain Luigi’s Mansion, premier jeu de la GameCube, brandissait son aspirateur vers les fantômes, les retenait d’un fil invisible avant de les amener à lui. Luigi allait même jusqu’à frapper de la main le mobilier, les murs, et l’écran de la télévision transformé en vitre (toc toc), toucher donc. Dans Super Mario Sunshine, Mario et son pistolet à eau tendent en permanence une main virtuelle vers le décor et les gens tout en pourchassant un Shadow Mario lui-même équipé d’un pinceau prompt à peinturlurer le décor. Dans sa dernière aventure sur GameCube, le petit Link de Zelda agite au bout du bras une baguette de chef d’orchestre pour jouer de la musique et changer le cours du vent. N’a-t-il pas en substance une télécommande Wii à la main ? Non seulement l’aspiration à créer la télécommande Wii s’exprimait déjà avant l’heure, mais l’esquisse du logo lui-même circule aussi avant sa naissance. Il veut déjà surgir du Legend of Zelda dont le sous-titre Wind Waker contient déjà beaucoup de W, comme la série des WarioWare. Et il apparaît de façon quasi explicite dans Super Mario Shunshine, quand, au lancement du jeu, Shadow Mario signe à l’écran le M de Mario avant de se l’approprier en appliquant deux points sur le sommet des deux barres du M. Avant même d’être formulé ou cherché, le logo Wii est déjà là, en train de naître.

« N’est-ce pas tout de même une erreur de donner un nom qui embarrasse les gens au moment de le prononcer ? » insiste le respecté et très british magazine Edge encore gêné par l’écho au wee anglais dans son numéro de juillet (164) à la double Une malgré tout entièrement consacrée au logo Wii. « Quand vous prononcez le mot « we », avez-vous une hésitation ? » rappelle Satoru Iwata avec une incontournable évidence, alors que, étonnamment complice, l’amorce de son nom de famille semble décliner le « i » d’Apple, ou, inversée, le Wii Nintendo.

L’incroyable convergence de signes complices référents, voulus ou fortuits, signifiants ou simplement évocateurs, autour d’un logo d’apparence si basique, révèle de façon inattendu ce que les jeux Nintendo dissimulent déjà en surface : une entreprise capable de transformer sa complexité créative inouïe en une façade aimable et simple destinée à séduire puis retenir n’importe quel public. Face aux mastodontes de son secteur, Nintendo joue la carte de l’intelligence contre la force brute. L’entreprise séculaire déclare ne plus vouloir se battre avec ses concurrents engagés dans une bataille technologique mal choisie. Pour autant, comme Shigeru Miyamoto et Saturo Iwata l’ont montré physiquement en dessinant dans l’air le double V de victoire, Nintendo n’a pas baissé les bras. L’entreprise compte bien propager avec la Wii une « win attitude » qui a le potentiel de lui redonner sa place de leader de l’industrie du jeu vidéo. Si Nintendo gagne son pari, les journaux pourront facilement titrer Wiintendo !

François Bliss de la Boissière

(Publié le 7 juillet 2006 dans Chronic’art 27)

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Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 3/3 : Hollywood du pauvre)

Des anciennes célébrités comme Robert Duvall ou James Can, aux méconnus Ron Perlman ou Michael Wincott, du culte Michael Madsen aux obscurs acteurs de séries TV, l’armée des ombres d’Hollywood infiltre le jeu vidéo. État des lieux, part. 3… 

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Hollywood du pauvre

Quand un éditeur comme Electronic Arts annonce en fanfare que « les plus grands talents d’Hollywood composent le casting de Command & Conquer III », un RTS, il faut lire ensuite entre les lignes que les dits acteurs jouent sur les séquences vidéo, que ceux-ci, pas si célèbres, sont cités bien après les films ou les séries TV où ils ont participé. Pour les cinématiques ou pour les séquences interactives, le jeu vidéo emploie en réalité depuis plusieurs années une foule sans cesse grandissante d’acteurs de seconds plans, prêt à cachetoner pour prêter leur voix, mal dirigés en l’absence flagrante de sérieux directeurs d’acteurs et, à l’oreille, peu motivés malgré leur talent naturel. Des jeunes, Michelle Rodriguez, Halo 2, comme des vieux, Kris Kristofferson, Gun. « Il faut bien nourrir sa famille » nous avait confié en toute ingénuité américaine le pourtant toujours excellent Ron Perlman (La Guerre du feu, Alien: Resurrection) en 2004 lors de la promotion du film Hellboy où il avait, enfin, humble et heureux quoique que grimé en diable rouge, le premier rôle. Précurseur sur le créneau et représentatif de cette population sans corps mais entendu dans des dizaines de séries animées de la TV, Perlman a participé à 17 jeux depuis 1995 dont les Fallout et Les Chroniques de Riddick avec Vin Diesel. Trogne ingrate pour l’écran, âge trop avancé mais voix toujours imposante suffisent à retrouver un acteur en train de donner de la voix dans un jeu vidéo. La machine à cracher du dollar qu’est devenu le jeu vidéo réussit même à se payer la participation de pointures moins has been que d’autres comme Robert Duvall ou James Caan sur Le Parrain (mais Al Pacino, toujours au premier plan, n’a pas participé à la version Interactive de Scarface). Et si Michael Madsen, célèbre pour manger à tous les râteliers, est venu rejouer les Mister Blond dans la version interactive de Reservoir Dogs, il est bien le seul. Enregistrés en quelques demi journées, soumis à des contraintes techniques drastiques comme le time code qui minute à tous prix le dialogue et malgré la présence de vétérans du cinéma, de la télévision et du doublage, les performances d’acteurs n’existent pas dans le jeu vidéo ou, comble, elles sonnent faux. Et quand une performance vocale sort exceptionnellement du lot comme celle du Prophète de la Vérité de Halo 2, tout le monde croit reconnaître la voix de John Hurt (Alien, V pour Vendetta) alors qu’il s’agit de Michael Wincott (Strange Days, Alien: Resurrection). Les voix sont la plupart du temps désincarnées, peu appropriées à la scène, et on peut même douter que les comédiens aient vraiment l’occasion de se donner la réplique. La voix rauque de Michael Ironside en Sam Fisher dans Splinter Cell est, par exemple, d’une neutralité affligeante. Cela est dû en partie au procédé qui consiste à enregistrer des répliques, à l’intonation forcément passe-partout, destinées à être réutilisées dans de multiples circonstances du jeu (« bonjour », « tu vas mourir », « votre mission sera »…). L’artificialité de la présence des acteurs est d’ailleurs totalement confirmée avec les versions européennes des jeux qui, localisées dans le jargon, sont majoritairement doublées en VF. Seul le studio Rockstar laisse systématiquement et avec pertinence ses productions en VOST, et malgré le succès commercial et critique de cette politique d’édition, elle fait peu d’émule chez les autres éditeurs.

Plan sur plan plan-plan

Pire syndrome justifiant la présence de vrais acteurs dans des jeux vidéo, les versions interactives de quelques monuments du cinéma ne se contentent pas de proposer une extension interactive (toujours discutable) du film mais recopient presque plan pour plan des scènes du film, le plus souvent avec les voix d’acteurs de remplacement. Comme si l’on se mettait à faire des remakes live de dessins animés (Shrek ?) ou des remakes en images de synthèse de films avec de vrais acteurs (Certains l’aiment chaud ? A bout de souffle ?). Malin, tout en offrant sa bénédiction, Hollywood laisse l’industrie du jeu vidéo se torpiller elle-même avec ce procédé si cheap et si inutile qu’il ne peut que renvoyer le spectateur en salles ou devant son DVD. Le générique des Warriors (79) de Walter Hill est ainsi reconstitué à l’identique en vilaine 3D avec de hideux personnages virtuels. Des scènes célèbres du Parrain de Reservoir Dogs et de Scarface sont décalquées avec une gaucherie et une laideur ahurissante. Les thèmes musicaux originaux veulent aider à compléter l’illusion mais cristallisent surtout la candide bêtise de la démarche. Sega vient de signer avec la Fox pour ressusciter la franchise Alien sous la forme de deux jeux, un FPS et un RPG. Naturellement, Sega va chercher à faire participer Sigourney Weaver et Lance Henriksen. Bien qu’il n’arrêtent pas de travailler, la carrière des deux acteurs ne fait plus les têtes d’affiche. Leur collaboration devrait donc facilement être acquise et puisque le premier jeu n’est pas prévu avant 2009 (!) on peut espérer que le jeu vidéo et le cinéma ait réussi à s’inventer d’ici là un vrai terrain d’entente créatif. La participation active de la Sigourney Weaver déjà productrice avisée des deux derniers films Alien pourrait, devrait, être un plus.

A lire : État des lieux, part. 1 : La quête de l’essence
A lire : État des lieux, part. 2 : Apprentis sorciers

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


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Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 2/3 : Apprentis sorciers)

Depuis longtemps déjà certains concepteurs de jeu jouent en douce aux metteurs en scène de cinéma à travers leurs jeux vidéo. Récemment, ce sont des cinéastes accomplis qui se rêvent réalisateurs de jeu. État des lieux, part. 2…

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Apprentis sorciers

Il n’y a pas que le jeu vidéo qui se fasse infiltré par un autre médium comme le cinéma. Presque aussi digital que le jeu vidéo, le cinéma à effets spéciaux se laisse lui aussi influencer plus ou moins maladroitement par l’ère numérique entre les mains des cinéastes de la génération interactive ou voulant faire moderne. Pour des résultats plus contre nature que satisfaisant. Quand quelques cadrages empruntés à Metal Gear Solid ou clins d’œil complices à Soul Calibur font sourire dans le film Le Pacte des Loups de Christophe Gans en 2001, son adaptation cinématographique trop littérale et vide de toute émotion (ni peur ni empathie) du jeu Silent Hill fait pleurer. Le cinéma récent emprunte ainsi au jeu vidéo des mouvements de caméra impossibles « en dur » comme les travellings invraisemblables qui survolent des millions de soldats pour venir filmer un point minuscule d’un gigantesque décor avant de repartir vers un horizon infini. Des aberrations physiques qui fonctionnent bien dans Un Seigneur des Anneaux fantasmatique mais nuisent aux reconstitutions à vocation réaliste comme le Alexander d’Oliver Stone (2005). Contrairement au cinéma qui, jusqu’à ces dernières années, construisait le décor de façade nécessaire et suffisant au cadre prédéfini de la caméra, le jeu vidéo se fabrique des décors complets à 360° sans avoir besoin de penser où sera la caméra puisque, avant tout, le joueur lui-même y pénètrera avec son avatar ou, immergé jusqu’au cou, en vue subjective. Une fois l’environnement virtuel construit, la caméra, toute aussi immatérielle, peut s’installer n’importe où. Évidemment, au lieu de valoriser l’espace, les game designers s’amusent comme des petits fous avec leur nouvel outil de liberté et, loin de l’habile cinéma qui sublime tout avec peu, diminuent l’impact de ce qu’ils veulent montrer au lieu de l’amplifier. Depuis longtemps déjà le jeu vidéo aurait dû faire appel à des cinéastes pour mettre en scène ces séquences ou, au minimum les storyboarder. Mais comme pour le scénario et les dialogues conçus de façon tout aussi amateur, officiellement pour des raisons de budgets mais surtout, par orgueil et culture artisanale persistante de l’homme orchestre, développeurs et éditeurs en font l’économie.

Et quand un réalisateur de jeu vidéo multitalentueux comme Hideo Kojima se laisse aller à de longues séquences non interactives dans ses Metal Gear Solid (trailers fameux ou même, in game), la virtuosité de ses mises en scène révèle surtout un amour immodéré du cinéma qui n’a fondamentalement plus rien à voir avec le jeu vidéo. Dans un MGS, des épisodes cinéma-manga succèdent à des séquences de jeu, et inversement. Le collage peut réjouir mais ne fait que renvoyer les deux médiums dos à dos. En cherchent à briser la passivité du spectateur en réinjectant une interactivité surprise et ponctuelle dans des séquences non interactives, les QTE (Quick Time Event) inventés par Shenmue (Dreamcast, 1999) sont peut-être recevables en tant que jeu vidéo quand ils se rapprochent assez du système des combos (enchaînement rapide d’actions sur des boutons) comme dans God of War, mais descendent aussi du malfamé et binaire Dragon’s Lair quand il s’agit d’appuyer sur un bouton pour enchaîner, ou non, sur l’événement suivant, comme le maquille fort bien Resident Evil 4. En 1981, le cinéaste alors trash John Waters avait proposé avec son film Polyester un procédé de visionnage en Odorama interactif digne du label QTE : une icône sur l’écran signalait au spectateur le moment de gratter telle ou telle surface d’un carton à renifler en regardant les images.

Fusions forceps

John Landau, proche collaborateur de James Cameron, explique pour justifier le rapprochement inévitable du cinéma et du jeu vidéo que, dorénavant, le cinéaste titanesque envisage de travailler sur un plateau totalement virtuel, y compris avec des silhouettes digitales. Il est suggéré ici que Cameron répétera tout son film en numérique avant de décider comment le filmer. David Fincher (Panic Room, 2002), autre cinéaste à l’avant-garde digital, utilise depuis longtemps lui-même l’image de synthèse animée pour, en particulier, remplacer le storyboard dessiné traditionnel. Et, dans un mélange de réticences et d’enthousiasme, Steven Spielberg – dont la scène du débarquement de son Soldat Ryan (98) a provoqué toute la vague de jeux de guerre en vue subjective de Medal of Honor à Call of Duty et qui travaille sur trois jeux « inédits » avec Electronic Arts – vient de se mettre lui aussi au storyboard digital numérique avec La Guerre des Mondes. Le décor de synthèse en 3D du film Avatar de James Cameron doit pouvoir servir au jeu vidéo en ligne et multijoueur. « Les films et les MMO (comme World of Warcraft) ne sont pas très différents » affirme John Landau. Pour lui, la création « physique » d’un monde virtuel suffit à faire le rapprochement entre les deux médiums. Une appréciation évidemment toute personnelle. Les MMO sont une branche très particulière et assez paresseuse du jeu vidéo puisqu’il s’agit fondamentalement d’offrir un terrain d’exploration virtuel sans limite d’espace et de temps réel où les joueurs errent rythmés par leurs rencontres et, essentiellement, leurs affrontements à l’aide de quelques outils interactifs (armes, gestions d’objets, interface de communication…). Les fameux Sims, ou même les MMO, sont plutôt au jeu vidéo ce que la télé réalité (Loft Story) est au cinéma. Bien qu’interactif et nécessitant la participation active du joueur, le jeu vidéo au sens plein est pourtant bel est bien un moyen d’expression, un art. Il a besoin d’un auteur pour lui insuffler une personnalité qui s’exprime non seulement dans l’apparence mais dans les rouages de l’interactivité, celle là même qui singularise totalement l’expérience jeu vidéo pendant qu’elle ne cesse, de Tetris ou Rez à Gears of War ou Super Mario Galaxy sur Wii, de repousser ses limites. L’espace, le temps, le degré de réactivité, les changements de rythme, la présence physique du monde et des codes de conduites associés, les personnages jouables ou non, sont autant d’instruments avec lesquels un jeu vidéo doit jouer sa musique originale. Même si le fameux qualificatif « bac à sable » essaie de résumer une forme de liberté d’agir dans le jeu vidéo, il ne faut pas le confondre avec une absence de contrôle des mécanismes de jeux. Au contraire.

Incestes

Assez curieusement, l’introduction du virtuel dans le cinéma lui enlève chaque jour de sa sincérité et, à l’inverse, et même laborieusement, l’arrivée des acteurs dans le jeu vidéo, donne un peu plus de réalité au jeu vidéo. Les deux médiums se rejoignent donc en effet quelque part sur un terrain un peu commun à mi chemin du réel et du virtuel et c’est peut-être à ce carrefour que James Cameron et Peter Jackson croient possible d’attraper une nouvelle essence. Les deux médiums peuvent effectivement profiter l’un de l’autre pour explorer un peu plus leur condition mais c’est forcément une erreur de croire, pour résumer, qu’il manque l’émotion cinéma au jeu vidéo et l’interactivité au cinéma et que d’une fusion des deux médiums surgira une entité plus efficace ou plus légitime. La fusion artistique semble pourtant possible entre jeu vidéo et cinéma pour Lorne Lanning qui après dix ans de jeu vidéo Oddworld (Abe, Munch, Stranger), se tourne, à l’inverse de la tendance, vers le cinéma pour mettre en scène son film Citizen Siege (jeu également), mais « elle viendra des créateurs indépendants, pas des grosses entreprises » (studios de cinéma ou éditeurs de jeux vidéo) précise-t-il dans le mensuel Chronic’Art (31, décembre 2006). Il faudra bien tout le talent de créateurs innovateurs comme James Cameron et Peter Jackson pour dépasser des syndromes de la convergence que le cinéma et le jeu vidéo ont déjà connu avec, notamment, le tristement célèbre Dragon’s Lair (en arcade sur disque laser dès 1983), un dessin animé où il fallait appuyer de temps en temps sur un bouton pour déclencher une séquence, ou les risibles « jeux » psychorigides intégrants des séquences vidéos (FMV) vaguement interactives (Night Trap, 1994). Les amateurs de cinéma et les gamers se toisent déjà les uns les autres avec circonspection et même, souvent, un mépris silencieux. Aussi cousins qu’ils soient, comme le démontre chaque adaptation vulgaire d’un film en jeu ou d’un jeu en film (ou directement en DVD comme le seront les prochaines, et sans doute désolantes productions de Uwe Boll : Bloodrain 2, Alone in the Dark 2…), tout amalgame malheureux entre le jeu vidéo et le cinéma prend le risque de les transformer plus durablement en frères ennemis. Au delà du tabou qualifié d’inceste, marier les membres d’une même famille est médicalement prohibé pour éviter la naissance d’un être consanguin fragile voire, génétiquement, dégénéré. Que le cinéma et le jeu vidéo partagent leurs ressources semble naturel, mais pour garder leur intégrité réciproque n’auraient-ils pas plutôt intérêt à rester à distance ?

A lire : État des lieux, part. 1 : La quête de l’essence
A lire : État des lieux, part. 3 : Hollywood du pauvre

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


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Jeux et cinéma : la (con) fusion (part 1/3 : La quête de l’essence)

Après les frères Wachowski, Vin Diesel, John Woo et Steven Spielberg, Peter Jackson et James Cameron se mêlent aussi de faire du jeu vidéo. L’ambition grimpe, pourtant, jeux et cinéma continuent de se faire du mal. État des lieux, part. 1…

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Les frères Wachowski y ont cru avec Matrix. Vin Diesel aussi, à sa manière avec Les Chroniques de Riddick et, bientôt, The Wheelman, et John Woo, fâché de se faire piller, s’y jette aussi en personne avec Stranglehold. Et Spielberg, bien sûr, s’en mêle jusqu’au cou. Maintenant c’est au tour de James Cameron et Peter Jackson de s’y engager. Mais d’où vient cette fausse bonne idée que, cousins, jeu vidéo et cinéma doivent fondre l’un dans l’autre ?

La quête de l’essence

Après des années de cohabitation maladroite faite de copiés-collés commerciaux, le cinéma et le jeu vidéo entament une nouvelle collaboration qui ne cherche plus seulement à transposer chaque médium dans l’autre mais à, semble-t-il, fusionner. Avec des nouveaux parrains comme James Cameron et Peter Jackson la sincérité de la démarche ne se discute pas. Mais qu’en est-il exactement ?
De retour des abysses, James Cameron travaille depuis un moment déjà à un projet cinématographique baptisé provisoirement Avatar, une love story au cœur d’une guerre interplanétaire. Fervent défenseur du cinéma tout digital, Cameron devrait tourner son film avec de nouvelles caméras 3D et rêve de projections idoines. En parallèle, il s’est associé à la société Multiverse fondée en 2004 par des anciens ingénieurs de Netscape, spécialisée dans la création de jeux massivement multijoueur en ligne, pour créer un monde persistant (MMOG) à partir du même univers que son film.
Peter Jackson de son côté, qui s’ennuie, dit-il, au cinéma au point, aujourd’hui, d’apprécier d’avantage les jeux vidéo, est monté sur la scène du Théâtre de Catalogne à Barcelone pendant la manifestation X06 de la division jeux de Microsoft en septembre dernier pour rappeler que non seulement il continuait de produire le film Halo (projet abandonné en octobre suite au désengagement financier de la Fox et de Universal) et participait aux prochains jeux de la série, mais qu’il allait tenter de créer une œuvre de loisir encore innommable qui serait ni du cinéma ni du jeu vidéo ou, évidemment par déduction, un peu des deux à la fois.
Une initiative saluée par Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft : « L’alliance des industries du cinéma, des effets spéciaux numériques et du jeu vidéo est une bonne chose. C’est le bon chemin pour apporter plus d’émotions dans le jeu vidéo, ces types (cinéma et effets spéciaux) savent comment créer de l’émotion et ils vont aider notre industrie à y parvenir. »

De l’utopie au mirage

L’espèce de fusion artistique – la commerciale on la connaît, à quelques exceptions près (King Kong, Riddick) les adaptations de films en jeux sont une impasse créative – que veulent tenter de tels cinéastes révèlent surtout la méconnaissance de l’essence, il est vrai insaisissable, du jeu vidéo.
Sans prétendre se substituer à ces forces créatives autant artisans-ingénieurs-inventeurs de leur métier que visionnaires qui ont largement fait leurs preuves au cinéma et qui peuvent fort bien accoucher d’œuvres impensables avant leurs naissances, une lucidité hors commerce voudrait tout de même faire quelques observations et rappeler quelques fondamentaux que les pourtant très connaisseurs frères Wachowski n’ont eux-mêmes pas respecté en se contentant d’insérer des séquences de film inédites dans le jeu vidéo Enter The Matrix qui devait concrétiser la synergie ultime entre le cinéma et le jeu vidéo. Le résultat catastrophique reste en mémoire. Parce que le jeu vidéo contemporain partage avec le cinéma les images qui bougent, la musique, les bruitages et, de plus en plus, les effets spéciaux et les comédiens, on croit en déduire une filiation qui n’aurait pas encore maturée en un hypothétique potentiel. L’intimité certes existe, de plus en plus d’artistes et de techniciens travaillent dans l’un et l’autre milieu et apportent forcément leur savoir faire. Le compositeur Harry Gregson-Williams, par exemple, doit sa plus grande célébrité à la BO des jeux Metal Gear Solid alors qu’il a composé plusieurs dizaines de scores de films à succès, dont Shrek et Kingdom of Heaven. Après la réussite du jeu vidéo Les Chroniques de Riddick s’insérant habilement entre les épisodes du grand écran de la saga Riddick, l’acteur-producteur Vin Dielsel, amateur avisé de son image et de jeux vidéo – il a créé le studio de développement Tygon Studio – continue sur sa lancée et développe en parallèle le film et le jeu The Wheelman dont il est la vedette. Agacé, nous dit-on, de voir le jeu vidéo emprunter maladroitement ses fameux guns fights au ralenti (Max Payne ?), John Woo a décidé de s’impliquer lui-même dans la réalisation du jeu Stranglehold présenté comme la suite directe de son célèbre film Hard Boiled (A toute épreuve, 92), l’acteur principal Chow Yun-Fat y reprend d’ailleurs son rôle. John Woo dirige apparemment l’histoire, les placements de caméra et les cutscenes. Après avoir décliné de justesse la réalisation du film Halo, Guillermo Del Toro devient consultant sur deux projets de jeux, dont un nouveau Hellboy. Contrairement à l’ambition affichée de Peter Jackson et James Cameron, ces collaborations et échanges de compétences dépasseront sans doute, grâce à quelques talents, le simple portage d’un produit vers l’autre mais resteront dans le domaine déjà cadrés du cinéma d’un côté et du jeu vidéo de l’autre.

Théâtres virtuels

L’arrivée de la 3e dimension a fait passer le jeu vidéo du théâtre 2D de marionnettes où le joueur intervenait toujours du même point de vue du spectateur face à une estrade (voir à cet égard l’énorme clin d’œil conceptuel des combats au tour par tour sur scène de Paper Mario: The Thousand-Year Door sur GameCube) à un spectacle nouveau qui utilise, en effet, des outils propre au cinéma comme les placements et déplacements de caméra et les dialogues entre personnages. Sur ces deux points là le jeu vidéo moderne échoue à être crédible parce que, justement, il ignore les bases de la syntaxe cinématographique ou s’y essaie avec maladresse et peu d’inspiration. Les premiers Resident Evil jouaient admirablement la carte cinéma avec des plans fixes choisis en fonction de leur angle dramatique mais prêtaient aux protagonistes de l’aventure des voix terriblement inappropriées. Pour faire vrai et communiquer de l’émotion avec l’information « utile » qu’elle fait transiter, une discussion entre deux ou plusieurs personnages nécessite une mise en place particulière dans le décor, un montage alterné de plans avec des tailles et des cadrages très contrôlés aussi raccords que les directions de regards. Le cinéma a depuis longtemps défriché ce langage et les spectateurs du monde entier comprennent instinctivement sa grammaire, même dans sa plus simple expression lors d’émissions télévisuelles. En refusant, par ignorance, paresse ou économie, de se plier à ces codes « universels », et en attendant d’inventer, pourquoi pas, une autre manière de réaliser, le jeu vidéo ne fait que du très mauvais sous cinéma. Les scènes de dialogues s’éternisent dans des cadrages statiques ou des montages bancaux et la direction d’acteur n’existe pas sérieusement même quand des comédiens professionnels participent.

L’âme des marionnettes

Au cinéma, bien sûr, l’émotion et la crédibilité d’une scène s’appuient d’abord sur les comédiens auxquels le spectateur adhère ou s’identifie par empathie naturelle. Un avantage humanisant que le jeu vidéo ne rattrapera pas s’il veut garder son intégrité polygonale. La puissance de calcul des nouvelles générations de consoles ou du PC permet d’animer plus facilement les avatars virtuels, mais comme le prouve avec pertinence la démonstration d’une pure scène « Actor Studio » face caméra d’une actrice de polygone tirée du projet Heavy Rain du game designer français David Cage déjà sur la route de la fusion avec son jeu Fahrenheit, donner vie à une silhouette polygonale demande d’autres talents que la simple maîtrise technique, et une magie encore à inventer. L’échec commercial sans appel du film Final Fantas : Les Créatures de l’Esprit (2001) a tristement démontré que le public n’était pas, à froid, prêt à reconnaître l’humanité de personnages virtuels réalistes, même si tout ce qui est cartoon 3D en revanche séduit et si Peter Jackson et son studio Weta Digital ont réussi à convaincre avec des créatures virtuelles hybrides comme Gollum et King Kong. Si l’on utilise des outils du cinéma pour créer de la narration et de l’émotion (scénario, dialogues, acteurs) alors, oui, le savoir faire cinématographique reste indispensable et profiterait bien au jeu vidéo. Mais les meilleures œuvres interactives, les plus fortes émotionnellement, pour prendre ce critère qui manquerait au jeu vidéo, comme Ico et Shadow of The Colossus, Zelda et Okami, n’ont rien en commun avec le cinéma, à part, peut-être, la musique. Il en est ainsi pour les émotions à peine qualifiables générées par l’incidence interactive de jeux, réjouissants comme Super Mario Sunshine, ou angoissants comme Silent Hill 2 que, justement, l’adaptation cinématographique n’a pas réussi à retranscrire malgré toute l’application à restituer le contexte. Le jeu vidéo a déjà prouvé qu’il peut s’inventer une expérience complète, physique, cérébrale et émotionnelle au-delà, évidemment, du cinéma.

A lire : État des lieux, part. 2 : Apprentis sorciers
A lire : État des lieux, part. 3 : Hollywood du pauvre

François Bliss de la Boissière

(Publié en décembre 2006 sur Overgame)

 


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Zelda : la fin des illusions ?

En retard d’une année (2006 au lieu de 2005), dépassé pour la première fois par ses fils spirituels (Okami, Kaméo…), l’imminent Zelda Twilight Princess arrivait avec un profil bas inhabituel. Et en le faisant adopter sans ménagement l’interface Wii, Nintendo prenait le risque de couper le cordon ombilical reliant depuis vingt ans le jeu aux joueurs.

Un mois avant sa sortie fin 2006, Zelda Twilight Princess ne fait pas tellement parler de lui sauf, peut-être, auprès des plus passionnés qui envisagent, en guise d’alerte et pour se rassurer, au cas où, dans une valeur refuge, de faire l’acquisition de la version GameCube si le gameplay version Wii ne leur convient pas. Oui, une nouvelle aventure de Link s’apprête à sortir dans le commerce et, malgré un héritage sans égal, elle soulève plus d’inquiétudes que d’enthousiasme. Avouons-le, questionner la valeur d’un Zelda avant sa sortie fait désormais partie de la légende, ou du folklore. Moins par habitude que par réaction au mélange détonnant de mystère et de surprises qu’entretient Nintendo pendant les longues années de développement. C’est peut-être d’ailleurs cette remise en cause systématique du contrat de confiance avec les joueurs auquel Nintendo n’a pourtant jamais failli qui sacralise chaque Zelda dans le rôle de rescapé d’une catastrophe crainte par les joueurs et les médias spécialisés et donc, toujours, en miraculé.

Scepticisme de principe

Tant qu’il n’était pas joué par tous, le gameplay 3D de Ocarina of Time ne pouvait remplacer celui en 2D de A Link to The Past. Le cell-shading de The Wind Waker renvoyait Link dans un monde enfantin que personne ne voulait. Pourtant le miracle a lieu à tous les coups. La puissance d’évocation émotionnelle, les innovations de gameplay et la finition technique et artistique incomparables repoussent dans tous les Zelda les limites de ce que le jeu vidéo peut offrir. Au point de s’autoriser à frôler le hors jeu conceptuel avec le vertigineux Majora’s Mask et son éternel recommencement moebiusien à la complexité encore insondable. Le niveau qualitatif des Zelda est tel que chaque chapitre n’a jamais pu se mesurer qu’avec le précédent. Aussi prestigieux et réussis furent-ils, les descendants action-RPG d’une hypothétique lignée Zelda n’ont jamais réussi à s’immiscer dans la généalogie originale. Ni en 2D ni en 3D (1). Jusqu’à aujourd’hui.

Pseudo réalisme

Retrouvant une veine pseudo réaliste attendue par les gamers, le prochain Zelda sous-titré Twilight Princess aurait dû sortir fin 2005 avant que Nintendo ne décide brusquement de l’adapter à l’interface de jeu Wii et d’en faire l’évènement de la sortie de la console fin 2006. Les raisons exactes de cette mutation restent obscures. Le jeu tel qu’il se finalisait sur GameCube n’était-il pas, pour un Zelda, assez innovant au point de devoir lui ajouter la technologie de contrôle direct à l’écran de la Wii ? La concrétisation physique crédible d’un Zelda plus « photo réaliste » pose-t-il autant de problèmes que le réalisateur Eiji Aonuma – disparu des médias depuis plus d’un an – l’a laissé entendre lors de ses dernières sorties publiques mi 2005 ? Les avancées cette fois remarquables de la concurrence ont-elles poussé Nintendo à revoir sa copie ? Intrigantes, les démonstrations jouables versions GameCube en 2005 puis Wii en 2006 laissent plutôt circonspect. Les combats inédits à cheval sont un peu laborieux, comme l’exploration un chouia trop classique du village ou d’un donjon. Passé la surprise, les manipulations à la Wiimote se révèlent plus pénibles que plaisantes, et surtout plus complexes qu’intuitives. Visuellement, le jeu développé pour GameCube n’impressionne pas malgré l’étendue des paysages. Les textures font lavasses, la nature reste figée. Fonctionnelles, les animations de Link ou de son cheval sont aussi bien raides, presque gauches. Des impressions décevantes renforcées par l’apparition de trois jeux appelés à faire beaucoup mieux dans des domaines clés d’habitude réservés à Zelda : l’animation, l’ambiance, l’émotion, l’innovation.

Fils spirituels

Depuis 2005, Kameo, Shadow of The Colossus et Okami confirment avoir attrapé, voire sublimé, certaines essences propre à Zelda. Sur Xbox 360, la crinière blanche du cheval de la princesse Kameo a autrement plus de classe que celui, pourtant célèbre, de Link. Même si le gameplay du jeu final ne se hisse pas au niveau d’un Zelda, animations et restitutions visuelles du monde fantastico médieval de Kameo étourdissent la concurrence. Comparativement, le monde de Twilight Princess entraperçu fait triste et terne, petit et poussiéreux. Sur PlayStation 2, Shadow of The Colossus rappelle qu’esquisser avec intelligence un monde suffit à le rendre tangible même sur une console ancienne génération. Quitte à ce que sa désolation devienne sa singularité. Agro, l’étalon noir de Shadow, galope et s’exprime avec un réalisme raffiné qui renvoie l’Epona de Link à son manège de chevaux de bois. Le gracieux lien émotionnel exprimé avec si peu de moyens entre le héros et la princesse diaphane endormie de Shadow of Colossus résume celui de Link et de la Princesse Zelda en un vaudeville de boulevard.

Oh animaux

On sait que Twilight Princess s’appuie beaucoup sur les animaux que Link contrôle et chevauche. Proche de la malédiction schizophrénique du film Ladyhawke, le petit Elf se transforme sous la lune en loup (garou ?) et visite un monde parallèle plus sombre. Coïncidence étrange, le héros d’Okami, le chef d’œuvre annoncé de Clover Studios (Capcom), est un loup ! Okami, un Zelda-like totalement affirmé et d’autant plus réussi qu’il fait ce que fait un vrai Zelda : s’appuyer sur les acquis accumulés par la série puis aller au delà. Okami ne serait qu’un clone honteux si les créateurs n’avaient pas transcendé le concept en une interprétation personnelle totalement valide. Okami pourrait être très officiellement un épisode parallèle et onirique de Zelda.

Défis inédits

Constitutivement, les Zelda abritent plusieurs idées majeures autour desquelles s’articule l’aventure. Des concepts interactifs intimement reliés au scénario révélés parcimonieusement par Nintendo avant la sortie du jeu. Voire pas du tout puisque les Zelda se ménagent toujours une grosse surprise inattendue. Malgré les nombreuses informations circulant autour de Twilight Princess, celui-ci cache vraisemblablement encore au moins une révélation fondamentale. Mais, en attendant d’en savoir plus, ce Zelda fait réchauffé et demande notre confiance sans preuve. Monde parallèle déjà souvent exploité, mixité avec les animaux déjà réussie chez Shadow et Okami, technologie GameCube dépassée, greffe pour l’instant douteuse de l’interface Wii, ce que l’on sait, que l’on a vu et goûté de Twilight Princess fait pâle figure. Artistiquement dépassé par ses fils spirituels et, techniquement, par les consoles next-gen, le nouveau Zelda arrive fragilisé. Il est pourtant porteur d’enjeux économiques et culturels colossaux : accompagner, pour la première fois, la naissance d’une nouvelle console et entériner un basculement théorique de la façon de pratiquer le jeu vidéo. En coupant le cordon ombilical reliant le joueur à Zelda, Nintendo cherche moins à provoquer un nouveau miracle qu’à faire adhérer à une nouvelle et anti dogmatique religion, celle de la Wii. On aimerait y croire.

(1) Secret of Mana, Illusion of Gaïa, Brainlord, Equinox (Solstice II), Secret of Evermore, Chrono Trigger, Spike Mc Fang, Terranigma sur SuperNintendo. Landstalker, Soleil, Legend of Thor sur Megadrive. Magic Knight Rayearth, Oasis 2, Dark Savior (3D isométrique) sur Saturn. Alundra sur PlayStation. En 3D, les prétendants se résument à un… Mystical Ninja Starring Goemon.

  • The Legend of Zelda : Twilight Princess
    Wii / GameCube
    (Nintendo)

François Bliss de la Boissière

(Publié en novembre 2006 dans Chronic’art)

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GameCube : R.I.P. 2001-2006

Avec la Wii, Nintendo s’autorise une sorte d’euthanasie hardware jamais vue dans la courte mais dense histoire du jeu vidéo. La Wii étant 100% compatible avec la GameCube (jeux et accessoires) celle-ci n’a plus aucune raison d’exister et peut être enterrée sans regret. Sans regret ?
Sans doute la moins aimée de toutes les consoles Nintendo (hors Virtual Boy et autres expérimentations inabouties comme le 64 DD de la N64), la GameCube s’apprête à être éjectée manu militari du marché comme aucune autre console avant elle. Tout le monde le sait et le craint un peu, en dehors de son interface de jeu pointé à l’écran, la console Wii bientôt disponible fonctionne grosso modo sur une technologie légèrement améliorée mais semblable à celle de la GameCube. Si les jeux Wii à venir (Super Mario Galaxy) révèlent discrètement à l’œil quelques progrès techniques, industrie et observateurs s’entendent pour dire que la Wii serait une GameCube 1.5. Cette promiscuité technique inédite entre deux générations de consoles génère au moins un avantage certain : la Wii accepte de lire sans condition tous les jeux GameCube (les régions restent incompatibles). Le terme de rétro compatibilité employé depuis que Sony a inauguré avec la PlayStation 2 la première console de salon capable de lire les jeux de la génération PlayStation précédente, ne s’applique même pas pour la Wii. Contrairement à la Xbox 360 obligée d’émuler les jeux Xbox et donc de les retravailler un par un, et à la PlayStation 3 qui, elle aussi, va émuler les jeux PS2 et sans doute PSOne si elle ne passe pas la main directement à la PSP, la Wii est tout simplement compatible avec les jeux GameCube.

Wii mange tout

Alors que Nintendo adopte pour la première fois avec la GameCube le format CD sous la forme de mini DVD propriétaires en 2000, la Wii se résout apparemment à utiliser des DVD (propriétaires là aussi) de diamètre standard. Le mange-disque Wii, cependant, accepte d’attraper les minis DVD GameCube et il semblerait – Nintendo ne donne pas de détails – que la Wii fasse fonctionner les jeux GameCube normalement, sans passer par une surcouche logicielle, un émulateur (contrairement aux jeux 8, 16 et 64 bits, eux, téléchargeables). Aussi lisse d’apparence et sans fil en façade soit-elle, la Wii a quelques trappes qui abritent des slots pour brancher directement les Memory Cards et les manettes GameCube. Il est même possible de brancher le petit émetteur de la fameuse manette sans fil WaveBird. Très vraisemblablement les jeux GameCube ne se lanceront pas automatiquement et seront sélectionnables via l’interface des Wii Channels à l’emplacement prévu et immuable des jeux Wii (en haut à gauche de l’écran). Et Nintendo a également évoqué la possibilité que les jeux GameCube, comme ceux des générations précédentes, lancés sur Wii profitent automatiquement de quelques améliorations visuelles (anti aliasing par exemple) comme la réédition du Zelda Ocarina of Time N64 sur GameCube en a fait la jolie démonstration (mais pas celle de Majora’s Mask). 100 % compatible avec le catalogue et les accessoires GameCube (bongos, micro ne devraient pas poser de problème), la Wii rend de facto obsolète la GameCube le jour de sa sortie.

Prémisses de révolution

Sortie fin 2001 (mai 2002 en Europe), il y a exactement 5 ans, la GameCube avait été présentée publiquement à l’été 2000. A l’époque, son design carré et ramassé, ses couleurs vives et sa poignée façon vanity féminin faisaient l’événement même si l’originalité affichée de Nintendo devenait de plus en plus insaisissable. La manette GameCube, avec ses deux sticks analogiques, son petit bouton z accroché sur la tranche et la disposition minutieuse et colorée des boutons, devait simplifier l’identification des taches. Vrai sans doute dans un certain idéal ergonomique, Nintendo a fini par avouer que l’invention de la Wiimote blanche, sans aspérité et donc passe partout, avait surgi de la nécessité de simplifier des manettes aux boutons de plus en plus nombreux et de plus en plus intimidants (le gros bouton vert A central de la manette GameCube, presque grossier pour un gamer, ne réussit même pas à être une évidence pour un non initié). L’aspect jouet de l’ensemble GameCube et manette restait aussi trop apparent alors même que Nintendo disait déjà vouloir intéresser les joueurs plus âgés après que Sony lui ai chipé le leadership (face à la Nintendo 64) du marché avec sa PlayStation. Las, cinq ans plus tard, le nouveau challenger Microsoft réussit avec sa presque candide Xbox à repousser Nintendo en troisième position d’un marché des consoles de salon (parc mondial fin 2005 :21 millions de GameCube et 22-23 millions de Xbox) qui, jusque là, n’acceptait d’absorber que deux consoles simultanément. Contrairement à ses deux gros concurrents Sony et Microsoft, Nintendo ne perd pas d’argent avec son hardware, en gagne même, mais sa place à côté du téléviseur est de plus en plus contesté.

Fins de rêves

La Dreamcast de Sega s’est officiellement retirée du marché début 2001 après s’être écoulée à 8 millions d’exemplaires. Mais le culte de la dernière console de Sega perdure encore. Quelques jeux ont continué à être développés et sans successeur officiel, la Dreamcast garde sa place près du téléviseur et du cœur dès lors que l’on veut rejouer à un de ses jeux emblématiques ou rares et inédits ailleurs (ChuChu Rocket!, Power Stone, D-2, Blue Stinger, Cosmic Smash…). Devenue PSOne et redésignée, la PlayStation a refusé de lâcher prise même après la mise en vente de la PS2. La PlayStation 2 reliftée slim à son tour va suivre le même mouvement et continuera d’exister sur le marché en parallèle à l’arrivée progressive de la PS3 (le modèle PS2 Silver sort aux US et une version Pink en Europe cet hiver). Le 8 décembre, en Europe, la GameCube n’a plus aucune raison d’exister. Zelda Twilight Princess sera effectivement édité sur GameCube après la Wii mais, on l’aura compris, il peut très bien fonctionner tel quel et peut-être même plus joliment sur la Wii avec les manettes GameCube. Même si quelques jeux GameCube sont encore susceptibles d’être commercialisés, eux aussi fonctionneront sur Wii. Et quand un projet haut de gamme créatif comme la suite de Paper Mario : La Porte Millénaire prévu sur GameCube bascule en développement Wii, le doute n’existe plus de l’inutilité de la GameCube.

Perfection au carré

Ultra compacte et parfaitement réalisée dès sa conception, la GameCube n’a changé ni de contenu ni de forme. De nombreux coloris (noir, gris, orange, vert pal…) sont venus, selon les pays et les cultures, s’ajouter au violet original, quelques habillages associés à certains jeux (MGS Twin Snakes, Resident Evil 4, Tales of Symphonia…) ont bien tenté sans trop convaincre de les personnaliser, mais la GameCube a toujours gardé son impeccable intégrité d’origine même en se zébrant de noir au Japon pour une édition limitée associée à une équipe de baseball. Seules des fonctions additionnelles se sont autorisées d’altérer sa silhouette: le Game Boy Player qui une fois fixé comme un socle sous la console la surélève et la transforme en rectangle pour permettre de jouer sur télévision aux jeux Game Boy Advance. Et, bien sûr, le fameux modèle Q cosigné avec Panasonic exclusif au Japon : une GameCube chromée, sur pieds avec un petit écran LCD en façade et capable de lire des DVD vidéo.

Culte(s)

Plus que toutes les autres consoles qui ont continué de respirer après leur mort officielle, soit pour leurs jeux soit, encore comme la Dreamcast, parce que des bidouilleurs exploitent son contenu à d’autres fins, la GameCube est vouée sans regret software à la casse dès la sortie de la Wii à tout faire. A moins, bien sûr, que le lien très étrange, atachement difficilement explicable en dehors de la passion jeu vidéo, qui lie le joueur à la console qui lui a permis de vivre des expériences interactives inoubliables, élève la GameCube en objet fétiche, bibelot culte, réceptacle à phantasme vidé de sa fonction mais pas de ses souvenirs. Il n’empêche, consciemment ou pas de la part d’un Nintendo dont les consoles Nes et SuperNes font encore l’objet de cultes païens, le concept de Virtual Console de la Wii va faire la démonstration jusqu’aux jeux GameCube que si culte il doit y avoir, c’est autour des jeux, du loisir ou de l’art lui-même et non de son support mécanique que la magie doit perdurer, ou, éventuellement, être vénérée.

François Bliss de la Boissière

(Publié en le 31 10 2006 sur Overgame)

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NDE (Near Death Experience) : Prey

Chronique en vue subjective…

Prey vulve

« J’ai vu des choses que vous autres humains ne pourriez croire » lâche dans un dernier souffle le répliquant cosmique Roy Batty à la fin de Blade Runner. Un gamer peut revendiquer la même chose chaque jour. Dernièrement j’ai vu ma fiancée potentielle se faire aspirer par un rayon vert venu du ciel. J’ai assisté, impuissant, à la mise à mort de mon grand-père, chaman un peu fou mais inoffensif, empalé par les machineries infernales d’un sordide abattoir alien. J’ai pleuré sur des loques humaines psychiquement brûlées en train de gémir, en slip, recroquevillées dans des corridors malsains. J’ai évité de justesse les déjections projetées par des anus géants immondes. J’ai croisé des vagins muraux d’où sortaient, ou retournaient en rampant, des créatures innommables. J’ai dû marcher et me battre sur les murs et au plafond alors que Fred Astaire, lui, y dansait dans Royal Wedding en 1951. J’ai été pris au piège dans l’énigme d’un gigantesque et fluo Rubik’s Cube suspendu dans le vide. Aussi incrédule qu’un certain jour de septembre 2001, j’ai vu un avion de ligne venir s’écraser dans le ventre creux d’un vaisseau alien en pleine digestion. J’ai laissé derrière moi un bus scolaire en flammes. J’ai appris à manipuler des armes biomécaniques vivantes et écœurantes. J’ai massacré, pour survivre, des restes d’humanité greffés à des monstruosités extra-terrestres. J’ai piloté des navettes aliens à travers des espaces où l’on ne m’entendait pas crier, marché sur des lunes microscopiques, franchit des portails me transportant instantanément et sans explication d’un endroit à un autre. Moi terrien et rationnel, j’ai dû abandonner mon corps physique, me déplacer sous forme éthérée et faire confiance à un faucon, lui aussi réduit à sa forme astrale. Terrassé d’horreur, j’ai attendu et espéré, attendu et encore espéré un miracle avant d’achever de mes propres mains euthanasiques ma fiancée qui n’en finissait plus d’agoniser. J’ai joué Prey, et j’ai prié, oui prié, pour avoir ma vengeance. Et je l’ai eue.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’Art)

 


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Brando reloaded

Marlon Brando était un phénomène de son vivant et va sans doute continuer de l’être dans la mort. Décédé en 2004, l’acteur monstre n’a pas dit son dernier mot. On aurait dû s’en douter. Mort, mais finalement pas enterré, grâce aux nouvelles technologies l’homme facétieux fait un come back artistique qu’il n’aurait jamais assumé de son vivant.

Marlon Brando The Godfather (DR)

Tel un Elvis Presley, aperçu encore aujourd’hui ici ou là, Brando pouvait-il vraiment mourir ? Car, « bigger than life », l’acteur fait mieux que ses congénères immortels du royaume argentique : il réussit post-mortem à s’installer dans une nouvelle durée en s’invitant par une géniale intuition non préméditée dans l’ère digitale. Ressuscité par les nouvelles technologies, Brando se paie un come-back deux ans après sa mort sur les fronts simultanés du cinéma digital (Superman Returns), du jeu vidéo (Le Parrain, bientôt sur Xbox 360 et PSP) et du DVD avec la réédition d’Apocalypse Now agrémentée d’une scène inédite.

Super Brando

Précurseur de l’ère des guest-stars, l’acteur, déjà en pré retraite, accepte de jouer en 1978 le rôle du père de Superman en échange d’un cachet de plusieurs millions de dollars. A l’époque, Brando vient ouvertement ramasser un gros cachet dans un film commercial, et éphémère. Pourtant, aussi trivial que cela puisse paraître ces années là, l’acteur se taille, à l’insu de tous, une nouvelle tunique d’immortalité. Dans le film de Richard Donner, son personnage de Jor-El meurt et ressuscite partiellement en hologramme pour répondre aux questions de son fils Kal-El / Superman. Dans la bande-annonce du récent remake inavoué Superman Returns réalisé après la mort de Brando, la réutilisation de sa voix spectrale cautionne tout à coup le projet et l’élève vers une dimension métaphysique. « Lors du premier film, il a enregistré des mots dans un microphone mais pas devant la caméra », explique le Dr Frankenstein cinéaste, Bryan Singer, « la silhouette de Jor-El à nouveau projetée dans les cristaux de Krypton a été recréée à partir de photos granuleuses de Brando puis animée en plusieurs dimensions ». Un Brando d’outre-tombe, d’outre-espace et d’outre-temps convié à ressusciter un mythe moderne auquel, contre tous les pronostics, il restera autant attaché qu’à ceux des films d’Elia Kazan, Mankiewicz, Bertolucci ou Coppola.

Parrainage digital

D’après Phil Campbell, producteur du jeu vidéo Le Parrain chez Electronic Arts, Brando était spontanément intéressé par les nouvelles technologies quand il a accepté de participer à cette adaptation interactive. « Il avait une faculté d’émerveillement enfantine, il ouvrait grand les yeux en imaginant ce qui allait le surprendre et le réjouir dans le futur », confie Campbel. Le jeu vidéo utilise ainsi le physique et la voix originale de Brando dans le rôle de Don Corleone et de nouveaux dialogues enregistrés avant sa mort. Brando existe dorénavant sous une forme polygonale numérique propre à résister au temps et à s’adresser, comme Jor-El, à de nouvelles générations.

Immortels

Même si elles font entrer Brando dans une nouvelle immortalité digitale susceptible de prolonger celle de la pellicule argentique, ces esquisses de parrainages posthumes ne suffiraient pas à entériner le retour de Brando. Pour confirmer sa présence parmi les mortels, il faut le retrouver bien visible à l’écran en pleine maîtrise de son art. C’est acquis : cet été, Apocalypse Now (The Complete Dossier) est ressorti en DVD aux Etats-Unis accompagné de nouveaux suppléments. On y trouve une version longue (17′ au lieu de 1’30) de la scène à l’origine expérimentale où Brando, le Colonel Kurtz, lit le brûlant poème The Hollow Men de T. S. Elliot.
Dans les années 90, Alain Delon écrivait dans la revue La Règle du jeu : « Dieu fasse que Brando se porte bien… S’il lui arrivait quelque chose, ce serait la vraie fin. Et, ce jour-là, je serais cliniquement mort ». Delon a donc oublié ? Les stars du cinéma ne meurent pas vraiment. Plus vivant que jamais en 2006, Highlander parmi les Highlanders, Marlon Brando, désormais virtuel, est peut-être en passe de confirmer qu’il reste le « meilleur acteur de tous les temps ». Suite de la mutation en 2007 : en pleine renaissance numérique Brando interprète, enfin, dans le film d’animation Big Bug Man, son premier rôle de femme.

François Bliss de la Boissière

(Publié en août 2006 dans Chronic’art)

 


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E3 2005 : Le jeu vidéo fait son cinéma

Les nouvelles consoles présentées au salon annuel des jeux vidéo de Los Angeles font leur cinéma tout en ne voulant plus seulement jouer.

TéléObs E3 2005

Cela se passe au pied du downtown de Los Angeles, aux portes d’Hollywood, pendant le Festival de Cannes. Le Convention Center de L.A. accueille chaque mois de mai le grand raout annuel des jeux vidéo : l’Electronic Entertainment Expo, l’E3, ses 70 000 participants venus de 79 pays présenter et voire plus de 5000 produits. Un événement hypertrophié entre foire du trône à l’américaine où chaque stand cherche à attirer le passant dans un déchaînement d’images et de sons, salon professionnel où contrats et projets se discutent et se signent dans des back rooms privées, rendez-vous culturel avec conférences réunissant les éminences artistiques du milieu, et centre d’expositions cautionnées par l’Académie des Arts et Sciences Interactives et le Musée LACMA* de Los Angeles. Un délire dionysiaque électronique digne de l’activité bouillonnante du jeu vidéo qui rejette sans ménagement tout intrus ou curieux non averti.

Nouvelle génération, nouveaux challengers

Année charnière, 2005 signe le basculement vers une nouvelle génération technologique d’une industrie du jeu vidéo si étroitement liée au progrès informatique qu’elle est condamnée à l’éternel recommencement. Les trois constructeurs de consoles de jeux qui se partagent le marché des années 2000, Sony et sa PlayStation 2, Nintendo et sa GameCube et, surtout sa Game Boy, et le nouveau challenger Microsoft et sa Xbox ont présenté des nouvelles machines « Next -Gen » surpuissantes destinées à conquérir le marché des loisirs numériques des cinq prochaines années. Des machines à jouer capables d’aller sur Internet, de lire, télécharger, centraliser, films, musiques, photos, et communications, au point de ne plus vouloir s’appeler consoles de jeux mais centres de loisirs multimédia. « Super ordinateur de loisirs » ou « serveur de divertissement » s’affirme la PlayStation 3 de Sony et son inédit processeur CELL auto qualifié de « synthétiseur de réalité ». « Revolution » revendiquée chez Nintendo dont le projet encore mystérieux mais sans fil abrite des processeurs surnommés Hollywood (ATI) et Broadway (IBM) ! Microsoft, enfin, dont la Xbox 360 sortira la première fin 2005 en plaçant l’utilisateur au « centre de l’expérience » de « l’ère de la Haute Définition » comme l’explique Bill Gates en couverture du Time**.

Bad boys reloaded

Cette 11e édition de l’E3 entérine également une coopération de plus en plus étroite, quoique encore ambiguë, entre les industries du cinéma et du jeux vidéo. Après l’exploitation de films récents, les éditeurs cherchent à faire revivre les bad boys les plus célèbres de l’histoire du cinéma dans des productions interactives souvent bancales mais si lucratives. Ainsi, les attendues affiches géantes des prochains Batman Begins, Madagascar, Aeon Flux (Charlize Theron offre au jeu aussi sa voix et son physique) ou le plus prometteur King-Kong, côtoient les anciens James Bond, Scarface, Warriors (Walter Hill, 79), Taxi Driver, Dents de la Mer, ou Parrain et concurrencent celles des jeux les plus populaires (+ de 1000 titres inédits présentés !). Modeste domaine réservé d’acteurs peu connus (écouter la magnifique Linda Hunt en narratrice, Ron – Hellboy – Perlman est un habitué…), le doublage vocal de jeux vidéo devient aussi l’affaire d’acteurs de premier plan. Sans doute grâce aux zéros confidentiels récemment alignés sur des chèques par de gros éditeurs de jeux vidéo (Electronic Arts, Vivendi Universal…) mais aussi parce que cautionnés par le vrai parrain des acteurs modernes, Marlon Brando lui-même, qui, malicieux jusqu’au bout, a joué le jeu avant sa mort en 2004 en enregistrant de nouveaux dialogues du Godfather. Depuis, comme si le parrainage posthume valait pour blanc-seing, les autres suivent. Et tant pis si, non consulté, Francis Ford Coppola en est réduit à dénoncer et les méthodes et le résultat (Le Parrain n’est pas un film d’action, le jeu, oui). Robert Duvall et James Caan ont enregistré de nouveaux dialogues pour une adaptation du Parrain. Sans aller jusqu’à redonner de la voix, Al Pacino a accepté de réapparaître en Tony Montana dans un Scarface virtuel. Sean Connery refait du 007 sur Bons Baisers de Russie, et le grand Clint a dit oui à Warner pour prêter sa voix et son physique à des aventures interactives de L’Inspecteur Harry. Les séries TV les plus célébrées se convertissent également, avec notamment la présence de Kiefer Sutherland sur le jeu 24h Chrono, Vincent d’Onofrio sur New York District, tandis que Les Sopranos sont en discussion. Une participation des acteurs devenue si importante que la puissante SAG (Screen Actors Guild) envisage la grève pour renégocier des cachets ne tenant pas compte jusqu’ici des royalties sur les ventes de jeux vidéo. François B. de la Boissière

* (Los Angeles County Art Museum)
** Edition du 23 mai 2005

François Bliss de la Boissière

(Publié le 3 juin 2005 dans TéléCinéObs)

 


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La DS : Miyamoto’s Touch

Dans sa jeunesse, Shigeru Miyamoto fabriquait des marionnettes pour se distraire. Faut-il s’étonner alors que, lorsqu’on lui demanda d’inventer un jeu vidéo inédit dans les années 80 envahies par les shoot’em up, il présenta les aventures d’un petit personnage en salopette qui devait courir pour libérer une jeune fille des griffes d’un vilain gorille ?

Miyamoto photo © bliss_bigA

Déjà, en faisant sauter Mario (…nnette, une des origines supputées du prénom célèbre) de plateformes en plateformes, il s’agissait de donner un poids physique et existentiel à des pixels. En mariant avec la candeur d’un génie les chocs précis de Pong et l’errance libre de Pac-Man, le jeune créateur de jeu inventait le mélange de burlesque et d’émotion qui caractérisera toute sa production. Dès ses débuts quasi accidentels dans le jeu vidéo, Miyamoto cherche le double équilibre où pesanteur des pixels et distance précise de contact avec les objets et décors des mondes rudimentaires de l’époque, deviennent les garants palpables d’une existence, même ludique, dans l’écran. Ce principe d’intégrer dans le gameplay même des jeux les moyens d’éprouver directement ou indirectement le monde virtuel de l’intérieur, toujours sous couvert d’amusement ou de challenges, Miyamoto ne cessera jamais de l’explorer.

Mario, Luigi, Samus, Link, Yoshi… s’arrachent à la pesanteur

C’est cette obstination qui lui permet d’entraîner les ingénieurs Nintendo vers la concrétisation que l’on croit impossible d’un univers en 3D avec Super Mario 64 puis Zelda : Ocarina Of Time. Son besoin de faire exister un monde virtuel concret en donnant au joueur tous les moyens physiques de le tester s’exprime depuis plus de 20 ans dans tous les jeux qu’il supervise. Que l’on pense à Mario donnant inlassablement des coups de tête dans tous les plafonds en briques sur son chemin. Que l’on pense à la fraction de seconde ou le petit dino Yoshi reste suspendu au sommet de son saut, moment éphémère et pourtant si poignant où l’on ressent le « poids » d’un petit animal, déjà plus tout à fait virtuel, cherchant à s’arracher à sa propre pesanteur. Que l’on pense à Samus Aran de Metroid nous prouvant la solidité de son monde extra-terrestre en rebondissant athlétiquement d’un mur à l’autre. Que l’on pense à Luigi tapotant tout le mobilier du manoir où son frère a disparu ou, plus vertigineux encore et annonçant, au fond, la Dual Screen, le même Luigi faisant face au joueur et frappant la vitre de la télévision en appelant Mario ? Déjà Luigi/Miyamoto ne se contente plus de vérifier le monde virtuel intérieur, il vient interroger le monde réel. La révélation récente du surprenant projet Dual Screen avec son écran tactile devient alors une évidence. On oserait presque dire l’aboutissement de l’aspiration de Miyamoto à trouver le point exact de jonction entre les mondes virtuels et réels.

La quête de Miyamoto

Même si elle passe avec un succès inouï par le jeu vidéo, la quête de Miyamoto est toutefois ailleurs. Avec la persistance obsessionnelle d’un génie transcendant les outils mis à disposition dans son siècle, Shigeru Miyamoto adapte chaque jour à sa vision le monde qui l’entoure. Lui seul saura peut-être un jour s’il a atteint son but. Que cette quête personnelle ait emprunté et quasiment inventé au passage le médium jeu vidéo sous sa forme moderne pour, en plus, réussir à communiquer aussi intimement et généreusement avec des millions d’enfants et d’adultes, révèle une stature unique impossible à mesurer de son vivant. Un artiste de poids assurément.

Lire aussi : DS : Nintendo met le doigt sur le futur

François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Nintendo met le doigt sur le futur

La console à écran tactile Dual Screen (DS) que vient d’inventer Nintendo va beaucoup plus loin que d’offrir simplement une nouvelle interface de jeu. Elle met littéralement à portée de mains la matière numérique jusque là observable mais insaisissable. Après la percée insouciante du jeu, tous les outils numériques utiliseront bientôt ce genre d’interface. Nintendo est le premier à nous tendre la main vers la matrice. Demain, forcément, nous y pénétrerons corps et âmes. En attendant, nous effleurons le futur.


DS electric blue

Nintendo a présenté aux États-Unis une console portable d’un tout nouveau genre. Grande sœur émancipée de la GBA SP, la DS est constituée de deux écrans dont la gémellité spectaculaire cache une autre innovation faisant date : la surface tactile de l’écran du bas. Après des années de recherches et d’inventions pour assouplir l’interface homme-machine à jouer (manettes avec croix directionnelle, boutons latéraux, contrôle analogique fin, disposition recherchée des boutons, vibration interactive, connexion sans fil…), Nintendo vient d’atteindre le seuil suprême de l’ergonomie en supprimant purement et simplement la manette de jeu si chère aux joueurs et si incongrue aux non pratiquants. Pour jouer et manipuler les futurs jeux de cette provisoirement nommée Dual Screen, il suffit de savoir tenir un stylet comme un stylo ou, encore plus spontanément : son doigt.

Contact toujours plus intime

Si le principe existe déjà sur PDA, les premières expériences interactives Dual Screen vont beaucoup plus loin, non seulement en proposant des vrais jeux innovants, mais aussi en concrétisant une interface tactile si intuitive et performante de volumes en 3D qu’elle pourrait trouver des applications dans bien des domaines : télécommandes diverses, téléphones mobiles, tablettes PC et n’importe quelle surface de contrôle à vocation conviviale et donc tactile… Outre la précision et la simplicité réussie de l’interface qui, encore une fois, fonctionne aussi bien au stylet qu’au doigt – ou au coton tige si l’on craint de rayer un écran déjà plus résistant que tout ce qui existe – c’est le lien de plus en plus étroit de l’homme avec la matière numérique qui marque ici une étape véritablement majeure des relations humaines avec le virtuel. Cette fois, plus de métaphores, l’humain touche vraiment du doigt un matériau numérique qu’il manipulait jusque là de loin à l’aide de nombreux artifices mécaniques : manette, clavier, souris, volant, gants expérimentaux…

Numérique, matière malléable

Même si ce contact se limite encore à la froideur lisse de l’écran, la consistance, la souplesse et la soumission des objets ou êtres vivants virtuels animés en volume derrière l’écran initient brusquement une nouvelle forme de rapport si intime avec le numérique qu’elle rend de facto toutes les autres obsolètes. Cette interface ludique révèle tout à coup que, en dehors de tout jeu, le matériau numérique livré à l’état brut a le potentiel de redevenir une matière malléable comme la glaise ou la pâte à modeler propre à la sculpture et donc, à la modélisation d’un monde. Mis à part la force de pression et la vibration réactive non incluses (cela ne saurait tarder) sur cette première version de console destinée à être commercialisée à grande échelle, l’écran tactile de la Dual Screen réagit finement à la quantité de surface pressée (de la précision chirurgicale d’un pixel à la « lourdeur » de plusieurs doigts). La durée de la pression comme la vitesse de déplacement du doigt sont autant de signaux interactifs avérés confortant la relation physique du corps humain avec la matière à l’affût derrière l’écran.

Nouvelle ère programmée

La console Nintendo Dual Screen est peut-être présentée à l’Homme comme un simple objet ludique destiné à réconcilier tout le monde autour du jeu vidéo, mais on peut aussi y voir une avancée sans précédent, et dorénavant nécessaire, dans le rapport qu’entretient l’homme, parfois malgré lui, avec l’espace informatique jusque là insaisissable. Au moment où la démocratisation de l’Internet entraîne toutes les couches de la population au dialogue quotidien avec l’intelligence numérique, la console Dual Screen, à la fois expérimentale et formatée pour le grand public, est le premier pas, volontaire ou non, vers une nouvelle ère dorénavant programmée. Signe des nouveaux temps modernes, l’oublié précurseur du jeu vidéo des années 80, Nolan Bushnell (Pong, Atari), travaille à l’heure actuelle lui aussi sur des jeux à écran tactile.

Quand le virtuel devient concret

Tout à coup indispensable, après des années d’abstraction intellectuelle, la relation avec le virtuel devient concrète, tangible. à cause de cette toute nouvelle aptitude à manipuler sans complexe avec une main biologique la matière virtuelle jusque là enfermée dans son propre univers numérique, une ligne vient d’être franchie. Sûrement blanche pour certains, déjà pointillée pour les joueurs. Ténue, la frontière entre le réel et le virtuel est cette fois vraiment critique. Dès la sortie de la Dual Screen la fusion des deux mondes sera pour de bon d’actualité. Qui mangera qui ? Pour l’instant c’est bien l’homme qui caresse le Pokémon gazouillant derrière l’écran. Mais demain ? Déjà, enfermé dans son jardin virtuel au creux de notre main, le petit Pikachu ricanant réclame toutes les attentions : il faut lui gratter le dos, le nourrir, le caresser dans le sens du poil. De quel côté va s’ouvrir la fenêtre ?

Sur le même sujet lire : Miyamoto’s Touch


François Bliss de la Boissière

(Inédit de juin 2004 destiné au mensuel mort né GameSelect)

 


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Full Spectrum Warrior : Les tics de la guerre

Jeu public conçu pour l’armée US, Full Spectrum Warrior mérite toutes les suspicions morales et politiques. Contre toute attente, il remet avec intelligence de la dignité dans le grand désordre militaire qu’offre avec complaisance l’industrie du jeu vidéo. Preuve glaçante d’un médium assez irresponsable pour accepter sans discussion l’Armée en son sein, et pour lui laisser un discours de la raison.

Full Spectrum Warrior

Au commencement de chaque conflit armé proposé par un jeu vidéo ou un autre, qu’il soit sérieux ou fantaisiste, qu’il se veuille politiquement correct ou assume son révisionnisme revanchard, la célèbre question du soldat John J. Rambo à son mentor le Colonel S. Trautman est tacitement posée : « Cette fois-ci, on y va pour gagner ? » Évidemment oui. Et pour le faire bien, on offre au joueur un arsenal et des capacités invraisemblables. L’interface 3D la plus moderne du jeu vidéo est même née de là avec un Wolfenstein tristement célèbre, où le joueur fonçait dans un bunker nazi terminer le travail « inachevé » en 1945 en tuant Hitler de ses propres mains. Le succès inattendu d’un tel jeu, underground en 1992, reste sa meilleure excuse. Au XXIe siècle cependant, tous les conflits vidéoludiques ont lieu au grand jour, sont traités et vendus comme des productions à grand spectacle, soit disant dignes de la grande Histoire où ils puisent leurs péripéties. Pourtant, malgré toutes les cautions historiques et cinématographiques justifiant l’industrie du jeu vidéo, et même en attribuant aux scénaristes et concepteurs la volonté de respecter scrupuleusement les faits historiques, l’interactivité dite de loisirs, oblige ontologiquement à modifier le cours des évènements. Car il y a les faits objectifs connus, et il y a le joueur qui doit pouvoir agir et changer le cours des choses, sinon dans son ensemble – on ne propose pas de gagner une guerre historiquement perdue, mais sûrement dans le détail avec des moyens plus ou moins ouverts et farfelus pour gagner. Bien que le joueur endosse le rôle et le costume d’un soldat, sous prétexte de liberté interactive, son comportement le condamnerait le plus souvent à un tribunal militaire.

À vos ordres

Commandité et validé par l’Armée US à un studio de développement américain, jetant deux escouades militaires surentraînées dans un pays fictif du Moyen-Orient qui ne trompera personne, simulation militaire réaliste supposément destinée à l’entraînement ou à la distraction des troupes américaines avant de devenir aussi un produit commercial, Full Spectrum Warrior ne pouvait être qu’un instrument de propagande. Son gameplay extrêmement concentré, sa rigueur conceptuelle et sa réalisation au spectaculaire habilement soumis à la discipline d’une simulation militaire sans fard, crèvent tous les repères et redonnent une noblesse à l’exercice de la guerre au-delà de la pseudo carthasis interactive proposée, au mieux, par tous les autres jeux de guerre. Si propagande il y a derrière FSW, ce sera celle de rappeler que la guerre du XXIe siècle telle qu’elle est enseignée et officiellement pratiquée, ne souffre d’aucune négligence et surtout, ne tolère aucune mort. En tous cas du côté de l’armée des « justes », puisque l’on ne choisit pas son camp.

Du plomb dans la tête du joueur

La réussite troublante du fond et de la forme de FSW repose sur une série de paradoxes propres à remettre du plomb dans la tête du joueur facilement ébloui par les feux d’artifices de l’artillerie militaire. FSW brouille les repères physiques et moraux habituels du jeu vidéo. Contrairement à un jeu de stratégie temps réel, la caméra est avec les soldats, mobile, au ras du sol. Contrairement à un jeu d’action standard, le joueur n’investit pas un soldat en particulier, n’appuie jamais sur la gâchette : il dirige deux groupes de 4 fantassins maîtrisant, eux, parfaitement leur métier de militaire. Les chiens fous pressés d’en découdre n’ont pas leur place dans cette armée de techniciens et de tacticiens. Avec une organisation rigoriste des missions visiblement inspirée de véritables exercices militaires, FSW oblige à prendre son temps, à planifier alternativement, et au mètre près, les déplacements de ses deux escouades dans une ville désertée. Le traditionnel point du vue divin des RTS est abandonné pour plaquer le joueur au cœur de l’action avec une mise en scène subjective façon caméra embarquée complètement inspirée par le film La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott, esthétique de couleurs saturées et musique à la Hans Zimmer incluses.

Le cerveau la meilleure arme

Chaque décision compte, et le cerveau est sans doute la première arme que l’on demande d’exploiter. Évidemment pas pour porter un jugement sur la validité de la guerre menée, un soldat reste un soldat, mais pour assurer une victoire de chaque instant de guerre. De fait, tout en offrant une expérience de jeu unique, et sans tomber dans la caricature de la discipline militaro-boy-scout décérébré, FSW redessine des valeurs essentielles (la vie, la mort, la réflexion, la camaraderie, l’entraide, l’autodiscipline…) que le jeu vidéo piétine allègrement depuis toujours. Ce jeu là ne crée certainement pas une conscience vis à vis d’un monde encore soumis à la dictature militaire, en revanche il revalorise un minimum la dignité et le comportement humain et, ce faisant, offre au jeu vidéo une éthique qui lui fait gravement défaut. Il faudra alors un jour s’expliquer sur une industrie du jeu vidéo assez folle pour laisser l’Armée elle-même venir lui faire la morale, de l’intérieur.

François Bliss de la Boissière

(Juin 2004, inédit prévu pour le mort né mensuel GameSelect)

 


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Comme dans la rue, pas de minimum requis. Ça fera plaisir, et si la révolution des microtransactions se confirme, l’auteur pourra peut-être continuer son travail d’information critique sans intermédiaire. Pour en savoir plus, n
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